Mardi 7 février 2006

- Présidence de M. Alain Gournac, vice-président -

Egalité des chances - Audition de M. Daniel Laurent, professeur des universités et conseiller scientifique de M. Claude Bébéar, président du conseil de surveillance du groupe AXA et président de l'Institut Montaigne, accompagné de M. Michaël Cheylan, responsable des affaires publiques de l'Institut Montaigne

La commission a procédé à l'audition de M. Daniel Laurent, professeur des universités et conseiller scientifique de M. Claude Bébéar, président du conseil de surveillance du groupe AXA et président de l'Institut Montaigne, accompagné de M. Michaël Cheylan, responsable des affaires publiques de l'Institut Montaigne, sur le projet de loi n° 2787 (AN-XIIe législature) pour l'égalité des chances dont M. Alain Gournac est le rapporteur.

M. Daniel Laurent, professeur des universités, a indiqué qu'il a participé à l'élaboration du rapport de l'Institut Montaigne sur « Les oubliés de l'égalité des chances », ayant notamment donné lieu à la rédaction de la Charte de la diversité. Ce travail a été poursuivi par une réflexion sur les moyens de favoriser l'intégration au niveau des entreprises et par la réalisation d'un rapport intitulé « Les entreprises aux couleurs de la France ». Les propositions contenues dans ce rapport ont deux finalités : d'une part, rétablir dès aujourd'hui l'égalité des chances, d'autre part, prévenir les difficultés de demain. Elles s'appliquent à deux grands domaines : l'entreprise ; l'école et les instituts de formation.

Pour les entreprises, la question centrale est celle de l'intégration des citoyens issus des minorités visibles, dans l'intérêt même des entreprises. Les discriminations à l'embauche sont réelles et appellent des solutions. L'anonymisation des curriculum vitae n'est pas une mesure miracle, mais elle peut être utile pour les grandes entreprises. Cette pratique, qui est systématique en Grande-Bretagne, permet de rétablir l'égalité des chances pour l'accès au premier entretien. Il ne paraît toutefois pas souhaitable de légiférer sur cette question qui relève avant tout des entreprises. Pour les stages, aucune législation nouvelle ne paraît nécessaire ; en revanche, un mécanisme permettant de responsabiliser les établissements de formation et les entreprises qui signent des conventions ou contrats serait utile.

La réalisation d'une photographie statistique de l'entreprise afin de mesurer l'efficacité des politiques d'intégration serait une bonne chose. Diverses méthodes sont possibles, mais il s'agit d'une question sensible.

Pour favoriser le premier entretien pour les jeunes diplômés issus des quartiers difficiles, une cellule expérimentale a été mise en place ; son principe et son organisation sont aujourd'hui repris par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE). Pour permettre l'émergence d'une élite entrepreneuriale plus diversifiée, quelques fondations privées ont été créées avec comme finalité le versement de bourses par exemple à des jeunes ayant obtenu le bac avec mention bien ou très bien ; ces initiatives pourraient être intensifiées, en particulier à l'échelon local.

Pour l'accès aux grandes écoles, une récente prise de conscience de l'insuffisante diversification sociale du recrutement a conduit à des initiatives comme celles de l'école nationale supérieure des arts et métiers ou de l'Institut des études politiques de Paris ; ces expériences méritent d'être analysées et reprises dans d'autres secteurs. En ce qui concerne l'entrée dans les écoles de commerce, le constat d'une nécessaire réduction des différences culturelles a conduit à des expérimentations dans le domaine de l'apprentissage ou l'organisation de séjours longs dans des universités étrangères afin de combler ce décalage.

Toutefois, M. Daniel Laurent est convenu que les racines du problème se situent à l'école. Il a préconisé, d'une part, un débat approfondi sur les zones d'éducation prioritaire (Zep) afin de leur donner davantage de moyens et d'accorder plus d'autonomie aux équipes locales, d'autre part, un intérêt plus marqué pour les écoles primaires, car il sera possible de créer des établissements publics locaux d'enseignement, conformément à la dernière loi de décentralisation lorsque le décret d'application attendu sera pris.

De même, en ce qui concerne l'apprentissage, il a regretté que la possibilité ouverte par la loi Giraud de 1993 de création de sections d'apprentissage dans les établissements scolaires, ne soit pas utilisée. Enfin, il a estimé que trop d'étudiants s'engagent dans des formations sans issue et que les étudiants mal orientés sont souvent issus des minorités. Il faudrait plutôt accroître le nombre des places disponibles en instituts universitaires de technologie (IUT) et brevets de technicien supérieur (BTS), notamment dans le cadre de l'apprentissage, en lien plus direct avec les offres du marché de l'emploi.

M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité savoir quelles seraient les deux ou trois mesures prioritaires à prendre en France aujourd'hui pour favoriser une meilleure égalité des chances, en particulier à l'école. Puis il s'est enquis du bilan qui pouvait être établi sur les zones franches urbaines (ZFU) et de l'apport que l'on peut attendre du nouveau contrat première embauche (CPE).

M. Daniel Laurent a estimé que les deux priorités portent sur les écoles primaires et l'augmentation du nombre de places en IUT et BTS. En tant qu'universitaire, il a considéré que le CPE applique un principe de réalité et qu'il offre une nouvelle possibilité aux jeunes, qu'il conviendra d'évaluer au bout de deux ans.

M. André Lardeux s'est interrogé sur l'utilité de maintenir une carte scolaire dont la mise en oeuvre contribue à développer une forme de ghettos.

M. Daniel Laurent a reconnu que la carte scolaire n'avait plus beaucoup de sens aujourd'hui.

M. Roland Muzeau a rappelé sa position opposée au projet de loi et en particulier au CPE. Il a insisté sur la nécessité d'une égalité des chances dès le premier âge, et pas seulement une fois les difficultés constatées. Il a ajouté que beaucoup d'éléments d'appréciation existent mais que, malheureusement, le projet de loi n'apporte pas de réponses à ces questions. Il en est notamment ainsi pour les IUT et les BTS, alors que ces formations ont prouvé leur efficacité dans l'accès à l'emploi. Il a regretté ce texte de loi très disparate, qui n'est pas de nature à traiter véritablement du problème de l'égalité des chances.

M. Daniel Laurent a indiqué qu'une loi n'était pas nécessaire pour augmenter les formations IUT ou BTS et que leur extension ne sera possible que si les régions prennent le sujet en main, notamment dans le cadre de l'apprentissage. Il a redit l'intérêt de se pencher sur les écoles primaires, car le fait que 15 % des enfants en moyenne ne maîtrisent pas les fondamentaux rend la tâche des enseignants des collèges impossible dans certaines zones.

M. Alain Gournac, rapporteur, a insisté sur le caractère souvent plus efficace des initiatives locales par rapport à des réponses nationales.

M. Louis Souvet s'est déclaré gêné par l'expression « égalité des chances » qui ne lui paraît pas pertinente et à laquelle il préfère celle d'« égalité des moyens » ou d'« égalité des droits ». Il a estimé impossible de rétablir l'égalité par de simples mesures administratives, en l'absence de famille, de culture ou d'environnement suffisamment porteurs ou parties prenantes. Enfin, il a considéré le curriculum vitae anonyme comme peu efficace compte tenu de l'importance du contact dans l'acte d'embauche.

M. Daniel Laurent a indiqué que l'anonymisation du curriculum vitae ne signifie pas un recrutement en aveugle, mais qu'il permet une ouverture des chances pour l'accès au premier entretien. Il a ajouté que l'idée sous-jacente à l'expression « égalité des chances » est de créer les conditions d'une égalité le plus tôt possible.

M. Jean-Paul Amoudry s'est demandé en quoi le régime précaire du CPE constitue un progrès. Il a souhaité savoir comment on peut orienter les jeunes vers l'enseignement technique. Enfin, il a regretté que l'éducation nationale ne soit pas très ouverte au système de l'alternance qui produit pourtant de bons résultats.

M. Daniel Laurent a insisté sur l'insuffisante valorisation de l'enseignement technique, y compris à l'intérieur du corps enseignant, ce qui nécessite une prise de conscience collective et un travail dans la durée pour inverser la tendance. Pour le développement de l'apprentissage, de l'alternance et de l'enseignement dual, il a redit son intérêt pour la création de sections d'apprentissage dans les établissements d'enseignement public, comme le permet la loi Giraud. Il a ajouté que l'enseignement technique doit aujourd'hui s'étendre un peu plus au secteur tertiaire.

En écho à M. Paul Blanc, qui évoquait le projet expérimental de l'université de Perpignan, M. Daniel Laurent a jugé très positives les expérimentations conduites dans cette université, ainsi que la formule des écoles de la deuxième chance.

M. Bernard Seillier a insisté sur la nécessité d'une bonne maîtrise des fondamentaux à l'école primaire. Il a regretté la quasi-disparition des mouvements de patronage ou de scoutisme qui permettaient de remédier aux grandes disparités de situations familiales ainsi que l'évolution de la relation éducative entre les enfants et les enseignants. Il a estimé indispensable que chaque jeune puisse expérimenter le succès, quelle que soit la discipline dans laquelle il le rencontrera. Il a alors évoqué l'expérience personnelle de sa formation scolaire qui associait matières traditionnelles et ateliers manuels, ce qui permettait d'offrir aux enfants une plus vaste gamme de connaissances à explorer qu'aujourd'hui.

M. Alain Gournac, rapporteur, s'est interrogé sur l'opportunité d'établir des statistiques ethno-raciales dans les entreprises.

M. Daniel Laurent a rendu compte des conclusions d'un groupe de travail qui a mené des expériences sur ce sujet dans quelques entreprises. Il en est ressorti un souhait des entreprises d'avancer dans cette direction, notamment pour mieux connaître les évolutions de carrière des personnes issues des minorités visibles. Ces statistiques peuvent d'ailleurs être élaborées à l'extérieur de l'entreprise, de façon totalement anonyme. Elles sont importantes pour mesurer la diversité au sein des entreprises et de leurs métiers.

M. Alain Gournac, rapporteur, a demandé quelles conséquences peut avoir la mise en place de l'apprentissage dès quatorze ans.

M. Daniel Laurent a fait valoir que le projet de loi crée en fait une sorte de préapprentissage accompagné et sous statut scolaire dont il faudrait mesurer l'efficacité avec l'expérience.

M. Roland Muzeau a considéré que la place des minorités visibles dans les effectifs des grandes entreprises est plus facile à mesurer que la question de l'accès à l'emploi de ces minorités.

M. Daniel Laurent a précisé que la mise en place de statistiques permettrait de mesurer les évolutions et qu'elles seraient utiles dans tous les secteurs, y compris syndical et politique.

Mercredi 8 février 2006

- Présidence de M. Bernard Seillier, vice-président puis de M. Alain Gournac, vice-président-

Bioéthique - Application de la loi bioéthique - Première table ronde

Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, sous la présidence de M. Bernard Seillier, président, la commission a tenu une première table ronde sur le thème de l'application de la loi relative à la bioéthique, en présence de M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique, du professeur Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin, Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), de M. Bernard Loty, directeur médical et scientifique et du professeur François Thépot, adjoint à la direction médicale et scientifique, de l'Agence de la biomédecine (ABM).

M. Bernard Seillier, président, a indiqué que la commission avait souhaité faire le point de l'application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique et du volet de la loi du 9 août 2004 de santé publique sur les recherches biomédicales à l'initiative de Mme Marie-Thérèse Hermange, qui représente le Sénat au CCNE.

Mme Marie-Thérèse Hermange a estimé que la commission des affaires sociales doit régulièrement être informée de l'évolution des questions relatives à la bioéthique et des réflexions récentes du CCNE, notamment celles concernant la patrimonialité du corps humain au regard de la recherche sur les cellules souches.

Le professeur Axel Kahn, directeur de l'Institut Cochin, a estimé que l'une des innovations majeures de la loi relative à la bioéthique est d'avoir élargi le champ des donneurs vivants autorisés pour les transplantations d'organes et de moelle osseuse. Cette initiative est positive du point de vue médical, dans la mesure où elle permet de développer les activités de greffes, mais elle pose un problème sur le plan éthique. En effet, les donneurs vivants potentiels peuvent être victimes de pressions familiales, qui les empêchent de prendre une décision sereinement.

