Mercredi 30 janvier 2008

- Présidence de Mme Gisèle Gautier, présidente. -

Orientation et insertion professionnelles - Table ronde réunissant les représentants des associations de parents d'élèves

La délégation a procédé à l'audition, dans le cadre d'une table ronde, de M. Faride Hamana, président de la Fédération des conseils de parents d'élèves des écoles publiques (FCPE), de Mme Corinne Tapiero, vice-présidente de la Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP), accompagnée de Mme Bernadette Crenet-Held, trésorière-adjointe de la PEEP, de Mme Dominique Dhooge, membre du bureau national de l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL), accompagnée de M. Christophe Abraham, délégué aux relations extérieures de l'UNAPEL, de Mme Anna Ang, secrétaire générale de l'Union nationale des associations autonomes de parents d'élèves (UNAAPE), accompagnée de Mme Marie-Christine Buge-Longour, présidente de l'Union régionale des associations autonomes de parents d'élèves (URAAPE) d'Ile-de-France.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a rappelé les raisons pour lesquelles la délégation avait décidé de rechercher les voies d'un rééquilibrage entre femmes et hommes dans tous les métiers, en rappelant les inégalités qui peuvent être observées aujourd'hui en matière d'orientation et d'accès à certaines filières, notamment techniques ou scientifiques. Puis elle a demandé aux représentants des parents d'élèves de préciser quels étaient, dans ce domaine, leurs interlocuteurs privilégiés et leurs méthodes de travail.

M. Faride Hamana a insisté sur le besoin d'information des familles et des élèves, tout particulièrement à l'occasion des deux principaux paliers d'orientation que constituent les classes de troisième et de terminale. Il a ensuite souligné sa préoccupation à l'égard des familles dont les enfants s'orientent vers l'enseignement professionnel et appelé l'attention sur un certain nombre de filières professionnelles du secteur tertiaire, dépourvues de débouchés réels sur le marché de l'emploi. Puis il a regretté que certains enseignants ne soient pas toujours bien formés aux mécanismes de l'orientation et continuent parfois à se référer à des schémas préconçus au plan scolaire ou professionnel. Il a également souhaité un effort accru de la part des entreprises pour permettre aux femmes de prendre toute leur place dans les filières industrielles et technologiques.

M. Faride Hamana a signalé qu'un grand nombre de parents se trouvaient aujourd'hui en situation de « quête d'information », comme en témoigne leur comportement lors des salons consacrés à l'éducation et à l'orientation. Il a évoqué, dans l'enseignement agricole, l'exemple de la filière hippique, à présent très majoritairement féminisée, mais sans débouchés professionnels satisfaisants. Plus généralement, il a déploré que certains chefs d'établissements cherchent à « remplir » certaines filières professionnelles, sans prêter une attention suffisante à leur adaptation au marché de l'emploi.

Mme Corinne Tapiero a, en préambule, résumé sa position en indiquant que l'école péchait par une efficacité insuffisante en matière d'orientation et d'information. Elle s'est ensuite dite gênée par la pratique de l'orientation « par défaut » vers les formations de l'enseignement professionnel, en rappelant que celles-ci avaient également vocation à être des voies d'excellence. A propos de la féminisation de l'Education nationale, elle a rappelé qu'au cours des années 1974-1981, la montée du chômage avait eu pour effet d'attirer vers la fonction d'enseignant des femmes soucieuses de concilier leur vie familiale et professionnelle. Elle a estimé que la raréfaction des enseignants masculins pouvait avoir des conséquences dommageables pour l'équilibre des élèves.

Par ailleurs, elle a regretté que certains enseignants n'aient, au cours de leur vie professionnelle, aucun contact avec le monde de l'entreprise. Elle a ensuite souligné les inégalités territoriales de l'offre de formation professionnelle, avant de faire observer que la filière de l'enseignement agricole offre bien des débouchés, mais non dans le secteur hippique, où les jeunes filles sont majoritairement présentes. Elle a enfin relevé les difficultés concrètes d'accès des filles à certains stages à connotation très « physique », ainsi que la moindre mobilité professionnelle des femmes déjà engagées dans la vie familiale.

