Mardi 21 mars 2006

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Achats publics - Réforme des achats - Audition de M. Philippe Delleur, directeur de l'agence centrale des achats au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de MM. Eric Lucas, secrétaire général adjoint pour l'administration du ministère de la défense, et Bernard Foissier, directeur général de l'économat des armées

La commission a procédé à l'audition de M. Philippe Delleur, directeur de l'agence centrale des achats au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, de MM. Eric Lucas, secrétaire général adjoint pour l'administration du ministère de la défense, et Bernard Foissier, directeur général de l'économat des armées, sur la réforme des achats.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que la présente réunion débutait un cycle d'auditions visant, d'une part, à suivre les résultats des audits de modernisation mis en place par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, et, d'autre part, à dresser un bilan des premières étapes de la réforme de l'Etat. Il a indiqué que la commission souhaitait se concentrer sur les aspects les plus concrets de la modernisation en cours, et qu'elle s'était, en conséquence, intéressée à la modernisation des achats de l'administration, engagée depuis plusieurs mois, sous l'égide de M. Alain Lambert, alors ministre délégué au budget, et dont des économies substantielles pouvaient être attendues.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'achat public était une fonction difficile, enserrée dans des contraintes juridiques fortes amenant parfois les acheteurs à se concentrer sur le respect formel des règles plus que sur l'efficacité économique de l'achat. Il a observé que les budgets consacrés aux achats étaient considérables, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie y consacrant, en 2004, 1,9 milliard d'euros sur 14,9 milliards d'euros de budget de fonctionnement.

Il s'est demandé si la création de l'agence centrale des achats du ministère des finances, recommandée par un audit réalisé en 2003-2004, avait permis de réaliser les économies annoncées et pouvait constituer un exemple à suivre pour les autres ministères. Il a indiqué que cet audit avait évalué les économies potentielles à environ 185 millions d'euros en trois ans, sous réserve d'une réforme profonde de l'organisation des achats du ministère.

M. Jean Arthuis, président, a précisé que la réforme visait à réaliser des économies en jouant sur l'effet de masse des commandes et en créant un pilotage centralisé des politiques d'achats afin de normaliser les consommations. Il a ajouté que la professionnalisation de la fonction achats devait permettre de mieux identifier les besoins, de standardiser les produits, de réduire le nombre de références, et de globaliser les commandes, en recourant notamment à l'Union des groupements d'achats publics (UGAP). Il a toutefois estimé que la modernisation des procédures d'achat de l'Etat devait prendre en compte le tissu économique national, et veiller à ce que la commande publique ait un effet d'entraînement pour les petites et moyennes entreprises (PME).

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Delleur a rappelé que la réforme de la fonction achats du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie avait été lancée dès 2002, sous l'impulsion de M. Alain Lambert, alors ministre délégué au budget. Il a indiqué que des comparaisons internationales, notamment avec les systèmes italien et britannique, avaient permis d'orienter les réflexions relatives à la modernisation des achats, menées par l'inspection générale des finances.

Il a ajouté qu'une expertise extérieure de la fonction achats avait ensuite été demandée à un cabinet d'audit privé. Il a observé que chaque direction du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie effectuait alors elle-même ses achats de fournitures et de prestations de service, pour un total de dépenses d'1,9 milliard d'euros, dont près de 500 millions d'euros de matériels informatique et télécom, 462 millions d'euros d'immobilier, 383 millions d'euros de prestations générales et 230 millions d'euros de fournitures générales.

M. Philippe Delleur a précisé que l'audit avait montré de fortes disparités de prix d'achat entre les directions du ministère pour les mêmes produits, ce qui pouvait s'expliquer à la fois par la différence de taille des directions et leurs volumes respectifs d'achats. Il a considéré que des économies pouvaient être réalisées afin d'amener le rendement global du ministère à un niveau au moins égal à celui de la direction la plus performante pour chaque référence. De même, il a estimé que les différences de consommation d'un même produit par agent et par direction devaient être normalisées.

Il a noté que le coût de traitement des commandes était élevé au regard du taux important de commandes à faible prix. Le coût unitaire moyen de traitement d'une commande, en temps de travail d'un fonctionnaire, était de 100 euros, alors que la moitié des commandes du ministère avait une valeur inférieure ou égale à 100 euros. Il a rappelé qu'avant l'entrée en vigueur de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les coûts complets incluant les dépenses de personnel n'étaient pas pris en compte.

M. Philippe Delleur a estimé que la réforme visait à mettre en oeuvre trois leviers : un effet de globalisation des commandes, la maîtrise des consommations et la simplification des procédures. Il a souligné que la distinction entre deux grandes fonctions, l'achat et l'analyse de l'offre d'une part, l'approvisionnement, d'autre part, devait permettre de dégager d'importantes économies.

Il a précisé que l'agence centrale des achats avait été créée par l'arrêté du 26 novembre 2004, sous la forme d'un service à compétence nationale (SCN), rattaché au secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, ce qui le plaçait dans une position adéquate par rapport aux directions du ministère. Il a ajouté qu'il était, en effet, indispensable d'assurer l'indépendance de l'agence centrale à l'égard des directions centrales, à qui elle fournissait de nouvelles prestations. Il a observé que le SCN constituait une formule souple, entre l'administration centrale et les services déconcentrés, employant une vingtaine de personnes sur l'ensemble du territoire.

M. Philippe Delleur a rappelé que l'agence centrale des achats s'était vu fixé un objectif d'économie de 150 millions d'euros sur trois ans, qui semblait à la fois important et réaliste. Il a indiqué qu'une démarche pragmatique de conduite de la réforme avait incité, d'une part, à associer au sein d'un comité de pilotage toutes les directions du ministère, et, d'autre part, à définir un périmètre d'action large, afin que l'effet de levier puisse être aussi efficient que possible. Il a noté que les deux tiers des achats du ministère de l'économie et des finances avaient ainsi été globalisés.

Il a rappelé qu'un important travail d'harmonisation des logiciels avait été nécessaire, en amont, pour permettre la mise en oeuvre de la réforme. Il a observé que la globalisation des achats pouvait se faire à l'échelon régional et non national, notamment pour le nettoyage des 7.000 sites du ministère. Il a ajouté que, dans la région Nord-Pas-de-Calais, un lot de marché public avait été réservé, par clause spéciale, aux ateliers favorisant l'emploi des personnes handicapées. Il a noté que la globalisation des achats n'empêchait pas l'accès des petites et moyennes entreprises (PME) à la commande publique et devait donc favoriser le développement durable.

M. Philippe Delleur a indiqué que les nouvelles technologies et la dématérialisation des procédures avait permis de simplifier l'achat public. Il a relevé que l'agence centrale des achats ne gérait aucun crédit directement, afin de ne pas déresponsabiliser les gestionnaires des services acheteurs du ministère. Il a précisé que l'agence centrale mettait à la disposition de ces services des marchés de fournitures immédiatement utilisables, grâce à une plateforme de commande en ligne, les « acheteurs » n'ayant plus à rechercher eux-mêmes des fournisseurs. Il a annoncé que les livraisons étaient effectuées en 72 heures.

Il a noté, en revanche, que le système de paiement restait encore relativement complexe, mais que l'adoption de la carte d'achat devrait permettre de le rationaliser. Il a expliqué que le paiement était effectué par une banque, qui centralisait les factures, payait les fournisseurs sur présentation des factures et était remboursée par l'administration une fois par mois.

M. Philippe Delleur a indiqué qu'un rapport d'activité permettait d'évaluer les actions menées en 2005. Il a cité en exemple le marché d'achat d'ordinateurs. Il a précisé que la forme juridique retenue était un marché public en multiattribution permettant de remettre trois fournisseurs en concurrence tous les 6 mois : l'économie réalisée sur deux années était évaluée à 40 % du prix total.

Il a relevé que la fourniture des consommables informatiques était assurée par l'UGAP, sous la tutelle de l'agence centrale des achats, afin de bénéficier d'un important effet de levier, l'UGAP fournissant l'ensemble des acheteurs publics.

M. Philippe Delleur a noté que la structure et le nombre des acheteurs publics faisaient de la France une exception en Europe, la moitié des annonces publiées au Journal officiel des communautés européennes étant françaises. Il a estimé que, dans cette perspective, l'UGAP constituait un instrument de gestion essentiel, notamment pour les petits acheteurs publics qu'étaient les collectivités territoriales. Il a observé que l'UGAP permettait, notamment, d'éviter les phases de rupture des marchés, permettait de mutualiser les coûts, sans risque de création d'un monopole et avec une compétitivité satisfaisante.

M. Jean Arthuis, président, a demandé quelle était la performance de l'agence centrale des achats : il a, notamment, souhaité savoir si celle-ci avait tenu l'objectif qui lui avait été fixé pour 2005 de réaliser 50 millions d'euros d'économie.

M. Philippe Delleur a indiqué que les économies réalisées en 2005 s'élevaient à 48 millions d'euros. Il a ajouté que les prochains objectifs seraient sans doute plus difficiles à atteindre en 2006 et 2007, les réformes les plus faciles à réaliser ayant été menées en priorité.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Philippe Delleur pour la qualité de son exposé.

Abordant ensuite la réforme de la fonction achats du ministère de la défense, il a précisé que l'économat des armées était un établissement public industriel et commercial, dont le « chiffre d'affaires » s'élevait à 250 millions d'euros. Il a rappelé que l'économat, héritier des coopératives d'achat nées durant la première guerre mondiale, avait été créé par une loi du 22 juillet 1959 afin de garantir la fourniture de denrées alimentaires et produits divers aux militaires et à leur famille, implantés en dehors de la métropole. Il a noté qu'il était également chargé d'une mission générale d'approvisionnement des forces en opérations extérieures (OPEX). Il a précisé que l'approvisionnement en vivres des armées était assuré par plusieurs organismes, selon des modalités différentes d'une armée à l'autre, les achats de vivres et de certains services et matériels étant effectués par les services des commissariats des différentes armées.

M. Jean Arthuis, président, a observé que la réforme, lancée en 2003, avait transformé l'économat des armées en une centrale d'achats ayant la capacité d'approvisionner l'ensemble des forces armées. Il a indiqué que la gestion unifiée des marchés de vivres par l'économat devait conduire à une économie de l'ordre de 12 millions d'euros par an, soit 4 à 5 % du budget total consacré à l'achat des marchandises.

M. Eric Lucas a rappelé que la réforme de l'économat des armées s'inscrivait dans une politique plus large de globalisation des achats du ministère de la défense, par pôles d'achats. Il a observé que le commissariat général des armées mettait en oeuvre la globalisation des marchés de transport. Il a également évoqué le développement de « l'interarméisation », qui avait conduit au regroupement des services d'infrastructure des armées au sein d'un service unique géré par le secrétariat général pour l'administration.

Il a indiqué que le ministère de la défense développait la dématérialisation des marchés, favorisait le paiement par carte pour les services gestionnaires de crédits, et mettait en oeuvre d'importants projets d'externalisation impliquant une plus grande responsabilité des fournisseurs, notamment financière.

S'agissant de l'économat des armées, M. Eric Lucas a expliqué que la réforme devait viser l'accroissement de la rentabilité de la fonction achats, tout en garantissant la stabilité de l'approvisionnement des armées, en tous lieux et à tous moments.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Bernard Foissier a déclaré que la réforme de la fonction « approvisionnement en vivres » des armées était l'aboutissement d'une réflexion engagée en juillet 1999, par le cabinet du ministre de la défense, dans le cadre plus général de l'adaptation du dispositif de soutien des forces, rendue nécessaire par la professionnalisation des armées.