Concernant l'autorisation de recherche sur l'embryon, il s'est réjoui de la récente publication du décret, qui a souffert d'un important retard. Cette ouverture offre un intérêt scientifique certain et est prometteuse d'un point de vue thérapeutique. Les équipes de recherche ont progressé dans la maîtrise du passage des cellules souches embryonnaires à des cellules souches différenciées qui peuvent devenir des matériaux thérapeutiques. Toutefois, des difficultés demeurent, notamment le risque de dégénérescence des cellules souches embryonnaires en tumeurs et la tolérance immunitaire incertaine du patient à la greffe de cellules extérieures aux membres de sa famille. Il a considéré que ces difficultés, moins importantes que ce que les scientifiques ont imaginé, peuvent être surmontées. En particulier, l'assimilation des cellules souches embryonnaires par des organes s'améliore, comme le prouvent les derniers essais sur les coeurs de rats et de moutons avec des cellules souches embryonnaires de souris. L'intérêt thérapeutique sera réel quand il sera possible de dériver quelques centaines de cellules souches embryonnaires correctement sélectionnées. A cet égard, les études en cours sur la différenciation de ces cellules constituent un matériel de recherche irremplaçable. Il a estimé que la loi du 6 août 2004 n'est pas adaptée à la réalité de la recherche. En effet, la fixation d'un moratoire de cinq ans à l'interdiction des recherches sur l'embryon ne constitue pas une durée suffisante pour obtenir des résultats probants. En outre, il est difficile d'établir une séparation stricte entre la recherche fondamentale sur la différenciation des cellules et la recherche thérapeutique.

Le professeur Axel Kahn a indiqué que des dizaines d'essais cliniques sont menés à l'heure actuelle sur des cellules souches adultes, en particulier pour les maladies du coeur et du foie. Elles ne donneront toutefois pas de résultat avant deux ans.

Concernant le clonage thérapeutique, il a indiqué que, depuis la discussion de la loi relative à la bioéthique par le Parlement, les connaissances scientifiques n'ont pas évolué : aucun clone embryonnaire n'a été créé et la recherche demeure très dispendieuse en ovocytes humains. Le professeur Hwang Woo-Suk a ainsi prélevé plus de 2.000 ovocytes sur une centaine de femmes, en faisant parfois usage de pressions pour mener à bien ses recherches.

M. Pierre-Louis Fagniez, député, rapporteur de la loi relative à la bioéthique, s'est réjoui du contrôle régulier par le Parlement sur l'application des lois votées grâce à l'initiative du député Jean-Luc Warsmann. Lui-même, en tant que rapporteur de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, s'est penché sur l'état de publication des décrets au mois de mars 2005. Des quarante articles de la loi, vingt-cinq sont d'application directe. Sur les quinze articles qui nécessitent la prise d'un décret, un seul, celui relatif à l'importation de cellules souches embryonnaires, était paru en mars 2005, soit un taux de publication de seulement 4 %. A sa demande, la Cour des comptes a étudié les moyens dont la direction générale de la santé (DGS) dispose pour la rédaction des décrets. Ces moyens sont apparus nettement insuffisants compte tenu du nombre important de textes réglementaires à publier dans le cadre des lois du 6 août 2004 relative à la bioéthique, du 9 août 2004 de santé publique et du 13 août 2004 relative à la réforme de l'assurance maladie. Il s'est réjoui, à ce titre, que le rythme de parution des textes se soit largement accéléré au cours de l'année 2005 avec la sortie des décrets relatifs à la création de l'agence de la biomédecine au printemps et à la recherche sur l'embryon ces derniers jours. Il a souhaité que les textes permettant l'extension du diagnostic préimplantatoire (DPI) voient le jour avant la fin de l'année 2006.

M. Pierre-Louis Fagniez a réfuté les allégations du professeur Axel Kahn selon lesquelles le législateur aurait élargi la liste des donneurs vivants uniquement par humanisme pour les patients en attente d'une greffe. Il a reconnu que les donneurs potentiels peuvent faire l'objet de pressions et a indiqué que le registre institué par la loi relative à la bioéthique permet de leur garantir un meilleur suivi. L'objectif de la loi est d'offrir aux équipes médicales des moyens supplémentaires pour trouver le donneur le mieux compatible, physiquement et psychiquement. Les médecins n'ont d'ailleurs pas abusé de cette nouvelle possibilité, puisque le nombre de greffes de donneurs vivants en France - 200 chaque année - n'augmente pas.

Il a estimé que la prochaine révision de la loi, prévue en 2009 posera la question sensible du clonage non reproductif, même si aucun progrès n'a été enregistré à ce jour.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat, secrétaire générale du Comité consultatif national d'éthique, s'est déclarée préoccupée par l'élargissement du cercle des donneurs vivants autorisés, notamment lorsqu'il s'agit d'enfants, y compris conçus après un DPI sur lesquels des pressions pourraient être enregistrées. Elle a fait état de situations délicates rencontrées par des comités d'experts pédiatres en matière de dons d'organes par des mineurs. Elle a rappelé que la Grande-Bretagne autorise le don d'enfant à parent, ce qui pose un problème éthique délicat. Elle a estimé que, dans une situation de pénurie d'organes, l'obligation de recueillir le témoignage de la famille sur la volonté du défunt aboutit très souvent à un refus de prélèvement, malgré les modifications introduites par la loi du 6 août 2004 et en violation avec le principe général du consentement présumé.

Elle a regretté le retard pris dans le réexamen de la loi de 1994 et dans la publication des décrets de la loi de 2004. Elle a estimé que la découverte de la supercherie du professeur Hwang Woo-Suk va redonner espoir aux équipes françaises, qui pensaient pâtir de la publication tardive des textes réglementaires. Elle a estimé qu'il convient d'attendre les résultats des recherches sur l'embryon et sur les cellules souches adultes avant de réfléchir à une modification de la législation sur le clonage thérapeutique.

Elle a fait état du dernier avis du CCNE sur les questions de filiation qui propose de maintenir le principe de l'anonymat entre le donneur et le receveur tout en proposant une évolution du Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) pour permettre un accès aux données non identifiantes dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation (AMP).

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a souhaité que la révision de la loi en 2009 autorise la réimplantation post-mortem, ainsi que le double don de gamètes, dans la mesure où la possibilité existe déjà pour un couple d'accueillir l'embryon surnuméraire issu d'une autre union. Elle a indiqué que les prochains avis du CCNE concerneront la commercialisation des lignées de cellules souches, la vaccination ciblée contre la tuberculose, les problèmes posés par la biométrie et les nanobiotechnologies, en coopération respectivement avec la Grande-Bretagne et le Canada, ainsi que les inégalités dans l'accès aux soins et la médecine carcérale.

M. Bernard Loty, directeur médical et scientifique à l'Agence de la biomédecine, a indiqué que les dispositions réglementaires relatives à l'information des jeunes de seize à vingt-cinq ans sur le don d'organes ont nécessité une longue concertation avec l'ordre des médecins pour élaborer un système efficace et sont en cours de rédaction. Il a estimé que le principe du consentement présumé du donneur décédé applicable en France fonctionne convenablement, car les praticiens ont acquis l'habitude d'associer les familles à la décision de prélèvement, même si le taux de refus demeure de 30 %.

Il a considéré que l'ABM a été mise en place dans de bonnes conditions car les directions anciennes de l'établissement français des greffes (EFG) ont été conservées et se sont vu simplement adjoindre de nouvelles missions et des moyens supplémentaires. L'activité de l'agence a débuté par les rapports d'activité des centres de prélèvements d'organes et par la codification des bonnes pratiques des équipes médicales chargées des prélèvements et des greffes. Par ailleurs, un groupe de travail a été mis en place sur les différentes stratégies d'AMP et le registre de l'association France greffe de moelle a été intégré sans difficulté à l'ABM.

Il a estimé que le critère du nombre de malades en attente d'une greffe n'est pas pertinent pour juger de l'activité de l'agence, car il dépend de variables multiples et de comparaisons internationales. Ainsi les pays qui n'ont qu'une faible activité en matière de greffe, comme la Pologne et la République tchèque, n'ont en conséquence pas de liste d'attente. En France, 8.000 malades sont en attente d'une greffe, dont 6.000 pour un rein. Le « plan greffe 2000-2003 » a permis de passer de 15 à 22 greffes par million d'habitants, ce qui place aujourd'hui la France en deuxième position derrière l'Espagne. 4.228 greffes ont été réalisées en 2005 contre seulement 2.800 en 1995, dont 2.500 greffes de reins (1.600 en 1995), 1.024 greffes de foie (environ 600 en 1995), 339 greffes de coeur, qui demeurent stables, et 205 greffes de poumons (92 en 1995). Les résultats sont également très satisfaisants en matière de greffes de sang de cordon. Cette progression est le fruit du dynamisme des équipes de greffes, dont certaines ont bénéficié d'un audit externe et des groupes de travail de l'ABM. Concernant les greffes de poumons, leur nombre a été équivalent en 2005 à celui des nouveaux inscrits sur la liste d'attente.

M. Bernard Loty a indiqué que le prélèvement d'organes peut procéder de trois techniques : les prélèvements sur des personnes en état de mort cérébrale, largement majoritaires en France, mais avec des inégalités entre les régions ; les prélèvements sur donneurs vivants, qui représentent seulement 6 % du total ; enfin, les prélèvements en état de « coeur non battant ». Dans la plupart des pays européens, les prélèvements sur donneur vivant sont plus nombreux : ils représentent ainsi jusqu'à 50 % des greffes en Norvège. Un comité des donneurs vivants a été mis en place en 2005 et a permis une légère amélioration de la situation en France : 214 prélèvements ont été effectués en 2004 et 263 en 2005, essentiellement des reins mais aucun foie, même si l'élargissement des donneurs vivants autorisés ne s'est pas encore fait sentir. Concernant les prélèvements sur « coeur non-battant », que la France était le seul pays à interdire, alors qu'ils représentent 50 % des greffes en Espagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas, neuf sites-pilotes sont aujourd'hui conventionnés. Les équipes bénéficient d'une formation, mais leurs moyens sont encore insuffisants. Il a indiqué, à cet égard, que le « plan greffe 2000-2003 » a permis la création de 140 emplois équivalent-temps plein dans les hôpitaux, qui ont été pérennisés par la tarification à l'activité (T2A). Il a souhaité la mise en oeuvre d'un second plan greffe et la création de nouveaux postes.

Le professeur François Thépot, adjoint à la direction médicale et scientifique de l'Agence de la biomédecine, a précisé que l'ABM dispose de compétences en matière d'AMP, de diagnostic prénatal et de recherches sur l'embryon. 2,2 % des naissances sont aujourd'hui le résultat d'une AMP soit 16.000 naissances par an. Il ne s'agit donc plus d'une méthode marginale, ce qui appelle des exigences de qualité, de sécurité et d'information. L'ABM souhaite développer un suivi de ces enfants à long terme sans pour autant les stigmatiser. Par ailleurs, il a indiqué que 800.000 femmes ont bénéficié d'un diagnostic prénatal.

Il a fait valoir que l'agence a déjà traité 45 dossiers d'autorisation, dont dix-sept sur des implantations de cellules souches, dix sur la conservation de cellules et dix-huit sur l'importation de cellules souches embryonnaires. Dix-huit protocoles de recherches ont été autorisés grâce aux lignées de cellules fournies par six pays étrangers. Cinq de ces lignées concernaient des cellules malades issues de DPI.

M. Alain Milon a demandé que soit précisé le nombre de donneurs en mort cérébrale et à « coeur non battant ». Il a demandé si l'intégration de l'association France greffe de moelle dans l'ABM a eu des conséquences sur la gestion de la liste d'attente des malades.

Rappelant que le décret du 28 septembre 2004 a autorisé l'importation des cellules souches embryonnaires humaines à des fins de recherches, il s'est interrogé sur la provenance de ces cellules souches et sur le contrôle du circuit d'importation. Il a également demandé quels sont les résultats les plus récents de la recherche sur les cellules souches adultes.

M. Bernard Loty a rappelé que la France autorise depuis peu les prélèvements sur « coeur non battant ». Aucun n'a donc été effectué à ce jour, d'autant que la technique requiert un matériel coûteux.

Il a indiqué que l'intégration de l'association France greffe de moelle dans l'agence s'est parfaitement déroulée et n'a pas eu de conséquence sur les malades en attente d'une greffe.

Le professeur Axel Kahn a reconnu que les équipes de chercheurs français ont pris du retard en matière de recherche sur l'embryon, très active dans de nombreux pays, en raison de la publication tardive des décrets. Ce retard doit toutefois être relativisé, dans la mesure où la France est en pointe pour la recherche sur les cellules animales. Il a estimé que l'ouverture des recherches sur l'embryon permettra d'améliorer les thérapies pour cet âge de la vie qui était jusqu'à présent le seul à ne pas être étudié. Elle constitue un atout pour la recherche fondamentale et une promesse thérapeutique pour les années à venir. Les cellules souches embryonnaires sont en effet nombreuses, elles peuvent être multipliées facilement en culture et la maîtrise de leur différenciation a fait de réels progrès. Malgré tout, elles demeurent encore tumeurigènes en cas de greffe. Au contraire, la recherche sur les cellules souches adultes ne pose aucun problème éthique : leur compatibilité immunologique est parfaite, le risque de transformation maligne bien moindre et les essais cliniques menés jusqu'à présent sont encourageants. Leur utilisation n'est toutefois pas exempte de difficultés, dans la mesure où leur plasticité est inférieure à celle des cellules souches embryonnaires.

