Mardi 24 mars 2009

- Présidence de M. Paul Blanc, secrétaire. -

Situation des maisons départementales des personnes handicapées -Audition de M. Laurent Vachey, directeur de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA)

La commission a procédé à l'audition de M. Laurent Vachey, directeur de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sur la situation des maisons départementales des personnes handicapées (M. Paul Blanc et Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteurs).

M. Laurent Vachey, directeur de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), a tout d'abord présenté les comptes de la CNSA pour l'exercice 2008 et les perspectives pour 2009. L'exercice 2008 s'achève avec une sous-consommation significative des crédits consacrés à l'objectif global de dépenses destiné aux personnes âgées, de l'ordre de 500 millions d'euros, et une légère surconsommation - 30 millions - de ceux dédiés aux personnes handicapées. La situation, pour les personnes âgées, s'explique, cette année encore, à la fois par les délais d'installation des places financées, en moyenne de deux à trois ans, et par les retards pris dans la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).

En ce qui concerne le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) et de la prestation de compensation du handicap (PCH), les concours de la CNSA sont répartis entre les départements en fonction de ses recettes et non de leurs dépenses, même lorsque la recette est supérieure à la dépense, ce qui a été le cas pour la PCH depuis 2006. Cette surdotation est arrivée à son terme vers la fin 2008 et le concours moyen de la CNSA va couvrir environ 98 % de la dépense des départements.

Ceci étant, la situation est loin d'être la même dans tous les départements : si certains vont encore bénéficier de surdotations au titre de la PCH, d'autres recevront des crédits inférieurs à leurs besoins. Pour l'Apa, la situation est moins favorable, les dépenses des départements ayant été seulement couvertes à hauteur de 33 % en 2008.

Si les recettes de la CNSA ont été supérieures aux prévisions en 2008, grâce au produit plus élevé que prévu de la contribution solidarité autonomie (CSA) et de la contribution sociale généralisée (CSG), ainsi que des placements de trésorerie, la situation va se dégrader en 2009. La baisse de la recette globale sera notable, en raison de la crise économique et financière, et l'on estime que le concours de la CNSA au financement des deux prestations (PCH et Apa) devrait subir une baisse de 100 millions d'euros.

Les sections 4 et 5 du budget, consacrées respectivement au financement des dépenses de formation des personnels et aux actions innovantes, devraient être à l'équilibre en 2008, après plusieurs années de sous-consommation des crédits.

Enfin, les frais de fonctionnement, qui ne représentent que 0,1 % des dépenses totales de la caisse, devraient atteindre 14,5 millions d'euros en 2008.

M. Paul Blanc, rapporteur, a souhaité connaître l'évolution des crédits versés aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) depuis leur création.

M. Laurent Vachey a indiqué que la contribution pérenne de la CNSA a été portée à 45 millions d'euros en 2008. A la demande du secrétariat d'Etat en charge de la solidarité, un complément de 15 millions d'euros, prélevé sur la première section du budget de la caisse, devrait être accordé aux MDPH en 2009 pour leur permettre de faire face à la montée en charge de la PCH enfant et à la mise en oeuvre de la réforme de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), cette dernière devant se traduire par plus de cent mille demandes annuelles de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) dès 2009.

M. Guy Fischer a souhaité savoir si cette augmentation du concours de la CNSA, porté à 60 millions d'euros, sera confirmée en 2010 et les années suivantes.

M. Laurent Vachey n'a pas exclu que cette contribution soit maintenue en 2010, à la condition que le concours de 19 millions d'euros que la CNSA verse à la branche famille au titre de la majoration de l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH) aux parents isolés soit supprimé, en vertu du principe de séparation des mesures qui relèvent de la seule compensation du handicap et de celles qui s'inscrivent dans le cadre de la politique familiale.

M. Paul Blanc, rapporteur, s'est enquis des mesures prévues afin de permettre la mise en oeuvre rapide de la réforme de l'AAH et de réduire les délais de traitement des dossiers.

M. Laurent Vachey a annoncé la présentation prochaine d'un rapport précisant les modalités d'évaluation de l'employabilité des personnes handicapées. Outre la formation des personnels concernés, les MDPH devront nouer des partenariats avec le Pôle emploi, le réseau « Cap Emploi », l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion des personnes handicapées (Agefiph) et le fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) afin d'assurer l'accompagnement vers l'emploi des personnes ayant obtenu une RQTH.

