Mardi 21 octobre 2008

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Création sur internet - Audition de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

La commission a procédé à l'audition de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, sur le projet de loi n° 405 (2007-2008) favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et la communication, a présenté le projet de loi, qui a pour ambition de créer le cadre juridique indispensable au développement de l'offre légale de musique, de films, voire d'oeuvres littéraires sur les nouveaux réseaux de communication. Pour cela, il vise à prévenir le piratage des oeuvres. Il crée à cet effet un dispositif gradué, essentiellement pédagogique, qui a vocation, en pratique, à se substituer aux poursuites pénales actuellement encourues par les internautes.

Elle a rappelé que plus d'un Français sur deux a aujourd'hui accès à l'internet haut débit, ce qui est une chance sans précédent pour la diffusion de la culture mais que, dans le même temps, les conditions mêmes de création de ces oeuvres étaient gravement menacées par le piratage.

Elle a souligné que le marché du disque était le plus atteint avec 50 % de baisse au cours des cinq dernières années, d'où un fort impact à la fois sur l'emploi (chute de 30 % des effectifs des maisons de production) et sur la création : de nombreux contrats d'artistes ont dû être résiliés par les maisons de production, et le nombre de nouveaux artistes « signés » chaque année a diminué de 40 %.

Ajoutant que le cinéma commence à son tour à être atteint par le même phénomène, elle a constaté qu'aujourd'hui le nombre d'actes de piratage était égal au nombre d'entrées en salles.

Elle a estimé peut-être plus graves les ventes numériques dématérialisées de musique et de films qui devraient prendre le relais des ventes de supports physiques (CD ou DVD) et demeuraient beaucoup plus faibles en France que dans la plupart des grands pays aux habitudes de consommation comparables : à peine plus de 7 % de notre marché de la musique, alors que ce taux a dépassé 20 % aux Etats-Unis. La France détient là un bien triste record, alors même que les industries culturelles occupent, dans son PIB et dans l'emploi salarié, une part qui est presque sans équivalent dans le monde.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et la communication, a relevé que l'offre légale en ligne s'était pourtant considérablement enrichie au cours des toutes dernières années et que plusieurs millions de titres musicaux y étaient désormais disponibles. Elle a ajouté que le coût pour le consommateur avait fortement diminué, notamment grâce aux offres forfaitaires proposées par les fournisseurs d'accès à internet.

La ministre a considéré que cette offre pourrait être améliorée, le présent projet de loi visant justement à en créer les conditions. C'est en effet bien la persistance d'un piratage massif qui demeure aujourd'hui le principal obstacle au « décollage » de la consommation légale de films ou de musique en ligne, et donc à la juste rémunération des créateurs et des industries culturelles.

Pour lutter contre ce phénomène, les pouvoirs publics se trouvent aujourd'hui dans une situation très paradoxale. En effet, des sanctions existent, mais elles sont judiciaires, et principalement pénales, avec des peines d'amende qui peuvent aller jusqu'à 300 000 euros et des peines de prison jusqu'à 3 ans sur le fondement classique du délit de contrefaçon.

Elle a estimé que ces sanctions apparaissaient inadaptées, de même que la procédure judiciaire, au cas du piratage dit « ordinaire », commis sur une très grande échelle - un milliard de fichiers piratés en France en 2006 - par plusieurs millions d'internautes, conscients du caractère répréhensible de leur geste mais non de la gravité des conséquences et de la lourdeur des sanctions qu'ils encourent. L'internaute « pirate » peut aujourd'hui être traduit devant le tribunal correctionnel, avec tous les désagréments que cela peut comporter pour la vie privée : visite domiciliaire, saisie du matériel informatique, publicité de la procédure...

La ministre a noté que si les ayants droit hésitaient encore à emprunter cette voie de droit, les procédures se multiplieraient s'ils devaient constater que les pouvoirs publics renonçaient à mettre en place une solution alternative, à la fois mieux proportionnée à l'enjeu et plus efficace car praticable sur une grande échelle. C'est ce qui se passe en Allemagne, où les tribunaux pénaux sont saisis de plusieurs dizaines de milliers d'actions.

Elle a relevé qu'en plus de ces sanctions pénales, la loi mettait à la charge de l'abonné à internet - c'est l'article L. 335-12 du code de la propriété intellectuelle - une obligation de surveillance de son accès. En vertu de cette disposition, l'abonné est tenu de veiller à ce que son accès à internet ne fasse pas l'objet d'une utilisation qui méconnaisse les droits de propriété littéraire et artistique. Toutefois, si cette obligation figure dans le chapitre «  dispositions pénales » du code de la propriété intellectuelle, son manquement n'est aujourd'hui assorti d'aucune conséquence pratique.

Cette situation est dangereuse pour les internautes qui risquent des poursuites pénales sans le savoir et dramatique pour les industries culturelles françaises. Elle a jugé nécessaire de rétablir l'équilibre, aujourd'hui rompu dans les faits, entre deux droits fondamentaux : le droit de propriété des créateurs et des entreprises et le droit au respect de la vie privée des internautes.

La méthode suivie par le Gouvernement, pour répondre à ce double objectif, repose sur la conviction que, pour être efficaces, les solutions doivent faire l'objet d'un très large consensus préalable entre les acteurs de la culture et de l'internet. Tel est le sens de la mission confiée le 5 septembre 2007 à Denis Olivennes, alors président-directeur général de la FNAC, et destinée à favoriser la conclusion d'un accord entre professionnels de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel et fournisseurs d'accès.

La ministre s'est félicitée de l'accord historique signé au Palais de l'Elysée, le 23 novembre 2007, par 42 entreprises ou organisations représentatives de la culture et de l'internet, accord encore renforcé depuis par 5 nouveaux signataires.

Ce sont donc près de 50 acteurs de la culture et de l'internet qui se sont rassemblés autour d'un plan d'action, en deux volets :

- rendre l'offre légale facilement accessible, l'enrichir, l'assouplir : d'abord, les maisons de production de disques se sont engagées à retirer les mesures techniques de protection des oeuvres françaises, qui empêchent par exemple de lire un même titre sur plusieurs supports, l'ordinateur, le baladeur, l'auto-radio, lecteur de CD. Elles disparaîtront ainsi un an après l'entrée en vigueur du présent projet de loi, délai qui laisse le temps à la loi de produire ses effets.

Ensuite, le délai d'accès aux films par les services de «  vidéo à la demande » (VoD) sera ramené dès l'application de la présente loi à celui applicable au DVD, c'est-à-dire à 6 mois après la sortie du film en salle. Puis des discussions s'engageront pour aboutir, dans un délai maximum d'un an, à un raccourcissement encore plus prononcé.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et la communication, a souhaité que ces engagements soient mis en oeuvre le plus tôt possible et même de façon anticipée par rapport au calendrier prévu par les accords de l'Elysée et a indiqué qu'elle avait noué, à cette fin, un dialogue avec les filières du cinéma et de la musique.

Le second volet des accords de l'Elysée que le projet de loi a également pour objet de mettre en oeuvre, porte sur la lutte contre le piratage de masse qui doit changer entièrement de logique. La nouvelle approche sera fondamentalement préventive, graduée, et une éventuelle sanction ne passera plus nécessairement par le juge - même si elle demeurera placée sous son contrôle.

La base juridique sur laquelle il repose existe déjà : il s'agit de l'obligation de surveillance de l'accès internet, mise à la charge de l'abonné. Le projet du Gouvernement vise en fait à préciser le contenu de cette obligation, et à mettre en place un mécanisme de réponse en cas de manquement de la part de l'abonné.

Cette réponse prendra une forme qui, dans un premier temps, sera purement pédagogique puis, dans un second temps, transactionnelle et, enfin, pourra éventuellement déboucher sur une sanction de nature administrative, prononcée par une autorité administrative indépendante chargée de la gestion du mécanisme.

La première phase, celle de la constatation des faits, ne connaît aucun changement par rapport à la situation actuelle. Aujourd'hui, il appartient aux ayants droit de repérer les actes de contrefaçon sur internet - par l'intermédiaire des agents assermentés des sociétés de perception et de répartition de droits (SPRD) et de leurs organisations professionnelles. Pour ce faire, ces structures utilisent des traitements automatisés qui collectent les « adresses IP » des ordinateurs pirates. Ces traitements automatisés sont autorisés par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Sur la base des constats dressés par les agents assermentés, les ayants droit saisissent le juge. Celui-ci adresse alors une injonction au fournisseur d'accès internet, afin que celui-ci établisse la correspondance entre, d'une part, l'adresse IP dont il a été saisi et, d'autre part, le nom de l'abonné présumé auteur de la contrefaçon. Puis se déroule la procédure judiciaire.

Si le projet de loi est adopté, les ayants droit se verront offrir une alternative :

- soit saisir le juge pénal sur le fondement du délit de contrefaçon,

- soit saisir une autorité administrative indépendante sur le fondement du manquement de l'abonné à son obligation de surveillance.

L'objectif du Gouvernement est que l'efficacité du mécanisme pédagogique et gradué, géré par l'autorité administrative, dissuade les ayants droit de recourir à la voie pénale.

Cette autorité administrative indépendante sera l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), créée à l'initiative du Sénat en 2006 et actuellement compétente pour veiller à l'interopérabilité des mesures techniques de protection et au respect de l'exception pour copie privée. Elle sera rebaptisée Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), de façon à mieux refléter ses compétences.

La Haute Autorité ne pourra agir qu'à partir des constats dressés par les représentants des ayants droit. Elle ne disposera donc d'aucune faculté d'autosaisine ni a fortiori d'aucune compétence de surveillance généralisée des réseaux de communication électronique.

La Haute Autorité enverra d'abord aux pirates des messages d'avertissement pédagogiques - dénommés recommandations. Ces messages ne font pas grief et s'analysent comme de simples rappels à la loi.

Le formalisme de ces messages sera également gradué. En effet, après le courrier électronique, l'HADOPI fera usage de la lettre remise contre signature, de façon à s'assurer que l'abonné a bien pris connaissance du comportement qui lui est reproché.

Une phase préventive personnalisée précédera donc d'éventuelles sanctions - ce que le droit ne permet pas jusqu'à présent.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et la communication, a rappelé que la visée pédagogique et préventive de ce mécanisme était essentielle et constituait le coeur du projet du Gouvernement.

Une récente étude réalisée en Grande-Bretagne et publiée en mars 2008, fait ressortir que 70 % des internautes cesseraient de télécharger dès le premier message d'avertissement et 90 % dès le second.

Elle a ajouté que ces estimations étaient cohérentes avec les taux relevés aux Etats-Unis, où une solution du même ordre a déjà été mise en oeuvre à la suite d'accords passés entre ayants droit et fournisseurs d'accès internet. Un bilan de cette expérience a permis de constater que 70 % d'internautes renoncent au téléchargement dès le premier message d'avertissement, 85 à 90 % avec le deuxième et 97 % à réception du troisième avertissement qui peut prendre la forme - au choix du fournisseur d'accès - d'une lettre recommandée ou d'un appel téléphonique.

L'HADOPI pourra ensuite, en cas de manquement répété de l'abonné, prendre à son encontre une sanction administrative qui consistera en une suspension de l'accès internet.

La suspension de l'abonnement sera assortie de l'impossibilité de souscrire pendant la même période un autre contrat auprès de tout opérateur, de façon à éviter la «  migration » des abonnés d'un fournisseur à un autre.

En principe, la suspension de l'abonnement sera d'une durée de trois mois à un an. Mais la Haute Autorité pourra proposer à l'abonné une transaction : en s'engageant à ne pas renouveler son comportement, il pourra ramener la durée de la suspension entre un et trois mois.

Cette phase transactionnelle, qui instaure un dialogue entre la Haute Autorité et l'abonné, accentue encore l'aspect pédagogique du mécanisme.

La ministre s'est dite consciente des difficultés spécifiques que pourrait poser ce dispositif aux entreprises ou à d'autres collectivités comme les universités. Le projet de loi prévoyait donc des mesures alternatives. L'employeur sera invité par la Haute Autorité à prendre des mesures de type « pare-feu » pour éviter le piratage par les salariés à partir des postes de l'entreprise.

Afin de garantir le respect des mesures de suspension, les fournisseurs d'accès internet seront tenus de vérifier, à l'occasion de la conclusion de tout nouveau contrat, que leur cocontractant ne figure pas sur le répertoire des personnes dont l'abonnement a été suspendu.

La Haute Autorité pourra décider de prendre des sanctions pécuniaires à l'encontre des fournisseurs d'accès internet qui ne feraient pas de telles vérifications, ou qui ne mettraient pas en oeuvre les mesures de suspension.

Bien entendu toutes les sanctions - la suspension de l'abonnement internet, aussi bien que les sanctions pécuniaires prises à l'encontre des FAI - sont susceptibles de recours devant le juge judiciaire.

Enfin, le texte précise les conditions dans lesquelles le titulaire de l'accès à internet pourra s'exonérer de sa responsabilité. A cette occasion, il encourage les abonnés à prendre les mesures nécessaires de sécurisation de leur poste.

Un débat assez vif s'est d'ores et déjà engagé devant les médias et l'opinion publique sur ce projet.

La ministre a estimé que des revendications légitimes de part et d'autre devaient être prises en compte mais qu'en revanche, d'autres arguments lui semblaient tout à fait inquiétants, par exemple que cette loi serait celle des « majors », accrochées à la défense de « privilèges » obsolètes ou que les droits d'auteur seraient un privilège, cet argument dénotant une profonde méconnaissance de nos industries culturelles, où les PME représentent une part déterminante, aussi bien de l'offre culturelle que des centaines de milliers d'emplois de ces secteurs. Ce sont, bien entendu, ces PME qui sont dans la situation économique la plus fragile, et qui sont les plus menacées par le piratage.

Pour ce qui est de l'argument accusant la suspension envisagée de violer les « libertés fondamentales », Mme Christine Albanel, ministre de la culture et la communication, a déclaré qu'à supposer que disposer du Web à domicile constitue un « droit fondamental » - ce que rien, dans le droit positif, ne vient confirmer - une liberté, pour être fondamentale, n'en est pas pour autant absolue, elle est bornée par les autres droits. Pour reprendre les termes de l'article 4 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ».