Le professeur François Thépot a précisé que 80 % des cellules souches embryonnaires importées par la France proviennent des Etats-Unis et d'Israël. Pour le reste, il a été fait appel à la Grande-Bretagne, à l'Australie, à la Belgique et à la Suède. Le contrôle de leur importation est identique à celui qui s'applique à l'importation des autres cellules.

Le professeur Axel Kahn a estimé que la fraude du professeur Hwang Woo-Suk n'élimine pas le problème essentiel posé par le clonage : celui du nombre très élevé d'ovocytes nécessaires pour aboutir à un résultat, et la nécessaire protection des femmes donneuses qui doit en découler.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a considéré que le suivi des enfants nés par AMP est essentiel, même s'il comporte des risques de stigmatisation. Elle a souhaité que la prochaine révision de la loi bioéthique en 2009 pose les questions de la réanimation néonatale et de la patrimonialité du corps humain. Elle a indiqué à cet égard que le coût de l'importation d'une lignée de cellules souches embryonnaires revient à environ 2.000 ou 3.000 euros, soit un coût qui correspond strictement à celui des procédures et n'engendre pas de bénéfice pour les vendeurs. Elle a enfin regretté que la France n'ait pas encore ratifié la convention d'Oviedo.

Mme Bernadette Dupont a demandé si le CCNE réfléchit à la prise en charge de l'autisme et si les cellules souches embryonnaires sur lesquelles des recherches sont menées sont issues des diagnostics prénatals.

M. François Autain a considéré que le retard dans la publication des décrets est commun à l'ensemble des textes législatifs. Il a regretté que les délais de parution annoncés par le Gouvernement soient toujours inférieurs à la réalité. Il a demandé qui est responsable de ce retard et a estimé qu'il convient d'augmenter le nombre de fonctionnaires de la DGS.

M. Bernard Seillier, président, lui a fait valoir que M. Didier Houssin pourra répondre à ses questions à l'occasion de la seconde table ronde de la matinée.

M. François Autain a déploré que la révision de la loi en 2009 intervienne avant que le législateur ne connaisse les conclusions des rapports de l'ABM et de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) sur la recherche embryonnaire. Il a demandé si les résultats des recherches britanniques sur le clonage thérapeutique sont connus. Il a estimé que le système du consentement présumé du défunt se révèle in fine être celui de la famille, qui refuse souvent, alors que le système proposé par le Sénat d'une mention écrite des volontés dans le dossier médical aurait été plus efficace.

Mme Marie-Thérèse Hermange a demandé si le clonage thérapeutique peut être défini comme un clonage reproductif interrompu.

M. Guy Fischer a rappelé qu'à l'époque de la discussion du texte au Sénat, le groupe communiste républicain et citoyen s'était prononcé en faveur de l'autorisation du clonage thérapeutique. Il a demandé si la T2A permet aux hôpitaux de dégager des moyens suffisants pour leur activité de greffe.

Le professeur Axel Kahn a indiqué que les études britanniques n'ont pas encore abouti. C'est également le cas en Chine et aux Etats-Unis. Les embryons qui ont été créés ont tous dégénérés. En outre, ces recherches posent le problème de l'utilisation massive d'ovocytes. Il a ajouté qu'aucune expérience de clonage n'a encore fonctionné sur un primate.

Il a estimé que la seule différence entre le clonage reproductif et le clonage thérapeutique réside dans leur finalité : la création d'un enfant pour l'un, le progrès scientifique pour l'autre.

Mme Marie-Hélène Mouneyrat a précisé que la saisine du CCNE concernant l'autisme porte sur les apports des prises en charge psychanalytique et médicale.

M. Bernard Loty a estimé que la T2A est insuffisante pour répondre aux besoins des équipes médicales chargées du prélèvement et de la greffe d'organes. Il a souhaité que la prochaine loi relative à la bioéthique simplifie le dispositif législatif et réglementaire actuel, qui n'est pas compris par les professionnels de santé. Il a estimé que la loi doit se contenter de fixer les grands principes et que le nombre de décrets doit être limité.

Bioéthique - Application de la loi bioéthique - Deuxième table ronde

Puis la commission a tenu une seconde table ronde sur le thème de l'application des lois relatives à la bioéthique et à la santé publique, en présence de M. Didier Houssin, directeur général de la santé, Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem (Les entreprises du médicament) et du professeur François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor.

A M. Didier Houssin, directeur général de la santé, M. Alain Milon a fait observer que plusieurs dispositions essentielles de la loi relative à la bioéthique ne sont pas applicables à ce jour, en raison de l'absence de publication des mesures réglementaires nécessaires. Il s'agit, en particulier, des modifications du régime juridique des tests génétiques et des thérapies géniques et xénogéniques ainsi que de la plupart des décrets relatifs, d'une part, aux greffes et prélèvements d'organes, d'autre part, au régime des recherches scientifiques pouvant être menées sur l'embryon.

Il s'est interrogé sur les raisons d'un tel retard, alors même que ces textes sont attendus avec impatience par les chercheurs, les professionnels de santé et, plus encore, par les patients en demande d'une greffe et a demandé pour quand on peut raisonnablement espérer la publication de ces mesures réglementaires.

La même situation est déplorée pour la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, puisque au 1er janvier 2006, seule une trentaine de mesures réglementaires sur les 108 prévues étaient publiées, pour l'essentiel d'ailleurs des mesures de second ordre. Il s'est demandé quelles sont les raisons expliquant, là encore, ce délai anormal : de toutes les réformes engagées ces dernières années dans le domaine de la santé, il s'agit incontestablement de celle qui enregistre le plus grand retard dans son application. Il a déploré les conséquences préjudiciables de cette situation pour les recherches biomédicales et pour l'évaluation des soins courants : aucune des mesures réglementaires prévues aux articles 88 à 97 de la loi n'est parue à ce jour, alors que ces textes étaient attendus pour le mois de novembre 2005.

M. Alain Milon s'est ensuite adressé à Mme Catherine Lassale, directeur des affaires scientifiques et médicales du Leem, et au professeur François Lemaire, chef du service de réanimation médicale à l'hôpital Henri Mondor, pour aborder le sujet des conséquences de ces retards administratifs sur les recherches biomédicales et sur l'évaluation des soins. Il s'est enquis des dispositions de la loi de santé publique d'ores et déjà applicables et des avancées qu'elles ont permis aux chercheurs de réaliser.

Il a souhaité connaître les souhaits des scientifiques et des laboratoires sur le contenu des textes réglementaires en attente de publication et s'est demandé si la prochaine loi relative à la bioéthique ne devrait pas à nouveau modifier ces dispositions, et si oui, dans quel sens.

Il s'est interrogé enfin sur la possibilité de procéder, aussi bien avant qu'après autorisation de mise sur le marché d'une molécule, à des essais comparatifs entre un produit de santé et une autre stratégie thérapeutique.

M. Didier Houssin a tout d'abord fait le point sur l'applicabilité des dispositions de la loi relative à la bioéthique. Sur quarante articles, vingt-quatre étaient d'application directe, notamment les règles de consentement aux examens des caractéristiques génétiques d'une personne, mais aussi certaines dispositions relatives au don et à l'utilisation des éléments du corps humain, la protection juridique des inventions biotechnologiques et l'interdiction du clonage reproductif.

Pour le reste, cette loi requiert la publication de vingt-sept décrets, dont douze l'ont déjà été, et ce dans des domaines comme le Comité consultatif national d'éthique, l'agence de la biomédecine et la recherche sur l'embryon et la réglementation des greffes avec, en particulier dans ce domaine, les prélèvements sur les donneurs vivants et les prélèvements sur les donneurs à coeur arrêté.

M. Didier Houssin a également mentionné le décret qui a été publié afin d'assouplir les règles de sélection clinique et biologique des donneurs. Ce texte devrait permettre, dans le contexte actuel de pénurie de greffons, d'améliorer l'accès des patients à la greffe. Les dernières mesures réglementaires en attente de publication dans le domaine des greffes correspondent, pour la plupart, à des dispositions déjà existantes et non modifiées sur le fond par la loi bioéthique. Il convient simplement de les actualiser.

La grande majorité des quinze décrets manquants à ce jour devraient être publiés avant la fin du premier semestre 2006. Ces retards trouvent leur origine dans la complexité des questions traitées et dans la nécessité de conduire de nombreuses consultations. En outre, la rédaction des décrets relatifs, d'une part, à la révision des conditions d'autorisation des établissements préparant les tissus, d'autre part, au prélèvement de cellules et à l'importation et l'exportation d'organes, de tissus et de cellules, est rendue difficile en raison des exigences du droit communautaire. De nombreuses dispositions de la directive 2004/23/CE relative aux tissus et aux cellules, ainsi que deux autres directives techniques actuellement en cours de discussion, devront être transposées en droit interne. Il convient d'intégrer ces obligations nouvelles dans les décrets en préparation, notamment celle prévoyant l'intervention d'une personne responsable des activités ainsi qu'un médecin chargé de la veille médicale et scientifique, celle relative à l'inspection des établissements tous les deux ans, ainsi que les nouvelles modalités de distribution et de délivrance des produits et l'autorisation des procédés.

M. Didier Houssin a indiqué qu'il a été jugé préférable, dans ces conditions, d'attendre la fin des négociations entre les experts des Etats-membres, prévue pour la fin du mois de février 2006, afin de connaître la teneur des modifications à apporter aux mesures réglementaires en cours d'élaboration.

Il a précisé, en particulier, que la rédaction du décret relatif aux médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique nécessite de prendre en compte les dispositions de la nouvelle loi relative aux organismes génétiquement modifiés qui transposera la directive 2001/18/CE relative à la dissémination des organismes génétiquement modifiés. Ce texte législatif permettra en effet de revoir et de compléter notre droit sur plusieurs points : les éléments spécifiques à prévoir dans le dossier de demande d'autorisation, la mise en oeuvre d'une procédure d'information et de consultation du public, le recueil de l'avis du nouveau conseil des biotechnologies, la mise en place d'un suivi post-autorisation avec signalement de tout risque pouvant porter atteinte à l'environnement et à la santé humaine, et la durée d'autorisation de mise sur le marché.

Il est donc apparu souhaitable d'attendre ce nouveau cadre législatif pour modifier la procédure d'autorisation des médicaments de thérapie génique, d'autant plus qu'il n'y a pas de vide juridique, puisque l'autorisation de préparation de thérapie génique est encadrée par deux décrets (décret du 1er octobre 2001 relatif aux produits de thérapie génique et cellulaire et décret du 6 novembre 1995 pour la partie OGM de la procédure) et qu'il n'y aura pas, dans un futur proche, de médicaments de thérapie génique.

M. Didier Houssin a précisé que, compte tenu de l'élaboration de la loi relative aux OGM, il sera bientôt possible de présenter la première version des dispositions réglementaires attendues dans le domaine de la procédure d'autorisation des médicaments de thérapie génique et de thérapie cellulaire xénogénique. Les projets de texte préparés en ce sens pourraient être soumis à l'avis des différents partenaires concernés au début du mois de mars 2006.

Les dispositions relatives aux examens des caractéristiques génétiques et à l'information de la parentèle en cas de maladie génétique grave font également l'objet de deux décrets d'application en cours d'élaboration. L'extension des dispositions de la loi relative à la bioéthique aux territoires d'outre-mer sera réalisée dans le cadre de la mise à jour prévue du code de santé publique.

D'une façon générale, M. Didier Houssin a souligné qu'il a veillé, depuis sa prise de fonction, à ce que la direction générale de la santé réalise un effort important pour accélérer la rédaction des textes qui lui incombent et pour résorber le stock des décrets en retard. Celui-ci a été ramené en un an, de 200 à 150 décrets en souffrance grâce au doublement de la production réglementaire de la direction entre 2004 et 2005, qui est passée de 19 à 45 décrets publiés. Cette action prioritaire sera poursuivie en 2006, avec un objectif de croissance de 10 % par rapport à 2005.

M. Didier Houssin a ensuite évoqué la situation de la loi relative à la politique de santé publique : celle-ci comporte 158 articles, dont soixante-neuf d'application directe, parmi lesquels l'interdiction des distributeurs automatiques de boissons et aliments payants dans les établissements scolaires, l'extension de l'obligation faite aux médecins et aux établissements publics à l'ensemble des professionnels de la sphère sanitaire et médico-sociale de signaler aux autorités sanitaires les risques dont ils auraient connaissance, l'information en milieu scolaire des risques sanitaires liés à l'usage de stupéfiants et l'octroi aux maires de compétences en matière de contrôle des règles d'hygiène de l'habitat.

