Table des matières


Mardi 3 avril 2001

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Modernisation sociale - Audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité

La commission a procédé à l'audition de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur le projet de loi n° 185 (2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de modernisation sociale.

Dans son propos liminaire, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que la modernisation sociale était au coeur de l'action du Gouvernement, comme l'attestent les différentes réformes entreprises, depuis 1997, en ce domaine. Elle a également indiqué que, dans les prochaines semaines, d'autres réformes seraient soumises à l'examen du Parlement en ce qui concerne, notamment, la protection et l'accompagnement des personnes âgées dépendantes ou la reconnaissance des droits des malades.

Mais elle a considéré que la modernisation sociale passait également par une adaptation permanente des droits et des régimes sociaux. Elle a estimé que le projet de loi comportait à ce titre deux domaines fondamentaux : d'une part, la sécurité des personnes face aux risques de la vie et du travail et d'autre part le droit à l'emploi.

Mme Elisabeth Guigou a, tout d'abord, présenté les différentes dispositions du projet de loi relatives au système de santé, considéré tant du point de vue des professionnels que des patients.

En ce qui concerne les établissements publics de santé, elle a rappelé l'attention toute particulière accordée par le Gouvernement à la situation des personnels hospitaliers, qui s'est concrétisée par la signature de protocoles en mars 2000 et mars 2001. Le projet de loi de modernisation sociale définit donc les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ces protocoles. L'inscription systématique dans les projets d'établissement d'un volet social portant sur les conditions de travail est ainsi prévue avec la formation et l'évolution des qualifications. Comme les autres volets du projet d'établissement, ce volet social fera l'objet d'une concertation interne approfondie et servira de base aux contrats d'objectifs et de moyens conclus avec les agences régionales d'hospitalisation. Par ailleurs, le projet de loi entend également répondre au souci légitime de mobilité et de promotion des cadres et agents hospitaliers, en les faisant bénéficier de bilans de compétences qui, à l'instar des salariés du secteur privé et des fonctionnaires de l'Etat, leur permettront d'orienter leurs évolutions professionnelles et leurs carrières.

Evoquant le rôle essentiel de l'hôpital dans la formation des professionnels de santé, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le Gouvernement, favorable aux demandes exprimées par ces derniers, propose également de réformer les études médicales, afin d'y redonner toute sa place à la médecine générale, qui doit être une discipline au même titre que l'ensemble des spécialités. L'internat concernera ainsi l'ensemble des étudiants en médecine, qui bénéficieront d'un cursus de même durée. Enfin, et dans le même ordre d'idées, le Gouvernement souhaite permettre aux praticiens de s'inscrire dans des démarches de qualité. A cette fin, le projet de loi de modernisation sociale contient des dispositions relatives à la qualification des professionnels de santé et à l'observation des règles de sécurité indispensables pour le bon accomplissement de certains actes chirurgicaux particulièrement délicats (chirurgie esthétique ou pose d'implants dentaires, notamment).

Mme Elisabeth Guigou a ensuite présenté les dispositions du projet de loi visant, d'une part, à permettre aux personnes en garde à vue ou en centre de rétention de bénéficier de soins par le biais de l'aide médicale de l'Etat et celles relatives, d'autre part, à l'accueil familial des personnes âgées et des personnes handicapées. Sur ce dernier point, elle a précisé que le projet de loi prévoit de renforcer les droits sociaux des familles accueillantes tout en assurant, aux personnes âgées ou handicapées, les conditions d'un accueil de qualité.

Elle a également indiqué que le projet de loi de modernisation sociale était l'occasion, pour le Gouvernement, de réaffirmer son attachement au système de retraite par répartition, en y inscrivant l'article relatif à l'abrogation de la loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite " loi Thomas ", qui avait été initialement introduit dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, mais que le Conseil constitutionnel avait censuré au motif que cet article n'entrait pas dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

S'agissant, par ailleurs, de l'article 8 du projet de loi relatif à la Caisse des Français de l'étranger, elle a présenté le nouveau dispositif visant à permettre aux expatriés disposant de ressources modestes d'adhérer à cette caisse dans des conditions financières plus favorables. Ce dispositif sera financé sur les crédits du ministère des affaires étrangères, complétés par une dotation initiale financée par la Caisse des Français de l'étranger. Elle a souligné l'utilité de cette mesure de justice sociale en faveur des expatriés, qui ne sont pas tous des diplomates, des travailleurs hautement qualifiés ou des artistes de notoriété internationale.

Puis Mme Elisabeth Guigou a abordé les dispositions du projet de loi visant à donner au droit à l'emploi une extension nouvelle.

Elle a, tout d'abord, souligné les résultats considérables obtenus sur le front de l'emploi depuis trois ans, sous l'effet des politiques volontaristes de soutien à la croissance, de lutte contre le chômage et de développement de l'emploi (35 heures, emplois-jeunes, programmes de trajets d'accès à l'emploi (TRACE) en faveur des jeunes et " nouveau départ " en faveur des chômeurs de longue durée). Avec une baisse d'un tiers du nombre de chômeurs depuis juin 1997 (soit 1.045.000 demandeurs d'emploi de moins) et un taux de chômage ramené de 12,6 à 8,8 % fin février 2001, la France se situe ainsi en tête des pays européens. L'année 2000, au cours de laquelle 500.000 emplois ont été créés, a d'ailleurs été particulièrement exceptionnelle.

Tout en se félicitant de ces résultats, Mme Elisabeth Guigou a néanmoins rappelé que le droit à l'emploi n'est pas toujours garanti à tous, notamment à ceux qui sont victimes de licenciements et à ceux qui demeurent dans une situation de précarité, car cantonnés dans des contrats de travail de courte durée et tenus à l'écart des emplois permanents. Elle a tout d'abord affirmé la volonté du Gouvernement de légiférer contre les licenciements abusifs, soulignant que l'actualité récente mettait en évidence la nécessité et l'utilité de définir des règles strictes en ce domaine. Evoquant, à cette occasion, le cas particulier des licenciements annoncés par le groupe Marks et Spencer, elle a indiqué que le Gouvernement avait demandé à l'inspection du travail d'ouvrir une enquête à ce sujet, tout en regrettant, par ailleurs, que les arguties juridiques soulevées par le Royaume-Uni aient empêché, jusqu'à présent, l'adoption de règles européennes garantissant notamment une meilleure information préalable des représentants du personnel et des salariés dans de telles situations.

Estimant que, si les licenciements, toujours traumatisants pour les salariés, étaient parfois nécessaires à la survie de l'entreprise, ils étaient révoltants lorsqu'ils devenaient des actes de gestion courante. Il en était ainsi lorsque ces licenciements n'étaient pas liés aux difficultés des marchés, lorsque l'entreprise annonçait des résultats florissants ou lorsqu'ils intervenaient après des efforts très importants de productivité demandés aux salariés.

Mme Elisabeth Guigou a ensuite exposé les différentes dispositions du projet de loi de modernisation sociale visant à mieux garantir les droits des salariés en cas de licenciements, à savoir :

- l'obligation, pour les employeurs, de conclure, ou du moins de négocier, un accord sur la réduction du temps de travail préalablement à tout plan social (si cette obligation n'est pas respectée, les représentants du personnel auront la faculté de saisir le juge de référés qui pourra, dès lors, suspendre la procédure en cours) ;

- le renforcement substantiel, lorsque les licenciements sont cependant devenus inévitables, des compétences des représentants du personnel pour garantir les droits des salariés en améliorant, d'une part, l'implantation des institutions représentatives du personnel et en favorisant, d'autre part, l'information, la plus précoce possible, des représentants du personnel ;

- la nécessité de rechercher toutes les opportunités de reclassement en préalable à tout licenciement économique, l'employeur devant, d'une part, procéder à cette recherche non seulement dans son entreprise mais, si tel est le cas, dans l'unité économique et sociale ou le groupe dans lesquels l'entreprise est intégrée et, d'autre part, mettre en place un plan social mobilisant tous les moyens dont il dispose.

S'agissant de la lutte contre le recours abusif aux emplois précaires, Mme Elisabeth Guigou a indiqué que le projet de loi renforce le principe, qui figure déjà dans la loi, selon lequel des emplois temporaires ne peuvent être substitués à des emplois permanents liés à l'activité normale de l'entreprise. D'autres mesures du projet de loi répondent à une préoccupation identique, qu'il s'agisse, notamment, de la définition plus stricte du délai de carence ou des dispositions visant à garantir l'égalité, à qualification et formation identiques, entre travailleurs temporaires et titulaires d'emplois permanents.

Elle a précisé que la politique du Gouvernement pour l'emploi s'inscrivait également dans une perspective dynamique, comme l'atteste la validation des acquis de l'expérience professionnelle qui, associée à d'autres dispositions en matière de formation professionnelle, favorisera la mobilité des salariés, la reconnaissance de leur qualification et de leur progression professionnelles.

Enfin, Mme Elisabeth Guigou a souligné l'importance des dispositions du projet de loi relatives à la reconnaissance, dans le code du travail, du harcèlement moral. Elle a indiqué qu'elle avait reçu M. Michel Debout, auteur du rapport du Conseil économique et social, devant lequel elle doit prochainement s'exprimer sur ce sujet. Elle a également précisé que les travaux des principaux experts concernés, ainsi que les arguments d'un certain nombre de parlementaires, l'avaient conduite à souhaiter l'engagement d'un travail législatif en ce domaine. Elle a ainsi rappelé le dispositif déjà adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, qui est organisé autour des éléments suivants :

- une définition du harcèlement moral, sans portée pénale, mettant l'accent sur la notion de répétition des agissements, dont l'objet ou l'effet est de porter atteinte à la dignité du salarié et de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ;

- la nullité des sanctions disciplinaires et de la rupture du contrat de travail qui serait la conséquence d'un harcèlement moral ou de son refus ;

- la responsabilité, incombant au chef d'entreprise, de la prévention du harcèlement (en rappelant, notamment, le principe d'exécution de bonne foi des contrats).

