Mercredi 1er février 2006

- Présidence de M. Nicolas About, président-

Nomination d'un rapporteur

La commission a d'abord désigné M. Alain Gournac en qualité de rapporteur du projet de loi n° 2787 (AN) pour l'égalité des chances, sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission.

Discrimination - Quartiers en difficulté - Egalité des chances - Audition de M. Yazid Sabeg, président du conseil d'administration de Communication et Systèmes

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Yazid Sabeg, président du conseil d'administration de Communication et systèmes sur le projet de loi n° 2787 (AN) pour l'égalité des chances.

M. Yazid Sabeg, président du conseil d'administration de Communication et systèmes, a tout d'abord indiqué que les dispositions du projet de loi sur l'égalité des chances ne lui donnent pas entièrement satisfaction. En effet, le texte propose la mise en oeuvre d'une obligation de moyens, alors que l'Etat devrait se fixer une obligation de résultat afin de corriger les ruptures d'égalité existantes, grâce à des politiques publiques plus ciblées.

M. Yazid Sabeg a indiqué avoir adressé une note à M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, en amont du projet de loi, qui résume ses principales propositions. Six d'entre elles n'ont pas été prises en compte :

- le programme national de rénovation urbaine (PNRU) va à l'échec. Les moyens financiers dont il est doté sont entre 30 % et 50 % inférieurs aux dotations de la rénovation urbaine dans d'autres pays européens. C'est ainsi que l'Anru, l'agence nationale de rénovation urbaine, ne dispose pas des moyens nécessaires pour répondre aux besoins de l'ensemble des quartiers éligibles à ces interventions.

Par ailleurs, la mise en oeuvre du PNRU n'est pas parfaitement efficace, dans la mesure où la dimension intercommunale est souvent absente. Elle est pourtant indispensable pour supprimer les ghettos. L'objectif de la diversité devrait être un des objectifs centraux du PNRU. En outre, certaines communes, qui ont reçu des ressources considérables, ne disposent pas des moyens administratifs et humains nécessaires pour en assurer la mise en oeuvre dans de bonnes conditions.

Le PNRU ne devrait pas non plus ignorer les problèmes que posent l'école et l'activité économique, qu'il n'est pas possible de traiter dans le seul cadre communal. Les problèmes d'intégration se posent en effet à l'échelle d'immenses conurbations. Il faut avoir la possibilité de gérer de façon intégrée, à l'échelle adéquate, des problématiques telles que le logement, l'emploi, la localisation des activités économiques, la pauvreté.

Enfin, il est regrettable que l'Anru réfléchisse actuellement à l'accélération de ses procédures sans coordination avec la Délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires (DIACT). Il faudrait en réalité fusionner les deux organismes ;

- l'école est le second sujet non abordé par le projet de loi. Le Gouvernement a sans doute souhaité éviter la confrontation avec les syndicats. Dans les endroits où le zonage ne favorise pas la diversité en raison des stratégies d'évitement déployées par les familles, il faudrait supprimer celui-ci afin de permettre des échanges entre le centre ville et la périphérie. Le maire, auquel il appartient de déterminer le ressort territorial de chaque école, doit gérer le zonage en fonction de l'objectif de diversité.

En revanche, les projets que le ministre de l'éducation nationale élabore en faveur des zones d'éducation prioritaire (Zep) devraient favoriser la recherche de l'excellence pédagogique dans les quartiers. Ceux-ci connaissent actuellement un fort développement des « langages de médiation » qui appauvrissent considérablement le contenu de la langue française. De fait, l'enseignement du français est en difficulté dans les quartiers. Il faudrait notamment traiter les cas de dyslexie, très fréquents, et exiger un niveau minimal de maîtrise de la langue lors de l'entrée au collège.

Il serait aussi nécessaire de modifier certains cursus. La création de formations secondaires mettant en valeur certains savoir-faire non académiques des enfants serait utile. A cet égard, il conviendrait, par exemple, de noter le dynamisme ou l'effort en s'inspirant de l'expérience développée avec succès en Grande-Bretagne.