Pour le reste, l'application de cette loi requiert la publication de soixante-deux décrets simples ou décrets en Conseil d'Etat. Parmi les vingt et une mesures réglementaires déjà publiées, il a mentionné le décret modifiant les missions de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, celui organisant l'Institut national du cancer et les deux décrets relatifs respectivement aux missions des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques et à l'approbation du référentiel national pour les actions à mener en matière de réduction des risques.

M. Didier Houssin a souligné que la partie que la loi consacre à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de santé publique au niveau national et régional est désormais quasiment opérationnelle : les décrets relatifs à la Conférence nationale de santé et au Comité national de santé publique ont été publiés ; la Conférence nationale de santé sera installée au premier semestre 2006 et le Comité national de santé publique se réunira une première fois au printemps 2006. Les décrets relatifs aux groupements régionaux de santé publique, ainsi qu'aux conférences régionales de santé, ont été publiés eux aussi. Toutes les conférences régionales de santé devraient être mises en place début mars 2006, ce qui leur permettra d'être consultées sur les projets de plans régionaux de santé publique avant que ces derniers ne soient arrêtés par les préfets de région.

Il a indiqué que la publication du projet de décret sur les recherches biomédicales interviendra elle aussi prochainement, comme d'ailleurs celui relatif aux modalités d'application des dispositions de lutte contre le saturnisme. Plusieurs autres projets de mesures réglementaires sont actuellement en cours d'examen par le Conseil d'Etat, et notamment ceux relatifs à la formation continue des médecins, des chirurgiens dentistes et des pharmaciens, celui concernant l'ordre des masseurs kinésithérapeutes et des pédicures podologues, celui relatif aux mesures de publicité de l'acte portant déclaration d'utilité publique des captages d'eau, ainsi que celui définissant les conditions de réalisation des analyses de biologie médicale par des laboratoires installés en Europe. Il a précisé enfin que le projet de décret concernant la réglementation applicable aux psychothérapeutes est actuellement soumis à la consultation des professionnels.

En définitive, M. Didier Houssin a considéré que la publication prochaine de tous ces textes devrait permettre une mise en oeuvre effective beaucoup plus large des dispositions de la loi de santé publique.

Après avoir souligné l'évolution inquiétante du nombre d'essais cliniques réalisés en France au cours de la dernière année (- 25 % entre 1995 et 2005), Mme Catherine Lassale s'est interrogée sur le lien qu'il pourrait y avoir entre cette diminution très importante, qui s'est même accélérée en fin de période (- 15 % entre 2004 et 2005), et le cadre juridique des recherches médicales dans notre pays. Elle a souligné que le LEEM souhaite vivement une plus grande harmonisation européenne, notamment dans les domaines des autorisations d'essais cliniques, des missions du comité de protection des personnes (CPP), de la limitation des déclarations immédiates des effets indésirables graves et inattendus et de la notification des résultats et des possibilités de recours.

Elle a rappelé les étapes successives de la mise en oeuvre, en France, des dispositions de la directive 2001/20/CE du 4 avril 2001 relative aux essais cliniques. La date limite pour la transposition par les Etats-membres de ce texte en droit interne était fixée au 1er mai 2004. Celle-ci a été réalisée dans notre pays par la loi relative à la politique de santé publique votée le 9 août 2004, mais certaines de ses dispositions ne sont toujours pas applicables, dans l'attente de la publication, prévue pour 2006, du décret d'application « Recherche biomédicale » et de plusieurs arrêtés.

L'état des lieux de la transposition de cette directive s'établit aujourd'hui en Europe de la façon suivante : onze pays ont intégralement transposé ces dispositions (la Grande-Bretagne, l'Autriche, la Belgique, l'Estonie, l'Allemagne, la Finlande, la Grèce, la Lituanie, la Hongrie, la Norvège et la Suède). Dans cinq autres pays, l'Irlande, le Portugal, l'Espagne, l'Italie et la République tchèque, sa transposition a été menée à bien, malgré l'absence de certaines mesures réglementaires d'application. Et dans quatre pays, les Pays-Bas, la Pologne, la Slovénie et la Slovaquie, la transposition en droit interne est encore en cours.

Mme Catherine Lassale a souligné le rôle décisif de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), au cours de la phase pilote de mise en oeuvre des dispositions de cette directive. En 2005, quatre-vingt-un laboratoires y ont également participé, dans le cadre de 417 dossiers d'autorisations d'essais cliniques sur un total de 1.045.

D'importants travaux sont en cours, tant à l'Afssaps, notamment au niveau des groupes « avis aux demandeurs » et « bonnes pratiques cliniques », qu'à la direction générale de la santé (DGS) et dans les Comités de protection des personnes.

Les industriels souhaitent ardemment la publication rapide du décret et des arrêtés en souffrance. Ils en attendent la mise en place de délais attractifs tant pour les demandes d'avis aux CPP (trente-cinq jours) que pour les demandes d'autorisation d'essais cliniques à l'Afssaps, dont ils espèrent qu'ils pourraient être de trente jours, ou de soixante jours avec des possibilités de dérogation par arrêté.

Plusieurs points nécessitent des explications complémentaires : les modalités de déclaration à l'Afssaps des demandes d'amendement à un protocole de recherche, les modalités de transfert de la demande à un autre CPP en cas de dépassement du plafond de demandes et en cas de retrait d'agrément, les modalités de désignation d'un nouveau comité en cas de réexamen de la demande, l'indemnisation des patients et les modalités de déclaration des collections d'échantillons biologiques à l'Afssaps.

Le professeur François Lemaire a estimé qu'il convient d'examiner avec compréhension le problème du retard dans la publication des mesures réglementaires d'application des lois récemment votées. Ces textes législatifs majeurs représentent en effet un changement considérable et interviennent après un très long statu quo. Il est donc normal qu'ils nécessitent un travail réglementaire important et une préparation approfondie.

Le professeur François Lemaire a également indiqué qu'à l'instar du LEEM, les différents organismes publics dans le domaine de la recherche ont décidé de se rassembler pour constituer une coordination institutionnelle destinée à assurer leur représentation auprès des pouvoirs publics. Cet organisme, dont la création remonte à quelques jours à peine, leur permettra d'être consulté par les autorités sanitaires.

Il a souhaité que des études soient réalisées pour promouvoir les bonnes pratiques à faible coût. Il s'est inquiété, en particulier, de la catégorie des recherches sur les soins courants. La rédaction du décret les concernant, à l'élaboration duquel le professeur Francis Giraud a été associé, représente une avancée importante, dans la mesure où la direction générale de la santé a admis la sélection au hasard, ou « randomisation », des patients. Or, la directive européenne sur les essais cliniques interdit cette pratique. Un amendement à ce sujet avait été intégré dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais il a malheureusement été censuré par le Conseil constitutionnel, au motif qu'il s'agissait d'un cavalier social. Cette disposition sera vraisemblablement reprise sous la forme d'un nouvel amendement au projet de loi sur la recherche, en cours d'examen, et pourrait s'accompagner d'un second amendement sur la question des modalités de financement des recherches sur les soins courants.

Il a considéré que la mise en oeuvre de la loi de santé publique nécessite un effort important de pédagogie, en particulier au niveau des CPP, et a jugé que la combinaison de textes envisagée en France pour la promotion tout à la fois des soins courants et des études post-AMM constituerait un ensemble de dispositions de bon niveau et probablement unique en Europe.

Après avoir reconnu l'ampleur des bouleversements législatifs intervenus au cours de la présente législature dans le domaine de la recherche et de la santé publique, M. Alain Milon a considéré à son tour que le retard dans l'apparition des mesures réglementaires doit être appréhendé avec une certaine tolérance, et non dans un esprit de critique systématique. Il a estimé que les chercheurs doivent désormais bénéficier d'une bonne lisibilité, ce qui suppose une pause au niveau législatif.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité connaître la position du ministère de la santé sur l'opportunité de ratifier la convention d'Oviedo. Elle a insisté sur la question de la commercialisation de cellules souches et elle s'est demandé si le principe qu'aucun élément du corps humain n'est brevetable ou commercialisable ne tend pas à être contourné dans la pratique, notamment en ce qui concerne les dérivés du sang humain.

M. Didier Houssin a indiqué que le ministère de la santé est très favorable à la ratification de la convention d'Oviedo.

Mme Catherine Lassale a déclaré ne pas partager le sentiment qu'il y ait actuellement un problème avec la brevetabilité ou la commercialisation des éléments du corps humain, tout en indiquant que ces questions devront faire l'objet, à l'avenir, d'une réflexion au niveau européen. Elle est revenue sur la question des soins courants en indiquant que les industriels sont très favorables à la comparaison des statistiques thérapeutiques, tout en s'inquiétant qu'en l'état actuel des choses la directive européenne exclue la sélection au hasard des patients.

M. Didier Houssin a souhaité que soient adoptés, dans le cadre du projet de loi sur la recherche, les deux amendements déjà évoqués sur les soins courants.

Après s'être félicité de la diminution du stock de décrets en retard de publication, M. François Autain a constaté que beaucoup reste à faire et s'est demandé si la direction générale de la santé dispose des moyens suffisants pour accomplir ce travail de longue haleine. Dans le cas très précis de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades, il a regretté que le décret prévu à l'article L. 4113-13 du code de la santé publique prive d'application une disposition importante sur l'information du public des conflits d'intérêts entre les chercheurs et l'industrie pharmaceutique.

M. Didier Houssin a confirmé l'importance qu'il accorde à la résolution de ce problème de décrets en retard. L'effort de rattrapage a été réalisé sans moyens supplémentaires, grâce à une mobilisation importante de ses collaborateurs, mais avec l'appui temporaire de deux membres de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). A l'intérieur de la DGS, plusieurs personnes ont été spécialement chargées de trouver les moyens d'accélérer la rédaction des décrets et d'identifier les blocages administratifs.

En réponse à François Autain, il a pris l'engagement personnel de faire aboutir le dossier du décret d'application prévu à l'article L. 4113-13 du code de la santé publique.

Mme Marie-Thérèse Hermange a estimé que la ratification de la convention d'Oviedo devrait elle aussi revêtir le même caractère prioritaire. Elle a souhaité savoir s'il existe, dans les laboratoires privés, parallèlement à la recherche dans les organismes publics, une recherche encadrée sur les embryons et les cellules souches.

Mme Catherine Lassale a indiqué qu'à sa connaissance, tel n'est pas le cas.

Mme Marie-Thérèse Hermange a observé que la convention d'Oviedo qui prohibe la recherche sur les embryons humains, s'inscrit en contradiction avec les demandes « d'ouverture limitée » de la recherche en ce domaine.

M. Didier Houssin a reconnu que le droit a parfois du mal à s'adapter aux impératifs de la recherche.

M. Bernard Seillier, président, a souhaité avoir des précisions sur la coordination des institutionnels, dont le professeur François Lemaire a annoncé la création récente.

Le professeur François Lemaire a indiqué que cette initiative est née du besoin des chercheurs et des scientifiques travaillant dans les organismes publics de faire entendre leur voix auprès des pouvoirs publics. Cette idée, suggérée par l'Afssaps, a débouché, dans un premier temps, sur des rencontres informelles, avant d'aboutir à la rédaction d'une charte et d'une convention par une assemblée plénière de chercheurs au mois de janvier 2006. D'ores et déjà, cette coordination a été invitée par les pouvoirs publics à participer à la concertation organisée sur plusieurs mesures réglementaires en cours d'élaboration.

Egalité des chances - Audition de Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale, et de M. Didier Hotte, assistant du secrétaire général, de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO)

Au cours d'une seconde réunion tenue dans l'après-midi, sous la présidence de M. Alain Gournac, vice-président, la commission a procédé aux auditions sur le projet de loi n° 2787 (AN - XIIe législature) pour l'égalité des chances.

La commission a procédé à l'audition de Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale, accompagnée de M. Didier Hotte, assistant du secrétaire général, de la Confédération générale du travail - Force ouvrière (CGT-FO).

Mme Michèle Monrique, secrétaire confédérale de la CGT-FO, rappelant l'engagement fort de la CGT-FO contre les discriminations, a jugé l'égalité des droits plus convaincante que celle des chances. Dans cette perspective, les discriminations à l'embauche apparaissent comme un phénomène grave auquel le projet de loi ne donne pas de réponses tout à fait adaptées. Le débat autour de l'introduction du contrat première embauche (CPE) dissimule de ce point de vue l'importance du reste du texte.

En ce qui concerne la lutte contre les discriminations liées à l'immigration, la CGT-FO, très impliquée dans l'action du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre la discrimination (Fasild), estime excessivement floues les dispositions substituant une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances à cet organisme. Les pouvoirs de l'agence sont en effet mal définis. Or il n'est pas souhaitable que les missions actuellement assumées par le Fasild soient diluées dans un ensemble plus vaste, alors que le Fasild a fait la preuve de sa capacité à être présent sur le terrain et à associer efficacement les associations à son action.