Mme Bernadette Crenet-Held a alors fait observer que les femmes avaient bien souvent des perspectives de carrière moins attractives que celles des hommes, tout particulièrement lorsqu'elles se dirigent vers des filières techniques ou scientifiques, et que, dans le monde de l'entreprise, elles étaient souvent pénalisées par les interruptions de carrière liées à l'éducation des enfants.

Après avoir regretté à son tour l'orientation « par défaut » vers l'enseignement professionnel, Mme Dominique Dhooge a souligné la nécessité de préparer très en amont l'orientation et de développer l'aide à la parentalité pour permettre aux familles de réactualiser certains schémas de réussite professionnelle ou scolaire, aujourd'hui dépassés. Elle a précisé, à la demande de Mme Gisèle Gautier, présidente, les moyens par lesquels l'Union nationale des associations de parents d'élèves de l'enseignement libre (UNAPEL) s'efforçait d'y concourir, grâce notamment à des permanences téléphoniques, à diverses publications et à un site Internet. Puis elle a analysé, à partir de l'exemple de la présence croissante des femmes dans le secteur médical, la complexité des processus selon lesquels les filles ont, en moyenne, de meilleurs résultats que les garçons aux examens et concours, mais opèrent des choix d'orientation différents en fonction de leurs attentes familiales et professionnelles.

M. Christophe Abraham a tout d'abord évoqué les dysfonctionnements actuels du système de l'orientation, qui sont susceptibles de causer de graves dégâts, et a estimé qu'il faudrait repenser ce système. Soulignant que les parents devaient être de véritables acteurs de l'orientation, il a indiqué, qu'à l'heure actuelle, les représentants des associations de parents avaient parfois des difficultés à trouver leur place dans les établissements pour y jouer leur rôle d'information auprès des élèves et de leurs parents, et tout particulièrement auprès des familles en difficulté. Il a ensuite rappelé que la plupart des femmes avaient la volonté de concilier leur vie professionnelle et familiale, et a jugé nécessaire que les entreprises facilitent cette conciliation, en évoquant la convention nationale pour la mise en oeuvre de la découverte des métiers et des professions, signée le 22 novembre 2007 entre le ministère de l'éducation nationale, le Medef, les organisations interprofessionnelles et les fédérations de parents d'élèves. Il a enfin souhaité un renforcement du rôle des régions en matière d'orientation et d'information sur les métiers dans les bassins locaux d'emploi.

Mme Christine Buge-Longour a, au préalable, observé que « plus de filles sont prêtes à faire de la mécanique que de garçons à faire de la couture ». Puis elle a souligné la nécessité de bien distinguer, en fin de classe de 3e, les orientations de nature scolaire, vers des études longues, de celles qui ont une finalité d'insertion professionnelle directe. Elle a également évoqué la difficulté, pour les familles et les acteurs de l'orientation, de connaître la totalité des branches et des métiers, alors même que ceux-ci sont en évolution permanente.

Mme Christine Buge-Longour a précisé que l'on était plus souvent soucieux de l'« affectation » des filles dans des établissements où un accueil satisfaisant peut leur être réservé, que de leur orientation professionnelle stricto sensu. A cet égard, elle a témoigné de ce qu'un grand nombre de chefs d'établissement étaient en fait ravis d'accueillir des jeunes filles dans des filières traditionnellement considérées comme masculines. Elle a également préconisé un accompagnement personnalisé des jeunes filles durant toute leur scolarité, et non pas seulement les premiers temps de leur arrivée dans un établissement. Elle a enfin estimé que la validation des acquis professionnels était particulièrement nécessaire, quoique très difficile, pour les femmes qui n'ont pas de parcours professionnels linéaires. Elle a d'ailleurs souligné que bien des femmes exerçaient des formes d'activité autres que des formes d'activité rémunérées.