Pour favoriser la diversité, il faudrait aussi spécialiser certains lycées dans l'accueil des enfants des Zep et leur faire nouer des partenariats privilégiés avec des établissements prestigieux de l'enseignement supérieur ;

- le troisième sujet insuffisamment traité dans le projet de loi est la formation. Il faudrait développer les formations en alternance et augmenter le nombre de bourses. La France aura besoin, dans les prochaines décennies, d'une main-d'oeuvre qualifiée que les jeunes des quartiers devraient fournir. Actuellement, une naissance sur cinq est assurée par des parents appartenant à des minorités d'ascendance étrangère. Cette population représentera près d'un tiers de la relève de main-d'oeuvre dans les prochaines décennies. Or, ces jeunes sont actuellement exclus du marché de l'emploi. Par ailleurs, le niveau général du système éducatif est en train de baisser, ce qui va entraîner une érosion de qualité de la main-d'oeuvre, avec des conséquences à terme sur la localisation des activités et sur la compétitivité des entreprises françaises. La France manque d'ores et déjà d'ingénieurs, et cette situation ne saurait qu'empirer, dans la mesure où les descendants d'immigrés les mieux formés se dirigeront vraisemblablement vers les Etats-Unis ou le Canada, dont la politique d'accueil est très efficace. La France a donc intérêt à améliorer sensiblement sa politique de formation ;

- le sujet des discriminations est aussi traité de façon insuffisamment efficace. Le Président de la République a reconnu récemment que les discriminations ont des conséquences sociales spécifiques : cumul transgénérationnel des inégalités dans l'accès à l'école, au logement et à l'emploi, qui touche des populations noires ou d'origine arabe ; relégation territoriale et construction d'une France à deux vitesses ; taux de chômage, deux à quatre fois plus important pour les groupes marqués ethniquement que pour la moyenne nationale. Cette situation devrait faire l'objet de politiques spécifiques, très actives et volontaristes ;

- en ce qui concerne l'emploi, les entreprises vont de plus en plus être confrontées à la diversité des candidats à l'embauche. M. Yazid Sabeg a indiqué qu'il est, à cet égard, à l'origine de la charte de la diversité des entreprises, qui vise à lutter contre les discriminations et à compenser un certain nombre de handicaps devant l'emploi, dont souffrent de nombreux candidats issus de l'immigration. L'application de cette charte doit être généralisée ;

- en ce qui concerne enfin les créations d'entreprise, il serait intéressant de mettre en place l'équivalent du « Small business act » américain et de favoriser la pérennisation des entreprises créées.

M. Yazid Sabeg a conclu en faisant part de sa conviction que la France ne pourra pas éviter un débat sur son identité. Il faut en particulier trancher la question de la visibilité et du décompte des minorités. La France doit se regarder en face : il est nécessaire de mettre en place un recensement affichant les caractéristiques ethniques de la population dans tout un ensemble de lieux, l'école et l'entreprise en particulier. Il serait indispensable de disposer ainsi d'un « référentiel » dans lequel les gens aient la possibilité de se reconnaître de façon transparente et anonyme.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est déclaré surpris que le projet de loi propose l'implantation de certains établissements commerciaux et de multiplex sans autorisation dans les zones urbaines sensibles (Zus). Il a exprimé la crainte que ce régime ne contribue à perpétuer l'image de ces zones. Il a estimé utile de compenser par des obligations, peut-être architecturales, ces régimes exonératoires.

En ce qui concerne l'apprentissage, il a évoqué une étude de l'assemblée permanente des chambres de commerce et d'industrie selon laquelle il semblerait que c'est dans ce domaine que se produit le plus grand nombre de discriminations. Or, si le texte propose d'abaisser l'âge de l'entrée en apprentissage, en quoi cette mesure pourrait-elle modifier cette situation ? Il serait utile, en revanche, de créer une obligation de diversité dans le recrutement des apprentis.

M. Guy Fischer s'est déclaré frappé par l'accélération, depuis dix ans, de la ségrégation et de la précarité dans les quartiers. Il a jugé la diminution de l'âge de l'entrée en apprentissage rétrograde ou de nature à favoriser la perpétuation de la ségrégation. Il a noté que les formules de tutorat ou les filières mises en place par certaines grandes écoles ont une influence marginale et a rappelé la difficulté, pour des élèves des quartiers suburbains, d'entrer dans les lycées de centre ville.

