Mercredi 1er avril 2009

- Présidence de M. Nicolas About, président. -

Loi portant réforme de l'hôpital - Table ronde

La commission a tenu une table ronde sur le projet de loi portant réforme de l'hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires dont M. Alain Milon est le rapporteur.

Elle a entendu MM. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), Dominique Liger, directeur général du régime social des indépendants (RSI) et François Gin, directeur général de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA).

M. Frédéric Van Roekeghem, directeur général de la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam), a tout d'abord évoqué les résultats financiers de la branche maladie du régime général de la sécurité sociale, soulignant que le déficit définitif pour 2008 devrait atteindre 4,5 milliards d'euros, soit une légère amélioration par rapport à 2007, malgré 900 millions de pertes de recettes, dont 500 au titre des pertes de cotisations et 400 au titre des provisions constituées par l'Acoss sur les restes à recouvrer. Par la suite, compte tenu des pertes de recettes considérables attendues, le déficit pourrait atteindre 7,7 milliards d'euros en 2009 et progresser encore de 2 milliards en 2010 si les prévisions économiques actuelles se révèlent exactes.

Les dépenses de sécurité sociale ont tendance à croître plus rapidement que le Pib et les dépenses de retraite pèsent pour une plus grande part qu'auparavant dans cette évolution. La maîtrise de la croissance des dépenses d'assurance maladie par la mise en oeuvre de programmes de gestion des risques constituera donc un objectif essentiel au cours des prochaines années.

Abordant le contenu du projet de loi, M. Frédéric Van Roekeghem a noté qu'il mérite d'être soutenu dès lors qu'il constitue l'un des éléments susceptibles de clarifier les responsabilités, d'alléger les contraintes et de permettre ainsi aux hôpitaux de s'adapter et d'accroître leur efficience. Cependant, cette dynamique de réforme devra être portée par l'ensemble des acteurs que sont les soignants et les autres personnels des établissements hospitaliers, les élus, l'Etat et l'assurance maladie. En particulier, les professionnels de santé, qui se sont déjà engagés dans des réformes, devront être valorisés, notamment les chefs de pôle qui ont parfois abandonné des responsabilités de chefs de service pour participer à l'amélioration de la gestion de l'hôpital.

A propos des relations entre l'Etat et l'assurance maladie, l'essentiel sera de mettre en cohérence leurs actions respectives, d'éviter les doubles lignes de pilotage et les conflits et, à cet égard, le projet de loi peut être amélioré dans ses dispositions relatives au pilotage national. Il conviendra de veiller à la cohérence entre les conventions signées avec les professionnels de santé et les orientations fixées par les agences régionales de santé (ARS), au caractère pluriannuel du pilotage national, enfin à la poursuite de la dynamique d'amélioration de la gestion que la mise en place de nouvelles institutions ne doit pas compromettre.

M. François Gin, directeur général de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, a tout d'abord indiqué que la mutualité sociale agricole a, dès l'origine, été favorable au projet de loi, dès lors que celui-ci vise à garantir à chacun l'accès à des soins de qualité sur tout le territoire, et notamment en milieu rural où l'accès aux soins demeure souvent difficile. L'accès à des soins de qualité à des tarifs opposables en milieu hospitalier, le décloisonnement entre l'hôpital, la médecine ambulatoire et le monde médico-social, l'amélioration des soins de premier recours, enfin la place laissée aux acteurs de terrain dans l'émergence des projets médico-sociaux telle qu'elle est prévue par la nouvelle rédaction de l'article 28 du projet de loi constituent des évolutions très satisfaisantes.

Néanmoins, d'autres améliorations sont encore possibles, en particulier la mise en oeuvre d'une offre de soins minimale sans dépassement d'honoraires dans le domaine ambulatoire, la prise en compte des difficultés du transport sanitaire en milieu rural et une meilleure articulation des maisons de santé rurales avec les réseaux de santé.

