Travaux de la commission des affaires sociales



Mercredi 2 février 2005

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Table ronde - Droits des malades et fin de vie - L'accompagnement de la fin de vie

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a poursuivi ses auditions sur la proposition de loi n° 90 (2004-2005) relative aux droits des malades et à la fin de vie.

M. Nicolas About, président, a rappelé que l'ensemble des sénateurs ont été conviés à participer à la table ronde qui réunit aujourd'hui le Dr Jean-Philippe Wagner, président de la Fédération « Jusqu'à la mort accompagner la vie » (JALMALV), M. Alain Monnier, président de l'Association pour le développement des soins palliatifs (ASP) et le docteur Jean Cohen, président de l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).

M. Gérard Dériot, rapporteur, a souhaité que les intervenants puissent formuler un propos liminaire leur permettant de se présenter et de préciser leurs positions respectives sur la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale.

M. Jean Cohen a remercié, en préambule, le président et le rapporteur d'avoir bien voulu l'inviter à participer à la table ronde. L'association pour le droit à mourir dans la dignité n'a pas été entendue, ès qualités, par la mission d'information présidée par M. Jean Leonetti à l'Assemblée nationale et n'a été amenée à exposer son point de vue que dans les ultimes travaux préparatoires au dépôt de la proposition de loi relative aux droits des maladies et à la fin de vie.

Il a ensuite observé qu'une personne gravement malade se trouve devant les termes d'une alternative : soit elle demande à être accompagnée dans ses derniers instants, sans qu'ils soient écourtés, soit elle considère que sa situation ne peut s'améliorer et, parce qu'elle est contraire à l'idée qu'elle se fait de sa dignité, elle réclame à mourir. Il a estimé que, dans ce dernier cas, cette demande est légitime et devrait être satisfaite.

Il a insisté sur les apports et les lacunes de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale. Ce texte rassure le corps médical, notamment en fournissant une base légale aux décisions d'euthanasie passive, mais il ne répond en rien aux demandes de l'AMD, qui réclame l'introduction en France des droits accordés aux malades dans les pays du nord de l'Europe, notamment les Pays-Bas et la Belgique. Il a estimé que la présentation négative faite par M. Jean Leonetti du bilan de la dépénalisation de l'euthanasie dans ces pays ne reflète pas la réalité et que le vote d'une loi a constitué une grande avancée pour les sociétés belges et hollandaises.

M. Alain Monnier a présenté l'Association pour le développement des soins palliatifs. Cette association, qui rassemble des accompagnants bénévoles de personnes en fin de vie, a été créée en 1984 par deux infirmières, dont l'une est depuis devenue médecin anesthésiste et l'autre haut fonctionnaire. L'association a eu pour premier but de promouvoir une charte définissant la notion de soins palliatifs et la mise en place des premières unités consacrées à ces soins dans les structures hospitalières. Elle rassemble désormais trente équipes et 250 bénévoles.

Il a ensuite insisté sur les progrès apportés par la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale, qui comporte quatre motifs de satisfaction : l'inscription dans la loi du refus de l'obstination déraisonnable des soins, la possibilité pour le patient de refuser tout ou partie d'un traitement, la clarification des modalités de prise de décision quant à la poursuite de traitement par les personnels soignants et, enfin, une nouvelle affirmation législative de l'importance des soins palliatifs.

Il a estimé qu'arrêter la vie d'un patient ne constitue pas une réponse à sa douleur, à celle de sa famille ou à celle de l'équipe soignante. Il a jugé dangereuse l'idée d'institutionnaliser une transgression, par le vote d'un texte dépénalisant l'euthanasie, considérant qu'une loi est destinée à traiter les cas généraux, et non des situations exceptionnelles.

M. Jean-Philippe Wagner a indiqué qu'il exerce la profession de médecin cancérologue tout en menant une activité de bénévole. Il a précisé que durant ses études de médecine à Grenoble, il était infirmier et s'était trouvé dans l'obligation de pratiquer des euthanasies. À cette époque, le traitement de la douleur en France en était à ses balbutiements et cette expérience a constitué un élément déterminant de son engagement militant actuel. Il a rappelé que l'Association « Jusqu'à la mort accompagner la vie » a été créée au milieu des années 80 à l'initiative du professeur René Shaerer, cancérologue à Grenoble. Une proposition de loi relative à la fin de vie avait alors été examinée au Parlement, faisant craindre un engagement de la société sur la pente glissante conduisant à la légalisation de l'euthanasie. Désormais, l'Association JAMALV s'est jointe à l'Association pour le développement des soins palliatifs au sein de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), ces trois mouvements étant complémentaires.

