Mardi 13 octobre 2009

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Loi de finances pour 2010 - Plan de relance - Audition de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance

La commission a procédé à l'audition de M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, sur le projet de loi de finances pour 2010.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que les membres des commissions de la culture, de l'économie et des affaires sociales ont été conviés à cette audition, de même que les sénateurs François-Noël Buffet et François Zocchetto, qui sont deux des sept parlementaires choisis par le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance pour être les « ambassadeurs de la relance » dans les régions. Il a indiqué que cette audition a pour objet d'entendre le compte rendu trimestriel de la mise en oeuvre du plan de relance et de préparer l'examen des crédits de la mission « Plan de relance de l'économie » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010. Il a interrogé le ministre sur la conformité des mesures mises en oeuvre aux principes retenus lors de l'élaboration du plan, qui sont, d'une part, la rapidité de l'effet sur l'économie, d'autre part, le ciblage sur les secteurs ou les populations ayant la meilleure capacité d'entraînement et, enfin, le caractère temporaire et réversible des mesures.

M. Patrick Devedjian, ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, a considéré que le plan de relance est à un moment charnière de son existence, deux semaines après la présentation d'un projet de loi de finances pour 2010 qui a démontré la pertinence de la démarche de relance. Il a considéré que le plan « tourne à plein régime » et qu'il a pour objectifs principaux, en 2010, de lutter contre la crise et de préparer le retour à la croissance. Il a jugé que le plan s'exécute dans de bonnes conditions et que huit cent cinquante des mille projets sélectionnés au comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, tenu à Lyon le 2 février 2009, ont démarré. Constatant que 22,8 milliards d'euros ont été investis dans l'économie, il a estimé que l'objectif d'injecter dans l'économie les trois quarts des crédits en 2009 est pratiquement atteint. A ce sujet, il a précisé que la France a décidé de concentrer 75 % de ses moyens sur l'année 2009 et le solde en 2010, alors que la plupart des autres pays ont pris le parti inverse. Il a salué ce choix économique qui a permis de soutenir l'activité au coeur de la crise.

Evoquant la mise en oeuvre des programmes d'investissement public, M. Patrick Devedjian a indiqué que les deux tiers des crédits ont été ouverts, soit 2,9 milliards d'euros sur 4,1 milliards. Le taux d'engagement s'établit à 65 % pour les infrastructures, à 52 % pour les projets conduits dans l'enseignement supérieur et la recherche, à 94 % dans le domaine de la défense et à 66 % pour le patrimoine. Il a insisté sur le succès de la mesure de versement anticipé aux collectivités territoriales des attributions au titre du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), qui a conduit les collectivités à s'engager à dépenser, en 2009, 54 milliards d'euros au titre de leurs dépenses réelles d'investissement. Il a rappelé que le coût prévisionnel de la mesure s'établit à 3,8 milliards d'euros, contre une prévision initiale de 2,5 milliards d'euros. Les collectivités, qui ont massivement soutenu cette mesure quelle que soit la sensibilité politique de leurs dirigeants, avaient effectivement dépensé 25 milliards d'euros à la fin du mois d'août 2009.

Le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance de l'économie a précisé que les entreprises publiques ont déjà investi 1,3 milliard d'euros et que ce montant devrait atteindre 3 milliards d'euros d'ici à la fin de l'année 2009. Il a insisté sur le fait que le financement de 100 000 logements est programmé, que 4 milliards d'euros de travaux sont engagés au titre de la rénovation urbaine et que 70 millions d'euros sont spécifiquement alloués à la construction et la rénovation lourde outre-mer. Il a salué le rôle d'amortisseur de la crise joué par les bailleurs sociaux.

Evoquant les mesures en faveur de la solidarité, il a rappelé la distribution en 2009 de bons d'achats de services à la personne et le versement d'une prime « familles modestes », de la prime de solidarité active et du revenu supplémentaire temporaire d'activité (RSTA).

S'agissant du soutien aux entreprises, M. Patrick Devedjian a rappelé que les mesures fiscales ont rencontré un grand succès et que le coût prévisionnel pour 2009 est supérieur à 14 milliards d'euros, pour une estimation initiale de 9,2 milliards d'euros. Il a noté qu'OSEO a garanti 2,8 milliards d'euros de prêts et que le dispositif de complément d'assurance-crédit public (CAP +) a suscité le dépôt de 19 900 dossiers représentant un encours de 435 millions d'euros. Il a rappelé l'annonce par le Premier ministre de son extension au crédit à l'exportation.

Le ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance de l'économie a considéré que l'aide au remplacement de véhicules anciens, dite « prime à la casse », a puissamment soutenu le marché automobile et que son coût, en fin d'année, pourrait atteindre 500 millions d'euros. Il a indiqué que les dispositifs de soutien à l'emploi montent en puissance, notamment dans le cadre du Fonds d'investissement social (FISo), et que 200 millions d'euros ont été dépensés depuis l'été. Il s'est félicité des mesures en faveur de l'emploi des jeunes, relevant notamment que presque toutes les régions se sont dotées d'un plan d' « écoles de la deuxième chance », et a insisté sur la montée en charge du soutien à l'alternance.

Détaillant les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, il a estimé qu'il convient de ne pas interrompre trop brutalement l'effort de relance pour ne pas casser la dynamique de reprise et pour aider l'initiative privée à prendre le relais de la puissance publique. Il a rappelé, à ce titre, les annonces du Président de la République relatives aux actions en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) conduites par OSEO et le Fonds stratégique d'investissement (FSI).

M. Patrick Devedjian a expliqué que le budget pour 2010, avec 2,34 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 4,1 milliards d'euros de crédits de paiement, conforte les dispositifs mis en oeuvre en 2009 pour préparer la France à la reprise. Evoquant les crédits d'investissement, il a indiqué qu'ils sont destinés à couvrir les engagements pris en 2009 et qu'aucune nouvelle autorisation d'engagement ne sera ouverte. S'agissant du volet social du plan de relance, il a confirmé la reconduction jusqu'au 30 juin 2010 de l'aide à l'embauche dans les très petites entreprises, pour un montant de 410 millions d'euros. Il a souligné que le FISo sera doté de 1,4 milliard d'euros et que la « prime à la casse » représentera une dépense de 240 millions d'euros. S'agissant de l'effort en faveur de la solidarité et du logement, il a annoncé l'ouverture de 498 millions d'euros de crédits de paiement pour couvrir les engagements en cours, ainsi que, au bénéfice de l'outre-mer, de 280 millions d'euros au titre du revenu supplémentaire temporaire d'activité et de 10 millions d'euros au titre du logement social.

M. Patrick Devedjian a rappelé que le projet de loi de finances prévoit de reconduire en 2010 les versements anticipés, au titre du crédit d'impôt recherche, ainsi que, pendant six mois, le doublement du prêt à taux zéro.

Il a salué la mobilisation collective de tous les acteurs, qui doit permettre de créer les conditions de la reprise, et s'est félicité de l'appréciation portée sur le plan de relance français par les institutions internationales. Il a relevé la forte mobilisation des services de l'Etat et a précisé que la campagne de communication engagée par le Gouvernement pour faire connaître les programmes d'investissement ne constitue pas une forme de propagande, mais traduit une volonté de soutenir les acteurs économiques en jouant sur leurs ressorts psychologiques, si importants dans la formation des anticipations et la prise de décision. Il a considéré, enfin, que le fonctionnement de son ministère constitue une manière nouvelle d'administrer, consistant à rendre compte en temps réel, pour le plus grand bénéfice de la démocratie et de l'efficacité économique.

Répondant à M. Jean Arthuis, qui l'interrogeait en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Plan de relance de l'économie », M. Patrick Devedjian a souligné que le FSI ne doit pas être considéré comme un instrument du plan de relance mais comme un outil de stratégie industrielle. En raison de la crise, les entreprises françaises innovantes sont fragilisées et susceptibles de passer sous le contrôle « d'intérêts prédateurs » avec les risques de transfert de technologie et de délocalisation liés à ce types d'opérations hostiles. Les huit prises de participation d'ores et déjà effectuées par le FSI entrent dans le cadre de l'objectif de préservation de l'outil industriel français. L'action de ce fonds s'inscrit dans une perspective de retour sur investissements à long terme, son rôle n'étant pas d'être la « voiture-balai » de toutes les entreprises en difficulté.

M. Jean Arthuis, président, a constaté que le dispositif d'incitation des collectivités locales à participer au plan de relance grâce à la réduction à un an du délai de remboursement du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), constitue un puissant effet de levier en direction des entreprises locales. A cet égard, il s'est interrogé sur l'intérêt qu'il y aurait à prolonger en 2010 cet effort d'investissement au niveau territorial.

M. Patrick Devedjian a reconnu que les investissements consentis par les collectivités locales en 2009, qui s'élèvent à 54 milliards d'euros, ne seront probablement pas payés dans leur totalité au 31 décembre. Il a considéré qu'il faut étudier un mode de régulation de la réduction de deux à un an du délai de remboursement par le FCTVA sur des critères plus souples que ceux prévus par le plan de relance.

S'il convient de ne pas pénaliser les collectivités qui, de bonne foi, ont fourni un effort d'investissements en vue de répondre aux critères de remboursement anticipé, il a jugé souhaitable d'allonger, pour des raisons pratiques et de manière raisonnable, les délais de paiement effectifs des prestataires tout en étant ferme sur le principe d'engagement des dépenses, les ordres de service devant, en tout état de cause, être signifiés avant la fin de l'année.

De plus, il a considéré qu'il serait difficile, à terme, de maintenir un dispositif à deux vitesses faisant cohabiter des collectivités bénéficiant d'un remboursement du FCTVA à un an et d'autres à deux ans. Une harmonisation de ces mesures doit être étudiée.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est félicité du succès rencontré par le plan de relance dans la mobilisation des investissements dont les effets multiplicateurs seront perceptibles à la sortie de la crise. Dans cette perspective, il s'est interrogé sur l'articulation à mettre en place entre le plan de relance proprement dit, dont l'action est concentrée sur les années 2009 et 2010, et le « grand emprunt » qui doit servir à financer des projets à long terme. En outre, il a jugé qu'il serait utile de procéder à une évaluation de la performance du plan de relance sur le plan macroéconomique en fonction de la part d'augmentation du PIB qui lui est imputable.