Il a souligné que le choix avait été d'utiliser, en le faisant évoluer, le cadre juridique offert par l'économat, en lui confiant la charge des « approvisionnements en vivres » jusqu'alors assurée par chaque armée pour son propre compte. Il a ajouté qu'avant cette réforme, l'économat de l'armée intervenait en complément des services de soutien pour le ravitaillement en vivres et marchandises diverses des forces à l'étranger, notamment en Allemagne, en Afrique et sur les théâtres d'opérations extérieures, mais que le territoire national, à l'exception notoire des collectivités territoriales d'outre-mer, lui était interdit.

M. Bernard Foissier a précisé que la réforme poursuivait trois objectifs :

- améliorer l'efficacité économique et rationaliser le dispositif d'approvisionnement des forces par le recours à un opérateur unique, l'économat, afin de bénéficier d'un effet de levier sur des achats plus massifs, et de réaliser ainsi des économies sur les prix, sur les structures et sur le fonctionnement ;

- doter le ministère d'un pôle de compétence dans le domaine de l'achat public pour la fourniture de biens et de services, en France comme à l'étranger ;

- préserver la capacité d'action de soutien de l'établissement public en faveur des forces en opérations extérieures.

M. Bernard Foissier a observé que la transformation du statut de l'établissement public avait fait l'objet d'une disposition spécifique de la loi de finances rectificative pour 2002. Il a indiqué que le principe de spécialité de l'économat des armées, relatif au soutien des forces, avait été réaffirmé, que le périmètre géographique d'intervention de l'établissement avait été élargi au territoire national et que son champ d'activité fonctionnelle incluait, désormais, la prestation de services.

Il a relevé que le décret du 11 mars 2004 portant organisation et fonctionnement de l'économat des armées avait redéfini les règles de l'établissement public et lui avait conféré la qualité de centrale d'achat public au sens des articles 9 et 32 du code des marchés publics.

M. Bernard Foissier a noté que cette réforme avait conduit à distinguer trois grands domaines d'activité : le soutien des forces à l'étranger, et plus particulièrement, en opérations extérieures, le développement de la prestation de services, dans le cadre de la démarche d'externalisation entreprise par le ministère de la défense et la mise en oeuvre du soutien des forces sur le territoire national.

Il a souligné que, pour assurer ses nouvelles missions, l'économat des armées avait dû se réorganiser, revoir ses procédures et son mode de fonctionnement afin de réformer l'approvisionnement en vivres des armées dans un délai de 18 mois, tout en assurant le soutien des forces sur les théâtres extérieurs, mission soumise à une obligation de résultat immédiatement évaluée sur le terrain.

M. Bernard Foissier a indiqué qu'une équipe de projet, mise en place au début de l'année 2003, avait été chargée du pilotage de cette réforme. Il a souligné qu'elle avait bénéficié d'une assistance à maîtrise d'ouvrage pour la préparation et la mise en oeuvre des marchés logistique et informatique, éléments pivots de la modernisation de l'économat.

Il a considéré que la création d'une direction des achats, initialement chargée des marchés en métropole, dont la compétence s'étendait désormais à l'ensemble des achats réalisés par l'économat, garantissait la régularité des contrats d'achat de vivres, malgré les aléas inhérents à l'achat public.

M. Bernard Foissier a ajouté qu'un guide interne des procédures, destiné aux acheteurs, avait été élaboré et qu'un observatoire des marchés avait été créé, pour permettre l'exercice éclairé du pouvoir adjudicateur du directeur général de l'économat. Il a également précisé qu'une commission d'appels d'offres avait été mise en place, alors que cette procédure ne s'imposait pas pour un établissement public à caractère industriel et commercial.

Il a précisé que, pour ouvrir au maximum la concurrence, l'économat des armées complétait l'obligation qui lui était faite de publicité européenne par une publication nationale au bulletin officiel des annonces des marchés publics et dans des journaux spécialisés.

M. Bernard Foissier a déclaré que quelques personnels hautement qualifiés avaient été recrutés afin de mener à bien la réforme engagée, mais que l'établissement s'était efforcé de redéployer le personnel en place sur des postes correspondant aux besoins nouveaux.

Il a noté que la qualification juridique de centrale d'achat, au sens de l'article 9 du code des marchés publics, permettait aux forces militaires de s'adresser à l'économat pour les achats de vivres, de fournitures diverses et de services, sans publicité ni mise en concurrence, dès lors que l'établissement public appliquait lui-même, pour la totalité de ses achats, soit le code des marchés publics soit l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics. Il a précisé que l'établissement avait retenu l'ordonnance du 6 juin 2005 et le décret du 30 décembre 2005 comme textes de référence, et identifiait deux grandes typologies d'achats : les achats effectués en France pour une utilisation en France ou à l'étranger, pour lesquels les dispositions de l'ordonnance précitée du 6 juin 2005 s'appliquaient, et les achats effectués à l'étranger pour un usage à l'étranger, n'entrant pas dans le périmètre de l'ordonnance, mais soumis à un contrôle rigoureux.

M. Bernard Foissier a déclaré que l'économat avait ainsi passé six appels d'offres pour l'achat des vivres et avait mis en oeuvre, début 2004, une consultation sous forme de dialogue compétitif pour le marché logistique. Il a signalé, qu'à ce jour, ces marchés n'avaient donné lieu à aucune action contentieuse. Enfin, il a ajouté que l'économat participait aux travaux « Achat public » conduits au sein du ministère de la défense par le contrôle général des armées.

M. Bernard Foissier a ensuite présenté la fonction de soutien des forces à l'étranger, constituant l'axe historique d'intervention de l'économat renforcé depuis 1995. Il a indiqué que l'accomplissement de cette fonction illustrait la capacité de l'établissement public à s'adapter aux conditions d'engagement des forces et à prendre en charge des missions non programmables.

Il a précisé que l'économat était engagé sur l'ensemble des théâtres d'opérations et des pays où étaient déployées des forces françaises, les Balkans, l'Afghanistan, la Côte d'Ivoire, le Tchad, ou encore Haïti et le Congo, et que son action portait sur l'approvisionnement en vivres, la fourniture d'articles de première nécessité ou de consommation courante, la fourniture de services téléphoniques et Internet privés, ou encore la gestion d'organismes de détente et de loisirs. Il a observé que, depuis 2002, sur mandat de l'armée de terre, l'économat était chargé de la restauration des forces armées au Kosovo, soit 2,3 millions de repas en 2005.

Pour remplir ces missions, M. Bernard Foissier a déclaré que l'établissement mettait en oeuvre une logistique souple adaptée aux conditions géographiques, aux contraintes des forces et aux conditions opérationnelles, les vecteurs utilisés associant les transports maritime, routier et aérien, qu'il s'agisse de moyens militaires ou affrétés par les armées, ou armés directement par l'économat.

M. Bernard Foissier a indiqué que le développement de la prestation de services s'inscrivait dans le cadre de la politique d'externalisation de certaines fonctions, engagée par le ministère de la défense et visant à recentrer les armées sur des tâches relevant de leur coeur de métier. Il a précisé que cette activité, encadrée par des conventions passées avec les états-majors, s'exerçait principalement au profit de forces en opérations extérieures et concernait, plus particulièrement, les domaines de la restauration, des acheminements, de la gestion de « bases vie » et des services à la personne. Il a ajouté que l'économat intervenait, soit en qualité de maître d'oeuvre, c'est-à-dire qu'il assumait la responsabilité de coordonner au profit des armées l'action de plusieurs intervenants tels que des entreprises privées ou des groupements solidaires, soit comme prestataire de premier niveau, dans le domaine de la restauration par exemple.

Il a indiqué que le ministre de la défense avait désigné l'économat pour assurer l'organisation du soutien non régalien de la réunion informelle des ministres de la défense de l'OTAN, à Nice, en février 2005, et que les états-majors l'avait sollicité pour des exercices majeurs nationaux ou internationaux.

M. Bernard Foissier a également annoncé, qu'à partir de l'été 2006, l'économat des armées serait chargé de la gestion du camp multinational de Warehouse à Kaboul, et, qu'en 2007, il assurerait, en liaison avec l'état-major des armées, une expérimentation d'externalisation globale de la fonction de soutien aux forces dans les Balkans et au Tchad, dans le cadre du projet CAPESFRANCE, acronyme signifiant « capacité additionnelle par l'externalisation du soutien des forces françaises ».

Concernant la prise en charge du ravitaillement des forces sur le territoire national, M. Bernard Foissier a précisé que cette nouvelle mission faisait de l'économat un acteur important de la modernisation de la chaîne de soutien des armées. Il a indiqué que cette réforme, lancée en 1999, avait abouti en 2002, après un audit complet des systèmes d'approvisionnement des armées. Il a précisé qu'il s'agissait d'une part, de créer une centrale d'achats unique, l'économat des armées se substituant à la vingtaine de personnes responsables des marchés publics (PRM) en charge de la passation des marchés de denrées, et, d'autre part, de supprimer le compte spécial des subsistances militaires (CSSM) et le service central d'approvisionnement des ordinaires de la marine.

Il a souligné que le périmètre de mise en oeuvre de la réforme incluait les formations des trois armées, les hôpitaux militaires et trois écoles de la gendarmerie, soit 337 points de livraison, représentant annuellement 48 millions de repas et 55.000 tonnes de marchandises.

M. Bernard Foissier a ensuite précisé qu'avant la modernisation de cette fonction, les marchés passés par les différentes armées reposaient sur un prix de produit livré, incluant de manière globale un « coût denrée », un « coût logistique » et la marge du fournisseur. Il a noté que le nouveau modèle, retenu sur les recommandations d'un cabinet d'audit privé, se caractérisait par une dissociation des « marchés vivres », passés à prix dit « départ fournisseur » et d'un marché logistique spécifique, confiant la distribution de ces vivres à un prestataire privé, ce qui permettait de mesurer le coût respectif de chacune des composantes de la prestation et de rechercher des améliorations ciblées.

Il a ajouté que la réforme de l'économat des armées avait été organisée autour de quatre chantiers majeurs conduits de manière synchronisée, sur une période de 18 mois. Le premier chantier concernait les « marchés vivres » dont le montant financier, en année pleine, devrait osciller entre 100 et 130 millions d'euros ; le deuxième chantier, relatif au marché logistique, avait permis d'élaborer, avec les professionnels, une consultation au terme de laquelle un groupement d'intérêt économique constitué par les sociétés STEF-TFE et GEODIS, avait été choisi pour mener à bien un contrat de 81 millions d'euros sur 6 ans.

Il a souligné que le prestataire logistique était chargé de la gestion des commandes des unités, de leur allotissement, de leur livraison et, ce qui était nouveau, de la facturation des vivres au nom de l'économat, devenant ainsi le point de passage obligé entre les formations et les fournisseurs par l'intermédiaire d'un portail informatique, partie visible d'un système d'information qui constituait le troisième grand chantier de l'économat.

M. Bernard Foissier a indiqué que le système d'information reliait les formations militaires au prestataire logistique par un portail informatique, qui permettait le traitement dématérialisé des commandes, et constituait l'outil de gestion central de l'économat. Il a ajouté que la société UNILOG avait été retenue pour ce contrat, après un appel d'offres restreint.

Enfin, il a présenté le quatrième et dernier chantier de l'économat des armées, consistant à accompagner le changement par une stratégie d'information et de formation, qui avait concerné toute la chaîne de commandement et tous les services du ministère de la défense.