Concluant son propos introductif, Mme Elisabeth Guigou a exprimé le souhait que ce dispositif puisse, lors de son examen devant le Parlement, être complété sur certains points particuliers : la victime, ou le témoin, pourrait ainsi bénéficier d'un régime d'aménagement de la charge de la preuve devant le juge du contrat, et ce, afin de rendre compatible la législation nationale avec les directives communautaires ; les organisations syndicales et les associations pourraient saisir le juge du contrat au lieu et place de la victime ; enfin, de nouvelles prérogatives pourraient être reconnues aux élus du personnel en vue de prévenir le harcèlement moral dans l'entreprise.

M. Claude Huriet, rapporteur, a indiqué que l'article 6 ter du projet de loi instaurait, lors de l'appel de préparation à la défense, un examen médical et des tests psychotechniques. Il s'est interrogé sur les finalités de cet examen et de ces tests et sur les moyens que le Gouvernement entendait consacrer pour la mise en oeuvre de cette disposition.

Après avoir rappelé que l'article 38 de la loi portant création d'une couverture maladie universelle autorisait les aides-opératoires à accomplir des actes d'assistance auprès d'un praticien au cours d'une intervention chirurgicale lorsqu'ils avaient exercé cette activité professionnelle depuis une durée au moins égale à six ans et qu'ils avaient satisfait, avant le 31 décembre 2002, à des épreuves de vérification des connaissances dans des conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat, il a souligné que l'article 6 quater du projet de loi prolongeait de deux années cette échéance, en la portant au 31 décembre 2004. Il a souhaité connaître la justification de cette disposition et les raisons pour lesquelles le décret en Conseil d'Etat n'était toujours pas publié près de deux ans après le vote de la loi CMU.

M. Claude Huriet, rapporteur, a enfin souhaité connaître l'analyse que formulait le Gouvernement au sujet de l'article 28 sexies du projet de loi qui suspend, en l'attente de la décision définitive prononcée par la juridiction pénale, les sanctions susceptibles d'être infligées par l'Ordre lorsque les procédures disciplinaires ont été engagées du fait du signalement par un médecin en cas de sévices ou privations qui lui permettent de présumer que des violences physiques ou sexuelles ont été commises.

M. Bernard Seillier, rapporteur, concernant la réforme de l'accueil familial prévue à l'article 14, s'est interrogé sur la possibilité de se référer au code du travail pour qualifier juridiquement les prestations de services effectuées par les accueillants familiaux et sur l'amélioration du régime de formation professionnelle de ces derniers. S'agissant de l'article 28 ter relatif au stationnement des personnes handicapées, il s'est inquiété des risques d'abus dès lors que l'accès aux places réservées pourrait être accordé par le maire sur seule présentation d'un certificat médical. Enfin, il s'est interrogé sur l'absence de mise en place de la réforme de la composition des tribunaux des contentieux de l'incapacité parallèlement à celle de la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (CNITAT) prévue à l'article 10 quater.

M. Alain Gournac, rapporteur, après avoir rappelé que, lors de son audition par la commission le 21 novembre 2000, la ministre avait déclaré, en réponse à une question de M. Louis Souvet, rapporteur pour avis des crédits consacrés au travail et à l'emploi du projet de loi de finances, que " le Gouvernement allait présenter sans tarder un projet de loi comportant des modifications des dispositifs visés par la nouvelle convention d'assurance chômage ", a souhaité savoir quand le Gouvernement prévoyait de présenter ces dispositions au Parlement et pourquoi il n'avait pas souhaité les introduire dans le présent projet de loi.

Revenant sur les méthodes employées récemment par certaines grandes entreprises pour réorganiser leur activité sans se soucier des salariés, qu'il a jugées indignes, il a souhaité savoir dans quelle mesure le dispositif de l'article 32 du projet de loi aurait permis d'apporter une réponse aux " affaires " récentes dont le Premier ministre s'était largement fait l'écho.

M. Alain Gournac, rapporteur, a ensuite évoqué l'article 73 du projet de loi qui autorise les communes et les départements à accorder des subventions aux syndicats, en soulignant qu'il portait atteinte tant à l'indépendance des syndicats qu'à la libre administration des collectivités locales.

Estimant qu'il constituait, par ailleurs, une source de confusion dans le débat ouvert récemment sur les modalités de financement des syndicats, il a interrogé la ministre sur son éventuelle suppression.

Il a également souhaité connaître, de façon générale, la position du Gouvernement concernant un financement public des syndicats.

M. Alain Gournac, rapporteur, a enfin interrogé la ministre sur l'introduction dans le code du travail de la notion de harcèlement moral. A cet égard, tout en soulignant la gravité du sujet qui appelle une extrême vigilance, il s'est interrogé sur la nécessité de légiférer en la matière, considérant que la jurisprudence permettait déjà d'apporter des réponses, mais aussi sur le caractère parcellaire des dispositions adoptées à l'Assemblée nationale.

Mme Annick Bocandé, rapporteur, s'est interrogée sur l'articulation entre les dispositions relatives à la formation professionnelle du projet de loi et la négociation nationale interprofessionnelle lancée par les partenaires sociaux sur ce sujet.

Elle s'est également interrogée sur le bilan des expérimentations menées par le Gouvernement en matière de validation des acquis professionnels.

En réponse à M. Claude Huriet, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que l'article 6 ter du projet de loi résultait d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale et auquel le Gouvernement avait donné un avis défavorable. Elle a dit comprendre les motivations de cet article, qui répondait à un souci de santé publique, mais a souligné les difficultés de sa mise en oeuvre. Elle a considéré que la journée d'appel de préparation à la défense pourrait être l'occasion d'une information systématique à l'intention des jeunes, sur les sujets de santé les concernant, ce qui serait probablement plus utile qu'un examen médical.

Evoquant l'article 6 quater du projet de loi, elle a rappelé que l'article 38 de la loi CMU avait été adopté contre l'avis du Gouvernement et que les organisations représentatives des infirmiers de bloc opératoire demandaient toujours son abrogation. Elle a précisé que le décret en Conseil d'Etat prévu audit article 38 n'avait toujours pas été publié en raison de la forte opposition de ces organisations. Elle a souligné que le Gouvernement poursuivait les négociations sur ce texte et que l'article 6 quater adopté par l'Assemblée nationale se limitait à prolonger l'échéance de deux années sans augmenter en rien la population concernée par cette disposition.

S'agissant de l'article 28 sexies, elle a considéré que son principe était bon et qu'il convenait effectivement d'améliorer la protection juridique des professions de santé amenées à effectuer des signalements. Elle a néanmoins jugé que la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale n'était pas satisfaisante et méritait d'être améliorée.

Répondant à M. Bernard Seillier, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a rappelé que l'article 14 du projet de loi réformait le dispositif de la loi n° 89-475 du 10 juillet 1989 relative à l'accueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées ou handicapées adultes afin de le rendre plus lisible et de valoriser la qualité de l'accueil, notamment par l'élaboration d'un contrat-type d'accueil sur le plan national.

S'interrogeant sur les conséquences juridiques du lien de subordination prévu dans un contrat de travail dans le cas de l'accueil familial, elle a rappelé que le Gouvernement s'en était remis à la sagesse de l'Assemblée nationale sur l'amendement en cause. Elle s'est déclarée favorable à ce qu'une institution sociale et médico-sociale puisse jouer le rôle d'employeur vis-à-vis d'accueillants familiaux en accord avec les conseils généraux.

Concernant l'article 28 ter, elle a rappelé que les maires pourraient délivrer des autorisations de stationnement sur les places réservées aux personnes handicapées, aux titulaires de la carte " station debout pénible " ainsi que, pour une période limitée, aux personnes victimes d'une limitation importante mais temporaire de mobilité. Elle a estimé que le sens de la responsabilité des maires permettrait d'éviter les abus.

S'agissant de l'article 10 quater relatif à la CNITAT, elle a indiqué que cet article avait pour but de donner une assise juridique plus solide à cette instance contentieuse. Elle a estimé que la composition des tribunaux du contentieux de l'incapacité devrait également être revue mais que cette réforme devrait être mise en oeuvre progressivement au fur et à mesure de la mise en place de moyens financiers nouveaux.

En réponse aux questions de M. Alain Gournac, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a expliqué que le Gouvernement n'avait pas souhaité intégrer les modifications législatives rendues nécessaires par la nouvelle convention d'assurance chômage afin de ne pas surcharger le présent projet de loi. Elle a en revanche annoncé que le Parlement devrait examiner très prochainement un projet de loi spécifique ayant vocation à être adopté avant le 1er juillet 2001 afin de permettre l'entrée en vigueur de la nouvelle convention d'assurance chômage.

Evoquant les récentes annonces de plans sociaux et de fermetures de sites, Mme Elisabeth Guigou a considéré que les dispositions prévues par le projet de loi de modernisation sociale avaient pour objet de prévenir les licenciements économiques, à défaut de pouvoir les empêcher, et d'accroître les obligations de reclassements.

Elle a considéré qu'il était nécessaire que les salariés soient informés en amont des projets de restructuration et puissent en débattre.

Revenant sur les plans sociaux annoncés récemment, elle a déclaré que le Gouvernement serait particulièrement vigilant quant au respect des obligations de reclassement et a évoqué les instructions précises adressées en ce sens aux préfets.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souligné que l'annonce des fermetures de ses magasins en France par Marks et Spencer, sans aucune information préalable des représentants du personnel, était intolérable et inacceptable. A cet égard, elle a rapproché l'attitude de cette entreprise britannique de celle du Gouvernement de M. Tony Blair en regrettant sa constante opposition à l'adoption par le Conseil du projet de directive relative à l'information et à la consultation des travailleurs.

Elle a observé que ce projet de directive élaboré voilà deux ans déjà par la Commission européenne avait été inscrit à l'ordre du jour du Conseil par Martine Aubry lors de la présidence française de l'Union européenne. Alors que les réticences de certains Etats membres avaient été levées, elle a regretté l'attitude du Royaume-Uni qui a obtenu le retrait de l'examen de ce texte de l'ordre du jour du Conseil de décembre pour des raisons de procédure.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a souhaité que ce projet de directive soit examiné à l'issue de la présidence suédoise en juin.