M. Patrick Devedjian a précisé que si le plan de relance et le grand emprunt ont pour critère commun la réalisation d'investissements pérennes et utiles, ils ne s'inscrivent pas sur la même échelle de durée. En effet, la relance a pour objectif de répondre à très court terme et de manière massive à des besoins de financements pour surmonter la crise, alors que la vocation du grand emprunt est d'améliorer la productivité et l'attractivité de la France à long et très long termes. Certains des investissements prévus par le plan de relance répondent à ces critères : l'augmentation du nombre de sillons ferroviaires ou l'amélioration du « chaînage » entre le port du Havre et le rail constituent des investissements à haut rendement. En revanche, l'Etat soutient également, dans le cadre du plan de relance, des projets d'intérêts sociaux, culturels et collectifs dont l'utilité n'est pas remise en cause mais qui ne répondent pas à une logique de retour sur investissements. Le principe du grand emprunt est, pour sa part, de réduire le coût de levée des fonds sur le marché en permettant qu'il soit effectué à des taux très réduits pour des investissements dans des activités à forte valeur ajoutée. Dans ce cadre, la commission « Juppé-Rocard » a pour mission de réfléchir aux critères de définition de ces investissements ciblés.

Mme Nicole Bricq a rappelé que, lors de l'examen de la première loi de finances rectificative pour 2009, elle avait déjà manifesté son inquiétude quant à la possibilité pour les collectivité de payer l'ensemble des investissements ouvrant droit au délai réduit de remboursement du FCTVA avant le 31 décembre 2009. De fait, une évaluation effectuée par la préfecture de Seine-et-Marne indique que 30 % des communes qui se sont engagées dans le dispositif demeurent sous le niveau requis d'investissements. Elle a souligné qu'un délai supplémentaire au 31 janvier 2010 sera insuffisant pour honorer la masse des engagements consentis et qu'il convient de prévoir un dispositif plus large que la simple « journée complémentaire ». En outre, elle a indiqué que M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, s'est prononcé en faveur d'un assouplissement de ce dispositif dans le cadre du projet de loi de finances pour 2010.

M. Patrick Devedjian a souscrit à ce constat et s'est inquiété du fait que la clôture des comptes effectuée au 10 décembre par les trésoreries sera d'autant plus préjudiciable qu'elle raccourcira de vingt jours la période de paiement alors même que l'essentiel des investissements aura été engagé par les collectivités au cours du second semestre 2009. Pour accorder un délai supplémentaire, il est nécessaire d'adopter une disposition législative dans la mesure où la date limite du 31 décembre 2009 est inscrite dans la loi n° 2009-122 du 4 février 2009 de finances rectificative pour 2009.

M. Jean Arthuis, président, a souligné qu'il convient de clarifier rapidement les conditions juridiques de sortie du dispositif dans la mesure où, à l'inverse du retard de paiement, des collectivités pourraient être tentées d'effectuer des « pré-paiements » avant service fait afin de ne pas risquer d'être exclues du remboursement anticipé du FCTVA. Cette pratique pourrait donner lieu à de fortes déconvenues si les projets ne sont pas menés à bonne fin.

M. Éric Doligé a mis en lumière le risque de réduction significative des capacités de financement des collectivités locales en 2010 et en 2011, qui pourrait être la conséquence du surcroit d'effort consenti en 2009, et a exprimé son inquiétude concernant l'effet négatif sur la sortie de crise d'une chute brutale des investissements l'an prochain.

M. Patrick Devedjian a rappelé que la France a décidé de porter l'effort principal du plan de relance sur l'année 2009 afin d'amortir immédiatement la crise et de préserver l'outil industriel, alors que l'Allemagne a fait le choix d'engager l'essentiel de ses investissements publics en 2010. Il a considéré que ces politiques sont complémentaires dans la mesure où la relance allemande soutiendra non seulement le marché outre-rhin, qui est le premier partenaire commercial de la France, mais également la production française. A cet égard, ces deux pays auront connu en 2009 une croissance de 0,3 %, parmi les moins mauvaises des pays de l'OCDE.

Mme Michèle André a souhaité que le Gouvernement s'attache davantage à la promotion des formations en alternance et à la sensibilisation des entreprises dans ce domaine car de nombreux candidats peinent à trouver un employeur prêt à les recruter en contrat de professionnalisation ou d'apprentissage.

M. Patrick Devedjian a reconnu que parmi les vingt mesures prévues par le fonds d'investissements social (FISo), certaines nécessitent un temps de mise en oeuvre assez long, et a jugé prématuré de présenter dès 2009 une évaluation du FISo dont l'action sera prolongée en 2010 par un renforcement de ses financements.

Tout en indiquant que la réalisation de 120 000 logements sociaux est conforme aux prévisions, M. Philippe Dallier s'est étonné que le dispositif du prêt locatif social privé n'ait bénéficié qu'à 600 personnes.

M. Patrick Devedjian a confirmé que le prêt locatif social n'a pas rencontré le succès escompté, probablement victime d'un phénomène de « cannibalisation » par le dispositif « Scellier » de déduction d'impôt au titre des investissements locatifs immobiliers.

En réponse à M. Denis Badré qui s'est interrogé sur la relation de cause à effet entre les investissements du plan de relance et l'augmentation du déficit, il a indiqué qu'il est difficile de distinguer d'une part les déficits productifs et d'autre part les déficits inutiles dans la mesure où toutes les mesures, qu'elles soient d'ordre social ou industriel, produisent des synergies qui, au final, contribuent à soutenir la consommation et à préserver l'outil productif, donc l'emploi. Aussi un défaut d'investissements industriels aurait-il en tout état de cause entraîné des déficits sociaux plus importants.

Réforme de la taxe professionnelle - Audition des associations d'élus locaux : M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), M. François Langlois, délégué général de l'Association des régions de France (ARF) et M. Charles-Eric Lemaignen, président délégué, en charge des métropoles, de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

La commission a ensuite procédé à l'audition des représentants des associations d'élus locaux : M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF), M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), M. François Langlois, délégué général de l'Association des régions de France (ARF), et M. Charles-Eric Lemaignen, président délégué, en charge des métropoles, de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), sur la réforme de la taxe professionnelle.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué, à titre liminaire, que la commission des finances avait invité les membres de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation à participer à cette audition. Il a souligné le contexte particulier de l'audition au Sénat des principales associations représentatives des élus locaux, à la veille du débat à l'Assemblée nationale sur la première partie du projet de loi de finances pour 2010, qui prévoit la suppression de la taxe professionnelle et une réforme importante des finances locales.

Il a jugé important de pouvoir comparer, sur ce projet, les réactions des représentants des diverses catégories de collectivités et aussi de déterminer si un consensus est susceptible de se dégager entre les associations d'élus.

Il a ensuite énuméré les thèmes sur lesquels étaient attendues leurs observations :

- les conditions de compensation aux collectivités territoriales, pour 2010 et à compter de 2011, aux collectivités territoriales, de la réforme de la taxe professionnelle et de la fiscalité locale ;

- les modalités de répartition de la nouvelle cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée et son adéquation à l'objectif de maintien du lien entre les entreprises et les territoires ;

- la nouvelle distribution des ressources fiscales entre l'Etat et les collectivités territoriales au regard de l'objectif de lisibilité pour le contribuable et d'adaptation aux compétences de chaque niveau ;

- l'avenir des instruments de péréquation dans le nouveau système de finances locales ;

- et, enfin, le réalisme du calendrier de la réforme et son lien avec l'annonce de la révision des valeurs locatives.

M. Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France (AMF) s'est félicité de l'organisation d'une audition commune des associations d'élus locaux. Il a indiqué que l'AMF avait accueilli favorablement une réforme de la taxe professionnelle, car cet impôt qui ne reposait plus que sur les investissements ne pouvait pas perdurer. Sur les autres questions relatives à la fiscalité locale, il a rappelé les souhaits exprimés par l'AMF : le maintien de la liaison entre entreprises et territoires, la garantie d'un niveau de recettes comparable, la nécessité de saisir l'occasion offerte pour mettre en oeuvre une péréquation plus efficace et la modernisation des assiettes de l'impôt économique. Se prononçant en faveur d'une assiette fondée sur la valeur ajoutée, il s'est déclaré défavorable à la ventilation des ressources entre niveaux de collectivités territoriales proposée par le projet de loi de finances ainsi qu'à la progressivité des taux de la nouvelle cotisation complémentaire.

M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), a rappelé que les départements, du fait du contexte économique et social, ont perdu en deux ans 2 milliards d'euros de recettes sur le produit des droits de mutation. Il a estimé que la taxe professionnelle n'est pas un élément essentiel de la compétitivité des entreprises au niveau international, sans remettre pour autant en cause le principe d'une réforme qui est déjà « en marche ». Les départements ont aussi une spécificité qui tient à leur rôle dans le domaine de l'action sociale, auquel ils consacrent 30 milliards d'euros par an. Pour l'ADF, trois éléments doivent être conjugués dans la future réforme : le maintien d'un taux suffisant d'autonomie fiscale, alors que le projet de loi de finances a pour conséquence de réduire ce taux de 33 % en moyenne à 12 % ; des mécanismes de péréquation et la compensation des dépenses de prestations sociales. Les propositions formulées sur ces sujets par le Conseil économique et social, saisi notamment par l'ADF, sont satisfaisantes.