Il convient donc d'éclaircir les missions, le domaine de compétence géographique et le public de l'agence. La notion de quartiers présentant des « caractéristiques sociales et économiques analogues aux zones urbaines sensibles » est vague. Celle de « personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle » n'est pas plus précise. Par ailleurs, la formulation selon laquelle les actions de l'agence viseront « notamment l'intégration des populations immigrées », fait craindre que les missions du Fasild ne soient diluées dans le champ d'intervention beaucoup plus large de l'agence. La CGT-FO souhaite que l'action de l'agence à l'égard des populations immigrées soit identique à celle que le Fasild mène actuellement.

Mme Michèle Monrique a aussi évoqué le risque de politisation résultant d'une responsabilité du maire en matière de répartition des subventions. Elle a regretté que les préfets soient désignés comme délégués départementaux de l'agence, notant à titre d'illustration que les commissions départementales d'accès à la citoyenneté (Codac), actuellement placées sous leur autorité, sont peu actives.

Il serait donc indispensable de préciser la définition juridique des missions de l'agence, afin que celle-ci assume pleinement et efficacement les missions d'intégration actuellement dévolues au Fasild.

Mme Michèle Monrique s'est enfin inquiétée du sort du personnel du Fasild et de la disponibilité des moyens nécessaires pour faire face à l'élargissement des missions de l'agence au regard de celles du Fasild.

Elle a ensuite indiqué que la CGT-FO est favorable à l'octroi d'un pouvoir de sanction à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), tout en s'interrogeant sur la portée réelle de ce pouvoir de sanction et en exprimant le regret que les syndicats n'aient pas été consultés sur le projet de loi.

Elle a approuvé la légalisation du testing, indiquant que la CGT-FO a longtemps travaillé avec SOS Racisme, qui soutient cette formule et a démontré son efficacité.

En ce qui concerne le service civil volontaire, elle a jugé incertaine l'articulation de ce nouveau dispositif avec la compétence des missions locales.

M. Didier Hotte, assistant du secrétaire général de la CGT-FO, a estimé que l'apprentissage reste un des moyens privilégiés de l'accès à l'emploi, mais a regretté que le projet de loi porte atteinte à l'obligation scolaire jusqu'à seize ans. Des dérogations existent certes d'ores et déjà, mais le phénomène va s'amplifier. Il a aussi déploré l'élargissement récent, par décret, des possibilités de travail des mineurs la nuit, le dimanche et les jours fériés, estimant qu'il aurait été préférable d'alléger les effectifs des classes dans les zones d'éducation prioritaire (Zep).

Il a jugé que les allégements de cotisations sociales accordés aux entreprises vont accentuer les difficultés financières de la sécurité sociale, notant qu'aucun bilan de l'efficacité des exonérations en matière d'emploi n'a jamais été établi.

En ce qui concerne les zones franches urbaines, l'extension du dispositif, ainsi que les nouveaux allégements fiscaux et les nouvelles exonérations de cotisations qui l'accompagnent, ne sont pas sans inconvénient pour l'intégration du territoire.

Abordant la question du contrat première embauche (CPE), M. Didier Hotte a regretté qu'aucune consultation des partenaires sociaux n'ait eu lieu alors que des promesses de concertation avaient été faites dans l'hypothèse où des projets de loi touchant à l'architecture du code du travail seraient élaborés.

Peu convaincu par le fait que le CPE permettra de lever les réticences des petits employeurs devant l'embauche, il a observé qu'il est d'ores et déjà possible de mettre fin au contrat à durée indéterminée dans des conditions assez souples et, qu'en tout état de cause, les entreprises moyennes et les grandes entreprises, bénéficiaires elles aussi de cet outil, n'éprouvent pas les réticences des petits employeurs devant l'embauche.

La période de consolidation de deux ans prévue pour le CPE invalide les dispositions du code du travail qui obligent l'employeur à motiver ses raisons de licencier. Un élément important du système des libertés publiques disparaît ainsi. Dans ces conditions, l'argument selon lequel un certain nombre de droits sont accordés aux salariés en contrepartie de la flexibilité, ne tient guère.

Par ailleurs, le CPE crée entre les salariés une discrimination en fonction de l'âge. En cumulant le CPE, le contrat « nouvelles embauches » (CNE) et le contrat à durée déterminée (CDD) seniors, on crée en ce moment des « zones franches du droit » dont le Premier ministre pourra se prévaloir pour proposer en fin de compte le contrat de travail unique doté d'une période d'essai de deux ans. Or si la flexibilité est à la mode en Europe, les pays qui ont institué cette formule ne réalisent pas des performances exemplaires en ce qui concerne la distribution de la richesse nationale. Du reste, en Grande-Bretagne, la période d'essai n'est pas de deux ans, mais d'un an. En définitive, à son sens, le CPE renforcera la précarité que les jeunes subissent.

M. Alain Gournac, rapporteur, a demandé si les mesures du projet de loi concernant l'apprentissage sont satisfaisantes et a souhaité connaître la position de la CGT-FO sur les curriculum vitae anonymes ainsi que sur le testing.

Mme Michèle Monrique a estimé que les curriculum vitae anonymes permettent de surmonter le premier obstacle dans la course à l'emploi. Après l'entretien avec le recruteur, seul le testing permettra de démontrer une éventuelle discrimination à l'embauche. En ce qui concerne l'apprentissage, les mesures envisagées portent atteinte à l'obligation scolaire jusqu'à seize ans. En dehors de ce changement, les dispositions du projet de loi consistent, dans ce domaine, à « recycler » les classes d'initiation préprofessionnelle en alternance (Clipa). L'âge de l'obligation scolaire doit rester fixé à seize ans. En effet, un préadolescent est fragile et son insertion prématurée dans le monde du travail peut avoir un effet déstabilisateur. Par ailleurs, il est improbable que les employeurs, qui peinent à offrir des emplois à seize ans, proposent des offres dès l'âge de quatorze ans.

M. Roland Muzeau a demandé l'avis des intervenants sur le CNE, considéré par le Gouvernement comme un succès alors qu'il a suscité un simple effet d'aubaine, sur l'âge d'entrée en apprentissage, que l'on a porté jadis de quatorze ans à seize ans pour de bonnes raisons, et sur la façon dont est élaboré actuellement le projet de contrat de transition professionnelle.

M. Didier Hotte a estimé que le chiffre de 280.000 CNE signés dont le Gouvernement fait état, résulte d'une estimation effectuée par l'Institut français d'opinion (Ifop) auprès de 300 entreprises. Il est peu rassurant que le droit du travail soit remis en cause en fonction des intentions exprimées dans ce cadre par quelque 300 employeurs. En réalité, l'évolution des offres d'emploi ne montre actuellement aucun signe du frémissement annoncé. Enfin, il a indiqué que la CGT-FO n'a pas été consultée sur le contrat de transition professionnelle.

M. Guy Fischer a exprimé son scepticisme à l'égard de la multiplication des agences. Il a noté l'accélération continue des inégalités et a regretté que les moyens actuellement répartis entre 1.000 collèges soient à l'avenir concentrés sur 250 collèges dans le cadre de la réforme des Zep.

M. André Lardeux a demandé quelle est, pour les intervenants, la disposition la plus importante qui manque au projet de loi. Il a par ailleurs fait valoir l'existence d'un problème spécifique de chômage des jeunes, auquel le CPE essaie de répondre, et a souhaité savoir ce que la CGT-FO propose en faveur de l'emploi des jeunes de moins de vingt-six ans.

M. Jean-Pierre Godefroy a exprimé son opposition aux nouvelles possibilités de faire travailler les jeunes de moins de seize ans la nuit, les dimanches et les jours fériés, estimant cette mesure incompatible avec la scolarité des apprentis. Il a rappelé que l'interdiction du travail de nuit des mineurs de seize ans datait de 1874.

Mme Michèle Monrique a regretté que les jeunes soient obligés de passer par le sas de la précarité avant de trouver un emploi stable. Elle a critiqué l'élargissement, introduit dans la loi sur l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, des cas de recours autorisé au travail temporaire. Elle a estimé choquant que le même procédé conduise le Gouvernement à introduire le CPE dans le projet de loi sur l'égalité des chances, qui ne fournit pas de réponse au désespoir des jeunes.

Egalité des chances - Audition de MM. Pierre Perrin, président, et Pierre Burban, secrétaire général, de l'Union professionnelle artisanale (UPA)

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Pierre Perrin, président, et Pierre Burban, secrétaire général, de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Pierre Perrin, président de l'UPA, relevant que le projet de loi a été élaboré après les émeutes de la fin de 2005 avec la volonté d'accélérer la recherche de solutions aux causes de ces événements, a estimé nécessaire de ne pas précipiter du même mouvement l'évolution du droit du travail et de respecter la consultation et le dialogue social.

En particulier, la création d'une formule d'apprentissage à quatorze ans n'est pas opportune dans ce contexte. L'artisanat tente en effet, depuis des dizaines d'années, de revaloriser l'apprentissage, dont la promotion se trouve désormais liée aux émeutes dans les quartiers sensibles.

L'UPA approuve cependant globalement les mesures du projet de loi sur l'apprentissage, même si elles ne modifient pas profondément les dispositifs existants, qu'il s'agisse des Clipa ou des classes préparatoires à l'apprentissage (CPA), regroupant actuellement 9.100 jeunes.

Le terme « apprentissage junior » n'est pas approprié, dans la mesure où le contrat d'apprentissage est un véritable contrat de travail, alors que le cycle de découverte des métiers prévu pour les jeunes de quatorze ans ne saurait être considéré comme une réelle formation en alternance.

Abordant le sujet des zones franches urbaines (ZFU), M. Pierre Perrin a estimé les modifications apportées aux conditions d'installation des commerces trop ponctuelles et, dès lors, susceptibles d'accentuer les difficultés des petits commerces existants. Il faudrait envisager une réforme globale de l'implantation commerciale tenant compte du fait que les quartiers souffrent en partie, avec le manque d'animations, la dissolution du lien social et l'insécurité, des conséquences de la politique menée ces dernières décennies en matière d'implantation.

Enfin, il a considéré que le CNE a eu une influence incontestable sur l'embauche, car il apporte de la flexibilité à l'emploi.

A une question de M. Alain Gournac, rapporteur, sur l'existence de fortes discriminations dans l'apprentissage, M. Pierre Perrin a répondu n'être pas informé de l'établissement d'un récent rapport traitant de ce problème.

Reprenant les réserves de l'UPA sur la modification du régime des implantations commerciales, M. Jean-Pierre Godefroy s'est inquiété d'un risque de déséquilibre au détriment des commerçants locaux. Il a regretté l'extension des possibilités de travail de nuit, les dimanches et jours fériés pour les apprentis de seize ans, s'interrogeant sur sa compatibilité avec le déroulement harmonieux de la scolarité et sur les difficultés que risquent de rencontrer les employeurs pour recruter des apprentis soumis à ces horaires aussi contraignants.

M. Roland Muzeau a souhaité recueillir l'avis de l'UPA sur la capacité des artisans à accueillir et encadrer des enfants. Il a mis en doute la création de milliers d'emplois au titre du CNE, notant que l'établissement de statistiques fiables nécessite un recul encore inexistant. Au demeurant, l'augmentation éventuelle du nombre d'emplois grâce au CNE serait essentiellement le résultat d'un effet d'aubaine.

M. Guy Fischer a noté que les artisans auraient à manifester une volonté forte pour recruter les jeunes des quartiers sensibles.

M. Pierre Perrin a confirmé que le projet de loi ne fournit pas de solutions pertinentes dans le domaine des implantations commerciales dans les ZFU et a insisté sur la nécessité de créer un équilibre commercial nouveau en fonction d'une vision d'ensemble des problèmes, et non par de simples retouches.

Il a indiqué que l'UPA n'a pas demandé l'abaissement de l'âge de l'entrée en apprentissage, qui n'est pas forcément souhaitable, dans la mesure où l'étape de l'école et l'apprentissage des savoirs fondamentaux sont une nécessité essentielle dans notre société. De fait, l'artisanat ne peut pas se substituer à l'école, ni aux parents. Si certains jeunes intègrent sans problème le milieu professionnel, il n'en reste pas moins que, globalement, le schéma de l'entrée précoce dans le monde du travail n'est plus pertinent.

En ce qui concerne l'extension des possibilités de travail des jeunes le dimanche, les jours fériés et la nuit, l'UPA observe que les grandes entreprises ont les moyens d'accorder aux salariés des avantages en termes d'horaires et ne recourront donc pas à cette formule. M. Pierre Perrin a déclaré y voir le risque de creuser encore un peu plus l'écart entre ces entreprises et l'artisanat, qui ne dispose pas des mêmes marges de manoeuvre.

En revanche, l'artisanat est parfaitement qualifié pour former les jeunes. Sur les 350.000 apprentis formés à l'heure actuelle, 180.000 sont employés dans l'artisanat, qui pourrait en recruter 50.000  supplémentaires sans difficulté.