Concernant l'article 73 du projet de loi qui reconnaît la possibilité pour les collectivités locales de subventionner les syndicats, elle a considéré que ses modalités d'application seraient définies par un décret en Conseil d'Etat. Elle a constaté que les syndicats approuvaient ce dispositif qu'ils ne considéraient pas comme susceptible de porter atteinte à leur indépendance. Elle a observé qu'un financement public des syndicats existait déjà sous la forme notamment de subventions en matière économique, sociale et syndicale.

S'agissant du harcèlement moral, Mme Elisabeth Guigou a reconnu que les juges se prononçaient déjà, mais rarement, sur ce sujet en se fondant sur le droit existant. Elle a cependant considéré que les bases juridiques actuelles se révèlent extrêmement générales. Elle a indiqué qu'elle était favorable à une législation spécifique en la matière et qu'elle en avait largement débattu avec les partenaires sociaux, précisant que les organisations syndicales y étaient favorables et que les organisations patronales n'affichaient pas de réticences fortes. Elle a exprimé le souhait d'une amélioration des dispositions votées à l'Assemblée nationale au cours de la navette. Elle a estimé que la récente enquête de l'Association nationale des directeurs et cadres de la fonction personnel (ANDCP) et la proposition d'avis déjà votée à l'unanimité par la section du travail du Conseil économique et social contribueraient utilement à ce débat.

En réponse à Mme Annick Bocandé, rapporteur, Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le volet formation professionnelle du projet de loi constituait un aménagement important au système français de formation continue datant de 1971. Elle a précisé que le Gouvernement ne souhaitait pas pour autant empiéter sur le champ des compétences des partenaires sociaux traditionnellement large en matière de formation professionnelle. Prenant l'exemple de la validation des acquis de l'expérience, elle a ainsi rappelé que le projet de loi se contentait de fixer le cadre de la validation laissant à la négociation le soin de définir les conditions du congé correspondant. Elle a en outre déclaré être intéressée par les discussions actuelles entre partenaires sociaux estimant que celles-ci ne manqueraient pas d'être fécondes.

S'agissant des expérimentations, elle a rappelé que le comité de coordination des programmes régionaux de formation et de l'apprentissage était chargé de les évaluer, mais qu'il était encore trop tôt pour en tirer un bilan définitif. Elle a toutefois signalé que les expérimentations en matière de validation s'étaient traduites par des accords avec les régions essentiellement afin d'améliorer l'information des usagers et avec trois branches professionnelles dans le souci de réaliser un inventaire des certifications actuelles, cet inventaire préfigurant en quelque sorte le futur répertoire national des certifications professionnelles.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur l'article 74 du projet de loi, relatif à la participation. Rappelant qu'il était favorable à un développement de la participation et une meilleure représentation des salariés actionnaires, il s'est toutefois interrogé sur le risque grave d'inconstitutionnalité des dispositions votées à l'Assemblée nationale.

M. Louis Souvet a souhaité connaître l'avis du Gouvernement concernant la compatibilité entre les dispositions prévues par l'article 32 relatif aux annonces publiques et les exigences du droit boursier.

Il a remarqué que les délais prévus pour réunir les institutions représentatives du personnel en cas de plan social pouvaient poser des difficultés pour certaines PME.

Il a dénoncé la brutalité des annonces de fermeture de sites par Marks et Spencer et s'est interrogé sur la légalité de la démarche suivie.

M. Alain Vasselle, observant que l'article 14 ter relatif aux droits fondamentaux des personnes handicapées mentionnait l'accès à un " minimum de ressources adapté ", s'est demandé si cette disposition conduirait à revaloriser le niveau des ressources des personnes handicapées placées en foyer occupationnel après prélèvement des frais d'hébergement.

Il s'est interrogé sur les dispositions de l'article 20 relatives à la fonction publique permettant le cumul entre une activité privée et une activité publique. Il a souhaité avoir communication des futurs décrets d'application estimant que la portée de la mesure dépendrait en définitive du contenu des textes d'application.

Il s'est également interrogé sur les conséquences de l'introduction de la notion de situation de famille à l'article 50 du projet de loi concernant la discrimination en matière d'attribution de logements et a souhaité des éclaircissements sur l'interprétation de cette notion.

M. Guy Fischer a estimé que les récentes annonces de plans sociaux modifiaient les enjeux de la discussion du projet de loi de modernisation sociale.

Il a considéré que ces annonces brutales de licenciements nourrissaient la colère des salariés et appelaient des réponses fortes de la part du Gouvernement, concernant notamment la lutte contre la précarité. Il a évoqué l'intention du groupe communiste républicain et citoyen de demander la discussion de la proposition de loi relative aux licenciements pour motif économique qu'il a déposée en septembre 1999. Il a souhaité obtenir des précisions concernant la publication des décrets d'application de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale le 21 décembre 2000 à l'initiative de M. Robert Hue qui institue une commission de contrôle nationale et décentralisée des fonds publics accordés aux entreprises.

M. Philippe Richert, rapporteur de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, a souhaité connaître les éléments statistiques les plus récents concernant la répartition par sexe des salariés selon la nature de leur contrat de travail (contrat à durée indéterminée (CDI), contrat à durée déterminée (CDD), contrat d'intérim et travail à temps partiel). Il a également demandé à la ministre de préciser ses projets concernant les moyens de permettre aux femmes d'accéder à des emplois plus stables au sein du monde du travail.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué tout d'abord que les dispositions de l'article 74 allaient dans le sens d'un renforcement de l'actionnariat salarié et d'une meilleure représentation des salariés actionnaires. Elle a souligné que les employeurs n'y étaient pas opposés. Elle a en outre considéré que cet article ne lui semblait pas poser de problème particulier d'un point de vue constitutionnel.

S'agissant de la compatibilité entre l'information du personnel et le droit boursier, elle a estimé qu'il était normal que les représentants du personnel soient consultés sur les projets qui pouvaient avoir des conséquences sur l'emploi. Elle a observé que les délégués du personnel étaient tenus à la confidentialité, ce qui devait permettre de concilier les nouveaux droits reconnus aux salariés avec le respect du droit boursier.

Concernant le minimum des ressources des personnes handicapées, elle a rappelé que l'allocation aux adultes handicapés (AAH) assurait un minimum de ressources d'environ 3.650 francs par mois pour les personnes les plus lourdement handicapées. Elle a souligné que l'AAH avait été augmentée de 2,1 % au 1er janvier 2001 et que l'évolution de cette prestation avait été plus forte en moyenne depuis juin 1997 que sur les périodes précédentes.

Elle a indiqué qu'elle lui ferait parvenir ultérieurement des réponses précises à ses questions concernant la fonction publique et le logement.

Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité a confirmé que le projet de loi renforçait la réglementation relative aux contrats de travail précaire afin de mettre un terme à certains abus concernant les conditions de rémunération de ces contrats ou leur renouvellement. Elle a cité, à cet égard, la pratique répandue consistant à compter le week-end comme délai de carence pour faire se succéder des contrats de cinq jours tous les jours ouvrables de la semaine.

Revenant sur l'annonce de la fermeture des implantations de Marks et Spencer, elle a réitéré la détermination du Gouvernement à veiller à l'application du droit du travail.

Elle a rappelé par ailleurs que plus de 1,5 million d'emplois avaient été créés depuis 1997 et que la part des CDI était en augmentation dans le total, ce qui illustrait l'amélioration de la qualité des emplois créés.

Elle a observé que le nombre de licenciements économiques avait diminué de 40 % en rythme annuel depuis 1997 et que le nombre de plans sociaux avait été ramené de 168 en juin 1997 à 70 en février 2001. En dépit de ces bons résultats, elle a fait part de sa préoccupation devant les annonces en cours et à venir.

Evoquant la proposition de loi adoptée à l'initiative de M. Robert Hue, elle a précisé que les décrets d'application étaient en préparation.

Elle a rappelé enfin que la réduction du temps de travail avait eu un effet bénéfique insuffisamment évoqué en matière de résorption de la précarité de l'emploi, puisqu'elle a notamment permis de créer 50.000 CDI qui se sont substitués à des emplois partiels ou instables.

Elle a cependant reconnu que près de 80 % des emplois non qualifiés du secteur tertiaire étaient occupés par des femmes, qui représentent globalement 9 % de la population active occupant des emplois précaires, les hommes en occupant 8 %.

Mercredi 4 avril 2001

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Médecine - Interruption volontaire de grossesse et contraception - Communication

M. Jean Delaneau, président, a tout d'abord fait part de l'émotion suscitée par un article de la presse quotidienne comportant des insultes et des attaques ad hominem à l'endroit de M. Francis Giraud, rapporteur du projet de loi relatif à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Il a fait part à M. Francis Giraud de la sympathie et du soutien de tous les membres de la commission sans aucune exception. Il a observé que de nombreux collègues avaient tenu à manifester directement leur sympathie au rapporteur.

Bioéthique - Fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale - Communication

La commission a entendu une communication de M. Claude Huriet sur le fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB).

M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé que la mission qui lui avait été confiée en mai dernier par la commission consistant à établir le bilan du fonctionnement des comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) répondait à un double souci : rassembler les informations disponibles concernant l'activité de ces structures créées par la loi du 20 décembre 1988 et proposer des réformes susceptibles d'être discutées à l'occasion de la révision des lois dites de " bioéthique ".

Evoquant les neuf questions écrites relatives au fonctionnement des CCPPRB qu'il avait adressées au ministre chargé de la santé depuis 1996, dont aucune n'avait reçu à ce jour de réponse, il a précisé que cette mission constituait également une réponse au défaut d'information du Parlement par le Gouvernement.

M. Claude Huriet a indiqué qu'afin de recueillir une information complète, il avait envoyé un questionnaire à l'ensemble des comités et avait conduit un important programme d'auditions associant des personnalités reconnues de la recherche biomédicale.

M. Claude Huriet a ensuite rappelé les grands principes de la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales et le rôle des CCPPRB.

Il a précisé tout d'abord que cette loi avait permis d'organiser une activité jusque-là mal encadrée et néanmoins indispensable aux progrès de la médecine.

Il a rappelé que le code de la santé publique prévoyait que les recherches devaient se fonder sur le dernier état des connaissances scientifiques ainsi que sur une expérimentation préclinique suffisante et devaient également avoir pour objet d'étendre la connaissance scientifique de l'être humain et les moyens susceptibles d'améliorer sa condition. Il a ajouté que le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche ne devait pas être hors de proportion avec le bénéfice escompté.