M. François Langlois, délégué général de l'Association des régions de France (ARF), s'est déclaré en accord avec les observations des autres associations. Il a souligné les trois spécificités des régions par rapport aux autres catégories de collectivités :

- elles sont des « nains financiers » avec un budget total de 26 milliards d'euros et le plus faible ratio de ressources fiscales rapportées à leurs ressources globales, ce qui explique que leur première préoccupation soit l'augmentation de leur autonomie fiscale, particulièrement menacée par le projet de loi de finances aux termes duquel elles n'auraient plus à voter aucune recette directe ;

- elles souhaitent une fiscalité cohérente avec leurs compétences, la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers (TIPP) constituant, de ce point de vue, un contre-exemple puisque c'est avec cette ressource qu'elles doivent financer les trains express régionaux dont le développement a précisément pour effet de réduire la circulation automobile et donc les recettes de la TIPP ;

- elles sont attachées à une fiscalité équilibrée entre les ménages et les entreprises.

M. Charles-Eric Lemaignen, président délégué, en charge des métropoles, de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) a jugé la réforme nécessaire et s'est félicité du travail effectué en collaboration avec les autres associations. Il a rappelé que la taxe professionnelle constitue en moyenne 94 % des recettes des communautés. Il s'est dit satisfait de l'assiette retenue pour la nouvelle cotisation et du découplage entre l'imposition du foncier et celle de la valeur ajoutée. Il a exprimé sa satisfaction quant au choix d'un taux unique national. Il a ensuite évoqué les trois préoccupations de l'AdCF :

- une attention particulière doit être portée aux conséquences de la réforme en termes d'arbitrages sur l'utilisation du sol. Pour assurer un lien réel entre les entreprises et les territoires, l'assiette doit être localisée et il faudrait fixer définitivement les critères de répartition ;

- la progressivité de la cotisation complémentaire est trop forte, ce qui aura pour conséquence de favoriser l'optimisation fiscale par les entreprises. Il aurait été préférable de proposer un taux uniforme pour toutes les entreprises, quel que soit leur chiffre d'affaires, ou une progressivité moins brutale ;

- il existe un décalage entre la date d'application de la réforme pour les collectivités, en 2011, et celle à laquelle doivent être votées les dispositions concernant l'assiette et le taux des nouvelles impositions, c'est-à-dire, maintenant ;

- il est illusoire de penser qu'une réforme fiscale peut parallèlement apporter des solutions pour une meilleure péréquation.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que la réforme ne présente un caractère d'urgence que pour les aspects intéressant les entreprises et souhaité que les associations d'élus s'expriment, d'une part, sur le calcul de la compensation relais pour l'année 2010 et, d'autre part, sur les modalités pérennes de compensation à partir de l'année 2011.

M. Jacques Pélissard a rappelé que la compensation, en 2010, se ferait exclusivement par une dotation de l'Etat et souhaité que l'année 2010 soit mise à profit pour déterminer les modalités de la compensation à partir de 2011, grâce à des simulations qui manquent aujourd'hui. En 2010, il conviendrait que la compensation relais soit calculée à partir des taux de taxe professionnelle votés en 2009 appliqués à l'assiette de 2010.

M. Claudy Lebreton, après avoir rappelé le panier de recettes fiscales dont bénéficient actuellement les départements, a confirmé que la compensation relais en 2010 se fera « à l'euro près ». Toutefois, ce mécanisme empêchera tout dynamisme de la taxe professionnelle l'an prochain. Les départements conserveront par ailleurs, en 2010, la possibilité de moduler les taux de la taxe d'habitation et des taxes foncières, comme l'avait demandé l'ADF. Sur les 11,4 milliards d'euros que devrait rapporter la contribution complémentaire, les départements devraient, d'après le dispositif proposé par le Gouvernement, bénéficier de 7,9 milliards d'euros. Une autre répartition de cette contribution, au détriment des départements, devrait être compensée par l'octroi de nouvelles ressources à leur profit. Enfin, la répartition de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance (TSCA) pourrait être un élément de péréquation entre les départements.

M. Jean Arthuis, président, a relevé que les objectifs de péréquation et d'autonomie fiscale peuvent se révéler contradictoires.

M. Claudy Lebreton a reconnu qu'il est difficile de gérer les disparités de richesse entre des départements peuplés de 100 000 habitants pour ceux dont la démographie est la plus faible et, par exemple, le département du Nord, où vivent 2,5 millions d'habitants. Certains départementaux ruraux, dont les ressources fiscales sont limitées, préfèrent davantage de péréquation en échange de moins d'autonomie fiscale.

M. François Langlois s'est déclaré en accord avec l'AMF sur l'utilisation des taux de 2009 et de l'assiette de 2010 pour le calcul de la compensation relais. Tous les conseils régionaux avaient d'ailleurs voté leurs taux avant l'annonce de la réforme de la taxe professionnelle, ce qui exclut pour eux tout effet d'aubaine. Par ailleurs, le cycle électoral implique que les taux de l'année 2009 n'ont pas été significativement augmentés. Si la loi de finances pour 2010 fixe la répartition de la cotisation locale d'activité et de la cotisation complémentaire, il sera difficile d'y revenir par la suite. Afin de permettre aux régions de retrouver des marges de manoeuvre en matière de vote de taux, il serait souhaitable de leur affecter une part d'imposition sur les ménages, le cas échéant en échange d'une diminution de la cotisation complémentaire dont elles bénéficient.

M. Charles-Eric Lemaignen, après avoir souscrit aux positions de l'AMF, a soulevé deux interrogations : quel sera le sort réservé aux rôles complémentaires des années 2008 à 2010 ? Par ailleurs, un traitement spécifique est-il prévu pour les intercommunalités encore en phase de lissage des taux ou pour les communes qui fusionneraient après l'entrée en vigueur de la réforme ? Enfin, si le bloc communal souhaite rééquilibrer ses impositions entre les ménages et les entreprises, un accord devrait pouvoir être trouvé avec l'ADF et l'ARF, qui souhaitent pour leur part récupérer davantage de pouvoir de vote des taux.

M. François Rebsamen a souhaité que le Gouvernement respecte ses engagements de compensation intégrale en 2010, c'est-à-dire qu'une compensation relais sur la base des taux et de l'assiette de l'année 2010 soit mise en place. Avec les mécanismes de liaison des taux, cette solution n'entraînera pas nécessairement une forte augmentation des taux votés l'an prochain.

M. Charles-Eric Lemaignen a relevé que les communes et les intercommunalités conservent, en 2010, leur pouvoir de voter les taux de la cotisation locale d'activité (CLA).

M. Jean Arthuis, président, a estimé que cela nécessiterait pour ces collectivités d'avoir des simulations suffisamment précises, préalablement au vote de leurs taux de CLA.

Abordant ensuite, à l'invitation de M. Jean Arthuis, président, la question de la répartition des ressources fiscales, M. Jacques Pélissard s'est déclaré favorable à l'attribution, à masse fiscale constante, d'une part de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée aux communes. Il a précisé que celles-ci voient en effet, du fait de la réforme proposée, la part de l'imposition sur les ménages passer de 49 % à 73 % dans le total de leurs impositions, et celle des entreprises tomber de 51 % à 27 %. Il a considéré que la répartition préconisée par l'AMF peut sans doute nuire à la lisibilité de la réforme, mais qu'il sera facilement remédié à ce défaut en assurant une information claire du contribuable. Il a indiqué qu'une concertation a débuté en ce sens avec les départements et les régions.

M. Claudy Lebreton a souligné le processus de perte de l'autonomie fiscale sur l'impôt économique provoqué par le projet de réforme. Il a avancé que ce texte aura également pour conséquence de figer les situations actuelles en concentrant la ressource fiscale là où est produite la valeur ajoutée. Il a donc suggéré de prélever une partie de ces recettes fiscales pour la péréquation.

M. Jean Arthuis, président s'est demandé si la fixation d'un taux national pourrait être le gage de la péréquation.

M. Claudy Lebreton a affirmé que les simulations réalisées par l'ADF montrent que la cotisation complémentaire aggrave les inégalités de recettes constatées entre les départements. En outre, ces recettes sont attribuées aux collectivités quel que soit leur degré d'initiatives prises en faveur du développement économique. Il a émis des réserves sur la proposition préparée par la commission des finances de l'Assemblée nationale, qui envisage le transfert aux départements de l'ensemble des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et des frais d'assiettes sur la taxe foncière sur les propriétés bâties, afin de leur procurer un minimum d'imposition sur les ménages. Il a rappelé que l'ADF a suggéré l'attribution aux départements, en plus d'un panier de recettes « classiques », d'une recette spécifique en lien avec leur compétence principale, à travers la contribution sociale généralisée (CSG).

M. François Langlois a considéré légitimes les demandes du « bloc communal » qui souhaite se voir attribuer une partie de la cotisation complémentaire en échange soit d'une part de la cotisation locale d'activité soit de la taxe sur le foncier bâti. Il a estimé que le principe constitutionnel d'autonomie financière rend nécessaire la territorialisation de la cotisation complémentaire.

M. Charles-Eric Lemaignen a souligné que le projet de réforme favorise les communes résidentielles. Il a regretté l'absence de simulations et rappelé que la compétence d'urbanisme appartient au bloc communal, ce qui justifie qu'on lui attribue une fraction des impôts sur les entreprises installées sur leur sol. Il s'est interrogé sur la possibilité de moduler les critères de répartition de la valeur ajoutée selon les niveaux de collectivités territoriales et s'est inquiété du risque que la réforme proposée n'aboutisse à un système d'une aussi grande complexité que la taxe professionnelle.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité entendre les positions des associations d'élus locaux sur les instruments de péréquation que sont les fonds départementaux de la taxe professionnelle (FDPTP) et le fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF) dans le cadre de la réforme envisagée.

En ce domaine, M. Jacques Pélissard s'est dit favorable à une péréquation verticale plutôt qu'horizontale. En effet, au sein des régions globalement pauvres, la péréquation horizontale ne permet pas de disposer des moyens financiers nécessaires pour améliorer le sort des collectivités les plus en difficulté. Par ailleurs, il revient à l'Etat, grâce à l'outil que constitue la dotation globale de fonctionnement, de mettre en oeuvre cette péréquation. Enfin, le mécanisme de péréquation que sont les FDPTP doit être conservé.