Autrement dit, la liberté de communication ne peut être invoquée pour faire échec au droit de propriété intellectuelle.

Deuxième argument : la Haute Autorité violerait la vie privée, elle serait préposée au fichage des internautes et à la surveillance généralisée des réseaux. La ministre l'a jugé paradoxal, dans la mesure où dans les autres pays qui pratiquent l'envoi de messages d'avertissement aux internautes - Etats-Unis, Norvège, et depuis quelques semaines le Royaume-Uni - cette politique se passe entièrement de l'intervention publique. Elle est purement contractuelle et résulte d'accords entre les FAI et les ayants droit.

Elle a rappelé que la particularité de « l'approche française » était justement d'interposer entre les parties en présence - ayants droit, fournisseurs d'accès internet, internautes - une autorité indépendante, qui assure la prévention du piratage tout en protégeant le secret de la vie privée. En effet la Haute Autorité sera seule à pouvoir se procurer sur l'abonné les données personnelles - nom et coordonnées - strictement nécessaires à l'envoi des messages d'avertissement. L'identité du pirate demeurera donc cachée aux ayants droit. A cet égard, la procédure devant la Haute Autorité sera donc plus protectrice de la vie privée que celle qui se déroule devant le juge.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et la communication, a ajouté qu'au sein de la Haute Autorité, la commission qui traitera les dossiers présentera toutes les garanties d'impartialité et d'indépendance : elle sera exclusivement composée de magistrats et disposera d'agents publics dont l'absence de liens avec les intérêts économiques en cause aura été vérifiée par des enquêtes préalables. Quant aux données nécessaires pour mettre en oeuvre le mécanisme de prévention, ce sont celles qui sont d'ores et déjà collectées par les créateurs et les entreprises culturelles pour mener leurs actions judiciaires : aucune donnée nouvelle ne sera donc relevée pour mettre en oeuvre le mécanisme de « réponse graduée ».

La ministre a ajouté que le projet de loi avait reçu le soutien massif des créateurs et des entreprises du cinéma, de la musique et de l'internet, que les Français, dans leur immense majorité, étaient prêts à partager sa philosophie préventive et mesurée : un sondage IPSOS réalisé au printemps démontrait en effet que 74 % de nos concitoyens approuvaient le mécanisme envisagé et que 90 % des pirates étaient prêts à modifier leur comportement.

Enfin, elle s'est félicitée de ce que « l'approche française » se répande progressivement, puisqu'au Royaume-Uni ont été signés le 24 juillet dernier des accords inspirés de ceux de l'Elysée et que la « réponse graduée » y est déjà entrée dans les faits. Elle a noté que nombreux étaient les autres pays européens à avoir manifesté leur intérêt pour les expériences française et britannique.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et la communication, a estimé que le projet était un projet d'équilibre à tous égards :

- équilibre, car la prévention du piratage constituait la condition de l'amélioration de l'offre légale à laquelle se sont engagées les industries culturelles ;

- équilibre, car il conciliait la garantie du droit de propriété - aujourd'hui dépourvue de toute effectivité - avec la protection de la vie privée des internautes ;

- équilibre, enfin, car il prévoyait des mesures essentiellement préventives et pédagogiques, adaptées au comportement souvent « ludique » auquel il s'agit de mettre fin.

La ministre a conclu en rappelant qu'il incombait au Parlement, désormais, de faire en sorte que les consommateurs, les créateurs et les centaines de milliers de salariés des industries culturelles puissent tirer parti des fabuleuses opportunités culturelles aussi bien qu'économiques, d'un internet plus « civilisé ».

Un large débat s'est ensuite engagé.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a tout d'abord tenu à préciser qu'il soutenait l'économie générale du projet présenté par la ministre. Il a salué un texte, fruit d'une méthode de travail démocratique, sur la base d'une réflexion impliquant les organisations représentatives du monde de la création culturelle et de l'internet. Il a annoncé, toutefois, qu'il proposerait à la commission des affaires culturelles, à l'occasion de l'examen de son rapport sur le présent projet de loi, un certain nombre d'amendements tendant à :

- conforter les garanties encadrant le fonctionnement de l'autorité administrative indépendante ;

- mieux concilier les droits des créateurs et ceux des internautes ;

- traduire l'équilibre résultant de l'accord de l'Elysée en encourageant le développement de l'offre légale.

M. Michel Thiollière, rapporteur, s'est ensuite interrogé sur le contexte européen en matière de prévention du piratage dans lequel s'inscrit le présent projet de loi. Il a fait référence, notamment, au dispositif contractuel d'avertissement éventuellement suivi de sanction, mis récemment en oeuvre au Royaume-Uni, et pour lequel il a souhaité savoir si un premier bilan était disponible.

Il a également souhaité des précisions sur les moyens qui seront mis à la disposition de l'HADOPI pour lui permettre de mener à bien ses missions.

En outre, en regrettant que les débats dans les médias autour du projet de loi se concentrent essentiellement sur son dispositif préventif, il a émis le souhait qu'un meilleur équilibre soit trouvé, dans sa présentation, entre le développement de l'offre légale et la dimension pédagogique du mécanisme gradué de dissuasion du téléchargement illégal.

Enfin, il a évoqué les difficultés techniques posées par le développement des pratiques de « nomadisme » dans l'usage d'internet, notamment par le biais de connexion sans fil depuis une zone Wi-Fi.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, lui a apporté les éléments de réponse suivants :

- le projet de loi « Création et internet » a été accueilli favorablement par les partenaires européens de la France, à l'occasion de la réunion informelle des ministres en charge de la culture et des questions audiovisuelles à Versailles en juillet 2008 : cette réunion a été l'occasion d'un échange de vues et la méthode de concertation à l'origine de l'accord de l'Élysée a été bien accueillie ;

- s'agissant des expérimentations menées à l'étranger, les dispositifs de lutte contre le piratage aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Norvège ne font pas intervenir d'autorité indépendante, mais reposent sur des accords entre ayants droit et fournisseurs d'accès, alors que le projet français envisage, lui, un système plus protecteur des données personnelles, sous la surveillance d'une autorité indépendante, l'HADOPI ;

- l'HADOPI conservera les compétences de l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), assurées par un collège de neuf membres, visant à rapprocher les consommateurs et les ayants droit. Elle disposera, en outre, d'une commission composée de trois magistrats, entourés d'agents publics pour traiter les questions précises du téléchargement. Le budget à la charge de l'Etat s'élève à 6,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2009 ;

- il est logique que la loi porte principalement sur la création d'une Haute autorité et sur ses fonctions pédagogiques et de sanction. Le développement de l'offre légale, qui s'est enrichie de façon significative au cours la période récente, est tributaire des engagements en matière de chronologie des médias et de DRM auxquels ont souscrit les professions culturelles dans des accords inter-professionnels qui, en tant que décisions d'ordre professionnel, peuvent difficilement être intégrés dans la loi ;

- la grande majorité des téléchargements s'effectue à partir d'adresses IP fixes ; toutefois, s'agissant des adresses IP dynamiques, leur traçabilité par les prestataires de services spécialisés reste techniquement possible. Le nomadisme dans l'usage d'internet pose, en réalité, la question plus large de la responsabilité des personnes morales (collectivités territoriales, entreprises, etc.) mettant à la disposition du public un équipement Wi-Fi : des zones Wi-Fi devront intégrer des dispositifs qui font obstacle au piratage, tels que les systèmes pare-feu, et des travaux pourront être menés entre l'HADOPI et les collectivités pour encadrer l'usage d'internet à des fins de téléchargement.

M. Ivan Renar s'est déclaré préoccupé par le risque de conflit entre le droit d'auteur et les Droits de l'Homme mis en lumière par le vote, par le Parlement européen, de l'amendement présenté par M. Guy Bono. Les différences entre les législations française et communautaire sur cette question pourraient ouvrir la voie à une multiplication des recours.

Il a, ensuite, fait part de son inquiétude sur les risques que pourrait comporter pour un foyer la suspension de l'abonnement à internet, par exemple en termes d'accès à sa ligne téléphonique ou aux programmes audiovisuels.

Il a également sollicité des précisions sur les perspectives d'avancées en matière de chronologie des médias, la situation actuelle encourageant le piratage.

Enfin, il a fait part de sa perplexité sur la bonne volonté des fournisseurs d'accès à internet à se montrer coopératifs dans la lutte contre le téléchargement illégal.

Mme Marie-Christine Blandin, après avoir rappelé qu'elle soutenait la création culturelle, a souligné que le débat devait porter essentiellement sur la qualité, l'efficacité et l'éthique du dispositif dissuasif envisagé par le projet de loi.

Elle a d'abord observé que les propositions relatives à la suppression des digital rights management (DRM) et en faveur d'une offre forfaitaire, qui avaient été écartées à l'occasion de l'examen de la loi sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (dite loi « DADVSI »), sont désormais prises en compte dans la proposition alternative présentée par le Gouvernement.

Elle a ensuite exprimé le souhait que les instruments techniques de prévention du téléchargement illégal, tels que les systèmes de pare-feu, ne se limitent pas à de simples exemples ponctuels et fassent l'objet d'un meilleur encadrement dans le plan du Gouvernement.

Elle a déploré le manque de preuves de l'étanchéité des données collectées par les fournisseurs d'accès à internet, en soulignant que, si la dénonciation de flux anormaux d'oeuvres est acceptable, la communication des titres des oeuvres téléchargées (qui est une possible indication sur la personnalité de l'internaute) pose, en revanche, de sérieux problèmes de confidentialité des données personnelles.

Elle s'est, enfin, interrogée sur la portée juridique de l'amendement adopté par le Parlement européen en septembre 2008, mais non encore validé par la Commission européenne, et sur le risque de son incompatibilité avec le présent projet de loi. Or le vote sur le projet de loi devrait intervenir avant que le Conseil des ministres de l'Union européenne ne se prononce sur le sujet.

En réponse aux intervenants, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a apporté les précisions suivantes :

- l'amendement de M. Guy Bono, député européen, est intervenu dans le cadre de l'examen du Paquet Télécom par le Parlement européen, texte qui n'a pas, a priori, vocation à régler les questions de contenus. Par ailleurs, Mme Catherine Trautmann, députée européenne, à l'origine de la version remaniée de l'amendement adopté, a elle-même souligné que cet amendement n'avait pas de portée juridique et la Commission européenne a réaffirmé, pour sa part, que cet amendement, rappel d'un principe général, ne faisait pas obstacle, dans chaque Etat membre, à la mise en oeuvre de dispositifs de lutte contre le piratage ;

- sur le plan juridique, le caractère de liberté fondamentale de l'accès à internet domestique, qui semble être posé par l'amendement de M. Guy Bono, est loin d'être évident. De la même façon qu'il demeure possible pour un conducteur, dont le permis de conduire vient d'être suspendu, de continuer de jouir de la liberté de se déplacer par d'autres moyens (notamment en transports en commun), la suspension de l'abonnement à internet d'un usager n'empêche pas ce dernier d'avoir accès à une connexion internet chez ses voisins ou dans des cybercafés. Elle a rappelé qu'une liberté fondamentale ne saurait être absolue et doit être conciliée avec d'autres droits, en l'occurrence les droits d'auteur. Regrettant l'effet de brouillage induit par un tel amendement, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a indiqué que la France solliciterait, à l'occasion de l'examen du texte par le Conseil des ministres en charge des télécommunications de l'Union européenne, son retrait dès lors que les problématiques relatives aux contenus n'ont pas leur place dans le Paquet Télécom ;

- s'agissant des conséquences de la suspension de l'abonnement à internet sur les offres « triple play », il est techniquement possible de n'interrompre que l'accès à internet tout en préservant les potentialités des services téléphoniques et audiovisuels. Le coût de ce processus de dissociation des services est évalué approximativement à 3,5 millions d'euros pour l'ensemble des fournisseurs d'accès à internet et cette question fera l'objet de discussions dans les mois à venir ;

- concernant la chronologie des médias, les exploitants d'oeuvres cinématographiques sont conscients de la nécessité d'accélérer le processus, mais entendent préserver leurs intérêts. Le plan du Gouvernement vise essentiellement à modifier les comportements et à stimuler le développement de l'offre légale de téléchargement ; toutefois, la montée en puissance de l'offre légale ne se poursuivra qu'à condition que la lutte contre le piratage porte ses fruits ;

- la loi « DADVSI » n'est pas intervenue dans le même contexte de négociations et d'accords inter-professionnels que celui qui a précédé l'élaboration du présent projet de loi. La loi « DADVSI » reste cependant pertinente en matière de sanction du délit de contrefaçon, en particulier lorsqu'il s'agit de faire intervenir le juge pénal dans des cas de piratage massif. Quant au système de licence globale, évoqué à l'occasion de l'examen de la loi « DADVSI » par le Parlement, il n'avait pas été retenu parce qu'il ne permettait pas une juste rémunération des ayants droit et aurait découragé le développement de l'offre légale et les efforts d'adaptation de la filière culturelle ;

- si le système de pare-feu ne permet, certes, pas de parvenir au piratage zéro, il s'agit, néanmoins, d'une technique qui a favorisé une diminution significative du piratage et qui permet également de répondre à des problèmes qui se posent de façon ponctuelle ;

- concernant l'étanchéité des données personnelles, Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, a noté qu'à la différence du système actuel, où une procédure devant le juge pénal conduit à dévoiler l'identité du pirate poursuivi, le projet de loi garantit la confidentialité des données personnelles à tous les stades du processus d'avertissement, notamment au niveau des fournisseurs d'accès à internet qui ne se posent que comme de simples relais des messages d'avertissement.

Après avoir réaffirmé son soutien à la lutte contre le piratage, M. Serge Lagauche a déploré le retard des industries de la musique et du cinéma dans leur adaptation au monde numérique, comme en témoigne leur difficulté à accélérer la suppression des DRM. Il a jugé indispensable de stimuler le secteur de la création culturelle pour lui demander de s'adapter plus rapidement aux nouvelles technologies. Il a fait part de sa perplexité quant à l'argument selon lequel la chute du piratage permettrait de relancer à elle seule la production culturelle, en ajoutant qu'il appartient également aux industries culturelles de trouver leur place dans le nouvel environnement numérique afin de satisfaire les besoins spécifiques de publics divers.