Mme Anna Ang a, de façon générale, appelé à travailler de façon plus efficace dans les établissements scolaires. Elle a illustré son propos en évoquant la multiplication, dans une même section professionnelle, d'options mal connues, et les incertitudes que suscite cette extrême spécialisation au moment de l'orientation, faute d'une information suffisante. Elle a ensuite recommandé de développer les interventions des entreprises dans les établissements scolaires, ainsi que l'organisation de journées « portes ouvertes », pour susciter la réflexion des élèves et éclairer concrètement leur prise de décision au moment de l'orientation.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a alors interrogé les intervenants sur leurs relations avec les conseillers d'orientation et sur leurs réflexions en matière de formation des enseignants à l'orientation. Elle s'est enfin demandé qui, des familles, des enseignants, des conseillers d'orientation ou des élèves décidait réellement de l'orientation.

Mme Corinne Tapiero a constaté que la plupart des parents ne se rendaient dans les centres d'information et d'orientation (CIO) que lorsqu'ils avaient préalablement élaboré un projet d'orientation pour leur enfant. Elle a, en revanche, signalé que parmi les parents qui auraient le plus besoin d'un appui, certains d'entre eux, paralysés par la crainte de l'échec scolaire ou professionnel, n'osaient pas s'y adresser. Elle a ensuite insisté sur la nécessité du respect, par les élèves et les familles, de l'autorité, de la transmission du savoir et des règles de fonctionnement des classes. Rappelant qu'in fine les décisions d'orientation étaient prises par l'administration, alors que celle-ci échoue parfois en procédant à des orientations « par défaut », elle a signalé que, de façon générale en Europe, les parents souhaitaient jouer un rôle plus décisif en matière d'éducation et d'orientation. Elle s'est enfin vivement inquiétée des conséquences à long terme des mécanismes actuels d'orientation « par défaut » vers des filières supposées moins valorisantes, qu'elle a considérées comme contribuant à construire la « nouvelle pauvreté de demain ».

Mme Anna Ang a alors évoqué les disparités entre les établissements scolaires et l'implication variable des chefs d'établissement en matière d'orientation.

A propos des conseillers d'orientation, M. Faride Hamana a souhaité que l'accès à cette profession ne soit pas réservé aux seuls psychologues et que l'on diversifie leur recrutement en faisant appel à d'autres filières de formation, par exemple les filières littéraires ou juridiques. Il a particulièrement insisté sur la nécessité, pour les conseillers d'orientation, d'avoir une connaissance concrète des métiers, ancrée dans la réalité locale, et a considéré que les conseils régionaux avaient un rôle à jouer en la matière. Puis il a déploré la rigidité des procédures d'orientation et la désinvolture avec laquelle sont parfois prises des décisions engageant l'avenir des enfants, en faisant observer que les phénomènes de violence constatés dans certains lycées professionnels étaient parfois imputables à des erreurs d'orientation. Il a souhaité que les parents d'élèves jouent un rôle plus important en matière d'orientation, estimant qu'ils n'étaient pas des « êtres virtuels » déconnectés des réalités et que, la plupart du temps, le premier contact des élèves avec le monde professionnel passait par eux.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a estimé que les conseillers d'orientation-psychologues, conscients des remises en question dont ils font actuellement l'objet, étaient inquiets pour l'avenir de leur profession.

M. Yannick Bodin a souhaité connaître les réactions des associations de parents d'élèves sur un certain nombre de questions.

En plein accord avec ces associations, il a dénoncé la pratique de l'Education nationale, qui créée parfois des filières professionnelles vers lesquelles des élèves sont orientés, à l'issue de la classe de 3e, sur le seul critère de leur appartenance au sexe féminin, et sans que l'on se préoccupe de la réalité des débouchés qu'offrent ces sections professionnelles, au risque que les élèves qui les ont suivies doivent se replier, en fin d'études, sur des métiers de caissières en supermarché qui ne correspondent pas à la formation qu'elles ont pourtant reçues.