Il a ensuite exprimé sa satisfaction que la proposition de loi réponde aux nombreuses attentes qu'elle a suscitées en termes de prise en charge des patients et d'amélioration de leur qualité de vie et que, tout en préservant la vie, elle institue un droit de laisser mourir les malades en les accompagnant.

M. Gérard Dériot, rapporteur, a rappelé que, lors des travaux de la mission d'information de l'Assemblée nationale, certaines personnalités auditionnées ont dénoncé l'existence de pratiques tendant à abréger l'existence des patients en fin de vie. Il s'est interrogé sur la véracité d'un tel constat et sur les conséquences que pourrait avoir la dépénalisation de l'euthanasie sur ces pratiques.

M. Jean-Philippe Wagner a estimé entre 100.000 et 150.000 cas annuels les décès imputables à un arrêt des soins de réanimation, soit la moitié des décès survenant dans ces services. Il a évalué à 2.000 le nombre annuel d'euthanasies actives clandestines réalisées avec l'accord du patient, ces chiffres ne rendant pas compte de la pratique qualifiée de « crime compassionnel », qui vise l'euthanasie contre, ou en l'absence de l'accord du malade.

M. Jean Cohen a confirmé ces chiffres mais a estimé que le débat doit surtout porter sur la qualité de vie. Or, les patients souhaitent être eux-mêmes juges de cette qualité et, pour certains d'entre eux qui savent qu'ils vont mourir, pouvoir choisir la date de leur décès.

Il a estimé à 500 le nombre de demandes formulées en Belgique pour une euthanasie active et a rappelé que dans l'Oregon, aux Etats-Unis, 12 % seulement des personnes ayant souhaité bénéficier d'un suicide assisté accomplissent finalement ce geste.

M. Bernard Cazeau a observé que la loi constitue une avancée pour certaines difficultés laissées en suspens par les textes précédents, mais qu'elle n'aborde pas le problème des personnes, notamment tétraplégiques, qui, tout en étant loin de la mort naturelle, refusent leur état et demandent que leur existence soit abrégée. Il a jugé courageuse l'initiative prise par les pays du nord de l'Europe et a interrogé les représentants des associations de soins palliatifs sur les modalités de traitement qu'ils seraient susceptibles d'offrir à des personnes lourdement handicapées, mais non en fin de vie, qui souhaitent mourir.

M. Jean-Pierre Godefroy a aussi estimé que le texte adopté par l'Assemblée nationale règle certains problèmes, mais demeure en retrait par rapport aux autres propositions de loi déposées sur le bureau des assemblées sur le même sujet. Il a estimé injuste la situation des personnes qui sont dans l'incapacité physique de mettre fin à leurs jours, alors qu'en définitive toute personne valide dispose de cette faculté.

M. Jean-Philippe Wagner a conseillé la lecture des livres de Vincent Humbert et du Dr Frédéric Chaussoy pour appréhender le cas des grands tétraplégiques. Cette expérience pourrait servir de référence dans le cadre de l'enseignement des soins palliatifs : l'histoire médicale de Vincent Humbert montre que, par trois fois, son cas particulier aurait pu être réglé en évitant l'acharnement thérapeutique. L'amélioration de la démarche palliative n'empêchera pas certaines demandes, notamment des personnes tétraplégiques ou de celles atteintes de la maladie de Charcot : il convient alors simplement que la médecine ne s'obstine pas.

M. Alain Monnier a estimé que la loi ne peut prétendre résoudre toutes les difficultés posées par la fin de vie et que le législateur doit agir en pesant soigneusement les bénéfices attendus d'une modification de la loi et les risques qu'une telle modification ferait courir. Il a fait état de sa propre expérience, au cours de laquelle il n'a jamais rencontré de patient demandant qu'il soit mis fin à ses jours, hormis un homme de quarante-deux ans en situation de rechute, qui l'évoquait en raison de la souffrance physique et morale causée par la maladie, à lui-même et à ses proches. Or, cet homme disait en même temps n'avoir pourtant pas perdu toute espérance.