M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné également que les conditions de la réalisation des protocoles étaient également strictement réglementées, ces recherches ne pouvant être effectuées que sous la direction et sous la surveillance d'un médecin justifiant d'une expérience appropriée et dans des conditions matérielles et techniques adaptées à l'essai et compatibles avec les impératifs de rigueur scientifique et de sécurité des personnes qui se prêtent à ces recherches.

Il a remarqué que des conditions plus restrictives étaient, par ailleurs, posées pour les femmes enceintes, les personnes privées de liberté et les malades ne pouvant donner leur consentement ainsi que pour les mineurs et les majeurs protégés.

Il a insisté sur le fait que, dans tous les cas, le promoteur, c'est-à-dire " la personne physique ou morale qui prend l'initiative d'une recherche biomédicale sur l'être humain ", devait assurer l'indemnisation des conséquences dommageables de la recherche pour la personne qui s'y prête, et devait donc souscrire une assurance.

Par ailleurs, M. Claude Huriet a rappelé que des règles strictes avaient été définies pour recueillir le consentement " libre, éclairé et exprès " de la personne qui se prête à la recherche, l'investigateur, c'est-à-dire " la ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche " ou un médecin qui le représente, devant faire connaître à la personne l'objectif de la recherche, les bénéfices attendus, les contraintes et les risques prévisibles, l'avis du CCPPRB et, le cas échéant, son inscription dans un fichier national.

M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé qu'un des principaux apports de la loi du 20 décembre 1988 résidait dans la distinction qu'elle opérait entre les " recherches biomédicales avec bénéfice individuel direct " qui désignent les essais " dont on attend un bénéfice direct pour la personne qui s'y prête " et a contrario " toutes les autres recherches, qu'elles portent sur des personnes malades ou non " que la loi qualifie de " sans bénéfice individuel ".

Il a expliqué que cette distinction, claire et simple dans son principe, emportait des conséquences importantes en particulier au regard du régime applicable en matière de responsabilité.

M. Claude Huriet, rapporteur, a estimé que les CCPPRB constituaient les " piliers " sur lesquels reposait la bonne application de la loi.

Il a rappelé qu'ils étaient chargés de donner leur avis sur les conditions de validité de la recherche au regard de la protection des personnes et notamment sur la pertinence générale du projet, l'adéquation entre les objectifs poursuivis et les moyens mis en oeuvre, la qualification du ou des investigateurs, la protection des participants, les modalités de l'information des personnes se prêtant à la recherche, les modalités de recueil du consentement et les indemnités éventuellement versées par le promoteur en cas de recherche sans bénéfice individuel direct pour la personne.

Il a souligné qu'avant de réaliser une recherche sur l'être humain, tout investigateur était tenu d'en soumettre le projet à l'avis de l'un des CCPPRB compétents dans la région où il exerçait son activité.

Evoquant les enseignements de la mission, M. Claude Huriet a constaté tout d'abord le manque de précision des statistiques disponibles.

La direction générale de la santé (DGS) connaît le nombre total d'avis rendus par les comités (2.280 en 1999, en baisse de 5,5 % par rapport à 1998). Selon les réponses au questionnaire adressé aux comités, 63 % des avis ont été demandés par les industriels contre 37 % par les personnes physiques ou les organismes sans but lucratif.

S'agissant de la nature des essais, M. Claude Huriet, rapporteur, a observé que 78 % des protocoles concernaient des médicaments, 10 % des dispositifs médicaux, 9 % des recherches cognitives et 3 % des recherches en psychologie. En revanche, il a indiqué que les données disponibles n'apparaissaient pas suffisamment précises puisqu'elles ne permettaient pas d'apprécier, par exemple, le nombre de recherches en cosmétique. Il a estimé que des doutes continuaient à subsister quant à l'application de la loi dans le cas de certaines recherches comme les études épidémiologiques nécessitant un prélèvement sanguin.

M. Claude Huriet, rapporteur, a observé que les comités comme les promoteurs déclaraient rencontrer des difficultés pour qualifier les essais " avec " ou " sans " bénéfice individuel direct.

Il a souligné qu'un des enseignements importants de la mission résidait dans la nécessité d'établir un recueil des positions adoptées par les divers comités afin d'établir une sorte de " jurisprudence ".

Il a remarqué qu'un autre sujet de préoccupation avait trait à l'obligation faite aux fabricants de dispositifs médicaux de fournir gratuitement les moyens nécessaires à la recherche. Il a rappelé que l'ensemble des interlocuteurs questionnés à ce sujet avaient confirmé que cette situation pénalisait le développement de la recherche biomédicale en France.

M. Claude Huriet, rapporteur, a évoqué ensuite les défaillances propres à l'organisation des comités.

Il a rappelé que la qualité du fonctionnement des CCPPRB était fonction de l'effectivité du pluralisme de leur composition et dépendait donc de la présence des représentants de chacune des huit catégories de membres qui les composaient.

Il a observé que la présence de certaines catégories de membres était loin d'être assurée dans nombre de comités, ces absences concernant en particulier les médecins généralistes, les personnes qualifiées en matière d'éthique, les personnes qualifiées dans le domaine social, les psychologues, ainsi que les personnes compétentes en matière juridique.

Il a constaté que les causes de ce fort absentéisme semblaient tenir au nombre élevé des démissions, à l'absence de formation des membres ainsi qu'à l'absence de rémunération de ceux d'entre eux qui exercent une profession libérale. Il a estimé que cet absentéisme devait également beaucoup aux carences de l'administration en matière de nomination et de renouvellement des membres comme au manque de diligence de certaines autorités habilitées à proposer des candidats.

M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné que l'hétérogénéité de l'activité et des missions des comités constituait le deuxième enseignement de la mission concernant les CCPPRB.

Il a, en particulier, constaté que les comités ne se bornaient pas à donner un avis sur les protocoles de recherche mais qu'" en amont ", certains comités avaient accepté un rôle de conseil qui contribuait à améliorer la qualité des projets.

Il a observé qu'" en aval ", les comités étaient de plus en plus fréquemment saisis d'amendements aux protocoles, le nombre d'amendements étant aujourd'hui équivalent à celui des protocoles, une telle situation n'étant pas sans inconvénient si elle devait amener les comités à consacrer moins de temps à l'examen des protocoles.

Il a remarqué que l'hétérogénéité de l'activité des comités était par ailleurs accentuée par le fait que certains grands organismes de recherche avaient mis en place des comités d'experts qui exerçaient une fonction de " filtre scientifique ".

M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé que la forte variation du nombre des avis rendus par certains comités, comme la polarisation de l'activité sur quelques-uns, avaient pu laisser craindre que certains avis ne soient pas rendus avec tout le soin nécessaire, d'où la référence à l'existence d'un " Gault-Millau " des CCPPRB. Il a estimé que les données disponibles ne permettaient pas de confirmer ou d'infirmer une telle hypothèse qui n'avait cependant pas été contredite par la DGS lors de son audition.

Il a estimé ensuite que les relations des comités avec les pouvoirs publics constituaient l'un des points les plus préoccupants.

Il a remarqué que le suivi des comités par la DGS, malgré la réforme de ses services intervenue récemment, n'était pas satisfaisant, de même que la mobilisation des DRASS, qui exercent la tutelle de l'Etat au nom du préfet de région.

Il a souligné en outre que la procédure d'affectation des moyens budgétaires aux comités semblait particulièrement opaque.

Il a rappelé que le financement des comités reposait sur une redevance dont les promoteurs devaient s'acquitter pour chaque protocole et que les crédits ouverts en contrepartie, selon la procédure des fonds de concours, étaient redistribués aux comités en fonction de leur activité respective, cette activité étant appréciée au regard du nombre d'avis rendus.

Il a insisté sur le fait que, depuis 1998, les modalités de répartition des crédits avaient été modifiées de manière unilatérale, la DGS retenant désormais deux critères : les charges salariales et de fonctionnement et la situation des comités au vu des comptes de résultats et des bilans financiers.

M. Claude Huriet, rapporteur, a considéré que, de fait, la direction générale de la santé était passée, pour la répartition des dotations entre les comités, d'un mode mécanique mais transparent à des modalités " souples " mais opaques.

Ayant rappelé que la DGS entendait, ce faisant, introduire davantage de rigueur dans la gestion de certains comités, il a souligné qu'elle avait elle-même reconnu que ces modifications avaient pu porter préjudice à des comités dont la gestion n'était pas discutée.

Il a indiqué que cette " réforme " du financement s'était également traduite par un écart croissant entre le montant total des redevances et les sommes globalement distribuées aux comités en précisant que contrairement à une interrogation répandue parmi les comités, les crédits non distribués n'étaient pas reversés au budget général, mais reportés d'année en année sur le fonds de concours correspondant.

Il a considéré que cette situation appelait impérativement une " remise à plat " des modalités de financement des CCPPRB.

M. Claude Huriet, rapporteur, a ensuite évoqué ses propositions en commençant par celles relatives à l'organisation même de la recherche biomédicale.

Il a insisté sur la nécessité de clarifier la distinction entre les essais " avec " ou " sans " bénéfice individuel direct.

Il a ensuite proposé de revenir sur l'obligation faite au promoteur de fournir gratuitement les dispositifs médicaux et d'associer davantage les personnes se prêtant à la recherche.

Il a aussi évoqué les moyens d'assurer une meilleure régulation du nombre des amendements aux protocoles.

M. Claude Huriet, rapporteur, a ensuite souligné la nécessité deréformer le fonctionnement même des comités.

A cet égard, il a détaillé ses propositions permettant de doter les CCPPRB d'un statut adapté et de réformer l'organisation de leur financement.

Il a estimé nécessaire de reconnaître le rôle de conseil des comités et de garantir le pluralisme de leur composition.

Compte tenu des causes multiples qui concourent à l'absentéisme, il a évoqué plusieurs pistes pour y mettre un terme comme la modification de la composition des CCPPRB, l'augmentation des moyens des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS), une meilleure information des candidats, la formation des membres, ainsi qu'un mécanisme d'indemnisation de certaines catégories de membres.