Il a également déclaré partager le point de vue des associations sur le rôle que doivent, en ce domaine, jouer les régions, citant en exemple le schéma régional des formations entrepris, à sa demande, par la région Ile-de-France, en partenariat avec le ministère de l'éducation nationale, les parents d'élèves et les chambres des métiers ou de commerce, lorsqu'il était vice-président du conseil régional.

M. Yannick Bodin a souhaité savoir quel rôle pouvaient jouer les associations de parents d'élèves pour « casser » un certain nombre de déterminismes sociaux qui continuent de pénaliser les filles, soulignant la dimension culturelle de certains comportements liés à l'origine géographique des familles.

Il a également rappelé les constats qu'il avait pu opérer à l'occasion de la préparation du rapport que lui avait confié la commission des affaires culturelles sur le problème de la diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles : les filles, qui constituent 59 % des élèves admis au baccalauréat, ne fournissent que 41 % de l'effectif des classes préparatoires, sont surreprésentées dans les « prépas » littéraires, et dans une moindre mesure dans les « prépas » commerciales, mais sont minoritaires dans les classes scientifiques. Il a souligné que cette sous-représentation des filles dans les filières scientifiques ne pouvait s'expliquer par un phénomène de manque de places disponibles, dans la mesure où un grand nombre d'écoles d'ingénieurs indiquaient qu'elles pouvaient avoir jusqu'à 50 % de places non pourvues.

Evoquant, pour finir, la question de l'orientation, il a rappelé qu'au Québec, les enseignants ne se trouvaient pas seulement en charge de l'enseignement, mais aussi de l'éducation et de l'orientation de leurs élèves. Il a demandé aux associations si elles ne pensaient pas que l'orientation devrait davantage faire partie des fonctions des enseignants. Il a également tenu à dénoncer le sens péjoratif qu'avait pris, du fait de son utilisation, le mot « orientation », trop souvent assimilé à la notion d'échec scolaire.

Conscient du malaise actuel des conseillers d'orientation-psychologues, M. Faride Hamana a jugé que ceux-ci payaient aujourd'hui le prix d'une certaine inadéquation de leurs discours, rappelant que les régions n'avaient d'ailleurs pas souhaité que ces personnels leur soient transférés. Il a néanmoins relevé que de nombreux directeurs de centres d'information et d'orientation étaient aujourd'hui bien conscients de la réalité du problème et de la nécessité de faire évoluer le système.

Considérant que l'orientation était un thème qui revenait de façon récurrente dès que l'on parlait d'égalité et de diversité, il a indiqué que les filles étaient souvent bloquées dans leur évolution par les réticences des familles à l'idée de les voir s'éloigner ou partir en internat, et qu'il y avait là un frein qu'il convenait de desserrer si l'on voulait obtenir une véritable mixité dans tous les établissements. Il a apprécié le rôle positif de médiatrices que peuvent jouer certaines mères-parents d'élèves auprès des familles. Il a regretté que le rôle joué en ce domaine par les associations de parents d'élèves ne soit pas davantage reconnu et soutenu par les pouvoirs publics, et que ceux-ci préfèrent attribuer leurs subventions aux travailleurs sociaux ou à des initiatives du type « cafés de parents ». Evoquant ensuite les missions que s'assignait sa fédération, il a expliqué qu'elle avait un triple rôle d'information, de sensibilisation et d'animation.

Revenant sur les filières créées par l'Education nationale, il a estimé que celles-ci ne se justifiaient que dans la mesure où elles pouvaient proposer de véritables débouchés correspondant à la formation dispensée, ce qui n'était pas toujours le cas.

Il a aussi indiqué que les filles privilégiaient souvent, dès avant le baccalauréat, la biologie au détriment des « sciences dures », ce qui pouvait contribuer à expliquer qu'on les retrouve ensuite si nombreuses en médecine.

