Mardi 29 avril 2008

- Présidence commune de MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, et Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. -

Union européenne - Audition de Mme Neelie Kroes, commissaire européen en charge de la concurrence

La commission, conjointement avec la commission des affaires économiques et la délégation pour l'Union européenne, a procédé à l'audition de Mme Neelie Kroes, commissaire européen en charge de la concurrence.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, l'a remerciée de venir exposer sa vision de la politique européenne de la concurrence et a évoqué les nombreuses questions liées à cette politique : sa compatibilité avec l'émergence, ou la réémergence, du thème de la politique industrielle en Europe, la politique des concentrations, la notion de marché pertinent, les aides d'Etat, les sujets sectoriels comme ceux de l'énergie, des services postaux ou du transport ferroviaire. Il a également rappelé que, lors de sa récente audition, M. Andris Piebalgs, commissaire européen chargé de l'énergie, avait souhaité laisser le soin à Mme Neelie Kroes de répondre à certaines questions portant sur les aspects concurrentiels de la politique de l'énergie.

Mme Neelie Kroes a noté que la France, qui se donnait pour ambition d'entreprendre, de créer, d'innover, de « travailler plus pour gagner plus », semblait quelquefois avoir peur de la concurrence et de la politique européenne de la concurrence. Pourtant, elle a besoin d'une saine concurrence pour moderniser son économie, favoriser sa croissance, améliorer le pouvoir d'achat de ses citoyens.

De même, la France semble parfois avoir peur de la mondialisation. Elle compte pourtant un grand nombre de « champions mondiaux » et profite de l'ouverture des marchés et de la demande des pays émergents.

Pour Mme Neelie Kroes, il faut combattre les préjugés contre la concurrence, qui est un instrument de politique économique susceptible de dynamiser encore l'économie française, afin de permettre à la France de continuer à tenir son rang dans un monde en mutation.

Relevant que la richesse d'un pays venait des entreprises, du talent des hommes et des femmes au service de projets économiques, elle a remarqué qu'il fallait que le marché soit libre et ouvert pour que chacun puisse entreprendre et être récompensé de son travail et de ses mérites : pour cela, une politique de la concurrence est essentielle. Pourtant, en France, la concurrence est trop souvent associée à des faillites, des délocalisations, des pertes d'emplois. On donne l'impression que le marché sanctionne les plus faibles et que l'Etat est le seul recours. Il s'agit là d'une mythologie éloignée de la réalité : il faut regarder le réel et se garder de la naïveté comme de l'idéologie aveugle. La concurrence favorise la croissance et la confiance permet de saisir les opportunités. Mme Neelie Kroes a considéré que ses effets bénéfiques étaient révélés a contrario des situations où elle n'existait pas, mentionnant les Etats membres qui avaient vécu pendant 40 années sous l'influence de l'économie soviétique.

Elle a affirmé que le modèle économique européen était fondé sur le postulat qu'entre la « jungle et la tyrannie » existe l'économie sociale de marché. La politique de la concurrence en est un des instruments de régulation : l'idée n'est en effet pas de promouvoir le laisser-faire mais la libre entreprise et l'efficacité. A cet égard, Mme Neelie Kroes a dit partager l'opinion exprimée par M. Daniel Cohn-Bendit qui affirmait préférer voir, dans une économie de marché, une concurrence non faussée plutôt que la confiscation, à son avantage exclusif, du pouvoir économique par un monopole.

Indiquant que la Commission avait essayé de mesurer l'impact de la politique de concurrence européenne, Mme Neelie Kroes a souligné que les économies directes réalisées par les consommateurs en 2007 grâce aux actions menées dans les domaines du contrôle des ententes, des abus de position dominante, des concentrations et de la libéralisation pouvaient être évaluées à 13,8 milliards d'euros, soit un montant supérieur au coût du « paquet fiscal » adopté l'été 2007 en France.

Elle a donc estimé que pour augmenter sa croissance, la France devait développer la concurrence, gage de baisse des prix, de meilleurs choix offerts aux consommateurs, et qui constitue une assurance contre les défis de la mondialisation, comme en témoignent les résultats obtenus dans les secteurs des télécommunications, du transport aérien, de l'électronique. Selon l'OCDE, a-t-elle ajouté, la généralisation dans toute l'Europe des politiques les plus favorables à la concurrence permettrait d'augmenter de 3 % le PNB par habitant.

Récusant tout clivage artificiel entre politique de la concurrence et politique industrielle, Mme Neelie Kroes a jugé qu'elles étaient, au contraire, complémentaires, pouvaient concourir à accroître le potentiel économique européen dans son ensemble et constituer des investissements pour notre avenir à long terme.

La concurrence stimule la croissance et l'innovation et des conditions de concurrence équitables peuvent apparaître comme une expression moderne des principes d'égalité et de fraternité, en permettant aussi de donner sa chance à chacun, dans un esprit de « fair-play » et de sportivité. Affirmant faire clairement le choix de la concurrence contre celui du protectionnisme, Mme Neelie Kroes a précisé qu'elle défendait la concurrence équitable et la liberté d'entreprendre, mais non le laisser-faire.

Remarquant que des conditions de concurrence équitables n'empêchaient pas la réciprocité, Mme Neelie Kroes a annoncé qu'en août 2008 les autorités chinoises mettraient en oeuvre des règles de concurrence inspirées des règles européennes : l'Europe a soutenu la Chine et celle-ci lui rend la pareille en prenant part au dialogue international. L'Union européenne a également obtenu des avancées dans le domaine de la propriété intellectuelle et compte demander la réciprocité en matière de normes environnementales et de gouvernance : la stratégie d'accès au marché de l'énergie en est une preuve, comme les projets de code de bonne conduite pour les fonds souverains. Refuser le protectionnisme signifie, en effet, vouloir appliquer les mêmes règles à tous.

Mme Neelie Kroes a également noté que des conditions de concurrence équitables ne faisaient pas obstacle aux choix économiques et sociaux nationaux, comme le montrent les exemples suédois ou finlandais, mais des niveaux élevés de protection sociale ne sont possibles que sur une base économique solide.

Enfin, elle a observé que des conditions de concurrence équitables étaient un facteur d'efficacité et offraient le moyen de baisser les prix et de répondre aux préoccupations croissantes des citoyens en matière de pouvoir d'achat, se félicitant que le gouvernement français semble partager ce jugement en proposant de renforcer la concurrence et le rôle de l'autorité nationale compétente en matière de contrôle de la concurrence.

En ce qui concerne les aides d'Etat, Mme Neelie Kroes a déclaré qu'elles pouvaient créer des distorsions de concurrence, mais que la Commission européenne admettait aussi, dans certains cas, leurs bienfaits. Elle a par exemple autorisé des régimes d'aides très généreux en faveur des PME, de la recherche ou de préservation de l'environnement. Elle a ainsi permis aux PME de disposer de davantage d'aides, plus rapidement et dans de plus nombreux domaines, tels que les zones franches urbaines, les aides aux jeunes entreprises innovantes, aux pôles de compétitivité, ou aux énergies renouvelables.

