Table des matières


Mardi 19 décembre 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Organisme extraparlementaire - Commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger - Désignation d'un candidat proposé à la nomination du Sénat

La commission a tout d'abord proposé la candidature de M. Jean-Pierre Cantegrit à la nomination du Sénat pour siéger au sein de la Commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger.

Droits de l'Homme - Lutte contre les discriminations - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Louis Souvet sur la proposition de loi n° 26 (2000-2001) adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la lutte contre les discriminations.

M. Louis Souvet, rapporteur,
a souligné que la lutte contre les discriminations constituait un élément essentiel de notre pacte républicain.

Il a rappelé, d'une part, que l'article premier de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, les distinctions sociales ne pouvant être fondées que sur l'utilité commune, d'autre part, que le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame que chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi, nul ne pouvant être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances, enfin que, l'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 dispose que la France assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion.

Il a indiqué que ces principes, qui constituaient nos références premières et le fondement de notre organisation politique, avaient naturellement inspiré la construction européenne conduite aujourd'hui par quinze peuples démocratiques : l'article 6 du traité sur l'Union européenne rappelle, à cet égard, que l'Union est fondée sur les principes de la liberté, de la démocratie, du respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'Etat de droit.

De fait, la construction européenne ne se résume pas à l'établissement d'un grand marché, mais vise également à bâtir une Communauté de droit. Dans cette perspective, les lignes directrices pour l'emploi en 2000, approuvées par le Conseil européen de Helsinki les 10 et 11 décembre 1999, soulignent la nécessité de promouvoir un marché du travail favorable à l'insertion sociale en formulant un ensemble cohérent de politiques destinées à lutter contre les discriminations.

M. Louis Souvet, rapporteur, a précisé que nul ne contestait aujourd'hui la nécessité d'une lutte contre les discriminations, qui constitue le complément indispensable des politiques économiques et sociales, comme des politiques de l'éducation et de sécurité.

Il a remarqué, par ailleurs, que ce souci de faciliter l'accès de tous au marché du travail devrait être d'autant mieux partagé que l'on assistait aujourd'hui au développement de pénuries de main-d'oeuvre dans certains secteurs d'activité, comme l'avait rappelé dernièrement M. Alain Gournac à travers sa proposition de loi permettant de faire face aux pénuries de main-d'oeuvre.

Il a souligné que la période de croissance actuelle constituait à cet égard une occasion irremplaçable de faire évoluer les mentalités pour permettre à chacun l'accès au marché du travail et à l'égalité de traitement.

Il a déclaré que cette préoccupation avait abouti, au niveau européen, à l'adoption, le 29 juin 2000, d'une directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes, sans distinction de race ou d'origine ethnique, dont l'un des moyens consiste à aménager les règles concernant la charge de la preuve dès lors qu'il existe une présomption de discrimination.

Il a rappelé que l'article 8 de la directive du 29 juin 2000 prévoyait en particulier que, dès lors qu'une personne s'estimait lésée par le non-respect du principe de l'égalité de traitement et établissait, devant une juridiction ou une autre instance compétente, des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombait à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.

Il a souligné que ce principe était déjà énoncé par l'article 4 de la directive européenne du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe.

Il a précisé que ces deux directives devaient être transcrites en droit interne, c'est-à-dire que le droit national devait être modifié lorsque cela était nécessaire afin de ne pas contredire le texte de la directive. Il a ajouté que ces transcriptions devaient avoir été effectuées avant le 1er janvier 2001 pour la directive du 15 décembre 1997 relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe et avant le 19 juillet 2003 pour la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.

M. Louis Souvet, rapporteur, a constaté que l'examen du droit en vigueur révélait la nécessité de modifications législatives.

L'article L. 122-45 du code du travail prévoit en effet qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou être sanctionnée ou licenciée en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de sa situation de famille, de son appartenance à une ethnie, une nation ou une race ou de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, en raison de son état de santé ou de son handicap.

Pour être conforme à la directive du 29 juin 2000, cette rédaction doit être complétée afin de prendre en compte l'ensemble des conditions d'emploi et de travail (formation, promotion, reconversion, rémunération...) ; elle doit surtout être modifiée pour tenir compte du nouveau régime de la charge de la preuve prévue par la directive.

M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que ce nouveau régime ne constituait pas une inversion de la charge de la preuve.

Il a constaté qu'autant, dans notre droit actuel, il incombait au plaignant d'établir la preuve d'une discrimination, autant la nouvelle procédure cherchait à établir un certain équilibre afin d'obliger les parties à présenter chacune leurs arguments pour permettre à une tierce partie de se faire son opinion et de trancher.

Il a reconnu qu'il s'agissait là d'un changement déjà considérable et qui n'était pas sans risque.

Il a constaté que ce changement trouvait sa justification dans les difficultés que connaissaient les plaignants à prouver leurs dires, comme en témoignait le faible nombre des recours devant les tribunaux et le nombre, encore plus faible, des décisions de justice favorables aux plaignants.

Il a souligné que les risques de la nouvelle procédure n'étaient pas négligeables, car l'aménagement de la charge de la preuve, en obligeant l'employeur à justifier sa décision, ouvrait la porte à des recours qui pouvaient ne pas être mus par le désir de réparer une injustice mais, au contraire, par la volonté d'obtenir raison d'une décision défavorable rendue sur des critères pourtant légitimes tenant par exemple à une différence de formation, d'aptitude ou d'expérience, voire à une différence plus subjective tenant au profil, au tempérament ou à la sympathie.

Il a déploré qu'en cela, l'aménagement du régime de la preuve accroisse le contrôle sur les décisions de l'entrepreneur et fait même peser sur lui comme une présomption de culpabilité.

Il a précisé en particulier que, dans notre société, le fait d'avoir à rendre des comptes à la justice équivalait trop souvent à une condamnation aux yeux d'une partie de l'opinion. Il s'est demandé si un chef d'entreprise obligé de se justifier de n'avoir pas agi selon des visées racistes, puis innocenté, n'aurait pas à subir la même opprobre.

Il s'est félicité que, pour limiter les risques de dérive, le législateur européen ait fort heureusement prévu que le plaignant devrait établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination. Il a précisé que, par faits, il convenait de comprendre des faits connus qui servent à constituer la preuve par présomption.

Il a considéré qu'un fait, comme un indice, était plus aisé à établir ou à rassembler qu'une preuve, mais qu'il se distinguait néanmoins du soupçon, de l'impression, voire de la rumeur. Il a donc estimé que le législateur européen avait trouvé un bon équilibre et qu'il convenait de ne pas s'en écarter.

Il a rappelé que l'Assemblée nationale et le Gouvernement avaient souhaité s'inspirer plus de l'évolution de la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de cassation que du texte des directives européennes. Il a constaté qu'il en résultait des dispositions qui étaient soit floues, soit excessives, et qui avaient en commun de placer le juge en position d'arbitre, ce qui comportait toujours un risque.

Il a rappelé que, dans une affaire récente (Fluchère et autres contre SNCF) à propos d'une discrimination présumée pour un motif d'engagement syndical, la Cour d'appel de Nîmes avait pu estimer, dans un arrêt rendu le 23 septembre 1997, que le juge n'avait pas qualité pour se substituer à l'employeur quant à l'appréciation de la qualification, de la compétence et des autres éléments qui gouvernaient les décisions d'affectation des agents. Il a précisé que la Chambre sociale de la Cour de cassation avait cassé cet arrêt, le 28 mars 2000, considérant qu'il appartenait au salarié de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d'égalité de traitement et qu'il incombait à l'employeur, s'il contestait le caractère discriminatoire du traitement réservé au salarié d'établir que la disparité de situation constatée était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Il a ajouté que la Cour de cassation concluait que la preuve de la discrimination n'incombait pas au salarié.

Il a constaté qu'une fois de plus le Gouvernement et sa majorité avaient choisi de transcrire dans la loi les arrêts de la Cour de cassation plutôt que les directives européennes. Il a rappelé qu'une pareille situation s'était présentée lors de la discussion du projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de travail à propos de la définition du temps de travail effectif.

Il a considéré que cette situation était préoccupante, puisqu'elle encourageait la Cour de cassation à s'éloigner très sensiblement des textes de lois, qu'elle ne se limitait plus à interpréter, mais auxquels elle substituait sa propre vision des relations sociales, au besoin en s'inspirant plus ou moins de directives européennes dont le délai de transcription n'était pas échu.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que la proposition de loi comprenait huit articles, dont quatre articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale, les quatre premiers articles constituant une reprise des articles 46, 47, 48 et 49 du projet de loi de modernisation sociale déposé à l'Assemblée nationale le 24 mai dernier.