Il a aussi jugé que les enseignants, qui perçoivent en fin de trimestre une indemnité au titre de leur rôle en matière d'orientation, devraient davantage s'y investir. Il a également déploré les tendances élitistes du système éducatif français, jugeant que celui-ci devrait plus s'appliquer à former de bons professionnels qu'à sélectionner une élite.

Jugeant indispensable de faire évoluer les schémas transmis aux enfants, Mme Yolande Boyer a demandé comment les fédérations de parents d'élèves envisageaient d'y contribuer. Elle s'est interrogée également sur leurs moyens de pression vis-à-vis de l'Education nationale pour faire évoluer les choses en matière d'orientation. Elle a souhaité savoir si elles jugeraient bon, par exemple, d'aller jusqu'à l'instauration de quotas par sexe. Enfin, elle a évoqué un certain nombre d'actions conduites par les délégations régionales aux droits des femmes, comme l'attribution aux jeunes filles de bourses de la vocation scientifique et technique.

Mme Corinne Tapiero s'est déclarée défavorable à des mesures trop « féministes » pour faire avancer la cause de l'égalité.

Revenant sur le problème de l'orientation des élèves, elle a jugé que la fin de la 3e, qui correspond à une phase délicate de l'adolescence, où les jeunes se cherchent encore, n'était pas la plus propice à des choix qui doivent engager la vie. Aussi a-t-elle insisté sur l'importance d'une formation tout au long de la vie qui ménage la possibilité, à ceux qui le souhaitent, de changer de voie.

Par ailleurs, elle a regretté que la dispersion des décisions entre les différents niveaux de décision ne permette pas aux parents de déterminer les sources d'information pertinentes. Elle a estimé que le besoin qu'éprouvent les parents de conseils plus personnalisés contribuait au succès des cabinets de conseil en orientation privés.

Elle a jugé que la réunion chez les conseillers d'orientation-psychologues de deux métiers distincts, celui de psychologue d'une part, et celui de conseiller d'orientation d'autre part, constituait un mélange des genres, et a souhaité que les personnels en charge de l'orientation aient plutôt une meilleure connaissance du monde de l'entreprise. Elle a surtout déploré leur incapacité à délivrer aux élèves un message d'espoir. Enfin, elle a proposé que chaque enseignant assure un tutorat d'orientation pour six ou sept élèves dès la classe de 4e, dans le cadre d'un « enseignement aux choix d'orientation ».

Mme Dominique Dhooge a estimé que les parents et les enseignants ne pouvaient jouer un rôle en matière d'orientation qu'à condition d'y être formés. Elle a jugé indispensable que les conseillers d'orientation travaillent plus étroitement avec les spécialistes des métiers. Enfin, elle a jugé que la confusion dans une même personne des fonctions de psychologue et de conseiller d'orientation n'était pas une bonne chose. Considérant que le professeur principal restait d'abord et avant tout un enseignant, elle a souhaité que le rôle de conseiller d'orientation soit attribué à des personnes distinctes des parents et des professeurs, de façon à ce que l'élève puisse bénéficier du regard d'un adulte en situation de « neutralité bienveillante ».

Elle s'est déclarée défavorable à une politique de discrimination positive, craignant que celle-ci n'ait rapidement des effets négatifs, bien persuadée par ailleurs que les femmes ont les capacités de s'imposer par elles-mêmes, si on ne leur ferme pas certaines voies en leur opposant des stéréotypes dépassés.

Mme Marie-Christine Buge-Longour a estimé que, contrairement aux garçons qui ont tendance à s'obstiner, les filles n'hésitaient pas à changer d'orientation quand elles avaient le sentiment de ne pas bien réussir dans la filière scientifique où elles s'étaient engagées, et elle a constaté que les formations scientifiques ne présentent pas la même difficulté pour les élèves avant et après le baccalauréat, notamment en sciences physiques. Elle a souhaité une multiplication des passerelles permettant des réorientations.