Evoquant les concentrations, elle a souligné que la Commission ne se montrait pas « dogmatique » et bloquait moins de 1 % des opérations proposées, notant que les entreprises françaises avaient bénéficié de cette politique, qu'elle les autorisait à procéder à des acquisitions, telle celle de KLM par Air France, ou les protégeait de la création de positions dominantes, telle celle qui aurait résulté de la fusion Ryanair - Aer Lingus.

Mme Neelie Kroes a ensuite insisté sur le fait que la France avait des raisons d'aborder avec confiance la libre concurrence et l'ouverture de la concurrence à l'économie mondiale :

- elle est dans une situation démographique favorable, avec un taux de fécondité en progression favorisant l'accroissement de sa population active, alors que beaucoup de pays sont confrontés à la contraction de leur main-d'oeuvre ;

- la France dispose de leaders mondiaux qui tirent profit de la mondialisation. De l'industrie du luxe (LVMH) à la grande distribution et aux services de restauration (Carrefour et Sodexho) en passant par les transports (Alstom, Airbus), l'énergie (Total, Areva), la construction (Lafarge, Saint-Gobain, Bouygues), les entreprises de services à l'environnement (Suez), les cosmétiques (L'Oréal) ou l'hôtellerie (Accor), les entreprises françaises sont omniprésentes, et ce succès s'explique par une attitude commune : ne pas envisager l'avenir avec appréhension, mais avec audace, esprit d'entreprise et en sachant saisir les opportunités ;

- le spectre des délocalisations est « une erreur statistique ». S'il faut aider certaines entreprises à se réorienter, et assurer un accompagnement social du changement, les chiffres sont formels : les délocalisations représentent moins de 8 % des pertes d'emplois en Europe, moins de 4 % en France. Par comparaison, la mondialisation crée des centaines de milliers d'emplois et l'on estime que les économies résultant du commerce mondial pourraient rapporter à chaque ménage plus de 5.000 euros par an.

Relevant que l'on pouvait multiplier les exemples de réussite française dans la mondialisation - France 24, nouvel acteur de l'actualité internationale, Renault-Nissan, constructeur automobile rentable, les 2 500 entreprises françaises qui se sont implantées aux Etats-Unis - et invoquant sa propre expérience professionnelle des entreprises françaises, Mme Neelie Kroes a établi, à cet égard, un parallèle avec son pays, les Pays-Bas, qui après avoir connu son « âge d'or » financier et commercial au XVIIe siècle, faisait aujourd'hui un « retour en force ».

Remarquant que cet esprit d'entreprise était le « véritable visage de la mondialisation », elle a souligné que la France et l'Europe « tiraient leur épingle du jeu » même dans des secteurs où on ne les attendait pas : ainsi la France est-elle exportateur net de services commerciaux et l'Europe maintient-elle, en dépit de la concurrence à bas prix, sa part de la production manufacturière mondiale.

Affirmant sa conviction que la France, consciente de son rôle moteur, réagirait comme une grande nation aux défis et aux potentialités issues de la concurrence mondiale, elle a déclaré que « tourner le dos » à la mondialisation et aux marchés concurrentiels serait « tourner le dos » à la vie, et à l'avenir de l'Europe. En imprimant sa marque à ces marchés, l'Europe assurerait sa prospérité pour les années à venir.

Citant la formule de Jean Monnet, « nous ne coalisons pas des Etats, nous unissons des hommes », elle a espéré que se rejoignent les visions européenne et française de l'économie de marché, et réaffirmé que la politique de la concurrence était un atout pour l'Europe et pour la France.

Cet exposé a été suivi d'un large débat.

Donnant acte à Mme Neelie Kroes de son « acte de foi » dans la concurrence, M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que « le diable est souvent dans les détails » et qu'il fallait mesurer tous les enjeux de la mondialisation. Convenant que les phénomènes de délocalisations s'estompaient, il a relevé qu'il fallait en revanche se préoccuper désormais des « non-localisations » : au terme du premier cycle de leur développement, les entreprises amorçaient un nouveau cycle hors du territoire national ou même européen.

Au sujet de la politique de l'énergie et de la « séparation patrimoniale », M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques, évoquant les grandes entreprises françaises du secteur de l'énergie, a souhaité savoir si un compromis sur « la troisième voie » était envisageable. En matière de transports ferroviaires, il a demandé si un premier bilan de la libéralisation du transport de fret dans des pays comme la France avait été établi, si la Commission poursuivait l'objectif d'une libéralisation totale du trafic des passagers et à quelle échéance.

Mme Neelie Kroes a rappelé que le commissaire Andris Piebalgs avait exposé la philosophie du « troisième paquet » de libéralisation du marché de l'énergie. Elle a indiqué que lorsqu'elle avait succédé au commissaire Mario Monti, la Commission européenne avait procédé à une étude du secteur de l'énergie dans les 25 Etats membres composant alors l'Union européenne, étude qui avait révélé certains obstacles à une concurrence équitable, et permis de constater qu'un certain nombre de grandes entreprises ne s'étaient pas comportées comme elles l'auraient dû. La Commission avait donc souhaité s'attaquer à ces obstacles. Soulignant que l'énergie était un sujet important pour les particuliers, mais aussi pour les entreprises des secteurs industriels et de l'énergie, elle a relevé que le principal problème tenait au fait que les mêmes personnes maîtrisaient la fourniture et les infrastructures de distribution de l'énergie. Dans certains cas, cela avait entraîné de véritables abus de position dominante et donc le lancement de procédures en manquement.

Mme Neelie Kroes a indiqué, en particulier, que l'entreprise allemande E-ON avait largement abusé de sa position dominante en empêchant l'entrée sur le marché de nouveaux acteurs qui n'avaient pas accès aux réseaux.

C'est pourquoi la Commission a estimé que la meilleure garantie était la séparation patrimoniale. Mme Neelie Kroes a remarqué que la « troisième voie » n'irait pas sans poser quelques problèmes, raison pour laquelle la Commission n'y était pas fondamentalement favorable : elle a néanmoins souligné qu'elle aborderait cette question de façon ouverte, l'essentiel étant de parvenir à offrir un égal accès au marché et de prévenir les abus de position dominante au détriment des consommateurs. Rappelant qu'E-ON avait proposé de s'engager à se séparer de son réseau de distribution, Mme Neelie Kroes a souligné que cette solution pouvait offrir des opportunités très positives, par exemple pour l'amélioration du réseau. Elle a noté que la distribution pourrait être placée sous le contrôle d'un opérateur national, mais que des fusions « transfrontalières » pouvaient également être envisagées si elles étaient conformes à la réglementation communautaire, ce qui irait dans le sens de la constitution d'un véritable marché unique.