L'article premier de la proposition de loi aménage le régime de la charge de la preuve concernant l'ensemble des discriminations ; l'article 4 fait de même en ce qui concerne le domaine spécifique des discriminations fondées sur le sexe.

La rédaction retenue dans chaque cas s'éloigne du texte de la directive. En effet, selon le texte adopté par l'Assemblée nationale, le salarié doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à l'appui de sa plainte alors que la directive prévoit que le plaignant doit établir des faits qui permettaient de présumer l'existence d'une discrimination.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que, si les deux membres de phrases avaient le même sens, il ne voyait pas l'intérêt de s'éloigner de la directive et que si ce n'était pas le cas, il aurait été souhaitable que les auteurs précisent leurs intentions.

Il a souligné, de même, que les directives avaient prévu qu'il incombait à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y avait pas eu violation du principe de l'égalité de traitement alors que l'Assemblée nationale prévoyait, quant à elle, reprenant mot pour mot la jurisprudence de la Cour de cassation, qu'il lui incombait de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Il a précisé que, dans ce cas, la différence était plus sensible, notamment du fait de la référence à des " éléments objectifs ". Il a constaté qu'il s'agissait là de termes ambigus, une décision de recrutement pouvant être déterminée, au moins partiellement, par des éléments subjectifs comme l'intuition, la sympathie ou le dynamisme, car les entreprises ne recrutaient pas par concours anonyme.

Soulignant le risque d'obtenir un résultat inverse à l'effet recherché, il s'est interrogé sur les moyens dont disposerait le juge pour former sa conviction si le plaignant ne lui présentait pas des faits et si l'on obligeait l'employeur à n'évoquer que des éléments " objectifs ". Il a estimé que l'efficacité des mesures de lutte contre les discriminations résidait dans la capacité des pouvoirs publics à modifier en profondeur les comportements individuels et non en l'affaiblissement de l'employeur qui deviendrait alors le bouc émissaire de l'échec partiel des politiques d'intégration.

Il a constaté que les auteurs de la proposition de loi comme le Gouvernement avaient préféré privilégier des dispositions à caractère répressif à une politique préventive.

Il a remarqué qu'il existait pourtant une alternative, les directives européennes de lutte contre les discriminations ne choisissant pas entre un mécanisme juridictionnel et une voie de recours devant une instance ad hoc. Il a constaté qu'aucune raison n'avait été avancée pour privilégier le recours à la voie juridictionnelle.

Il a considéré que ce choix était d'autant moins évident que les juridictions étaient déjà surchargées et peinaient à rendre leurs décisions dans un délai raisonnable, comme le montrait l'affaire Fluchère, qui avait inspiré le texte de l'Assemblée nationale et qui était renvoyée devant une nouvelle cour d'appel, trois ans après un premier arrêt. Il a observé que le juge de droit commun n'était pas nécessairement le mieux à même de former sa conviction sur des éléments somme toute " subjectifs " dans un domaine aussi délicat que la lutte contre les discriminations.

M. Louis Souvet, rapporteur, a remarqué que, sans remettre en cause le renforcement des procédures juridictionnelles qui devaient demeurer, ne serait-ce que pour constituer un instrument puissant de dissuasion, il importait de s'interroger sur la possibilité de mener des politiques préventives.

Il a précisé qu'au Royaume-Uni, une commission pour l'égalité raciale était chargée de lutter contre les discriminations, au besoin en menant des enquêtes ou en saisissant la justice, qu'aux Pays-Bas, la commission pour l'égalité de traitement enquêtait sur les affaires de discrimination et qu'elle pouvait offrir sa médiation, voire entamer une procédure judiciaire, qu'en Belgique, le centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme aidait les victimes de discriminations en leur fournissant informations et conseils et en se constituant partie civile.

Il a constaté que ces différentes commissions favorisaient une résolution à l'amiable des plaintes et que leur action permettait de sensibiliser les entreprises à la nécessité de lutter contre les discriminations, comme en témoignait l'édiction de nombreux " codes de bonne conduite ".

Il a rappelé que la création, en France, d'une telle commission avait été envisagée par M. Jean-Michel Bélorgey dans un rapport de mars 1999 analysant les adaptations nécessaires des structures administratives existantes pour " lutter contre les discriminations ". L'auteur évoque la création d'une commission d'une quinzaine de membres qui pourrait avoir les compétences suivantes : un pouvoir d'avis et de proposition sur les stratégies de lutte contre les discriminations, un pouvoir de négocier avec les services publics et les organisations syndicales des " chartes de bonne conduite ", le pouvoir de recevoir et d'instruire des réclamations, et le pouvoir de saisir d'autres autorités (exécutives, juridictionnelles ou indépendantes).

Il a précisé que cette nouvelle autorité indépendante devrait également avoir, selon M. Jean-Michel Bélorgey, pour mission d'établir, dans un rapport annuel, la situation des différents secteurs d'activité et de procéder à l'évaluation de la législation et de la réglementation applicable.

Il a souligné que les propositions semblaient toutefois moins abouties pour ce qui concernait les modalités de saisine de cette instance, comme les conditions dans lesquelles elle prodiguerait une assistance juridique aux victimes.

Il s'est interrogé sur les raisons qui avaient amené le Gouvernement à ne pas donner suite à la réflexion sur l'opportunité de la création d'une telle structure. Compte tenu de l'importance de la question, il a indiqué qu'il n'excluait pas, d'ici la seconde lecture, de poursuivre une réflexion sur l'opportunité de créer une telle structure administrative indépendante.

Puis M. Louis Souvet, rapporteur, a évoqué les autres dispositions prévues par la proposition de loi. L'article 2 prévoit la possibilité pour les syndicats d'agir en justice sans avoir à justifier d'un mandat du salarié concerné, la mise en place d'un droit d'alerte au bénéfice des associations et la reconnaissance de la nullité d'un licenciement d'un salarié faisant suite à une action en justice pour discrimination ; l'article 3 prévoit l'inscription dans les conventions collectives de dispositions concernant l'égalité de traitement entre salariés ; l'article 6 comprend les dispositions électorales relatives aux prud'hommes qui interdisent notamment à toute organisation prônant des discriminations de présenter des listes ; l'article 7 modifie la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales afin de protéger les salariés qui, ayant témoigné de mauvais traitements infligés aux personnes accueillies, faisaient l'objet de discriminations ; enfin, l'article 8 prévoit la création d'un service d'accueil téléphonique gratuit.

M. Louis Souvet, rapporteur, a indiqué que les amendements qu'il proposait participaient tous de la même logique : permettre une lutte plus efficace contre les discriminations en préservant les droits des victimes comme ceux des responsables d'entreprise.

Il a souligné que les directives européennes avaient établi les bases d'un équilibre entre ces différents objectifs complémentaires. Il a donc proposé de revenir, chaque fois que nécessaire, à la lettre et à l'esprit des textes européens.

Il a précisé que les principales modifications proposées concernaient l'aménagement de la charge de la preuve pour lequel il a considéré que le texte de l'Assemblée nationale s'éloignait trop de la directive et l'action de syndicats qui, selon lui, ne devait pas pouvoir s'exercer sans l'accord écrit de la victime dans un domaine aussi sensible que les discriminations.

Il a ajouté que le texte ainsi modifié devrait permettre des progrès sensibles dans la lutte contre les discriminations, sans pour autant compromettre la nécessaire marge de manoeuvre des entreprises dans la gestion de leur personnel.

M. Alain Gournac a déclaré qu'il partageait tout à fait les conclusions présentées par le rapporteur. Il a considéré, en particulier, qu'il pourrait être intéressant de prévoir des dispositions permettant aux parties de trouver un terrain d'entente sans nécessairement passer devant le juge. Il a remarqué qu'il était effectivement difficile de définir les discriminations mais qu'il ne fallait pas, pour autant, supprimer toute marge de manoeuvre aux chefs d'entreprise dans la gestion de leurs personnels.

M. Louis Boyer a souligné les difficultés d'interprétation que pouvaient soulever des notions comme " l'orientation sexuelle " et s'est inquiété du développement d'un contentieux tournant autour de cette question.

M. Guy Fischer a considéré que le texte voté à l'Assemblée nationale n'allait pas assez loin et qu'il était donc nécessaire de proposer des avancées supplémentaires. Il a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen entendait tirer parti du temps restant avant l'examen en séance publique pour proposer des amendements.

M. Jean Chérioux a manifesté son plein accord avec les modifications proposées par le rapporteur qui, en proposant de revenir au plus près du texte des directives, faisait oeuvre utile afin, notamment, de préciser les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale qui, à bien des égards, ne présentaient pas toutes les garanties de clarté et de sécurité juridique attendues.