Il a par ailleurs regretté que le ministre de l'éducation nationale se prépare à diminuer sensiblement les moyens dont disposent 700 collèges situés en Zep, pour augmenter ceux de 250 autres collèges. Il a exprimé son accord avec les critiques formulées à l'égard du fonctionnement du PNRU et de l'Anru, remarquant que les reconstructions ne représentent généralement que le tiers des logements détruits dans le cadre de la rénovation.

Estimant indispensable un effort dans le domaine de l'éducation et de la formation, il a enfin jugé que le projet de loi ne répond pas à cet objectif.

M. Yazid Sabeg a considéré que des solutions plus conformes aux intérêts à long terme de la France sont déjà parfaitement connues.

En ce qui concerne l'apprentissage, il existe 480.000 stagiaires en formation en alternance en Allemagne. Cette formation débute à seize ans, cependant les jeunes sont sensibilisés dès quatorze ans au monde de l'entreprise. Il existe par ailleurs, en Allemagne toujours, des passerelles permanentes entre les formations en alternance et les formations traditionnelles. De plus, les formations en alternance sont diplômantes et susceptibles d'être valorisées au cours du parcours professionnel ultérieur. Il conviendrait de s'inspirer de ces formules. Il faudrait aussi, pour développer l'apprentissage, imposer aux entreprises un quota de 5 % d'apprentis, et établir des passerelles entre les cursus d'apprentissage et ceux de l'enseignement général.

Une des clés de la lutte contre les discriminations est l'accès aux grandes écoles. Le concours n'a pas de valeur constitutionnelle en France, et n'existe pas aux Etats-Unis, qui produisent pourtant plus de prix Nobel que la France. Il serait plus judicieux d'augmenter les effectifs des promotions dans les grandes écoles et de réserver une partie des places à des élèves ayant bien réussi leur scolarité. Démocratiser ainsi les voies d'accès aux grandes écoles est essentiel. Si on ne fait pas en sorte de faciliter l'entrée dans ces écoles d'enfants bien préparés dès le collège, le dispositif des grandes écoles sera nécessairement remis en cause un jour ou l'autre, ce qui serait dommage, car le système fonctionne bien. Il faut leur donner la chance d'être les acteurs de l'intégration.

En ce qui concerne la mise en oeuvre du PNRU, les offices publics d'HLM ne sont pas en mesure de mettre en oeuvre la rénovation urbaine dans l'ensemble de ses dimensions. C'est la tâche des aménageurs que d'accompagner la mise en oeuvre de la politique de la ville.

M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître le sentiment de M. Yazid Sabeg sur le bilan de presque dix années de zones franches urbaines (ZFU), ainsi que sur l'état des lieux des discriminations dans l'entreprise. Enfin, il s'est interrogé sur les voies d'une coopération entre l'Anru et la future Agence de la cohésion sociale.

S'il reconnaît le réel succès des ZFU, qui ont permis de créer plus de 170.000 emplois, M. Yazid Sabeg estime nécessaire d'aller plus loin en favorisant davantage la création d'entreprises de petite taille grâce à la mobilisation de l'épargne locale et la mise en place de dispositifs spécifiques d'accompagnement à la création d'entreprise. Il a évoqué notamment le modèle américain du « Small Business Act » et des « new districts », où la taxation locale est nulle et l'aide publique déverticalisée.

M. Gérard Dériot a indiqué que le code des marchés publics empêche la réalisation de projets locaux dont la mise en oeuvre serait exclusivement réservée aux entreprises locales.

M. Yazid Sabeg a toutefois rappelé que cette interdiction n'existant pas au niveau européen, la législation française peut évoluer sur ce point.

Concernant la coopération entre l'Anru et l'Agence de la cohésion sociale, il a fait valoir les avantages que représenterait un rapprochement, voire une fusion, des structures chargées de la mise en oeuvre de la politique de la ville : la Délégation interministérielle à la ville (Div), la DIACT et l'Anru. Evoquant le modèle néerlandais, il a appelé de ses voeux la création d'agences régionales fusionnant toutes les compétences : logement, infrastructures, commerces, école, santé, assainissement... Il a enfin souhaité que la Charte de la diversité, déjà signée par près de 300 entreprises, soit intégralement transposée dans le code du travail. Il a néanmoins reconnu qu'on assiste à une évolution réelle des comportements et à une prise de conscience de la diversité et de la richesse qu'elle peut représenter pour l'entreprise.