Elle a par ailleurs rendu hommage au travail accompli dans le secteur des transports par le commissaire Jacques Barrot, lorsqu'il était en charge de ce secteur.

Après avoir rappelé que la politique de l'énergie était un enjeu majeur pour l'avenir de l'Union européenne et compterait parmi les sujets importants qui seraient examinés pendant la présidence française, et sans doute au-delà, M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne, s'est inquiété des fortes réticences de la Commission européenne à l'encontre des contrats d'approvisionnement à long terme ou de la constitution de groupements d'achats, au motif qu'ils pouvaient favoriser les opérateurs historiques et jouer au détriment des nouveaux opérateurs.

Estimant comme Mme Neelie Kroes qu'il fallait se garder de toute naïveté, il a fait observer que le marché de l'énergie n'était pas un marché de concurrence pure et parfaite et que le secteur de la production était dominé par des oligopoles jouissant d'un pouvoir de négociation considérable. Il a donc demandé si les contrats à long terme ne pouvaient pas être un moyen d'assurer un certain équilibre entre vendeurs et acheteurs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a demandé à ce propos quelle serait la juridiction compétente en cas d'entente entre deux vendeurs étrangers, tels Gasprom et les producteurs algériens.

Mme Neelie Kroes a précisé que la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) serait compétente, puis a confirmé l'importance pour l'Europe de la question de l'énergie et de la dépendance de l'Europe à l'égard de sources d'énergie situées hors d'Europe.

Estimant que Gasprom ne devrait pas être autorisé à être à la fois fournisseur et détenteur des infrastructures de distribution, elle est convenue avec M. Hubert Haenel de la nécessité de construire des entreprises fortes dans le secteur de l'énergie. Cependant, les grandes entreprises doivent aussi se conformer à des règles égales pour tous, et le jeu n'est plus équitable si les contrats à long terme, qui peuvent être avantageux pour ceux qui les signent, sont un obstacle pour d'autres, comme l'a montré l'exemple de la Belgique. C'est pourquoi la Commission a attaqué ces contrats et pris une décision dans le cas de la Belgique, estimant qu'il fallait chercher à trouver un équilibre sur le marché de l'énergie en recourant à la fois aux contrats à court et à long terme.

Evoquant le consortium Exeltium, qui réunit 35 sociétés électro-intensives liées au producteur EdF par un contrat d'approvisionnement de très long terme, Mme Neelie Kroes a indiqué qu'elle s'interrogeait sur la compatibilité de l'échéance de ce contrat, supérieure à 24 ans, avec les règles européennes de concurrence, et que d'intenses discussions étaient en cours avec EdF et le gouvernement français pour raccourcir éventuellement cette durée. Elle a ajouté que la Commission européenne reconnaissait l'importance du positionnement mondial des industriels concernés, et dès lors l'utilité de disposer d'approvisionnements pérennes, mais qu'il n'en était pas moins nécessaire de respecter le cadre communautaire de la concurrence. Ce constat ne s'appliquait d'ailleurs pas au seul consortium Exeltium.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que les propos de Mme Neelie Kroes tendaient à illustrer une position selon laquelle la concurrence serait une fin en soi, alors qu'il s'agissait plutôt d'un moyen permettant d'atteindre un certain optimum économique. Abordant la question des tarifs de l'énergie, il a indiqué que son traitement par la Commission avait suscité de nombreux débats et causé un certain trouble dans les esprits. Il a rappelé que la France avait investi massivement pour garantir l'autonomie de ses approvisionnements énergétiques, et avait mieux réussi que certains de ses partenaires européens. Il a déclaré ressentir une impression de réelle incompréhension, de la part de la Commission européenne, s'agissant du modèle français de tarification des usagers domestiques et industriels. Compte tenu des réponses trop souvent floues apportées par la Commission ou la Cour de justice des communautés européennes, il s'est demandé si les tarifs réglementés français étaient condamnés et si la Commission s'était forgé une réelle doctrine.

Evoquant les nombreux dispositifs d'aide concernés par le règlement de minimis, il s'est également interrogé sur les moyens que la Commission mettait en oeuvre pour en assurer le respect, à moins que ce contrôle fût du ressort des autorités nationales.

Mme Neelie Kroes a affirmé avoir toujours exprimé clairement sa perception de la concurrence qu'elle concevait comme un instrument et non comme un objectif en soi. C'est une condition nécessaire de la réussite de l'Agenda de Lisbonne et de la mise en place de l'égalité des conditions de jeu. Etablissant une analogie avec le football, elle a décrit son rôle comme celui d'un arbitre susceptible de décider des sanctions, le non-respect des règles du jeu étant préjudiciable à l'ensemble des parties, en particulier pour les consommateurs, assimilables aux spectateurs.

Concernant les tarifs réglementés, elle a reconnu que la France avait fait preuve de courage en misant sur le nucléaire pour assurer son indépendance énergétique et en tirer aujourd'hui un réel profit, et que les ménages et opérateurs économiques avaient un même intérêt à disposer d'une énergie sûre et abordable. Elle se devait néanmoins de veiller à éviter toute concurrence déloyale, les tarifs réglementés pouvant constituer, à l'instar des consortiums, une barrière à l'entrée par la fixation d'un prix bas et inférieur au prix de revient d'un opérateur, EdF, majoritairement détenu par l'Etat. Si elle admettait la pratique des tarifs réglementés pour les ménages et les petites et moyennes entreprises, elle a estimé qu'elle était plus contestable à l'égard des grandes entreprises.

Puis, en réponse à M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, qui rappelait que sur un marché libre le prix de revient correspondait au coût marginal du dernier kilowatt-heure produit par une centrale thermique polluante, elle a considéré que les tarifs réglementés bénéficiaient à tous, sans distinction de situation, et dès lors avantageaient finalement les plus gros consommateurs, et que la preuve n'avait pas été apportée que de tels tarifs aboutissaient à des conditions aussi favorables que celles d'un marché libre.

Concernant l'application du règlement de minimis, elle a indiqué que le contrôle de son respect était décentralisé auprès des Etats, et qu'elle préférait faire d'abord confiance à ce système avant d'envisager une action de la Commission en cas de dérapage.

Se référant à la décision de la Commission européenne du 10 mai 2007 relative à la banalisation de la distribution du Livret A, et à l'argumentation développée par Mme Neelie Kroes, Mme Nicole Bricq a contesté le caractère urgent des dispositions du projet de loi de modernisation de l'économie, décidées, selon elle, sans réelle concertation avec les acteurs concernés et qui n'étaient pas rendues nécessaires par une injonction ou sanction de la Commission.