Après s'être félicitée du chemin parcouru depuis le vote de la loi « DADVSI », Mme Catherine Morin-Desailly s'est interrogée sur l'articulation du futur dispositif préventif avec les sanctions pénales déjà en vigueur et le risque éventuel de cumul des sanctions.

Soulignant l'importance du travail interministériel en matière de lutte contre le téléchargement illégal, elle a également demandé des précisions sur la coordination des efforts, dans ce domaine, entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture et de la communication.

Elle a enfin exprimé le souhait qu'une réflexion sur la chronologie des médias s'engage, afin notamment d'accentuer le développement de l'offre légale.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, leur a apporté les éléments de réponse suivants :

- l'offre légale a connu une montée en puissance significative depuis la loi « DADVSI ». Il est souhaitable, toutefois, que la suppression des DRM s'accélère. S'agissant de la chronologie des médias, il apparaît nécessaire que l'industrie du cinéma entreprenne une réflexion sur les attentes des jeunes publics par rapport au cinéma, en s'appuyant notamment sur des actions pédagogiques sur la place du cinéma et la réalisation cinématographique, susceptibles de raviver le désir de salle ;

- concernant le risque de double sanction, il n'apparaît pas opportun d'y faire obstacle dans la loi, étant entendu que les sanctions administratives et les sanctions pénales ne sont traditionnellement pas exclusives les unes des autres en droit français. Il semble toutefois peu probable que nombreux soient les cas de personnes susceptibles d'être doublement mises en cause, à la fois par l'HADOPI et sur le plan pénal, dès lors que les sanctions pénales sont réservées aux responsables de téléchargements massifs signalés par les prestataires de services spécialisés ;

- il est envisageable, avec l'appui du ministère de l'éduction nationale, de sensibiliser les jeunes au travers des modules d'éducation civique sur les dangers posés par le téléchargement illégal et de les encourager à emprunter des voies d'accès aux oeuvres culturelles plus respectueuses des droits d'auteur telles que l'achat de l'objet culturel ou le streaming légal.

Mercredi 22 octobre 2008

- Présidence de M. Jacques Legendre, président, puis de Mme Colette Mélot, vice-présidente -

Nominations de rapporteurs

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a procédé à la nomination de rapporteurs.

Elle a nommé :

M. Philippe Richert rapporteur de sa proposition de loi n° 17 (2008-2009), concernant les nouvelles possibilités de transfert d'affectation aux collectivités territoriales du patrimoine de l'Etat ;

- M. Jean-Claude Carle sur la proposition de loi n° 19 (2008-2009) de M. Yves Détraigne, visant à encadrer la participation des communes au financement des écoles privées sous contrat d'association et sur sa proposition de loi n° 20 (2008-2009) tendant à garantir la parité de financement entre les écoles primaires publiques et privées sous contrat d'association lorsqu'elles accueillent des élèves scolarisés hors de leur commune de résidence.

Scolarisation des jeunes enfants - Examen du rapport d'information

Puis la commission a entendu Mme Monique Papon et M. Pierre Martin sur le rapport d'information du groupe de travail relatif à la scolarisation des jeunes enfants.

A titre liminaire, Mme Monique Papon, rapporteur, a rappelé qu'elle avait été chargée par la commission, ainsi que M. Pierre Martin, d'animer un groupe de travail sur la scolarisation des enfants de moins de trois ans. Elle a tenu à remercier les membres du groupe de travail qui ont participé également à cette réflexion, dont elle s'est félicitée du caractère passionnant.

Elle a indiqué que le groupe de travail avait procédé à plus de vingt-cinq auditions afin d'entendre l'ensemble des points de vue sur cette question controversée de la scolarisation précoce, et qu'il avait visité une classe de très petite section dans une école maternelle située en ZEP à Gennevilliers.

Elle a estimé, tout d'abord, que les travaux du groupe de travail avaient permis de dresser un bilan mitigé, sur les conditions d'accueil et pour l'intérêt de l'enfant, de la scolarisation des moins de trois ans qui plus renvoie davantage à une donnée historique liée au développement de l'école maternelle dans les années 1970-1980, dans un contexte de baisse démographique, qu'à une politique volontariste en la matière.

La France est le seul pays, avec la Belgique, à accueillir des enfants dans un cadre scolaire à partir de l'âge de deux ans. Cette exception française trouve son fondement dans l'histoire de la politique éducative dans notre pays. La France a très tôt fait le choix d'une structure préscolaire placée à la fois sous le contrôle de l'Etat et sous l'égide du ministère en charge de l'instruction. Ce choix historique permet de comprendre les enjeux qui se nouent autour de l'école maternelle et de la scolarisation des jeunes enfants, quasiment d'ordre culturel, l'école maternelle exerçant aujourd'hui un rôle emblématique de passerelle entre la famille et l'école élémentaire.

M. Pierre Martin, rapporteur, a relevé pour sa part que la cartographie du taux de scolarisation à deux ans était également marquée par de fortes disparités territoriales : il est élevé en Bretagne, dans le Nord, dans le Massif central et les Pays de la Loire, mais faible en Ile-de-France, en Alsace et dans le Sud-Est ; ces inégalités sont anciennes et tendent à perdurer malgré la baisse du niveau de scolarisation des moins de trois ans.

A la rentrée 2007, les taux de scolarisation à deux ans les plus élevés étaient ceux se rencontrent dans les académies de Lille : 53,1 % et de Rennes : 50,4 %, a contrario, en France métropolitaine, l'académie de Paris ne scolarise que 5,8 % des enfants de moins de trois ans, celles de Créteil et de Strasbourg 7,8 % ; pour une même académie, on constate de forts contrastes entre départements.

Il a ajouté que les disparités territoriales n'avaient pas d'explication satisfaisante car elles peuvent être liées à des données démographiques, à un faible taux d'équipement en crèches collectives, à la concurrence exercée par l'enseignement privé, comme dans l'académie de Rennes. Pour lui, elles résultent majoritairement de données locales inscrites dans le long terme qui conjuguent plusieurs facteurs.

Le rapporteur a indiqué qu'au-delà de ce panorama général, les auditions du groupe de travail avaient permis de constater que les conditions actuelles de la scolarisation des jeunes enfants étaient l'objet de critiques émanant de l'ensemble des acteurs, au sens large, du système éducatif. Le fonctionnement de l'école maternelle ne semble pas adapté à cette tranche d'âge, les critiques portant surtout sur les effectifs des classes, l'adaptation des locaux, la souplesse des horaires, le niveau d'encadrement ou l'adéquation de la formation des personnels. Elles sont notamment formulées par les enseignants eux-mêmes. Les défenseurs d'une scolarisation précoce soulignent que ce dispositif n'a pas vocation à s'adresser à tous les enfants de deux ans.

M. Pierre Martin, rapporteur, a déclaré que la réflexion du groupe de travail avait été guidée par l'attention particulièrement portée au respect des rythmes et des besoins du jeune enfant, résumé par l'expression de Mme Claire Brisset, ancienne défenseure des enfants, « respecter le temps du bébé ». L'école maternelle apparaît peu adaptée à la tranche d'âge des deux-trois ans, marquée par une grande hétérogénéité physiologique et psychique.

Il a souligné que le groupe de travail avait notamment été alerté par les conséquences néfastes d'une scolarisation trop précoce en matière d'acquisition du langage à un moment-clé du développement de l'enfant qui nécessite une interaction forte avec les adultes.

Le groupe de travail s'est également interrogé sur le bénéfice scolaire retiré par ces enfants scolarisés dès l'âge de deux ans, le dispositif étant d'abord considéré comme devant favoriser la réduction des inégalités sociales et la prévention de l'échec scolaire.

Les enquêtes les plus récentes, conduites par les services du ministère de l'éducation nationale, semblent montrer que les effets positifs d'une scolarisation avant trois ans sont en fait limités et que l'avantage, lorsqu'il existe, n'est pas durable. En effet, c'est au cours de la scolarité élémentaire que cet avantage s'érode, même si les enfants entrés à l'école maternelle à deux ans redoublent un peu moins souvent. L'écart de réussite n'est significatif qu'entre les enfants scolarisés à trois ans et ceux entrés à l'école maternelle plus tardivement.

Paradoxalement, ce sont les enfants de milieux très favorisés et ceux issus de populations immigrées qui profitent le plus d'une scolarisation dès deux ans. Cependant, l'allongement de la scolarisation préélémentaire ne permet pas de réduire les écarts préexistants, liés au trimestre de naissance ou à l'appartenance sociale.

Il a rappelé que l'école maternelle à la française faisait figure d'exception au sein des systèmes éducatifs européens, sans que les résultats en termes de réussite scolaire de nos voisins européens en pâtissent.

Par ailleurs, il a relevé que les académies de Rennes et de Grenoble détenaient les taux de réussite au baccalauréat les plus élevés, alors qu'elles divergeaient fortement sur le plan de la scolarisation des moins de trois ans.

Le rapport d'information décrit ensuite le dispositif des structures-passerelle qui reposent sur un partenariat engagé au plan local entre différents acteurs de la petite enfance. Ces initiatives, qui visent à faciliter le passage de la famille à l'école maternelle en accompagnant les parents dans cette démarche, se manifestent dans des secteurs géographiques défavorisés et s'adressent prioritairement à des enfants n'ayant pas fréquenté de structure d'accueil collective.

Mme Monique Papon, rapporteur, a indiqué qu'à l'issue de ses travaux, le groupe de travail avait acquis la conviction que les conditions actuelles de la scolarisation des jeunes enfants, qui font l'objet de critiques de l'ensemble des acteurs, au sens large, du système éducatif, mais aussi l'intérêt de l'enfant qui a guidé sa réflexion, devaient conduire à s'écarter progressivement d'un tel dispositif.

Elle a proposé de constituer un pôle autour de l'accueil de la petite enfance, fondé sur une approche chronologique du temps de l'enfance. Il s'agit de destiner en priorité les établissements d'accueil de type crèche collective et familiale aux seuls bébés, de promouvoir de nouvelles structures d'accueil éducatives pour les jeunes enfants âgés de deux ans et plus et d'assurer une scolarisation réussie des enfants à partir de trois ans révolus dans l'année civile.

Après avoir considéré la nécessité d'harmoniser les différents dispositifs en développant les relations entre des partenaires de formations et de cultures professionnelles différentes, Mme Monique Papon, rapporteur, a souhaité que l'ensemble des parties prenantes à la mise en oeuvre des modes de garde élaborent au niveau national une charte de qualité pour l'accueil des tout-petits, qui permette de définir les conditions d'un accueil adapté et sécurisant.

Le groupe de travail suggère en outre de mieux organiser l'information sur les modes de garde et d'accueil, en considérant les besoins spécifiques de chaque tranche d'âge et en accompagnant les parents dans leur démarche, afin d'éclairer leur choix entre les diverses modalités de prise en charge des enfants.

La réflexion engagée par le groupe de travail conduit à proposer la création d'un lieu d'éducation et d'éveil destiné aux enfants de deux à trois ans, conçu comme structure intermédiaire originale répondant à un cahier des charges précis. Ce lieu, qui précéderait l'entrée à l'école maternelle, pourrait prendre la dénomination de « jardin d'éveil » et s'inscrirait dans le cadre de la politique familiale comme un nouveau service public.

Le « jardin d'éveil » doit pouvoir offrir un programme centré sur le jeu, des effectifs réduits, de l'ordre de quinze enfants pour un adulte, et un personnel formé aux spécificités des jeunes enfants, les éducateurs de jeunes enfants, avec une souplesse de fonctionnement.

Les écoles maternelles pourraient mettre à disposition des locaux existants déjà partiellement aménagés et autoriser l'utilisation conjointe de certains lieux. Les « jardins d'éveil » devraient être en priorité adossés aux écoles maternelles.

Le groupe de travail propose en outre que la politique tarifaire de cette nouvelle structure fasse l'objet d'une attention particulière à l'égard des foyers bi-actifs.

Puis elle a suggéré que la décision de scolarisation de l'enfant fasse l'objet d'un avis élaboré au sein de la communauté éducative, tenant compte de l'épanouissement et du développement de l'enfant, dans une approche de continuité éducative avec l'école maternelle.

Par ailleurs, elle a souligné qu'il importait de conforter le rôle de première école qui est au coeur de la mission de l'école maternelle, dans le respect des nouveaux programmes pour l'école primaire, élaborés en 2008, qui prévoit une scolarité préélémentaire en trois années.

Le groupe de travail suggère enfin, dans le cadre de la réforme du recrutement et de la formation des enseignants, qui doit s'appliquer en 2010, de renforcer les compétences nécessaires à l'enseignement en école maternelle, la formation professionnelle pour ce niveau d'enseignement étant en effet aujourd'hui jugée insuffisante, voire inexistante.

Un débat a suivi cet exposé.

Mme Marie-Christine Blandin a souligné, outre son caractère audacieux, le fait que le rapport d'information prenait en considération l'intérêt de l'enfant au regard des conditions d'accueil en milieu scolaire et de la diversité territoriale de cet accueil en France. Tout en qualifiant de séduisante et intéressante la proposition du groupe de travail de créer des jardins d'éveil, elle en a réfuté certains effets, jugés « aventureux ».

Elle a dénoncé ainsi la remise en cause du caractère gratuit mais aussi de la tutelle du ministère de l'éducation nationale sur l'accueil des enfants de moins de trois ans. Elle a exhorté l'Etat à ne pas se désengager de sa responsabilité régalienne en matière de pédagogie.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin a fait observer que les inégalités existantes en matière de scolarisation précoce devraient être le point de départ de toute réflexion. Elle a rappelé la nécessité de garantir un égal accès à cet accueil sur l'ensemble du territoire.

Elle a également souligné que les auditions du groupe de travail dont elle était membre avaient permis, au-delà des critiques, de constater les bienfaits d'une scolarisation dès le plus jeune âge, au regard notamment de l'acquis du langage comme facteur déterminant sur l'apprentissage des autres connaissances.

Elle a considéré que la confusion entre garde et éducation permettait de remettre en question l'organisation actuelle de l'école maternelle, de même que l'absence de proposition d'abaissement de l'obligation scolaire à 3 ans.