Présentant ses amendements, M. Louis Souvet, rapporteur, a tout d'abord estimé nécessaire de préciser, dans la nouvelle rédaction de l'article L. 122-45 proposé par l'article premier, ainsi que dans celle de l'article L. 123-1 proposé par l'article 4, que le plaignant devait établir des faits qui permettaient de présumer l'existence d'une discrimination, et non simplement présenter des éléments de fait la laissant supposer. Il a considéré que cette modification s'inscrivait dans la logique d'un retour au texte de la directive et présentait davantage de garanties en termes de sécurité juridique, sans remettre en cause la logique du dispositif. Il a proposé, qu'en réponse, l'employeur soit amené à prouver que sa décision n'est pas contraire aux dispositions énoncées aux alinéas précédents, c'est-à-dire à la liste établie des pratiques discriminatoires et non, comme dans le texte initial, à justifier sa décision par des éléments " objectifs " étrangers à toute discrimination. Il a observé que cette modification devrait permettre d'éviter des contentieux autour des différentes façons d'interpréter la notion " d'éléments objectifs ". Il a souligné que la politique des ressources humaines d'une entreprise comprenait une part de subjectivité qui ne pouvait être assimilée à des mesures discriminatoires.

A l'article 2, M. Louis Souvet, rapporteur, a proposé de revenir sur la possibilité reconnue à un syndicat par l'article L. 122-45-1 du code du travail d'ester en justice sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé pourvu que celui-ci ait été averti par écrit et ne s'y soit pas opposé dans un délai de 15 jours à compter de la date à laquelle l'organisation syndicale lui aurait notifié son intention. Il a remarqué, en particulier, que l'article 7 de la directive européenne du 29 juin 2000 prévoyait l'approbation du salarié. Il a considéré que le plaignant était le mieux à même de juger de l'opportunité des poursuites, surtout dans des cas aussi sensibles. Il a estimé fondamental, dans ces conditions, de laisser au salarié, au besoin grâce au soutien d'un syndicat, la maîtrise des moyens lui permettant d'assurer le respect de ses droits. Il a mis en garde, a contrario, contre le risque, pour le salarié, de se voir instrumentaliser par une organisation conduisant sa propre stratégie. Il a constaté que l'accord écrit de l'intéressé était déjà exigé des organisations syndicales par l'article L. 123-6 du code du travail dans le cas des actions menées en justice sur le fondement d'un harcèlement sexuel. Il ne lui a pas semblé illégitime, dans ces conditions, d'exiger un tel accord écrit dans les cas de discriminations.

Toujours à l'article 2, M. Louis Souvet, rapporteur, a proposé de compléter le texte prévu pour l'article L. 122-45-1 du code du travail afin de préciser que le salarié peut mettre un terme à tout moment à l'action du syndicat comme le prévoit par ailleurs, dans d'autres configurations, l'article L. 122-3-16 du même code. Cette précaution lui est apparue de nature à garantir à la victime la maîtrise de l'évolution du contentieux, afin qu'il ne débouche pas sur une situation contraire à ses intérêts.

Il a proposé, en outre, de supprimer la disposition de l'article L. 122-45-1 permettant aux associations de saisir les organisations syndicales pour leur demander d'ester en justice à l'encontre d'auteurs de discriminations.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé que rien n'empêchait une association de saisir un syndicat d'une discrimination qu'elle aurait constatée. Il a estimé par conséquent que cette disposition n'avait pas de véritable portée législative et constituait surtout une " mesure d'affichage ".

Il a observé que la véritable novation aurait consisté à reconnaître aux associations le droit de saisir directement la justice, cette possibilité étant reconnue par l'article 7 de la directive du 29 juin 2000. Il a donc considéré que la solution retenue constituait un compromis ambigu qui ne permettait pas de garantir les droits et la liberté d'action des salariés.

A l'article 4 (article L. 123-1 du code du travail), il a précisé qu'outre les modifications de coordination avec les amendements à l'article premier modifiant l'article L. 122-45 du code du travail, il était nécessaire de coordonner les dispositions relatives à l'action d'un syndicat au nom d'un salarié avec celles proposées par l'article 2 pour le nouvel article L. 122-45-1.

A l'article 8 relatif à la création d'un service d'accueil téléphonique gratuit, il a considéré qu'il était essentiel de prévoir que le secret professionnel serait applicable aux agents de ce service et que ses coordonnées devraient être affichées dans l'ensemble des entreprises, ainsi que dans tous les bâtiments publics, afin de donner tout son sens à la création de ce dispositif.

Enfin, M. Louis Souvet, rapporteur, a proposé de compléter le titre de la proposition de loi en ajoutant les mots " dans l'emploi " afin de mettre l'intitulé en cohérence avec le contenu du texte.

La commission a alors adopté successivement les 12 amendements présentés par le rapporteur et la proposition de loi ainsi amendée.

Mercredi 20 décembre 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Médecine - Interruption volontaire de grossesse et contraception - Auditions publiques

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission a procédé à des auditions publiques sur le projet de loi n° 120 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) et à la contraception.

M. Jean Delaneau, président, a précisé que ces auditions, ouvertes à l'ensemble des sénateurs et au public, donneraient lieu à un compte rendu intégral, qui sera publié en annexe du rapport de la commission sur le projet de loi. Il a salué la présence de Mme Odette Terrade, rapporteur de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.

Audition du professeur Israël Nisand, chef de service de gynécologie-obstétrique au Syndicat inter-hospitalier de la communauté urbaine de Strasbourg - Centre médico-chirurgical et obstétrical (SIHCUS-CMCO)

La commission a tout d'abord entendu le professeur Israël Nisand, chef de service de gynécologie-obstétrique au SIHCUS-CMCO de Strasbourg, auteur du rapport " l'IVG en France : propositions pour diminuer les difficultés que rencontrent les femmes " (février 1999).

M. Israël Nisand a dressé un bilan contrasté de l'application de la loi du 17 janvier 1975 : le nombre des interruptions volontaires de grossesse (IVG) restait élevé et n'avait pas diminué, l'IVG ne s'était pas, pour autant, banalisée, le service public des IVG présentait souvent de graves carences.

Il a indiqué qu'il avait, dans son rapport, identifié trois types de difficultés : celles que rencontraient les femmes étrangères, difficultés désormais réglées, celles que rencontraient les mineures -le choix du recours à un adulte référent apparaissait comme une bonne solution, mais soulevait un vrai problème de responsabilité et, enfin, la question du délai légal pour pratiquer une IVG.

Il a considéré que ce dernier point était sans doute le plus difficile, puisqu'il convenait de procéder à un arbitrage entre le droit des femmes, le droit des médecins et le droit des foetus. Il a estimé à au moins 5.000 le nombre de femmes contraintes de se rendre à l'étranger parce qu'elles avaient dépassé le délai légal de dix semaines de grossesse. Il a souligné qu'un allongement de deux semaines du délai légal ne suffirait pas à résoudre le problème dans la mesure où la moitié de ces femmes dépassait ce délai de douze semaines de grossesse. Il a exprimé la crainte que l'on ne soit, dans quelques années, contraint de repousser encore le terme du délai légal.

Evoquant le droit des médecins, il a fait observer que jusqu'à dix semaines, l'IVG restait un geste relativement facile d'un point de vue technique et psychologique. Au-delà de dix semaines, l'embryon devenait foetus et s'ossifiait : les difficultés techniques augmentaient, de même que les difficultés psychologiques. Dans ces conditions, il était légitime que le corps médical puisse refuser, dans certains cas, de pratiquer une telle IVG.

M. Israël Nisand a mis l'accent sur les risques que soulevait " le croisement mortifère " du délai légal à douze semaines de grossesse et du délai pour pratiquer des examens de diagnostic prénatal. Jusqu'à dix semaines, en effet, l'embryologie du foetus n'était pas terminée et le diagnostic prénatal s'avérait impossible. A onze semaines, tout était visible. Il a relevé qu'il était, pour des parents, très difficile de vivre avec un doute sur l'enfant à naître.

Il s'est par conséquent dit favorable à ce que les 5.000 femmes aujourd'hui contraintes de partir à l'étranger soient prises en charge en France dans le cadre d'une interruption médicale de grossesse réaménagée, qui tiendrait compte de la détresse de la mère et reposerait sur une décision d'une équipe pluridisciplinaire.

MM. Jean Delaneau, président, Francis Giraud, Lucien Neuwirth, Jean-Louis Lorrain, Jean Chérioux, Guy Fischer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Bernard Seillier, sont alors intervenus dans la discussion.