Précisant que le groupe de travail du Sénat sur ce projet de loi avait permis de mieux appréhender les enjeux de cette libéralisation, elle s'est interrogée sur la conformité aux règles de concurrence de l'absence de comptabilité distincte et de la compensation, via le taux de rémunération, accordée aux établissements bancaires de manière uniforme et sans considérer leurs obligations différenciées au regard du service public de l'accessibilité bancaire, qui reposerait désormais sur la seule banque postale. Elle a également rappelé que les fonds d'épargne ne seraient plus exclusivement centralisés auprès de la Caisse des dépôts et consignations et permettraient aux banques, dans un contexte financier heurté, d'accéder à une nouvelle source de liquidité, et s'est demandé si cet avantage ne présentait pas le risque d'une distorsion de concurrence, susceptible d'être qualifiée d'aide d'Etat.

Mme Neelie Kroes a déclaré être une « admiratrice » du Livret A et que l'ouverture de sa distribution pourrait exercer un impact positif sur le financement du logement social. Elle a exprimé ses doutes sur l'intérêt du maintien de la commercialisation par les trois réseaux historiques, qui ne permettait pas d'établir une égalité des conditions de jeu et considéré qu'il était nécessaire d'offrir aux consommateurs une faculté de choix du distributeur et d'en retirer tous les avantages.

Elle a ajouté qu'il était encore trop tôt pour déterminer si les modalités de cette libéralisation étaient constitutives d'une aide d'Etat, et que ses services étudiaient la conformité des dispositions du projet de loi aux exigences de la Commission européenne.

M. Thierry Repentin a contesté le bien-fondé de la décision de la Commission de mai 2007 et a soutenu la perspective d'un recours juridictionnel. Il a considéré que le régime de distribution exclusive du Livret A n'avait pas causé la faillite des autres banques ni empêché un établissement de capter en France une partie substantielle de l'épargne des ménages. Il a estimé que ce système, et sa contrepartie du droit au compte bancaire pour tous, garantissaient le financement du logement social et l'accessibilité bancaire, d'ailleurs assimilés par la Commission européenne à des services d'intérêt économique général. Rappelant que la Commission européenne n'avait pas exigé la remise en cause de la centralisation intégrale des fonds auprès de la Caisse des dépôts et consignations, il a relevé que le projet de loi de modernisation de l'économie mettait fin à la nécessaire contrepartie que constituait cette centralisation et permettait aux banques d'améliorer leur haut de bilan, ce qui pouvait apparaître comme une distorsion de concurrence.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que ce débat sur la généralisation de la distribution du Livret A se déroulerait lors de l'examen de ce projet de loi par le Parlement.

Mme Neelie Kroes a indiqué, en tant que commissaire européen, ne faire aucune distinction entre les Etats qui serait notamment de nature à ménager les entreprises néerlandaises et qu'elle se devait de garantir les conditions d'un marché équitable dans le respect des libertés de prestation de service et d'établissement figurant dans le traité. Elle a estimé que les droits spéciaux dont bénéficiaient les trois distributeurs du Livret A et du Livret bleu constituaient un obstacle aux gains de parts de marché par les autres banques. Elle a rappelé que la Commission n'avait aucunement l'intention de remettre en cause le financement du logement social et ne faisait que veiller à ce que ce service public n'introduise pas de biais concurrentiel. Les nouvelles modalités de centralisation des fonds d'épargne font donc partie des points à examiner dans le dialogue entre la Commission et le gouvernement français.

Rappelant qu'en qualité de ministre, il avait contribué à libéraliser le secteur français des télécommunications, M. Gérard Longuet a jugé que l'analyse faite par la Commission européenne du marché français de l'énergie traduisait une « incompréhension totale » et un « fossé culturel ». Il a exposé qu'il n'y avait pas un type de kilowatt-heure mais trois, profondément différents sur les plans technique et économique : celui du développement durable qui était largement subventionné et n'avait pas encore fait ses preuves, celui de la production thermique et celui de la production nucléaire. Le nucléaire s'est révélé non rentable pendant 25 ans, dans un marché qu'il a reconnu comme étant fermé, et mobilise aujourd'hui des investissements élevés, alors que la production thermique est structurellement différente en ce qu'elle dépend exclusivement du cours du pétrole. Le choix du nucléaire fait par la France est sociétal et politique, et a contrario les pays qui n'ont pas fait ce choix doivent en assumer les conséquences et en payer le prix, sans contraindre la France à partager la rente que peut désormais constituer l'énergie nucléaire.

Mme Neelie Kroes a déclaré qu'elle était parfaitement consciente des oppositions d'ordre politique que suscitait le nucléaire, et qu'elle n'entendait pas remettre en cause les tarifs dont bénéficiaient les consommateurs mais ceux des grands industriels, qui ressortissaient aux aides d'Etat, facteur de concurrence déloyale entre les grandes entreprises européennes, en ce qu'ils étaient inférieurs au coût de revient et en partie financés par des taxes parafiscales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a rappelé que le prix de marché reposant sur le coût marginal du kilowatt-heure des centrales fonctionnant à l'énergie fossile était dès lors susceptible d'excéder largement le coût du kilowatt-heure nucléaire. Il en résultait pour EdF une forme de rente, que l'on pouvait à certains égards considérer comme un profit injustifié.

Mme Neelie Kroes a considéré qu'elle n'était pas responsable des profits d'EdF mais devait s'assurer que le prix de marché correspondait au prix coûtant, et a indiqué qu'elle exposerait clairement sa position dans un courrier.

Se fondant sur le pragmatisme dont entendait se prévaloir la Commission européenne, M. Daniel Raoul a considéré que l'examen des faits illustrait que toutes les expériences antérieures de libéralisation totale d'un secteur avaient conduit à une forte augmentation des prix pour tous les consommateurs et à une situation de sous-investissement dans les infrastructures de réseau, que le principe de séparation patrimoniale pourrait aggraver. Il s'est demandé comment la Commission européenne pouvait maintenir sa conception dogmatique de la concurrence, sans apporter la preuve que celle-ci contribue à la sécurité des approvisionnements énergétiques ni satisfaire à l'exigence de proportionnalité qui irrigue le droit communautaire.

Mme Neelie Kroes a rappelé que la politique communautaire de concurrence n'était pas un dogme mais un instrument, le meilleur qui soit, et qu'il pouvait souffrir des exceptions, selon la définition des activités, ainsi qu'en témoignait la notion de service d'intérêt économique général. L'importance du secteur de l'énergie ne justifiait pas, selon elle, que la concurrence y fût entravée, dès lors qu'il demeurait possible, dans tout secteur libéralisé, de tenir compte de certaines spécificités. Elle a ajouté que, si les opérateurs historiques de l'énergie avaient donné l'impression de « jouer le jeu », cela s'était révélé trompeur car reposant sur des ententes et un sous-investissement manifeste, auxquels il était possible de remédier efficacement par la séparation patrimoniale. Elle a ainsi considéré que les consommateurs allemands avaient payé un prix excessif pour conforter le positionnement d'E-ON.

La Commission fonde son analyse sur le marché européen de l'énergie dans sa globalité, qui constitue un échelon plus pertinent que les marchés nationaux pour garantir des approvisionnements de long terme, et que des fusions transfrontalières doivent contribuer à conforter.