Enfin, après avoir fait observer que la proposition du groupe de travail transférait aux collectivités territoriales la responsabilité et le coût de l'accueil des jeunes enfants, sans permettre une égalité d'accès en termes de moyens, elle a indiqué qu'elle ne partageait pas les conclusions de ce rapport.

M. Yannick Bodin a relevé, tout d'abord, que l'obligation scolaire à trois ans deviendrait un jour une réalité. Tout en rappelant que la politique de la petite enfance était plus incitative en France que dans les autres pays européens, il a souligné que le mot « scolarisation » était à l'origine du débat actuel. Il s'est prononcé pour le maintien de la scolarisation dès deux ans pour les enfants issus des familles les plus en difficulté, notamment pour des raisons sociales ou linguistiques.

Après avoir précisé que la réponse apportée devait être fonction de la maturité de chaque enfant, il a regretté que la proposition d'un nouveau service public, intitulé « jardin d'éveil » fasse apparaître une rupture au regard du caractère propre de l'école maternelle.

M. Yannick Bodin s'est également interrogé sur la garantie d'une couverture exhaustive de l'ensemble du territoire et sur le statut des personnels recrutés.

Il a considéré, enfin, que si les conclusions du groupe de travail devaient conduire à une remise en cause du principe de gratuité inhérent à l'école maternelle et à une participation financière accrue des familles, il ne pouvait les partager.

Mme Lucienne Malovry a estimé que l'accueil des enfants de deux ans nécessitait de disposer d'un personnel spécialisé et d'un cadre adapté aux besoins spécifiques de cette tranche d'âge. Elle a estimé que l'enfant devait attendre l'âge de trois ans avant d'entrer dans le système scolaire qui repose sur un certain nombre de contraintes et d'exigences, la possibilité de déroger à cette règle étant réduite à quelques exceptions pour lesquelles le milieu scolaire offre un cadre sécurisant que n'apporte pas la sphère familiale.

Elle s'est montrée réticente à ce projet de « jardin d'éveil », compte tenu de la nécessité de préserver la qualification et le niveau d'encadrement des établissements d'accueil du jeune enfant, tout en se déclarant favorable à l'abaissement de l'obligation scolaire à trois ans. Elle a préconisé la présence d'un agent territorial spécialisé d'école maternelle (ATSEM) par classe.

M. Claude Bérit-Débat a fait part de son opposition à la proposition du groupe de travail de créer une nouvelle structure, qui constituerait une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales, en premier lieu les communes, alors qu'elles sont actuellement confrontées au désengagement des caisses d'allocations familiales en matière de financement des activités extra-scolaires.

Il a souligné également l'ambiguïté du débat qui se situe entre mode d'éducation et mode de garde, l'école maternelle étant alors considérée comme un substitut à la garde d'enfants.

Mme Françoise Cartron a fait part de son expérience de directrice d'école maternelle en ZEP. Elle a considéré que les éléments du rapport d'information apportaient une réponse de type mode de garde, alors que les enfants âgés de deux ans sont extrêmement peu nombreux en école maternelle, compte tenu de la mise en oeuvre d'une politique dissuasive en matière d'accueil des jeunes enfants.

Abordant la question de l'école dans les quartiers difficiles, elle a estimé que le rôle de l'école maternelle était de prendre en considération de façon précoce les difficultés sociales, psychologiques et d'attention de certains enfants.

Elle a considéré également que la classe de très petite section jouait un rôle déterminant dans l'acquisition du langage et permettait la réalisation d'un travail dont l'incidence serait visible au cours de la scolarité.

Elle a relevé, par ailleurs, que les familles de milieux défavorisés étaient peu disposées à envoyer leurs enfants dans des structures collectives autres que l'école maternelle.

Pour conclure, elle a demandé de ne pas supprimer, pour tous et partout, la possibilité d'accueillir dès deux ans les enfants à l'école maternelle.

Mme Colette Mélot, présidente, a rappelé que les conclusions du groupe de travail participaient d'un débat public qui nécessitait une réflexion conjointe des ministères de l'éducation et de celui des affaires sociales.

En réponse aux différents intervenants, M. Pierre Martin, rapporteur, a souligné que les nombreuses remarques démontraient l'intérêt porté aux conclusions du rapport. Il a précisé que la proposition principale avait pour objet de répondre à la baisse du taux de scolarisation des enfants de moins de trois ans par une adaptation audacieuse du système d'accueil qui tienne compte des évolutions de notre société.

Le financement de cette nouvelle structure reposerait sur un partenariat entre les différents acteurs concernés qui implique notamment la branche famille de la sécurité sociale écartant ainsi un transfert automatique vers les collectivités territoriales. Il a fait remarquer d'une part, que les parents ont été contraints de trouver des solutions d'accueil pour leurs enfants en dehors du champ de l'éducation nationale et d'autre part, que les communes participaient déjà au financement des écoles maternelles dans le cadre du recrutement d'agents territoriaux spécialisés d'école maternelle (ATSEM).

S'agissant de l'abaissement de l'âge de l'obligation scolaire, il a rappelé que le taux de scolarisation des enfants de trois ans était actuellement de l'ordre de 100 %.

Il a préconisé la création de cette nouvelle structure afin que les familles puissent bénéficier d'une offre de garde élargie sur l'ensemble du territoire.

Mme Monique Papon, rapporteur, a estimé que la proposition de « jardin d'éveil » avait pour ambition de faire prendre conscience à l'ensemble des partenaires de la nécessité d'adapter l'offre de garde aux besoins spécifiques des enfants de deux à trois ans. Elle a précisé que le terme de scolarisation n'était pas approprié à cette tranche d'âge, et que la suggestion du groupe de travail s'inscrivait comme une transition vers l'école maternelle.

La commission a adopté les conclusions du rapporteur et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information, les groupes socialiste et communiste républicain et citoyen votant contre.

Médias et jeunesse - Examen du rapport d'information

La commission a ensuite entendu M. David Assouline sur son rapport d'information relatif à l'impact des nouveaux médias sur la jeunesse.

Après avoir constaté que les rapports entre la jeunesse et les nouveaux médias cristallisent les passions, M. David Assouline, rapporteur, a souligné que l'objet de son rapport est de déterminer dans quelle mesure ces technologies mettent le poison à la portée des plus faibles, comme le déclarait Ernest Pinard à propos du livre « Mme Bovary » en 1857, et quels sont, au contraire, leurs atouts pour les jeunes d'aujourd'hui. Une cinquante de personnalités ont été auditionnées, et un blog de la mission, lancé en mai 2008, a permis de recueillir les avis des internautes, qui ont été plus de 5 000 à le consulter.

Il a ensuite insisté sur le fait que non seulement la révolution numérique est engagée, mais encore et surtout que les jeunes en sont le fer de lance, dans la mesure où ils se servent davantage des nouveaux médias que leurs parents, et bien souvent les maîtrisent mieux. Ces jeunes utilisent principalement les outils numériques pour communiquer : 60 % des 12 à 17 ans se servent ainsi de la messagerie instantanée et 30 % d'entre eux auraient un blog. Il a considéré que cette évolution est durable et qu'elle se renforcera avec la miniaturisation des équipements, et son corollaire, la convergence numérique. Le téléphone sera, à court ou moyen terme, à la fois téléphone, navigateur Internet, console de jeux et télévision.

M. David Assouline, rapporteur, a jugé contre-productif de regretter l'invasion des nouveaux médias et estimé nécessaire, au contraire, de réfléchir dès maintenant aux meilleurs moyens d'intégrer les pratiques numériques des jeunes pour qu'elles leur soient le plus profitable possible.

Il a, au demeurant, souligné que les bienfaits des nouveaux médias sont nombreux :

- ils permettent, en premier lieu, une libération de la parole de nombreux adolescents qui ont des difficultés à s'exprimer et à s'intégrer dans la vie réelle. Il a rappelé, à cet égard, qu'un adolescent sur quatre qui se suicident, passe à l'acte parce qu'il a du mal à assumer son homosexualité et qu'à ce titre tout lieu d'expression libre et anonyme est intéressant ;

- ils sont un facteur de socialisation. Les sites de réseaux sociaux rencontrent ainsi un succès extraordinaire. Les jeunes immigrés ou de familles divorcées peuvent, grâce à Internet, communiquer avec les membres de leur famille dont ils sont éloignés ;

- ils sont aussi des catalyseurs de compétences. Une étude britannique a démontré que la pratique des jeux vidéo développe les capacités de concentration des enfants tant qu'ils ne sont pas utilisés de manière excessive. Ils développent aussi leur habileté motrice et leur faculté d'apprendre par tâtonnement ;

- ils permettraient également aux jeunes de renforcer leurs qualités de persévérance. Loin des maux que l'on a attribués à la télévision, qui entraînerait passivité et tendance au zapping, les nouveaux médias rendraient les jeunes actifs, habiles et exigeants ;

- ils sont aussi un support culturel extraordinaire. Sans contester les torts réels que le téléchargement illégal fait au droit d'auteur, M. David Assouline a ainsi souligné que la musique n'a jamais été aussi accessible qu'avec les échanges de pair à pair. Les blogs ou certaines vidéos diffusées sur les sites de partage montrent également la vitalité de la création de la jeunesse française ;

- ils ont enfin un intérêt pédagogique certain, en valorisant des compétences et des élèves qui ne sont pas nécessairement reconnus à l'école. Le développement des tableaux numériques est, par ailleurs, une piste intéressante afin de diminuer le poids du cartable.

Il a néanmoins insisté sur le fait qu'il faut aussi admettre, dès lors que l'on reconnaît une influence à l'image et aux médias, qu'ils peuvent être dangereux et nuire à l'équilibre des jeunes téléspectateurs et internautes.

L'un des principaux risques de ces nouveaux médias est, selon lui, qu'ils entraînent un amaigrissement de la sphère de l'intime. Il a préconisé à cet égard de :

- définir juridiquement le statut des données personnelles mises en ligne sur les sites de réseaux sociaux, notamment en cas de désabonnement ;

- réglementer l'usage de la « webcam » sur les messageries instantanées ;

- et renforcer les messages d'alerte sur les plates-formes de blogs et les sites communautaires.

Evoquant ensuite l'influence néfaste de la publicité sur l'alimentation et les comportements de consommation, M. David Assouline a souhaité qu'une étude de grande ampleur soit rapidement lancée sur l'impact de la publicité à la télévision, mais surtout sur Internet, où elle est plus insidieuse, mais probablement aussi efficace.

Citant la formule d'un journaliste américain selon lequel il y a trois formes de mort : la mort cardiaque, la mort cérébrale et la déconnexion du réseau, M. David Assouline a cependant tenu à nuancer les risques de cyber-dépendance et d'addiction aux jeux vidéo. Si les risques liés à l'épilepsie ou à l'utilisation du Wifi sont faibles, l'exposition des jeunes enfants aux téléphones portables devrait être limitée. A cet égard, il a préconisé l'interdiction de la vente des téléphones portables spécifiques aux enfants.

Il a ensuite déclaré qu'Internet fait éclater l'univers médiatique et remet en cause le journalisme traditionnel. Bien que des informations très intéressantes soient diffusées sur Internet, il est aussi le lieu où les accusations calomnieuses et la théorie du complot font florès, particulièrement auprès des jeunes.

Il s'est inquiété enfin de la violence dans les nouveaux médias. Par le biais des jeux vidéo guerriers et sanglants, des images brutales et pornographiques sur Internet, les nouveaux médias mettent la violence à portée de tous, et notamment des plus jeunes. Si les analyses psychologiques et sociologiques montrent que l'impact du spectacle de la violence physique est relativement faible, notamment grâce aux messages pédagogiques délivrés par les familles et les institutions, les risques de la pornographie, qui tend à modifier les comportements sexuels des adolescents, sont mis en avant par de nombreux experts. Sur cette question, il a déclaré que la réponse passe en partie par la maîtrise des contenus et suggéré que les institutions créent une instance de régulation d'Internet.

M. David Assouline a ensuite relevé que la protection des mineurs dans les médias traditionnels fait l'effet d'un mille-feuilles juridique et administratif. Quatre structures sont en effet chargées du contrôle de la presse, des supports vidéo, du cinéma et enfin de la télévision, alors qu'aucune n'existe pour Internet. La maîtrise d'Internet est pourtant possible grâce au développement des logiciels de contrôle parental, de plus en plus efficaces, qui contiennent soit des listes blanches réunissant des sites autorisés, soit des listes noires interdisant l'accès à un certain nombre de sites. La protection de l'enfance peut également être améliorée sur la télévision mobile personnelle et les sites de vidéo à la demande.

Afin de définir des règles communes de protection pour l'ensemble des médias, anciens et nouveaux, le rapporteur a proposé la création d'un organisme en charge de la protection de l'enfance sur les médias, qui se substituerait à l'ensemble des commissions existantes, et dont la composition serait élargie à la société civile.

Il a appelé de ses voeux, en outre, un renforcement de la coopération européenne et internationale du fait du caractère transnational d'Internet, notamment sur la constitution des listes noires.

Néanmoins, reconnaissant les limites des solutions techniques, il a insisté sur le renforcement de l'éducation aux médias.

Remarquant qu'en dépit de l'arrivée de la radio, de la télévision et aujourd'hui d'Internet, le modèle de l'éducation ayant pour support privilégié le livre imprimé n'a pas évolué, il a estimé que l'éducation aux nouveaux médias permettrait d'apprendre aux enfants à adopter une distance critique vis-à-vis des informations délivrées par les médias, de motiver les élèves, de consolider leurs capacités d'analyse et de renforcer leur engagement citoyen. Bien que prévue dans les programmes, elle n'est aujourd'hui que peu pratiquée en raison des contraintes horaires, mais aussi de son caractère facultatif.

Afin de remédier à ces insuffisances, M. David Assouline a proposé :

- de conforter l'action du Centre de liaison de l'enseignement et des médias d'information (CLEMI), en stabilisant ses moyens ;

- de renforcer le rôle des professeurs documentalistes, qui sont aujourd'hui, plus des documentalistes que des professeurs ;

- la mise en place d'un module de 10 heures annuelles d'éducation aux médias en quatrième et en seconde, animé par les documentalistes ;

- l'utilisation prioritaire des nouveaux médias comme support pédagogique dans les cours d'éducation civique ;

- et enfin le recentrage des brevets informatique et internet (B2i) sur l'usage des nouveaux médias.