Enfin, les résultats du CNE sont incontestables car ce type de contrat apaise la crainte des petites entreprises d'embaucher sans pouvoir ensuite faire face aux variations de l'activité. Les CNE conclus vont certainement déboucher sur des CDI, dans le plus grand nombre de cas.

M. Bernard Seillier a affirmé l'importance qu'il attache depuis longtemps à la revalorisation de l'image de l'artisanat, qu'il faut considérer non seulement comme une formation d'excellence mais aussi comme une méthode exemplaire d'accompagnement de la formation.

Egalité des chances - Audition de M. Alain Lecanu, secrétaire national de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Alain Lecanu, secrétaire national de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC).

M. Alain Lecanu, secrétaire national de la CFE-CGC, a d'abord regretté que le projet de loi comprenne deux sujets aussi différents que l'apprentissage et l'emploi, d'une part, l'égalité des chances, d'autre part. Sur l'apprentissage junior, il a estimé l'appellation mauvaise puisque on s'était efforcé, au cours des dernières années, de revaloriser la notion d'apprentissage et qu'avec cette mesure, on risque de revenir en arrière et de créer une filière pour les exclus du système scolaire. Cette nouvelle formule ne doit pas être une voie de garage pour les jeunes ; il faut au contraire prévoir un accompagnement renforcé de la famille, de l'école et de l'entreprise. Il a estimé nécessaire de définir plusieurs garanties pour l'apprentissage junior : un accord préalable de la médecine scolaire ou du travail, la mise en place d'un numéro vert pour répondre aux questions des jeunes et la présence de ces jeunes dans les instances représentatives des personnels.

M. Alain Lecanu a regretté l'augmentation de la taxe d'apprentissage et l'amalgame entre les deux contrats différents que sont le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation.

S'agissant des stagiaires, il a considéré insuffisant d'aborder la question uniquement sous l'angle des rémunérations. Une négociation interprofessionnelle préalable aurait été souhaitable, notamment pour décider que l'orientation des stagiaires ne passe plus exclusivement par les directions des ressources humaines.

Sur les dispositions du texte relatif à l'égalité des chances, M. Alain Lecanu a estimé indispensable de bien clarifier le champ d'action de la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Il s'est déclaré surpris de la distinction entre discrimination directe et indirecte et a fait valoir que le délai de prescription de trois ans est trop court en matière de discrimination. Sur la pratique du testing, il a insisté sur la complexité de sa mise en oeuvre et regretté que seul le volet pénal soit prévu dans le texte, car son introduction dans le code du travail pourrait être une bonne chose. Il a constaté que les pouvoirs conférés au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) en matière de lutte contre les discriminations se rapprochent un peu de ceux de la Halde, mais que cela reste encore insuffisant. Il s'est déclaré opposé aux dispositions relatives au contrat de responsabilité parentale, en raison des difficultés à exercer l'autorité parentale dans un contexte de précarité, de temps partiel, d'horaires décalés et de déséquilibre des familles.

Enfin, sur le contrat première embauche (CPE), M. Alain Lecanu a déclaré que son organisation n'est pas hostile à ce nouveau contrat, mais qu'elle en propose plusieurs modifications : une application aux seules entreprises de moins de 500 salariés, une limitation à 10 % des effectifs, la motivation écrite de la rupture du contrat, l'instauration d'une progressivité des indemnités de rupture, l'impossibilité d'enchaîner des CPE et l'installation d'un fonds de garantie pour faciliter l'accès des jeunes au logement.

M. Roland Muzeau s'est demandé si la multiplication des contrats à statut particulier annonce une déréglementation du code du travail. Il a ajouté que si le Gouvernement donne des chiffres importants de création d'emplois au titre du CNE, ils résultent avant tout d'un effet d'aubaine et que les véritables créations d'emplois sont sans doute faibles.

M. Bernard Seillier a indiqué que le Conseil national de lutte contre l'exclusion a insisté sur la nécessité d'un accompagnement des familles et que la disposition prévue d'aide aux familles dans le contrat de responsabilité parentale est sans doute insuffisante.

M. Alain Gournac, rapporteur, a souhaité connaître l'avis de la CGC sur le curriculum vitae (CV) anonyme.

M. Alain Lecanu a insisté sur la nécessité de tout faire pour que l'économie se développe. Il a reconnu que les nouvelles formules de contrat de travail comportent des effets d'aubaine et créent peu d'emplois. Il s'est déclaré inquiet du risque de démantèlement du droit du travail. Si l'on s'oriente vers un contrat de travail unique, une concertation préalable est indispensable. Il a ajouté la crainte que le CPE ne nuise au développement du contrat de professionnalisation. Il a également jugé indispensable un accompagnement des familles en situation précaire ou difficile. Sur le CV anonyme, il a rappelé que son objectif est de permettre l'accès au premier entretien et a considéré que c'est une formule à expérimenter.

Egalité des chances - Audition de Mme Francine Blanche, secrétaire confédérale, M. Mohammed Oussedikh, membre de la commission exécutive et Mme Françoise Riou, conseillère confédérale, de la Confédération générale du travail (CGT)

Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Francine Blanche, secrétaire confédérale, M. Mohammed Oussedikh, membre de la commission exécutive et Mme Françoise Riou, conseillère confédérale de la Confédération générale du travail (CGT).

Mme Francine Blanche, secrétaire confédérale de la CGT, a d'abord jugé le projet de loi très insuffisant pour assurer une réelle égalité des chances. Elle a également regretté l'absence de concertation sur ce texte examiné en urgence.

Sur l'apprentissage junior, elle s'est déclarée totalement opposée à la remise en cause de l'âge de la fin de la scolarité obligatoire, un contrat de travail ne devant pas être signé avant l'âge de seize ans. Elle s'est élevée contre les pratiques abusives de l'apprentissage permettant le travail de nuit, le dimanche et les jours fériés, ce qui est inacceptable pour des jeunes de moins de seize ans. Elle a en outre souligné les difficultés actuellement rencontrées pour trouver des stages en entreprise dans le cadre de l'apprentissage. Elle a estimé que l'apprentissage junior revient à renoncer au collègue unique, alors que la CGT y est favorable, car la poursuite du parcours scolaire le plus loin possible est une meilleure garantie pour l'accès au marché du travail. Elle a enfin constaté que ce projet a été rejeté par le Conseil supérieur de l'éducation, qui l'a qualifié de « recul historique ».

Sur les zones franches urbaines (ZFU), elle s'est déclarée opposée aux exonérations de charges, qui n'apportent aucune solution à la pauvreté ni à l'emploi. Elle a estimé qu'on répond à l'exclusion par une nouvelle exclusion. La solution est au contraire de responsabiliser les acteurs, notamment les pouvoirs publics, par un redéploiement des services publics dans ces zones et par la mise en place d'une politique de revitalisation du territoire qui serait à la fois communautaire et solidaire.

Mme Francine Blanche a fait part de son étonnement sur l'intégration du Fasild à la nouvelle Agence de la cohésion sociale et sur la remise en cause de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI). Elle a rappelé que le Fasild avait des missions importantes en matière d'intégration et de lutte contre les discriminations et elle a regretté l'ampleur des incertitudes qui pèsent sur l'organisation administrative et financière et le statut des personnels de la nouvelle agence. Elle a insisté sur la priorité de la promotion de l'accès pour tous aux droits fondamentaux que sont notamment l'emploi et le logement. Le chantier des discriminations dans l'entreprise est important et la mesure proposée de légalisation du testing paraît un peu anecdotique dans ce contexte, de même que la mise en place du CV anonyme.

Elle s'est élevée contre la mesure permettant d'envisager une suspension des allocations familiales en cas d'autorité parentale défaillante. Elle a rappelé que les prestations familiales sont un droit attaché à l'enfant et que l'on ne peut régler le problème de cette façon. En effet, de nombreuses familles sont confrontées à des difficultés complexes de travail et de transports auxquelles il ne serait pas raisonnable d'ajouter des difficultés financières. Il paraîtrait plus judicieux d'accélérer les négociations sur le temps partiel et la pénibilité du travail. Elle a souligné que ce débat a déjà eu lieu en 2002 et qu'une unanimité contre la suppression des allocations familiales était alors apparue. Pour régler les problèmes de l'absentéisme scolaire et des incivilités à l'école, une réelle politique de prévention serait plus utile.

M. Michel Esneu a regretté le rejet en bloc de l'apprentissage à quatorze ans, considérant qu'il ne faut pas raisonner uniquement en termes de grandes entreprises, car les jeunes qui s'intègrent dans les petites entreprises trouvent souvent une bonne solution aux difficultés qu'ils rencontrent dans le cadre scolaire. Il a insisté sur le rôle utile de l'alternance.

M. Jean-Pierre Godefroy a estimé que l'apprentissage à quatorze ans ne peut être une réponse aux nécessités d'avenir. Il s'est interrogé sur l'incompatibilité du travail de nuit, le dimanche et les jours fériés avec le suivi d'une scolarité et avec le principe de l'égalité des chances. Cette nouvelle formule risque de créer des discriminations scolaires et professionnelles. Il s'est demandé si la rémunération de l'apprentissage ne constitue pas une désincitation à la scolarisation. Il a souligné que l'adaptation à différents métiers et à la technologie nécessite une formation de base solide et qu'un apprentissage trop précoce risque d'enfermer les jeunes dans certains métiers aux perspectives incertaines. Il a souhaité connaître l'avis de la CGT sur la réalité des discriminations ethniques dans l'apprentissage et sa position sur le service civil volontaire.

M. Roland Muzeau a insisté sur l'ampleur des discriminations à l'accès à l'emploi. Il a pris l'exemple de sa commune, où la moitié de la population relève des « minorités visibles » et où l'on constate des obstacles importants à l'embauche y compris pour les personnes qualifiées, voire très qualifiées. Il a souhaité savoir si le projet de loi apporte une réponse à ce problème des discriminations et quelles auraient été les propositions de la CGT si la consultation syndicale avait eu lieu.

M. André Lardeux a émis des réserves sur le collègue unique. Il s'est demandé si le fonctionnement actuel de la carte scolaire ne conduit pas à l'organisation de véritables ghettos scolaires.

M. Bernard Seillier a estimé que l'idée de coordonner les actions en matière d'égalité des chances au sein d'une agence unique est une bonne idée, mais il a reconnu que les responsables et le personnel de la délégation interministérielle à la ville (Div), du Fasild et de l'ANLCI avaient été surpris par l'annonce du Gouvernement.

Mme Francine Blanche a rappelé les nombreux efforts entrepris au cours des dernières années pour décloisonner et revaloriser l'apprentissage, y compris au niveau ingénieur, et que cela allait dans le bon sens. Avec l'apprentissage junior, on recloisonne ce mode de formation et on semble le cibler sur les jeunes des quartiers difficiles. Elle a reconnu que dans les petites entreprises, le tutorat est mieux exercé que dans les grandes entreprises. Elle a ajouté que l'augmentation de la taxe pour les grandes entreprises ne sert à rien, car celles-ci peuvent payer même sans recruter davantage d'apprentis.

Elle est convenue des difficultés actuelles de la carte scolaire, mais elle a insisté sur le fait que les problèmes dans les quartiers sont en grande partie dus aux questions de mixité dans le logement. Dans le domaine de la lutte contre les discriminations, beaucoup de travail reste à faire, en particulier au stade de l'embauche. Une négociation a commencé avec le Medef sur ces questions.

Mme Françoise Riou est intervenue en sa qualité d'administratrice du Fasild. Elle a souligné les inquiétudes soulevées par l'annonce de la mise en place de la nouvelle Agence de la cohésion sociale et les incertitudes qui pèsent sur le traitement des problèmes d'intégration des étrangers et de l'illettrisme.

Egalité des chances - Audition de MM. Dominique Tellier, directeur des relations du travail et des politiques de l'emploi et Bernard Falck, directeur de la formation du Mouvement des entreprises de France (Medef)

La commission a procédé à l'audition de MM. Dominique Tellier, directeur des relations du travail et des politiques de l'emploi et Bernard Falck, directeur de la formation du Mouvement des entreprises de France (Medef).

M. Dominique Tellier, directeur des relations du travail et des politiques de l'emploi du Medef, a rappelé que les articles 1 à 3 du projet de loi rénovent le préapprentissage et la formation professionnelle des jeunes. La réussite de ce dispositif dépend largement de l'acquisition, par les jeunes en apprentissage, du socle des connaissances fondamentales, ainsi que de la bonne articulation entre l'équipe pédagogique chargée d'accompagner l'apprenti et les personnes accueillant celui-ci dans l'entreprise.

Parmi les dispositions du projet de loi, celle qui permet aux jeunes de réintégrer à tout moment un établissement scolaire risque de poser un problème aux entreprises. De même, l'octroi d'une gratification au jeune pendant la phase du parcours d'initiation aux métiers ne favorisera pas le succès du dispositif. Enfin, le crédit d'impôt prévu à l'article 3 sera difficilement mobilisé par les petites entreprises.