Citant l'exemple canadien, M. Gérard Larcher a estimé que la métallurgie électro-intensive disparaîtrait en Europe d'ici à 20 ans si l'on poursuivait la tendance actuelle en matière de politique tarifaire de l'énergie, avec un impact récessif en aval sur un secteur tel que l'aéronautique. Puis il s'est félicité de la création prochaine en France, par le projet de loi de modernisation de l'économie, d'une autorité de la concurrence disposant d'un statut conforme à ce qui était pratiqué dans tous les autres Etats membres. Il a cependant relevé que l'autorité politique conserverait un pouvoir d'appréciation selon des motifs de service public ou des intérêts économiques, et s'est demandé si l'on ne devait pas également, par un « parallélisme des formes », envisager une autorité politique européenne pouvant agir pour des considérations d'intérêt général, plutôt que de s'en remettre au seul recours juridictionnel devant la Cour de justice des communautés européennes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, s'est demandé si le maintien d'un pouvoir de décision politique en France était compatible avec les exigences européennes en matière de concurrence.

En réponse, Mme Neelie Kroes a fait valoir les contacts étroits et quotidiens que la Commission européenne entretenait avec le réseau des autorités nationales de concurrence, qui fonctionnait de manière satisfaisante en distinguant clairement les compétences de la Commission de celles des régulateurs nationaux. Elle a ajouté qu'une grande partie des projets de fusion relevait de ces autorités, bien que celles-ci aient parfois tendance à s'en remettre à la Commission européenne pour régler certaines difficultés. En cas de contentieux, son cabinet s'appuyait sur la jurisprudence du Tribunal de première instance et de la Cour de justice des communautés européennes.

Revenant sur les consortiums électro-intensifs, elle a déclaré avoir bien conscience des enjeux de compétitivité pour les industries concernées, mais qu'en cette matière, il importait de respecter une ligne claire et d'assurer la prévisibilité et la transparence de la réglementation, dans le respect des dispositions du traité.

Evoquant le « principe de réalité », M. Claude Saunier a déploré que la Commission européenne, en dépit de son attachement louable aux principes de concurrence, ne les abordât que sous un angle intra-européen, qui ne reflétait pas l'environnement réel des grands groupes européens. Il s'est, dès lors, demandé comment la Commission articulait la construction européenne en matière de concurrence avec les pratiques avérées de « dumping » - fiscal, bancaire ou environnemental - au plan mondial.

Mme Neelie Kroes a reconnu que ces pratiques constituaient un véritable défi, auquel elle était particulièrement attentive, mais qu'il était nécessaire de recueillir préalablement un assentiment large des Etats membres avant de pouvoir persuader les partenaires extra-européens d'adopter des règles semblables, sur le fondement de la réciprocité. Elle a fait valoir que des échanges fructueux avaient eu lieu avec des pays tels que l'Australie, la Chine et la Russie, ces deux derniers pays ayant adopté une loi inspirée du modèle européen de régulation de la concurrence. Le véritable enjeu réside, cependant, dans la mise en oeuvre concrète de ces nouvelles législations et l'adoption effective de sanctions en cas de manquement.

Rendant hommage au rôle des commissaires Andris Piebalgs et Peter Mandelson dans les négociations commerciales internationales, elle a néanmoins considéré qu'on ne pouvait pas tout attendre de ces négociations ni de l'organe de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce, et qu'une action bilatérale était également indispensable pour promouvoir un traitement équitable et réciproque en matière de concurrence. Citant l'exemple de la Corée du Sud, elle a estimé que ces questions de concurrence devaient pouvoir être traitées dans les conventions bilatérales, de manière souvent plus efficace et aisée que par une négociation multilatérale.

Faisant référence à une récente discussion avec les dirigeants d'une grande société finlandaise, elle a souligné le défi concurrentiel que représentait la Chine, qui dispose désormais d'importants moyens financiers et humains en recherche et développement, lui permettant d'innover et non plus simplement de copier les créations occidentales. Il est nécessaire de relever fortement le niveau de la recherche en Europe et de mettre en place des règles communes de concurrence, le protectionnisme n'étant pas, en tout état de cause, une réponse adéquate.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a évoqué d'autres situations en marge des règles communautaires de concurrence, tel que le renflouement d'une grande banque par l'Etat en cas de risque systémique. Il a fait valoir l'importance de la loyauté dans le commerce international, et a appelé M. Peter Mandelson, commissaire européen en charge du commerce, à mieux en tenir compte. Il a ajouté que le contexte actuel de délocalisations rendait plus difficile la conciliation des aspirations du consommateur - des prix bas et une concurrence efficace - avec celles du salarié - un salaire décent et une bonne couverture sociale.

Nomination de rapporteurs

La commission a nommé M. Adrien Gouteyron, rapporteur :

sur le projet de loi n° 274 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République arabe syrienne en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu ;

- sur le projet de loi n° 275 (2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de l'Australie tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et à prévenir l'évasion fiscale.

Puis elle a nommé M. Denis Badré, rapporteur, sur le projet de loi n° 293 (2007-2008) autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes.

Union européenne - Ressources propres des Communautés européennes - Examen du rapport

Enfin, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Denis Badré, rapporteur, sur le projet de loi n° 293 (2007-2008) autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes.

M. Denis Badré, rapporteur, a indiqué que le projet de loi soumis à examen constituait le volet « recettes » des perspectives financières 2007-2013 de l'Union européenne. Il a rappelé que le système actuel des ressources propres se composait de ressources propres traditionnelles (droits de douane, prélèvements agricoles et cotisation « sucre »), d'un montant d'environ 19 milliards d'euros, de la ressource TVA, pour un montant équivalent, et de la ressource RNB assise sur le revenu national brut des Etats membres, qui représentait 68 % du total, soit 81 milliards d'euros en 2008. Il a précisé que le calcul des contributions nationales au budget communautaire s'opérait en appliquant une « correction » à la contribution britannique, consistant à rembourser au Royaume-Uni les deux tiers de la différence entre leur participation au budget et les retours qu'ils en perçoivent. Par ailleurs, quatre Etats fortement contributeurs nets (Allemagne, Suède, Pays-Bas et Autriche) n'acquittent que 25 % de leur contribution théorique à la « correction » britannique.

M. Denis Badré, rapporteur, a précisé que la France était le deuxième pays contributeur au budget communautaire, avec 18,4 milliards d'euros en 2008, et qu'elle était le premier financeur du « rabais » britannique dont elle acquittait, à elle seule, 26 % du total (1,5 milliard d'euros en 2008).