Enfin, il a émis le souhait que l'ensemble de la société soit mobilisée sur le thème de l'éducation aux médias, notamment les médias eux-mêmes et les familles.

Regrettant la suppression de l'émission « Arrêt sur images », il a émis le voeu que la télévision publique programme une émission hebdomadaire de décryptage des médias. L'information du téléspectateur, notamment sur la source des images diffusées, doit également être améliorée sur l'ensemble des chaînes.

Enfin, M. David Assouline a évoqué l'indispensable responsabilisation des familles et la diffusion de messages clairs sur l'intérêt de la mise en place des logiciels de contrôle parental.

La commission a approuvé les conclusions du rapporteur à l'unanimité et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

- Présidence commune de M. Jacques Legendre, président, et de M. Gérard César, vice-président de la commission des affaires économiques  -

Diffusion numérique - Audition de M. Bruno Retailleau sur son rapport au Premier ministre

Au cours d'une deuxième séance tenue dans l'après-midi, la commission a entendu, conjointement avec la commission des affaires économiques, la présentation par M. Bruno Retailleau, président de la commission du dividende numérique, du rapport au Premier ministre sur le schéma national de réutilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique.

A titre liminaire, M. Bruno Retailleau a souligné la légitimité de l'organisation d'une réunion commune aux deux commissions, faisant observer que la commission du dividende numérique était composée de huit parlementaires issus à parité des commissions des affaires économiques et des commissions des affaires culturelles de chaque assemblée.

Afin d'expliciter la notion de dividende numérique, il a rappelé qu'à la date du 30 novembre 2011 s'éteindrait la diffusion analogique de la télévision hertzienne terrestre au profit de sa diffusion numérique. Ce passage devrait permettre des économies substantielles. La télévision numérique a en effet besoin de moins de vecteurs, le mode numérique permettant de diffuser, par bande de fréquences, six fois plus de chaînes qu'en mode analogique.

L'extinction de la diffusion hertzienne analogique libèrera des fréquences, dites « fréquences en or », ces fréquences basses ayant d'excellentes qualités de propagation et permettant de transporter au loin de nombreuses informations. Ces fréquences permettront donc une meilleure couverture du territoire. Utilisées aujourd'hui pour la diffusion audiovisuelle, elles ont une valeur telle que la loi n° 2007-309 du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, a prévu une procédure particulière pour leur réaffectation, par décision du Premier Ministre.

M. Bruno Retailleau a rappelé que la commission du dividende numérique issue de cette loi, permettait à la représentation nationale d'éclairer le Premier ministre dans sa décision de réaffectation. La commission a effectué de nombreuses auditions, lancé une consultation publique sur internet, recueilli 50 contributions et diligenté des études (notamment afin d'analyser l'évolution des usages).

Il est apparu clairement à la commission que ces fréquences, revendiquées par de nombreux acteurs, ont un potentiel exceptionnel en termes économique, social, et d'aménagement du territoire. Elles doivent donc profiter d'abord aux Français. En conséquence, la commission s'est interrogée sur différents éléments : les usages de demain, la demande de débit et l'exigence de mobilité.

M. Bruno Retailleau s'est alors félicité de ce que les préconisations adoptées à l'unanimité par la commission aient été retenues dans leur intégralité par le Président de la République dans le plan « France numérique 2012 » présenté le 20 octobre 2008.

En premier lieu, la commission a anticipé la généralisation de la télévision haute définition, et proposé, afin que le secteur audiovisuel puisse relever ce défi, de mobiliser à horizon 2012 une large partie des fréquences libérées pour constituer 11 multiplexes télévision numérique terrestre (TNT) couvrant 95% de la population et 2 multiplexes télévision mobile personnelle (TMP) -soit 32 chaînes- avec une couverture de 70 % à 80 % de la population.

En second lieu, la commission a préconisé que, dans le cahier des charges des futurs appels à candidatures pour les services diffusés en haute définition, soit inscrit un pourcentage significatif de production de contenus en haute définition native, c'est-à-dire tournés dès le début du processus en haute définition, ce qui assurerait une plus-value qualitative manifeste pour le spectateur.

En troisième lieu, la commission a proposé de réaffecter les fréquences libérées de la bande III-UHF à la radio numérique, ce qui permettra aux Français de bénéficier d'une offre de programmes enrichie, notamment grâce à l'augmentation du nombre de stations et à l'extension de la couverture.

En quatrième lieu, la commission a recommandé l'attribution de l'intégralité de la sous-bande 790-862 MHz, soit neuf canaux, aux communications électroniques, afin d'offrir au plus grand nombre un accès internet à très haut débit en usage fixe et mobile, en tout point du territoire. Cela devrait assurer une plus grande couverture du territoire (jusqu'à 99 % quand seulement 30 % du territoire sont aujourd'hui couverts en téléphonie mobile de troisième génération), une pénétration plus facile dans les bâtiments et une capacité pour les Français d'accéder en mobilité à toutes les applications.

Enfin, les dernières recommandations de la commission ont trait au processus de décision. M. Bruno Retailleau a ainsi rappelé la nécessité d'étendre au plus vite la couverture en TNT et d'améliorer l'information des Français sur le basculement et leur équipement afin d'éteindre correctement la diffusion analogique. Il a donc relevé avec intérêt la disposition contenue dans le plan « France numérique 2012 » prévoyant l'institution d'« ambassadeurs du numérique », devant accompagner l'extinction de la télévision analogique chez les publics les plus fragiles.

Economie numérique - Audition de M. Eric Besson, secrétaire d'Etat, auprès du Premier ministre, chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique

Puis la commission a entendu, conjointement avec la commission des affaires économiques, M. Eric Besson, secrétaire d'Etat, auprès du Premier ministre, chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique, sur le plan « France Numérique 2012 » présenté le 20 octobre 2008.

Après avoir salué le travail de la commission sur le dividende numérique, présidée par M. Bruno Retailleau, sénateur de la Vendée, dont les propositions ont largement contribué au plan « France Numérique 2012 », M. Eric Besson a souligné que l'économie numérique constituait, dans de nombreux pays, l'un des moteurs de la croissance les plus performants. Mais si elle représente 5 à 6 % du PIB en France, elle atteint le double aux Etats-Unis, le triple en Corée et en Finlande, ce qui illustre l'ampleur des efforts à fournir en France.

En dépit d'atouts importants, notre pays présente en effet des faiblesses, notamment une insuffisante connexion des Français à internet, malgré la forte implication des collectivités territoriales qui ont contribué à l'émergence de plus de cent réseaux d'initiative publique et investi plusieurs centaines de millions d'euros pour le désenclavement numérique des territoires.

M. Eric Besson a ensuite présenté les quatre priorités du plan de développement de l'économie numérique arrêté par le Président de la République et le Gouvernement :

- permettre à tous les Français d'accéder aux réseaux et aux services numériques ;

- développer la production et l'offre de contenus numériques ;

- accroître et diversifier les usages et les services numériques dans les entreprises et les administrations, ainsi que chez les particuliers ;

- moderniser la gouvernance de l'économie numérique.

S'agissant de la première priorité, il a souligné que le déploiement des réseaux numériques sur tout le territoire était la pierre angulaire de toute politique numérique : il permet en effet l'accès de tous à l'information, à la connaissance, à la communication ; il favorise par ailleurs la croissance des industries et des services numériques. Or, selon les opérateurs, un à deux millions de Français demeurent aujourd'hui exclus de l'accès aux réseaux haut débit, et peut-être sont-ils davantage. A cet égard, il a observé que le souhait, exprimé notamment lors de la discussion de la loi de modernisation de l'économie (LME), d'intégrer l'accès au haut débit dans le service universel n'était pas partagé par tous les membres de l'Union européenne.

Puis, rappelant l'engagement pris dans le cadre de la LME d'assurer une couverture totale du territoire par le haut débit en 2012, il a indiqué que le calendrier serait accéléré afin de parvenir à cet objectif dès 2010. Il a précisé qu'un appel à candidatures serait ainsi lancé dès 2009 pour la fourniture d'une prestation d'accès universel à internet haut débit : chaque Français, où qu'il habite, bénéficiera donc à compter de 2010 d'un droit à l'accès à internet haut débit à un tarif abordable (inférieur à 35 euros par mois, matériel compris), opposable à des opérateurs clairement identifiés.

S'agissant de l'accès au très haut débit, qu'il a qualifié de « nouvelle frontière » et dont il a souligné l'enjeu financier (10 milliards d'euros d'investissements sur dix ans), M. Eric Besson a réitéré l'engagement du Gouvernement à publier d'ici à la fin de l'année l'ensemble des décrets d'application de la LME afin de permettre la mise en oeuvre rapide du droit individuel à la fibre optique dans les immeubles, du « fibrage » systématique de tous les immeubles par étapes successives, de l'harmonisation des conditions de la concurrence entre les opérateurs de fibre optique, etc.

En ce qui concerne la télévision numérique terrestre (TNT), il a rappelé l'engagement du Président de la République et du Premier ministre qu'elle serait opérationnelle sur l'ensemble du territoire, y compris outre-mer, en novembre 2011. Outre le plan de communication ambitieux et le fonds d'aide aux personnes aux revenus modiques pour qu'elles ne supportent pas le coût du passage à la TNT déjà prévus par la loi, le Gouvernement a décidé de financer des « ambassadeurs du numérique », spécialistes rémunérés et labellisés par l'Etat qui iront vers les Français les plus fragiles pour les aider à franchir cette étape. De plus, le rythme d'extinction de l'analogique va être accéléré, plusieurs zones de plus de 100.000 habitants étant concernées dès l'année prochaine.

Puis, indiquant que ce basculement historique de la télévision vers le tout numérique permettrait de libérer des fréquences de grande qualité (les « fréquences en or »), M. Eric Besson a abordé la question du « dividende numérique », que le plan « France numérique 2012 » a traitée en s'appuyant largement sur les recommandations du comité stratégique pour le numérique (CSN) et de la commission pour le dividende numérique.

Ainsi, la majorité des fréquences libérées servira à déployer les services d'avenir du monde de l'audiovisuel : toutes les chaînes de la TNT pourront être en diffusion simple ou en télévision haute définition (THD) et de nouveaux services seront en mesure d'être lancés, comme la télévision mobile personnelle. Mais le plan apporte également une attention particulière au développement de la radio numérique en lui réaffectant les fréquences libérées en « bande 3 » : ce passage à la radio numérique, qui sera nécessairement accompagné par un renouvellement des appareils, améliorera considérablement la qualité du son et ouvrira l'accès à des services associés plus nombreux. Enfin, faisant de la France le premier pays d'Europe à évoquer ce sujet, le plan propose également d'affecter la sous-bande 790-862 MHz aux nouveaux services d'accès à internet haut et très haut débit : cette sous-bande doit permettre de créer un élan comparable à celui qui a accompagné le GSM en matière de téléphonie mobile. Notre pays sera ainsi en bonne position pour discuter avec ses partenaires européens d'une harmonisation des fréquences et de l'émergence d'un marché européen, et les industries françaises et communautaires devraient en tirer un avantage comparatif certain dans la compétition mondiale.

M. Eric Besson a précisé que ces « fréquences en or », qui sont aujourd'hui valorisées pour 1,4 milliard d'euros, mais qui pourraient en réalité rapporter davantage à l'Etat, seraient mises en vente dès 2009, et que l'Agence nationale des fréquences serait prochainement mandatée pour préparer les négociations avec nos partenaires européens.

S'agissant de la vente des 15 MHz disponibles dans la bande des 2.100 MHz, parfois improprement qualifiés de « quatrième licence », le plan propose trois critères de base : la couverture du territoire par les réseaux, la valorisation du patrimoine immatériel de l'Etat (i.e. le montant de l'offre d'acquisition) et le renforcement de la concurrence, avec une attention particulière portée aux MVNO (« mobile virtual network opérators », opérateurs de réseau mobile virtuel) dont le traitement actuel n'est pas satisfaisant. Le prochain appel à candidatures, relatif aux fréquences disponibles pour la téléphonie mobile de troisième génération à 2.100 MHz, en sera la première illustration. A cet égard, M. Eric Besson a confirmé que le Gouvernement n'a pas de position arrêtée sur l'utilisation des fréquences disponibles dans la bande des 2,1 GHz qui, faisant précisément l'objet d'un appel d'offre ouvert et lancé sur la base de critères précis, ne seront pas forcément attribuées à un quatrième opérateur de téléphonie mobile.

Abordant ensuite la question de l'offre de contenus, il a fait part de son souhait de ne pas modifier la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, notamment sur le statut des hébergeurs, dans la mesure où l'autorégulation s'exerce de manière de plus en plus efficace sur internet. Le plan « France numérique 2012 » comporte en revanche des préconisations de modification des règles de fonctionnement de la commission de la copie privée.

S'agissant des usages, le plan tend à favoriser les outils informatiques et l'utilisation d'internet partout où cela est possible, notamment à l'école. La numérisation des classes, très en retard en France par rapport aux autres pays industrialisés, et le développement des cyberbases constituent ainsi des objectifs prioritaires. Mais le sous-équipement est également patent dans le monde de l'entreprise : si la France dispose d'atouts tels que la qualité de ses infrastructures, la compétence de ses ingénieurs et la vitalité des blogs, elle accuse cependant un retard inquiétant dans l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) par les très petites entreprises et les PME, qui utilisent moins le réseau numérique que dans d'autres pays de l'Union européenne, ont moins de sites internet présentant leurs activités et leurs produits, et vendent moins en ligne. Telle est la raison pour laquelle le plan vise à mettre en place 1.000 « ambassadeurs du numérique pour les PME » afin de leur fournir des diagnostics et des bilans sur leur utilisation des NTIC et de les inciter à améliorer leur productivité.

Puis, après avoir annoncé le lancement d'une carte d'identité électronique ayant pour but l'amélioration de certaines formalités administratives, M. Eric Besson a abordé la question de la gouvernance, faisant la distinction entre les problématiques internationale et nationale.