M. François Autain a déploré le fait que, pour prévenir toute évolution législative, les opposants à l'euthanasie tentent d'en changer la définition. Il a déclaré en avoir pour sa part recensé plus d'une douzaine de formes dans le texte de la proposition de loi, chacune recouvrant des réalités très différentes. Il a contesté que l'euthanasie soit uniquement définie comme un acte délibéré pour mettre fin à la vie d'une personne malade et a jugé hypocrite la pratique consistant à mettre indirectement fin à la vie d'une personne malade en lui injectant une substance antalgique destinée à diminuer sa douleur. La proposition de loi a finalement pour seul objet de dépénaliser l'euthanasie passive, un cas ayant fait l'objet de poursuites judiciaires.

Il a ensuite demandé à M. Alain Monnier s'il estime que la loi du 9 juin 1999 visant à garantir l'accès aux soins palliatifs est convenablement appliquée, attendu que, seuls, une cinquantaine de départements sont actuellement pourvus d'unités médicales susceptibles de prodiguer de tels soins.

Il s'est enfin étonné que le dernier article de la proposition, qui tendait à augmenter le produit des droits de consommation sur les tabacs pour financer l'amélioration de la prise en charge des personnes en fin de vie, ait été supprimé.

M. Nicolas About, président, a fait valoir que si elle évoque de nombreuses hypothèses d'accompagnement de fin de vie, la proposition a pour effet de repénaliser toutes les pratiques qui n'y sont pas mentionnées, pour mettre fin aux euthanasies clandestines. Il a en outre observé qu'un usage correctement dosé de la morphine peut soulager efficacement le malade sans pour autant le tuer.

M. Gérard Dériot, rapporteur, a rappelé que la suppression du dernier article de la proposition de loi relève de la pratique classique de la levée de gage par le Gouvernement, ce dernier s'engageant ainsi à couvrir la dépense nouvelle entraînée par les dispositions du texte.

M. André Lardeux s'est interrogé sur l'opportunité d'offrir au patient la faculté de demander l'arrêt de son alimentation et sur les conséquences qu'une telle demande pourrait avoir pour les enfants polyhandicapés, les personnes souffrant d'anorexie mentale ou celles ayant engagé une grève de la faim.

Il a également souhaité connaître la position des différents intervenants sur le testament de vie.

Il a enfin interrogé le Dr Jean Cohen sur la portée d'une citation de M. Nicolas Aumonier, personnalité auditionnée par la mission d'information de l'Assemblée nationale, pour qui le concept de dignité dont se sert l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD) est un concept stoïcien, aristocratique, hiérarchique et, en définitive, non démocratique.

M. Jean Cohen a observé que le jeune Vincent Humbert supportait de grandes souffrances physiques et morales et avait exprimé son désir de mourir de manière réitérée et lucide. Sa mort et l'émotion suscitée par cette affaire dramatique dans l'opinion publique ont encouragé la constitution d'une mission d'information à l'Assemblée nationale. Concernant la notion de dignité, il a considéré qu'elle peut s'apprécier soit à travers le regard porté par les autres sur une personne, soit par le regard que l'individu porte sur lui-même. Il a estimé enfin qu'ouvrir la possibilité au patient d'un refus de l'alimentation aboutissant à une mort lente, tout en lui refusant le bénéfice d'une euthanasie, n'est pas exempte d'une certaine hypocrisie.

M. Jean-Philippe Wagner a signalé que la mise sous alimentation artificielle était jusqu'à présent prescrite automatiquement, peut-être aussi en raison de la crainte du praticien de se voir accuser de non-assistance à personne en danger. Il a souhaité que la proposition de loi permette désormais aux praticiens de réfléchir davantage à son bien-fondé avant d'y procéder. Il a observé que la question des enfants ou des personnes lourdement handicapées pose des problèmes spécifiques, différents de celui des patients en fin de vie. Il a enfin déclaré que bien que non-croyant, il a toujours considéré que la dignité d'une société se mesure à sa capacité à gérer, avec humanité, les personnes âgées ou handicapées fortement dépendantes.