M. Claudy Lebreton a rappelé que la TSCA pourrait constituer un outil de péréquation efficace pour les départements. Le triptyque autonomie/péréquation/compensation doit être abordé comme un tout, sachant qu'il n'est pas possible pour les collectivités d'être gagnantes sur les trois fronts concomitamment. Le Président de la République est hostile à l'affectation d'une part de CSG aux départements, alors que ceux-ci bénéficient déjà d'une fraction de cette ressource au travers des dotations de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) versées pour le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie et de la prestation de compensation du handicap. Un transfert supplémentaire de CSG aux départements faciliterait la négociation d'un accord sur la répartition des ressources avec les autres catégories de collectivités territoriales.

Après s'être déclaré en accord avec M. Jacques Pélissard, M. François Langlois a précisé que la péréquation régionale reste modeste et que toute modification de ses critères serait très difficile à gérer.

M. Charles-Eric Lemaignen a ajouté que certaines dotations existantes et devenues sans objet, telles que la dotation de compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, pourraient utilement servir comme dotations de péréquation. Par ailleurs, la taxation de la valeur ajoutée, constituée à 60 % de salaires, permettra aux collectivités d'obtenir des ressources plus stables, mieux à même de financer les services publics.

Enfin, M. Jean Arthuis, président, a soulevé la question du calendrier de la réforme.

M. Jacques Pélissard a souhaité que des simulations soient fournies en 2010 sur les effets de la réforme compte tenu de son importance. Par ailleurs, il s'est interrogé sur la possibilité d'une mise en oeuvre étalée dans le temps de la révision des valeurs locatives.

M. Jean Arthuis, président, a exprimé s'est interrogé sur la possibilité de répartir un impôt appliqué sur des valeurs qui ne seraient pas homogènes.

M. Jacques Pélissard est convenu que c'est impossible et qu'il faudrait donc une réforme globale, de grande ampleur, des valeurs locatives.

M. Claudy Lebreton a rappelé que si les chefs d'entreprises se félicitent de la réforme de la taxe professionnelle, elle ne doit pas se traduire par une diminution de l'investissement public. Le pouvoir de voter les taux d'imposition sur les valeurs locatives n'aura de sens qu'une fois ces valeurs révisées.

M. François Langlois a estimé que la révision de ces valeurs doit se faire « au minimum » en même temps que celle de la taxe professionnelle et a également rejeté toute réforme « au fil de l'eau ».

Pour sa part, M. Charles-Eric Lemaignen a souhaité que la réforme soit rapide pour les entreprises. Un taux portant uniquement sur la valeur ajoutée serait préférable, plutôt qu'une taxe fonction à la fois du chiffre d'affaires et de la valeur ajoutée, comme le propose le texte du Gouvernement. La réforme sera toutefois difficile à faire accepter pour les collectivités territoriales si elles ne disposent pas des simulations nécessaires. Faire de 2010 une année de concertation permettrait par ailleurs de faire le lien entre la réforme de la taxe professionnelle et la réforme territoriale.

Concernant la révision des valeurs locatives, il s'est dit en accord avec M. Jacques Pélissard, tout en estimant que cette réforme sera délicate à mener, surtout pour le bloc communal, qui aura récupéré l'essentiel de la fiscalité sur les ménages.

M. Alain Lambert, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, a constaté que chaque catégorie de collectivités souhaite disposer d'une part d'imposition sur les ménages et d'une part d'imposition sur les entreprises. Il s'est interrogé sur leur appréciation du niveau optimal du rapport entre ces deux types d'imposition. Il a souligné également qu'il semble résulter des réflexions engagées qu'il est désormais nécessaire de « tordre le cou » à l'idée de la spécialisation. S'agissant du caractère évolutif des ressources pour les collectivités, il a mis en garde contre la grande réactivité des impôts d'Etat à la conjoncture économique.

M. Jacques Pélissard a jugé nécessaire l'équilibre entre impôts sur les ménages et impôts sur les entreprises. Il s'est déclaré favorable à l'objectif de redonner une plus large part d'imposition sur les ménages aux départements et aux régions.

M. Claudy Lebreton a rappelé la spécificité des départements qui aurait justifié de leur attribuer une part de la CSG. Il a douté de la capacité à établir un équilibre entre impôts sur les ménages et impôts sur les entreprises au niveau local, compte tenu de la rupture de cet équilibre qui est constatée au niveau national dans le cadre de la réforme proposée par le Gouvernement. Il a souligné également que les impôts transférés peuvent présenter des dynamiques très différentes, opposant sur ce point la taxe spéciale sur les conventions d'assurance et la TIPP.

M. Jean Arthuis, président, a observé que la cotisation complémentaire sera, in fine, payée par les ménages.

M. François Langlois a noté que l'ensemble des projets, y compris les projets alternatifs à celui proposé par le Gouvernement, ont pour point commun d'améliorer la situation actuelle en matière de spécialisation des ressources fiscales par niveau de collectivités territoriales. Il a exprimé son accord avec les propos de M. Alain Lambert sur la spécialisation, observant que l'ARF a évolué sur cette question en se prononçant désormais pour un équilibre -à condition que celui-ci ne soit pas trop strictement entendu- entre impôts sur les ménages et impôts sur les entreprises.

M. Charles-Eric Lemaignen a rappelé que la part salaires incluse dans le calcul de la valeur ajoutée constitue un facteur d'amortissement des fluctuations de la conjoncture. Il a considéré que les entreprises sont plus soucieuses d'un système simple et clair que du montant même des impositions.

Mercredi 14 octobre 2009

- Présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président -

Sinistrés de la sécheresse de 2003 et indemnisation des catastrophes naturelles - Examen du rapport du groupe de travail

Au cours d'une première séance tenue dans la matinée, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport du groupe de travail sur la situation des sinistrés de la sécheresse de 2003 et le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles (CAT-NAT).

M. Éric Doligé, président du groupe de travail, a brièvement présenté le contexte dans lequel avait pris place la mission du groupe de travail et insisté sur la nécessité de trouver un débouché concret et rapide à ses recommandations.

Après avoir rappelé les circonstances de la création du groupe de travail et détaillé les auditions et déplacements auxquels il a procédé, Mme Fabienne Keller, rapporteur, a rappelé que plus de 444 000 sinistres dus à la sécheresse avaient été recensés entre 1989 et 2007, occasionnant des dégâts dont le coût est estimé à 4,1 milliards d'euros. Ces sinistres sont liés au phénomène de retrait-gonflement des sols argileux - ou subsidence - qui affecte l'intégrité des bâtiments. La sécheresse de 2003 a été exceptionnelle par son intensité et par ses caractéristiques. Cet épisode climatique a en effet causé, à lui seul, environ 138 000 sinistres, pour un coût évalué à 1 018 millions d'euros par la Caisse centrale de réassurance (CCR). Cette sécheresse a également été atypique, car non précédée d'un fort déficit hydrique lors de l'hiver 2002-2003.

En raison de ces caractéristiques, les critères scientifiques traditionnellement employés pour reconnaître l'état de catastrophe naturelle se sont révélés peu opérants pour traiter le phénomène constaté en 2003. Ces critères ont donc été progressivement assouplis, aboutissant à classer 4 441 communes en état de catastrophe naturelle. Ces ajustements ont néanmoins partiellement reposé sur des considérations budgétaires, dans la mesure où ils ont été calibrés afin d'éviter que le coût des indemnisations au titre du régime CAT-NAT entraîne l'appel en garantie de l'Etat.

Selon le rapporteur, l'inadaptation des critères s'est doublée des imperfections du zonage météorologique utilisé à l'appui des décisions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Le zonage « Aurore » présente en effet un maillage très lâche, de sorte que des communes aux caractéristiques géologiques similaires et ayant connu des conditions météorologiques identiques en 2003 ont pu subir des traitements différenciés au regard de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, pour la seule raison qu'elles étaient rattachées administrativement à des zones différentes.

De l'ensemble de ces éléments, le groupe de travail a conclu que, faute de données exhaustives et incontestables de nature à établir un lien de causalité entre le phénomène de subsidence et les sinistres intervenus, les critères de reconnaissance de la sécheresse sont demeurés d'une scientificité sujette à caution. Par ailleurs, les adaptations successives des critères ont pu donner le sentiment aux communes et aux familles sinistrées d'une relative « improvisation », voire d'un certain arbitraire des pouvoirs publics face au phénomène, sentiment que sont venus conforter l'intelligibilité très limitée des règles de calcul retenues et le fonctionnement peu transparent de la commission interministérielle chargée de rendre les avis à l'appui des arrêtés de catastrophe naturelle.

Mme Fabienne Keller, rapporteur, a rappelé que 4 441 communes ont bénéficié d'un classement en état de catastrophe naturelle, sur 8 022 l'ayant sollicité. Sur l'invitation pressante du Parlement, le Gouvernement a mis en place une procédure exceptionnelle d'indemnisation, dotée de 218,5 millions d'euros, devant bénéficier aux communes non reconnues ; 2 370 communes réparties sur 71 départements ont reçu des indemnisations complémentaires au titre de cette procédure.

Sans que la mobilisation de la plupart des services déconcentrés de l'Etat soit à mettre en cause, le rapporteur a relevé que la mise en oeuvre de la procédure exceptionnelle a révélé plusieurs défauts. En premier lieu, les délais dans lesquels les sinistrés ont dû adresser leur dossier aux préfectures étaient très courts, compte tenu du fait qu'il leur était demandé de produire deux devis de travaux. De surcroît, les victimes ont pu se sentir livrées à elles-mêmes pour l'établissement des dossiers, ne pouvant que rarement compter sur les assureurs et ne disposant pas toujours des moyens et compétences techniques nécessaires pour échafauder des dossiers convaincants pour les services de l'Etat. Par ailleurs, l'afflux de demandes de devis adressées aux professionnels a pu créer des situations d'engorgement dans certains départements. Enfin, les préfectures ont statué sur la base de devis, et non d'expertises approfondies incluant des sondages de sol. Ce choix a résulté de la volonté de ne pas retarder les indemnisations, mais, en matière de dégâts affectant les fondations, de simples constatations visuelles ne suffisent pas toujours à prendre la mesure des dégâts effectivement survenus.