Audition de Mme Chantal Lebatard, administrateur à l'Union nationale des associations familiales, accompagnée de Mme Monique Sassier, directrice des études politiques

La commission a ensuite entendu Mme Chantal Lebatard, administrateur à l'Union nationale des associations familiales (UNAF), accompagnée de Mme Monique Sassier, directrice des études politiques.

Mme Chantal Lebatard
a tout d'abord prié la commission d'excuser l'absence de M. Hubert Brin, président de l'UNAF, retenu par une séance du Conseil économique et social. Elle a rappelé que l'UNAF représentait, dans sa diversité, une vaste palette de sensibilités.

Mme Chantal Lebatard a considéré que le nombre toujours élevé d'IVG constituait un échec pour notre société. Elle a indiqué que l'UNAF était plutôt réticente à un allongement du délai légal de l'IVG et déplorait que les dispositifs d'accueil des femmes souhaitant une IVG soient souvent incapables de répondre à cette demande dans des délais raisonnables. Elle s'est dit favorable à la solution proposée par le professeur Nisand visant à permettre une prise en charge, au cas par cas, des femmes qui auraient dépassé le terme du délai légal.

S'agissant de l'accès des mineures à l'IVG, Mme Chantal Lebatard a souligné qu'il fallait respecter les mères que sont ces mineures et mettre en place un réel dispositif d'accompagnement spécifique de la jeune fille, reposant sur une écoute, une présence et un soutien psychologique.

S'agissant de l'information délivrée lors de la première consultation médicale, Mme Chantal Lebatard a regretté que l'Assemblée nationale ait supprimé toute référence aux aides et aux solutions qui s'offraient à la femme souhaitant poursuivre sa grossesse. Elle a souligné que l'entretien social pouvait avoir une utilité réelle pour les femmes qui n'avaient jamais pu parler de leur sexualité. Elle s'est dite très réservée sur la stérilisation, compte tenu du caractère imprévisible de la vie, et a souhaité que la procédure de stérilisation des personnes handicapées soit entourée de garanties supplémentaires.

MM. Jean Delaneau, président, Francis Giraud, Lucien Neuwirth, Guy Fischer et Mme Annick Bocandé sont alors intervenus dans la discussion.

Audition du professeur René Frydman, chef de service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Antoine Béclère de Clamart

La commission a ensuite procédé à l'audition du professeur René Frydman, chef de service de gynécologie obstétrique à l'hôpital Antoine Béclère de Clamart.

M. René Frydman
a souligné que les moyens du service public de l'IVG étaient très insuffisants et que l'on observait une crise réelle de l'engagement médical au service de l'IVG. Le dépassement du délai légal pour l'IVG s'expliquait à la fois par l'ambivalence vis-à-vis de la grossesse et le manque de structures disponibles pour accueillir les femmes demandant une IVG.

Il a constaté que, dans ce débat très idéologique, on souhaitait une médicalisation de l'IVG sans demander pour autant leur avis aux médecins. Il a indiqué que la majorité des praticiens reconnaissait qu'au-delà de douze semaines d'aménorrhée, soit dix semaines de grossesse, la technique de l'IVG devenait beaucoup plus chirurgicale et le geste plus difficile. Il a jugé que la période située entre douze semaines et quatorze semaines d'aménorrhée était véritablement charnière et s'est interrogé sur le nombre de médecins qui seraient disposés à pratiquer des IVG au-delà de quatorze semaines d'aménorrhée.

M. René Frydman a considéré que le délai légal devrait être maintenu à douze semaines d'aménorrhée et qu'il convenait de réformer parallèlement l'interruption médicale de grossesse en intégrant dans son champ la détresse psychologique et en élargissant la composition de la commission pluridisciplinaire chargée de la décision.

Il a estimé que le Comité national consultatif d'éthique n'avait pas véritablement répondu à la question qu'on lui posait en examinant l'eugénisme sous la seule forme d'une pratique collective et institutionnalisée et sans s'interroger sur les conséquences de certaines pratiques individuelles.

MM. Jean Chérioux, Jean-Louis Lorrain, Mme Gisèle Printz, M. Francis Giraud sont alors intervenus dans la discussion.

Audition de Mme Danielle Gaudry, présidente de la Confédération du mouvement français pour le planning familial et de Mme Martine Leroy, responsable de la commission IVG

Ensuite, la commission a procédé à l'audition de Mme Danielle Gaudry, présidente de la Confédération du mouvement français pour le planning familial et de Mme Martine Leroy, responsable de la commission IVG.

Mme Danielle Gaudry
a rappelé que la loi de 1975 était avant tout une loi de santé publique qui encadrait strictement les IVG. Elle a souligné que les techniques avaient depuis lors évolué et qu'une interruption de grossesse à douze semaines n'était pas fondamentalement différente d'une interruption de grossesse à dix semaines. Elle a considéré que le choix d'une IVG devait revenir à la femme seule et que l'on voyait mal comment un médecin pourrait se mettre à la place de la femme concernée. Elle a fait valoir que la motivation profonde de la femme n'était pas toujours celle qu'elle exprimait pour justifier sa demande d'IVG.

Mme Martine Leroy a indiqué qu'en repoussant à douze semaines de grossesse le terme du délai légal pour une IVG, le projet de loi inscrivait la France dans la moyenne des pays européens. Elle a estimé que cette modification législative réglerait environ 40 % des situations et que 60 % des femmes ayant dépassé le terme légal seraient toujours contraintes de partir à l'étranger.

Evoquant le cas des jeunes filles mineures, elle a suggéré le principe d'une majorité sanitaire dans les cas de poursuite ou d'interruption de grossesse. Elle s'est inquiétée des risques de recours en responsabilité contre la personne majeure qui accompagnerait la mineure dans sa démarche. Elle a jugé que le caractère obligatoire de l'entretien social n'avait plus de raison d'être. Après s'être félicitée de la dynamique initiée par le législateur, elle a souligné que la prévention et la contraception devaient rester le meilleur moyen de prévenir les grossesses non désirées.

MM. Jean Delaneau, président, Lucien Neuwirth, Jean-Louis Lorrain, Bernard Seillier, Francis Giraud sont alors intervenus dans la discussion.

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, la commission a poursuivi les auditions sur le projet de loi n° 120 (2000-2001) relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Audition du professeur Bernard Glorion, président du Conseil national de l'Ordre des médecins

La commission a procédé à l'audition du professeur Bernard Glorion, président du Conseil national de l'Ordre des médecins.

M. Bernard Glorion
a considéré que l'allongement du délai légal de dix à douze semaines changeait la nature de l'acte médical, ce qui supposait des précautions médicales particulières, des conditions matérielles adaptées, une information des femmes concernées sur les risques accrus de complications et un cadre juridique idoine pour le cas des mineures. Il s'est notamment inquiété de la responsabilité des anesthésistes lors d'anesthésies générales de mineures qui n'auraient pu recueillir le consentement des parents.

Il a rappelé que l'IVG n'était pas une forme de contraception et a estimé qu'il ne faudrait pas que le projet de loi constitue une forme d'encouragement à l'IVG comme moyen de contraception. Il a jugé qu'il convenait de saisir l'occasion de ce projet de loi pour redonner un élan aux campagnes d'information sur la contraception.

MM. Claude Huriet, Jean Chérioux, Francis Giraud, Jean-Louis Lorrain et Lucien Neuwirth sont alors intervenus dans la discussion.

Audition du professeur Michel Tournaire, chef de service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Saint-Vincent de Paul, président du groupe de travail de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) sur l'IVG

Puis la commission a entendu le professeur Michel Tournaire, chef de service de gynécologie-obstétrique à l'hôpital Saint-Vincent de Paul, président du groupe de travail de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) sur l'IVG.

M. Michel Tournaire
a fait le point sur les travaux de l'ANAES concernant l'IVG. Il a indiqué que l'ANAES recommandait que l'on laisse le choix, jusqu'à sept semaines de grossesse, entre la méthode médicale, c'est-à-dire médicamenteuse, et la méthode chirurgicale reposant sur la dilatation et l'aspiration. Dans le cas d'une méthode médicale, l'hospitalisation n'était pas nécessaire jusqu'à cinq semaines de grossesse.

Il a souligné qu'aux onzième et douzième semaines, l'interruption de grossesse supposait une préparation du col de l'utérus par voie médicamenteuse et un geste chirurgical différent : la méthode de l'aspiration pouvait parfois ne pas fonctionner et il était alors nécessaire de procéder à l'extraction. Il a indiqué qu'il s'agissait d'une intervention plus difficile tant d'un point de vue technique qu'émotionnel, qui nécessitait un bloc opératoire, des moyens de transfusion et une formation spécifique des équipes.

Il a considéré que l'allongement de deux semaines du délai légal permettrait de résoudre une partie du problème des femmes partant à l'étranger, et replacerait la France dans une situation moyenne par rapport aux autres pays européens.