A cet égard, il a fait observer que les quinze à vingt équivalents temps plein (ETP) supplémentaires prévus pour la mise en oeuvre de la réforme de l'AAH sont notoirement insuffisants.

En ce qui concerne le traitement des demandes, il a rappelé qu'en 2007, les délais moyens d'examen des dossiers ont été de 4,4 mois pour les adultes et de 2,1 mois pour les enfants. En 2008, on devrait observer une réduction des délais de traitement des demandes de prestations destinées aux adultes et, à l'inverse, une légère augmentation pour celles réservées aux enfants.

Afin d'améliorer le fonctionnement des MDPH, la CNSA a organisé un système d'information sur les bonnes pratiques qui comprend une lettre électronique hebdomadaire, des séquences de formations régulières, « Les jeudis de la compensation », et une évaluation du fonctionnement et de l'organisation des MDPH. Par ailleurs, la CNSA met en place des groupes de travail ouverts aux personnels des MDPH, aux représentants des associations ou des administrations concernées pour traiter de sujets d'actualité, tels que la prise en charge des frais de transport, l'organisation de l'accueil dans les MDPH, etc.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur, a demandé que soient mis en évidence les dysfonctionnements et les atouts des MDPH, s'interrogeant en particulier sur l'adéquation de leur statut à leurs missions.

M. Laurent Vachey est convenu de la nécessité de trouver un cadre juridique plus adapté, permettant en particulier de stabiliser les personnels mis à disposition des MDPH par l'Etat. Le groupement d'intérêt public (Gip) a l'avantage de permettre la participation des associations, dont tout le monde s'accorde à reconnaître qu'elles ont contribué à améliorer le fonctionnement du système. La solution retenue devra donc permettre à la fois de stabiliser les concours financiers de l'Etat aux MDPH ainsi que les personnels mis à leur disposition et de maintenir la présence des associations. Le statut d'établissement public départemental, qui permet de combiner ce triple objectif, pourrait être une bonne solution de compromis.

M. Paul Blanc, rapporteur, s'est inquiété des inégalités de traitement observées d'une MDPH à l'autre.

M. Laurent Vachey a reconnu que les interprétations parfois divergentes de la réglementation conduisent à un traitement inégalitaire des demandes. Tel est le cas pour l'octroi des aides à l'aménagement du logement des personnes handicapées, certaines commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) estimant, à tort, que le financement relève de l'office HLM lorsqu'il s'agit d'un logement social. La lettre « Inforéseau » de la CNSA vise précisément à créer un corpus d'interprétation commune pour harmoniser les pratiques, en particulier par la diffusion d'analyses juridiques des textes en vigueur.

Il subsiste néanmoins des difficultés liées à la disparité des moyens dont disposent les MDPH pour faire face à leurs missions et aux stocks de dossiers hérités des commissions départementales d'éducation spéciale (CDES) et des commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel (Cotorep). Les conseils généraux contribuent en effet de façon inégale au fonctionnement des MDPH. Certains ont ciblé leurs efforts sur l'insertion professionnelle, l'orientation scolaire ou encore l'accueil, tandis que d'autres ont privilégié l'aide à l'aménagement du logement.

Enfin, on observe que le retour des personnels mis à disposition n'a pas toujours été compensé par l'Etat.

En réponse à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur, qui s'interrogeait sur l'existence de statistiques départementales sur les ratios d'encadrement au sein des MDPH, M. Laurent Vachey a répondu par l'affirmative.

Mme Samia Ghali a suggéré que les aides à l'aménagement du logement accordées dans le cadre de la PCH soient augmentées, en particulier lorsque les personnes handicapées ne sont pas éligibles aux aides de l'agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah).

M. Laurent Vachey a fait valoir que certaines MDPH ont conclu des partenariats avec l'Anah, qui établit généralement le diagnostic d'accessibilité du logement. Toutefois, l'Anah ne peut intervenir dans les logements sociaux. Enfin, l'aide octroyée dans le cadre de la PCH étant plafonnée, il peut en résulter une iniquité de traitement par rapport aux personnes handicapées ayant bénéficié d'une intervention de l'Anah.