M. Bernard Foissier a observé que le déploiement du dispositif avait débuté le 21 novembre 2005 et se terminerait fin mars 2006. Il a rappelé que deux grandes phases s'étaient succédé : d'une part, une phase de rodage autour de Rennes et de Brest, pour 24 unités clientes, étendue début décembre à tout le grand ouest, puis mi-décembre aux 34 formations autour de la plate-forme sud de Salon de Provence, et, d'autre part, une phase de déploiement opérationnel progressif en métropole, effectué plate-forme par plate-forme, durant douze semaines entre janvier et fin mars 2006. Il a constaté, qu'à la date du 20 mars 2006, 96 % de l'approvisionnement du territoire national était assuré par l'économat des armées.

En conclusion, M. Bernard Foissier a indiqué que l'économat des armées était aujourd'hui engagé dans une transformation profonde, qui s'inscrivait dans un contexte plus large de réforme de la fonction achat du ministère de la défense.

Il a rappelé que l'économat des armées était un partenaire apprécié des forces auxquelles il offrait des garanties de sécurité juridiques, de souplesse, de réactivité et de continuité dans la chaîne logistique, ainsi que des solutions d'externalisation pertinentes.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Jean Arthuis, président, a remercié les intervenants pour la qualité et l'extrême précision de leurs exposés. Il s'est félicité de la rapidité de mise en oeuvre des réformes. Il a souhaité savoir si l'économat des armées pouvait préciser les caractéristiques de ses fournisseurs, et s'est notamment inquiété du risque d'éviction des PME des marchés globalisés au niveau national par l'économat. Il s'est, en effet, déclaré favorable, à titre personnel, à ce qu'une part significative de ces marchés publics puisse leur être réservée, selon des modalités restant à définir.

M. Bernard Foissier a indiqué que 85 fournisseurs avaient été retenus à l'issue des appels d'offre et que 64 % des denrées acquises étaient originaires de France. Il a précisé que la dissociation des marchés permettait à l'économat des armées de conclure des marchés d'approvisionnement avec des PME compétitives dans leur secteur.

M. Yves Fréville a souhaité savoir si les forces militaires devaient désormais procéder à l'achat de vivres par le biais exclusif de l'économat des armées.

M. Bernard Foissier a précisé que le décret définissant les attributions de l'économat des armées n'en faisait pas l'intermédiaire exclusif et obligatoire des forces armées, mais il a indiqué que les états-majors des armées avaient passé des conventions en ce sens, espérant redéployer les personnels, ainsi dégagés des fonctions achats.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que ce type de redéploiement de personnels ne se traduisait pas toujours par des économies nettes en termes de dépenses de personnel.

M. Eric Lucas a précisé que les conventions établies entre l'économat des armées et les états-majors définissaient des seuils d'achat minimum et maximum de denrées, et que si les minima n'étaient pas respectés, des pénalités financières étaient prévues.

M. Bernard Foissier a indiqué que les seuils minima s'élevaient à 45 millions d'euros de commande annuelle de vivres, et 50.000 tonnes de transport et de logistique.

M. Eric Lucas a rappelé que le ministre de la défense était intervenu pour que les états-majors des armées incitent leurs unités à recourir aux services de l'économat des armées, à l'exception de nécessaires « respirations » permettant de gérer avec souplesse la fourniture de produits frais.

M. Yves Fréville a noté que certaines tensions semblaient exister et que les forces militaires paraissaient souhaiter quelques adaptations.

M. Bernard Foissier a estimé que les résistances aux changements pouvaient être considérées comme normales. Il a indiqué que la réforme avait permis de rationaliser les rapports entre les fournisseurs et les unités militaires.

M. Eric Lucas a ajouté que les gains macroéconomiques étaient supérieurs aux tensions rencontrées.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si l'économat des armées disposait d'outils lui permettant de mesurer l'efficacité de son action. Il s'est demandé quel était le pourcentage des achats du ministère de la défense réalisés par l'économat des armées.

M. Bernard Foissier a indiqué que l'économat des armées réalisait 65 % des achats de vivres de l'armée à ce jour, l'objectif étant d'atteindre 95 %. Il a estimé qu'une économie réelle existait sur les prestations logistiques, et que la globalisation des marchés d'achat de vivres permettait de faire jouer un effet de levier favorable. Il a rappelé que la suppression du CSSM avait conduit à réduire les effectifs du ministère de la défense de 100 personnes.

M. Eric Lucas a observé que les lois de finances initiales pour les années 2005 et 2006 avaient prévu une réduction d'effectif de 300 personnes corrélative à la réforme de l'économat des armées, auquel s'ajoutait la suppression des personnels du CSSM et du service central d'approvisionnement des ordinaires de la marine.

M. Bernard Foissier a précisé qu'une évaluation des performances de l'économat des armées aurait lieu à la fin de l'année 2006.

M. Roger Besse a souhaité obtenir des précisions sur les statuts et les modalités de recrutement et de formation des personnels de l'économat des armées.

M. Bernard Foissier a indiqué, qu'à l'exception de quelques militaires en détachement, le personnel de l'établissement public à caractère industriel et commercial était constitué d'agents de droit privé. Il a souligné que le recrutement s'était effectué sur la base de compétences spécifiques en droit, en achat, en logistique, en gestion des systèmes d'information et en contrôle de gestion. Il a rappelé que l'économat des armées avait ainsi recruté 25 personnes.

M. Maurice Blin a estimé que la réforme de l'économat des armées mettait en cause de vieilles traditions, propres à chacune des armées. Il a souhaité savoir si la globalisation des fonctions d'achat et d'approvisionnement rencontrait des problèmes techniques qui ne seraient pas encore maîtrisés. Il a considéré que, de façon générale, une réforme était d'autant mieux acceptée que les protagonistes y étaient associés et qu'ils pouvaient en retirer un bénéfice aussi immédiat et concret que possible. Il s'est demandé si tel avait été le cas pour la réforme en cause.

M. Bernard Foissier a indiqué que des problèmes techniques avaient été résolus, notamment en termes de capacité de stockage de certains entrepôts. Il a déclaré que la marine avait conservé des centres de stockages spécifiques à Brest et à Toulon afin d'assurer un conditionnement particulier des vivres, nécessaire aux missions en mer, qu'elle ne souhaitait pas déléguer à un prestataire privé.

Il a observé que la mise en place du nouveau système d'information avait rencontré des limites inhérentes à la difficulté d'accéder à l'Internet à haut débit dans certaines parties du territoire français. Il a précisé que des adaptations pratiques avaient été trouvées pour chaque cas.

M. Bernard Foissier a rappelé qu'un effort particulier avait été fait pour former tous les utilisateurs du nouveau portail informatique. Il a indiqué que la qualité des prestations fournies par l'économat des armées, notamment en termes de traçabilité des denrées, permettait de favoriser l'acceptation de la réforme.

M. Maurice Blin a souhaité savoir si l'économat des armées envisageait d'étendre la réforme à d'autres domaines que les vivres, tels que la fourniture des uniformes.

M. Eric Lucas a précisé qu'un appel d'offres avait été lancé pour permettre la location de véhicules non militaires par le ministère de la défense.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir s'il s'agissait d'un « financement innovant » faisant intervenir un groupement bancaire. Il s'est demandé comment cette externalisation était inscrite au budget de l'Etat.

M. Eric Lucas a indiqué que les crédits figuraient au titre 3 du budget du ministère de la défense, comme une dépense de subvention de fonctionnement.

M. Maurice Blin a rappelé que les Britanniques procédaient à de nombreuses externalisations de leurs dépenses militaires avec un certain succès.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé s'il s'agissait de réelles économies. Il a estimé que la substitution de dépenses de fonctionnement à des dépenses d'investissement n'était pas neutre pour le budget de l'Etat.

M. Eric Lucas a observé que les dépenses correspondant à l'externalisation de la gamme des véhicules civils du ministère de la défense restaient effectivement inscrites au budget de l'Etat.

M. Yves Fréville a souhaité savoir si les règles de financement de la fonction achats au sein des unités militaires avaient été modifiées ou si des fonctions d'« acheteur » étaient maintenues.

M. Eric Lucas a indiqué que les dispositions régissant les modalités d'achat et de gestion des denrées alimentaires n'avaient pas été modifiées à ce jour, et devraient faire l'objet d'une adaptation législative. Il a ajouté que la question de l'harmonisation des soldes était à l'étude dans ce cadre, estimant que les disparités entre les armées, en termes d'indemnité d'alimentation ou de fourniture des uniformes, avaient vocation à disparaître.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir quel était l'effectif de la centrale de gestion des achats du ministère des finances et de l'économie.

M. Philippe Delleur a indiqué que son service comptait 18 personnes.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si un indicateur permettait de mesurer le coût relatif des dépenses de la centrale de gestion par rapport au prix d'un achat.

M. Philippe Delleur a rappelé que le seul indicateur existant actuellement consistait à réaliser 150 millions d'euros d'économie dans les trois prochaines années. Il a ajouté que la construction d'un indicateur de performance interne à la centrale de gestion faisait l'objet d'une réflexion, afin qu'il soit possible de mesurer si les économies apparentes n'étaient pas liées à une évolution conjoncturelle des marchés.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si le gouvernement était attentif aux incidences de la modernisation de la fonction achats pour les PME. Il a observé que la commande publique américaine bénéficiait pour 25 % aux PME et a souhaité qu'un pareil dispositif puisse être étendu à la France, le tout selon des modalités restant à définir.

M. Philippe Delleur a estimé qu'il n'y avait pas de contradiction entre la rationalisation des achats publics et l'accès des PME à la commande publique. Il a remarqué que les acheteurs publics n'avaient aucun intérêt à ne négocier qu'avec des entreprises en situation de monopole ou d'oligopole. Ils devaient, en conséquence, veiller à segmenter leur demande pour pouvoir traiter avec des PME. Il a considéré que, dans cette perspective, la globalisation des achats de tous les ministères ne semblait pas souhaitable.

Il a indiqué que le soutien des PME par des structures telles que Oséo-ANVAR (Agence nationale pour la valorisation de la recherche) lui semblait plus efficace que l'édiction de normes contraignantes leur réservant une part de la commande publique.

M. Jean Arthuis, président, s'est demandé si la centrale de gestion des achats du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie était attentive aux phénomènes « d'outsourcing ». Il a souhaité savoir si les acheteurs publics avaient les moyens de vérifier si les entreprises qui remportaient les marchés publics ne sous-traitaient pas leur production à des entreprises délocalisées.

M. Philippe Delleur a indiqué que les acheteurs publics veillaient à écarter les offres d'entreprises sous-traitant leur production dans des pays à bas coût de main-d'oeuvre. Il a rappelé que des spécifications environnementales ou sociales pouvaient être incluses dans les cahiers des charges des marchés publics. Il a notamment cité le cas du marché de fourniture de papier, qui prévoyait une clause de gestion durable des forêts exploitées.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'achat à bas prix pouvait avoir des répercussions macroéconomiques dommageables pour le tissu économique national et européen. Il a souligné que la recherche de l'efficience de la commande publique devait s'accompagner d'une grande vigilance sur l'origine des sources d'approvisionnement. Il a enfin remercié l'ensemble des intervenants pour la qualité de l'échange qui s'était ainsi noué et témoignait de la volonté de la commission de suivre, au plus près « du terrain », les efforts actuellement engagés afin de contribuer à la nécessaire modernisation de l'Etat.

Mercredi 22 mars 2006

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Droit des sociétés - Offres publiques d'acquisition - Examen du rapport en troisième lecture

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à l'examen du rapport en troisième lecture de M. Philippe Marini, rapporteur général, sur le projet de loi n° 2682 (2005-2006), modifié par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux offres publiques d'acquisition.