MM. Jean Delaneau, président, Francis Giraud, Jean-Louis Lorrain, Mme Annick Bocandé, MM. Guy Fischer, Alain Gournac, Charles Descours et Mme Gisèle Printz sont alors intervenus dans la discussion.

Audition du professeur Claude Sureau, président de l'Académie nationale de médecine

Ensuite, la commission a procédé à l'audition du professeur Claude Sureau, président de l'Académie nationale de médecine.

M. Claude Sureau
a indiqué qu'il partageait, sur l'IVG, les analyses formulées par MM. Glorion et Tournaire. Il a consacré l'essentiel de son propos à la question de la stérilisation. Il a indiqué que la Cour de Cassation interprétait l'article 16-3 du code civil, qui prévoit qu'il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité médicale pour la personne, de telle façon qu'elle rendait illicite la stérilisation. Il a jugé qu'il était nécessaire de donner un statut législatif à cet acte chirurgical à visée contraceptive.

Il a indiqué qu'il ne croyait pas à une dérive eugénique du fait de l'allongement du délai légal pour l'IVG. Il a, en revanche, considéré que la dérive eugénique de notre société était évidente : notre société tolérait de moins en moins le handicap. Il a jugé cependant que ce n'était pas à la collectivité et aux médecins de décider de l'acceptabilité d'un enfant par une famille. Il a ajouté que la stérilisation des personnes handicapées était souvent nécessaire, mais qu'elle ne pouvait naturellement pas revêtir un caractère obligatoire. Il a souligné que la stérilisation était réversible à 75 % pour les femmes et que les hommes pouvaient, pour leur part, recourir aux services des banques de sperme.

Il s'est inquiété, en outre, de l'évolution de la démographie des gynécologues-obstétriciens, lesquels devaient faire face à la fois à des contraintes fortes en termes de disponibilité et à la multiplication des poursuites judiciaires, pénales et civiles.

MM. Jean Delaneau, président, Jean Chérioux, Claude Huriet, Jean-Louis Lorrain, Lucien Neuwirth sont alors intervenus dans la discussion.

Audition du professeur Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé

Enfin, la commission a entendu le professeur Didier Sicard, président du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé.

M. Jean Delaneau, président,
a rappelé que le Comité consultatif national d'éthique avait été saisi par les présidents des deux assemblées sur la question du risque de dérive eugénique qu'était susceptible d'entraîner l'allongement du délai légal pour l'IVG.

M. Didier Sicard a commenté la réponse du Comité national consultatif d'éthique. Il a indiqué que le comité avait considéré que pouvait être qualifiée d'eugénique toute pratique collective institutionnalisée visant à favoriser l'apparition de certains caractères ou à en éliminer d'autres jugés négatifs. Il a souligné que le comité avait estimé que l'IVG, qui se limitait à faire droit à des demandes individuelles, ne relevait pas de l'eugénisme et que la véritable question était davantage celle des moyens techniques et sociaux à mettre en oeuvre pour accompagner l'allongement du délai légal.

Il a jugé que l'allongement du délai de dix à douze semaines ne résolvait pas le problème de la souffrance des femmes concernées. Il a fait valoir que la France était le pays d'Europe qui connaissait le plus grand nombre d'IVG et s'est interrogé sur les raisons de cette situation.

Il a considéré que l'élargissement du champ de l'interruption médicale de grossesse serait en contradiction avec l'esprit de la loi Veil, puisque cela reviendrait à substituer une autorisation médicale élargie à la seule décision de la femme.

MM. Jean Delaneau, président, et Claude Huriet sont alors intervenus dans la discussion.

Emploi - Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes - Examen des amendements

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements à la proposition de loi n° 111 (2000-2001), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (Mme Annick Bocandé, rapporteur).

A l'article 8 bis (électorat et éligibilité des conjoints collaborateurs aux conseils de prud'hommes), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 46 du Gouvernement modifiant les modalités de substitution du conjoint collaborateur au conjoint électeur pour l'inscription sur la liste électorale.

A l'article 8 sexies A (accord sur la composition des listes de candidats pour les élections aux comités d'entreprise), elle a donné un avis défavorable à l'amendement de précision n° 47 du Gouvernement, la commission ayant proposé de supprimer cet article.

Après l'article 8 sexies A, la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 48 du Gouvernement tendant à introduire un article additionnel visant à instituer un accord sur la composition des listes de candidats pour les élections des délégués du personnel.

Avant l'article 8 nonies (travail de nuit), elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 44 présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen (CRC) visant à supprimer le chapitre III et son intitulé, cet amendement étant identique à l'amendement n° 17 de la commission.

A l'article 8 nonies, elle a donné un avis défavorable à l'amendement n° 45 présenté par Mme Hélène Luc et les membres du groupe communiste républicain et citoyen visant à supprimer cet article.

Elle a donné un avis favorable au sous-amendement n° 49 à l'amendement n° 31 de la commission présenté par le Gouvernement, ce sous-amendement limitant à un mois la durée pendant laquelle le médecin du travail peut demander le reclassement de la salariée travaillant de nuit sur un poste de jour après son retour de congé de maternité.

Elle a également donné un avis favorable à l'amendement n° 50 du Gouvernement tendant à permettre au médecin du travail de demander le reclassement de la salariée sur un poste de jour pendant la durée de sa grossesse.

Elle a donné un avis favorable à l'amendement n° 52 du Gouvernement précisant la nature de la garantie de rémunération de la salariée travaillant la nuit qui n'a pu être reclassée sur un poste de jour et dont le contrat de travail est temporairement suspendu.

Elle a donné un avis favorable au sous-amendement n° 53 à l'amendement n° 33 de la commission présenté par le Gouvernement, ce sous-amendement supprimant les conditions d'ancienneté ouvrant droit à cette garantie de rémunération.

Elle a enfin donné un avis favorable à l'adoption de l'amendement n° 51 du Gouvernement visant à instituer une nouvelle prestation de sécurité sociale au titre de l'assurance maternité afin d'assurer la garantie de rémunération, sous réserve de l'adoption de deux sous-amendements de précision. Elle a en conséquence décidé de retirer l'amendement n° 34 de la commission ayant le même objet.

Jeudi 21 décembre 2000

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Environnement - Création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale - Examen du rapport

La commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport de M. Claude Huriet sur la proposition de loi n° 140 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, tendant à la création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale.

M. Claude Huriet a indiqué que le Sénat, lors de l'examen du texte en première lecture, avait adopté une définition plus précise de la mission de la nouvelle Agence, à partir de la nature des risques encourus et des milieux concernés.

Il a rappelé que le Sénat avait souhaité donner plus de poids à la nouvelle Agence, en la dotant d'un " noyau dur " constitué à partir de l'institut national de l'environnement et des risques (INERIS) et de l'office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI).

Il a indiqué que le financement de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) avait été consolidé par un prélèvement égal à 2 % du produit de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP).

Il a précisé enfin que le Sénat avait adopté divers amendements de coordination de références législatives pour tenir compte de la publication du nouveau code de la santé publique.

Evoquant la position adoptée par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, M. Claude Huriet a constaté que celle-ci était largement revenue au texte de première lecture, ne conservant que les coordinations et les dispositions à caractère rédactionnel.

Ainsi, l'Assemblée nationale a rétabli une définition très générale de la mission de l'Agence, a refusé l'intégration de l'OPRI et de l'INERIS et a supprimé le financement par une fraction de la TGAP.

Il a indiqué que l'Assemblée avait précisé les conditions dans lesquelles les établissements publics de l'Etat apporteraient leur concours permanent à l'AFSSE conçue comme une " tête de réseau ".

Par ailleurs, l'Assemblée a adopté une disposition entièrement nouvelle tendant à la création d'un nouvel institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui résulterait de la fusion entre l'institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) et l'OPRI.

M. Claude Huriet a rappelé que cette démarche s'inscrivait dans le cadre des propositions émises par M. Jean-Yves Le Déaut dans son rapport de juillet 1998 qui visaient à la séparation entre l'exploitant et l'organisme chargés de l'expertise d'une part, et au rapprochement de la radioprotection et de la sûreté nucléaire dans un organisme unique, d'autre part.

Constatant que la fusion projetée de l'OPRI et de l'IPSN était incompatible avec la solution retenue en première lecture par le Sénat pour mieux évaluer le risque sanitaire lié aux rayonnements ionisants, M. Claude Huriet a souligné néanmoins que l'ampleur de la mission assignée à l'AFSSE justifiait de créer la nouvelle agence à partir de l'INERIS.