M. Guy Fischer s'est dit préoccupé par les inégalités de traitement d'un département à l'autre.

M. Laurent Vachey a souligné que les disparités observées ne concernent en réalité que treize départements, dont les délais de traitement des demandes de prestations destinées aux adultes excèdent six mois, soit 1,6 mois de plus que le délai moyen. Trois d'entre eux seulement présentent des délais égaux ou supérieurs à huit mois. Pour les demandes de prestations réservées aux enfants, les délais de traitement n'excèdent généralement par le délai légal de quatre mois.

M. Alain Gournac a fait valoir les efforts réalisés par les offices HLM pour adapter les logements et orienter les personnes handicapées ou les personnes âgées indépendantes vers des habitations accessibles.

M. Laurent Vachey a confirmé que l'Anah intervient en fonction du statut - social ou privé - du logement et que la PCH représente une aide substantielle fréquemment mobilisée par les personnes handicapées pour l'aménagement de leur logement. Il a également souligné l'intérêt d'augmenter le nombre d'habitations accessibles ou adaptées aux personnes en situation de perte d'autonomie, lors de la construction et de la réhabilitation d'ensembles immobiliers publics ou privés.

M. Paul Blanc, rapporteur, a rappelé que la loi prévoit la mise en accessibilité obligatoire des logements nouvellement construits ou rénovés - à partir d'un certain montant de travaux.

M. Alain Gournac a fait observer que si la loi est respectée pour les constructions de nouveaux logements, elle ne l'est pas toujours pour les rénovations.

M. Paul Blanc, rapporteur, a souligné, à cet égard, le rôle essentiel que doit jouer le Parlement dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle de l'application de la loi.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle, rapporteur, a demandé si l'ensemble des MDPH ont développé des partenariats avec l'Agefiph, le FIPHFP et le réseau « Cap Emploi » et formé les personnels à l'évaluation des aptitudes professionnelles des personnes handicapées et à l'accompagnement vers l'emploi.

M. Laurent Vachey a fait valoir l'intensification des relations avec le ministère de l'éducation nationale grâce à la participation accrue des correspondants des inspections académiques et des professeurs référents aux décisions d'orientation scolaire des enfants handicapés.

M. Alain Gournac a également souligné l'intérêt, pour ces enfants, d'une intégration à mi-temps dans l'école ordinaire et dans les classes d'intégration scolaire (Clis).

M. Laurent Vachey s'est félicité des progrès réalisés dans la scolarisation des enfants handicapés en milieu ordinaire même si des difficultés subsistent pour permettre un accompagnement par des auxiliaires de vie scolaire (AVS), dont la formation demeure insuffisante. Il en résulte un mouvement de reconversion des instituts médico-éducatifs (IME) et une orientation prioritaire des financements vers des services d'éducation spécialisée et de soins à domicile (Sessad) et des services d'accompagnement vers le milieu ordinaire.

En ce qui concerne l'insertion professionnelle, chaque MDPH dispose normalement d'un référent, même si ce dernier n'exerce pas toujours à temps plein. En réalité, son rôle consiste essentiellement à orienter les personnes handicapées vers les interlocuteurs de droit commun du service public de l'emploi - Pôle emploi, maisons de l'emploi, missions locales - ou le réseau « Cap Emploi ». A cet égard, il conviendra d'améliorer le service d'accompagnement des personnes handicapées dans leur parcours d'insertion professionnelle au sein du service public de l'emploi.

Mme Samia Ghali a déploré que certains enfants handicapés ne puissent être scolarisés du fait du manque d'AVS, alors que leur intégration scolaire est déterminante, par la suite, pour leur insertion professionnelle. Le problème se pose également pour l'accueil des jeunes enfants en crèche. Elle s'est interrogée sur la façon d'imposer aux collectivités territoriales la mobilisation des moyens nécessaires pour atteindre cet objectif.

En outre, elle s'est inquiétée de l'absence de prise en compte, par les missions locales et le service public de l'emploi, des spécificités du handicap et des obstacles qu'il représente pour accéder à l'emploi.

Enfin, si elle est convenue des progrès réalisés dans la mise en accessibilité des constructions nouvelles, elle a regretté que cette préoccupation soit encore peu présente lors des rénovations, en particulier dans le parc social, alors que de plus en plus de personnes en situation de perte d'autonomie devront disposer d'un logement adapté.