M. Alain Monnier a estimé que la loi du 9 juin 1999 a été accompagnée des moyens nécessaires à sa mise en oeuvre et a permis de véritables avancées en matière de soins palliatifs. La proposition de loi en cours d'examen permettra de mettre l'accent sur la réflexion préalable et nécessaire à la mise en oeuvre de ces soins.

Mme Bernadette Dupont a estimé nécessaire de confirmer que l'éthique doit être au coeur du débat sur la fin de vie. La souffrance des malades est parfois difficile à supporter, tant pour le patient lui-même que pour ses proches qui l'observent et l'accompagnent, ce regard pouvant parfois lui donner le sentiment que la vie ne vaut plus la peine d'être vécue. Elle s'est inquiétée des risques de dérapage vers un certain eugénisme qu'une position compassionnelle pourrait faire courir et a insisté sur l'impossibilité de délier l'éthique et la loi.

M. Guy Fischer a rappelé qu'il est cosignataire de la proposition de loi de François Autain et a affirmé partager la sensibilité de Jean Cohen. Il a estimé que le débat au Sénat pourrait ne pas se révéler aussi consensuel que celui conduit à l'Assemblée nationale. Il a enfin dénoncé l'écart existant entre les déclarations d'intention des pouvoirs publics et les moyens réels mis à la disposition des équipes hospitalières, pour l'accueil et la prise en charge des patients en fin de vie.

M. Jean-Philippe Wagner a observé que la mise en place de la tarification à l'activité permettra une cotation du « groupe homogène soins palliatifs » à un niveau équivalent à celui de la réanimation et qu'elle devrait inciter les gestionnaires à prévoir, dans leurs établissements, des lits dédiés à cette activité.

M. Jean Cohen a rappelé que l'ADMD soutient la démarche des soins palliatifs, mais qu'elle estime que cette dernière ne répond pas aux souhaits de certaines personnes de décider du moment de leur mort. Il a insisté sur la nécessité de prévoir une clause de conscience pour les médecins qui ne souhaiteraient pas pratiquer d'euthanasie, comme il en existe au bénéfice des praticiens refusant de pratiquer des interruptions volontaires de grossesse. Il a enfin jugé d'une grande utilité le testament de vie, car il permet de faire connaître au corps médical la volonté des personnes qui ne sont plus en état de la manifester.

Mme Isabelle Debré a exposé le cas d'une personne sortie d'un coma profond prolongé quelques minutes avant que l'équipe soignante ne mette fin à son assistance respiratoire. Elle s'est inquiétée des dérives potentielles résultant de l'application stricte des dispositions figurant au testament de vie et a jugé que l'on peut être amené à changer d'avis lorsque l'on vit réellement une situation qui n'était auparavant qu'hypothétique.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est interrogée sur les conditions de naissance d'enfants polyhandicapés. Elle a par ailleurs estimé que tout acte médical est palliatif et qu'il convient de ne pas dérober à une personne le moment de sa mort.

M. Jean Cohen a observé que chacun doit être le juge de sa dignité et s'est dit favorable à la déclaration de volonté qui permet aussi de désigner une personne de confiance susceptible d'agir pour le compte du malade et dans son intérêt.

M. Jean-Philippe Wagner a confirmé que toute médecine comporte une dimension palliative et qu'il convient, dans la formation médicale, de faire prendre conscience de l'importance de la prise en charge du patient lui-même.

M.  Gérard Dériot, rapporteur, s'est interrogé sur les portées pratiques de la mise sous sédation des malades.

M. Claude Bertaud a insisté sur l'utilité de prendre en charge la famille et la souffrance des proches dans les moments de fin de vie d'un patient.

M. Michel Esneu s'est interrogé sur l'opportunité, pour les médecins, de porter un diagnostic sur le temps restant à vivre d'un patient et d'en faire part au malade. Cette pratique risque en effet d'encourager les demandes d'euthanasie, parfois sans fondement lorsque le diagnostic est erroné.