Par ailleurs, l'idée d'imposer aux entreprises un quota de jeunes en professionnalisation est peu réalisable, l'embauche dépendant essentiellement de l'activité économique et l'apprentissage représentant un effort supplémentaire pour l'entreprise. Dans ces conditions, la création éventuelle d'un quota ne favorisera peut-être pas l'augmentation significative du nombre des jeunes en professionnalisation. Au demeurant, le succès de l'apprentissage dépendra largement des initiatives des conseils régionaux en matière d'ouverture de centres de formation des apprentis, ainsi que de l'intérêt des jeunes eux-mêmes pour cette formation.

En ce qui concerne le stage en entreprise, le Medef est favorable à l'insertion des stages dans un processus éducatif débouchant sur la délivrance d'un diplôme. Dans cette optique, il faut conventionner les stages, désigner des tuteurs et des maîtres de stage. Le Medef est favorable à une charte des stages précisant les engagements de chacun.

M. Bernard Falck, directeur de la formation du Medef, a indiqué que le Medef est engagé avec les syndicats dans une négociation sur la diversité dans l'embauche. Par ailleurs, il mène avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) une opération de recrutement dans les quartiers sensibles.

M. Alain Gournac, rapporteur, s'est enquis des initiatives prises en faveur de la suppression rapide des discriminations. Il a souhaité connaître la position du Medef sur le curriculum vitae anonyme et sur le testing, et a demandé ce qui peut être envisagé pour améliorer le CPE.

M. Bernard Falck a confirmé qu'une réflexion est en cours sur la question de la discrimination et qu'une négociation est ouverte. Le moment est favorable à un engagement des entreprises dans ce domaine, car les besoins de main-d'oeuvre vont augmenter. Par ailleurs, la diversité est favorable à l'innovation, c'est-à-dire à la rentabilité. En outre, il importe de concilier avec l'impératif économique l'exigence éthique que représente la lutte contre les discriminations. Il convient, au demeurant, de faire évoluer les mentalités à la fois des employeurs et des employés.

Une charte de la diversité a été élaborée, elle convient mieux aux grandes entreprises qu'aux PME. Il serait nécessaire de disposer d'une panoplie d'outils adaptés à la diversité des entreprises.

Le curriculum vitae anonyme est une solution appropriée pour les entreprises qui souhaitent l'utiliser. Il en est de même du testing. A cet égard, le Medef élabore actuellement des outils permettant aux entreprises de recourir à cette formule.

Le Medef n'est pas opposé au CPE, qui a cependant l'inconvénient d'établir une distinction entre les jeunes et les autres. Il aurait préféré une extension du CNE.

M. Guy Fischer, évoquant l'engagement du Medef en faveur de la diversité, a noté l'aggravation de la ségrégation et des inégalités, spécialement dans les quartiers sensibles. Il a remarqué que les jeunes d'origine maghrebine ou extra-européenne ont le sentiment que les qualifications n'ouvrent pas, à elles seules, l'accès à l'emploi. Il a demandé comment le Medef envisage de faire en sorte que les jeunes en CDD qui servent actuellement d'appoint aux entreprises accèdent à l'emploi et poursuivent un parcours normal.

M. Roland Muzeau a estimé que le Medef ne représente pas les entreprises les plus utilisatrices de l'apprentissage, les grandes entreprises y recourant essentiellement pour les formations supérieures. Il a souhaité savoir comment le Medef entend corriger cette tendance. Il a estimé que la lutte contre les discriminations n'est pas une question d'éthique, mais relève du simple respect de la loi. Il a enfin noté que le Medef n'a pas rejeté le CPE.

M. Alain Vasselle a demandé pour quelles raisons les petites entreprises ont difficilement accès au crédit d'impôt. Il s'est aussi interrogé sur le procédé consistant à créer dans les ZFU de nouvelles exonérations de cotisations sociales sans prévoir leur compensation.

M. Michel Esneu a relevé que l'apprentissage intéresse différents types de talents et peut permettre à de nombreux jeunes de s'épanouir.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe a estimé possible de présenter le CPE comme un CDD de deux ans. Or, à l'expérience, il n'est pas nécessaire d'attendre deux ans pour juger de la qualité d'une personne. Il s'est par ailleurs interrogé sur la nécessité de créer de nouvelles formes de contrats de travail, alors que des solutions très diverses existent d'ores et déjà dans le code du travail.

M. Dominique Leclerc a rappelé que des filières très efficaces, telles que les instituts universitaires professionnalisés, actuellement en déshérence et qu'il faudrait conforter, offrent une perspective d'embauche assurée.

M. Dominique Tellier a affirmé que l'apprentissage, en progression constante depuis deux ans, n'est pas réservé à une catégorie particulière de personnes et qu'il convient de continuer à valoriser cette filière de formation.

Le Medef, qui ne représente pas seulement les grandes entreprises, est fortement engagé en faveur de l'apprentissage et l'ensemble de ses fédérations se mobilisent pour le premier niveau de formation. Par ailleurs, l'extrême complexité des circulaires d'application du ministère des finances explique la difficulté pour les petites entreprises de recueillir le crédit d'impôt. Enfin, l'enseignement professionnel, les lycées professionnels, tout comme les instituts universitaires professionnalisés, concourent à l'effort éducatif de la nation.

M. Bernard Falck a précisé que le Medef s'engage en faveur des jeunes des quartiers sensibles disposant de diplômes et de compétences, dans le cadre de l'opération « Nos quartiers ont des talents ». Il s'agit de mettre en contact les jeunes avec des entreprises. Les expériences menées depuis quelques mois vont être généralisées.

Le respect de la loi allant de soi, il est tout aussi normal de se soucier de l'ensemble des questions éthiques liées au respect de la personne. Le respect de la loi sera, au demeurant, rappelé dans l'accord actuellement en négociation avec les syndicats sur la diversité.

Le Medef a plaidé pour la généralisation du CNE mais pas pour le contrat unique, dont il n'a pas suggéré l'idée.

Les exonérations créées par l'article 11 du projet de loi intéressent le régime des artisans. Cependant, le Medef est favorable à tout ce qui peut contribuer aux progrès dans l'emploi dans les zones sensibles. Il n'en est pas moins sensible aux équilibres de la sécurité sociale et rappelle que la loi avait, en 1994, prévu la compensation des exonérations.

Enfin, le CPE et le CNE ne sont pas des CDD de deux ans : ils comprennent une période de consolidation de l'emploi qui ne peut pas être assimilée à une période d'essai, dans la mesure où elle crée des droits s'amplifiant dans la durée. Le CPE a l'avantage de diminuer la peur de l'embauche, très prégnante dans les petites entreprises.

Egalité des chances - Audition de Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe, et M. Olivier Gourlé, secrétaire confédéral, de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC)

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe et M. Olivier Gourlé, secrétaire confédéral de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

Au sujet du contrat première embauche (CPE), Mme Gabrielle Simon, secrétaire générale adjointe de la CFTC, s'est inquiétée qu'un employeur puisse se séparer d'un salarié sans avoir à motiver sa décision, ce qui créerait un déséquilibre du contrat de travail à son profit. Cependant, elle a admis que les entreprises ont besoin de plus de souplesse, ce qui n'exclut pas une sécurisation des parcours professionnels, corollaire indispensable d'une plus grande flexibilité du droit du travail. On pourrait, en outre, en attendre un nombre plus limité de recours en justice et une meilleure acceptation des réformes par les salariés. Elle a proposé que les salariés en CNE et en CPE puissent, en cas de rupture du contrat, bénéficier d'une convention personnalisée de reclassement en conservant 80 % de leur rémunération, ainsi que d'un accompagnement personnalisé par les services de l'emploi.

Concernant l'apprentissage, elle a regretté le manque de concertation en amont de la rédaction du texte, alors que le dialogue social aurait permis d'aboutir, dans un esprit constructif, à une réforme mieux acceptée. Alors que l'apprentissage semble être mieux perçu dans la société, elle s'est inquiétée du fait que le projet de loi ne détériore son image. Puis elle a rappelé la nécessité de former les tuteurs, afin qu'ils soient dotés d'un véritable statut dans l'entreprise.

Afin de répondre, de façon adaptée, à tous les profils individuels, elle a proposé d'offrir la possibilité aux jeunes apprentis de renouveler la période initiale d'orientation d'un an, qui paraît insuffisante en cas de grandes difficultés scolaires. Elle s'est également déclarée favorable au maintien de l'apprentissage dans le système scolaire, pour permettre une réintégration de l'élève dans le cursus classique à tout moment. Enfin, il apparaît essentiel que les jeunes apprentis soient encadrés par une équipe pédagogique composée à la fois d'enseignants et de professionnels, en liaison constante avec la famille.

M. Olivier Gourlé, secrétaire confédéral de la CFTC, a indiqué qu'il existe déjà un statut et une formation pour les tuteurs en entreprise, mais qu'ils pourront être améliorés. Il a fait valoir l'intérêt d'un stage professionnel, qui peut être l'occasion pour les jeunes de redécouvrir les savoirs fondamentaux dans un cadre concret et leur redonner ainsi le goût d'apprendre. Il a souligné l'importance du rôle de la famille, surtout en cas d'échec, et le fait qu'elle doit rester en relation constante avec l'équipe pédagogique.

Abordant la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, Mme Gabrielle Simon a regretté qu'on change un système qui commence à porter ses fruits. En effet, l'actuel fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre la discrimination (Fasild) a pour avantage d'être bien inséré dans le tissu associatif, grâce à ses déclinaisons locales, les commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (Crild). Elle a déploré une nouvelle fois l'absence de concertation, alors que les représentants syndicaux auraient pu contribuer positivement à la réflexion, grâce à leur bonne connaissance de l'entreprise et du monde associatif.

M. Alain Gournac, rapporteur, a demandé quelles seraient les adaptations nécessaires pour améliorer le CPE.

Mme Gabrielle Simon a confirmé la nécessité d'un avis motivé de l'employeur en cas de rupture du contrat ainsi que de la sécurisation des parcours, sauf en cas de faute grave, qui doit se traduire par un accompagnement personnalisé avec des propositions alternatives, telles que le contrat de professionnalisation, une formation adaptée ou une validation des acquis de l'expérience (VAE) en lien avec le bassin d'emploi.

M. Guy Fischer a exprimé sa crainte que la remise en cause des structures, notamment le Fasild, ne conduise les politiques de la ville à l'échec. Il s'est montré peu convaincu par le rôle de substitution que pourraient jouer les préfets nouvellement nommés, délégués pour l'égalité des chances.

M. Jean-Pierre Godefroy s'est inquiété de l'absence d'avis motivé en cas de rupture du CPE, estimant au contraire que les jeunes recherchent des explications en cas d'échec. Cette situation entraînera une judiciarisation croissante des rapports entre employeurs et salariés. Il a ensuite rappelé sa ferme opposition au travail des apprentis mineurs la nuit, le dimanche et les jours fériés. Les dérogations accordées à plusieurs professions risquent de créer des discriminations entre les différents métiers de l'apprentissage et de démotiver les jeunes apprentis qui auront des difficultés à concilier formation scolaire et vie professionnelle. Il a également émis des réserves sur le versement d'une gratification hebdomadaire de 50 euros qui pourrait se traduire par une déscolarisation précoce pour motif économique. Il s'est montré hostile à une rémunération de la formation, lui préférant le maintien d'une scolarité jusqu'à seize ans. A l'inverse, certains pays comme l'Allemagne et le Japon ont prolongé l'enseignement général jusqu'à dix-huit ans.

Mme Gabrielle Simon a estimé qu'il doit être possible de trouver un équilibre pour que le jeune apprenti soit confronté aux réalités de son métier, sans que cela soit préjudiciable à sa motivation pour l'acquisition des savoirs fondamentaux. Elle a en outre confirmé l'existence de discriminations ethniques lors du recrutement des stagiaires apprentis dans certains secteurs, attestées par des études ou enquêtes statistiques sérieuses. Enfin, elle a rappelé les avantages d'une diversification des cursus scolaires ouverts aux jeunes, l'apprentissage ayant la particularité d'allier le développement des aptitudes intellectuelles et l'acquisition de compétences pratiques.

M. Alain Gournac, rapporteur, a précisé en effet que certains parcours d'apprentissage peuvent être très valorisants pour certains jeunes qui parviennent, dans ce cadre, à sortir d'une situation d'échec scolaire, et parfois de la délinquance.

Au sujet de l'indemnisation des stagiaires apprentis, M. Olivier Gourlé a estimé qu'il faut apprécier la situation au cas par cas sans minorer les besoins économiques de certains élèves dont les parents ont des ressources modiques. De plus, la reconnaissance financière peut apporter une contrepartie d'autant plus appréciable que les conditions de travail du stagiaire sont difficiles.