La MSA a eu quelques inquiétudes sur la gouvernance des nouvelles institutions créées par le projet de loi et elle se félicite du renforcement des pouvoirs du conseil de surveillance des futures ARS. En revanche, elle s'interroge sur la cohérence globale du dispositif, observant que le comité national de pilotage passera des conventions avec les ARS, que celles-ci passeront des conventions avec les organismes d'assurance maladie qui, en tant que membre d'un réseau, passent eux-mêmes des conventions avec leurs têtes de réseau. Ne serait-il pas souhaitable d'imaginer au niveau national un dispositif conventionnel définissant les obligations des différents acteurs ?

M. Dominique Liger, directeur général du régime social des indépendants (RSI), s'est déclaré en plein accord avec les propos des précédents intervenants, indiquant que le projet de loi contient des avancées incontestables mais suscite des interrogations sur la gouvernance des différentes institutions mises en place. Une coordination étroite au niveau régional est indispensable entre les directeurs généraux d'ARS et les directeurs des organismes de l'assurance maladie, d'autant que le RSI a organisé son réseau pour être structuré au niveau régional, les autres organismes étant en train de suivre la même évolution. Un collège des directeurs régionaux a récemment été mis en place, permettant aux directeurs des structures locales d'assurance maladie de se rencontrer et de vérifier qu'ils appréhendent de la même manière les spécificités régionales. Les ARS pourraient à l'avenir passer des conventions ou des contrats avec les collèges régionaux, afin d'éviter des négociations séparées avec chacun des organismes de l'assurance maladie.

M. Alain Milon, rapporteur, a tout d'abord souligné que l'hôpital ne saurait être dirigé sans les soignants et que les initiatives un moment envisagées par l'Assemblée nationale pour associer les soignants au processus de décision pourraient être reprises au Sénat. En ce qui concerne les ARS, celles-ci ne sont pas créées pour mettre en place des politiques régionales de santé, mais pour mettre en oeuvre, en les adaptant aux réalités du terrain, les politiques nationales de santé. Les compétences de leur conseil de surveillance restent mal définies par le projet de loi, dès lors que ce conseil de surveillance, comme la conférence régionale de santé, doivent jouer un rôle dans la définition des orientations régionales de la politique de santé. Il a interrogé les intervenants, d'une part, sur la meilleure manière de partager l'exercice de la fonction de gestion assurantielle du risque entre les caisses régionales, les médecins-conseil et les ARS, d'autre part, sur l'articulation entre la politique de contractualisation que mèneront les ARS avec les professionnels de santé et les dispositifs de contractualisation déjà en vigueur.

M. Frédéric Van Roekeghem a observé que deux risques menacent la politique de contractualisation : d'une part l'existence éventuelle de contradictions entre les conventions nationales et les contrats régionaux, d'autre part l'absence d'encadrement financier du dispositif, susceptible de conduire à d'importants dérapages des dépenses. Des limites financières à cette contractualisation devraient être posées, conformément au dispositif existant pour les contrats entre les actuelles agences régionales de l'hospitalisation (ARH) et les établissements hospitaliers. Dès lors que les expérimentations régionales se dérouleront dans le cadre d'orientations nationales, la politique de contractualisation des ARS devrait être cohérente avec l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam).

Evoquant la répartition des responsabilités dans la gestion du risque, il a estimé que la gestion du risque ne pourra qu'être partagée, l'Etat ayant un rôle à jouer en tant que régulateur et actionnaire de l'hôpital public. L'ARS devra coordonner la gestion du risque de manière cohérente avec la politique nationale de santé : si l'on prend l'exemple d'actions visant à modifier les comportements des prescripteurs en matière d'antibiothérapie ou à hiérarchiser les traitements de l'hypertension artérielle, certains programmes ne peuvent être conduits qu'au niveau national, même s'ils font l'objet d'adaptations dans le cadre régional, afin d'être appuyés sur un référentiel médical extrêmement étayé, notamment par des comparaisons internationales. En conséquence, la question essentielle est celle de l'articulation des différents niveaux de compétences, la territorialisation des politiques de santé n'impliquant pas la disparition de toute politique nationale de santé. Ceci étant, bon nombre d'actions relèvent à l'inverse du niveau local, par exemple la maîtrise des dépenses de déplacement sanitaire.