M. Claude Huriet a enfin suggéré une dernière série de propositions concernant les relations des comités avec les autres acteurs de la recherche biomédicale.

Il a souligné la nécessité de préciser les compétences respectives de l'association française de sécurité sanitaire et des produits de santé (AFSSAPS), de la direction générale de la santé (DGS) et des CCPPRB et de valoriser la conférence nationale des CCPPRB.

M. Claude Huriet, rapporteur, a considéré, en conclusion, que certaines de ses propositions étaient d'ordre pratique, que d'autres appelaient une évolution des textes réglementaires, que d'autres enfin nécessitaient des modifications législatives. Il a estimé que la révision des lois dites de " bioéthique ", qui aurait dû intervenir dès juillet 1999, pourrait être l'occasion de débattre de ces dernières.

M. Francis Giraud, faisant état de son expérience d'ancien président de CCPPRB a souligné alors le rôle indispensable de ces structures créées à l'initiative de MM. Claude Huriet et Franck Sérusclat, en insistant sur l'apport majeur que représentait leur composition pluraliste associant des médecins et des non-médecins. Il s'est inquiété des constatations du rapporteur faisant apparaître que des menaces pesaient sur ce pluralisme.

Il a évoqué les difficultés qui pouvaient être soulevées par le fait que la loi avait prévu des procédures uniformes quelle que soit la nature des médicaments faisant l'objet d'une recherche. Il a confirmé que la question du financement des CCPPRB avait toujours posé des problèmes. Il a, enfin, insisté sur la nécessité de conserver et de conforter ces structures indispensables au développement de la recherche biomédicale.

La commission a décidé d'autoriser la publication des conclusions du rapporteur sous la forme d'un rapport d'information.

Santé - Création d'une Agence française de sécurité sanitaire environnementale - Examen du rapport

Puis la commission a procédé à l'examen en nouvelle lecture du rapport de M. Claude Huriet sur la proposition de loi n° 216 (2000-2001),adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, créant une agence française de sécurité sanitaire environnementale.

M. Claude Huriet, rapporteur
, a rappelé les divergences de fond qui avaient conduit le Sénat, sur proposition de la commission des affaires sociales, à considérer que l'agence française de sécurité sanitaire environnementale constituée sous forme de " tête de réseau " serait inadaptée à la situation.

Il a évoqué l'absence d'une véritable instance d'évaluation des risques environnementaux, les attentes fortes de l'opinion publique en matière de sécurité sanitaire de l'environnement, la nécessité de rattraper le retard de la France en matière d'évaluation des risques liés aux substances chimiques prévue par les directives européennes et le souci de respecter la cohérence d'ensemble du dispositif de sécurité sanitaire mis en place par la loi du 1er juillet 1998.

Il a souligné que, pour toutes ces raisons, le Sénat avait souhaité que la nouvelle agence puisse être bâtie autour d'un " noyau dur ", soit en l'espèce à partir de l'institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), qui remplissait les conditions nécessaires en raison de sa taille, de ses compétences et de son expérience.

Il a rappelé que le Sénat avait levé les objections émises par certaines catégories de personnels de l'INERIS en adoptant une conception large des missions de la nouvelle agence, en maintenant à titre temporaire les activités de prestations de services aux entreprises et en garantissant le maintien des contrats de droit privé et des droits des personnels de l'INERIS.

Il a souligné que le Sénat avait modifié son dispositif d'amendements en deuxième lecture afin de mieux répondre aux préoccupations émises au sein de l'INERIS.

Concernant le second volet de la proposition de loi, relatif à la réunion de l'office de protection contre les rayonnements (OPRI) et de l'institut de protection et de sûreté nucléaire (IPSN) dans un nouvel établissement public, M. Claude Huriet, rapporteur, a rappelé que le Sénat avait approuvé le principe de la fusion tout en adoptant des amendements destinés à maintenir les activités de recherche en sûreté nucléaire sur les réacteurs dans le giron du commissariat à l'énergie atomique (CEA) et à définir la liste des ministères de tutelle.

M. Claude Huriet, rapporteur, a souligné que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, après l'échec de la commission mixte paritaire, avait rétabli le texte qu'elle avait adopté en deuxième lecture, sous réserve de quelques modifications rédactionnelles, n'épargnant pas les dispositions introduites par le Sénat après un avis favorable ou la sagesse du Gouvernement.

Il s'est en outre étonné que le Gouvernement ait refusé d'insérer dans la loi la liste des ministères de tutelle de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui semble aujourd'hui arrêtée dans le cadre d'arbitrages interministériels.

Constatant un rapprochement de fond sur la nécessité d'une agence forte, dotée de moyens significatifs, M. Claude Huriet, rapporteur, a regretté que la discussion de la proposition de loi n'ait pas fourni l'occasion de créer une agence de sécurité sanitaire environnementale digne de ce nom.

S'étonnant des tensions qui avaient empêché l'adoption d'un texte commun à l'issue de la commission mixte paritaire, il a regretté que les députés aient rejeté sa proposition de substituer l'appellation d'institut à celle d'agence dans l'intitulé du nouvel organisme, à la suite d'une suspension de séance destinée à rétablir une certaine " discipline de groupe ".

Il a constaté que le comportement des députés et du Gouvernement contrastait fortement avec le climat constructif dans lequel avait été préparée la loi du 1er juillet 1998.

Il a estimé que le Gouvernement se montrait plus soucieux d'afficher formellement la création d'une nouvelle agence que de lui donner les moyens d'avoir une réelle autorité.

Il a indiqué qu'il proposerait à la commission de rétablir les amendements adoptés par le Sénat en deuxième lecture.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a indiqué que le groupe socialiste ne voterait pas les amendements présentés par le rapporteur.

M. Guy Fischer a indiqué que le groupe communiste républicain et citoyen devrait pour le moins s'abstenir sur les amendements de rétablissement proposés par le rapporteur.

Puis la commission a procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

Dans l'intitulé du titre II, ainsi que dans l'ensemble de la proposition de loi, elle a adopté un amendement afin de rétablir l'intitulé de la nouvelle agence sous la dénomination " d'agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et de prévention des risques industriels et chimiques ".

A l'article 2, relatif à la création de l'agence, elle a adopté trois amendements : un premier rétablissant la définition des missions de l'agence ; un deuxième rétablissant la mention relative à l'expertise technique et scientifique fournie par l'agence pour la mise en oeuvre du code de l'environnement ; un troisième rétablissant le principe du transfert intégral de l'INERIS à la nouvelle agence dans le respect des droits des personnels.

A la demande de M. Claude Huriet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard a indiqué que le groupe socialiste examinerait la position qu'il prendrait sur l'amendement relatif à la mission de la future agence qui avait été déposé en première lecture par M. François Autain.

Puis la commission a adopté un amendement rétablissant l'article 2 bis A relatif à la poursuite par l'agence des prestations d'expertise et d'essais assurées par l'INERIS en matière de risques industriels et chimiques.

A l'article 4 A, relatif à la création de l'IRSN, elle a rétabli deux amendements visant respectivement à préciser que le nouvel institut n'effectuerait pas d'activités de recherche en sûreté sur les réacteurs nucléaires et à définir la liste des ministères de tutelle du nouvel organisme.

M. Guy Fischer a indiqué que son groupe réservait sa position sur les deux amendements précités qu'il avait déposés en première lecture.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi amendée.

Emploi - Egalité professionnelle entre les femmes et les hommes - Examen du rapport



Ensuite la commission a procédé à l'examen en nouvelle lecture du rapport de Mme Annick Bocandé sur la proposition de loi n° 208 (2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relative à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Rappelant que la commission mixte paritaire, réunie le 16 janvier 2001, n'avait pu se mettre d'accord sur un texte commun, Mme Annick Bocandé, rapporteur, a considéré que cet échec témoignait de l'ampleur des divergences entre les deux assemblées. Elle a toutefois indiqué que ces divergences ne devaient pas pour autant masquer l'importance du travail déjà accompli.

A cet égard, elle a considéré que la navette avait permis d'enrichir une proposition de loi initialement modeste pour en faire, grâce aux apports des deux assemblées, un texte plus conséquent. Elle a notamment insisté sur plusieurs compromis satisfaisants déjà intervenus, en particulier en faveur d'une meilleure représentation des conjoints collaborateurs et d'une plus grande présence des femmes dans les élections prud'homales.

Elle a néanmoins estimé que ce dialogue touchait à son terme, l'Assemblée nationale étant revenue en nouvelle lecture pour l'essentiel à son texte de deuxième lecture. Elle a ainsi précisé que l'Assemblée nationale n'avait voté conforme aucun article adopté par le Sénat, était revenue mot pour mot à son texte de deuxième lecture pour dix-huit articles, avait modifié deux articles et avait adopté un nouvel article additionnel.

Elle a toutefois observé que cette nouvelle lecture n'avait pas été totalement stérile, constatant avec satisfaction que deux importantes dispositions votées par le Sénat en deuxième lecture à l'initiative de la commission avaient été adoptées par l'Assemblée nationale : la première concerne la création d'une nouvelle allocation d'assurance maternité versée à la salariée enceinte ou venant d'accoucher, médicalement inapte à occuper un poste de nuit et ne pouvant être affectée à un poste de jour ; la seconde prévoit la prolongation pendant un mois, si le médecin du travail le juge nécessaire, de la période d'affectation de la salariée à un poste de jour à l'issue du congé de maternité. Elle s'est félicitée de l'adoption de ces mesures très concrètes, estimant qu'elles permettront d'assurer une réelle protection de la maternité des femmes travaillant la nuit.

Mme Annick Bocandé, rapporteur, a néanmoins considéré que ces convergences ne pouvaient occulter l'ampleur des désaccords séparant les deux assemblées.

Elle a précisé que le premier désaccord touchait à la place de la négociation collective sur l'égalité professionnelle et a jugé que les deux assemblées ne partageaient pas à l'évidence la même conception du rôle du dialogue social. Elle a notamment estimé que l'introduction d'une nouvelle sanction pénale n'était pas un moyen approprié pour ouvrir un dialogue social serein et constructif en matière d'égalité professionnelle.