Egalité des chances - Audition de Mme Odile Beillouin, secrétaire nationale, et M. Jacques Rastoul, secrétaire confédéral de la Confédération française démocratique du travail (CFDT)

Puis la commission a procédé à l'audition de Mme Odile Beillouin, secrétaire nationale, et de M. Jacques Rastoul, secrétaire confédéral, représentants de la CFDT.

Mme Odile Beillouin, secrétaire nationale de la CFDT, a indiqué, en préambule, que le projet de loi traite de sujets essentiels, tels que la lutte contre les discriminations et l'accès à l'emploi des jeunes. Certaines mesures étaient attendues ; en revanche, la suppression de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme n'avait jamais été évoquée auparavant. Pourtant, l'objectif d'égalité des chances exige une politique suivie et cohérente, fondée sur la concertation. Elle a reconnu que l'existence du problème spécifique de l'emploi des jeunes, notamment dans les zones urbaines sensibles (Zus), est un constat partagé par tous depuis longtemps, bien avant les événements de novembre 2005.

Puis elle a regretté que l'alternance soit davantage présentée comme une option de sortie pour les jeunes en difficulté, plutôt que comme un véritable parcours scolaire qualifiant. Sans modification, le texte proposé risque, à terme, de dévaloriser l'apprentissage. A cet égard, le maintien de l'enseignement d'un socle commun de connaissances est essentiel pour permettre une réelle mobilité dans les choix d'orientation.

Elle a ensuite rappelé que la loi de cohésion sociale a étendu l'ouverture du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (Seje) de vingt-deux à vingt-cinq ans. Elle a en revanche émis des réserves sur une ouverture plus large de ce dispositif, notamment aux jeunes diplômés originaires des Zus. Elle a également regretté que le CPE n'ait pas fait l'objet d'une concertation préalable en prenant en compte toutes les dimensions du problème de l'insertion des jeunes sur le marché du travail : la formation initiale, le logement notamment.

Concernant les ZFU, elle a souhaité qu'une véritable évaluation de l'incidence financière des dispositifs d'exonération et de leur efficacité sur l'emploi soit établie. Elle a estimé nécessaire d'appréhender la revitalisation économique des ZFU de façon plus globale, en intégrant les problématiques de logement, d'implantations commerciales et la présence des services publics, qui sont des vecteurs essentiels du développement économique des entreprises.

En ce qui concerne la création d'une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, Mme Odile Beillouin a insisté sur l'importance d'une réelle articulation et d'une cohérence avec les autres structures, afin d'accroître l'efficacité des politiques menées dans les territoires. A cet égard, une déclinaison territoriale serait souhaitable, ce que ne précise pas le texte dans sa version actuelle.

Elle s'est également montrée réservée sur l'élargissement des pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde), préférant les actions de promotion pour l'égalité plutôt que la mise en oeuvre de sanctions systématiques. De la même façon, elle a estimé que la suspension des allocations familiales ne doit intervenir qu'en dernier recours et que l'accompagnement des familles doit être privilégié, notamment lorsque leur situation sociale le justifie.

Elle a considéré enfin que le service civil volontaire ne répond pas véritablement à l'objectif de mixité sociale et d'apprentissage de la citoyenneté. Il convient en effet de bien distinguer les mesures prises en faveur de l'insertion de celles qui concernent un projet d'éducation civique.

M. Alain Gournac, rapporteur, a exprimé son inquiétude sur le nombre croissant de discriminations, notamment lors du recrutement des stagiaires en apprentissage. Il a voulu connaître l'opinion de la CFDT sur le curriculum vitae anonyme et les pratiques de testing. Il a enfin demandé quelles solutions pouvaient être envisagées pour intégrer les jeunes en grande difficulté scolaire dans le système éducatif afin de les préparer au mieux au monde du travail.

Mme Odile Beillouin a confirmé l'existence d'enquêtes mettant en évidence des pratiques discriminatoires dans le recrutement des stagiaires apprentis. Une négociation est en cours pour définir une politique volontariste et ambitieuse dont l'objectif est de permettre la reconnaissance des qualités objectives des candidats, indépendamment de leur patronyme, de leur lieu de résidence et de leur origine ethnique. La réalisation de cet objectif nécessite l'implication pleine et entière de tous les acteurs, le rôle de la Halde étant essentiel.

Le curriculum vitae anonyme ne constitue pas une réponse unique pour lutter contre les discriminations dans les entreprises. Il faut rechercher des solutions alternatives qui permettent de repérer les compétences des candidats de façon objective. Au-delà, il s'agit de changer les représentations et les procédures de recrutement pour promouvoir la diversité.

Pour surmonter les difficultés scolaires, un suivi individualisé devrait être développé pour favoriser l'apprentissage des repères et permettre une réorientation. Concernant l'apprentissage, il s'agit de fixer des objectifs qualitatifs et quantitatifs tenant compte de la diversité des différents métiers.

M. Michel Esneu s'est dit frappé par l'unanimité qui se dégage contre une orientation trop précoce dans l'apprentissage et la préférence pour un allongement de la période d'enseignement général. Il s'est interrogé sur la réelle possibilité de réformer le système scolaire et s'est dit plutôt favorable au développement expérimental de l'apprentissage dès l'âge de quatorze ans.

M. Bernard Seillier a rappelé que la Halde était à l'origine une structure spécifique, dédiée à la lutte contre l'homophobie. De ce fait, l'élargissement de ses missions, notamment dans le domaine très sensible des sanctions, sa composition et sa capacité à agir de manière efficace, demeurent controversées et nécessiteraient au préalable une première évaluation.

Il s'est également montré surpris de la disposition visant à supprimer l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme et s'est interrogé sur les modalités de son intégration dans la nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.

Mme Odile Beillouin a confirmé sa réticence à une orientation trop précoce dans la voie de l'apprentissage si cela entraîne l'interruption de l'acquisition des savoirs fondamentaux. Faisant référence au rapport sur l'éducation de Claude Thélot, elle s'est montrée favorable au maintien d'un socle commun prédominant tout le long de la scolarité, qu'elle soit traditionnelle ou qu'elle se combine avec l'apprentissage d'un métier.

M. Jacques Rastoul, secrétaire confédéral de la CFDT, est convenu que le contexte caractérisé par un taux de chômage des jeunes élevé justifie la poursuite de la scolarité traditionnelle jusqu'à seize ans, voire dix-huit ans comme tel est le cas dans d'autres pays.

Mme Odile Beillouin a souligné le danger que peut représenter l'édiction d'une sanction en matière de discrimination, alors que l'on se trouve face à une logique de système, où les responsabilités sont difficiles à identifier. Il s'agit de réformer les représentations sociales grâce à une véritable réflexion et une pédagogie adaptée à destination des entreprises. Elle a enfin émis le voeu que s'articulent, au sein de l'agence, toutes les questions relatives au logement, à l'exclusion et à l'illettrisme sans pour autant que l'efficacité du système justifie une fusion des organismes. Pour garantir la cohérence des politiques menées, la nouvelle agence devrait jouer surtout un rôle de coordination, ces questions concernant tous les acteurs, que ce soit les entreprises, les partenaires sociaux ou l'Etat.

M. Alain Gournac, rapporteur, a confirmé que l'implication de tous les acteurs est nécessaire et cruciale, soulignant le rôle essentiel des hommes politiques.

M. Roland Muzeau a estimé que les sanctions, à condition qu'elles soient lisibles, peuvent être appliquées de façon pertinente en cas de discrimination objective dans le recrutement afin d'obtenir rapidement des résultats.

Mme Odile Beillouin est convenue que les sanctions sont nécessaires lorsque le délit est sans ambiguïté - en cas de discrimination raciale notamment - lorsque des « phénomènes excluants rejoignent des philosophies excluantes ». Cependant, elle a souhaité mettre en garde contre une « logique du victime-coupable » qui découle de la sanction et qui peut provoquer davantage de rejets. L'évolution des mentalités suppose qu'une grande place soit laissée au dialogue, la libération de la parole et la terminologie utilisée forgeant à terme les représentations.

Egalité des chances - Audition de M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME)

La commission a procédé à l'audition de M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME).

M. Georges Tissié, directeur des affaires sociales de la CGPME, s'est dit favorable au dispositif du Gouvernement relatif à l'apprentissage junior, malgré sa préférence pour un système simplifié, avec une première phase d'orientation d'une durée variable de deux à douze mois selon les secteurs professionnels. En revanche, il s'est montré réservé sur la clause qui permet au stagiaire de résilier son contrat d'apprentissage de façon unilatérale, pour reprendre sa scolarité dans un collège, ce qui pourrait créer des distorsions entre les différents dispositifs qui s'offrent aux jeunes.

De la même façon, il a déploré l'accès privilégié au dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (Seje) pour les jeunes originaires des Zus, grâce à l'augmentation des incitations financières versées aux entreprises, dont on peut craindre qu'elle ne crée des effets d'aubaine et des discriminations trop importantes.

Il s'est montré hostile aux dispositions de l'article 12, qui assouplit les procédures d'installation des surfaces commerciales de plus de 300 m2, et qui pourraient se traduire à terme par une disparition des commerces de proximité.

Concernant l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, M. Georges Tissié a estimé que la publication des textes réglementaires permettra de porter un jugement plus précis sur ses missions et son organisation. En outre, il s'est dit opposé à plusieurs dispositions concernant le renforcement des pouvoirs de la Halde, considérant notamment que les sanctions pécuniaires appliquées aux entreprises (25.000 euros) sont beaucoup trop élevées et pourraient entraîner des cessations d'activité pour les plus petites entreprises. Il n'est également pas favorable à l'anonymisation des curriculum vitae, estimant que la procédure n'est pas applicable dans les petites et moyennes entreprises (PME). Il a émis des réserves sur la pratique du testing, souhaitant que les vérifications à l'improviste concernent plus spécifiquement certaines entreprises, telles que les boîtes de nuit. Une généralisation de ces contrôles pourrait avoir un effet dissuasif sur l'embauche, notamment par les petites entreprises.

En revanche, il a considéré que la suppression des prestations familiales serait préférable à leur suspension et il s'est dit favorable à un service civil obligatoire plutôt que volontaire.

M. Alain Gournac, rapporteur, a approuvé l'idée d'un service civil obligatoire dans son principe, mais a rappelé que le ministère de la défense ne dispose pas de moyens suffisants pour en assumer l'encadrement.

M. Georges Tissié a rappelé que le CPE s'inscrit dans un large ensemble d'outils d'insertion professionnelle des jeunes de moins de vingt-six ans : le Seje, le contrat de professionnalisation, le contrat d'apprentissage et le CNE pour les entreprises de moins de vingt et un salariés. Favorable au CPE dans son principe, il a souhaité que la cohérence soit assurée entre tous ces dispositifs. A cette fin, il a suggéré quelques améliorations du texte :

- comme tel est le cas pour le CPE et le CNE, appliquer une exonération totale de charges patronales pendant trois ans au contrat de professionnalisation à durée indéterminée ;

- harmoniser le délai d'ouverture du droit individuel à la formation pour le CNE et pour le CPE en le fixant à quatre mois d'ancienneté ;

- verser une prime aux employeurs ayant recours au contrat de professionnalisation pour compenser le temps passé en formation par le jeune, cette formation n'étant pas obligatoire dans le cadre du CNE et du CPE.

Par ailleurs, il a indiqué que, malgré la lenteur de son démarrage, le contrat de professionnalisation a connu une poussée considérable au deuxième semestre 2005, avec 94.651 contrats signés, dont 82.000 par des jeunes de moins de vingt-six ans.

Pour conclure, M. Georges Tissié a appelé de ses voeux une amélioration de la cohérence des dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes, ainsi que leur clarification afin que le système soit plus simple et plus lisible, notamment pour les petites entreprises.

A M. Alain Gournac, rapporteur, qui lui demandait s'il avait pris connaissance du rapport de Mme Noria Barsali sur les discriminations dans l'apprentissage, M. Georges Tissié a répondu qu'il attend avec intérêt les résultats de cette enquête, qui n'a pas encore été publiée.

M. Bernard Seillier s'est montré favorable à une simplification des dispositifs d'insertion des jeunes sur le marché de l'emploi, estimant par ailleurs que le CPE constitue une réelle innovation dans le droit du travail.

Approuvant globalement ce nouveau contrat à destination des jeunes, M. Georges Tissié a souhaité que des aménagements lui soient apportés dans un souci de cohérence du dispositif d'ensemble.

Organismes extraparlementaires - Office national des anciens combattants et victimes de guerre - Conseil national du bruit - Désignation de candidats

Puis la commission a procédé à la nomination de :

M. Jacques Baudot pour siéger au sein du conseil d'administration de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre ;

- M. Alain Milon pour siéger au sein du Conseil national du bruit.