Après avoir rappelé que le Sénat s'apprêtait à examiner en troisième lecture le projet de loi relatif aux offres publiques d'acquisition, M. Jean Arthuis, président, a invité M. Philippe Marini, rapporteur général, à présenter ses principales observations et recommandations.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que les principaux enjeux et interprétations du texte avaient déjà été exposés lors des précédentes discussions. Il a précisé qu'à l'occasion de cette troisième lecture deux points restaient en discussion sur les articles 10 et 19 du projet de loi.

S'agissant de l'article 10 du projet de loi, et plus particulièrement des conditions dans lesquelles l'assemblée générale pouvait autoriser l'émission de bons de souscription d'actions, M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que le Sénat avait décidé d'autoriser cette émission par une décision prise à la majorité simple. Il a indiqué que l'Assemblée nationale s'était ralliée à cette position en utilisant toutefois une formulation différente du Sénat, formulation qu'il a proposé d'approuver.

S'agissant de l'article 19 relatif à la levée volontaire des restrictions statutaires ou conventionnelles à la négociabilité des titres et à l'exercice des droits de vote, il a expliqué que l'Assemblée nationale ne partageait pas la position du Sénat quant à l'application de la clause de réciprocité. Il a rappelé l'argumentaire de l'Assemblée nationale, selon lequel une entreprise qui pouvait appliquer, volontairement, la législation relative aux levées de restrictions pouvait, par parallélisme des formes, renoncer à cette application. Il a noté ainsi que cette renonciation était, dans la pratique, d'effet équivalent à la clause de réciprocité. Compte tenu du caractère essentiellement formel de ce débat sur l'application de la clause de réciprocité à l'article 19, il a proposé le ralliement à la position de l'Assemblée nationale, et par conséquent, un vote conforme à celui de l'Assemblée nationale sur l'ensemble du projet de loi.

M. Jean Arthuis, président, a remercié M. Philippe Marini, rapporteur général, pour son exposé, précisant que ce texte serait examiné en séance le lendemain, soit le jeudi 23 mars au matin.

M. François Marc a observé que le projet de loi avait déjà fait l'objet de longs débats auparavant et que la version adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale n'apportait pas de modification majeure au texte adopté par le Sénat qui était, selon lui, « perfectible ».

La commission a ensuite adopté les dispositions du projet de loi restant en discussion, sans modification.

Agriculture - Prestations sociales des non-salariés agricoles - Audition de M. Daniel Caron, président du conseil d'administration du FFIPSA

La commission des finances, conjointement avec la commission des affaires sociales, a ensuite procédé à l'audition de M. Daniel Caron, président du conseil d'administration du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA).

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souligné que le Sénat n'était jamais aussi fort dans ses convictions et écouté par le Gouvernement que lorsque ses membres savaient agir de concert. Aussi, s'est-il félicité de l'organisation de cette audition conjointe aux commissions des finances et des affaires sociales sur le dossier du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA). Il a prié de vouloir bien excuser l'absence de M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, en mission à la Réunion pour mesurer l'efficacité des mesures de lutte contre le chikungunya.

Il a remercié M. Daniel Caron, président du conseil d'administration du FFIPSA, de sa présence, tout en regrettant que le président du conseil de surveillance du FFIPSA, M. Yves Censi, ait, pour sa part, décliné l'invitation des sénateurs.

Il a observé que la situation financière dégradée de ce fonds justifiait pleinement d'entendre ses responsables. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prévoit, en effet, un déficit d'exécution du FFIPSA de l'ordre d'1,7 milliard d'euros, équivalent à celui de 2005, avec une perspective de dégradation ultérieure à l'horizon 2007 (- 1,8 milliard d'euros) et 2009 (- 1,9 milliard d'euros).

Il a rappelé que, dès sa création, le FFIPSA avait pâti du déséquilibre financier du budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) qui le précédait. Il a précisé que, si le gouvernement avait trouvé une solution partielle à ce problème, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2005, en autorisant la reprise de 2,5 milliards d'euros sur les 3,2 milliards d'euros qui constituaient la dette initiale du FFIPSA, il en résulterait en contrepartie une augmentation de 57,5 millions d'euros des frais financiers de l'Etat en 2006.

M. Daniel Caron a observé que le FFIPSA, créé par la loi de finances pour 2004, n'était devenu opérationnel qu'en mars 2005. Il a indiqué que, pour autant, avec des effectifs limités à dix personnes seulement et la collaboration de la caisse centrale de mutualité sociale agricole, l'établissement public remplissait aujourd'hui les missions qui lui avaient été assignées par le législateur. Il a souligné que, contrairement à l'ancien BAPSA, qui était placé sous la double tutelle du ministère de l'agriculture et du budget, le FFIPSA relevait désormais également de la responsabilité du ministère des affaires sociales, d'où un rapprochement très net avec le droit commun de la protection sociale.

Il a précisé que le déficit cumulé du FFIPSA, considéré par la Cour des comptes comme une créance sur l'Etat, et qui s'élevait à la date du 1er janvier 2005 à 3,2 milliards d'euros, était revenu à un niveau beaucoup plus faible après la reprise intervenue le 6 janvier 2006 par l'Etat de la plus grande partie de sa dette.

Après avoir souligné que le FFIPSA, faute de moyens, s'était trouvé, lors de sa création, dans l'obligation de confier la gestion de sa dette à la caisse centrale de mutualité sociale agricole (CCMSA) dans le cadre d'une convention ad hoc, M. Daniel Caron a annoncé qu'il entendait proposer à son conseil d'administration de revoir les modalités générales de la gestion de la trésorerie du fonds.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est interrogé sur l'évolution au cours des dernières années des frais financiers occasionnés par l'endettement croissant, et désormais structurel, du FFIPSA.

Après avoir précisé que le coût de la dette du FFIPSA est passé de 36 millions d'euros en 2003 à 53 millions d'euros en 2004, puis à 78 millions d'euros en 2005, et pourrait atteindre 87 millions d'euros en 2006, M. Daniel Caron a évalué le déficit cumulé du FFIPSA, au 1er janvier 2006, à 2,1 milliards d'euros. Ce chiffre correspond au total, d'une part, de la créance résiduelle de 700 millions d'euros que le FFIPSA détient sur l'Etat, d'autre part au déficit d'exploitation d'1,4 milliard d'euros enregistré pour l'année 2005. Sur ce dernier point, il a annoncé que grâce à l'encaissement, en décembre 2005, d'une mensualité supplémentaire au titre des droits sur le tabac, le FFIPSA a finalement pu réduire son déficit 2005 de 200 millions d'euros par rapport aux prévisions initiales. En revanche, et par voie de conséquence, au premier trimestre 2006, le fonds n'a perçu que deux des trois mensualités qu'il attendait.

Il a ensuite évalué le déficit du FFIPSA pour l'année 2006 à 1,748 milliard d'euros, ce qui conduirait à porter l'endettement total du fonds à la fin de cette même année autour de 4 milliards d'euros. Jusqu'ici les besoins de trésorerie ont été largement couverts par le recours à l'ouverture de crédit, d'un plafond de 7,1 milliards d'euros, prévue par l'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. A plus long terme toutefois, M. Daniel Caron a fait référence au rapport conjoint de mai 2005 de l'Inspection générale des finances, de l'Inspection générale de l'agriculture et de l'Inspection générale des affaires sociales, faisant l'hypothèse d'une poursuite de la tendance à l'accroissement du déficit, qui pourrait ainsi atteindre un niveau annuel de 2,1 milliards d'euros à l'horizon 2014.

Face à un tel constat, il a estimé qu'il convenait d'étudier toutes les pistes de réflexion envisageables, à commencer par celle ayant la préférence du ministre de l'agriculture : la réforme des modalités de la compensation démographique. Il a également évoqué la possibilité d'une extension de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S), tout en reconnaissant, d'une part, qu'une hausse des cotisations semblait très difficile à mettre en oeuvre dans le contexte actuel, d'autre part, que les recettes des taxes sur les tabacs étaient insuffisantes pour le FFIPSA et présentaient, en outre, un rendement défavorable.

Sur la question du refus du président du comité de surveillance du FFIPSA, lors des dernières réunions de ce comité, d'employer les termes de « dette du FFIPSA », M. Daniel Caron a fait référence au rapport de la Cour des comptes explicitant la nature juridique de cet endettement comme étant une « créance sur l'Etat ». Il s'est ensuite interrogé sur l'interprétation qu'il convenait de faire des dispositions de l'article L. 731-4 du code rural prévoyant que la subvention d'équilibre de l'Etat intervient « le cas échéant » pour équilibrer le financement du fonds.

Il a déclaré ne pas être en mesure d'expliquer les raisons pour lesquelles l'Etat n'avait repris qu'une partie de la dette du FFIPSA, tout en avançant l'hypothèse du refus de la puissance publique de prendre à sa charge l'impact, évalué à 700 millions d'euros, du passage d'une comptabilité d'encaissement-décaissement à une comptabilité en droits constatés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a alors souligné toute l'importance de l'amélioration des règles de la comptabilité publique et insisté sur la nécessité de la présentation de comptes sincères.

Après avoir rappelé qu'en sa qualité de rapporteur spécial des crédits de la santé et de rapporteur pour avis du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il avait été désigné par la commission des finances pour siéger au conseil de surveillance du FFIPSA, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur de la mission « Santé » au nom de la commission des finances, s'est félicité de la compréhension et de la disponibilité dont a su faire preuve M. Daniel Caron. Il a regretté que le président du comité de surveillance du FFIPSA ait décliné l'invitation qui lui était également adressée et a considéré que les exigences du contrôle parlementaire devaient être placées au-dessus des contingences du débat politique. Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles l'Etat n'avait décidé de reprendre qu'une partie de la dette du FFIPSA. Considérant que le passage du BAPSA au FFIPSA était intervenu dans des conditions défavorables, il s'est étonné que la question du déficit structurel du fonds demeure sans réponse. Il a regretté également que la mise en oeuvre opérationnelle du FFIPSA n'ait eu lieu qu'en avril 2005, avec un retard qui pourrait laisser croire à un certain « laxisme » des pouvoirs publics.

Revenant sur les différentes solutions recensées par le rapport précité des trois inspections, M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la mission « Santé » au nom de la commission des finances, a observé qu'aucune d'entre elles ne proposait de perspectives véritablement encourageantes pour le régime des exploitants agricoles. Il s'est notamment demandé si la modification des règles de compensation démographique, réclamée avec insistance par le monde agricole, ne risquait pas de se retourner contre ses instigateurs, qui prendraient ainsi le risque d'apparaître comme des « privilégiés » aux yeux du reste de la population.

Il a déploré également l'absence de représentation du cabinet du ministre du budget dans les réunions du conseil de surveillance du FFIPSA, ce qui nuit à la qualité des travaux de cette instance de concertation, mais empêche aussi les parlementaires d'obtenir les réponses aux questions qu'ils posent. Il s'est inquiété enfin du niveau très élevé des frais financiers occasionnés par la gestion de la dette du FFIPSA : 254 millions d'euros sur la période allant de 2003 à 2006.

En réponse, M. Daniel Caron a indiqué que la proposition de modification des règles de compensation démographique, retenue par le comité de surveillance comme une des solutions possibles, avait été préparée par une étude réalisée dans des conditions objectives, même si cette solution était contestée par le régime d'assurance vieillesse des travailleurs salariés.