Elle a indiqué que le second désaccord concernait la question cruciale de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, regrettant que l'Assemblée nationale ait, par deux fois, supprimé les deux propositions très concrètes du Sénat permettant leur meilleure conciliation.

Elle a ensuite considéré que le troisième désaccord concernait la représentation des femmes dans le monde professionnel. Rappelant que le Sénat avait pris de fortes initiatives en la matière, sur proposition de M. Gérard Cornu et de la commission, elle a déploré que l'Assemblée nationale ait choisi une autre voie, dénuée de portée normative.

Elle a ensuite indiqué que le quatrième désaccord concernait le travail de nuit. Observant que les deux assemblées étaient en accord sur la nécessité d'une modernisation du cadre juridique actuel, elle a constaté qu'elles s'opposaient sur le contenu du nouveau régime légal. Elle a alors estimé que la rédaction issue de l'Assemblée nationale était loin d'être satisfaisante car, paradoxalement, elle se révélait être à la fois inutilement contraignante pour les entreprises et insuffisamment protectrice pour les salariés. Elle a rappelé que le Sénat était soucieux de garantir une plus grande autonomie aux partenaires sociaux et a regretté que les dispositions relatives aux contreparties du travail de nuit et à l'entrée en vigueur du nouveau régime légal contraignent les entreprises à renégocier l'ensemble des accords conclus sur le temps de travail, alors même qu'ils abordent pour la plupart le travail de nuit. Elle y a vu une grave source d'insécurité juridique.

Elle a enfin indiqué que le dernier point de désaccord concernait le volet fonction publique de la proposition de loi, regrettant que l'Assemblée nationale se refuse à inscrire dans la loi la " clause de sauvegarde " permettant pourtant d'assurer, de manière pragmatique et exceptionnelle, l'application du principe de mixité dans certains corps dont la représentation par sexe est très déséquilibrée.

Observant que ces désaccords restaient profonds, Mme Annick Bocandé, rapporteur, a estimé que les perspectives d'aboutir à un compromis sur l'un ou l'autre de ces points semblaient aujourd'hui inexistantes. Elle a en effet rappelé que l'Assemblée nationale avait confirmé en nouvelle lecture la quasi-totalité de ses positions de deuxième lecture et qu'elle avait ainsi entendu signifier qu'elle avait d'ores et déjà dit son dernier mot. Elle a alors considéré qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre la délibération et a proposé en conséquence d'opposer la question préalable à la proposition de loi.

M. Guy Fischer a pris acte de la proposition du rapporteur.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a indiqué que son groupe voterait contre la motion.

La commission a adopté, sur proposition de son rapporteur, une motion tendant à opposer la question préalable à la proposition de loi relative à l'égalité professionnelle adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

Nomination de rapporteur

Enfin la commission a nommé M. Alain Vasselle, rapporteur sur le projet de loi n° 2936 (A.N), relatif à la prise en charge de la perte d'autonomie des personnes âgées et à l'allocation personnalisée d'autonomie, sous réserve de son adoption et de sa transmission par l'Assemblée nationale.

Jeudi 5 avril 2001

- Présidence de M. Jean Delaneau, président -

Contrôle social - Fonds de financement - (FOREC) - Communication

La commission a entendu une communication de M. Charles Descours, rapporteur des lois de financement de la sécurité sociale (équilibres financiers et assurance maladie) sur les résultats de sa mission de contrôle sur pièces et place sur le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC), et ses propositions de réforme de la loi organique du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

M. Charles Descours, rapporteur, a rappelé que les rapporteurs de la loi de financement de la sécurité sociale avaient décidé de contrôler, au cours du premier semestre 2001, les fonds de la protection sociale. Il a précisé que ce programme de contrôle avait débuté le 10 janvier par l'envoi d'un questionnaire à Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité. Il a ajouté que les réponses lacunaires aux questions portant sur le " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " (FOREC) avaient achevé de le convaincre de se rendre pour effectuer un contrôle " sur pièces et sur place ", le 14 février dernier, à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, au ministère de l'emploi et de la solidarité et au ministère de l'économie et des finances.

Il a observé que le choix de contrôler le FOREC n'était pas né de l'opposition de la majorité sénatoriale à la politique de réduction du temps de travail, puisque la loi du 19 janvier 2000, dite " loi Aubry II ", était désormais " une loi de la République ". Il a ajouté que le rapport de contrôle n'avait pas pour objet de se prononcer sur la pertinence de la loi sur la réduction négociée du temps de travail, mais sur la gestion du dossier du financement des trente-cinq heures par le Gouvernement.

Il a jugé que cette " gestion " était " à proprement parler catastrophique " : surévaluation de recettes, sous-estimation de dépenses et répétition d'erreurs constitutionnelles. Il a rappelé que les échos donnés par la presse aux premiers résultats du contrôle l'avaient conduit, en accord, avec le président Delaneau, à adresser aux commissaires un exemplaire de la note qu'il avait rédigée dès le 20 février dernier.

M. Charles Descours, rapporteur, a résumé ses conclusions par trois adjectifs : structurel, virtuel et réel.

Le financement des trente-cinq heures n'est pas assuré : son déficit est structurel.

L'organisme chargé de leur financement, le " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales ", n'a toujours pas été constitué : le FOREC est virtuel.

En revanche, la menace sur les comptes de la sécurité sociale est bien réelle.

S'agissant du déficit, M. Charles Descours, rapporteur, a confirmé son ampleur : 13 milliards de francs en 2000, entre 15 et 21 milliards de francs en 2001. Il a relevé que le chiffre communiqué pour 2001 était une prévision, à la différence de celui de 2000, qui est déjà constaté. Il a observé cependant que cette prévision était " hautement probable ".

Il a indiqué que les recettes avaient été surévaluées par le Gouvernement, comme le montre l'écart entre les dernières prévisions communiquées en septembre 2000 au Parlement (67 milliards de francs figurant à l'annexe f du projet de loi de financement) et le " résultat " (59 milliards de francs). Cet écart ne s'explique pas seulement par l'annulation de 3,1 milliards de francs de droits tabacs par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 28 décembre 2000 sur la loi de finances rectificative. La préparation de l'annexe f a été l'occasion de " gonfler " artificiellement des recettes, en mélangeant deux modes de comptabilisation, la comptabilisation en encaissements/décaissements et la comptabilisation en droits constatés.

M. Charles Descours a considéré que cette " petite duperie comptable " n'était rien à côté des prévisions " normées " de dépenses.

Il ressort en effet des notes du ministère de l'emploi et de la solidarité et du ministère de l'économie et des finances que, dès le mois d'avril 2000, le Gouvernement disposait de prévisions de dépenses supérieures à 70 milliards de francs pour 2000 et aux alentours de 90 milliards de francs en 2001. Lors de la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le Gouvernement a choisi sciemment de sous-estimer les dépenses, probablement faute de recettes suffisantes : seuls 67 milliards de francs ont été prévus pour 2000 et 85 milliards de francs pour 2001.

La prévision de dépenses pour 2001 réalisée par les régimes sociaux, disponible dès octobre 2000, s'élève à 100 milliards de francs. Elle repose sur une hypothèse, qu'il conviendra naturellement de vérifier : l'accélération, au 1er janvier 2001, du nombre d'entreprises passant aux trente-cinq heures, compte tenu du renchérissement du coût des heures supplémentaires. L'évaluation de la direction de l'animation, de la recherche, des études et des statistiques (DARES), direction du ministère de l'emploi et de la solidarité, se situe quelque peu en dessous : 95 milliards de francs.

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que l'administration avait multiplié les notes alertant les ministres sur la situation financière du FOREC et que le choix de sous-estimer la situation avait été pris en toute connaissance de cause par le Gouvernement.

Concernant les recettes 2001 du FOREC, il a indiqué qu'elles se situaient plutôt entre 79 et 80 milliards de francs, en raison de la décision du Conseil constitutionnel sur l'extension de l'assiette de la taxe générale sur les activités polluantes et de la révision à la baisse de certaines recettes.

En conséquence, il a estimé que le déficit prévisionnel du FOREC en 2001 était compris entre 15 milliards de francs, en étant " optimiste ", et 21 milliards de francs, en étant " pessimiste ". Le déficit cumulé sur deux années serait ainsi compris entre 28 et 34 milliards de francs.

Il a ajouté que, de manière structurelle, il manquait 30 milliards de francs par an pour financer les trente-cinq heures.

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté que l'établissement public " FOREC " était pour l'instant " virtuel ", compte tenu de l'absence de publication du décret de création, prévu à l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Il a observé que la responsabilité de l'administration n'était pas en cause, puisqu'elle avait multiplié les tentatives pour constituer cet établissement public, d'abord dans les premières semaines de l'année 2000, puis à la fin de cette même année.

Il a ajouté que le décret avait été examiné par le Conseil d'Etat en novembre 2000 et que rien ne s'opposait à sa signature et à sa publication au Journal officiel.

Il a indiqué qu'une réunion interministérielle, tenue le 1er décembre 2000, à Matignon, semblait avoir conclu à " l'urgence d'attendre ". En effet, si le FOREC était créé, il serait nécessaire d'afficher clairement un budget. Ce budget ne pourrait être qu'en déséquilibre. Or, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 a prévu que le FOREC était nécessairement en équilibre. Pour respecter la loi, il faudrait dans ce cas adopter une loi de financement rectificative avant de constituer le FOREC, ce qu'a refusé le Gouvernement en 2000.

M. Charles Descours, rapporteur, a remarqué que, tant que le FOREC n'était pas créé, les dispositions votées en loi de financement pour 2000, relatives à la compensation des pertes de cotisations des régimes, n'avaient pas à s'appliquer. Ces dispositions prévoient en effet que si le FOREC ne dispose pas assez de recettes pour compenser les pertes de cotisations des régimes sociaux, l'Etat le supplée dans les conditions analogues à la compensation " classique " des exonérations de cotisations de sécurité sociale, principe posé par l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale.

Il s'est déclaré en conséquence " pessimiste " sur la création à venir du FOREC.

M. Charles Descours, rapporteur, a considéré que le déficit du financement des trente-cinq heures faisait peser sur la sécurité sociale " une menace réelle ".