Elle a jugé très complexe et difficile à appréhender le schéma national des formations, estimant que les enseignants eux-mêmes ne pouvaient tous connaître les différentes formations qui y sont décrites. Elle a regretté que le diplôme de conseillère en éducation sociale et familiale, qui se prépare en trois ans, ne soit pas intégré au système licence, master, doctorat, et qu'en pratique, on y oriente presque exclusivement des filles, alors qu'il s'agit d'une formation qui pourrait aussi convenir aux garçons. Elle a souhaité que la préparation à ce diplôme puisse être mieux répartie sur l'ensemble de la région Ile-de-France, même si l'Education nationale semblait davantage s'intéresser à l'organisation d'un nouveau brevet de technicien supérieur (BTS) de secrétariat, il est vrai très attendu par la fonction publique hospitalière.

Tout en reconnaissant l'intérêt, pour les jeunes, d'effectuer un stage en entreprise qui leur permette d'avoir un premier aperçu du monde du travail, Mme Anna Ang a relevé que tous ne disposaient pas nécessairement des leviers familiaux pour les obtenir, et a regretté qu'ils soient d'une durée souvent limitée à un mois.

Evoquant le rôle que pourrait jouer le professeur principal en matière d'orientation, elle a reconnu que celui-ci bénéficiait d'une grande proximité avec les élèves, tout en relevant que l'exercice de cette fonction supplémentaire supposait qu'il s'absente de sa classe pour recevoir la formation nécessaire. Elle a ajouté que cette absence momentanée devrait être expliquée aux parents pour les amener à mieux l'accepter.

Elle s'est également déclarée convaincue de l'intérêt des salons de l'étudiant qui permettent aux élèves de recueillir des informations sur les formations et les métiers, souhaitant que ceux-ci y soient plus systématiquement conduits dès la 3e ou la 4e. Elle a jugé particulièrement intéressants les contacts qu'ils pouvaient nouer à cette occasion avec des professionnels qui ont réussi dans des métiers auxquels ils n'étaient pas prédestinés.

Mme Bernadette Crenet-Held s'est demandé pourquoi les entreprises ne jouaient pas davantage le jeu et se montraient souvent si réticentes à accueillir des stagiaires.

En se fondant sur son expérience d'ancienne chef d'entreprise, Mme Gisèle Gautier, présidente, a souligné que l'accueil d'un stagiaire requérait un véritable investissement de la part d'une entreprise, et que seules les petites et moyennes entreprises déjà bien structurées pouvaient affecter un tuteur au stagiaire, mais qu'elles ne pouvaient y consacrer, dans l'ensemble, que peu de temps. Elle a jugé que les grandes entreprises, qui disposent de moyens évidemment plus considérables, devraient en revanche accueillir plus systématiquement des stagiaires.

M. Christophe Abraham a estimé que, de façon paradoxale, les petites entreprises jouaient plus le jeu que les grandes, et souhaité que ces dernières consentent, en ce domaine, à un effort plus important, davantage en relation avec les moyens dont elles disposent.

Il a confirmé que les associations attendaient beaucoup de l'engagement des régions, souhaitant que celles-ci s'attachent à rassembler tous les partenaires.

Il a également approuvé le principe des bourses accordées à des enfants qui s'orientent dans des secteurs auxquels ils ne paraissaient pas prédestinés, considérant qu'il fallait non seulement aider les filles à s'orienter vers des filières masculines, mais aussi aider les garçons à s'orienter dans des filières très féminisées. Il a souligné les efforts que font certains établissements pour attirer dans leurs classes préparatoires des enfants venus de quartiers difficiles, en s'efforçant de « casser » un certain nombre de barrières culturelles.

Il a rappelé que les établissements d'enseignement catholique ne disposaient pas de conseillers d'orientation-psychologues, et n'avaient donc pas de point de vue critique à exprimer à leur sujet. Il a également souligné que, selon la conception qui prévaut dans l'enseignement libre, les enseignants n'avaient pas pour seule fonction d'enseigner, mais bien d'éduquer, et dans une certaine mesure, d'orienter.