M. François Gin a fait valoir que les plans de gestion du risque établis au niveau national ont vocation à être déclinés et adaptés au niveau régional : une action visant à diminuer le montant des indemnités journalières ne peut être conduite de la même manière dans un département comptant de nombreux salariés agricoles et dans un département où l'agriculture est presque exclusivement exercée sous forme d'exploitations individuelles.

M. Alain Milon, rapporteur, a interrogé les intervenants sur les dispositions du projet de loi consacrées à l'éducation thérapeutique, souhaitant savoir comment elles s'articulent avec les mesures sur la gestion des risques. Il a en outre souhaité connaître les contributions des organismes d'assurance maladie qui bénéficieront aux ARS et la répartition de ces contributions entre les agences. Il s'est enfin interrogé sur le nombre, la nature et les modalités de gestion des personnels des organismes d'assurance maladie qui seront intégrés dans les ARS.

M. Nicolas About, président, s'est demandé si la mise en place des politiques régionales ne risque pas de conduire à un nouvel accroissement des dépenses de santé

M. Bernard Cazeau a souhaité savoir si les référentiels médicaux évoqués par M. Van Roekeghem n'avaient pas déjà existé dans le passé avant d'être supprimés.

M. François Autain a demandé si les caisses régionales du RSI sont d'une taille suffisante pour que certains de leurs personnels soient transférés vers les ARS.

M. Jean Boyer, constatant l'augmentation rapide de l'espérance de vie et l'importance croissante des retraites dans les déficits des régimes de sécurité sociale, s'est inquiété de la prise en compte de ces facteurs dans le projet de loi. Il a en outre souhaité savoir si une articulation avec les politiques sociales conduites par les départements, notamment la gestion de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa), est prévue. A propos des maisons de santé, il a estimé probable leur développement, au risque de provoquer une aggravation du coût des soins en milieu rural du fait de l'éloignement entre les patients et les médecins. Favorable à une restructuration de l'organisation hospitalière en milieu rural, il a constaté que la cadence des soins à l'hôpital est déjà très élevée, ce qui permet de douter de la possibilité d'aller plus loin dans ce domaine.

M. Frédéric Van Roekeghem a souligné que l'éducation thérapeutique fait partie intégrante de la bonne gestion du risque santé, dès lors qu'elle a pour objet de rendre le patient acteur de sa pathologie et donc d'éviter l'aggravation de celle-ci. La Cnam conduit d'ailleurs, avec l'accord de l'Etat, une expérimentation pour donner un rôle d'éducation thérapeutique aux centres de santé.

Il a ensuite abordé la question de la contribution des organismes d'assurance maladie au fonctionnement des ARS. Dès lors que l'assurance maladie s'engage par contrat à atteindre certains objectifs, elle s'efforce de tenir ses engagements. Ainsi, les engagements pris en matière de gestion, qui ont été parfaitement tenus au cours des dernières années, ont conduit à la suppression de 10 000 emplois dans les caisses primaires entre 2003 et 2008, dont 5 500 entre 2006 et 2008 et les frais de gestion sont passés de 5,5 % à 4,4 % des prestations versées entre 2000 et 2008.

Dans ce contexte, l'assurance maladie est naturellement prête à apporter sa contribution au nouveau système institutionnel, notamment en termes de personnel, dès lors que les personnels d'Etat susceptibles de rejoindre les ARS, dont le nombre est évalué à 12 000, ne sont pas prioritairement des personnels participant au pilotage de la gestion du risque. L'assurance maladie a donc proposé d'affecter aux ARS environ 1 200 personnes, parmi lesquelles des médecins et des personnels compétents dans le domaine de l'hôpital.

A propos du statut des personnels, le projet de loi prévoit l'affectation, dans les ARS, de fonctionnaires et de personnels relevant de conventions collectives. Or, des formules plus souples auraient pu être retenues, en particulier celle de la mise à disposition, régulièrement utilisée dans les relations avec les administrations centrales et qui, dans la convention collective des personnels de la sécurité sociale, s'apparente en fait à un détachement.

Evoquant les référentiels médicaux, M. Frédéric Van Roekeghem a confirmé leur utilité afin de réduire l'hétérogénéité des pratiques médicales observées et mieux prendre en compte les données acquises de la science, les écarts constatés demeurant trop importants. Il s'est en revanche déclaré réservé sur l'opposabilité de ces référentiels car des aménagements des meilleures pratiques sont parfois nécessaires dans des cas particuliers.