M. Paul Blanc, rapporteur, a fait valoir tous les progrès que la loi du 11 février 2005 a permis en moins de quatre ans. Il a néanmoins reconnu que des difficultés subsistent, ce qui justifie la vigilance permanente du Parlement qui doit jouer le rôle d'aiguillon.

Mme Samia Ghali s'est dit pleinement favorable à l'ensemble des dispositions de la loi du 11 février 2005, souhaitant néanmoins que son application effective soit rapide pour répondre dans les meilleurs délais aux attentes et aux espoirs qu'elle a suscités pour les personnes handicapées et leurs familles.

M. Laurent Vachey a rappelé que cette loi traite de l'ensemble des sujets de préoccupation des personnes handicapées, qu'il s'agisse de la compensation du handicap ou de l'insertion professionnelle, de l'intégration scolaire ou de la mise en accessibilité des bâtiments, des voiries et des moyens de transport. Son application pose néanmoins de nombreux problèmes pratiques dont la résolution nécessite parfois un peu de temps et de concertation.

M. Paul Blanc, rapporteur, a émis le voeu que la question du handicap psychique soit également mieux prise en compte.

Mme Marie-Thérèse Hermange a souhaité savoir si la diminution du nombre de personnes atteintes de trisomie 21, du fait des dépistages systématiques et des avortements thérapeutiques, allait se traduire à l'avenir par une disparition des structures qui les accueillent et par la transformation des établissements pour répondre à de nouveaux besoins.

M. Laurent Vachey a expliqué que le financement des places destinées aux personnes âgées et handicapées fait l'objet, depuis plusieurs années, d'une évaluation précise des besoins au niveau départemental. Il en résulte une programmation de la création des places au travers des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac). Il ressort des analyses actuelles une augmentation des demandes de places pour des enfants prématurés touchés par des handicaps lourds, qui nécessitera une plus grande médicalisation des structures.

Il manque en revanche un système d'information partagé au niveau des MDPH permettant d'avoir une meilleure visibilité des places disponibles et d'adapter en conséquence les décisions d'orientation des CDAPH.

Mercredi 25 mars 2009

- Présidence de M. Nicolas About, président -

Application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers - Examen du rapport

La commission a procédé à l'examen du rapport de M. Jacky Le Menn sur la proposition de résolution européenne n° 234 (2008-2009), présentée par M. Roland Ries au nom de la commission des affaires européennes en application de l'article 73 bis du règlement, sur la proposition de directive relative à l'application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers (E 3903).

M. Jacky Le Menn, rapporteur, a indiqué qu'en matière de soins transfrontaliers, la Commission européenne et le Conseil légifèrent un peu « à l'aveugle » : il n'existe aucune évaluation fiable, au niveau européen, du nombre de patients concernés et des flux financiers en jeu. L'unique étude présentée par la Commission européenne à l'appui de la proposition de directive est un sondage téléphonique réalisé auprès de 27 200 personnes sur les 416 millions d'habitants de l'Union, selon lequel 4 % des ressortissants européens auraient recours, chaque année, à des soins transfrontaliers. Une évaluation fondée sur les données consolidées dont disposent les vingt-sept Etats membres sur les flux affectant leur territoire serait évidemment plus crédible. Ceci étant, beaucoup d'acteurs du secteur estiment, sans doute à juste titre, que la Commission européenne craignait d'aboutir à un résultat beaucoup moins élevé en procédant ainsi.

Les mêmes incertitudes planent sur l'évaluation des masses financières en jeu, que la commission fixe à 1 % des dépenses publiques européennes de santé. Il est vraisemblable que ce chiffre soit largement surestimé : si l'on se réfère à l'exemple des Français, dont on peut penser qu'il se situe dans le haut de la fourchette en raison d'un niveau de vie qui leur permet sans doute de voyager davantage que la moyenne des Européens, les soins reçus à l'étranger et pris en charge par la sécurité sociale n'ont représenté, en 2007, que 0,16 % des dépenses publiques de santé, soit 233 millions d'euros sur les 144,8 milliards de l'assurance maladie. Ni le nombre de patients ni le volume financier concernés par les soins de santé transfrontaliers ne sont donc convenablement évalués à l'heure actuelle en Europe.