Au plan mondial, la régulation d'internet est aujourd'hui assurée par l'« Internet Corporation for Assigned Names and Numbers » (ICANN), association de droit privé qui dépend en partie du département américain du commerce, mais qui consent désormais à s'ouvrir à d'autres nationalités et à d'autres alphabets. Il a souligné que le développement du Web 3.0., connu également sous le nom d'« internet des objets » et dont l'enjeu économique et sociétal est colossal, nécessitait à la fois le développement du très haut débit et la résolution de questions relatives aux libertés publiques. Des négociations techniques, mais aussi politiques, seront en effet nécessaires pour pouvoir tirer le meilleur partie des puces RFID (Radio Frequency Identification) et notamment ouvrir un droit de déconnexion, qu'il a qualifié de « droit au silence des puces ». En outre, les discussions doivent également s'ouvrir sur la question du passage à la norme IPv6 (Internet Protocol version 6), qui permettra l'accroissement du nombre de sites internet et d'adresses de courriel, dont la capacité maximale en norme actuelle IPv4 sera atteinte en 2010.

Au plan national, M. Eric Besson a annoncé la création d'un Conseil national du numérique (CNN) et d'une délégation au numérique, constituée par redéploiement de postes, qui prendrait en charge la partie transversale de la gestion d'internet dans les différents services de l'Etat. Enfin, observant que la fin de la télévision analogique en 2012 poserait la question de la fusion du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de l'Autorité de régulation des télécommunications électroniques et des postes (ARCEP), il a annoncé qu'il travaillerait sur cette question au cours de l'année 2009 avec sa collègue Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.

Un débat s'est ensuite engagé.

Estimant que la France perdait entre un demi et un point de croissance par an à cause de son retard numérique, M. Bruno Retailleau a considéré que le pays ne serait bénéficiaire de la mondialisation qu'à condition de faire du développement du numérique une priorité nationale et s'est félicité, à cet égard, de ce que ce soit le chef de l'Etat lui-même qui se préoccupe de cette question. Il a par ailleurs fait valoir que l'accès au haut débit devrait relever du service universel, tout en reconnaissant que ce concept étant de nature communautaire, la France ne pouvait pas avancer seule en la matière. Il a enfin souhaité savoir comment s'articuleraient les engagements de l'Etat sur la couverture universelle du territoire en haut débit avec les efforts déjà réalisés par les collectivités territoriales, si la couverture du territoire serait le critère prépondérant de l'attribution des « fréquences en or » et quand aurait lieu le débat parlementaire sur ces questions prévu par la loi.

Après s'être demandé comment serait financé le plan numérique, en particulier pour son volet d'appui aux publics fragiles et aux établissements scolaires, Mme Marie-Christine Blandin a souhaité rappeler que le développement de l'économie numérique faisait aussi des victimes, évoquant le récent licenciement de 672 personnes par la société La Redoute en raison notamment de l'augmentation du nombre de commandes en ligne.

S'appuyant sur l'exemple du conseil général dont il exerce la présidence, M. Didier Guillaume a regretté que les collectivités territoriales ne puissent donner leur matériel informatique amorti aux écoles et aux personnes qui en ont le plus besoin, comme peuvent le faire les entreprises privées depuis l'adoption de la loi de finances pour 2008.

M. Michel Thiollière a souhaité savoir si l'engagement du plan numérique d'imposer aux opérateurs de proposer un abonnement à un tarif inférieur à 35 euros par mois sur l'ensemble du territoire pour l'accès à l'internet haut débit incluait l'offre « triple play » et si les abonnements en cours étaient concernés par cette mesure.

M. Jack Ralite s'est inquiété du projet de rapprocher le CSA et l'ARCEP, dont l'idée avait déjà été lancée en décembre 2006 par le rapport de MM. Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet sur l'économie de l'immatériel et qui, en favorisant la problématique du brevet, lui paraît constituer une grave menace pour la création culturelle.

Estimant que l'accès au haut débit est désormais un service public au même titre, voire plus, que d'autres services, tel le maintien du réseau actuel des bureaux de poste, M. Hervé Maurey a souhaité savoir comment le Gouvernement comptait procéder pour garantir la couverture de 100 % du territoire en haut débit et si l'on disposait d'un bilan des politiques mises en place par les conseils généraux dans ce domaine.

M. Michel Teston a estimé que le plan « France numérique 2012 » ressemblait à bien des égards au plan d'action du très haut débit présenté en novembre 2006 par le ministère de l'industrie. Il a rappelé que ce plan de quinze mesures visait à atteindre 4 millions d'abonnés au très haut débit en 2012, mais que son financement devait être assuré par des fonds structurel européen, si bien que, dans un article du 28 novembre 2006, le journal Le Monde avait titré : « La France s'engage enfin dans le très haut débit... sans investir ». Il a ainsi considéré que, de la même manière, le plan « France Numérique 2012 » était largement incantatoire et que, souffrant de l'absence d'engagements budgétaires de l'Etat, il ne serait susceptible d'être positif qu'avec le soutien financier des collectivités territoriales. Enfin, il a estimé qu'il serait plus efficace, plutôt que de reconnaître un droit opposable à l'accès à l'internet haut débit, de l'intégrer au service universel.

M. Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique, a formulé les réponses suivantes :

- si la France plaide auprès de ses partenaires européens, dont certains sont très réticents, voire totalement opposés, pour que l'accès au haut débit devienne un service universel, comme elle le fera à nouveau lors du conseil transports, télécom et énergie du 27 novembre prochain, le fait qu'il faille un accord unanime lui impose de ne pas attendre l'engagement de l'Union européenne pour reconnaître le droit d'accès au haut débit ;

- un appel d'offres sera lancé sur l'utilisation des basses fréquences, auquel les collectivités territoriales pourront éventuellement faire acte de candidature, afin notamment de rentabiliser leurs infrastructures existantes ;

- le tarif maximal de 35 euros ne concernera que les zones actuellement non desservies et seulement l'internet haut débit (et non pas les offres « triple play ») ; toutefois, certains conseils généraux envisagent d'aller plus loin et d'offrir le triple play à leurs administrés, initiative qui permettrait la connexion de la totalité du territoire au haut débit, d'une façon ou d'une autre, pour une somme raisonnable ;

- la question de l'utilisation du dividende numérique ne pourra être posée que lorsque son produit sera disponible : le passage au tout numérique terrestre constitue donc la priorité ;

- la couverture numérique du territoire sera un critère essentiel pour l'attribution des fréquences basses, puisqu'elle participe directement de l'aménagement du territoire ;

- la loi dite Chatel du 3 janvier 2008 a prévu que le débat au Parlement soit organisé avant la fin de l'année ;

- outre qu'un bon plan n'est pas nécessairement un plan onéreux, les investissements potentiels des opérateurs en matière numérique sont estimés à 30 milliards d'euros sur dix ans, dont 10 milliards d'euros pour la seule la fibre optique. Le rôle de l'Etat est de réguler, c'est-à-dire de positionner le curseur entre la concurrence et les impératifs de mutualisation des ressources, et de jouer, ce faisant, un rôle d'accélérateur de croissance dans une période où la vague des investissements privés va être très forte. Enfin, si l'Etat devait directement financer, il serait contraint de trouver les ressources budgétaires correspondantes : à cet égard, la proposition de M. Christian Paul de taxer le haut débit semble totalement contre productive si l'on souhaite au contraire stimuler les investissements ;

- s'il est évidemment regrettable que le numérique fasse des victimes économiques, il convient d'observer que le chiffre d'affaires du commerce électronique croît de plus de 35 % par an et représente 20 milliards d'euros, ce qui signifie que cette activité crée donc aussi de nombreux emplois, dans un processus classique de destruction/création ;

- l'action 25 du plan « France Numérique 2012 » vise à permettre le don d'ordinateurs par les collectivités territoriales et l'Etat : un amendement en ce sens sera prochainement déposé ;

- internet doit être respectueux des droits d'auteur, notamment parce que le développement du contenant sera garanti par la vitalité du contenu ;

- le coût des « ambassadeurs du numérique » devrait être de 100 à 140 millions d'euros, qui seront pris en charge par l'Etat ; une partie de la manne du dividende numérique sera ainsi affectée à la lutte contre la fracture numérique.

- Présidence de M. Jacques Legendre, président -

Création sur internet - Examen du rapport

Au cours d'une troisième séance tenue dans l'après-midi, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Michel Thiollière sur le projet de loi n° 405 (2007-2008) favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a rappelé tout d'abord que le projet de loi était l'aboutissement d'une large concertation de l'ensemble des professionnels concernés, qui a conduit à la signature, le 23 novembre 2007, des « Accords de l'Elysée » et que, dans ce cadre, 50 représentants des secteurs de la musique, du cinéma, de l'audiovisuel et des fournisseurs d'accès à internet s'étaient engagés, aux côtés des pouvoirs publics, à favoriser « le développement et la protection des oeuvres et programmes culturels sur les nouveaux réseaux ».

Selon lui, cette démarche est la traduction d'une volonté politique forte du Président de la République, qui a conduit la ministre de la culture et de la communication à confier, dès l'été 2007, à M. Denis Olivennes une « mission de réflexion et de concertation destinée à favoriser la conclusion d'un accord entre professionnels, permettant le développement d'offres légales attractives d'oeuvres en ligne et dissuadant le téléchargement illégal de masse ». Le compromis trouvé est équilibré, novateur et pragmatique et le projet de loi, présenté en Conseil des ministres le 18 juin dernier et déposé au Sénat en premier lieu, traduit essentiellement le volet « préventif » de ces accords.

Rappelant l'urgence de voir se concrétiser cette démarche, M. Michel Thiollière, rapporteur, a précisé qu'on estimait, en 2006, à un milliard le nombre de fichiers piratés d'oeuvres musicales et audiovisuelles échangés en France.

Tous les secteurs culturels sont progressivement concernés : musique, cinéma et audiovisuel, mais aussi, les logiciels et jeux vidéos et, dans une moindre mesure, l'édition.

Il a déploré les conséquences immédiates désastreuses du phénomène de « petit piratage de masse » sur l'économie des industries culturelles :

- le marché du disque a chu de 50 % en 5 ans, en volume et en valeur ;

- en 2006, 427 films « pirates » en version française sont apparus sur internet, dont 33 % de films français. Les séries télévisées sont aussi largement visées ;

- le taux de piratage de logiciels micro-informatiques, en 2007, s'élèverait à 42 % et les pertes pour l'industrie des logiciels atteindraient 2 milliards d'euros pour la France.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a ajouté que, si le piratage n'en était pas l'unique cause, il en était indéniablement un facteur majeur et qu'en outre, son impact sur l'avenir de la création en France était fortement préoccupant, voire potentiellement dramatique en termes de diversité culturelle et de renouvellement.

Il a souligné que la France n'étant pas le seul pays concerné, le projet de loi était regardé avec le plus grand intérêt au-delà de nos frontières.

Il a relevé que son objectif était clair : faire du piratage des oeuvres sur internet un risque inutile, par la mise en oeuvre d'une réponse préventive, à la fois pédagogique et dissuasive.

Le rapporteur a rappelé qu'aujourd'hui la sanction de ces comportements relevait d'une procédure pénale lourde et répressive, puisqu'ils sont qualifiés de délit de contrefaçon, puni de 3 ans d'emprisonnement et de 300.000 euros d'amende au maximum. Si ces sanctions pouvaient être adaptées à des actes de contrefaçon à but lucratif et à grande échelle, elles apparaissent manifestement disproportionnées et inadaptées pour prévenir ou réprimer les comportements de téléchargement illégal, qui sont en fait très disparates. En conséquence, les poursuites, rapportées à la masse des infractions, sont rares, en raison de la lourdeur de la procédure et elles ne peuvent qu'avoir une valeur d'exemple.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a rappelé que la loi sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (« DADVSI ») du 1er août 2006 avait tenté d'apporter une réponse mieux adaptée pour dissuader et sanctionner un tel phénomène de masse en qualifiant de contravention - et non plus de délit - les actes de piratage réalisés au moyen d'un logiciel d'échange de pair à pair. Toutefois, le Conseil constitutionnel avait censuré cette disposition, la jugeant contraire au principe d'égalité devant la loi pénale, car seul était visé le « pair à pair », qui n'est qu'un des moyens - certes le plus répandu - permettant le piratage. Le projet de loi prolonge cette démarche de « régulation » des réseaux numériques, restée inaboutie, pour proposer une voie d'action alternative à la sanction pénale.

Le rapporteur a déclaré que, fidèle à la tradition française de protection des droits et libertés, le texte présentait des garanties importantes en termes de respect de la vie privée et que les attaques selon lesquelles il serait « liberticide », voire porteur d'une « surenchère répressive », le laissaient plus que dubitatif.

Il a estimé que beaucoup d'informations caricaturales, voire fausses, circulent sur le projet de loi et sur ses implications. Il a ajouté que le texte revêtait essentiellement une dimension pédagogique, le message s'adressant en particulier à de jeunes internautes ; il responsabilisera aussi les parents quant à l'usage qui est fait de l'accès familial à internet. Ceci permettra également d'éviter de soumettre les enfants à des images choquantes. En effet, dans une proportion non négligeable de cas, un jeune qui recherche un film pour le pirater peut télécharger un fichier pornographique ou incitant à la violence ayant le même titre qu'un film à succès.

Puis le rapporteur a exposé les grandes lignes du projet de loi présenté par Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication, lors de son audition par la commission.

Le texte crée, tout d'abord, une nouvelle autorité administrative indépendante : la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI), qui se substitue à l'Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT), créée par la loi DADVSI du 1er août 2006. Elle en reprend la mission de régulation dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres.

En outre, l'HADOPI se voit confier deux nouvelles missions :

- une mission de protection des oeuvres auxquelles est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin ; c'est dans ce cadre qu'elle met en oeuvre le mécanisme d'avertissement et de sanction ;

- une mission d'observation de l'offre légale et de l'utilisation illicite des oeuvres ; dans ce cadre, le projet de loi lui confie notamment le suivi d'indicateurs.

Le rapporteur a proposé de donner davantage de substance à cette mission, afin de traduire dans ce texte le souci d'équilibre qui a présidé aux « Accords de l'Elysée ». S'agissant de sa composition et de son fonctionnement, il a précisé que l'HADOPI était une instance collégiale, composée de deux entités strictement distinctes afin de renforcer l'indépendance des membres appelés à prononcer les sanctions :

- un collège, composé de neuf membres, dont quatre personnalités qualifiées ;

- une commission de protection des droits, composée exclusivement de magistrats (trois membres issus du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation et de la Cour des comptes) et chargée de mettre en place le dispositif préventif d'avertissement et de sanction prévu par le projet de loi.