M. François Gin a souligné l'importance de la reconnaissance de l'éducation thérapeutique et de son intégration au parcours de soins. La MSA a ainsi déjà mis en place des ateliers thérapeutiques pour des patients atteints de pathologies cardio-vasculaires. A propos des futurs personnels des ARS, il a fait valoir que la MSA se trouve dans une situation très différente de celle du régime général, en raison de sa taille et de son champ de compétences étendu à l'ensemble des risques sociaux. Depuis 1996, la MSA a créé des associations pour assurer la coordination de l'activité médicale au niveau de la région. Ainsi, dans chaque région, environ deux personnes employées à temps plein sont affectées à des tâches destinées à relever à l'avenir des ARS. Dans ces conditions, le nombre de personnels de la MSA susceptibles d'être affectés dans les ARS ne dépasse pas quelques dizaines. Pour ces personnels, un problème juridique se pose, dès lors qu'ils sont affiliés au régime agricole de protection sociale et que leur affectation dans les ARS rendra impossible le maintien de leur affiliation à la MSA. Il conviendrait donc de privilégier une solution permettant à ces personnels de conserver leur affiliation au régime social agricole.

A propos des maisons de santé rurales, M. François Gin a rappelé que huit sont en fonctionnement et qu'une quinzaine est en projet. La création de ces maisons est toujours décidée à partir d'une expression des besoins par les différents acteurs locaux, afin de rassembler dans un même lieu des représentants de plusieurs professions médicales, susceptibles de disposer de moyens matériels ou humains communs. Le coût de ces structures doit être mis en regard du coût de l'absence de soins de premier recours en milieu rural, de nature à aggraver des pathologies et à conduire à des soins plus coûteux, voire à des hospitalisations.

M. Dominique Liger a confirmé que les caisses du RSI seraient déstabilisées si elles devaient transférer du personnel aux ARS. En effet, le RSI ne liquide pas lui-même les prestations, cette tâche étant confiée à des assureurs, et il ne dispose en conséquence que d'un personnel peu nombreux. Il emploie cent vingt médecins conseils sur le territoire et le transfert aux ARS d'une partie d'entre eux, notamment dans certaines régions, provoquerait une disparition de la compétence médicale du régime. Dans ces conditions, la contribution en personnel du RSI aux ARS ne pourra qu'être limitée, d'autant plus que les ARS ne reprendront pas l'ensemble des politiques de prévention conduites par le RSI, certaines d'entre elles étant très spécifiques comme la prévention des allergies aux farines pour les boulangers.

M. Marc Laménie a fait valoir l'importance du sujet de la démographie médicale qui justifie que les missions des ARS soient, sur ce point, bien définies. Par ailleurs, les expériences pilotes menées par la MSA dans plusieurs départements peuvent être intéressantes pour améliorer l'accès aux soins dans un certain nombre d'autres territoires et cantons ruraux.

M. Jacky Le Menn a insisté sur la nécessité d'une orientation nationale des politiques de santé, d'une définition centralisée de la gestion du risque et d'une articulation « harmonieuse » de ces priorités au niveau local. Cette articulation est d'autant plus complexe qu'une centaine d'actions prioritaires ont été fixées au niveau national, que les conférences régionales de santé peuvent créer une hiérarchisation entre ces priorités et que les départements peuvent eux-mêmes définir leurs propres orientations notamment dans le domaine médico-social. L'adaptation du système actuel ne pourra donc être que longue et sera sans doute inflationniste. Se pose en outre la question de l'arbitre final entre les différentes instances chargées de conduire les politiques sanitaires et sociales. Il a regretté la faiblesse des pouvoirs confiés au conseil de surveillance prévu pour l'ARS ainsi que le risque de privilégier l'aspect médico-financier sur l'aspect médical. En tout état de cause, les professionnels de la gestion du risque se trouvent bien dans les structures de l'assurance maladie.