M. Jean-Philippe Wagner a déclaré qu'il s'interdit de formuler des pronostics sur la durée de vie restant d'un patient, les pulsions de vie de chacun rendant l'évolution d'un diagnostic difficile à prévoir. Il a précisé que la sédation est très utilisée dans le travail accompli par la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFASP), parce qu'elle calme efficacement l'angoisse et la douleur. Il a mis en garde contre une démarche ayant cours aux Etats-Unis, consistant à opposer soins utiles et soins futiles, qui conduit certaines cliniques à afficher clairement qu'elles ne prennent pas en charge certaines pathologies ou qu'elles ne procèdent pas à la réanimation des patients au-delà d'un certain âge.

M. Jean Cohen a plaidé pour que le législateur ne ferme pas la porte à ceux qui demandent la faculté de choisir leur mort, un encadrement législatif permettant par ailleurs de mettre fin à des pratiques clandestines.

Mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante - Désignation des membres de la commission

Puis la commission a procédé à la désignation des membres appelés à la représenter au sein de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.

Ont été désignés : MM. Gilbert Barbier, Paul Blanc, Gérard Dériot, Mme Sylvie Desmarescaux, MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Gournac, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, MM. Roger Madec, Roland Muzeau, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

Sécurité sociale - Convention nationale médecins libéraux et assurance maladie - Audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM)

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Nicolas About, président, la commission a procédé à l'audition de M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (UNCAM), sur la convention organisant les rapports entre médecins libéraux et assurance maladie.

M. Frédéric Van Roekeghem a tout d'abord rappelé que la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie s'inscrit dans la continuité de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie, et notamment des dispositions prévoyant la mise en oeuvre d'un parcours de soins par l'instauration du médecin traitant et la possibilité de pratiquer des dépassements d'honoraires pour les patients qui consultent des médecins spécialistes sans prescription préalable de ce médecin traitant.

Il a indiqué qu'il a préalablement pris connaissance, conformément aux nouvelles règles de gouvernance de l'assurance maladie, des orientations arrêtées par le conseil de l'UNCAM et a reçu mandat du collège des directeurs pour mener la négociation conventionnelle. Les instances de l'UNCAM ont ainsi souhaité que la convention définisse un parcours de soins coordonné, garantisse l'accès aux soins et détermine les objectifs à atteindre en matière de maîtrise médicalisée des dépenses.

M. Fréderic Van Roekeghem a indiqué que les parties à la négociation ont fait le choix d'une convention unique qui permet de coordonner le parcours de soins entre médecins généralistes et médecins spécialistes. Plus de vingt réunions ont été nécessaires pour déterminer les principes du parcours de soins coordonné, les règles d'accès direct à certaines spécialités (gynécologie, ophtalmologie) et les principes de la maîtrise médicalisée des dépenses. Cette première étape a fait l'objet d'un accord entre l'ensemble des partenaires à la négociation.

Un deuxième cycle de réunions a ensuite porté sur les règles de rémunération des différents acteurs du parcours de soins. Cette seconde phase a été moins consensuelle pour des raisons liées à l'encadrement financier au parcours de soins et notamment la question de la convergence entre les statuts de médecin référent et de médecin traitant. L'impossibilité d'aligner ces statuts, en raison du coût de cette mesure de généralisation, a conduit à proposer d'autoriser le renouvellement, une fois seulement, de l'engagement de désignation du médecin référent. Ensuite, seul le statut de médecin traitant sera applicable. Un avenant conventionnel précisera, avant le 15 novembre prochain, les règles de convergence entre les dispositions conventionnelles régissant le médecin référent et le nouveau parcours de soins. Jusqu'à cette date, les contrats en cours demeurent valides.

La convention a été paraphée le 12 janvier 2005 par trois syndicats sur cinq : la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), le syndicat des médecins libéraux (SML) et Alliance, MG France et la fédération des médecins de France (FMF) n'ayant pas souhaité adhérer. Elle doit maintenant être agréée par le ministre des solidarités, de la santé et de la famille avant d'entrer en vigueur.

M. Fréderic Van Roekeghem a indiqué qu'à la suite de cet accord conventionnel, les assurés sociaux doivent choisir leur médecin traitant. Plus de 12 millions de formulaires ont d'ores et déjà été envoyés et les premières indications disponibles font apparaître une adhésion des assurés et des médecins au nouveau parcours de soins.