Rappelant les objections qui avaient été émises à l'égard du dispositif adopté par le Sénat en première lecture, M. Claude Huriet a souligné le caractère artificiel de la distinction entre les risques pesant sur la santé et ceux pesant sur la sécurité des personnes ou sur l'environnement.

Se prononçant pour une approche globale des risques sanitaires directs ou indirects pouvant affecter la santé humaine, il a souligné que le Sénat n'avait pas entendu procéder à un découpage artificiel des différentes compétences assumées par l'INERIS.

Evoquant la question des activités commerciales de l'INERIS, M. Claude Huriet a tout d'abord rappelé les objections qui avaient été émises par la Cour des comptes sur les modalités de tarification des services aux entreprises et il s'est prononcé en faveur de la réorganisation de ces activités autour du conseil aux entreprises dans le cadre d'un financement assuré par des subventions publiques ou, le cas échéant, par des redevances perçues auprès des entreprises de droit privé.

M. Claude Huriet a indiqué qu'il présenterait des amendements visant à élargir la mission de l'Agence, à en tirer les conséquences dans son intitulé et à procéder au transfert intégral des droits et obligations de l'INERIS à la nouvelle Agence, dans le respect renforcé des droits des personnels.

Concernant l'article 4 A relatif à la création de l'IRSN, M. Claude Huriet a tout d'abord rappelé que cette disposition avait vocation à s'inscrire dans le projet de loi relatif à l'information en matière nucléaire, à la sûreté et à la protection contre les rayonnements ionisants, dont le dépôt a été confirmé le 8 décembre dernier, par M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie.

Il a rappelé que le Sénat avait rejeté le 18 décembre dernier la disposition prévue à l'article 20 du projet de loi de finances rectificative pour 2000, qui tendait à anticiper sur la mise en place de l'IRSN.

Il a regretté la procédure suivie par l'Assemblée nationale sur la proposition de loi, en s'interrogeant sur le caractère de cavalier législatif de la disposition prévue à l'article 4 A.

Evoquant la confusion du débat à l'Assemblée nationale qui avait conduit le Gouvernement à demander, en seconde délibération, la suppression de divers amendements de précision qui avaient été adoptés en première délibération, M. Claude Huriet a souligné les imprécisions de la position du Gouvernement sur des sujets aussi essentiels que la nature des tutelles exercées sur l'IRSN, le devenir des moyens en recherche de sûreté nucléaire et les modalités du redécoupage de l'OPRI entre l'IRSN et la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN).

Dans ces conditions, M. Claude Huriet a indiqué qu'il proposerait à titre conservatoire d'adopter un amendement de suppression de l'article 4 A qui traduirait les réserves de la commission sur la procédure employée et l'extrême confusion qui en résultait.

Il a souligné qu'il conviendrait néanmoins d'être attentif aux amendements qui pourraient être présentés, notamment par les sénateurs membres de la commission des Affaires économiques ou de l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques.

M. François Autain a déclaré que le rapporteur, en renonçant à intégrer l'OPRI dans l'agence, et en limitant à l'INERIS le " noyau dur " à partir duquel pourrait être constituée la nouvelle agence, s'était rapproché des positions du groupe socialiste. Il a considéré que l'article 4 A relatif à la fusion entre l'OPRI et l'IPSN réglait une question, mais en soulevait beaucoup d'autres, qui devraient trouver une réponse. Mais il ne s'est pas déclaré favorable à l'amendement de suppression du rapporteur.

Il a regretté que le dispositif de sécurité sanitaire repose, à la fois, sur un institut et quatre agences de fait puisque le futur IRSN jouerait le rôle d'une agence en matière de radiations ionisantes.

Il a considéré que la modification de l'intitulé de l'agence devrait permettre de lever les critiques qui avaient été soulevées à l'encontre de la démarche du Sénat. Il a souligné que les problèmes liés au maintien des droits des personnels ne devaient en aucun cas l'emporter sur les préoccupations d'intérêt général qui s'attachent au renforcement du dispositif de sécurité sanitaire dans le domaine de l'environnement.

Il a regretté que la déclaration commune de la présidente de l'INERIS, du directeur de l'IPSN et du président de l'OPRI, en date du 28 novembre 2000 indique que la première priorité de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale (AFSSE) serait " d'accroître la veille scientifique en matière de risques sanitaires liés à l'environnement et de hiérarchiser, à cet égard, les besoins de recherche et d'expertise ". Il a considéré que cette interprétation du rôle de la future agence était à l'évidence trop restrictive et soulevait en outre un problème au regard de la mission déjà confiée à l'institut de veille sanitaire (IVS).

S'agissant des activités à caractère commercial de l'INERIS, il a estimé que celles-ci avaient vocation à se réduire et qu'elles pourraient être transformées en de nouvelles activités qui pourraient être, le cas échéant, financées par des redevances auprès des entreprises concernées, à l'instar de ce qui existait déjà pour l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSAPPS).

Soulignant que l'AFSSE ne pouvait être conçue comme la simple prolongation d'un " bureau d'administration centrale ", il a estimé que le Sénat et l'Assemblée nationale auraient un rôle important à jouer lors de la commission mixte paritaire.

M. Guy Fischer a rappelé que son groupe s'était abstenu en première lecture sur le texte amendé par le Sénat en regrettant le manque de lisibilité des propositions alors adoptées.

Concernant l'introduction en deuxième lecture par l'Assemblée nationale de l'article 4 A, il a rappelé qu'aucune initiative n'avait été prise jusqu'ici pour mettre en oeuvre les propositions du rapport de M. Le Déaut de juillet 1998. Rappelant les récents mouvements affectant le secteur de l'industrie nucléaire, il a estimé préférable une discussion sur l'ensemble des questions relatives à cette filière. Il a regretté la " marche forcée " engagée par le Gouvernement sur l'IRSN et s'est déclaré attentif aux réactions des personnels. Il a estimé indispensables les précisions sur la nature des tutelles relatives à l'IRSN, ainsi que sur leurs modalités d'exercice.

M. Lucien Neuwirth a regretté que le Gouvernement tente un " passage en force " sur un problème complexe et a estimé impossible que la question des tutelles sur l'IRSN puisse être réglée par décret.

En réponse aux intervenants, M. Claude Huriet a tout d'abord rappelé que la proposition, adoptée par le Sénat en première lecture, d'intégrer l'OPRI à la nouvelle agence répondait à une logique dans la mesure où la mission de l'OPRI est de prévenir les risques dus aux rayonnements ionisants par des missions d'expertise et de contrôle propres à assurer la protection de la population, des personnes professionnellement exposées et de l'environnement. Il a souligné que cette mission entrait bien dans le champ de la mission plus générale assignée à la nouvelle agence.

Il a relevé que Mme Dominique Voynet avait indiqué le 12 décembre dernier, à l'Assemblée nationale, que l'Agence pourrait passer des conventions de concours permanents avec le futur IRSN. M. Claude Huriet a souligné néanmoins que la négociation serait extrêmement déséquilibrée si l'agence devait continuer à être considérée comme une simple " tête de réseau " : il a constaté la disproportion entre les moyens qui s'élevaient à 37 millions de francs de l'AFSSE et le budget de l'IRSN qui était de l'ordre de 1,5 milliard de francs.

Concernant l'intégration de l'INERIS à l'Agence, il a rappelé qu'il ne s'était pas déterminé en fonction de l'opinion des personnels, tout en comprenant le souci de ces derniers d'éviter l'éclatement de l'institut. Il a rappelé que les représentants des personnels à l'INERIS n'excluait pas, a priori, l'hypothèse d'une intégration de l'INERIS dans la future agence.

S'agissant de l'institut de veille sanitaire (IVS), M. Claude Huriet a estimé qu'en effet la déclaration du 28 novembre 2000 citée par M. François Autain, méconnaissait le rôle de cet organisme. Il a souligné que la création de l'AFSSE devrait s'opérer dans le respect des compétences attribuées à l'IVS qui avait pour mission d'observer tous les faits anormaux de nature à révéler un risque sanitaire.

Concernant les prestations commerciales de l'INERIS, M. Claude Huriet a estimé que celles-ci devraient être financées par les subventions publiques ou par des redevances pour services rendus, à la condition toutefois que n'existe pas une offre concurrentielle de service dans le même domaine.

Il a déclaré partager les préoccupations de M. Lucien Neuwirth à propos de la nécessaire clarification de la nature des tutelles de l'IRSN.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

Dans l'intitulé du titre II, elle a adopté un amendement modifiant l'intitulé de la nouvelle Agence qui serait appelée : agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention des risques industriels et chimiques.