Mme Fabienne Keller, rapporteur, a indiqué que les auditions et déplacements du groupe de travail lui ont permis de constater la persistance de situations difficiles. A ce jour, plusieurs familles vivent encore dans des pavillons potentiellement condamnés, invendables, et sans disposer des moyens de les réparer. Par ailleurs, le maintien de collectifs d'élus ou de sinistrés très actifs, les saisines fréquentes dont font l'objet les parlementaires, ou encore les recours intentés par les victimes ou les communes concourent à démontrer que la gestion de la sécheresse de 2003 n'est pas soldée.

Faute de disposer d'un recensement des familles insuffisamment indemnisées ou ayant vu leurs requêtes rejetées, le groupe de travail n'est en mesure de quantifier ni les publics objectivement lésés par la gestion de la sécheresse de 2003, ni les aides complémentaires qu'il conviendrait de leur allouer. Il souhaite néanmoins que la totalité du reliquat de fonds constaté au titre de la procédure exceptionnelle d'indemnisation soit exclusivement consacré au versement des aides aux victimes de la sécheresse et demandera au Gouvernement de mettre en oeuvre une vague complémentaire d'indemnisations. Afin de circonscrire les effets d'aubaine et de limiter les demandes reconventionnelles, ces indemnisations pourraient être réservées aux personnes sinistrées ayant déjà déposé un dossier dans le cadre de la procédure exceptionnelle et devraient être conditionnées par la réalisation d'une expertise préalable.

Mme Fabienne Keller, rapporteur, est ensuite revenue sur les leçons tirées de la sécheresse de 2003 par les pouvoirs publics. Plusieurs dispositifs existent actuellement, ayant pour objet d'améliorer l'information disponible sur le risque de subsidence. Le groupe de travail s'interroge toutefois sur la portée réelle de ces outils et sur les effets concrets que leur diffusion peut avoir sur les comportements des particuliers et sur les actions mises en oeuvre par les élus locaux. Dans ces conditions, il préconise :

- de mettre en oeuvre, avant la fin de l'année 2010, une procédure d'alerte spécifique des élus des communes exposées au risque argileux, assortie de recommandations leur permettant de mieux prendre en compte ce risque dans l'exercice de leurs compétences d'urbanisme et d'instruction et de délivrance des permis de construire ;

- d'élargir l'application du dispositif d'information acquéreur-locataire, qui permet d'informer les acquéreurs et les locataires de biens immobiliers sur les risques naturels et technologiques majeurs auxquels ils s'exposent ;

- de mettre en cohérence l'information délivrée aux particuliers. Il lui a en effet été fourni des exemples de brochures publiées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), recommandant la plantation d'écrans végétaux à proximité des façades à des fins d'économies d'énergie, et ce sans avertissement spécifique à destination des foyers exposés à l'aléa argileux. Pour anecdotique qu'il puisse paraître, ce cas démontre qu'un opérateur du ministère en charge du développement durable peut diffuser une information environnementale de portée générale, mais contradictoire avec celle que les services du même ministère font circuler sur le risque de subsidence.

S'agissant de l'adaptation des normes de construction, Mme Fabienne Keller, rapporteur, a rappelé qu'aucune règle spécifique n'existe, à l'heure actuelle, concernant l'aléa retrait-gonflement des argiles. En outre, les dispositions applicables au montage des contrats de construction de maisons individuelles ne favorisent pas la mise en oeuvre de mesures de prévention, et notamment la réalisation d'une étude de sol. Sur ces points, le groupe de travail recommande la réalisation d'études de sol dans les zones à risque ou la prescription d'une profondeur minimale de fondations. Dans la mesure où il serait opportun de limiter l'application de ces contraintes supplémentaires aux seules zones où l'aléa argileux est avéré, l'achèvement de la cartographie de l'aléa argileux doit constituer une mission prioritaire du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM). En outre, l'affinement de cette cartographie est parfois réalisé par des bureaux d'études mandatés par certaines collectivités territoriales, mais aucune politique nationale et systématisée n'est aujourd'hui mise en oeuvre pour améliorer le degré de connaissance des sols où l'aléa est jugé fort ou moyen. Afin de disposer d'une information pertinente à l'échelle de la parcelle, il conviendrait donc d'aider les collectivités territoriales particulièrement exposées à se doter de cartographies complémentaires à celle du BRGM, et de rendre éligibles de telles opérations au Fonds de prévention des risques naturels majeurs.

Mme Fabienne Keller, rapporteur, a enfin abordé les perspectives de réforme du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. Si le risque sécheresse doit rester couvert par ce régime, des exclusions partielles peuvent néanmoins être envisagées, concernant les ouvrages couverts par les garanties décennale ou dommages-ouvrage, les dégâts superficiels ou les bâtiments construits en violation des règles de prévention et de construction. L'ensemble de ces adaptations ne doivent toutefois pas conduire à fragiliser la situation des assurés, et devraient s'accompagner d'une information préventive renforcée. Par ailleurs, le groupe de travail recommande que les travaux de recherche pluridisciplinaires en cours pour objectiver les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle due à la sécheresse trouvent rapidement une traduction opérationnelle et que les nouveaux critères fassent l'objet d'une large publicité et d'une présentation accessible et compréhensible pour les citoyens.

S'agissant du régime CAT-NAT dans son ensemble, le groupe de travail juge opportun de renforcer la transparence de la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. A cet égard, les critères et seuils élaborés par la commission interministérielle doivent faire l'objet d'une traduction normative et d'une présentation accessible aux assurés. Cette traduction permettrait également une meilleure anticipation des assureurs s'agissant de la charge de sinistralité à indemniser. Elle pourrait aussi conduire au développement d'une offre complémentaire de couverture pour les sinistres situés en deçà des seuils applicables dans le cadre du régime CAT-NAT. La suppression de l'arrêté interministériel n'est en revanche pas souhaitable, l'absence d'intermédiation des pouvoirs publics étant susceptible de fragiliser la position des assurés face aux assureurs. En outre, la prise d'arrêtés interministériels constitue une manifestation de solidarité nationale dont la portée « symbolique » ne doit pas être négligée lors de la survenance de catastrophes majeures. Il pourrait enfin être opportun de renforcer la proximité du circuit de décision présidant à la déclaration de l'état de catastrophe naturelle, en décentralisant cette décision à l'échelon local pertinent.

En matière de prévention, Mme Fabienne Keller, rapporteur, a précisé que le groupe de travail invite à une accélération du rythme de prescription et d'approbation des plans de prévention des risques naturels. La modulation de la surprime CAT-NAT en fonction de l'exposition aux risques est en revanche à exclure, s'agissant des particuliers, en tant qu'elle est incompatible avec le principe de solidarité qui fonde le régime. Sa mise en oeuvre est toutefois possible pour les professionnels, plus à même de recourir à l'expertise pour réduire leur exposition au risque. L'élargissement progressif du périmètre d'intervention du Fonds de prévention des risques naturels majeurs (fonds « Barnier ») ayant conduit à un accroissement considérable de ses dépenses et à une dégradation de sa situation financière, l'augmentation de ses ressources, déjà opérée à l'initiative de la commission, doit aujourd'hui s'accompagner d'une rationalisation et d'une mise en cohérence de ses missions.

Mme Fabienne Keller, rapporteur, est ensuite revenue sur les enjeux liés à l'équilibre financier du régime CAT-NAT. En dépit de l'incertitude sur l'augmentation éventuelle de la fréquence ou de l'intensité des aléas naturels, la charge de la sinistralité semble appelée à augmenter. A ce titre, la capacité de la Caisse centrale de réassurance à faire face à des événements climatiques plus fréquents, plus intenses et donc plus coûteux doit être analysée dans les meilleurs délais. Dans l'hypothèse où sa solidité financière ne serait pas garantie à moyen terme, le groupe de travail estime nécessaire de relever le plafond des provisions qu'elle peut constituer en franchise d'impôt. Un tel arbitrage pèserait sur les recettes d'impôt prélevé sur les sociétés à court terme, mais diminuerait la probabilité d'appel en garantie de l'Etat face à une catastrophe majeure, dont le coût serait potentiellement très élevé.

Le rapporteur a conclu en rappelant que la prévention et le traitement des catastrophes naturelles font l'objet d'une approche interministérielle. Dans ces conditions, le groupe de travail souhaite qu'un débat d'initiative sénatoriale soit organisé, en présence des ministres chargés du développement durable, de l'intérieur et de l'économie, afin d'envisager les solutions permettant de solder définitivement le dossier de la sécheresse de 2003 et d'analyser les évolutions normatives de nature à améliorer la prévention du risque de subsidence et le fonctionnement du régime CAT-NAT.

M. Denis Badré a suggéré de sensibiliser les architectes au risque de subsidence. Il a également jugé opportun de permettre à la Caisse centrale de réassurance de constituer des provisions suffisantes pour faire face aux risques à venir et d'en assurer une gestion financière profitable.

Mme Nicole Bricq s'est félicitée du fait que, pour la première fois, un bilan exhaustif de la sécheresse de 2003 ait été réalisé. Les propositions qui en résultent sont les bienvenues, à l'heure où les assureurs s'interrogent sur les évolutions possibles du régime CAT-NAT. En tout état de cause, le groupe de travail a affirmé son attachement à ce régime solidaire, dont l'économie générale doit être préservée.

En réponse à M. Yann Gaillard, vice-président, qui s'interrogeait sur la fréquence d'un phénomène de l'ampleur de la sécheresse de 2003, Mme Nicole Bricq a précisé que des épisodes climatiques similaires se sont déjà produits, mais que la densification de l'urbanisation en aggrave considérablement l'impact.