S'agissant des modifications introduites par la décision du Conseil du 7 juin 2007, le rapporteur a insisté sur les aspects suivants :

1. les modalités de calcul de la « correction » britannique sont revues en profondeur, de manière à en exclure les dépenses réalisées dans les pays ayant adhéré à l'Union européenne à partir de 2004. Cette modification, qui ne pourra toutefois pas conduire à une augmentation de la contribution britannique supérieure à 10,5 milliards d'euros sur la période 2007-2013, met fin au paradoxe selon lequel le Royaume-Uni participe très peu financièrement à un élargissement dont il est pourtant le fervent partisan ;

2. le taux d'appel de TVA est uniformisé à 0,30 % pour l'ensemble des Etats membres ;

3. des compensations en recettes sont octroyées aux autres pays fortement contributeurs nets sous forme de taux d'appel TVA allégée et de réductions forfaitaires des contributions RNB.

M. Gérard Longuet a jugé opportune la remise en cause du « chèque » britannique que ne justifiait plus la prospérité du Royaume-Uni au sein de l'Union.

M. Denis Badré, rapporteur, a souscrit à cette analyse et ajouté que ce dispositif était emblématique des égoïsmes nationaux et coûteux pour la France. Il a ensuite indiqué que l'entrée en vigueur de la nouvelle décision « ressources propres » devrait accroître la contribution brute de la France de 11 milliards d'euros entre 2007 et 2013, et en accentuer le statut de contributeur net, puisque le solde net devrait passer de - 0,21 % à - 0,37 % du RNB en moyenne sur la même période.

Le rapporteur a enfin mentionné que la décision du Conseil reprenait les termes de la « clause de réexamen » de l'ensemble des recettes et des dépenses de l'Union adoptée par les chefs d'Etat et de gouvernement en décembre 2005. Rappelant que cette clause avait jusqu'alors donné lieu au lancement d'une consultation par la Commission européenne et à l'adoption d'une résolution par le Parlement européen, il a estimé que l'examen du présent projet de loi devait être l'occasion de s'interroger sur les enjeux de la réforme du financement de l'Union européenne.

Alors que les défauts de ce financement, notamment en termes de lisibilité et d'efficacité économique, sont connus depuis longtemps et que l'actualité communautaire récente fait craindre le report de débats qui pourraient « interférer » avec la ratification du Traité de Lisbonne, M. Denis Badré, rapporteur, a considéré que l'examen du projet de loi serait l'occasion d'interroger le gouvernement sur les intentions de la future présidence française de l'Union européenne en la matière.

Il a conclu en proposant à la commission de recommander l'adoption du projet de loi au Sénat.

M. Yves Fréville a ironisé sur le fait que la complexité croissante des finances européennes, due à la multiplication des mécanismes de compensation au bénéfice de certains Etats membres, n'était pas sans évoquer celle des finances locales. Revenant sur ce que devaient être les bases du système des ressources propres, il a rappelé que l'instauration d'un « quasi impôt européen », tel qu'un prélèvement additionnel aux impôts nationaux sur les bénéfices des sociétés, avait déjà été proposée dans les années 70.

A M. Jean Arthuis, président, qui s'interrogeait sur la différence entre le revenu national brut (RNB) et le produit intérieur brut (PIB), M. Gérard Longuet a précisé que le revenu national brut intégrait le revenu sur les investissements nets réalisés à l'étranger.

M. Denis Badré, rapporteur, a souscrit à l'idée de doter le budget communautaire de ressources véritablement propres, les cotisations acquittées au niveau national alimentant la logique du « taux de retour ». Il a également démontré que les raisonnements fondés sur le calcul des soldes nets étaient fortement sujets à caution, dans la mesure où ils n'intégraient pas l'ensemble des gains non quantifiables et non localisables tirés de l'appartenance à l'Union européenne.

M. Jean Arthuis, président, a considéré que l'impôt européen demeurerait une « chimère » tant que les Etats membres ne se seraient pas dotés d'une culture fiscale commune et que l'Union européenne serait considérée par d'aucuns comme un simple « SIVOM ».

Mme Nicole Bricq a expliqué que l'insuffisance des avancées consacrées par la nouvelle décision « ressources propres » et la complexité croissante du système de financement communautaire qui en résultait la conduiraient à s'abstenir sur le projet de loi.

M. Denis Badré, rapporteur, a fait observer qu'un rejet du texte placerait la France dans une position de faiblesse alors qu'elle s'apprête à prendre la présidence de l'Union européenne et à la veille d'échéances aussi importantes que le renouvellement de la Commission et les élections au Parlement européen.

Sur la recommandation du rapporteur, la commission a adopté le projet de loi sans modification.

Mercredi 30 avril 2008

- Présidence de M. Aymeri de Montesquiou, vice-président.

Epargne retraite - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, concernant le suivi de ses travaux sur l'épargne retraite.

M. Aymeri de Montesquiou, président, a rappelé que la présente communication faisait suite à un précédent rapport d'information sur l'épargne retraite de septembre 2006, et permettait d'examiner l'état de mise en oeuvre des quarante propositions alors formulées. Il a par ailleurs observé que des consultations étaient en cours en vue de la préparation du « rendez-vous » de 2008 sur les retraites.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est félicité que la France se soit dotée d'un dispositif complet d'épargne retraite suite à la création, par la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, du plan d'épargne pour la retraite populaire (PERP) et du plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO). L'objet de la présente communication était ainsi d'opérer un bilan d'étape des travaux précédemment effectués en 2006.

Il a souligné que l'enjeu du développement de l'épargne retraite était renforcé par la diminution du taux de remplacement des revenus servi par les régimes obligatoires, de base et complémentaires, selon les projections du Conseil d'orientation des retraites.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a présenté le suivi des quarante propositions de 2006 sur l'épargne retraite, en observant que vingt-quatre d'entre elles (soit 60 %) avaient été totalement ou partiellement suivies d'effet un an et demi plus tard.

Cette mise en oeuvre des propositions présentées en 2006 intervenait dans le contexte d'un développement de l'épargne retraite conforme aux projections établies il y a deux ans : les prestations d'épargne retraite devraient au moins sextupler d'ici à 2050, pour s'élever à 36 milliards d'euros, en euros constants. Il a précisé que les cotisations annuelles versées sur des contrats d'épargne retraite atteignaient près de 10 milliards d'euros en 2006, pour un encours de l'ordre de 93 milliards d'euros.

S'agissant du PERP, il a indiqué que les encours avaient atteint 3,4 milliards d'euros fin 2007 ; suite à la souscription de 132.000 nouveaux PERP en 2007, le nombre de plans avait été porté à deux millions en décembre 2007. Par ailleurs, il s'est félicité que des études complémentaires aient montré que la part des actions sur les contrats PERP (entre 22 % et 23 %) était légèrement supérieure à celle de l'ensemble des contrats d'assurance vie. En ce qui concerne le PERCO, il a montré que son développement s'était poursuivi en 2007 : l'encours total a augmenté de 84 % pour atteindre 1,4 milliard d'euros en fin d'année.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a ensuite présenté les dispositions législatives adoptées depuis la publication du rapport d'information de septembre 2006.