M. Nicolas About, président, s'est demandé s'il ne faut pas au préalable réfléchir à la contribution de la diversité à la définition de l'identité de la France pour que chacun se sente intégré à part entière.

M. Yazid Sabeg a estimé que cette réflexion devrait commencer au niveau de l'entreprise au sein de laquelle peut être réalisé un recensement.

Mme Marie-Thérèse Hermange s'est émue du discours très critique à l'égard de notre pays, qui propose pourtant un système sanitaire, social et éducatif généreux et performant.

M. Yazid Sabeg a précisé qu'il ne critique pas le système dans son ensemble, mais que plusieurs aspects doivent être améliorés, notamment en ce qui concerne l'accès aux grandes écoles, dont l'excellence n'est pas remise en cause.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe s'est montré plus optimiste sur la réalisation du PNRU, considérant que la somme disponible de 18 milliards d'euros représente déjà un nombre significatif de projets auxquels les maires sont prêts à apporter leur concours pour en faciliter la mise en oeuvre. Il a néanmoins admis que la réalisation des projets peut être freinée lorsqu'elle requiert un accord avec les communes voisines. Il a ensuite souligné l'importance des enseignements fondamentaux dans la formation initiale : le modèle français doit avoir des qualités puisque certains pays, l'Allemagne notamment, viennent l'étudier pour s'en inspirer, mais il présente de réelles lacunes dès lors que plus de 15 % des jeunes ne savent ni lire, ni écrire correctement lorsqu'ils sortent du système scolaire. A cet égard, il a souligné les avantages d'un service civil obligatoire qui permettrait de combler les lacunes de certains jeunes et d'éprouver ainsi la diversité française. Enfin, il a émis des réserves sur un démarrage trop précoce de la formation en alternance dans le cadre de l'apprentissage.

M. Bernard Seillier a confirmé la nécessité de définir au préalable l'identité française ainsi qu'une éthique globale commune qui puisse transcrire la diversité. Il s'est également interrogé sur les moyens de surmonter la précarité et le manque d'emplois qui concernent un nombre croissant de nos concitoyens.

M. Yazid Sabeg est convenu que l'Anru dispose de moyens suffisants pour mettre en oeuvre des projets consistants, mais que ceux-ci sont retardés par l'absence d'une vision politique cohérente, pour fédérer les énergies qui existent localement.

Il a ajouté que l'apprentissage constitue une opportunité nouvelle pour les jeunes pour accéder au marché du travail. Il s'est montré favorable à une sensibilisation plus précoce au monde de l'entreprise, sans que celle-ci passe forcément par le démarrage immédiat d'une formation en alternance. Il a mentionné, à cet égard, la récente réforme, au Japon, qui a repoussé la scolarité obligatoire jusqu'à l'âge de dix-huit ans et la réflexion de l'Allemagne sur le faible niveau d'enseignement général des jeunes Allemands. En outre, il a appelé de ses voeux une plus grande souplesse pour valider les acquis de l'expérience, rejetant l'idée que cela puisse amoindrir le prestige des grandes écoles et dévaloriser les diplômes acquis lors de la formation initiale.

Enfin, il s'est déclaré favorable à l'instauration d'un service national obligatoire de six mois pour tous les jeunes, prolongé, s'ils le souhaitent, par un service volontaire de douze mois, sur le modèle américain des « Peace Corps » : ce dispositif permettrait une resocialisation et une remise à niveau de certains jeunes en difficulté et constituerait des forces mobilisables pour garantir, le cas échéant, la défense opérationnelle ou les interventions d'assistance aux populations.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est dit également favorable au service obligatoire et volontaire.

M. Yazid Sabeg a ajouté que le principe républicain d'égalité auquel les Français sont attachés ne peut être appliqué tant que la diversité n'est pas prise en compte et que des discriminations subsistent en toute impunité. Il a également précisé, qu'à son sens, la question ethno-religieuse n'est pas centrale dans un contexte où la pratique religieuse décline, mais que les émeutes urbaines s'expliquent avant tout par des éléments objectifs de nature sociale tels que l'indignité du logement, le chômage ou la multiplication des cas d'échec scolaire.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a souhaité connaître l'opinion de M. Yazid Sabeg sur le contrat première embauche.