M. Éric Doligé, président du groupe de travail, a abondé dans ce sens, ajoutant que les risques associés aux inondations et à la sécheresse sont encore insuffisamment appréhendés par l'opinion et par les autorités.

En réponse à M. Joël Bourdin, qui s'interrogeait sur la possibilité de localiser précisément le risque lié à la sécheresse, M. Éric Doligé, président du groupe de travail, a indiqué qu'une cartographie « argiles » est en cours d'achèvement par le BRGM, cartographie qu'il est possible d'affiner par des sondages de sol complémentaires.

M. Denis Badré a précisé que l'appellation communément employée de « sécheresse » est en réalité impropre, la survenue du phénomène de subsidence résultant à la fois de l'assèchement et de la réhydratation des sols.

M. Bernard Vera a souhaité que les recommandations du groupe de travail soient suivies d'initiatives concrètes, s'agissant notamment de l'objectivation des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, de la mise en oeuvre d'une vague complémentaire d'indemnisations et du lancement rapide d'une alerte à destination des maires de communes situées en zone argileuse. Il s'est enfin félicité que le rapport préconise la préservation du régime CAT-NAT.

En réponse à Mme Marie-France Beaufils, qui s'interrogeait sur la possibilité d'inclure l'information sur le risque de subsidence aux procédures de porter à connaissance relevant des préfets, M. Éric Doligé, président du groupe de travail, a précisé que le problème ne réside pas tant dans l'absence de procédures d'information que dans leur manque d'effectivité.

S'agissant des suites concrètes à donner au rapport, M. Éric Doligé, président du groupe de travail, a rappelé que les travaux de recherche en cours sur l'objectivation des critères pourraient donner lieu à une traduction opérationnelle en 2010. S'agissant des indemnisations complémentaires, une première étape doit consister à en évaluer le montant, sur la base d'expertises fiables.

Puis la commission a, à l'unanimité, adopté les conclusions du groupe de travail et autorisé leur publication sous la forme d'un rapport d'information.

M. Jean Arthuis, président, a conclu en souhaitant que le futur débat d'initiative sénatoriale permette de définir les conditions dans lesquelles de nouvelles indemnisations pourraient clore le dossier de la sécheresse de 2003. Il a suggéré que les montants nécessaires soient gagés sur d'autres dépenses, afin que la mise en oeuvre des préconisations du groupe de travail demeure conforme aux principes de la commission des finances en matière de préservation du solde budgétaire.

Implantation du tribunal de grande instance de Paris - Communication

La commission a ensuite entendu une communication de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, sur l'implantation du tribunal de grande instance de Paris.

A titre liminaire, M. Jean Arthuis, président, a précisé que cette communication était ouverte aux membres de la commission des lois.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que son contrôle budgétaire vise à faire le point sur un dossier trop longtemps enlisé. Il a rappelé que le 29 avril 2009, le Président de la République a annoncé que le site définitivement retenu pour accueillir le prochain tribunal de grande instance (TGI) de Paris sera les Batignolles, dans le 17e arrondissement de la capitale.

Il s'est félicité que ce choix, qui recueille désormais un large assentiment, permette de mettre un terme à plusieurs années d'atermoiements.

Il a observé que, du point de vue budgétaire, le projet du futur TGI de Paris représente une masse financière considérable puisqu'il s'élève, selon les estimations, à un montant de 800 millions d'euros environ. Il a estimé que ce projet n'engage donc pas seulement le budget de la justice, mais celui de l'Etat dans son ensemble. Il a rappelé que le budget total de la mission « Justice », inscrit dans le projet de loi de finances pour 2010, est de 6,8 milliards d'euros et que le poids du TGI de Paris correspond donc à 11,7 % du budget annuel de la justice.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a rappelé que le TGI est actuellement situé sur l'île de la Cité, au 4 boulevard du Palais, et que 1 045 agents y travaillent, ainsi que 17 assistants de justice au parquet et 19 du côté du siège.

Il a ajouté que la juridiction s'étend également sur six annexes : le 11 rue de Cambrai dans le 19e arrondissement, le 30 rue du Château des rentiers et le 10 rue Charles Fourrier dans le 13e arrondissement, le 5 rue des Italiens dans le 9e arrondissement, le 6 rue Ferrus dans le 14e arrondissement, et le 77 boulevard Saint-Germain dans le 6e arrondissement.

Il a précisé que, au total, le « site historique » du TGI comprend 87 000 m² SHON (surfaces hors oeuvre nette) et que ses annexes représentent 28 600 m² SHON. Si le Palais de justice de Paris est propriété de l'Etat, il n'en va pas de même de ses annexes, pour lesquelles l'Etat est locataire.

Il a indiqué que l'actuel Palais de justice abrite la Cour de cassation, la Cour d'appel et le TGI. Il a rappelé que, dès 1995, le déménagement du TGI a été envisagé pour remédier à un manque de surface et à d'importants problèmes de sécurité et que, à cette époque, le besoin de surface avait été estimé à environ 100.000 m² pour accueillir le nouveau TGI.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a également noté que, si cette argumentation reste aujourd'hui valable, elle est par ailleurs renforcée du fait des inconvénients résultant de la dispersion des sites, cette dispersion induisant des coûts de location de l'ordre de 20 millions d'euros par an. Il a relevé que la Chancellerie et la juridiction rencontrent d'incontestables difficultés à maîtriser cette charge de loyer : non seulement le prix du mètre carré de bureaux en location à Paris est élevé mais certains choix se sont par ailleurs révélés contestables.

Il a précisé, à titre d'exemple, que le pôle financier du TGI de Paris est hébergé rue des Italiens. Il a rappelé que, en 2008, la commission des finances du Sénat a eu l'occasion de souligner le montant très élevé du bail conclu par la Cour d'appel pour ces bureaux : 5,1 millions d'euros de loyer annuel, soit 606 euros au mètre carré. Un tel niveau de loyer s'explique notamment par une renégociation tardive et précipitée du bail.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souligné que le site du Palais de justice présente de nombreux points faibles au regard de l'accueil du public et que, s'il n'est pas possible d'isoler parfaitement le nombre de personnes fréquentant uniquement le TGI, il convient toutefois de rappeler qu'en moyenne 13 000 personnes sont reçues chaque jour au sein du Palais de justice toutes juridictions confondues (Cour de cassation, Cour d'appel et TGI). L'exiguïté des locaux met trop souvent à mal le nécessaire respect de la confidentialité des affaires.

Il a en outre considéré que le caractère historique du lieu recèle des coûts cachés non négligeables imposant, par exemple, un effort notable en matière de signalétique. Un marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage est en cours sur cette question, le coût global des travaux de mise à jour étant estimé à 500 000 euros. En dépit d'efforts significatifs, l'accessibilité au public handicapé demeure lacunaire et très largement perfectible.

Il a affirmé que, pour toutes ces raisons, la pertinence d'un déménagement du TGI, vers un autre lieu plus adapté paraît incontestable.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a ensuite indiqué que, afin de concrétiser ce projet et de donner un signal politique, un établissement public a été créé. L'établissement public du Palais de justice de Paris (EPPJP), issu du décret du 18 février 2004, a pour mission de concevoir, d'acquérir, de faire construire et d'aménager les nouveaux locaux. Opérateur du programme « Justice judiciaire » au sein de la mission « Justice », cet établissement s'appuie, en 2009, sur un budget de 2 millions d'euros, versé sous forme de subventions pour charges de service public. Il compte, par ailleurs, 9 emplois équivalents temps plein travaillés (ETPT).

Reconnaissant que les incertitudes affectant le projet de déménagement jusqu'à cette année ont pu amener à s'interroger sur le bien fondé de cette dépense et que l'articulation elle-même de l'établissement public avec les autres instances chargées, au sein du ministère de la justice, de mener à bien les programmes immobiliers (l'Agence pour l'immobilier de la justice et la direction des services judiciaires, notamment) a pu aussi sembler floue, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a déclaré que la décision désormais prise quant à la localisation de la future implantation du TGI va maintenant amener l'EPPJP à trouver toute sa justification et son rythme de croisière.

Il a rappelé que quatre sites parisiens ont fait l'objet d'une investigation en vue de la construction du nouveau TGI : Tolbiac, Masséna, l'Hôtel Dieu sur l'île de la Cité et les Batignolles.

Concernant Tolbiac, il a noté que la ZAC en cours d'aménagement présente une capacité d'accueil suffisante sur les 210 000 m² constructibles du site et que la desserte en transports en commun, ainsi que la liaison avec l'actuel Palais de justice, répondent également au cahier des charges du futur TGI.

Pour autant, il a relevé que le site se caractérise aussi par une grande complexité d'aménagement, les modalités de réutilisation et de mise en valeur patrimoniale de la Halle Freyssinet restant en effet à définir. Il a précisé que cet enjeu technique et économique important se double d'une gestion délicate des différences de niveaux sur le site, entre l'actuelle voirie et la dalle, et que le fonctionnement de l'équipement aurait pu en être d'autant entravé, tandis que le coût de l'opération aurait été alourdi.

Concernant le site de Masséna, M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que, bien que d'une emprise plus limitée (20 000 m²), ce lieu peut néanmoins accueillir le TGI en supposant une construction de type « tour », c'est-à-dire un immeuble de grande hauteur. Toutefois beaucoup de conditions pèsent sur la disponibilité de cet espace, à commencer par le départ d'une cimenterie et la reconfiguration de la bretelle du boulevard périphérique.

Il a précisé que, à ces aléas, s'ajoutent un enclavement certain, entre le périphérique et le boulevard Masséna, et un grand éloignement des stations de métro ou de RER. En outre, le terrain en déclivité vers la Seine est situé dans le périmètre de protection des risques d'inondation, ce qui aurait nécessité de longs et coûteux aménagements.

Il a souligné que, longtemps confronté à l'impasse du choix entre ces deux sites et aux tensions entre l'Etat et la ville de Paris, le projet a paru ne devoir jamais voir le jour.