Ont ainsi été adoptés, lors de l'examen de la loi du 30 décembre 2006 pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié, les mesures visant à ce que :

- les plafonds d'abondement sur un plan d'épargne d'entreprise (PEE) et un PERCO soient exprimés non plus de manière absolue, mais par référence au plafond annuel de la sécurité sociale, réévalué chaque année ;

- les adhérents au régime de prévoyance de la fonction publique (Préfon) disposent de la possibilité de racheter leurs droits dans les mêmes situations que les souscripteurs des autres contrats d'épargne retraite, tandis que le transfert des droits entre les contrats Préfon et ces autres contrats d'épargne retraite est prévu fin 2009 ;

- les dispositions législatives relatives aux PERP et aux contrats Madelin soient codifiées ;

- les adhérents à la Préfon et au complément de retraite mutualiste (COREM) soient informés de la réunion de l'assemblée générale dont ils reçoivent ensuite le compte rendu. M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que ces progrès étaient insuffisants et qu'il fallait que les adhérents à la Préfon et au COREM puissent déposer des résolutions et voter lors des assemblées générales.

Il a ensuite détaillé les clarifications fiscales apportées lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2007 :

- la possibilité, pour les personnes qui n'étaient pas domiciliées en France au cours des trois années précédentes, de bénéficier d'une majoration du plafond de déduction au titre de l'épargne retraite ;

- la création d'un plafond familial des droits à déduction des cotisations d'épargne retraite (« familialisation ») ;

- l'exonération de la durée minimale d'épargne pendant quinze années pour le non-assujettissement à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des rentes viagères constituées dans le cadre du PERP, du plan d'épargne retraite d'entreprise (PERE) et du PERCO, pour les contrats souscrits jusqu'au 31 décembre 2008.

S'agissant des propositions intervenant dans le domaine réglementaire, M. Philippe Marini, rapporteur général, a plus particulièrement détaillé la réforme du régime complémentaire de retraite des hospitaliers (CRH), dont les principes s'inspiraient largement des préconisations qu'il avait formulées en 2006.

Après avoir rappelé que le taux de couverture du CRH ne s'élevait qu'à 64 % fin 2006, il a présenté le plan de consolidation sur vingt ans de ce régime, suite à la mission de médiation initiée après la publication de son rapport. Il a relevé que la contribution totale annuelle de 96 millions d'euros reposait en majorité sur les adhérents et bénéficiaires du régime (58 millions d'euros), mais que l'entreprise d'assurance (les AGF) et les pouvoirs publics avaient également accepté de contribuer, à hauteur respectivement de 24 millions d'euros et 14 millions d'euros, compte tenu de leurs responsabilités dans la situation financière du CRH.

Puis M. Philippe Marini, rapporteur général, a détaillé les aménagements qui restaient, selon lui, nécessaires pour accroître l'attractivité et la lisibilité des dispositifs d'épargne retraite.

Il a tout d'abord présenté les aménagements et les simplifications des règles de gouvernance du PERP et du PERCO : l'abaissement du quorum requis lors de l'assemblée générale des participants à un PERP, ainsi que l'assouplissement des seuils prévus pour l'application des règles de cantonnement sur un PERP, en les rapprochant de celles, plus souples, propres aux contrats Madelin.

Il a ensuite présenté cinq propositions de nature législative qui feraient l'objet d'une proposition de loi qu'il entendait déposer dans le prolongement de sa communication :

- la déductibilité des versements de l'employeur sur un PERP, en abondement des cotisations versées par les salariés, afin d'encourager plus particulièrement le développement de l'épargne retraite dans les petites et moyennes entreprises ;

- le report du 31 décembre 2008 au 31 décembre 2010 de la date limite de souscription d'un PERP, d'un PERE ou d'un PERCO afin de bénéficier de l'exonération d'ISF malgré l'absence de versements pendant quinze ans, en cas de souscription tardive d'un contrat d'épargne retraite ;

- la consolidation de la gestion du CRH par le comité de gestion des oeuvres sociales des établissements hospitaliers (CGOS) jusqu'au 1er juillet 2013, avant d'envisager que ce régime relève d'une association souscriptrice d'un contrat d'assurance vie de groupe, conformément au droit commun ;

- la définition du champ de l'épargne retraite en vue de la mise en place d'un code de l'épargne retraite ;

- l'inclusion d'un chapitre spécifique sur l'épargne retraite dans le rapport annuel de l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), afin de veiller au respect des règles déontologiques adoptées par les organisations professionnelles, s'agissant de l'homogénéité des informations fournies aux assurés, notamment les hypothèses de rentes futures.

Enfin, il a souligné la nécessité d'une clarification des règles applicables aux adhérents de l'ancien régime du Complément d'épargne retraite de la fonction publique (CREF). Des contentieux étant en cours sur l'imposition éventuelle des sommes versées au titre d'indemnités de départ du régime, il a rappelé la nécessité d'une application du principe d'équité, suite aux engagements pris par M. Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidence de la République.

En conclusion, il a montré qu'un dispositif complet, pérenne et incitatif d'épargne retraite nécessitait des aménagements plutôt qu'une refonte complète du droit actuel, dans un contexte où le PERP et le PERCO trouvaient leur place dans le paysage français de l'épargne financière.

M. Aymeri de Montesquiou, président, a souhaité que le rapport écrit comporte des éléments de comparaison avec les autres pays membres de l'Union européenne.

M. Jean-Jacques Jégou a abondé dans le sens d'une nécessaire clarification des dispositifs d'épargne retraite.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé que les contrats d'épargne retraite s'étaient constitués par strates successives. Il a estimé indispensable que les adhérents à des régimes comme la Préfon et le COREM bénéficient des mêmes garanties que les souscripteurs des autres contrats d'épargne retraite, en soulignant le rôle qui incombe à l'ACAM comme autorité de contrôle prudentiel.

Il a ainsi mis en exergue l'importance de la confiance des épargnants dans les dispositifs d'épargne retraite, alors que les contrats d'entreprise constituent également un vecteur de diffusion de la culture économique parmi les salariés.

La commission a alors donné acte au rapporteur général de sa communication et a décidé, à l'unanimité, d'en autoriser la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Audition de S. Exc. M. Peter Ammon, ambassadeur d'Allemagne

Enfin, la commission a procédé à l'audition de S. Exc. M. Peter Ammon, ambassadeur d'Allemagne.

M. Aymeri de Montesquiou, président, a signalé que l'audition d'un ambassadeur en poste à Paris devant la commission était une première et s'explique tant par la proximité de la présidence française de l'Union européenne que par l'importance que revêt le couple franco-allemand, qui reste le pivot de notre politique extérieure et européenne. C'est pourquoi cette audition a été étendue aux membres de la commission des affaires étrangères et de la défense, de la délégation pour l'Union européenne et du groupe d'amitié France-Allemagne, afin de permettre l'information la plus large possible des sénateurs.