En réaction aux articles de presse sur le financement des trente-cinq heures, Mme Elisabeth Guigou s'est référée à la " vieille antienne " de la " théorie des retours " pour les finances sociales, déjà entendue de 1997 à 1999 et rejetée unanimement par les partenaires sociaux, et qui consiste à expliquer qu'il est normal que la sécurité sociale contribue au financement des emplois créés par " le bon effet " de la politique du Gouvernement. Dès lors, la sécurité sociale prendrait à sa charge le déficit 2000 et le FOREC ne serait pas constitué.

M. Charles Descours a observé qu'une lettre en date du 22 février 2001 de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la solidarité, dépourvue de base légale, avait autorisé l'ACOSS à répartir les encaissements du FOREC entre les régimes et les branches, afin de permettre l'arrêté des comptes. Cette lettre se place dans l'hypothèse d'une compensation partielle dans une comptabilité en encaissements/décaissements et " totale " dans une comptabilité en " droits constatés ", à travers " des restes à recouvrer ".

Il a indiqué que le régime général serait en excédent en 2000 de 3 à 4 milliards de francs, même en tenant compte de la compensation partielle des exonérations de cotisations.

Il a estimé que la théorie des " retours " était absurde et n'avait d'autre raison que de justifier la " ponction " sur les organismes de sécurité sociale. Il a rappelé en outre que la sécurité sociale contribuait déjà au financement des trente-cinq heures, à travers toutes les " tuyauteries " mises en place par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2000 et 2001, tandis que l'Etat s'était affranchi, dans le domaine, de toute contrainte.

Il a ainsi évalué la " participation " de la sécurité sociale à 11 milliards de francs en 2000 et à plus de 18 milliards de francs en 2001. Il a remarqué qu'elle était bien supérieure au soi-disant " retour " pour les organismes de base de sécurité sociale qu'aurait calculé le Commissariat général du Plan : 6,8 milliards de francs pour l'année 2000. En conséquence, ce n'est plus la théorie des retours qui s'applique, mais le système antérieur à la loi du 25 juillet 1994 : un système de non-compensation des exonérations de cotisations de sécurité sociale. En effet, si le déficit 2000 du FOREC était finalement laissé à sa charge, la sécurité sociale financerait 75 % des dépenses supplémentaires occasionnées par les trente-cinq heures en 2000, soit 32 milliards de francs, chiffre que l'on obtient en retranchant des 72 milliards de francs les 40 milliards de francs de la " ristourne Juppé ".

M. Charles Descours, rapporteur, a observé qu'une loi de financement de la sécurité sociale serait nécessaire pour revenir sur le texte adopté par la loi de financement pour 2000. Dans ce cas, le Gouvernement devrait alors se déjuger par rapport à tous les arguments mis en avant, lors des débats parlementaires de 1999 et de 2000, pour justifier la création du FOREC : pérennité des allégements de charges, contrôle des fonds publics, transparence des comptes et neutralité pour les organismes de sécurité sociale.

Il a estimé que le Gouvernement devrait trouver une solution d'ici octobre 2001, date du dépôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, pour équilibrer le FOREC.

Cet équilibre est difficile à atteindre :

- réduire les dépenses, comme le propose le ministère de l'économie et des finances, revient à diminuer la compensation du coût financier des trente-cinq heures pour les entreprises et toucher à une réforme emblématique du Gouvernement ;

- augmenter les recettes, revient à augmenter la part affectée de la taxe sur les conventions d'assurance, ce qui a pour conséquence directe une réduction moins importante que prévu du déficit budgétaire.

M. Charles Descours, rapporteur, a jugé que la piste du " nouveau barème ", évoquée par certains, consistait à nouveau à jouer sur les mots car elle revenait à réduire d'autorité le taux des cotisations de sécurité sociale pour éviter de compenser des exonérations. Au demeurant, le barème traiterait sur le même pied d'égalité les entreprises passées aux trente-cinq heures et les entreprises qui ne sont pas passées aux trente-cinq heures.

Pour conclure, il a indiqué que le Gouvernement annoncerait probablement ses décisions à la mi-mai, date de la prochaine commission des comptes de la sécurité sociale et que, compte tenu de la " saga " du FOREC, il n'en attendait rien de bon pour la sécurité sociale.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a ironisé sur la majorité sénatoriale, qui, simultanément, appelle à des allégements de charges sur les bas salaires et en déplore le coût. Elle a estimé que la loi sur la réduction négociée du temps de travail avait eu justement pour objet de " donner un sens " à la réduction des charges patronales. Elle a considéré que la transparence était un objectif partagé et que le FOREC aurait pu aider à cette transparence.

S'agissant de la sous-estimation des dépenses, elle a observé que l'opposition aurait également critiqué le Gouvernement si les dépenses avaient été surestimées pour accroître le succès des trente-cinq heures. Elle a estimé que le coût de la politique de la réduction du temps de travail devait être assumé. Elle a rappelé en outre l'impact des décisions du Conseil constitutionnel sur le niveau des recettes.

En ce qui concerne le déficit, elle a indiqué que le débat était " ouvert ", à la suite des travaux du commissariat général du plan et qu'il était nécessaire que les organisations syndicales et patronales fassent connaître leur avis sur cette question.

Elle a considéré que la piste du " nouveau barème " était très intéressante et s'inscrivait dans le cadre d'une réforme structurelle des cotisations patronales.

M. Philippe Nogrix a remercié le rapporteur pour les éclaircissements apportés. Il a déploré la complexité des " tuyauteries ". Il a regretté la charge financière des trente-cinq heures pour les entreprises. Il a souhaité que la commission puisse étendre ses investigations au coût des trente-cinq heures dans la fonction publique.

M. Roland Muzeau a distingué deux parties dans le rapport de M. Charles Descours. La première partie est relative aux chiffres, et apparaît incontestable. La seconde est interprétative : elle est bien évidemment critiquable. Il importe de déterminer quels sont les effets de retours, y compris pour les entreprises : celles-ci semblent avoir bénéficié amplement des trente-cinq heures, en procédant à des restructurations.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur le coût des trente-cinq heures dans la fonction publique, y compris territoriale, ainsi que sur leur coût financier pour les très petites et moyennes entreprises. S'agissant des " tuyauteries ", il a estimé qu'il était nécessaire d'appréhender les équilibres sociaux branche par branche.

S'adressant au président, il a souhaité que la commission des affaires sociales continue à publier des " schémas " pour expliquer les différents financements.

M. Jean Delaneau, président, a observé que le rapport de M. Charles Descours était un rapport " quasi comptable " et qu'il portait non pas sur l'application des trente-cinq heures, mais sur le seul sujet de leur financement.

Répondant à M. Alain Vasselle, il a rappelé que les rapports de la commission comportaient déjà de tels "schémas" et qu'il était avant tout nécessaire que le Gouvernement simplifie les différentes " tuyauteries ".

En réponse à MM. Philippe Nogrix et Alain Vasselle, M. Charles Descours, rapporteur, s'est montré soucieux du respect des compétences des différentes commissions, gage de l'efficacité des travaux du Sénat. Si l'analyse de la situation du FOREC est à l'évidence au coeur des compétences de la commission des affaires sociales, la question des trente-cinq heures dans la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale relève, sans nul doute, de la compétence de la commission des finances qui ne manquera pas de prendre les initiatives qui s'imposent dans ce domaine crucial pour la préparation du budget 2002.

Il a précisé qu'il lui apparaissait souhaitable d'étudier également la fonction publique hospitalière, qui doit passer aux trente-cinq heures en 2002. Le coût, estimé à 12 milliards de francs, rejaillit directement sur les dépenses hospitalières et sera l'un des sujets les plus importants de la prochaine loi de financement de la sécurité sociale.

Répondant à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, il a observé que la différence entre la " ristourne Juppé " et la " ristourne Aubry " tenait à la nécessité de compenser aux entreprises le surcoût des trente-cinq heures, dans le cadre de la loi RTT, tandis que la " ristourne Juppé " n'était assortie d'aucune obligation.

Il a précisé que l'effet de la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000 devait être relativisée : sans elle, le déficit 2000 serait de 10 milliards de francs et le déficit 2001 resterait compris entre 11 et 17 milliards de francs.

La commission a décidé d'autoriser la publication de la communication de M. Charles Descours sous la forme d'un rapport d'information.

M. Jean Delaneau, président, a précisé qu'un document provisoire serait rapidement disponible puis joint aux autres communications des rapporteurs des lois de financement pour la publication définitive d'un rapport d'information unique mi-juin.

Lois de financement de la sécurité sociale - Réforme de la loi organique du 22 juillet 1996 - Communication

M. Charles Descours a rappelé que le Gouvernement de M. Alain Juppé avait posé les bases d'un édifice dont les constitutionnalistes et les historiens reconnaîtraient le caractère majeur : l'intervention du Parlement en matière de finances sociales.

La réforme constitutionnelle du 19 février 1996 avait en effet donné naissance à une nouvelle catégorie de lois, les lois de financement de la sécurité sociale, le contenu de ces lois étant ainsi défini par l'article 34 de la Constitution : " les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ".

M. Charles Descours a indiqué que cet article était précisé par la loi organique du 22 juillet 1996.

Il a rappelé que la commission des affaires sociales avait effectué un premier bilan de cette réforme, à travers un groupe de travail constitué entre janvier et juin 1999. Les lois de financement lui étaient apparues comme un " acquis essentiel " car il s'agit d'un " cadre qui fixe l'action des pouvoirs publics ". Le Gouvernement présente, chaque année, ses grandes orientations en matière de sécurité sociale, discutées par le Parlement dans le respect de l'autonomie des partenaires sociaux.

Mais ces lois de financement étaient également apparues comme " un instrument perfectible ".

Ainsi, M. Charles Descours a jugé que l'articulation entre les lois de financement et les orientations de la politique de santé apparaissait déficiente et que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) était resté un agrégat comptable dépourvu de " contenu en santé publique ".

Il a ajouté que le " contenu comptable " de la loi de financement était également insatisfaisant, la création, par le Gouvernement, d'un nouvel organisme concourant au financement des régimes de base, le " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale " (FOREC) ayant contribué à brouiller la lisibilité financière des comptes sociaux. De ce fait, l'examen en loi de financement de prévisions de recettes par catégorie et d'objectifs de dépenses par branche devenait très insuffisant pour assurer une réelle transparence des comptes sociaux.