Le rapporteur a indiqué que le texte prévoyait d'importantes garanties d'indépendance et d'impartialité de cette Haute autorité, qui sont « traditionnelles » s'agissant de telles autorités indépendantes : ainsi, les mandats de ses membres ne sont ni révocables, ni renouvelables ; le président du collège est nommé parmi les trois membres qui sont magistrats ou chargés de fonctions juridictionnelles ; enfin, un régime d'incompatibilités de fonctions s'applique aux membres de l'HADOPI.

Cette dernière, et plus spécifiquement sa commission de protection des droits, se voit confier la mise en oeuvre du mécanisme d'avertissement et de sanction.

Pour ce faire, les membres de cette commission seront assistés d'agents publics, spécialement habilités à cet effet et dont le recrutement sera particulièrement strict, puisque précédé, notamment, d'enquêtes administratives.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a précisé que les saisines seraient adressées par des agents assermentés désignés par les ayants droit, à savoir :

- les organismes de défense professionnelle concernés, telle que l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) ;

- des licenciés à titre exclusif ;

- les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD), telles que la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) ou la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD), ou encore le Centre français d'exploitation du droit de copie (CFC) dans le domaine de l'écrit ;

- enfin, le Centre national de la cinématographie (CNC).

M. Michel Thiollière, rapporteur, a ajouté que la commission pourrait également agir sur la base d'informations transmises par le procureur de la République.

Il a estimé qu'ainsi, contrairement à l'un des « faux procès » adressés au projet de loi, celui-ci n'organise en rien une « surveillance généralisée » des réseaux et des internautes : le point de départ sera la constatation ponctuelle d'une mise à disposition illicite. Seuls, ceux dont les droits auront été bafoués seront fondés à agir : l'HADOPI ne sera donc en rien un « Big Brother du Net » dans le domaine de la protection des droits des créateurs, puisqu'elle n'a pas de capacité d'autosaisine. En outre, des précautions sont prises en matière de respect de la vie privée : les conditions dans lesquelles l'HADOPI pourra avoir accès aux coordonnées des internautes « repérés », auprès des opérateurs, seront conformes aux dispositions fixées par la loi « Informatique et libertés » de 1978 et feront l'objet d'un décret soumis à l'avis de la CNIL.

Le rapporteur a précisé que sur la base de ces saisines, la commission de protection des droits de l'HADOPI pourrait alerter, puis, en cas de « récidive », sanctionner les internautes contrevenants, cette « réponse graduée » s'articulant en plusieurs phases. Il a souligné le caractère préventif et pédagogique du dispositif, comportant une première phase d'avertissement, avec l'envoi d'une ou plusieurs « recommandation(s) » à l'internaute « repéré » par les ayants droit sous la forme d'un message électronique, puis, en cas de « récidive », d'une lettre en recommandé avec accusé de réception, permettant à l'HADOPI de s'assurer que ce message d'information est bien parvenu à son destinataire.

Il a indiqué que de tels avertissements étaient déjà adressés aux internautes aux Etats-Unis et, depuis cet été, en Grande-Bretagne, dans le cadre d'accords contractuels passés entre les sociétés d'ayants droit et les fournisseurs d'accès à internet (FAI) et qu'ils s'avèreraient efficaces.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a indiqué que l'HADOPI devrait adresser environ 10 000 messages d'avertissement chaque jour, ce qui permettrait de sensibiliser, en un an, 20 % des internautes.

Il a insisté sur le fait que pour être crédible et réellement dissuasif, ce dispositif d'avertissement devait pouvoir déboucher, en cas de manquements répétés, sur une sanction proportionnée et donc réellement applicable.

Le rapporteur a présenté ensuite les deux types de sanctions prévues :

- soit une suspension temporaire de l'abonnement à internet, pour une durée de trois mois à un an ; les abonnés concernés seront inscrits sur un « répertoire national » que devront consulter les FAI, afin qu'ils ne puissent pas souscrire, pendant la durée de la suspension, un nouveau contrat d'abonnement auprès d'un autre opérateur ;

- soit une injonction de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement, par exemple la mise en place d'un « pare-feu », permettant de bloquer certains téléchargements suspects, ou d'un logiciel de sécurisation de l'accès.

Le texte de loi laisse à l'HADOPI une certaine marge de souplesse, afin d'adapter la sanction en fonction de la nature du comportement de l'internaute, de la gravité du manquement et de l'usage, notamment professionnel, qui est fait de l'accès à internet. Ainsi, cette deuxième sanction est plus particulièrement destinée aux entreprises et aux personnes morales en général, pour lesquelles la suspension de l'accès à internet pourrait revêtir des conséquences disproportionnées.

Le rapporteur a précisé que ces sanctions seraient prononcées au terme d'une procédure contradictoire et seraient soumises au contrôle du juge, puisqu'elles pourront faire l'objet d'un recours devant les juridictions judiciaires.

Leur caractère proportionné est clairement encadré : ainsi, la suspension de l'accès à internet ne portera pas sur les services de téléphonie et de télévision, dans le cas d'un abonnement global incluant ces trois services (les offres dites de « triple play ») et en outre, l'abonné pourra être exonéré de toute responsabilité en cas de force majeure et dans les deux autres situations suivantes :

- d'abord, s'il a mis en place un moyen de sécurisation de son accès à internet ; en effet, l'article 8 du projet de loi prévoit, en parallèle, que les fournisseurs d'accès devront informer leurs abonnés sur l'existence de tels moyens, le rapporteur souhaitant renforcer ces garanties en prévoyant explicitement que les FAI devront proposer à leurs abonnés au moins l'un des moyens qui auront été préalablement agréés par l'HADOPI et dont celle-ci publiera la liste ;

- ensuite, l'abonné ne sera pas responsable en cas d'intrusion frauduleuse par un tiers qui ne serait pas placé sous son autorité ou sous sa surveillance ; il s'agit d'affirmer sa responsabilité à l'égard de son cercle familial s'agissant des particuliers, et à l'égard de ses collaborateurs et services s'agissant d'une entreprise ou administration, ce qui devrait inciter à une vigilance accrue des parents sur l'usage que leurs enfants font d'internet ; pour ce qui concerne les entreprises, administrations ou lieux publics, l'adoption d'une « charte des usages d'internet » ou l'interdiction d'accéder à certains sites dédiés au piratage tels que les réseaux « pair à pair », devraient se généraliser.

Le rapporteur a indiqué qu'en outre, avant de prononcer une sanction, l'HADOPI pourra proposer à l'internaute une « transaction » qui portera soit sur une suspension de l'accès à internet de plus courte durée (entre un et trois mois), soit sur une obligation de prendre des mesures de nature à prévenir le renouvellement du manquement.

Il a indiqué que cette disposition contribuait à renforcer le caractère proportionné du mécanisme proposé par le projet de loi, mais aussi sa dimension pédagogique, puisqu'un dialogue serait ainsi instauré entre la Haute Autorité et l'abonné. Elle permettra également d'alléger le volume contentieux, puisqu'à la différence de la sanction, la transaction, qui, par définition, aura été acceptée par l'internaute, ne pourra donner lieu à un recours devant le juge.

Le fondement juridique de ce mécanisme préventif est défini à l'article 6 du projet de loi : il s'agit de l'obligation, pour les abonnés, de veiller à ce que leur accès à internet ne soit pas utilisé à des fins de piratage.

Puis M. Michel Thiollière, rapporteur, a rappelé que cette obligation n'était pas nouvelle, puisqu'elle avait été introduite dans le cadre de la loi DADVSI, suite à un amendement adopté au Sénat à l'initiative du sénateur Alain Dufaut notamment. Le projet de loi donne sa pleine portée à cette disposition.

Le rapporteur a ajouté qu'un sondage réalisé par IPSOS en mai dernier montre que 74 % des Français approuvent l'esprit de ce mécanisme et, en particulier, le recours à une suspension de l'accès à internet comme alternative aux sanctions pénales.

Il a souligné que le texte ne supprimait pas, toutefois, tout recours possible, devant le juge pénal : la voie de la poursuite du délit de contrefaçon restera possible, et sera légitime pour réprimer les cas les plus graves, réalisés à des fins lucratives notamment.

Rappelant l'émotion qu'a suscitée l'adoption d'un amendement du Parlement européen sur le « Paquet Télécom », à l'initiative du député Guy Bono, le rapporteur a déploré que certains tentent d'instrumentaliser le débat sur ce projet de directive en vue de bloquer la démarche française. Il a estimé que cette démarche venait inutilement jeter une ombre sur les récentes initiatives des institutions européennes en vue à la fois de conforter le droit d'auteur et d'assurer le développement de l'offre de contenus créatifs en ligne, dont il a pris connaissance lors d'un déplacement à Bruxelles le 16 septembre dernier.

Relevant que l'UFC-Que Choisir avait adressé une lettre ouverte au Président de la Commission européenne, M. Manuel Barroso « pour lui demander d'intervenir afin d'empêcher la France de légiférer », il a souligné qu'à Bruxelles, tant les rapporteurs du texte eux-mêmes que les plus grands détracteurs du droit d'auteur et du présent projet de loi -internautes libéraux et consommateurs- insistaient, quant à eux, sur le fait que le Paquet Télécom ne portait pas et ne devait pas porter sur les contenus.

Il a renvoyé, ensuite, à son rapport écrit pour une analyse détaillée de l'éventuel impact de ce contexte européen sur le débat, dont il a exposé les données suivantes : le processus législatif européen de codécision n'est évidemment pas achevé et la France demandera que cet amendement ne figure pas dans le texte définitif, car il entretient la confusion dans les esprits ; ceci étant, quand bien même il serait adopté, sa portée juridique n'est ni avérée, ni suffisante pour remettre en cause la démarche de la commission.

Le rapporteur a précisé qu'en effet, le projet de loi satisfait aux principes posés par la Cour de justice des communautés européennes et par les textes :

- en premier lieu, aucun texte communautaire n'affirme que l'accès à internet serait un « droit fondamental » et on voit mal comment le dispositif de réponse graduée pourrait porter atteinte au droit fondamental de la liberté d'expression et d'information des citoyens inclus dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; on n'oppose pas les droits, on les rend compatibles, sans introduire de hiérarchie entre eux ;

- en second lieu, le projet de loi respecte le principe de proportionnalité ;

- en troisième lieu, le projet de loi apporte les garanties exigées en matière de protection de la vie privée.

Le rapporteur a indiqué qu'il proposerait des amendements de nature à renforcer encore les garanties, afin de permettre un respect équilibré des droits et libertés de chacun, dans un souci d'intérêt général, en tenant compte des réactions des uns et des autres.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a souligné ensuite que l'objectif de la démarche « dite française » - mais appliquée par voie d'accords interprofessionnels dans d'autres pays- consistait à trouver un équilibre de bon sens entre les différents droits en présence pour qu'internet reste un espace de liberté sans être une zone de non-droit.

Il a ajouté qu'il fallait reconnaître que la relative tolérance qui avait prévalu jusqu'ici avait peut-être fait oublier le principe du nécessaire respect de la propriété et du travail d'autrui, la destruction de valeur subie par les auteurs, les artistes et les industries culturelles ayant profité à d'autres secteurs économiques.

En outre, selon lui, plusieurs arguments complémentaires plaident aujourd'hui en faveur d'un rappel à l'équilibre des droits régissant notre société, au bénéfice de l'ensemble des secteurs concernés :

- l'encombrement des réseaux électroniques, qui résulte pour partie de l'importance des fichiers illicites qui y transitent : 50 à 80 % de la bande passante des fournisseurs d'accès à internet serait occupée par les réseaux de pair à pair, une utilisation qui aurait quadruplé entre 2003 et 2007. Déjà, aux Etats-Unis, cette situation incite d'ailleurs les fournisseurs d'accès à internet à réfléchir à un niveau de facturation dépendant de l'importance des flux. Si ce principe de « net neutrality » était appliqué, il est évident que le piratage serait sensiblement moins attractif ;

- l'intérêt bien compris des industries de réseaux, qui ont besoin de satisfaire l'attente de leurs abonnés en termes de contenus créatifs ;

- l'offre commerciale légale, qui s'est considérablement enrichie. En outre, les engagements pris par les professionnels de la rendre encore plus attractive et de réviser la chronologie des médias (il s'agit des règles définissant l'ordre et les délais dans lesquels l'exploitation d'une oeuvre cinématographique peut intervenir sur les différents supports) rendront le piratage moins « intéressant » pour les internautes.

Enfin, le rapporteur a relevé que l'actualité montrait la nécessité d'une régulation -comme dans d'autres domaines- raisonnable et équilibrée des usages sur internet.

Pour toutes ces raisons, il lui est apparu urgent d'accompagner la mutation technologique, qui fait évoluer le système vertical de diffusion des oeuvres vers un système en réseau, tout en garantissant le respect du droit d'auteur et des droits voisins.

Dans un souci d'intérêt général permettant de tenir compte des réactions de chacun, il a déclaré qu'il proposerait des amendements visant à améliorer sensiblement l'équilibre du texte et ayant pour objet :

- de conforter les garanties encadrant le fonctionnement de l'autorité administrative indépendante ;

- de mieux concilier les droits des créateurs et ceux des internautes ;

- d'adapter les obligations pesant sur les opérateurs de communications électroniques ;

- de traduire l'équilibre résultant des « Accords de l'Elysée » en encourageant le développement de l'offre légale.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Ivan Renar a regretté, tout d'abord, que la commission n'ait pas organisé d'auditions préalables à l'examen du projet de loi, autres que celle de Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Si l'accord qui inspire le projet de loi lui semble pouvoir être considéré comme un moindre mal, il s'est cependant déclaré insatisfait du fait qu'il ait pour objectif de combattre l'un des facteurs de chute du marché des biens culturels, mais sans s'attaquer aux autres causes. Il a évoqué notamment l'évolution des politiques tarifaires, qui ne permettent pas toujours une juste rémunération (notamment des artistes-interprètes), la logique des flux (sur internet, on achète titre par titre et non plus nécessairement par album), et la politique conduite par les fournisseurs d'accès à internet, qui tend à freiner le développement de l'offre légale.