Il a indiqué qu'une proposition, visant à surmonter cette impasse au tournant de l'année 2008-2009, avait été avancée par les avocats, et notamment Maître Charrière-Bournazel, bâtonnier de Paris : l'Hôtel Dieu, situé sur l'île de la Cité, à proximité de l'actuel Palais de justice.

Il a ajouté que cette solution, bien que séduisante sur le papier, n'est toutefois absolument pas réaliste dans la pratique. En effet, le bâtiment fait l'objet d'un vaste programme de rénovation et de mise aux normes par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP), l'objectif étant de spécialiser à terme cet établissement au centre de Paris dans les soins ambulatoires.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a estimé que, dans ce contexte, l'annonce faite par le Président de la République de retenir le site des Batignolles apparaît comme une solution techniquement viable et de nature à concilier les attentes de l'Etat comme celles de la ville de Paris.

Il a souligné que l'implantation du TGI aux Batignolles s'inscrit dans le projet de réhabilitation et de réaménagement de ce quartier du 17e arrondissement engagé par la ville de Paris. Il a rappelé que ce site aurait été destiné à accueillir le futur village olympique, si la capitale avait été choisie pour organiser les Jeux olympiques de 2012.

Il a estimé que la solution des Batignolles présente d'incontestables points forts.

Il a relevé, tout d'abord, que le terrain est entièrement de plain-pied, ce qui facilitera la construction et limitera les aménagements requis pour la mise en sécurité du bâtiment. Il a souligné que, en outre, le TGI pourra trouver sa place dans un environnement urbain en pleine mutation, à proximité de programmes de logement et d'espaces verts notamment. Il a ajouté que les autres opérations de la ZAC seront distinctes et n'impacteront pas directement le site, tout en étant largement complémentaires.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a par ailleurs relevé que l'emprise foncière disponible permet d'envisager un bâtiment répondant au cahier des charges du TGI, à condition de construire en hauteur.

Il a souligné que le projet englobera non seulement le TGI mais aussi certains services dépendants de la Préfecture de police de Paris, pour faire de ce lieu plus qu'une simple juridiction : une véritable Cité judiciaire dans Paris intra muros.

Tout en se félicitant du consensus politique qui a pu se dégager autour de la solution des Batignolles (qui réunit l'Etat, le maire de Paris et le maire du 17e arrondissement), il a souligné deux conditions nécessaires, si ce n'est suffisantes, pour assurer la pleine réussite de ce projet.

Il a tout d'abord estimé nécessaire que la desserte des Batignolles soit impérativement améliorée. En effet, il a noté que la saturation de la ligne 13 du métro et le trajet très long du RER C pour se rendre à l'île de la Cité rendent indispensables l'extension de la ligne 14 vers la porte de Clichy, avec un arrêt non loin du TGI.

Il a ajouté que le prolongement de la ligne T3 du tramway, prévu actuellement entre la porte d'Ivry et la porte de la Chapelle, pourrait également être envisagé jusqu'à la porte de Clichy. Le coût de cette opération pourrait faire l'objet d'un cofinancement par l'Etat, au regard du motif d'intérêt général du projet.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a relevé que la prise en compte du point sensible que constitue la desserte du futur TGI est de nature à faciliter les conditions d'accès pour les justiciables, mais aussi à permettre de lever les réserves des avocats parisiens, encore réticents à l'idée d'un Palais de justice aux Batignolles. Bien qu'attachés à l'île de la Cité, ces avocats sauront faire une nouvelle fois la preuve de leur capacité d'adaptation, et cela d'autant plus que nombre de cabinets sont installés dans le 17e arrondissement de Paris.

Il a ensuite indiqué que le mode de financement de ce projet devra être soigneusement étudié et que de ce point de vue, la voie du partenariat public-privé (PPP) paraît devoir être privilégiée. Elle permettrait de faire supporter l'investissement initial conséquent par un opérateur privé, moyennant des remboursements sur une longue période.

Il a ajouté que le ministère de la justice dispose déjà d'une certaine expérience en la matière, puisque la construction d'établissements pénitentiaires relève de ce type de financement, mais qu'il s'agirait toutefois d'une première s'agissant d'un Palais de justice.

Il a estimé que cette solution présenterait en tout cas l'avantage de gagner du temps sur l'achèvement du projet : un an et demi à deux ans gagnés en moyenne grâce au PPP par rapport à un montage plus « classique ». Il a en outre jugé que le dialogue compétitif conduit à cette occasion permettrait de réduire de manière très significative les risques de contentieux ultérieurs et d'associer toutes les parties prenantes au projet.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est félicité que le projet de nouveau TGI à Paris semble bien être définitivement sorti de l'ornière dans lequel il était enlisé depuis plusieurs années. Il a relevé que ce déménagement répond à un vrai besoin, exprimé tant par les magistrats et les fonctionnaires de justice que par les autres professionnels du droit au premier rang desquels les avocats.

Il a remarqué que ce projet, dont les étapes seront encore nombreuses avant une inauguration prévue au tournant de l'année 2015, est considéré comme « hors réforme de la carte judiciaire ». A lui seul, il représente un enjeu financier près de deux fois plus lourd que l'ensemble de la réforme de la carte judiciaire. Sa réussite se devra d'être exemplaire afin d'incarner au mieux la justice moderne et le service public de qualité que chaque justiciable appelle de ses voeux.

Il a ajouté que la nature même de ce projet pourrait d'ailleurs inciter à le financer grâce à une part du produit du futur « Grand emprunt » contracté par l'Etat. L'objectif de réunir en un même lieu le TGI et des services de la Préfecture de police de Paris, tout en participant au financement du prolongement du tramway parisien, paraît en effet en mesure de répondre aux critères d'intérêt national qui orienteront les ressources de ce « Grand emprunt ».

Un large débat s'est alors instauré.

Revenant sur le coût estimé à 800 millions d'euros pour le nouveau TGI, M. Jean Arthuis, président, a considéré que les loyers actuels s'élevant à 20 millions d'euros pour les annexes de cette juridiction pourront constituer autant d'économies dans le futur.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que des économies de fonctionnement peuvent être attendues de l'implantation du TGI aux Batignolles, en particulier du fait de la suppression de postes de surveillance et de meilleures performances en matière d'isolation thermique.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les améliorations susceptibles d'être réalisées en matière de transfèrement de détenus du fait de la nouvelle implantation du tribunal.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a observé que les convois de détenus ne transiteront plus par le centre de Paris mais par le périphérique.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé le contrôle sur place effectué par MM. Roland du Luart, Aymeri de Montesquiou et lui-même à la « Souricière » et au dépôt du Palais de justice de Paris, le 28 mai 2009. Il a considéré que ces lieux de détention ont été dépeints de façon caricaturale par le Bâtonnier de Paris, Maître Christian Charrière-Bournazel, dans le courrier qu'il avait adressé aux parlementaires au mois de mai 2009.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a confirmé que le dépôt avait effectivement fait l'objet de récents travaux permettant un accueil des détenus de meilleure qualité.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a insisté sur la nécessité de concevoir clairement la réutilisation des locaux libérés par le TGI sur l'île de la Cité. Il a exprimé sa préférence pour un usage public plutôt que privé de ces locaux, tout en soulignant l'importance d'évaluer dans son ensemble l'opération immobilière induite par le déménagement du tribunal.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a relevé que la question de la réutilisation des locaux n'a pas encore été abordée. Il a toutefois rappelé que le Palais de justice continuera d'accueillir la Cour de cassation et la Cour d'appel, cette dernière souffrant actuellement d'un manque d'espace. Il a par ailleurs observé que le Palais de justice actuel sera difficile à réaménager dans la mesure où ses nombreux couloirs sont synonymes de perte de place.

Rappelant le loyer de 500.000 euros acquittés annuellement par l'Etat pour les bureaux de la Cour de justice de la République, M. Jean Arthuis, président, a suggéré que cette juridiction soit transférée sur l'île de la Cité.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a indiqué que les services de la Police judiciaire, actuellement situés au 36 quai des Orfèvres, font l'objet d'une étude pour une implantation aux Batignolles.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat a souligné que le projet de déménagement du TGI de Paris n'est pas un sujet récent. Elle a rappelé que les personnels du ministère de la justice et les avocats étaient très réticents à une installation du nouveau Palais de justice sur les sites de Tolbiac et de Masséna. Elle a par ailleurs relevé que le maire du 13e arrondissement n'y était pas favorable non plus.

Elle s'est interrogée sur le coût élevé de l'opération de déménagement du TGI, tout en reconnaissant que le Palais de justice actuel présente des lacunes.

Elle s'est en outre inquiétée de la concentration sur le site des Batignolles de tous les tribunaux d'instance (TI) parisiens. Elle a enfin dénoncé l'état particulièrement déplorable de la « Souricière », indiquant qu'elle en a d'ailleurs saisi la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS).

M. Yann Gaillard s'est lui aussi interrogé sur le devenir du Palais de justice sur l'île de la Cité.

M. Denis Badré l'a rejoint sur cette question et s'est interrogé sur la desserte en transport du site des Batignolles, rappelant que les investissements lourds envisagés s'inscrivent dans un contexte de croissance de 5 % par an du trafic des lignes de la RATP. Il a par ailleurs remarqué que la Régie procède d'ores et déjà à des investissements d'un montant d'environ 1 milliard d'euros sur son réseau.

Mme Nicole Bricq a jugé la mission de contrôle de M. Roland du Luart, rapporteur spécial, très complémentaire de ses travaux sur « l'Etat locataire ». Elle a rappelé que le ministère de la justice est l'administration centrale dont les implantations sont le plus éparpillées dans Paris et dont les loyers sont les plus onéreux. A titre d'exemple, elle a cité le pôle financier du TGI de Paris hébergé rue de Italiens.

Elle a regretté la lenteur dans le processus de prise de décisions pour ce déménagement, en soulignant que le délai entre la première évocation du projet et son achèvement sera dans le meilleur des cas de vingt ans. Elle a par ailleurs déploré la réticence des administrations centrales à se déplacer en bordure du périphérique ou au-delà.