Il a observé que le FFIPSA maintenait la confusion entre les régimes maladie et vieillesse, alors que ces régimes étaient séparés dans tous les autres cas. Il a estimé que, dans l'absolu, une séparation de ces deux régimes serait nécessaire, mais a noté qu'une telle coupure irait à l'encontre de l'organisation actuelle de la Mutualité sociale agricole (MSA). Il a indiqué qu'une autre solution pourrait consister à traiter séparément les deux compensations démographiques.

S'agissant de la composition du comité de surveillance, il a fait valoir qu'il avait demandé qu'il soit uniquement composé d'experts, ce qui n'était pas le cas des représentants de tous les ministères de tutelle.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie au nom de la commission des affaires sociales, a souhaité savoir si la subvention de l'Etat au FFIPSA avait une valeur purement théorique et si la mise en place de cette faculté d'abondement par l'Etat, en lieu et place d'une compensation systématique, était une conséquence de la LOLF ou une idée du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Il a souhaité obtenir des précisions sur le recours aux avances de trésorerie en 2005, puis il s'est interrogé sur le mode de versement des droits sur le tabac. Il a demandé au président du conseil d'administration du FFIPSA de préciser ses intentions en matière d'extension de la C3S. Il a, enfin, estimé qu'il était dorénavant nécessaire d'auditionner le ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat sur la situation du FFIPSA.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est interrogé sur la sincérité budgétaire de l'opération de reprise de 2,5 milliards d'euros de dettes opérée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2005.

En réponse, M. Daniel Caron a indiqué que le FFIPSA allait comptabiliser le reliquat de dette de 700 millions d'euros comme une créance sur l'Etat. Il a indiqué que la LOLF avait été l'un des éléments ayant conduit à créer le FFIPSA, mais a noté que l'existence d'un budget annexe des prestations sociales agricoles était devenue anachronique avec l'existence des lois de financement de la sécurité sociale.

Il a noté que le FFIPSA n'avait pas, en 2005, totalement utilisé les possibilités offertes par la ligne d'avances de trésorerie, fixée à 6,2 milliards d'euros, puisqu'il y avait eu recours à hauteur de 2,5 milliards d'euros au minimum et de 4,2 milliards d'euros au maximum.

Il a précisé que le produit du droit de consommation sur les tabacs était directement versé par les trésoriers-payeurs généraux et qu'il n'existait pas de calendrier préétabli concernant les dates de versement. S'agissant de la C3S, il a indiqué que son propos traduisait une simple hypothèse de travail. Enfin, il a observé que le traitement de la maladie était, de manière générale, de plus en plus déconnecté de la branche professionnelle, tandis que l'assurance vieillesse pouvait rester un choix de branche professionnelle. Il a toutefois indiqué que la MSA était attachée à l'unicité de gestion des branches maladie et vieillesse.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé si la MSA pourrait traiter uniquement la branche vieillesse, la branche maladie revenant dans ce cas au régime général de sécurité sociale.

M. Daniel Caron a indiqué qu'une telle solution était possible mais a attiré l'attention sur la nécessité de conserver des caisses de proximité, rôle que remplit la MSA.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, a observé l'inadaptation structurelle des recettes et des dépenses du FFIPSA et a fait valoir que la maîtrise des coûts de sécurité sociale devait être examinée dans son ensemble. Il a fait part de son opposition quant à un éventuel alourdissement de la C3S, qui était discriminatoire suivant le secteur d'activité et qu'il serait donc souhaitable, à terme, de voir disparaître.

M. Daniel Caron a noté que la maîtrise des coûts ne devait pas, selon lui, passer par l'intégration du régime des non-salariés agricoles au sein du régime général.

M. Jean-Marc Juilhard a noté l'engagement des agriculteurs pour conserver la gestion de leur régime. Il a souhaité obtenir des précisions sur le niveau de cotisations versées par les agriculteurs et s'est interrogé sur la sous-estimation des dépenses d'assurance maladie et la surestimation des recettes provenant du droit de consommation sur les tabacs, relevées par la Cour des comptes dans son rapport sur la sécurité sociale de septembre 2005.

M. Daniel Caron a indiqué que la parité de cotisations avec les autres régimes était établie d'après les informations actuellement disponibles, mais qu'il existait, en revanche, peu d'études actualisées concernant l'assiette des cotisations. Par ailleurs, il a souscrit à l'analyse de la Cour des comptes s'agissant de la mauvaise évaluation des dépenses et des recettes en 2004.

M. Philippe Adnot a souhaité connaître, dans le détail, l'évolution de l'endettement du FFIPSA en 2005 et en 2006, pour comprendre comment, malgré l'importance des sommes en jeu, il avait été néanmoins possible de respecter le plafond d'avances de trésorerie. Il s'est interrogé sur les raisons pour lesquelles la dette du régime des exploitants agricoles n'avait pas été prise en charge par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et s'il existait des éléments chiffrés sur le coût de gestion comparée des différents organismes de sécurité sociale.

M. Daniel Caron a indiqué qu'il avait, lui aussi, étudié la faisabilité d'une prise en charge des dettes du FFIPSA par la CADES, mais s'était alors heurté à un obstacle juridique incontournable : en l'état actuel de la législation, il n'est pas possible de transférer ces dettes à la CADES, qui est une caisse fermée.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a estimé que la question de la prise en charge de l'endettement du régime des exploitants agricoles par l'Etat, par le FFIPSA ou par la CADES devait être traitée de façon sérieuse.

M. Daniel Caron a indiqué que l'un des arguments plaidant contre l'ouverture de la CADES au FFIPSA, ou la création d'une caisse similaire au bénéfice des exploitants agricoles, résidait précisément dans le fait qu'une telle initiative reviendrait à reconnaître le caractère inéluctable et structurel du déficit du fonds.

Après avoir rappelé que le récent rapport de M. Paul Girod sur la gestion de la dette publique, établi en application de l'article 57 de la LOLF, avait mis en évidence un surcoût de 0,10 % des emprunts réalisés par la CADES, par rapport à la signature de l'Etat gérée en direct par l'Agence France Trésor, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est inquiété du coût d'opportunité que représente pour le FFIPSA le recours à la MSA. Il a jugé peu souhaitable que le fonds souscrive des emprunts par le biais d'un tiers et il a invité ses instances dirigeantes à passer une convention avec l'Agence France Trésor. Il s'est inquiété, enfin, du risque de conflit d'intérêt potentiel que représente le recours au service de la banque Calyon, filiale du Crédit agricole, pour la ligne de trésorerie.

Après avoir regretté à nouveau de ne pas avoir disposé des moyens humains et techniques pour assurer une gestion directe de l'endettement du FFIPSA, M. Daniel Caron a précisé que le partenaire bancaire du FFIPSA avait été choisi à l'issue d'une procédure d'appel d'offres.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a considéré que, de façon générale, tout impôt supplémentaire pesant sur les facteurs de production tendait à dégrader la compétitivité de notre économie et jugé, par voie de conséquence, que l'hypothèse d'une augmentation de la C3S évoquée par M. Daniel Caron constituait une mauvaise piste.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie au nom de la commission des affaires sociales, s'est prononcé en faveur de l'ajout aux 700 millions d'euros de créance que le FFIPSA détient sur l'Etat, d'une part, des frais financiers de la ligne de trésorerie, d'autre part, des frais de gestion supplémentaires occasionnés au régime des exploitants agricoles par le retard du versement des droits sur le tabac. Il a jugé qu'aucune des solutions évoquées par M. Daniel Caron ne semblait idéale, dans la mesure où il apparaissait difficile d'augmenter les cotisations sociales ou d'accroître la C3S, comme d'endiguer la diminution tendancielle des recettes des droits sur le tabac. Il a observé, enfin, que les règles présidant au calcul des transferts financiers entre les régimes sociaux, dans le cadre du mécanisme de la compensation démographique, étaient anciennes et tenaient compte de l'évolution, dans le temps, du nombre des cotisants. Il a estimé que le choix des différents paramètres de ce calcul devait rester purement objectif.

M. Daniel Caron a indiqué qu'il entendait proposer, prochainement, à son conseil d'administration, d'ajouter à la créance qu'il détient déjà sur l'Etat les frais financiers de la ligne de trésorerie.

Au terme de cette audition, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, après s'être félicité d'une telle audition réunissant les deux commissions sur un sujet commun de préoccupation, a insisté sur la nécessité de restaurer l'équilibre financier de la protection sociale agricole.

Action extérieure de l'Etat - Gestion des ambassades - Communication

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu une communication de M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, sur la simplification de la gestion des ambassades.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Adrien Gouteyron a indiqué que, la LOLF étant entrée en vigueur le 1er janvier 2006, il avait souhaité, comme tous les membres de la commission des finances, vivre les premiers moments de la mise en oeuvre de la nouvelle « Constitution financière », en organisant, en ce qui concernait la mission « Action extérieure de l'Etat », les auditions et les déplacements nécessaires. Il a précisé avoir voulu vérifier si la LOLF était de nature à produire la modernisation de l'administration à laquelle beaucoup aspiraient, en demandant à ses interlocuteurs, au cours de ses déplacements à l'étranger, si la mise en place de la LOLF dans le réseau français à l'étranger avait permis d'en simplifier et d'en moderniser la gestion.

Il a regretté que, s'agissant du réseau français à l'étranger, tel ne soit pas le cas, et a indiqué que sa communication visait à en expliquer les raisons, et à montrer dans quelles conditions la LOLF pourrait avoir des effets positifs sur la gestion des services déconcentrés à l'étranger.

Il a souhaité évoquer tout d'abord plusieurs points positifs, constatés lors de ses missions à l'étranger, à Londres, à Madrid et en Afrique du Sud (à Johannesburg et au Cap) en soulignant qu'en début d'année, les crédits avaient été délégués aux ambassades de manière rapide, dans des conditions globalement satisfaisantes. Il a observé que les changements de nomenclature comptable paraissaient maîtrisés par les agents, grâce aux efforts de formation du ministère des affaires étrangères. Il s'est, par ailleurs, félicité de l'implication personnelle des trois ambassadeurs rencontrés à Londres, Madrid et Pretoria, dans la mise en oeuvre de la LOLF.

Il a néanmoins cité deux points négatifs, ainsi qu'un oubli majeur, dans la mise en place de la LOLF, expliquant tout d'abord que l'application informatique développée pour la gestion des crédits à l'étranger, intitulée COREGE, se révélait, à l'usage, d'un abord complexe, la LOLF étant parfois assimilée à des « cauchemars informatiques ». Il a, par ailleurs, regretté une absence complète de sensibilisation à la performance de la part des personnels en poste à l'étranger, alors que la performance était au coeur de la démarche de la LOLF, constatant que, manifestement, le Quai d'Orsay n'avait pas encore souhaité décliner ses indicateurs de performance et de gestion sur le plan local.

Il a ensuite évoqué l'oubli majeur, dans l'application de la LOLF au sein du réseau français à l'étranger, celui de la modernisation de la gestion, via l'application du principe de fongibilité des crédits et la possibilité d'arbitrer dans les crédits de fonctionnement. Il a rappelé que la fongibilité des crédits était pourtant considérée comme un des points les plus novateurs de la LOLF, celui qui permettait aux gestionnaires de dégager des gains de productivité et de les récompenser en permettant d'affecter une partie de ces gains à l'amélioration du fonctionnement de leur service.

Il a fait remarquer que l'absence de la fongibilité au niveau local tenait au fait que les budgets opérationnels de programme (BOP) du ministère des affaires étrangères avaient tous été « positionnés » au niveau central, ce qui expliquait que le principe de fongibilité des crédits ne pouvait s'appliquer au niveau déconcentré. Il a jugé que l'explication devait être approfondie, montrant que, si les budgets opérationnels de programme avaient tous été confiés à des gestionnaires de l'administration centrale, il en était ainsi parce que, sur le terrain, dans le réseau français à l'étranger, la gestion des crédits était extraordinairement émiettée et cloisonnée entre une multiplicité de programmes, rendant toute fongibilité illusoire.