Mme Raymonde Le Texier a confirmé que les inégalités de destin s'enracinent aujourd'hui dans les territoires, certaines zones cumulant les difficultés économiques, sociales, éducatives et de logement. Elle a souhaité tempérer l'optimisme de M. Yazid Sabeg sur l'évolution positive des entreprises dans la prise en compte réelle de la diversité, notamment en ce qui concerne l'accueil des jeunes apprentis en stage.

M. Yazid Sabeg, pour lutter contre le déterminisme social, s'est dit favorable à la création de pôles d'excellence et à l'anonymisation du recrutement, soit au moyen des curriculum vitae non nominatifs, soit grâce à la mise en place de structures d'intermédiation en charge de la sélection objective des candidats à l'embauche, à partir de fiches de compétences. Il a enfin indiqué qu'un guide méthodologique contre les discriminations est en cours de rédaction.

M. Roland Muzeau a regretté qu'aucune politique n'ait été mise en oeuvre pour traiter en profondeur les causes des violences urbaines, que sont le chômage et l'absence d'insertion professionnelle. Il a également fait valoir que l'enseignement allemand, s'il présente l'avantage d'être centré très tôt sur l'employabilité des jeunes, est en revanche lacunaire sur les enseignements fondamentaux. Enfin, il s'est interrogé sur les moyens à mettre en oeuvre pour permettre l'application de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU).

M. Nicolas About, président, est convenu que la loi SRU comporte des imperfections qu'il faut corriger et a rappelé que des améliorations pourront être proposées lors de la deuxième lecture du projet de loi « Engagement national pour le logement ».

M. Yazid Sabeg a réaffirmé son souhait de la mise en oeuvre de politiques fortes et volontaristes pour favoriser la mixité sociale et rénover les communes situées à la périphérie des villes.

Au sujet de l'emploi, il s'est inquiété des effets d'aubaine que peuvent entraîner les politiques mises en oeuvre et a regretté que le contrat première embauche (CPE) ait été inséré dans le projet de loi relatif à l'égalité des chances et en affaiblisse, de ce fait, la cohérence. Il serait en outre préférable d'évaluer l'efficacité des premières mesures prises, notamment le contrat nouvelles embauches, afin d'améliorer le cas échéant les dispositifs existants. Il a exprimé sa préférence pour un CPE sur cinq ans, avec une souplesse de licenciement compensée par l'ouverture d'un droit à la formation pendant les périodes de rupture du contrat, ainsi que le droit à une indemnité de chômage financée par l'entreprise.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est demandé dans quelle mesure la fusion des communes de petite taille pourrait permettre d'améliorer la cohésion sociale et d'accélérer la mise en oeuvre du PNRU. Il a en effet constaté que l'absence de structure intercommunale ou son dysfonctionnement est un frein à la mise en oeuvre des projets de rénovation urbaine.

M. Yazid Sabeg, adhérant à cette analyse, a confirmé que l'impulsion politique des projets est affaiblie par les conflits entre les autorités communales, qu'il existe ou non une structure intercommunale. Il a conclu en se disant optimiste sur les voies nouvelles de réflexion qu'ouvre ce projet de loi, même s'il regrette son caractère très incomplet.

Sécurité sociale - Partage de la réversion des pensions militaires d'invalidité - Examen du rapport

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Nicolas About sur sa proposition de loi n° 144 (2005-2006) relative au partage de la réversion des pensions militaires d'invalidité.

M. Nicolas About, rapporteur, a indiqué que sa proposition de loi a pour objectif d'organiser la réversion des pensions militaires d'invalidité entre les anciens conjoints et le conjoint survivant du titulaire de la pension.

Il a rappelé que les pensions militaires d'invalidité sont destinées à indemniser les infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées en service, ainsi que l'aggravation, du fait ou à l'occasion du service, d'infirmités étrangères au service.

Le montant de la pension, déterminé par un nombre de points d'indice tient compte du grade du pensionné et peut être complété par des allocations spécifiques pour les invalidités les plus graves. Au 31 décembre 2004, plus de 280.000 pensions militaires d'invalidité étaient servies à des ayants droit, pour un coût d'1,23 milliard d'euros. Le montant moyen d'une pension en année pleine s'élevait à 4.377 euros, 126.069 pensions étaient servies à des veuves et à des orphelins. Suivant l'évolution démographique naturelle de cette catégorie de la population, l'effectif des bénéficiaires est en diminution continue, la prévision étant de - 3 % en 2006.