M. Bernard Cazeau s'est montré sceptique sur la possibilité d'améliorer la situation déficitaire de l'hôpital par la nouvelle gouvernance proposée. En effet, même si l'on parvient à optimiser le fonctionnement de l'hôpital, sa dépense essentielle reste les frais de personnels et les personnels ayant un statut public, le directeur ne pourra disposer des moyens nécessaires pour, par exemple, réduire les effectifs. Dans le domaine médico-social, deux compétences vont s'affronter : le directeur général de l'ARS créé par la loi HPST et le président du conseil général dont les compétences ont été légalisées par les lois de décentralisation.

M. René Teulade a constaté qu'aucune évolution ne peut intervenir sans l'accord de tous les partenaires concernés et que, même si cet accord existe, les problèmes seront encore loin d'être résolus. De fait, deux démarches économiquement incompatibles doivent être conciliées : celle d'un système reposant sur des prescriptions libérales et celle d'un système de prestations socialisées. Il est donc indispensable de progresser dans l'élaboration d'un « consensus réglementarisé » et de renforcer l'éducation des différents acteurs, notamment les patients.

M. Alain Gournac a considéré qu'aucune réforme ne pourra se faire sans le soutien des professions médicales et paramédicales. A ce sujet, il a demandé au directeur général de la Cnam s'il avait des échos sur la perception de la réforme par les professions médicales, en particulier en ce qui concerne le nouveau positionnement des chefs de service et des chefs de pôles à l'hôpital.

M. Frédéric Van Roekeghem a insisté sur l'existence de gains de productivité à l'hôpital, dans le domaine de l'organisation des soins, par exemple, en matière de chirurgie ambulatoire. Parmi les freins à ces changements d'organisation, on peut citer le cas d'un certain nombre de chefs de services âgés réticents aux réformes. Le texte renforce le pouvoir du directeur de l'hôpital à leur égard mais celui-ci ne pourra parvenir à un résultat qu'en s'assurant de la participation des personnels. Il faut donc trouver les bonnes méthodes de management permettant à l'hôpital de pouvoir se réorganiser. Il est essentiel que les professionnels de santé se sentent partie prenante des réformes.

Il a cité, à titre d'exemple, la réorganisation des caisses locales de l'assurance maladie qui, de 128, ne seront plus que 101 à compter du 1er janvier 2010. Vingt-huit caisses ont en effet décidé de fusionner entre elles grâce à la dynamique de responsabilité engagée depuis 2005.

Il a également fait valoir que des bonnes pratiques en termes d'organisation des traitements médicaux peuvent conduire à de vrais gains de productivité. Ainsi, en matière de diabète dont les dépenses progressent de plus de 10 % par an, il faut s'intéresser aux gains de productivité réalisés dans certains centres de dialyse puis chercher à déployer ces bonnes pratiques. Au total, il s'agit de trouver un bon équilibre entre le pouvoir de décision final nécessaire du directeur et l'association indispensable des professionnels de santé.

Puis M. Frédéric Van Roekeghem est convenu de la difficulté de concilier la liberté de prescription et la liberté du patient de choisir son soignant. Il est important que l'information dont dispose le patient soit accrue et que la qualité des soins proposés soit mieux connue et mesurée. Aujourd'hui, la priorité est de veiller à la maximisation de l'efficience des soins, en insistant sur le critère de la qualité. De ce point de vue, la mise en place de la tarification à l'activité est un outil utile pour augmenter la productivité à l'hôpital public. Cela dit, aucun pays n'a encore vraiment trouvé la bonne solution, ce qui justifie une adaptation continue du système, en fonction de la situation à un moment donné.

M. François Gin a décrit les initiatives prises par la MSA pour tenter d'améliorer la démographie médicale en milieu rural. Une sensibilisation des futurs professionnels de santé à l'exercice en milieu rural, dès leurs études, est actuellement mise en place en partenariat avec le conseil régional de Bourgogne. Une deuxième expérience intitulée « pays de santé » démarre en Dordogne et dans les Ardennes, avec l'objectif de dégager du temps médical pour les médecins de quelques cantons en recrutant le personnel qui assure les tâches non médicales de ces médecins.

M. Bernard Cazeau a contesté cette présentation optimiste de l'expérience menée en Dordogne : en réalité, le soutien à la création d'une maison pluridisciplinaire se traduit par l'engagement de trois médecins âgés respectivement de cinquante-huit, soixante et un et soixante-sept ans, dans le but de réaliser une opération immobilière.