M. Yannick Bodin a souligné la proximité de cette conception avec celle qui prévaut dans le système éducatif québécois, dont il a d'ailleurs rappelé les origines confessionnelles.

Très réservé à l'égard de l'instauration de quotas en faveur des filles, M. Faride Hamana a estimé qu'il convenait d'abord, et en priorité, de procéder au toilettage des formations qui sont proposées tant aux filles qu'aux garçons, en fonction des débouchés qu'elles offrent effectivement. Persuadé des effets positifs de la mixité, il a estimé qu'il fallait réfléchir aux moyens d'inciter les filles à se tourner vers les filières industrielles, où les garçons sont actuellement largement prédominants.

Il a souhaité prendre ses distances à l'égard d'un certain rituel incantatoire qui, dès que l'on parle d'orientation, insiste pour que les enseignants aient une connaissance plus approfondie du monde professionnel, soulignant que les métiers étaient extrêmement nombreux et d'ailleurs en constante évolution, ce qui rendait difficile leur appréhension. Dans ces conditions, il a estimé que seuls des professionnels de l'orientation pouvaient donner aux parents les informations précises qu'ils attendent.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a déclaré partager ces constats, insistant sur la nécessité, dans le monde d'aujourd'hui, de se remettre en question, de se former en permanence, de ne pas hésiter à être mobile pour trouver un travail, et enfin de maîtriser, outre une langue étrangère, le langage de la communication, de façon à savoir « se vendre ».

Elle a demandé ensuite aux représentants des associations s'ils avaient le sentiment que les manuels scolaires contribuaient, d'une certaine façon, à la perpétuation de certains stéréotypes sexués, comme l'avaient craint, devant la délégation, certains enseignants.

Mme Marie-Christine Buge-Longour a déploré que les remarques formulées par les associations de parents d'élèves, qui s'étaient beaucoup investies dans la refonte des manuels scolaires, il y a une vingtaine d'années, n'aient pas été davantage prises en compte par les éditeurs.

M. Faride Hamana a estimé que la rédaction des manuels scolaires faisait l'objet aujourd'hui d'une grande vigilance, que c'étaient généralement des femmes qui assuraient la direction de ces collections, et qu'il lui paraissait donc douteux que ces ouvrages continuent à véhiculer des stéréotypes sexistes.

Mme Corinne Tapiero a partagé ce point de vue, préférant insister pour sa part sur le problème de l'intégration des femmes en situation de handicap dans l'enseignement professionnel et dans l'entreprise, même si la récente loi du 4 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées avait permis de réels progrès. Elle a relevé que les garçons souffrant de troubles de l'apprentissage rencontraient souvent plus de difficultés d'intégration que les filles.

Mme Gisèle Gautier a approuvé ces propos, soulignant l'extrême importance de la question de la scolarisation et de l'insertion professionnelle des jeunes filles handicapées.

M. Yannick Bodin a évoqué la relation de l'entreprise avec l'école, en insistant sur l'importance de la découverte et de la compréhension de son fonctionnement. A titre de contre-exemple, il a considéré que l'organisation de l'Education nationale ne constituait pas toujours un modèle, en illustrant son propos par le caractère quelque peu infantilisant de certaines circulaires ou instructions adressées aux enseignants. Il a enfin appelé les intervenants à exprimer leur sentiment à l'égard de la féminisation, souvent excessive, du corps enseignant, en citant l'exemple d'un élève n'ayant connu que des enseignantes dans l'enseignement primaire.

M. Faride Hamana a souligné la nécessité de sensibiliser les élèves à la réalité concrète des métiers, en prenant l'exemple des conditions de travail difficiles, et notamment des horaires, requis par l'exercice du métier de boulanger-pâtissier. Il s'est également inquiété de l'excessive féminisation de la profession enseignante, en soulignant la nécessité d'une présence masculine pour la structuration des élèves.

Mme Gisèle Gautier, présidente, a conclu après avoir remercié les intervenants pour la richesse de leurs propos.