Il s'est demandé d'où venait, sur le terrain, l'émiettement dans la gestion des crédits, rappelant, tout d'abord, que de nombreux ministères étaient présents à l'étranger. On dénombrait ainsi 785 implantations de ministères à l'étranger, dont « seulement » 156 ambassades et 98 consulats. Il a souligné que les missions économiques, au nombre de 169, étaient plus nombreuses que les ambassades, indiquant qu'il n'était donc pas étonnant que le ministère des affaires étrangères ne gère que 50 % des crédits destinés à l'action extérieure de la France.

Il a noté que le document de politique transversale (DPT) « Action extérieure de l'Etat », qui regroupait l'ensemble des missions et programmes dédiés à cette politique, ne recensait pas moins de 18 missions, sur un total de 34, et 31 programmes, sur un total de 133, expliquant en outre que ces chiffres ne tenaient pas compte des programmes qui concouraient à l'aide publique au développement.

Il a répondu positivement à la question de savoir si la multiplicité des programmes et des structures présentes à l'étranger entraînait une multiplicité des gestionnaires, soulignant que la France avait 589 ordonnateurs à l'étranger, et donc autant de gestionnaires, pour 161 pays couverts par le réseau de l'action extérieure, soit une moyenne de 3,7 par pays. Il a souligné que, dans les postes les plus importants, on comptait un nombre de gestionnaires significatif : 13 à Berlin, 12 à Londres, 10 à Madrid. Il a, en effet, indiqué que chacune des personnes détachées par un ministère, conseiller financier, attaché douanier, conseiller pour les affaires sociales, magistrat de liaison, gérait elle-même ses crédits.

Il s'est interrogé sur la pertinence de cette situation, observant que les crédits gérés étaient souvent d'un montant limité, le conseiller pour l'équipement et les transports disposant, ainsi, à Madrid d'un budget de 23.000 euros par an, que ces crédits étaient exclusivement des crédits de fonctionnement, puisqu'il s'agissait de payer des fournitures, de faire face à des frais de déplacement, de représentation, de louer des locaux. Il a enfin fait valoir que les « gestionnaires », qui bien souvent, n'avaient pas de compétence particulière pour gérer des crédits, car ce n'était pas leur métier, se trouvaient obligés, faute de gestion centralisée par la chancellerie, de saisir eux-mêmes leurs écritures comptables dans l'application informatique « COREGE », pourtant considérée comme complexe par les spécialistes.

Il a expliqué que « l'absurde avait heureusement quelques limites », notant que lorsque les différents services de l'Etat partageaient leurs locaux, ce qui n'était pas toujours le cas, il existait systématiquement des conventions de répartition des charges de téléphone, d'eau et d'électricité, afin que chacun ne gère pas uniquement son propre abonnement.

Pour le reste, il lui a semblé que deux termes s'appliquaient à la gestion concrète des crédits dans le réseau français à l'étranger : cloisonnement et indépendance, ces deux termes masquant parfois de forts égoïsmes administratifs, liés à des antagonismes historiques entre ambassades et missions économiques, par exemple. Il a indiqué avoir noté, au cours de ses déplacements, une absence de cohérence des règles de gestion des recrutés locaux, observant qu'il n'y avait pas nécessairement de « pools » de voitures, pas d'obligation de mener une politique immobilière commune. Il a fait remarquer qu'un rapport de l'Inspection générale des finances de juin 2005 avait noté qu'à Washington, les fournitures de bureau, les prestations d'entretien ou les leçons d'anglais faisaient l'objet de plus de 10 commandes séparées. Il a expliqué qu'à Madrid, au contraire, un seul marché, pour l'ensemble des services, avait été passé s'agissant des fournitures de bureau, mais que cela était le fruit d'initiatives individuelles, et non d'une politique de gestion interministérielle.

Il a expliqué que, sur le plan informatique, par voie de conséquence, on remarquait le même cloisonnement, et que l'on ne comptait ainsi pas moins de trois applications de gestion à l'étranger : COREGE, pour le Quai d'Orsay, CIRCEE, pour les missions économiques, et ASTREE/NDL pour le réseau comptable. Il a regretté que ces trois applications aient été développées de manière indépendante, mais pourtant quasi simultanément, notant de plus, qu'au 1er janvier, il n'existait aucune interface entre les trois applications, ce qui obligeait certains agents à des ressaisies fastidieuses. Il a jugé que, plus que jamais, la préconisation du rapport d'information de M. Jean Arthuis sur l'informatisation de l'Etat, visant à mettre en place un pilotage des projets informatiques, était d'actualité.

M. Adrien Gouteyron a considéré que, l'émiettement dans la gestion des crédits à l'étranger entraînait des « absurdités » et des surcoûts, citant, au titre des « absurdités », la solitude des petits services face aux problèmes de gestion complexes (contentieux du droit du travail, immobilier...), l'absence de taille critique des fonctions administratives à l'étranger, qui ne permettait pas l'emploi de compétences de bon niveau, et, enfin, selon le rapport précité de l'Inspection générale des finances, le sous-emploi de certains personnels de chancellerie affectés aux tâches administratives et financières. Au titre des surcoûts, il a énuméré ceux liés à des achats dispersés, à l'absence de mutualisation du parc automobile, et surtout les doublons dans les fonctions « supports », notamment entre les missions économiques et le Quai d'Orsay. Dans la continuité du travail de l'Inspection générale des finances, il a indiqué avoir calculé le pourcentage des effectifs de l'Etat affectés aux fonctions « supports » à l'étranger, précisant que, pour l'Afrique du Sud, ce pourcentage atteignait 11,8 %, et, qu'en moyenne, le pourcentage des effectifs consacrés aux tâches administratives à l'étranger était de l'ordre de 10 %, alors que pour les entreprises françaises, le pourcentage des effectifs affectés aux fonctions « support » à l'étranger était plutôt de 5 à 6 %. Il a jugé qu'il semblait possible, s'agissant de l'Etat, de réduire les pourcentages de 2 points, à condition de mener une réforme ambitieuse. Il a, en effet, fait remarquer que la LOLF ne changerait rien dans le réseau français à l'étranger tant que les fonctions « support » n'auraient pas été réformées, regrettant que la réforme budgétaire et comptable ait précédé la réforme des administrations. Il a précisé que l'équation financière du Quai d'Orsay dans une période de nécessaire discipline budgétaire était simple : compte tenu du poids croissant des crédits affectés aux actions multilatérales, toute insuffisance ou retard dans la modernisation de la gestion se traduisait par des coupes dans le coeur de métier du Quai d'Orsay, les implantations diplomatiques et les emplois de diplomates.

Il a tenu à souligner que des progrès récents avaient certes été accomplis par le Quai d'Orsay dans la rationalisation de la gestion administrative et financière à l'étranger, expliquant que l'ambassadeur gérait désormais, en ce qui concernait la mission « Action extérieure de l'Etat », un budget pays, que la condition d'ordonnateur secondaire délégué avait été supprimée pour les consuls généraux, tous ces éléments permettant un certain regroupement des crédits de fonctionnement. Il a indiqué, par ailleurs, qu'une circulaire du 18 juillet 2005 avait mis en place des services administratifs et financiers uniques (SAFU) à l'étranger, que des expérimentations avaient été menées dans cinq postes, dont Londres. Dans la mesure où ces services administratifs et financiers uniques ne concernaient que le Quai d'Orsay, un audit de modernisation avait été lancé afin d'envisager une éventuelle extension aux autres ministères. Il a évalué à une fourchette entre 100 et 150 le nombre d'emplois pouvant ainsi être économisés dans le réseau français à l'étranger.

M. Adrien Gouteyron a cependant exprimé des craintes, soulignant une très vive résistance des missions économiques sur le sujet, alors que celles-ci étaient en train de créer leurs propres « services administratifs et financiers uniques » (SAFU) pour les crédits du pôle économique à l'étranger (missions économiques, conseillers financiers, attachés douaniers). Il a considéré l'éventualité d'avoir, dans quelques mois, à l'étranger, la coexistence de deux SAFU. Il a indiqué, en outre, avoir remarqué à Pretoria, qu'existaient encore, même au sein du Quai d'Orsay, des responsables administratifs concurrents de celui de la chancellerie, le service culturel disposant ainsi de son propre secrétaire général. Enfin, il a montré que, même là où existaient des secrétaires généraux de chancellerie, qui étaient des chefs de services administratifs et financiers aux responsabilités significatives, ceux-ci n'avaient pas compétence pour les questions transversales importantes. Il a ainsi précisé qu'à Londres, il n'incombait pas au secrétaire général de gérer le dossier de la rationalisation de l'immobilier du Quai d'Orsay, mais au premier conseiller.

Compte tenu de cette réalité, il a préconisé plusieurs mesures :

- au niveau local, la création de structures de gestion réellement uniques, des SAFU interministériels, pour l'ensemble des crédits de fonctionnement à l'étranger, pilotées par un « secrétaire général », doté d'attributions larges (gestion administrative des expatriés et des recrutés locaux, protocole, biens immobiliers et mobiliers, achats, conseil juridique....) ;

- au niveau global, la conception d'un programme « support », regroupant la plupart des crédits de fonctionnement des services de l'Etat présents à l'étranger, figurant au sein de la mission « Action extérieure de l'Etat », géré par le Quai d'Orsay et décliné en budgets opérationnels de programme au niveau déconcentré, afin de tirer parti du principe de fongibilité des crédits. Il a fait valoir que le corollaire de ce nouveau programme paraissait être la création d'une mission « Action extérieure de l'Etat » devenue interministérielle, incluant un programme « missions économiques ».

Il a appelé à prendre certaines précautions pour que ces réformes puissent réussir, appelant ainsi à :

- un pilotage de la réforme depuis Paris, avec une personne spécialement en charge de mission auprès du directeur général de l'administration du Quai d'Orsay ;

- une clarification, dans les ambassades, des rôles entre le futur secrétaire général et le premier conseiller, qui était normalement chargé de la gestion de l'ambassade ;

- un recours aux compétences, pour la fonction de secrétaire général, là où elles étaient, en faisant appel, le cas échéant, à des personnels provenant du pôle économique (missions économiques, trésorerie) ;

- une résolution de quelques points techniques, comme, par exemple, les conditions dans lesquelles s'appliquait la distinction « ordonnateur - comptable (régisseur) » dans ces nouvelles structures de gestion.

Il a enfin appelé à veiller à ce que la création du secrétariat général se fasse à effectifs quasi constants, afin d'éviter les ouvertures de postes qui ne manqueraient pas d'être demandées par les postes à l'étranger.

Un débat s'est ensuite engagé.

M. Jean Arthuis, président, a félicité le rapporteur spécial pour la grande qualité de son travail, qui montrait, selon lui, qu'il ne suffisait pas de mettre en oeuvre « administrativement » la nouvelle « Constitution financière » pour que celle-ci produise une amélioration de la gestion, et que l'inadaptation des outils informatiques, comme le cloisonnement des crédits, pouvaient neutraliser les bienfaits de la LOLF. Il a donc souhaité que M. Adrien Gouteyron puisse faire la même présentation devant la commission des affaires étrangères du Sénat, si celle-ci le souhaitait.