M. François Gin a indiqué que cet exemple relève d'un autre concept, celui des maisons de santé rurales.

M. Gilbert Barbier s'est interrogé sur l'adéquation de la dimension administrative des régions en matière de santé. Ainsi, il existe une union régionale des caisses d'assurance maladie (Urcam) unique Bourgogne-Franche-Comté, ce qui pourrait inciter à ne créer qu'une seule ARS pour ces deux régions.

Il a estimé qu'un passage par l'école de santé publique devrait être obligatoire pour devenir directeur d'hôpital. Enfin, il a demandé à connaître le coût des maisons de santé rurales et a souhaité une évaluation du risque de dichotomie entre les professionnels qui exercent leurs activités dans ces maisons.

M. François Autain s'est élevé contre cette sixième réforme de l'hôpital en moins de dix ans ; elle ne pourra, pas plus que les précédentes, régler les problèmes de l'hôpital qui ne sont pas structurels mais découlent d'un sous-financement. En outre, on peut s'interroger sur l'application d'une telle loi compte tenu du fait que la plupart de ses exécutants y sont opposés. Il s'est donc prononcé en faveur du retrait du projet de loi car celui-ci aboutit à privatiser l'hôpital public, par nature déficitaire. La solution qui consiste à licencier du personnel pour revenir à l'équilibre ne peut être mise en oeuvre qu'au détriment de la qualité des soins.

Il s'est ensuite déclaré opposé à l'intégration de la gestion du risque parmi les missions des ARS. Il a demandé des précisions sur le rôle futur de l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) et la répartition de ses personnels entre les services des ARS et les caisses locales. En créant les ARS, l'Etat ne régionalise pas la gestion de la santé : bien au contraire, il reprend la main grâce à ce nouvel échelon déconcentré. Les orientations ici retenues sont totalement différentes de celles que l'on observe aujourd'hui en Europe du Nord, ce qui témoigne encore du caractère inopportun de la réforme.

Prenant l'exemple des amendements votés à l'Assemblée nationale au titre de la lutte contre l'obésité, il a constaté que les lois n'ont plus de dimension juridique mais valeur de tract ou d'affichage. Il s'est enfin élevé contre la multiplication des structures, notamment les pôles de santé, les réseaux de santé ou les groupements sanitaires, qui entretiennent la confusion et n'apportent pas la cohérence pourtant nécessaire.

M. Guy Fischer s'est félicité du travail de fond entrepris par la commission depuis plusieurs mois sur le sujet de l'hôpital, motivé notamment par le poids de l'hôpital public dans les déficits de la sécurité sociale, ce qui permet de mieux appréhender les enjeux du texte. L'objectif du projet de loi est en fait, selon lui, d'étatiser la gestion de l'hôpital par le biais des ARS dont les directeurs généraux seront de véritables « préfets financiers » avec le seul souci d'une régulation extrême des dépenses de protection sociale. Le Gouvernement a d'ailleurs clairement annoncé qu'il souhaite réaliser plusieurs milliards d'économies par an sur les dépenses de protection sociale.

Il a demandé combien de postes seront supprimés dans les caisses primaires d'assurance maladie, et dans la fonction publique hospitalière en général, et le nombre des établissements de santé qui disparaitront sur les 2 934 existant actuellement. Même si certains de ces établissements seront transformés, il est incontestable que ce mouvement aboutira à une réduction de l'accès aux soins. L'inquiétude des professionnels de santé, des personnels et des patients est très vive, d'autant que 70 % de la chirurgie programmée se pratique actuellement dans le secteur privé. L'augmentation de la productivité et de l'efficience de l'hôpital public suscite de très forts mécontentements car elle est conduite aujourd'hui à marche forcée.