M. Nicolas About, rapporteur, a ensuite indiqué les deux objectifs de la proposition de loi : réparer une entorse au principe d'équité en matière de droit d'accès à la réversion et porter remède à la situation précaire de nombreuses anciennes femmes d'invalides de guerre.

En ce qui concerne le principe d'équité, on constate qu'actuellement les anciens conjoints divorcés de titulaires de pensions militaires d'invalidité ne bénéficient pas du droit à réversion. En effet, en application des articles L. 1er  ter et L. 43 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, seuls les conjoints ou partenaires liés à un ayant droit, au moment de son décès, par mariage ou pacte civil de solidarité (Pacs), ont droit à une pension de réversion. Seule la veuve est ainsi en droit de demander la réversion de la pension, quand bien même une première épouse aurait assisté le défunt pendant de très longues années et, ayant été empêchée d'exercer une activité professionnelle du fait de sa présence auprès d'un mari invalide, elle se trouverait seule et sans ressources, après le décès de son ancien mari.

Or, le code de la sécurité sociale et le code des pensions civiles et militaires de retraite mettent en oeuvre des solutions plus adaptées aux réalités de la vie : l'article L. 353-3 du code de la sécurité sociale prévoit en effet que le conjoint divorcé est assimilé à un conjoint survivant pour l'application des dispositions relatives à la pension de réversion, et que lorsque l'assuré est remarié, la pension de réversion est partagée entre le conjoint survivant et le précédent conjoint divorcé, au prorata de la durée de chaque mariage ; le code des pensions civiles et militaires de retraite, contient des dispositions équivalentes en son article L. 44. La simple équité justifierait ainsi d'aligner le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre sur les dispositions de ces deux codes.

Des raisons supplémentaires justifient l'intervention du législateur. M. Nicolas About, rapporteur, a rappelé à cet égard la situation précaire dans laquelle se trouvent de nombreuses veuves auxquelles la réversion des pensions du code et les aides de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac) apportent une ressource indispensable.

Il a mentionné les divers efforts entrepris par l'Etat afin d'apporter des réponses à cette situation. En particulier, la loi de finances pour 2004 a augmenté de quinze points d'indice toutes les pensions de veuves à compter du 1er juillet 2004, soit un coût budgétaire de 25,5 millions d'euros et demi en 2006. Par ailleurs, les veuves sont bénéficiaires de près de la moitié des interventions sociales individuelles de l'Onac, devant les anciens combattants eux-mêmes.

S'il en est ainsi pour les veuves, a noté M. Nicolas About, rapporteur, que dire des conjoints divorcés, qui ne bénéficient d'aucun droit, alors que rien ne permet de supposer que leur situation soit plus florissante que celle des veuves. Aussi bien l'article unique de la proposition de loi propose-t-il d'ouvrir le droit à la pension de réversion au conjoint divorcé non remarié d'un pensionné lui-même remarié.

La condition de l'absence de remariage pour l'ouverture et le maintien du droit à pension de réversion est habituelle et figure toujours au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre et au code des pensions civiles et militaires de retraite bien qu'elle ait été supprimée depuis le 1er juillet 2004, dans le code de la sécurité sociale. La proposition de loi ne propose pas d'étendre cet assouplissement au code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, dans la mesure où son objectif est de répondre aux besoins des ex-conjoints les plus isolés et les plus démunis, c'est-à-dire a priori ceux qui ne sont pas remariés.

Le fait de réserver le bénéfice de la réversion aux conjoints divorcés lorsque le pensionné a été remarié s'explique par le souci d'éviter l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40 de la Constitution. En effet, les pensionnés non remariés ne sont pas, actuellement, susceptibles d'ouvrir un droit à pension de réversion, puisque celle-ci est réservée aux conjoints survivants. En écartant les pensionnés non remariés de son champ d'application, la proposition de loi évite de créer une charge nouvelle pour les finances publiques : elle se contente de répartir différemment la charge existante. Si le Gouvernement réserve un accueil favorable à la proposition de loi, cette spécificité, difficile à justifier par d'autres arguments que la règle de l'irrecevabilité financière au titre de l'article 40, pourrait être supprimée : le droit à réversion pourra être étendu par amendement aux anciens conjoints dans le cas où le pensionné ne s'est pas remarié.