M. Jacky Le Menn, rapporteur, a ensuite présenté la situation française. Le solde des remboursements de soins transfrontaliers reste positif mais il a tendance à se détériorer rapidement : entre 2002 et 2007, le montant des soins remboursés par la France a augmenté trois fois plus vite que celui des créances sur ses homologues européens. Faut-il en conclure que cette évolution est le signe que la qualité des soins progresse plus vite chez nos voisins ? Cette hypothèse paraît corroborée par le fait que plus du tiers des patients étrangers soignés en France sont des retraités résidents, qui ne sont pas venus, par définition, pour s'y faire soigner. Cette proportion est en augmentation continue, alors que le nombre de patients étrangers qui choisissent délibérément de recourir au système de soins français a diminué de plus de 34 % en cinq ans, passant de 7 000 personnes en 2002 à moins de 5 000 en 2007.

En ce qui concerne le contenu de la proposition de directive, il faut rappeler que l'on distingue traditionnellement, au niveau communautaire, les soins inopinés, dont on bénéficie par exemple lors d'un séjour touristique, des soins programmés, que l'on planifie à l'avance et qui constituent l'objectif même du déplacement à l'étranger.

Si les soins inopinés ne posent pas de problème particulier, la question des soins programmés est plus complexe. Il existe actuellement deux modalités de prise en charge, qui reposent sur deux philosophies opposées. Le règlement de 1971 privilégie le contrôle des Etats membres : tout soin programmé requiert l'autorisation du pays d'origine mais, si l'autorisation est accordée, le patient n'a pas à avancer les frais. A l'inverse, la jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) donne la priorité à la mobilité des citoyens sur la régulation publique : la Cour considère que les soins de santé, ambulatoires comme hospitaliers, sont des prestations de service comme les autres et qu'à ce titre, ils sont soumis au principe de libre circulation des services. Elle estime donc que lorsqu'un patient désire se faire soigner à l'étranger et avance les frais médicaux, un système d'autorisation préalable pour les soins ambulatoires est illégal car il revient à privilégier les praticiens nationaux sur leurs homologues européens, ce qui constitue une entrave à la libre prestation de services. En ce qui concerne les soins hospitaliers, toutefois, la Cour se montre un peu plus souple à l'égard de l'effort de régulation : un Etat membre ne peut imposer une autorisation préalable que si celle-ci vise à garantir, sur le territoire national, l'accessibilité de l'offre de soins et la maîtrise des coûts.

La proposition de directive opère, en quelque sorte, une « codification » de la jurisprudence de la Cour, mais elle réduit encore les capacités de contrôle des Etats membres : ceux-ci n'auraient désormais le droit d'imposer une autorisation préalable que pour un certain nombre de soins qui seraient recensés sur une liste établie par la Commission européenne. Cette nouvelle règle pose un certain nombre de difficultés : d'abord, elle est contraire au principe de subsidiarité qui s'applique en matière de santé publique ; ensuite, elle aboutit, de fait, à affaiblir le pouvoir de régulation des Etats membres, puisque ceux-ci ne seraient plus en mesure d'exiger une autorisation préalable pour les soins ne figurant pas sur la liste ; enfin, elle provoquerait une situation d'insécurité juridique ingérable : rien n'empêcherait en effet un citoyen d'attaquer la liste de la Commission devant la Cour, en arguant que tel soin ne devrait pas y figurer puisque les critères d'autorisation préalable définis par la Cour ne concernent pas en l'occurrence son pays.

Ces considérations critiques sont partagées par la représentation permanente de la France à Bruxelles ainsi que par une grande majorité des Etats membres. Pendant qu'elle assurait la présidence du Conseil, la France a présenté une nouvelle version du texte selon laquelle il appartiendrait à chaque Etat membre, en fonction de son système de santé, d'élaborer la liste des soins qui requièrent une autorisation préalable, mais la présidence tchèque actuelle vient d'en proposer une autre qui ne leur accorde pas cette compétence. C'est pourquoi, pour conforter la position des autorités françaises à Bruxelles, il est important que le Sénat réaffirme solennellement son opposition à toute proposition de directive qui priverait les Etats de la possibilité de réguler convenablement leur propre système de santé grâce à un régime d'autorisation préalable, précis et adapté à leur situation particulière.