En réponse à M. Maurice Blin, M. Adrien Gouteyron a indiqué qu'il avait mené son travail de contrôle en application de l'article 57 de la LOLF, parallèlement à la mission d'audit lancée par M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, et menée par une équipe mixte composée de représentants de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires étrangères. Il avait été, par ailleurs, amené à rencontrer, à Londres, des responsables du « Foreign Office », qui lui avaient fait part de leurs difficultés à mesurer la performance de leur administration. Ils avaient cependant montré une certaine avance sur la France dans la rémunération au mérite. Il a jugé, enfin, que les mesures d'économies qui s'imposaient au Quai d'Orsay ne pouvaient se résumer, de manière trop simple, par des fermetures de postes diplomatiques ou consulaires, même si certaines implantations consulaires en Europe pouvaient, le cas échéant, être remises en cause. Il fallait davantage chercher des gains de productivité dans la modernisation de la gestion, par l'application du principe de fongibilité des crédits.

En réponse à M. Paul Girod, M. Adrien Gouteyron a fait valoir que les gains pouvant résulter de ses préconisations étaient liés, d'une part, à une réduction de 100 à 150 emplois, et d'autre part, à des économies résultant de la mutualisation des achats et de certaines fonctions au niveau déconcentré.

Il s'est enfin montré d'accord avec M. Jean-Jacques Jégou pour considérer que la LOLF était utilisée comme un « bouc émissaire » facile pour la rigueur budgétaire ou les difficultés informatiques que vivaient certaines administrations, regrettant que si la formation à la LOLF avait bien pris en compte les aspects comptables, il n'en était pas de même pour la philosophie de la gestion qui devait en résulter.

La commission a enfin, à l'unanimité, donné acte à M. Adrien Gouteyron de sa communication et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Présidence conjointe de M. Jean Arthuis, président, et de M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. -.

Audiovisuel et médias - Réforme de la redevance audiovisuelle - Audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat

Au cours d'une troisième séance tenue dans l'après-midi, conjointement avec la commission des affaires culturelles, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'Etat, sur la réforme de la redevance audiovisuelle.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est félicité de l'organisation de cette audition conjointe avec la commission des affaires culturelles, afin de dresser un premier bilan de la réforme de la redevance audiovisuelle, dont le recouvrement avait été adossé, pour la première fois en 2005, à celui de la taxe d'habitation.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, a tenu à remercier la commission des finances de prolonger ainsi le débat sur la redevance audiovisuelle qui s'était tenu lors de la discussion du projet de loi de finances, et au cours duquel les deux commissions avaient exprimé des sensibilités différentes. Toutefois, il a rappelé que les parlementaires appartenant à la majorité de chacune des deux commissions s'étaient retrouvés dans un vote favorable à la réforme.

Il a relevé la nécessité, selon lui, de clarifier le statut de la redevance audiovisuelle, qui ne faisait pas partie des prélèvements obligatoires, mais était souvent perçue comme un impôt. Il a exprimé sa conviction que les organismes audiovisuels publics devaient disposer des moyens nécessaires à leur développement dans un contexte de concurrence avec le secteur privé.

M. Jean-François Copé s'est déclaré très heureux d'avoir ainsi l'occasion, pour la première fois depuis le débat budgétaire, de discuter d'une réforme qu'il a qualifiée d'emblématique pour les finances publiques et la réforme de l'Etat. Il a détaillé ensuite les quatre principaux objectifs de la réforme de la redevance audiovisuelle : simplifier la redevance pour le contribuable, moderniser le service public, rendre la redevance plus juste et dégager des ressources nouvelles pour le financement de l'audiovisuel public, sans augmentation de la redevance.

Tout d'abord, il a souligné la simplification opérée pour le contribuable avec l'adossement pour les particuliers à la taxe d'habitation : une seule redevance est due par foyer, et un seul avis d'imposition est émis au titre de la taxe d'habitation et de la redevance audiovisuelle.

Sur ce point, il a annoncé que la phrase relative à la non-détention d'une télévision figurant sur la déclaration de revenus serait simplifiée, afin de lever les ambiguïtés qui avaient pu apparaître l'an passé. Ensuite, il a rappelé qu'il n'y avait pas eu de double imposition, même temporaire, à la redevance audiovisuelle : pour les personnes ayant acquitté une redevance en 2004, la redevance à payer en 2005 concernait la période postérieure à celle couverte par la redevance payée en 2004. Enfin, il a reconnu certaines difficultés pratiques, inhérentes à la mise en oeuvre de toute réforme d'envergure, dans la conservation des droits acquis au titre des exonérations, en relevant que plus de 635.000 dégrèvements avaient été accordés à la suite de réclamations. Il a précisé que les services fiscaux avaient reçu pour consigne de procéder à un dégrèvement de la redevance, dès lors que le contribuable déclarait ne pas détenir de poste, mais que les contrôles effectués a posteriori devraient permettre de détecter les éventuels abus.

Ensuite, il a exposé que le deuxième axe de la réforme était la modernisation du service public : l'adossement du recouvrement à un impôt existant avait permis de dégager des économies de gestion substantielles, en redéployant 1.000 des 1.400 agents du service de la redevance, fermé le 1er octobre 2005, vers d'autres activités, afin notamment d'améliorer la qualité de service aux usagers. Il a souligné que les 400 agents non redéployés, parmi les 1.400 agents que comportait l'ancien service de la redevance audiovisuelle, avaient été affectés à des missions de contrôle au sein des trésoreries générales. Ainsi, il s'est félicité d'une réduction des coûts de gestion, dont le montant avait diminué de 74 millions d'euros en 2004 à 66 millions d'euros en 2005 et devait baisser encore plus fortement en 2006, première année pleine de mise en oeuvre de la réforme.

En troisième lieu, il s'est réjoui que la redevance soit devenue plus juste, grâce à l'alignement des dégrèvements de redevance sur ceux de la taxe d'habitation. Il a observé que près d'un million de foyers supplémentaires, aux revenus modiques, avaient bénéficié de dégrèvements. Il a précisé que cet élargissement avait bénéficié principalement à des personnes âgées de 60 à 65 ans et à des titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI). Il a détaillé que la réforme avait porté à 5.150.000 le nombre de foyers bénéficiaires d'une telle mesure en application des dispositions législatives, auxquels s'ajoutaient 176.000 dégrèvements accordés à titre contentieux ou gracieux pour motifs sociaux, sur un total de 24.841.000 redevables assujettis.

Enfin, il a rappelé que la réforme avait permis de dégager des ressources nouvelles pour le financement des organismes de l'audiovisuel public, alors que le taux de la redevance avait été maintenu et avait même légèrement diminué de 50 centimes d'euro, du fait des arrondis.

Il a précisé que la réforme avait suscité des recettes brutes en hausse de 47 millions d'euros par rapport aux résultats réalisés en 2004 : ainsi, les ressources nettes s'étaient élevées à 2.193 millions d'euros en 2005, en progression de 54 millions d'euros par rapport à 2004, soit + 2,5 %, en intégrant la diminution des frais de gestion. 

Toutefois, il a observé que les recettes nettes étaient inférieures de 9 millions d'euros à la prévision de la loi de finances initiale, et de près de 30 millions d'euros aux données de la loi de finances rectificative. Cependant, il a estimé que cette erreur de prévision de l'ordre de 1 % restait, selon lui, modeste, au regard de l'ampleur de la réforme.

Il a ajouté que ces moins-values avaient été sans effet pour les organismes de l'audiovisuel public, puisqu'elles avaient été complétées par un abondement du budget général, conformément au dispositif de garantie des ressources adopté en loi de finances initiale.

En conclusion, il a exprimé sa ferme volonté de poursuivre les efforts déjà engagés.

Un large débat s'est alors instauré.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est félicité que la réforme se soit traduite par une organisation plus efficace du service de recouvrement, tout en souhaitant disposer de précisions sur les reclassements ainsi opérés.

Par ailleurs, il a interrogé le ministre sur sa réaction au récent rapport de l'inspection générale des finances (IGF) concernant les progrès de gestion que pouvait accomplir France Télévisions, et notamment France 3.

M. Jean-François Copé a indiqué que 1.014 emplois avaient été redéployés, dont 477 dans les réseaux du Trésor public et 537 affectés à de nouvelles tâches liées à la qualité du service public. Il a rappelé que près de 800 suppressions d'emplois étaient opérées à la direction générale de la comptabilité publique en 2006.

S'agissant du rapport précité de l'IGF, il a souhaité que les orientations de l'audit soient mises en oeuvre par France Télévisions, afin que la holding du groupe devienne un véritable centre de direction générale, alors que, par exemple, dans l'organisation actuelle, les antennes régionales de France 3 disposaient chacune d'une direction des ressources humaines. Il a également souhaité qu'une réflexion s'engage sur les gains de productivité susceptibles d'être réalisés s'agissant de la définition des métiers de l'information, dans un contexte où des défis tels que la haute définition impliquaient des investissements majeurs. Il a précisé avoir indiqué au président de France Télévisions que cette « démarche interactive » devait être intégrée dans le contrat d'objectifs et de moyens qui devait être signé d'ici à l'été 2006.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que, conformément aux dispositions de l'article 168 de la loi de finances pour 2006, les contrats d'objectifs et de moyens étaient soumis, avant leur signature, aux commissions chargées des finances et des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat.

M. Claude Belot, rapporteur spécial des crédits de la mission « Médias » au nom de la commission des finances, a rappelé qu'il ne faisait pas partie des partisans les plus enthousiastes de la réforme, suite notamment au contrôle sur pièces et sur place qu'il avait conduit, en application de l'article 57 de la LOLF, au centre de Rennes. Il avait pu y apprécier le professionnalisme des agents du service de la redevance audiovisuelle. A cet égard, il a mis en exergue le contenu de l'amendement d'origine parlementaire qui avait permis d'opérer des recoupements avec les fichiers de la taxe d'habitation. Enfin, il a relevé l'efficacité dont faisaient également preuve les agents anciennement en charge du service de la redevance audiovisuelle, s'agissant de leurs nouvelles activités de surveillance liées aux radars automatiques.

A cet égard, il a déploré la difficulté à conduire des réformes dans le secteur de la communication, en citant l'exemple des propositions qu'il avait formulées lors de la récente audition pour suite à donner à l'enquête demandée par la commission des finances à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, relative au Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER). Malgré la relative modicité des sommes en jeu, de l'ordre de 25 millions d'euros, il a regretté l'ampleur des réactions, disproportionnées, aux souhaits qu'il avait formulés, au nom de la commission des finances, afin d'améliorer le fonctionnement du FSER sans remettre en cause le lien entre la taxe affectée au fonds et la ressource garantie aux radios libres. Enfin, il a précisé avoir fait part de ses observations au syndicat national des radios libres.

Tout en observant que la clause de garantie des ressources avait dû s'appliquer, il a souhaité disposer de précisions quant au nombre de redevables exonérés du paiement de la redevance audiovisuelle selon les différents cas de figure : non-détention d'un appareil récepteur, exonération selon les critères légaux ou remise gracieuse au regard de la situation sociale, en demandant que soient distinguées les informations communiquées lors des déclarations à l'impôt sur le revenu, puis après réception de l'avis d'imposition à la taxe d'habitation.

Puis il s'est interrogé sur la possible évolution de la définition du fait générateur de la redevance audiovisuelle, au regard de la multiplication des moyens d'accès à la télévision, notamment par ligne numérique à paires asymétriques (« Asynchronous digital suscriber line » [ADSL]).