Le partage de la réversion entre les conjoints successifs s'effectuera au prorata de la durée de chaque mariage calculée à compter de la date d'origine de l'invalidité indemnisée : il s'agit de rendre justice au conjoint ou ex-conjoint qui a assisté le plus longuement le pensionné. Lors du décès d'un des bénéficiaires, sa part de la réversion s'ajoutera à celle des autres bénéficiaires, tout en réservant les droits des éventuels orphelins mineurs du bénéficiaire décédé.

Au texte initial de la proposition de loi, M. Nicolas About, rapporteur, a souhaité apporter plusieurs adjonctions pour tenir compte de la situation, aujourd'hui possible, du conjoint masculin du pensionné ou du partenaire de Pacs ; pour exclure du droit à réversion les anciens conjoints vivant en état de concubinage notoire, donc assimilés aux remariés ; pour adapter les textes au cas des enfants nés d'un premier lit ; pour que leur ascendant, ancien conjoint survivant, soit attributaire en premier lieu du droit à la réversion.

En conclusion, M. Nicolas About, rapporteur, a rappelé qu'il avait déposé un amendement à la loi de finances pour 2006, pour intégrer ce nouveau dispositif de réversion. C'est parce que cet amendement a été retiré en séance, à la demande du Gouvernement pour expertise, qu'il a élaboré la présente proposition de loi pour régler, enfin, des situations humainement difficiles.

M. Michel Esneu a estimé le système actuel simple et injuste. La proposition de loi tend à instituer un système plus juste et d'autant plus complexe. Il a souhaité savoir si l'évocation du concubinage notoire parmi les motifs de suppression du droit à réversion risque de provoquer des contentieux - et parfois des dénonciations - compte tenu de la difficulté de prouver cette situation.

M. Nicolas About, rapporteur, a répondu qu'il n'y aurait suppression de la réversion que si la personne en concubinage notoire se déclare elle-même dans cette situation.

Il a indiqué par ailleurs que le texte actuel de la proposition de loi prévoit la rétroactivité du partage de la réversion entre conjoints et anciens conjoints, mais que la rétroactivité devra être supprimée si elle apparaît, au cours du débat législatif, de nature à provoquer des conflits excessifs entre les ayants cause anciens et nouveaux.

Mme Bernadette Dupont a relevé la modicité des aides servies par l'Onac, a demandé si les orphelins susceptibles de recueillir la réversion seraient nombreux, compte tenu de l'âge des titulaires de pension et a souhaité savoir si la gendarmerie bénéficiait du dispositif.

M. Nicolas About, rapporteur, a noté que les pensions d'invalidité sont accordées en fonction de l'existence d'infirmités liées au service, indépendamment de l'âge. Il a aussi confirmé que les gendarmes étant des militaires, ils bénéficient du système des pensions d'invalidité.

M. Guy Fischer a jugé a priori positif que le conjoint divorcé et non remarié qui a pu assister son ancien mari pendant de longues années puisse prétendre à une part de la réversion et que sa situation soit alignée sur le régime des pensions civiles. Il a souhaité que la proposition de loi soit transmise à l'Union française des associations d'anciens combattants et victimes de guerre (Ufac). Il a enfin confirmé la sensibilité du problème des veuves.

M. Nicolas About, rapporteur, a enfin évoqué l'opportunité d'ouvrir le droit à la réversion aux anciens conjoints de pensionnés non remariés, si la discussion de la proposition de loi montre la possibilité de s'engager dans cette voie de bon sens.

La commission a ensuite adopté la proposition de loi dans le texte proposé par le rapporteur.

Outre-mer - Santé - Epidémie de chikungunya - Communication

M. Nicolas About, président, a informé la commission que Mmes Gélita Hoarau et Anne-Marie Payet, sénateurs de La Réunion, l'ont alerté sur les conséquences dramatiques de l'épidémie de chikungunya qui sévit dans l'île depuis plusieurs semaines. Il a proposé qu'elles puissent présenter, d'ici la fin février, une communication sur ce fléau et s'est déclaré disposé à se rendre sur place pour évaluer l'ampleur de la maladie et rendre compte des moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour l'éradiquer.