Il est également essentiel d'exiger que la proposition de directive prévoie la capacité pour les Etats de ne pas accorder, dans un certain nombre de cas, par exemple celui des greffes, l'autorisation à un ressortissant communautaire d'être soigné sur leur territoire. Ce dispositif permettrait en outre d'éviter que certains pays choisissent de ne pas développer certains traitements en laissant à d'autres le soin de le faire à leur place.

Pour conclure, M. Jacky Le Menn, rapporteur, a fait observer qu'une nouvelle proposition de directive n'était pas nécessaire et qu'il aurait été plus simple de modifier le règlement de 1971 pour disposer d'un texte unique, compréhensible par les citoyens et facilement applicable par les organismes de sécurité sociale. Ceci étant, si la France parvient, avec d'autres, à convaincre ses homologues européens de la nécessité d'un régime d'autorisation préalable rigoureux, la directive une fois adoptée ne changera rien, sur l'essentiel, à la législation applicable en France, puisque la jurisprudence de la Cour a déjà été intégrée dans le code de la sécurité sociale. En réalité, la directive permettra à la Commission européenne d'attaquer devant la Cour de justice les Etats membres qui refusaient jusqu'à présent d'appliquer la jurisprudence.

Il est indéniable que ce texte, qui reprend à son compte la philosophie et les règles établies par la CJCE, contribuera à renforcer l'inégalité d'accès aux soins transfrontaliers : seuls ceux qui disposent des ressources suffisantes pour avancer les frais médicaux pourront, à la charge de leur régime d'assurance maladie qui devra les rembourser par la suite, consulter les meilleurs praticiens européens. En matière de santé en Europe, le débat oppose finalement les partisans d'une régulation publique, garante de l'accessibilité, de la qualité et de l'égalité devant les soins, aux promoteurs de la libre circulation des services, qui conduit à créer deux catégories de citoyens inégaux devant l'accès à la médecine. Cette proposition de résolution a pour objectif non seulement de défendre mais surtout de promouvoir l'égal accès de tous les citoyens à des soins de qualité en Europe.

M. Paul Blanc a souhaité savoir si la proposition de directive aurait un impact sur les accords de coopération transfrontalière en matière de santé et notamment sur ceux que la France a signés avec des régions espagnoles, comme la Catalogne.

M. Dominique Leclerc a fait remarquer que l'application aveugle du principe de libre circulation pose également des problèmes dans le domaine des échanges de capitaux, car elle rend très complexe, voire impossible, la constitution de sociétés d'exercice libéral.

Mme Bernadette Dupont a souhaité savoir comment est prise en charge une personne qui, lors d'un séjour dans un autre Etat membre, tombe malade et ne dispose pas de l'autorisation préalable

Mme Patricia Schillinger s'est interrogée sur le volume des flux de patients entre la France et la Suisse, qui ne doit sans doute pas être pris en compte par le texte européen, et a souligné l'utilité des coopérations transfrontalières qui permettent de rationaliser l'offre de soins des deux côtés de la frontière.

Dans le même sens, M. Nicolas About, président, a rappelé l'importance de ces coopérations, qui couvrent par exemple plus de quatre millions de personnes dans le Nord de la France et le Sud de la Belgique. Ces accords, qui comportent un volet relatif à la mobilité des professionnels de santé, révèlent une lacune regrettable de la proposition de directive, qui ne traite pas de ce sujet. Il est pourtant urgent de veiller à l'harmonisation européenne des formations en matière de santé afin d'éviter tout nomadisme des médecins.

Mme Brigitte Bout a souhaité connaître les principales dispositions de l'accord avec la Belgique.

M. Jean-Pierre Godefroy a indiqué que la France rencontre d'importantes difficultés pour obtenir, auprès du Royaume-Uni, le remboursement de soins dispensés, sur notre territoire, aux citoyens britanniques.

M. Guy Fischer a souhaité connaître les types de soins qui suscitent le plus de mobilité transfrontalière ainsi que les pays les plus concernés. Par exemple, en région Rhône-Alpes, on observe que les services hospitaliers de neurologie et cardiologie sont très fréquentés par les citoyens italiens.

M. René Teulade a jugé nécessaire de prévoir une réglementation européenne facilitant la circulation des produits pharmaceutiques.

M. Marc Laménie a souligné la complexité de la législation communautaire et regretté qu'elle soit difficilement compréhensible par les citoyens auxquels elle est pourtant censée bénéficier.