Cette mise en oeuvre du parcours de soins prévoit la revalorisation du tarif des consultations des médecins spécialistes et l'attribution de complément de rémunération pour les médecins traitants. Le montant de ces mesures nouvelles s'élève à 500 millions d'euros, gagés par un milliard d'économies obtenues dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses dès 2005.

Des avenants complémentaires à la convention doivent encore être établis. D'ici le 15 mars, il faudra traiter de la question de la permanence des soins généralistes et pédiatriques, dès que sera publié le décret attendu sur le partage horaire des nuits. Par ailleurs, des questions demeurent en suspens en matière d'accès aux psychiatres, de financement de la nouvelle classification commune des actes médicaux (CCAM) et de cotation des consultations des anesthésistes-réanimateurs. Un premier bilan de la réforme devra être établi en décembre 2005.

Après avoir rappelé que la loi autorise l'assurance maladie à participer à la prise en charge des cotisations sociales des professionnels de santé, M. Alain Vasselle s'est interrogé sur le coût financier de cette contribution, ainsi que sur le montant des rémunérations complémentaires versées au titre de la contractualisation (contrats de bonne pratique, contrat de pratique professionnelle, contrats de santé publique).

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que l'assurance maladie participe à la prise en charge des cotisations maladie, vieillesse, famille de 213.000 professionnels de santé à hauteur de 1,65 milliard d'euros, dont un milliard environ au titre des cotisations des 80.000 médecins libéraux. L'avantage qui en découle pour un généraliste de secteur 1 est d'environ deux euros pour une consultation de 20 euros, soit 10 % de ses honoraires.

Par ailleurs, les rémunérations liées à la contractualisation concernent essentiellement les spécialités, et surtout les professions les plus exposées : chirurgiens, obstétriciens et anesthésistes. Elles intègrent des aides pour compenser leurs contraintes spécifiques et faciliter leur accès à l'assurance. Elles varient suivant les professions de santé ; à titre d'illustration, elles représentent une somme annuelle comprise entre 5.000 et 9.000 euros pour un chirurgien suivant son domaine d'activité et le coût de son assurance.

M. Alain Vasselle a souhaité connaître les détails de l'organisation de la maîtrise médicalisée au niveau régional et le calendrier des négociations conventionnelles entre l'assurance maladie et les professions de santé.

M. Frédéric Van Roekeghem a précisé qu'il existe trois niveaux de maîtrise médicalisée nationale, régionale et locale. Le niveau régional sera organisé à partir des unions régionales des caisses d'assurance maladie (URCAM) ; il comprendra des objectifs chiffrés et fera l'objet d'un suivi assuré par une commission paritaire régionale.

Il a indiqué que le conseil de l'UNCAM se réunira au mois de mars pour fixer les calendriers de négociations avec les sages-femmes, les transporteurs sanitaires et les chirurgiens-dentistes.

Il a en outre rappelé que les négociations relatives aux accords interprofessionnels sont également prévues et que la convention signée le 12 janvier dernier doit être complétée par un avenant précisant les règles d'organisation de la permanence des soins.

M. Jean-Pierre Godefroy a fait part de son inquiétude face à la complexité croissante du système de soins, rappelant que certains assureurs complémentaires ont décompté plus de trente combinaisons possibles dans le nouveau parcours de soins. Il a estimé que cette situation ne peut que pénaliser des patients qui n'auront pas fait l'objet d'une prise en charge pertinente. Il a également dénoncé les disparités locales existant dans les offres de soins. Il a enfin regretté que la suppression programmée du médecin référent s'accompagne de la suppression de la formule du tiers payant.

Sur ce dernier point, M. Frédéric Van Roekeghem a répondu que cette question serait réglée ultérieurement, après estimation de l'effet de la politique de maîtrise médicalisée.