Il a regretté ensuite l'absence d'actions pédagogiques en faveur du droit d'auteur depuis le vote de la loi DADVSI. Après avoir estimé que le projet de loi s'arrêtait à « mi-chemin », il s'est réjoui que les amendements proposés par le rapporteur tendent à équilibrer davantage le texte. Tout en se déclarant ouvert à une discussion constructive, il a indiqué cependant que son groupe politique n'avait pas encore arrêté sa position.

M. Jacques Legendre, président, a rappelé que la période d'élections, puis la mise en place des instances sénatoriales, n'avaient pas permis l'organisation d'auditions par la commission. Il a souligné, cependant, que le projet de loi avait été déposé au printemps et que le rapporteur, désigné avant l'été, avait procédé à près de 60 auditions.

Sans préjuger de sa position finale sur le projet de loi, Mme Marie-Christine Blandin a félicité le rapporteur pour le caractère très éclairant et pédagogique de son exposé, puis elle a demandé si l'envoi du message d'avertissement ferait état de l'oeuvre piratée. Elle s'est interrogée sur les moyens de prouver le caractère frauduleux d'un acte sur internet, sur le « chaînon de départ » permettant le lancement de la procédure ainsi que sur la protection du droit d'auteur des photographes.

M. Serge Lagauche a relevé que l'HADOPI ne résoudrait pas tous les problèmes, mais que le projet de loi tentait d'éviter d'opposer ayants droit et internautes. Il a souligné que des fournisseurs d'accès à internet disposaient de solutions permettant de mettre à disposition des plateformes d'offre légale attractives, mais il a regretté que les discussions des professionnels relatives à la « chronologie des médias » aient du mal à aboutir. Il a jugé nécessaire qu'à l'issue du vote de la loi, cette dernière fasse l'objet d'une large publicité sur internet, mettant également en valeur l'existence des offres commerciales légales. Il a insisté sur la nécessité d'une campagne nationale d'information à la fois sur l'importance des salles de cinéma et sur les dommages que crée le piratage pour la culture.

M. Jacques Legendre, président, a partagé ce point de vue.

Après avoir évoqué la question de la copie privée, Mme Catherine Morin-Desailly a rappelé que des engagements forts avaient été pris par les professionnels, dans le cadre des « Accords de l'Elysée », pour résoudre rapidement les problèmes liés à l'interopérabilité. Elle a demandé au rapporteur son point de vue sur ce volet des accords.

M. Michel Thiollière, rapporteur, a apporté les éléments de réponse suivants :

- il convient de développer en quelque sorte une nouvelle culture de la création, respectueuse du droit d'auteur ;

- l'offre légale s'est beaucoup enrichie, mais son développement, assorti d'une juste rémunération des filières culturelles, est freiné par l'existence d'une large offre gratuite illicite ;

-  le piratage explique une partie, mais une partie seulement, de la diminution des ventes de supports physiques, liés à une évolution des usages ;

- il est essentiel que le basculement vers un usage d'internet plus respectueux des droits des créateurs et des industries culturelles s'opère rapidement ;

- la révision de la « chronologie des médias » devrait favoriser cette transition vers des modèles économiques licites ;

- s'agissant du contexte européen, les ministres de la culture des Etats membres de l'Union observent avec beaucoup d'attention le processus engagé dans notre pays. Si leur niveau d'intérêt dépend de la plus ou moins grande présence des industries culturelles dans leur pays, ils partagent tous les mêmes préoccupations en matière de diversité culturelle ;

- s'il appartient à l'abonné d'apporter la preuve de sa bonne foi, celle-ci pourra être évaluée par la Haute Autorité à l'aune du nombre de constats de manquement à son obligation ;

- dans le cadre de l'action en contrefaçon, les représentants des ayants droit disposent déjà d'agents assermentés habilités à vérifier la légalité des actes sur les sites de pair à pair ;

- un amendement permettra de faciliter la promotion des offres légales ;

- de nombreux professionnels se sont d'ores et déjà engagés à favoriser l'interopérabilité.

A l'issue de ce débat, la commission a procédé à l'examen des articles.

A l'article premier (Dispositions modifiant le code de la propriété intellectuelle), la commission a adopté, outre un amendement de coordination, un amendement visant à rendre possible la saisine pour avis de la Haute Autorité dans le cadre de sa mission de régulation dans le domaine des mesures techniques de protection.

Avant l'article 2, elle a adopté un amendement tendant à compléter l'intitulé du titre III du livre III du code de la propriété intellectuelle, afin d'y introduire le terme de « prévention ».

A l'article 2 (Organisation et missions de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet), la commission a adopté 37 amendements.

Au texte proposé pour l'article L. 331-12 du code de la propriété intellectuelle (Création d'une autorité administrative indépendante), elle a adopté un amendement visant à conférer la personnalité morale à la Haute Autorité instituée par cet article.

Au texte proposé pour l'article L. 331-13 du code de la propriété intellectuelle (Missions exercées par la Haute Autorité), elle a adopté un amendement tendant, d'une part, à confier à la Haute Autorité une mission première d'encouragement au développement de l'offre commerciale légale et, d'autre part, à prévoir que celle-ci pourra attirer l'attention des pouvoirs publics sur d'éventuelles adaptations nécessaires des textes législatifs ou réglementaires, être consultée par le Parlement ou le Gouvernement sur toute question relative à ses domaines de compétences, et jouer un rôle au niveau international.

Après le texte proposé pour l'article L. 331-13 du code de la propriété intellectuelle, elle a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prévoir que la Haute Autorité remet chaque année au Parlement et au Gouvernement un rapport qui est rendu public.

La commission a adopté sans modification le texte proposé pour l'article L. 331-14 du code de la propriété intellectuelle (Composition de la Haute Autorité).

Au texte proposé pour l'article L. 331-15 du code de la propriété intellectuelle (Composition du collège), elle a adopté, outre un amendement rédactionnel, deux amendements visant à :

- préciser que les magistrats membres du collège sont désignés parmi les membres en activité de ces grands corps de l'Etat ;

- ajouter qu'il ne peut être mis fin, sauf démission, aux fonctions d'un membre qu'en cas d'empêchement constaté par le collège.

Au texte proposé pour l'article L. 331-16 du code de la propriété intellectuelle (Composition de la commission de protection des droits), la commission a adopté, par coordination, deux amendements ayant les mêmes objets qu'à l'article L. 331-15.

Au texte proposé pour l'article L. 331-17 du code de la propriété intellectuelle (Incompatibilités de fonctions), la commission a adopté deux amendements tendant à :

- encadrer le régime des incompatibilités de fonctions applicable aux membres de la Haute Autorité et compléter la liste des secteurs concernés ;

- soumettre les membres dont le mandat est arrivé à terme aux dispositions du code pénal relatives à la prise illégale d'intérêt.

Au texte proposé pour l'article L. 331-18 du code de la propriété intellectuelle (Organisation et fonctionnement), la commission a adopté, outre un amendement de précision rédactionnelle, deux amendements visant, d'une part, à préciser les modalités de fonctionnement interne de la Haute Autorité et, d'autre part, à prévoir que celle-ci peut faire appel à des experts et solliciter l'avis d'autorités ou organismes extérieurs.

Elle a adopté sans modification le texte proposé pour l'article L. 331-19 du code de la propriété intellectuelle (Modalités de prise de décisions).

Au texte proposé pour l'article L. 331-20 du code de la propriété intellectuelle (Traitement des saisines par des agents publics habilités), la commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle ainsi que deux amendements tendant à :

- préciser que les agents publics habilités à recevoir les saisines sont également assermentés ;

- ajouter que ces saisines sont reçues et traitées non seulement par ces agents, mais encore par les membres de la commission de protection des droits.

Au texte proposé pour l'article L. 331-21 du code de la propriété intellectuelle (Secret professionnel), la commission a adopté un amendement visant à soumettre les membres de la Haute Autorité, à l'instar de ses agents, au secret professionnel.

Au texte proposé pour l'article L. 331-22 du code de la propriété intellectuelle (Saisine de la commission de protection des droits), elle a adopté un amendement dont l'objet consiste notamment à étendre la saisine de la Haute Autorité aux éditeurs de logiciels et aux entreprises de communication audiovisuelle.

Elle a adopté sans modification le texte proposé pour l'article L. 331-23 du code de la propriété intellectuelle (Principe de proportionnalité).

Au texte proposé pour l'article L. 331-24 du code de la propriété intellectuelle (Envoi des recommandations), la commission a adopté un amendement de clarification rédactionnelle.

Au texte proposé pour l'article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle (Définition des sanctions), outre un amendement de précision rédactionnelle, la commission a adopté deux amendements visant à :

- rendre possible un cumul des deux sanctions prévues par le projet de loi ;

- introduire la possibilité d'une sanction alternative à celles prévues par le projet de loi, autorisant, en fonction de l'état de l'art, une limitation des services ou de l'accès aux services, à condition que soit garantie la protection des oeuvres et objets auxquels est attaché un droit d'auteur ou un droit voisin.

Au texte proposé pour l'article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle (Transaction), elle a adopté trois amendements de coordination.

Au texte proposé pour l'article L. 331-27 du code de la propriété intellectuelle (Inexécution de la transaction), elle a adopté deux amendements, l'un de coordination, l'autre de précision rédactionnelle.

Elle a adopté sans modification les textes proposés pour les articles L. 331-28 (Modalités d'application de la suspension de l'accès à internet) et L. 331-29 du code de la propriété intellectuelle (Mise en oeuvre de la mesure de suspension).

Au texte proposé pour l'article L. 331-30 du code de la propriété intellectuelle (Liste des moyens de sécurisation de l'accès à internet), la commission a adopté un amendement visant à définir les conditions dans lesquelles la Haute Autorité peut agréer les moyens de sécurisation de l'accès à internet regardés comme efficaces, en établir la liste et rendre celle-ci publique.

Elle a adopté sans modification le texte proposé pour l'article L. 331-31 du code de la propriété intellectuelle (Répertoire national des personnes faisant l'objet d'une suspension en cours de leur accès à internet).

Au texte proposé pour l'article L. 331-32 du code de la propriété intellectuelle (Mention des obligations légales dans les contrats d'abonnement), la commission a adopté deux amendements visant à :

- garantir une bonne information des internautes en précisant la rédaction du projet de loi ;

- obliger les fournisseurs d'accès à internet à informer périodiquement leurs abonnés des dangers et méfaits du « piratage » pour la création culturelle.

Au texte proposé pour l'article L. 331-33 du code de la propriété intellectuelle (Modalités de conservation des données techniques), la commission a adopté un amendement d'ordre rédactionnel. 

Après avoir adopté deux amendements de clarification rédactionnelle au texte proposé pour l'article L. 331-34 du code de la propriété intellectuelle (Traitement automatisé de données à caractère personnel), elle a adopté le texte proposé pour l'article L. 331-35 du code de la propriété intellectuelle (Définition des règles applicables à la procédure et à l'instruction des dossiers) sans modification.

Au texte proposé pour l'article L. 331-36 du code de la propriété intellectuelle (Publication d'indicateurs sur l'offre légale et l'utilisation illicite des oeuvres), la commission a adopté trois amendements de coordination et de précision, ainsi qu'un amendement ayant pour double objet :

- de confier à la Haute Autorité la possibilité d'attribuer un label permettant aux internautes d'identifier le caractère légal des offres commerciales proposant la diffusion de contenus culturels en ligne ;

- de confier à cette Haute Autorité un rôle d'évaluation des expérimentations conduites par les professionnels dans le domaine des technologies de reconnaissance des contenus et de filtrage.

La commission a adopté l'article 2 ainsi amendé.

La commission a adopté, ensuite, sans modification les articles 3 (Création d'une sous-section regroupant les attributions de la Haute Autorité au titre de sa mission de régulation et de veille dans le domaine des mesures techniques de protection et d'identification des oeuvres) et 4 (Abrogation de dispositions du code).

Avant l'article 5, la commission a adopté un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de modifier l'intitulé d'un chapitre du code de la propriété intellectuelle.

A l'article 5 (Procédure devant le président du tribunal de grande instance pour faire cesser les atteintes aux droits d'auteur et aux droits voisins sur les services de communication en ligne), la commission a adopté un amendement visant à supprimer la référence à un filtrage des contenus.

A l'article 6 (Obligation de surveillance de l'accès à internet par le titulaire de l'abonnement), la commission a adopté trois amendements tendant à préciser la rédaction du projet de loi.

Puis elle a adopté l'article 7 (Dispositions de coordination) sans modification.

A l'article 8 (Information des abonnés, par les fournisseurs d'accès à internet, sur les moyens techniques de sécurisation de cet accès), la commission a adopté un amendement visant à préciser, par cohérence, que les fournisseurs d'accès à internet devront informer leurs abonnés de l'existence de moyens de sécurisation figurant sur la liste des moyens agréés par la Haute Autorité et leur proposer au moins un de ces moyens.

Elle a adopté sans modification l'article 9 (Article L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques).

Après l'article 9, la commission a adopté, tout d'abord, un amendement tendant à insérer un chapitre additionnel intitulé « Dispositions modifiant le code de l'éducation ». Puis elle a adopté un amendement portant article additionnel après l'article 9, dont l'objet est de prévoir une sensibilisation des élèves aux risques liés aux usages d'internet et aux dangers du « piratage » pour la création.

La commission a adopté, ensuite, deux amendements :

- le premier tendant à insérer un chapitre additionnel intitulé « Dispositions modifiant le code de l'industrie cinématographique » ;

- le second portant article additionnel après l'article 9, dont l'objet est de fixer un cadre juridique en vue de procéder à la révision, par les professionnels concernés, des délais d'exploitation des oeuvres cinématographiques sur les différents supports (« chronologie des médias »).

Elle a adopté sans modification l'article 10 (Conditions d'entrée en vigueur) et l'article 11 (Modalités d'application outre-mer).

La commission a adopté l'ensemble du projet de loi ainsi amendé, les groupes socialistes, communiste républicain et citoyen ne prenant pas part au vote.