M. Jacky Le Menn, rapporteur, a apporté les éléments de réponse suivants :

- une personne qui tombe malade lors d'un séjour dans un autre Etat membre entre dans le cadre des soins inopinés régis par le règlement de 1971 : elle est donc prise en charge par l'Etat dans lequel elle se trouve dans les mêmes conditions qu'un ressortissant de cet Etat ; en principe, elle doit présenter à l'hôpital ou au médecin étrangers sa carte européenne d'assurance maladie afin d'être dispensée de l'avance des frais médicaux ; dans la pratique, la présentation d'une carte d'identité suffit en général à déclencher la prise en charge ;

- la directive ne devrait pas avoir d'effet sur la validité des accords de coopération transfrontalière, que ceux-ci aient été signés entre membres de l'Union ou avec des régions autonomes dans les Etats fédéraux ; actuellement, il existe un accord avec la Belgique, l'Allemagne, la Suisse et l'Espagne ; ces accords méritent d'être davantage développés car ils permettent une mutualisation des moyens, source d'économies et souvent facteur d'amélioration de la qualité des soins grâce aux échanges d'informations entre les médecins ; l'hôpital de Tourcoing dans le département du Nord a ainsi signé un accord de partenariat avec celui de Mouscron en Belgique, prévoyant que le premier prendrait en charge les patients belges devant bénéficier d'une imagerie par résonnance magnétique (IRM) alors que le second assurerait les dialyses rénales pour les patients français ;

- la directive ne s'applique pas en Suisse, mais ce pays a accepté, par convention, d'appliquer le règlement de 1971 sur la coordination des régimes de sécurité sociale, qui est le principal texte communautaire encadrant les soins transfrontaliers ;

- il est singulier que le Royaume-Uni puisse ne pas respecter ses engagements en matière de remboursement de soins transfrontaliers car elle est tenue d'appliquer tant le règlement que la jurisprudence de la CJCE ;

- il est regrettable que la Commission européenne n'ait pas proposé aux Etats membres, à l'occasion de ce texte, d'évoquer le problème de la mobilité des professionnels de santé ; cette critique figure d'ailleurs dans la proposition de résolution.

La commission a ensuite examiné le texte proposé pour la résolution.

A l'initiative de Mmes Isabelle Debré et Christiane Demontès, elle a modifié le quatrième considérant, permettant aux Etats membres d'accorder une priorité d'accès aux soins rares, non pas à « leurs ressortissants » mais à l'ensemble des « affiliés de leur régime de sécurité sociale ». Il s'agit, pour ce type de soins très particuliers, de donner la possibilité aux Etats membres, sans se mettre en infraction vis-à-vis de la législation communautaire, de privilégier leurs affiliés sur ceux d'un autre Etat membre.

A la demande de M. Guy Fischer, Mme Christiane Demontès et M. Nicolas About, elle a ensuite apporté des modifications rédactionnelles aux cinquième et neuvième considérants visant à clarifier le texte proposé.

Elle a ensuite adopté le texte de la proposition de résolution ainsi modifié.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission a désigné Mme Muguette Dini rapporteur sur la proposition de loi n° 223 (2008-2009), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie.

Organismes extraparlementaires - Désignation de candidats

Enfin, la commission a procédé à la désignation de Mme Claire-Lise Campion et M. André Lardeux, pour siéger au sein du Haut Conseil de la famille.

Questions diverses

M. Nicolas About, président, a indiqué à la commission que le président Jean Arthuis a proposé qu'elle s'associe à trois contrôles budgétaires décidés par la commission des finances et entrant dans son champ de compétences. Ces missions concerneront l'administration des anciens combattants, la mise en place du revenu de solidarité active (RSA) et la fusion de l'ANPE et des Assedic au sein du Pôle-Emploi. En conséquence, il a été décidé que Mmes Janine Rozier, Bernadette Dupont et Catherine Procaccia conduiront respectivement ces opérations de contrôle au côté des rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

Enfin, il a signalé que, à la demande du président Jean-Jacques Hyest, Mme Christiane Demontès et M. Gilbert Barbier participeront au groupe de travail créé au sein de la commission des lois par MM. Jean-René Lecerf et Jean-Pierre Michel et consacré à la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles psychiatriques.