M. Jean-Pierre Godefroy a considéré qu'on a tort, par ce texte, de vouloir marginaliser les élus locaux. De ce point de vue, il faut être conscient qu'aucune communauté hospitalière de territoire ne pourra se mettre en place sans l'accord des élus locaux. A titre d'exemple, la réussite du rapprochement entre l'hôpital de Cherbourg et l'hôpital rural voisin n'a été possible que grâce à l'accord des deux maires et des deux commissions médicales d'établissements (CME) concernés. Grâce à cette mesure, aussi bien l'offre de soins que l'emploi public ont pu être maintenus dans de bonnes conditions. En ce qui concerne les déserts médicaux, il faut mentionner, outre ceux du milieu rural, ceux des milieux urbains denses. Il a regretté que, dans les zones franches urbaines, certains médecins dont l'installation a été aidée par des aides locales ou fiscales se soient ensuite rapidement déconventionnés.

M. Alain Milon, rapporteur, a estimé que l'hôpital n'est pas en déficit mais que son déséquilibre financier provient d'une sous-cotation des activités non programmées qu'il réalise. Par ailleurs, sur les dispositions du titre III du projet de loi, il a émis le souhait de ne conserver que les articles relatifs à l'alcool et au tabac et d'en extraire les autres mesures, notamment celles portant sur la lutte contre l'obésité qui trouveront mieux leur place dans un projet de loi de santé publique qui devrait être prochainement déposé et discuté. Il a enfin demandé s'il n'existerait pas une contradiction entre la définition du médecin généraliste de premier recours proposée à l'article 14 du projet de loi et celle du médecin traitant créé par la loi relative à l'assurance maladie de 2004.

M. Frédéric Van Roekeghem a observé que la plupart des pays distinguent effectivement les médecins d'accès direct des autres professionnels de santé. Le Gouvernement a voulu conforter cette notion de premier recours au niveau de la médecine générale sachant que, dans 99 % des cas, le médecin traitant choisi par les assurés du régime général est un généraliste.

Il a admis que la question des regroupements régionaux peut se poser comme l'indique l'existence de seize caisses régionales d'assurance maladie (Cram), soit un peu moins que le nombre de régions administratives. Néanmoins, il est logique que les ARS soient construites en cohérence avec l'organisation administrative française ; le sujet relève plutôt de la réforme de cette organisation territoriale.

Il a indiqué que le conventionnement sélectif des infirmiers libéraux sera mis en place le 18 avril prochain ; il sera intéressant de voir avec le temps si cette mesure est efficace.

Il a insisté sur la nécessité de financer convenablement les missions de service public à l'hôpital. Néanmoins, des marges de progrès et de gains de productivité existent à l'hôpital, aussi bien dans les petits que dans les grands établissements. Il est important que la collectivité puisse constater l'efficacité de l'utilisation de ses moyens car ceux-ci proviennent des prélèvements effectués sur les agents économiques.

M. Nicolas About, président, a fait valoir qu'une bonne enveloppe est celle qui permet la correspondance entre les moyens alloués et les coûts constatés. Cela étant, certains établissements sont plus performants que d'autres, avec pourtant les mêmes moyens, et c'est cette occurrence qui mérite d'être analysée.

M. Frédéric Van Roekeghem a estimé que la question de l'offre de proximité est plus un problème de qualité des soins que d'économie. De ce point de vue, la spécialisation de certains hôpitaux ou les regroupements de services peuvent permettre une amélioration de la qualité.

M. Nicolas About, président, a cité le cas de radiographies prescrites par des médecins hospitaliers et jamais récupérées par ceux-ci pour être analysées, ce qui tend à prouver que l'on prescrit des examens inutiles.

M. Frédéric Van Roekeghem est convenu de la nécessité d'insuffler le souci d'une meilleure gestion à l'hôpital public. Les relations avec les élus locaux sont essentielles, d'autant plus que l'hôpital est souvent le premier employeur d'une commune, mais les discussions qu'elles entraînent ne doivent pas empêcher l'hôpital de se réformer. Enfin, il est évidemment très souhaitable de ne réserver les aides à l'installation de médecins dans des zones sensibles qu'aux seuls médecins conventionnés.

M. François Gin a considéré que le recul est encore insuffisant pour évaluer le fonctionnement des maisons de santé rurales, les six premières ayant été créées en 2008. Il a précisé qu'avant la création de ces structures, on vérifie toujours l'accord de l'ensemble des professionnels sur les règles du fonctionnement de la maison de santé.