M. Jean-François Copé a précisé que le nombre de personnes ayant déclaré ne pas détenir un poste de télévision s'était élevé à 11 % pour l'année 2005, en observant que 10,1 % des redevables à l'impôt sur le revenu avaient indiqué ne pas posséder d'appareil récepteur de télévision lors de leur déclaration de revenus. Il a noté que ce taux moyen recouvrait de fortes disparités, puisque la déclaration de non-détention d'un appareil de télévision variait fortement selon les départements, entre 5,5 % dans le Pas-de-Calais et 21 % à Paris.

Dans la mesure où le taux d'équipement des ménages en appareil récepteur de télévision était estimé à 95 % (soit un taux de non-détention de 5 %), il a justifié l'écart avec le taux de 11 % pour les foyers fiscaux par les différences de définition retenue dans l'un et l'autre cas. Il a observé que certains contribuables avaient, de surcroît, coché la case correspondante, car ils bénéficiaient des dispositifs d'exonération légale, afin d'avoir une garantie supplémentaire qu'ils ne seraient pas imposés.

S'agissant du fait générateur de la redevance audiovisuelle, il s'est déclaré prêt à travailler avec la représentation nationale pour examiner précisément ce difficile sujet.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souhaité disposer de précisions quant à l'assujettissement à la redevance audiovisuelle des gens du voyage, suite à l'adossement du recouvrement de la redevance à la taxe d'habitation.

M. Jean-François Copé a noté que le dispositif de vignette qui se mettrait en place pour la taxe d'habitation due par les gens du voyage pourrait prendre en compte la redevance audiovisuelle, tout en reconnaissant que cette question n'avait pas pu être pleinement traitée en 2005.

Après avoir souligné le développement de la diffusion de services télévisés par internet haut débit, M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis de la mission « Médias » au nom de la commission des affaires culturelles, a suggéré la création d'un groupe de travail consacré aux éventuelles conséquences des nouvelles technologies sur les encaissements de redevance.

Rappelant que la commission des affaires culturelles avait émis de sérieux doutes quant aux résultats attendus de la réforme du recouvrement de la redevance, il s'est interrogé sur les modalités de mise en oeuvre de cette dernière, notamment en matière de renforcement des contrôles. Il a souligné, à cet égard, que le rendement de certaines taxes, comme celle chargée autrefois d'alimenter le fonds de modernisation de la presse, était longtemps demeuré en deçà des prévisions, faute de contrôles efficaces effectués par les trésoriers payeurs généraux.

Soulignant que 95 % des radars routiers étaient disposés le long des routes départementales, il a souhaité que le produit des amendes encaissées à ce titre soit attribué aux conseils généraux.

Il s'est enfin demandé si, à l'occasion de la prochaine renégociation des contrats d'objectifs et de moyens des sociétés nationales de programmes, le ministère du budget envisageait d'évaluer précisément le coût des missions de service public qui leur sont imposées.

Concernant le contrôle des particuliers, M. Jean-François Copé a déclaré que l'objectif était de vérifier la véracité des informations fournies à l'administration fiscale par l'intermédiaire de contrôles sur pièces et sur place. Considérant l'augmentation des contrôles comme la contrepartie de la réforme, il a affirmé son intention d'accroître l'efficacité de ces derniers.

Depuis 2005, des contrôles sur pièces sont organisés en croisant les fichiers transmis par la direction générale des impôts recensant les contribuables imposés à la taxe d'habitation déclarant ne pas avoir de télévision et les fichiers des vendeurs de récepteurs. Sur les 78.000 redevables ayant fait l'objet de ce type de recoupement, 33 % ont déclaré détenir un téléviseur et ont par conséquent reçu un rôle, 30 % ont maintenu leur déclaration initiale de non-détention, 23 % n'ont pas répondu et 7 % n'habitent pas à l'adresse indiquée. La procédure de rectification contradictoire a été engagée le 8 mars pour les personnes n'ayant pas répondu et a abouti, le cas échéant, à leur condamnation à payer les amendes définies par le code général des impôts.

Il a estimé que le contrôle des professionnels, réalisé sur place depuis janvier 2006, et le contrôle des vendeurs de récepteurs permettant de vérifier l'existence d'une déclaration de chaque vente de récepteur et l'envoi de cette déclaration au pôle national, ne posaient, quant à eux, pas de difficultés particulières.

Il a affirmé que l'évaluation des coûts de service public de France Télévisions serait au coeur des prochaines négociations relatives à la redéfinition du contrat d'objectifs et de moyens qui lient cette société à l'Etat. Précisant qu'il souhaitait éviter les contrats trop littéraires, il a affirmé que France Télévisions, à l'image des ministères, devait respecter les principes de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) et s'inscrire dans une démarche de performance.

Rappelant que le produit net de la redevance pour 2005 avait été surestimé, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé s'il convenait d'ores et déjà de songer à rectifier les prévisions pour 2006.

M. Jean-François Copé a rappelé que le produit de la collecte de la redevance se décomposait de la manière suivante : 1.973 millions d'euros pour la redevance de l'année due par les particuliers, 78 millions d'euros dus par les professionnels et 208 millions d'euros concernant les recouvrements au titre des années antérieures. Compte tenu de la diminution des frais d'assiette, les recettes nettes se sont, par conséquent, élevées à 2.193 millions d'euros, soit 54 millions d'euros de plus par rapport à 2004.

Il a estimé que la différence de 9 millions d'euros constatée par rapport aux prévisions pour 2005 s'expliquait par les difficultés liées à la mise en place de la réforme. Après avoir affirmé que les résultats pour 2006 devraient être en ligne avec les prévisions, il a toutefois reconnu que, si les choses ne se passaient pas comme prévu, et en dépit de l'existence d'une garantie de ressources pour les organismes de l'audiovisuel public, une rectification des chiffres était envisageable.

M. Ivan Renar a regretté, pour sa part, que la redevance audiovisuelle d'abonnement du citoyen au service public de la télévision et de la radio se soit progressivement transformée en impôt sur le récepteur audiovisuel. Constatant qu'il était désormais inenvisageable d'en augmenter le taux, il s'est demandé de quelle manière pouvaient être financées les missions spécifiques attribuées aux sociétés nationales de programmes.

M. Jean-François Copé a noté que le terme de redevance avait toujours été utilisé de manière impropre et qu'il s'agissait, dans les faits, d'une taxe parafiscale, devenue maintenant une taxe affectée. Soulignant que la légitimité de la redevance était depuis longtemps contestée sur tous les bancs du Parlement, il a toutefois constaté qu'elle était sans cesse reconduite.

M. Jean-Jacques Jégou a souhaité obtenir des précisions concernant le redéploiement des personnels du service de la redevance. Il a, notamment, voulu savoir si les 800 postes supprimés à la direction générale de la comptabilité publique ne l'auraient pas été en l'absence de réforme de la collecte de cette taxe, et si, par conséquent, il n'aurait pas pu être attendu une baisse plus importante des dépenses de personnel de l'Etat.

M. Jean-François Copé a rappelé que sur les quelque 1.400 agents concernés, 477 ont été affectés dans les services du réseau du Trésor public, 537 dans les nouvelles activités et 400 aux missions de contrôle et intégrés dans les effectifs des trésoreries générales. Ces derniers restent donc affectés au contrôle de la redevance pour une mission qui n'était pas, jusqu'alors, de la compétence des trésoreries générales.

Il a affirmé qu'il n'était pas envisageable de supprimer 1.000 agents immédiatement et qu'il appartenait désormais à chaque centre ayant récupéré de nouveaux effectifs de les intégrer progressivement.

Considérant que la notion de « poste de télévision » allait disparaître, M. Yann Gaillard a souhaité savoir s'il existait une réflexion relative à l'évolution des techniques de réception de la télévision et aux conséquences fiscales et financières de celle-ci.

M. Jean-François Copé a estimé que cette préoccupation était un sujet majeur, rejoignant les préoccupations de M. Louis de Broissia concernant l'adaptation de France Télévisions aux nouvelles technologies. Dans ces conditions, il a déclaré qu'il convenait de mener une réflexion en profondeur afin que le droit fiscal ne soit pas déconnecté de la réalité.

Remarquant que le taux de redevance applicable aux départements et territoires d'outre mer était moins élevé que celui fixé pour la France métropolitaine, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé si ceux-ci recevaient l'ensemble des chaînes publiques de radio et de télévision.

M. Jean-François Copé a indiqué que les départements et les territoires d'outre-mer recevaient RFO et la plupart des chaînes de service public.

En guise de conclusion, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, ont remercié M. Jean-François Copé pour son intervention et les précisions ainsi apportées concernant un sujet d'intérêt commun aux deux commissions.

Jeudi 23 mars 2006

- Présidence de M. Jean Arthuis, président.

Droit des sociétés - Offres publiques d'acquisition - Examen des amendements en troisième lecture

La commission a procédé à l'examen des amendements en troisième lecture sur le projet de loi n°  262 (2005-2006) relatif aux offres publiques d'acquisition, sur le rapport de M. Philippe Marini, rapporteur général.

En remplacement de M. Philippe Marini, rapporteur général, M. Jean Arthuis, président, a rappelé que l'examen de ce projet de loi parvenait à son terme avec cette troisième lecture, pour laquelle trois amendements avaient été déposés par le groupe socialiste, alors que la commission avait lors de sa réunion du mercredi 22 mars préconisé l'adoption, sans modifications, des dispositions des quatre articles du projet de loi encore en discussion.

M. François Marc s'est livré à une présentation globale de ces amendements, rappelant qu'ils reprenaient pour l'essentiel une argumentation déjà développée lors de la deuxième lecture. Dénonçant les « dérives du capitalisme financier », il a considéré que le projet de loi aurait pu proposer une transposition plus pertinente de la directive n° 2004/25/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant les offres publiques d'acquisition, et que les amendements qu'il avait déposés défendaient, à ce titre, une conception alternative. Il a également estimé que le nouveau dispositif des bons de souscription d'actions (BSA) témoignait du maintien d'une prééminence des actionnaires, enclins, selon lui, à maximiser leur profit à court terme au détriment de la stratégie de long terme de la société cible d'une offre.

Après que M. Jean Arthuis, président, eut rappelé que ces amendements étaient parfaitement compatibles avec la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel, la commission a procédé à leur examen.

A l'article 10 (approbation préalable ou confirmation des mesures de défense par l'assemblée générale en période d'offre), elle a donné un avis défavorable aux amendement n°s 1 et 2 de M. François Marc, portant respectivement sur la transposition facultative de l'article 9 de la directive précitée et sur la suppression du dispositif des BSA susceptibles d'être émis en période d'offre, après une intervention de M. Jean Arthuis, président, précisant que des débats avaient déjà eu lieu en deuxième lecture sur ces points et que les BSA ne constituaient pas, nécessairement, la mesure de défense la plus efficace, mais venaient utilement compléter les instruments existants.

A l'article 11 (clause de réciprocité), la commission a donné un avis défavorable à l'amendement n° 3 de M. François Marc, portant suppression de cet article.

Répondant à M. Roland du Luart, qui s'interrogeait sur l'esprit de l'amendement n° 1, dès lors que le principe d'approbation ou de confirmation préalable des mesures de défense par l'assemblée générale des actionnaires relevait, selon lui, d'une exigence de bonne gouvernance, M. François Marc a considéré que la période requise pour la consultation et la convocation de l'assemblée générale rendait, en réalité, plus difficile la mise en place de mesures de défense par l'organe de direction.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que les dirigeants, en période d'offre publique, pouvaient aussi avoir des intérêts distincts de ceux de l'entreprise, et qu'une offre publique d'acquisition réussie était plus susceptible de porter préjudice aux salariés des fournisseurs qu'à ceux de la société cible.