M. Peter Ammon a introduit son propos sur la question des attentes allemandes de la future présidence de l'Union européenne. Il a souligné que la Chancelière, Mme Angela Merkel, soutenait totalement la présidence française, et qu'un certain nombre de groupes de travail communs franco-allemands avaient été créés à cette occasion. Il a rappelé que le traité de Lisbonne était un objectif pour toute l'Europe, en particulier pour la France et l'Allemagne, et que le Bundestag en avait approuvé la ratification la semaine dernière par 515 voix contre 58.

L'entrée en vigueur du traité est prévue pour début 2009. Le mandat de la Commission actuelle et du Parlement européen s'arrête mi-2009 et de nombreux sujets doivent être réglés avant cette date : il est en particulier nécessaire d'aboutir à un consensus en Europe sur les problèmes d'énergie et de changements climatiques avant la fin de la présidence française.

M. Peter Ammon a ensuite abordé les aspects économiques franco-allemands et a rappelé que l'Allemagne avait toujours soutenu les réformes entreprises. Les réformes structurelles sont toujours très difficiles à mener et elles sont, de plus, un « éternel recommencement ». C'est pourquoi l'Allemagne poursuit son effort vers l'équilibre budgétaire : si le budget fédéral pour 2008 accuse un déficit de 11,9 milliards d'euros, ce chiffre est le plus faible depuis la réunification.

Dans le contexte économique international, la situation est naturellement plus difficile, notamment eu égard au taux élevé de l'euro par rapport au dollar, mais aussi par rapport au yen et au yuan. Il a rappelé que l'inflation des années 1970, après les chocs pétroliers, avait entraîné une stagnation économique et qu'il convenait de ne pas oublier cette leçon.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a abordé la question du pacte de stabilité. Il a estimé qu'il était plus efficace qu'il y ait une prise de conscience des autorités de notre pays, et que des injonctions venant de l'extérieur risquaient d'être contre-productives. Il a exprimé son « admiration » pour le chemin parcouru en Allemagne où la situation économique a pu être rétablie très rapidement, ce qui est naturellement encourageant pour notre pays. Il a rappelé, néanmoins, que de gros efforts avaient déjà été entrepris par l'ancien Chancelier Gerhard Schröder.

Il a évoqué les problèmes énergétiques et a souligné la véritable incompréhension entre la France et la Commission européenne sur ces sujets. Les efforts entrepris depuis des décennies par la France, qui lui ont donné une vraie indépendance énergétique, risquent d'être pénalisés par les projets de la Commission. Il a estimé que si nous n'arrivions pas, dans les mois qui viennent, à un langage commun, nous risquions d'aller vers une crise en Europe.

M. Aymeri de Montesquiou, président, a estimé qu'une énergie plus chère conduirait à l'abandon de certaines industries.

M. Gérard Longuet a demandé à l'ambassadeur où en était la question de l'énergie électronucléaire en Allemagne.

M. Peter Ammon a indiqué que le gouvernement allemand était fondé sur un contrat de coalition qui ne laissait aucune marge de manoeuvre jusqu'aux prochaines élections de 2009, et que ce contrat de coalition prévoyait la sortie du nucléaire pour 2020.

Pour ce qui est des industries électro-intensives, il a ajouté que l'Allemagne était aux côtés de la France vis-à-vis de la Commission européenne.

A M. Aymeri de Montesquiou, président, qui l'interrogeait sur les sources d'énergies possibles pour une Allemagne sans nucléaire, M. Peter Ammon a souligné qu'il était envisageable, selon les scientifiques, de sortir du nucléaire tout en abaissant le dégagement de CO2 de 40 %, à l'horizon 2020.

M. Jean François-Poncet, président du groupe d'amitié France-Allemagne, s'est interrogé sur nos relations avec la Russie, principal fournisseur de gaz. Il ne s'agit pas d'un problème nouveau puisqu'il date du temps de l'URSS. Il a interrogé l'ambassadeur sur l'avenir de nos relations avec la Russie, et s'il n'estimait pas que la fin du nucléaire, en Allemagne, se traduirait par une dépendance accrue à l'égard de la Russie.

M. Peter Ammon a estimé que, même au temps de la guerre froide, l'URSS avait été un fournisseur fiable. Il a exprimé l'opinion que le futur gazoduc reliant la Russie et l'Allemagne à travers la mer Baltique créait une dépendance mutuelle, ce qui ne pouvait que conforter la sécurité des approvisionnements.

Pour M. Eric Doligé, si seul le couple franco-allemand a pu faire progresser l'Europe, la question est ouverte aujourd'hui avec un couple franco-britannique.

S'agissant de la Grande-Bretagne, M. Peter Ammon a émis l'idée que si la France parvenait à lui insuffler plus d'esprit européen, cela serait une bonne chose, aussi pour l'Allemagne.

Mme Monique Papon s'est interrogée sur les liens entre la Serbie et la Russie. S'agissant des Balkans, M. Peter Ammon a réaffirmé que l'Allemagne et la France avaient la même position et que toutes deux avaient reconnu le Kosovo. L'Europe a offert une coopération renforcée à la Serbie et, pour l'ambassadeur, l'attitude des Serbes commence à évoluer, car un rapprochement avec l'Union européenne leur serait sans doute plus favorable que l'alternative russe.

M. Denis Badré a exprimé son « admiration personnelle » et celle de beaucoup de Français pour la manière dont l'Allemagne avait assuré sa présidence de l'Union européenne, et pour l'attitude courageuse de Mme Angela Merkel vis-à-vis de la Chine. Il a estimé qu'il serait souhaitable que l'Europe se concerte sur les Jeux olympiques de manière à ce que les pays européens n'aient pas des politiques divergentes l'été prochain. Enfin, il s'est félicité de la capacité de l'Allemagne à se réformer et à rétablir sa situation économique. Il a demandé à l'ambassadeur quelle était la part respective de l'ancien et du nouveau gouvernement dans ce rétablissement.

M. Peter Ammon a rappelé que les réformes économiques avaient commencé du temps du Chancelier Gerhard Schroeder.

M. Jean-Jacques Jégou a déclaré qu'il partageait l'admiration de M. Denis Badré pour l'action entreprise en Allemagne et a demandé à l'ambassadeur ce qu'il pensait de la situation de l'Amérique latine à une époque où les pôles économiques mondiaux changent de continent.

Pour M. Peter Ammon, les investisseurs étrangers en Amérique latine ont été « échaudés » par la crise économique mais le moment est sans doute venu d'investir sur ce continent.

A M. Gérard Longuet qui l'interrogeait sur l'industrie allemande en France et singulièrement sur la place de Siemens dans Areva, il a précisé que la Chancelière souhaitait le maintien des liens entre ces deux entreprises.

M. Aymeri de Montesquiou, président, a souligné l'importance de la défense européenne pour notre avenir et la différence des budgets qui y sont consacrés dans nos deux pays.

En ce domaine, M. Peter Ammon s'est félicité des idées françaises et a regretté qu'il y ait peu de nouveaux projets comme par exemple Airbus ou Ariane.