Il a par ailleurs estimé que le respect du parcours de soins garantit le niveau de remboursement dont l'assuré peut bénéficier. Il a considéré qu'aucune évaluation globale du parcours de soins ne sera possible avant que l'ensemble du dispositif ne soit déployé. Le choix d'un médecin généraliste comme médecin traitant, fait par la majorité des assurés ainsi que le démontrent les formulaires retournés aux caisses primaires d'assurance maladie, et l'accès direct à certains spécialistes sont des éléments de nature à faciliter la progression des patients dans le système de soins. D'autre éléments doivent en outre délimiter le parcours de soins, notamment le décret fixant les règles de modulation des remboursements versés par l'assurance maladie obligatoire en cas de non-respect du parcours de soins et celui relatif aux cahiers des charges des contrats d'assurance maladie complémentaire. Ce n'est qu'à l'issue de ce cycle que les acteurs de l'assurance maladie, assurés, professionnels et gestionnaires, disposeront d'une vision globale du parcours de soins.

M. Guy Fischer, après avoir rappelé son opposition à la philosophie de la réforme, a estimé que la convention engage le patient dans un labyrinthe tarifaire. La complexité du parcours de soins va à son sens se traduire par une pénalisation financière des assurés qui se verront appliquer des dépassements d'honoraires de plus en plus fréquents.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur les possibles effets pervers de la réforme et notamment sur l'existence d'un risque d'inflation des actes médicaux, les patients consultant dorénavant un médecin traitant, puis un spécialiste.

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que la mise en oeuvre du parcours de soins limite ce type de dérives et doit, au contraire, permettre un recours plus pertinent aux médecins spécialistes. Il a observé que la nouvelle convention permet de repositionner la médecine générale dans le parcours de soins en lui accordant un rôle pivot. Il a précisé que les revalorisations tarifaires accordées aux médecins se traduisent par une hausse annuelle de 2,5 % du montant de leurs honoraires et que toute autre revalorisation tarifaire est soumise au respect des engagements souscrits en matière de maîtrise médicalisée des dépenses.

Il a indiqué que la convention n'est pas responsable de la complexité réelle ou supposée du parcours de soins : cette complexité préexistait à la convention, elle est le reflet de la spécialisation des professions de santé et de la grande variété des pathologies dont peuvent être atteints les assurés sociaux.

M. François Autain a constaté que la convention signée entre les médecins et l'assurance maladie ne recueille pas l'assentiment de l'ensemble de la profession ; il a rappelé que le conseil national de l'ordre des médecins a rendu un avis favorable à la convention, assorti de nombreuses réserves. Il s'est interrogé sur les modifications que les signataires comptent apporter à la convention afin de tenir compte des remarques de l'Ordre et a également voulu savoir si une procédure de médiation est prévue lorsqu'un médecin refuse d'être choisi comme médecin traitant.

M. Dominique Leclerc a considéré que cette nouvelle convention se traduit par une reconnaissance professionnelle supplémentaire pour les médecins généralistes qui seront, dans l'immense majorité des cas, choisis comme médecins traitants. Il s'est félicité de la mise en oeuvre du nouveau parcours de soins, seul à même de lutter contre le nomadisme médical.

Il s'est interrogé sur la nécessité de redéfinir les missions du service du contrôle médical de l'assurance maladie.

M. Gilbert Barbier a fait état des retards de versement des sommes dues par l'assurance maladie aux professionnels de santé au titre des contrats de bonne pratique. Il s'est interrogé sur les modalités de mise en oeuvre de la nouvelle classification commune des actes médicaux (CCAM).

M. Frédéric Van Roekeghem a indiqué que les revalorisations accordées aux médecins généralistes au titre du dispositif du médecin traitant représentent un complément de revenu s'élevant, en moyenne, à 6.800 euros annuels.

Il a rappelé que la convention a fixé cinq objectifs principaux de maîtrise médicalisée : la réduction de la prescription des antibiotiques, un infléchissement des prescriptions d'anxiolytiques, une baisse de la prescription d'arrêts de travail, un infléchissement des remboursements de statines et un meilleur respect de la réglementation de l'ordonnancier bizone.

Il a confirmé que les actions du service médical de l'assurance maladie seront clarifiées et recentrées sur des fonctions de contrôle et a indiqué qu'une expérimentation est en cours en Rhône-Alpes et dans le Nord-Pas de Calais.

Il a insisté sur la nécessité de revaloriser le rôle du contrôle médical qui, depuis quelques années, a perdu son attractivité et doit faire face à des difficultés de recrutement qui peuvent à terme avoir des conséquences sur son bon fonctionnement.