A l'article 2 relatif à la création de l'agence, elle a adopté trois amendements :

- un amendement complétant la définition des missions de l'agence, en précisant que celle-ci doit évaluer les risques sanitaires, directs ou indirects, de nature physique, chimique ou biologique relatifs à l'environnement naturel, professionnel et domestique ;

- un amendement précisant que l'agence peut fournir l'expertise technique et scientifique pour la mise en oeuvre des dispositions du code de l'environnement relatives aux milieux physiques (livre II) et à la prévention des pollutions, des risques et des nuisances (livre V) ;

- un amendement prévoyant le transfert intégral de l'INERIS à l'agence et renforçant les garanties en matière de maintien des droits des personnels de l'établissement.

A l'article 4 A relatif à la création de l'IRSN, la commission a adopté, à titre conservatoire, un amendement de suppression de cet article.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi amendée.

Mission d'information - Réforme des systèmes de retraite en Suède et en Italie - Communication

La commission a ensuite entendu une communication du président sur la mission d'information de la commission consacrée à l'étude de la réforme des systèmes de retraite en Suède et en Italie.

M. Jean Delaneau, président, a rappelé que la commission choisissait d'effectuer des missions d'informations dans des pays étrangers qui, bien qu'ayant une culture, des traditions et des systèmes sociaux spécifiques, étaient confrontés à des défis comparables à ceux qui caractérisent la France. L'étude des solutions retenues, des réformes entreprises par ces pays constituait ensuite de précieux enseignements qui guidaient, ou du moins éclairaient, le travail du législateur.

M. Jean Delaneau, président, a relevé que, dans cette perspective, il était apparu judicieux à la commission d'étudier en Italie et en Suède la façon dont ces deux pays avaient réussi à réformer leurs systèmes de retraite. Le choix de ces deux pays ne devait naturellement rien au hasard : l'Italie et la Suède constituent les seuls exemples de pays industrialisés qui, au-delà de simples ajustements, ont opéré une transformation profonde du système de retraite lui-même.

M. Jean Delaneau, président, a indiqué que cette mission s'était déroulée du 5 au 13 septembre 2000, avait débuté par un séjour de quatre jours à Stockholm et s'était achevée par un séjour d'une même durée à Rome. La délégation qu'il présidait était composée de Mme Marie-Madeleine Dieulangard, de MM. Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Claude Domeizel, Guy Fischer, Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle. Tant en Suède qu'en Italie, les membres de la délégation avaient pu rencontrer les principaux acteurs des réformes engagées : actuels et anciens ministres, parlementaires, dirigeants des syndicats de travailleurs et d'employeurs, universitaires et experts.

M. Jean Delaneau, président, a souligné que la Suède avait procédé à une réforme majeure de son système public de retraite : elle était ainsi en train de passer d'un système à deux étages, composé d'une retraite de base forfaitaire et d'une retraite complémentaire proportionnelle aux revenus, à un système unique à cotisations définies.

Il a fait observer qu'avant que ne soit adoptée cette réforme, le système de retraite suédois avait fait l'objet d'un débat très approfondi qui s'était déroulé sur une vingtaine d'années. Le processus de réforme avait ainsi été engagé au début des années 1990, suite aux conclusions et propositions présentées par une commission instituée au début de la décennie 1980. Un groupe de travail composé des représentants des sept partis siégeant à cette époque au Parlement avait alors été institué. Les partis de la gauche et de l'environnement renonçaient cependant, peu après, à participer à cette démarche.

M. Jean Delaneau, président, a précisé que si les principes d'une telle réforme avaient été adoptés par le Parlement dès le 8 juin 1994, les modalités pratiques du nouveau régime de retraite qui viendra remplacer le régime de la pension de base et celui de la pension complémentaire (ATP), n'avaient été adoptées que quatre ans plus tard, le 8 juin 1998, à une très large majorité (257 pour, 17 contre et 16 abstentions). La réforme était entrée en vigueur le 1er janvier 1999, mais les premières pensions de retraite qui en résultent ne seraient versées qu'à partir de janvier 2001.

M. Jean Delaneau, président, a considéré que la Suède avait ainsi opéré une réforme ambitieuse, qui conjuguait répartition et capitalisation. Le nouveau régime, basé sur le montant et la durée des cotisations, est obligatoire et s'applique partiellement aux personnes nées entre 1935 et 1953, intégralement aux personnes nées à partir de 1954. Le montant de la cotisation au système des retraites sera de 18,5 % des revenus, avec un plafond de 278.000 couronnes suédoises, soit environ 220.000 francs par an. Les salariés dépassant ce plafond devront avoir recours à d'autres dispositifs s'ils souhaitent obtenir une retraite plus importante. Les indemnités seront calculées sur la moyenne des revenus pendant la totalité de la vie active et non plus seulement sur les 15 meilleures années, comme c'est le cas aujourd'hui. Les cotisations seront financées à parité par l'employeur et le salarié, chacun à hauteur de 9,25 % du salaire brut (soit en fait 8,47 % pour le salarié si on tient compte des dégrèvements fiscaux). Les cotisations des salariés sont ainsi passées de 6,95 % du salaire brut en 1999 à 7 % en 2000 et devraient augmenter progressivement pour atteindre 8,47 %.

Pour prétendre à une retraite de base à taux plein, il faudrait avoir résidé en Suède pendant une durée minimale de 40 ans et cette retraite ne sera versée qu'à partir de l'âge de 65 ans. L'âge de départ à la retraite, décidé par le cotisant, pourra varier entre 61 et 67 ans. Le montant de la pension versée dépendra en conséquence de ce critère : plus la pension sera versée tard, plus son montant sera élevé et vice-versa. Les cotisations et les versements du système de répartition seront également liés à la croissance économique. Les retraites seront ainsi indexées sur la croissance moyenne réelle du revenu. Le système de retraite sera également sensible aux évolutions démographiques. Le montant de la pension accordé sera calculé selon l'espérance de vie moyenne au moment du départ à la retraite.

M. Jean Delaneau, président, a précisé que, sur les 18,5 % de cotisation totale, 16 % seront destinés à financer le régime général (système de répartition) et 2,5 % alimenteront un compte individuel de capitalisation. Le cotisant aura donc droit au moment de son départ à la retraite à deux types d'indemnités : l'une fondée sur ses revenus et ses cotisations (Inkomstpension) et l'autre fonction du rendement de ses placements (Premiepension). Quatre fonds " tampon " d'égale importance vont être créés, à partir des cinq premiers fonds nationaux de retraite " AP-fonden " sur les sept qui existent à ce jour, pour permettre le passage de l'ancien au nouveau système. Ils seront créés en janvier 2001 et auront pour mission de lisser les écarts temporaires entre les cotisations et les versements.

M. Jean Delaneau, président, a indiqué que pour la gestion des placements individuels (Premiepension), chaque Suédois devrait désormais choisir entre une société de bourse publique et environ 800 sociétés de bourse privées, suédoises ou étrangères. Les salariés qui ne feraient pas de choix, volontairement ou involontairement, verront leur placement géré par le 7e fonds national de retraite. Une autorité de surveillance a été instituée en juillet 1998 pour contrôler le bon fonctionnement du système de capitalisation et servir d'intermédiaire entre le gestionnaire du compte et le cotisant. Son budget de fonctionnement sera financé par les cotisants, à raison d'une contribution de 300 couronnes suédoises par an, soit environ 250 francs.

M. Jean Delaneau, président, a constaté que la mise en place de ce nouveau système semblait cependant susciter des difficultés pratiques et un certain scepticisme de l'opinion. Nombre de problèmes restaient en effet en suspens : la nécessaire compensation salariale du fait de l'importante augmentation des cotisations à la charge des salariés de 6,95 % à 8,47 % des revenus, les modalités pratiques de fonctionnement du système d'indexation des cotisations et des pensions sur la croissance économique, l'application du principe de la flexibilité de l'âge de départ à la retraite et, notamment, son articulation avec les règles du marché du travail. Le Gouvernement espère que les salariés et les employeurs arriveront, par la négociation, à des accords collectifs sur ce point. Si tel n'est pas le cas, il envisage de légiférer.

M. Jean Delaneau, président, a jugé que le processus de la réforme n'était donc pas totalement achevé et qu'il faudrait vraisemblablement attendre la fin de l'année 2001 pour pouvoir en dresser un premier bilan.

Il a ensuite évoqué la réforme des retraites en Italie. Il a souligné que l'Italie présentait, au sein des pays de l'OCDE, les perspectives démographiques les plus défavorables, mais que son système de retraite restait l'un des plus généreux au monde et son financement, assuré pour un tiers par le budget de l'Etat, s'élevait d'ores et déjà à 14 % du produit intérieur brut (PIB) italien. Ce constat avait conduit l'Italie à engager, à l'image de la Suède, des réformes importantes de son système public de retraite.