Il a estimé qu'il était temps, afin d'améliorer les conditions d'examen par le Parlement des lois de financement de la sécurité sociale, de franchir une nouvelle étape et de procéder aux ajustements nécessaires de la loi organique du 22 juillet 1996.

M. Charles Descours a présenté sa proposition de loi en indiquant qu'elle poursuivait trois objectifs.

Le premier est de renforcer le modèle original des lois de financement de la sécurité sociale.

Les lois de financement de la sécurité sociale ont été conçues pour partie par référence aux lois de finances et au pouvoir budgétaire traditionnel du Parlement, mais les auteurs de la réforme ont également tenté de définir un " modèle original ".

Les caisses de sécurité sociale sont des organismes de droit privé, gérées pour le régime général de manière paritaire entre employeurs et salariés. Assimiler les lois de financement de la sécurité sociale à des lois de finances serait méconnaître la profonde autonomie des régimes de sécurité sociale.

Les dépenses sociales obéissent à une logique qui n'est pas celle des dépenses budgétaires ; il est parfaitement illusoire de prévoir un mécanisme d'enveloppes fixes.

Le concept de " loi de règlement " n'a pas lieu d'être ; en revanche, il importe que le Parlement prenne acte des résultats de l'année n-2 lorsqu'il se prononce sur la loi de financement de l'année n afin que les objectifs de dépenses fixés par lui ne soient pas seulement indicatifs.

Toute recette de la sécurité sociale étant nécessairement affectée à une branche de la sécurité sociale, à l'inverse du principe budgétaire de non-affectation d'une recette à une dépense, la logique d'un " article d'équilibre ", opérant la synthèse entre recettes et dépenses de la sécurité sociale, est inadaptée aux lois de financement.

M. Charles Descours a rappelé que le législateur organique s'était arrêté en 1996 à un indicateur imparfait, consistant à rapprocher des recettes par catégorie et des dépenses par branche et qu'il apparaissait aujourd'hui nécessaire de déterminer l'équilibre de chaque branche de la sécurité sociale, afin que le Parlement soit pleinement conscient des efforts financiers faits en faveur de tel ou tel risque ou au détriment de telle ou telle priorité. Il a affirmé ainsi que pleine satisfaction serait donnée aux dispositions de l'article 34 de la Constitution, qui a établi l'exigence constitutionnelle d'équilibre de la sécurité sociale.

Il a indiqué que le deuxième objectif poursuivi par la proposition était d'améliorer les conditions d'exercice des pouvoirs du Parlement.

Il a constaté que le vote des prévisions de recettes, consistant à examiner sept montants et une totalisation, était aujourd'hui trop agrégé, et donc trop allusif. Il a souligné que, pour les impôts et taxes affectés à la sécurité sociale, il importait que le Parlement puisse se prononcer sur le rendement et l'affectation de chaque imposition à telle ou telle branche de la sécurité sociale et que, par voie de conséquence, il était légitime que les lois de financement disposent d'un article autorisant la perception et évaluant le produit de ces impositions.

En ce qui concerne les organismes concourant au financement des régimes de base (Fonds de solidarité vieillesse, Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale), dont l'encours représente en 2001 plus de 150 milliards de francs, il est nécessaire que le Parlement arrête leur budget de manière explicite.

M. Charles Descours a estimé que cette transparence était également souhaitable pour la caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES), organisme chargé d'apurer la dette des régimes de base antérieure à 1999, aujourd'hui exclue du champ des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que pour le fonds de réserve des retraites, dont la mission est de contribuer au financement des régimes de retraite après 2020.

Enfin, il a observé qu'il fallait définir de manière plus précise les conditions d'intervention de lois de financement rectificatives, déjà prévues par le texte de 1996.

M. Charles Descours a expliqué que le troisième objectif de sa proposition de loi était de dépasser le caractère strictement comptable de l'ONDAM. Il a fait remarquer qu'un tel objectif gagnerait naturellement à s'insérer dans des orientations de santé publique arrêtées dans le cadre d'une loi pluriannuelle.

Il a rappelé que de telles lois ne pouvaient toutefois se décider, même dans le cadre solennel d'une loi organique et que le Parlement ne pouvait faire injonction au Gouvernement d'en prendre l'initiative.

Il a souligné que l'approbation par le Parlement d'un objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ne saurait se limiter au vote d'un montant, assorti d'un bref exposé des motifs précisant un taux de progression calculé de surcroît sur des bases aussi glissantes qu'approximatives. Aussi a-t-il spécifié que l'approbation de l'ONDAM devait reposer sur un rapport spécifique et détaillé, contraignant le Gouvernement à faire apparaître des choix et à déterminer des priorités dont l'objectif serait la traduction chiffrée.

Il a rappelé qu'il s'agissait de donner progressivement à l'ONDAM un " contenu en santé publique " qui lui fait aujourd'hui cruellement défaut.

M. Charles Descours a observé que, de manière parallèle, il était essentiel que le Parlement soit pleinement informé de l'évolution de l'ONDAM en cours d'année et a fortiori des décisions qui en affectent le montant.

Il a souligné que tels étaient les trois objectifs que poursuivait la proposition de loi comportant 19 articles qu'il se proposait de déposer et qu'il avait souhaité porté à la connaissance des membres de la commission.

En conclusion, M. Charles Descours, rapporteur, a résumé ainsi les différents " apports " de sa proposition de loi par rapport au texte de la loi organique de 1996 :

- proposer l'adoption des prévisions de recettes par branche, et non plus par catégorie, ce qui permet un débat sur l'équilibre de la sécurité sociale, branche par branche ;

- mieux établir le rôle des lois de financement rectificatives ;

- créer des " budgets annexes ", permettant l'adoption explicite par le Parlement du budget des " fonds " les plus importants de la protection sociale : FSV, FOREC, Fonds de réserve des retraites, CADES...

- créer un rapport spécifique consacré à l'ONDAM, en lieu et place du rapport annexé à l'article premier.

M. Charles Descours a précisé qu'il serait très heureux et très honoré que les membres de la commission s'associent à cette démarche, qui lui semblait importante pour la qualité du débat démocratique sur les enjeux financiers de la protection sociale.

Il a insisté sur le fait que cette proposition de loi pouvait, en l'état, être signée par tous les groupes de la Haute Assemblée car les préoccupations qu'elle exprimait transcendaient largement les clivages politiques.

M. Jean Chérioux a estimé que l'obligation pour le Gouvernement de déposer des projets de loi de financement rectificative constituait un progrès important. Il s'est toutefois interrogé sur le pendant " recettes " qui serait inscrit en regard du volet " dépenses ".

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a souligné les objectifs louables de la proposition de loi. Elle a demandé quelle était la conséquence de l'affectation des recettes par branche et si la logique choisie en 1996 d'objectifs de dépenses ne s'expliquait pas justement en raison de la différence entre les dépenses sociales et les dépenses budgétaires.

M. Bernard Seillier a félicité M. Charles Descours pour la qualité de ses propositions. Il a estimé que la confirmation de l'originalité du système de protection sociale français lui apparaissait un objectif essentiel.

M. Philippe Nogrix a considéré que les " contributions " de M. Charles Descours " modernisaient le travail de la commission ". Il a estimé que l'objectif de donner à l'ONDAM un contenu en santé publique était particulièrement intéressant.

M. Alain Vasselle a considéré que deux objectifs lui apparaissaient essentiels. Le premier qui lui semblait satisfait par la proposition de loi est d'aboutir à l'étanchéité des branches de la sécurité sociale. Le second serait d'inscrire dans la loi organique la compensation intégrale par l'Etat des allégements de cotisations de sécurité sociale.

Il s'est en outre interrogé sur la cohérence entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

M. Lucien Neuwirth a estimé que la question de fond était de définir les besoins de santé publique et, ainsi, de dépasser la vision strictement comptable de l'ONDAM.

M. Dominique Leclerc s'est interrogé sur la difficulté de " sortir du comptable ". Il a estimé que les mécanismes d'évaluation existants (service médical rendu, par exemple) lui apparaissaient déficients.

En réponse aux différents intervenants, M. Charles Descours a expliqué qu'il serait beaucoup plus simple de voter des prévisions de recettes par branche plutôt que par catégorie, car il serait ainsi possible de déterminer quelle fraction de quel impôt ou de quelle cotisation est affectée à la branche maladie, à la branche vieillesse, à la branche accidents du travail ou à la branche famille. Il a précisé que cette information n'était facilement disponible aujourd'hui que pour le seul régime général.

S'agissant des objectifs de dépenses, il a rappelé qu'ils ne constituaient pas des plafonds de crédits limitatifs. Il a observé que le système consistant aujourd'hui, pour le Parlement, à voter ces objectifs, sans pouvoir se saisir de leur évolution ultérieure, n'était pas satisfaisant.

Répondant à M. Jean Chérioux, il a précisé qu'une loi de financement rectificative obligerait le Gouvernement à prévoir des recettes au regard des dépenses supplémentaires constatées, conformément à l'exigence constitutionnelle d'équilibre de la sécurité sociale.

En réponse à M. Alain Vasselle, M. Charles Descours a considéré que la proposition d'inscrire dans la loi organique le principe de compensation par le budget de l'Etat des exonérations de cotisations de sécurité sociale était tout à fait intéressante mais qu'il l'avait écartée afin de présenter un texte aussi consensuel que possible.

S'agissant de l'articulation entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, il a observé que la compétence de la loi de financement était entière pour les impôts et taxes affectés intégralement au financement de la sécurité sociale. Il a indiqué que le FOREC avait été à l'origine du " brouillage " entre les deux textes financiers auquel il était au contraire important de rendre une cohérence.

M. Charles Descours a observé pour conclure que, s'il s'associait aux commentaires faits par ses collègues sur la maîtrise comptable des dépenses de santé, cette question dépassait le cadre de sa proposition de loi. Il a estimé que seul l'abandon du système pervers des lettres-clés flottantes était de nature à restaurer le dialogue entre gestionnaires et professionnels du système de santé.