M. Jean Delaneau, président, a observé que les entretiens qu'avait pu avoir la délégation dans ce pays avaient permis d'apprécier le consensus qui a caractérisé les réformes passées, comme les divergences sur les suites à leur donner.

Il a souligné que l'Italie avait procédé, depuis 1992, à une profonde réforme de son système de retraite, réforme réalisée en deux grandes étapes : en 1992, puis de 1995 à 1997.

M. Jean Delaneau, président, a expliqué qu'en 1992, le Gouvernement de M. Giuliano Amato, face à l'ampleur de la crise des finances publiques, avait pris des mesures d'urgence qui avaient recueilli un consensus général grâce à la prise de conscience, par tous, de la gravité de la situation. Le projet de réforme du Gouvernement de coalition de M. Giuliano Amato a, en effet, été conçu après la crise monétaire de l'été 1992 et la sortie de la lire du système monétaire européen (SME), dans le contexte d'une opinion publique passablement traumatisée. La réforme de 1992 s'est traduite principalement par un allongement progressif de la période du revenu de référence pour le calcul des droits (portée à 20 ans en 2000), par l'indexation des retraites sur les prix, et non plus sur les salaires nominaux, et par le relèvement progressif de l'âge de départ obligatoire à la retraite (à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes, à raison d'une année tous les deux ans jusqu'en 2002).

M. Jean Delaneau, président, a indiqué que le projet présenté en 1994 par le Gouvernement de M. Silvio Berlusconi poursuivait dans la voie d'un durcissement, à effets immédiats, des paramètres des régimes (notamment en prévoyant de pénaliser les départs avant l'âge normal par l'application de taux de réduction aux pensions servies). Le conflit social majeur que ce projet avait engendré en octobre et novembre 1994 était à l'origine de la chute du Gouvernement Berlusconi.

M. Jean Delaneau, président, a souligné que quelques semaines plus tard, les syndicats proposaient pourtant d'eux-mêmes ce qui allait devenir quelques mois plus tard la réforme Dini. De 1995 à 1997, les gouvernements de MM. Lamberto Dini et Romano Prodi avaient mis en oeuvre des mesures plus structurelles visant à harmoniser les règles des différents régimes et à passer d'un régime rétributif à un régime contributif (montant des pensions égal au montant des cotisations, avec coefficient correcteur des évolutions démographiques et économiques). Le consensus avait pu être obtenu grâce à la négociation avec les partenaires sociaux.

M. Jean Delaneau, président, a souligné que l'objectif affiché de ces réformes était de stabiliser, dans un premier temps, le poids des retraites dans le PIB aux alentours de 15 %, puis d'arriver, à terme, à égaliser recettes et dépenses du régime. Il a fait valoir que la réforme du Gouvernement Dini était très particulière, puisqu'elle reprenait quasiment sans modification le projet présenté en janvier 1995 par la plate-forme regroupant les trois grandes centrales italiennes. Le négociateur gouvernemental, M. Tiziano Treu n'avait en effet pas jugé utile de présenter un contre-projet.

M. Jean Delaneau, président, a jugé que la longueur de la période de transition, ainsi que le lent durcissement des conditions d'accès aux pensions d'ancienneté, affaiblissaient cependant singulièrement la portée de la réforme Dini, en en faisant une solution de long terme insuffisante pour viabiliser les équilibres financiers à court et moyen terme (seulement 0,6 % de PIB d'économies par an sur la période 1996-2005). Pour sa part, la réforme Prodi accélérait le durcissement des conditions d'accès aux pensions d'ancienneté, avec en particulier le passage à 40 ans de cotisations requises dès 2004 au lieu de 2008. L'exonération jusqu'en 2001 des ouvriers et assimilés du privé, qui représentaient 70 % de la base potentielle des personnes concernées, réduisait cependant singulièrement la portée immédiate de cette mesure. Au total, les résultats obtenus pouvaient apparaître faibles en regard de la gravité de la situation et des efforts de concertation et de communication déployés par le Gouvernement tout au long de l'année 1997.

M. Jean Delaneau, président, a estimé que les avis divergeaient toutefois aujourd'hui sur le bilan de ces réformes et sur les suites à leur donner. Les syndicats s'affirmaient satisfaits en l'état actuel des choses : le poids des pensions dans le PIB avait été stabilisé, et toute nouvelle modification du régime ne pouvait être, selon eux, que suspendue aux résultats de l'évaluation de la réforme prévue pour 2001. La majorité et l'opposition restaient également prudentes avant les élections de 2001, qui précéderont vraisemblablement l'évaluation et donc toute accélération ou accentuation de la réforme.

M. Jean Delaneau, président, a indiqué que le débat se focalisait désormais sur le développement des fonds de pensions et ses modalités. Le système de retraite italien était désormais articulé autour de trois piliers :

- le système public : système par répartition, qui fournit aujourd'hui (système rétributif) une pension égale à 80 % du salaire, et devrait représenter demain (système contributif) 60 % du salaire ; le montant de la cotisation est de 32,7 % du salaire ;

- les fonds de pensions " contractuels " : négociés au niveau des branches, ils sont collectifs et redistributifs ; l'abondement obligatoire est paritaire (deux fois 1,5 % du salaire), comme la gestion ; les abondements font l'objet de déductions fiscales et sociales, dans la limite d'un plafond ;

- les fonds de pensions " ouverts " : l'adhésion est facultative et individuelle.

M. Jean Delaneau, président, a expliqué que le débat se portait aujourd'hui sur les modalités de développement de ces fonds de pensions, objectif qui recueillait l'approbation de tous les acteurs, conscients que la baisse du montant des pensions publiques rend impératif le développement de régimes complémentaires.

Il a souligné que le système italien présentait cependant une originalité qui était au centre des projets de réforme : le TFR (traitement de fin de rapport), pécule équivalent à 7 % de la rémunération totale du travailleur, qui lui est versé par son entreprise lorsqu'il la quitte. Il a indiqué que le Gouvernement venait de déposer un projet de loi visant à transférer ce TFR des caisses des entreprises vers les fonds de pension, ce qui soulevait de nombreux débats : les syndicats y étaient favorables, mais à condition que ce TFR ne puisse -du moins durant une période minimale de quatre ans- être versé qu'aux fonds contractuels, fonds collectifs à la gestion desquels ils participent, et qui conservent un objectif redistributif. Les entreprises d'assurance y étaient également très favorables, à condition que le TFR puisse être transféré sur tous les types de supports, y compris les fonds privés à adhésion individuelle. Le patronat restait en revanche réticent à l'idée d'un transfert du TFR, qui se traduirait par la perte de ce qui constitue aujourd'hui pour les entreprises une source gratuite de financement. Il réclame donc au Gouvernement des contreparties, qui pourraient prendre la forme d'une baisse massive des cotisations au système public.

M. Jean Delaneau, président, a considéré qu'il semblait en tout état de cause que le système de retraite ne subirait pas de réforme profonde avant l'évaluation de la réforme en cours, prévue pour 2001, qui n'aurait vraisemblablement lieu qu'au lendemain des élections législatives, compte tenu de la sensibilité politique de ce sujet en Italie.

Il a estimé que, par delà les différences, plusieurs traits communs ressortaient de l'analyse des réformes engagées en Suède et en Italie : la volonté marquée de trouver un consensus entre les différentes forces politiques et sociales, le choix de modifier de façon profonde les paramètres de la répartition (âge de la retraite, durée et montant de cotisation...), et le recours à la capitalisation comme complément de la répartition.

Il a souligné qu'il ne s'agissait naturellement pas de chercher à importer dans notre pays des solutions toutes faites pour répondre aux problèmes que connaît notre système de retraite. L'analyse des expériences étrangères pouvait toutefois contribuer à l'élaboration et à l'introduction d'innovations ou de solutions originales, correspondant à notre contexte national. A cet égard, les évolutions souvent audacieuses des systèmes de retraite suédois et italiens méritaient, en bien des aspects, d'être prises en considération.

La commission a décidé la publication, sous la forme d'un rapport d'information, des conclusions de la mission.

M. Jean Delaneau, président,
a indiqué qu'il adresserait la communication qu'il venait de présenter aux membres de la délégation afin qu'ils puissent faire part de leurs observations éventuelles, dont la teneur serait intégrée au rapport publié.

Nominations de rapporteurs

Puis la commission a nommé M. Francis Giraud, rapporteur sur le projet de loi n° 120 (2000-2001) adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception.

Enfin, la commission a nommé Mme Gisèle Printz, rapporteur sur la proposition de loi n° 131 (2000-2001) présentée par M. Michel Charasse et les membres du groupe socialiste et apparentés reconnaissant aux orphelins de toutes les victimes de persécutions, mortes en déportation, le droit à réparation.