Elle a observé que le rapport remis par M. Gilles Carrez, député, à la demande du Président de la République, sur les sources de financement des infrastructures de transport dans le cadre du « Grand Paris » prend en compte la problématique des lignes de métro 13 et 14, qui sont érigées en priorités régionales.

Elle a estimé que le site des Batignolles représente le meilleur choix possible et a souligné l'importance d'une étroite collaboration interministérielle sur ce projet, notamment en vue de la réutilisation du bâtiment laissé vacant par le TGI.

M. Edmond Hervé a observé que les résistances aux changements géographiques sont fréquentes chez les magistrats et les avocats. Il a relevé la bonne utilisation des locaux du Palais de justice actuel en soulignant qu'il est parfaitement possible de moderniser un lieu ancien. Il a en outre déploré que les montages financiers classiques imposent des délais de réalisation plus longs que les PPP. Il a enfin insisté sur la nécessité de s'appuyer sur une bonne maîtrise d'ouvrage afin de gérer au mieux ce type de partenariat.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a précisé que le regroupement sur le site des Batignolles ne concernera que le TGI et ses annexes, mais qu'il n'est pas question d'y concentrer tous les TI de Paris. Il a ajouté qu'à titre personnel, il est favorable au regroupement, dans le nouveau bâtiment, des TI du 17e et du 18e arrondissements.

Il a considéré que les résistances de l'administration centrale doivent être surmontées par une étroite collaboration entre le ministère de la justice et celui de l'intérieur, doublée d'une volonté politique forte. Il s'est félicité que le rapport Carrez tienne compte de la problématique des lignes 13 et 14 du métro parisien.

Rappelant que le laboratoire de la police scientifique est situé dans l'immeuble actuel du Palais de justice de Paris, il a confirmé qu'une réflexion approfondie sur le devenir de ce bâtiment doit être menée. Il est par ailleurs revenu sur les résistances de la profession d'avocat pour approuver les propos de M. Edmond Hervé.

Il a souligné le temps gagné grâce au recours à un PPP par rapport à un montage financier classique qui nécessite en moyenne quatre ans pour finaliser le dossier et deux ans pour construire le bâtiment. Il a toutefois reconnu que la principale condition de réussite d'un PPP réside dans le bon choix de la maîtrise d'ouvrage et a précisé que cette mission relèvera de l'EPPJP dans le cas du TGI de Paris.

M. Jean Arthuis, président, a déploré que le PPP ne soit en définitive qu'une voie de recours coûteuse face à une procédure en marché public beaucoup trop lente à mener.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, a souligné qu'un financement du déménagement du TGI via une part du produit du « Grand emprunt » représente une alternative au PPP pour ce projet.

M. Jean Arthuis, président, a insisté sur la nécessité de bien insérer le nouveau TGI de Paris dans la logique d'ensemble de la stratégie immobilière de l'Etat.

A l'issue de ce débat, la commission des finances a donné acte, à l'unanimité, à M. Roland du Luart de sa communication, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

Loi de finances pour 2010 - Plan de relance de l'économie - Examen du rapport

La commission a ensuite procédé à l'examen du rapport de M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, sur la mission « Plan de relance de l'économie » du projet de loi de finances pour 2010.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, a tout d'abord fait observer que le plan de relance de l'économie constitue la déclinaison d'annonces successives du Président de la République depuis le 4 décembre 2008, date de son discours de Douai annonçant la mise en oeuvre de ce plan. Il a observé que le Gouvernement ne s'interdit pas de lui apporter des ajustements en cours d'exécution, pour tenir compte à la fois de l'évolution des besoins et du plus ou moins grand succès des mesures prises.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, a rappelé que les mesures du plan de relance de l'économie ont été adoptées dans le cadre de trois lois de finances rectificatives, votées depuis le mois de décembre 2008, et de la loi du 17 février 2009 pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés. Le projet de loi de finances pour 2010, outre les crédits de la mission « Plan de relance de l'économie », comporte deux articles reconduisant l'an prochain des mesures fiscales prises dans le cadre du plan. Le rapporteur spécial a considéré que la pratique a confirmé l'utilité d'un ministère et d'une mission spécifiquement en charge de la mise en oeuvre du plan de relance de l'économie.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, a relevé que l'Etat a mobilisé une large variété d'instruments à sa disposition, tels que les dépenses budgétaires, les mesures fiscales, les prêts et les garanties. Il a même convaincu les entreprises dont il est actionnaire d'accélérer certains de leurs investissements, pour un montant qui, selon les déclarations du ministre chargé de la mise en oeuvre du plan de relance, lors de son audition du 13 octobre 2009 devant la commission, pourrait s'établir à 3 milliards d'euros en 2009.

Après avoir rappelé les principes auxquels obéit le choix des mesures de relance qui sont, d'une part, la rapidité de l'effet sur l'économie, d'autre part, le ciblage sur les secteurs ou les populations ayant la meilleure capacité d'entraînement et, enfin, le caractère temporaire et réversible des mesures, le rapporteur spécial a souligné que la mise en oeuvre du plan s'inscrit dans une politique économique de sortie de crise et de rattrapage de la croissance potentielle. Relevant que le plan de relance, comme le plan de soutien aux banques, amorcent leur reflux, il a constaté le chemin parcouru depuis le déclenchement de la crise il y a un an. En outre, il a considéré que le niveau du déficit budgétaire, évalué par le Gouvernement à 141 milliards d'euros pour 2009 et à 116 milliards d'euros pour 2010, hors conséquences éventuelles du futur « grand emprunt », constitue le prix du soutien de l'activité par le libre jeu des stabilisateurs automatiques.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, a ensuite fait le point sur les différents montants évoqués dans les documents budgétaires au sujet du plan de relance, en distinguant l'enveloppe initiale de 26 milliards d'euros sur deux ans annoncée par le Président de la République le 4 décembre 2008, le montant des crédits de la mission « Plan de relance de l'économie », qui s'établissent à 12,6 milliards d'euros en 2009 et à 4,1 milliards d'euros en 2010, la somme prise en compte pour calculer la norme de dépense de l'Etat en 2010, soit 15,1 milliards d'euros au titre de 2009 et 4,1 milliards d'euros au titre de 2010 et, enfin, le montant retenu par le Gouvernement pour déterminer la part des mesures de relance dans le déficit, évaluée à 39,1 milliards d'euros en 2009 et 7,1 milliards d'euros en 2010.

Constatant que la masse totale dépensée par l'Etat, au titre des deux années du plan de relance, s'élève, selon les chiffres du Gouvernement, à environ 46,2 milliards d'euros, il a jugé que le surcoût constaté par rapport aux évaluations initiales illustre à la fois l'enrichissement du plan au cours de l'année 2009, en particulier par des mesures sociales et par les prêts aux constructeurs automobiles, et le grand succès tant des mesures fiscales que du versement anticipé des attributions au titre du Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Il a souscrit à l'idée selon laquelle il convient de ne pas prendre en compte la dotation de l'Etat au fonds stratégique d'investissement (FSI) dans le périmètre du plan de relance de l'économie.

Après avoir rappelé que, devant la commission des finances, le 30 septembre 2009, le ministre du budget avait évalué l'incidence des mesures du plan de relance à 39,1 milliards d'euros en 2009 et 7,1 milliards d'euros en 2010, M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, a considéré que ces montants sont sans doute surestimés. S'agissant de 2010, il a rappelé que le coût des mesures fiscales nouvelles sera partiellement compensé par l'effet positif des sommes versées en 2009 au titre des remboursements anticipés d'impôt sur les sociétés, qui n'ont plus à l'être en 2010. On peut estimer ce gain à 1,8 milliard d'euros. Pour 2009, il a douté que l'Etat verse au FSI l'intégralité de sa dotation avant la fin de l'année et a envisagé une sous-consommation des crédits de la mission « Plan de relance de l'économie » à hauteur de 1,5 milliard d'euros. Il a jugé raisonnable de penser que le montant du déficit de 2009 pouvant être attribué au plan de relance ne sera pas de 39,1 milliards d'euros mais de 35,6 milliards d'euros.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, a rappelé que le volet fiscal du plan de relance a rencontré un grand succès, puisque son coût s'établira à 15,8 milliards d'euros en 2009, la prévision initiale étant de 9,2 milliards d'euros. Deux mesures seront reconduites en 2010 : le doublement du prêt à taux zéro et le remboursement anticipé du crédit d'impôt recherche, jugé particulièrement efficace pour soutenir la trésorerie des entreprises.

Il a également souligné l'intérêt des collectivités territoriales pour le dispositif de versement anticipé des attributions au titre du FCTVA, en contrepartie duquel elles se sont engagées à réaliser 54 milliards d'euros d'investissement en 2009, soit 19 milliards d'euros de plus que la moyenne de la période de référence. Il s'est interrogé sur les critères qui seront retenus pour apprécier le respect par chaque collectivité de ses engagements et sur la viabilité, à terme, de la coexistence de dispositifs distincts pour le versement des attributions au titre du FCTVA.

Le rapporteur spécial a rappelé que plusieurs mesures de prêts et de garanties, rémunérées, avaient été prises et a souligné l'importance du soutien au crédit inter-entreprises, qui constitue une composante vitale du bon fonctionnement des circuits économiques.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, a alors présenté les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010, soit, en crédits de paiement, 4,1 milliards d'euros répartis en 1,8 milliard d'euros au titre du financement des programmes d'investissement engagés en 2009, dont il s'agit de couvrir la deuxième tranche, 1,4 milliard d'euros au titre du Fonds d'investissement social (FISo) et 0,9 milliard d'euros au titre de trois mesures reconduites en 2010 : la « prime à la casse », pour 240 millions d'euros, l'aide à l'embauche dans les très petites entreprises (TPE), pour 410 millions d'euros, et le revenu supplémentaire temporaire d'activité versé outre-mer (RSTA) pour 280 millions d'euros.

Il a observé que, pour les deux années 2009 et 2010, 89 millions d'euros d'autorisations d'engagement dans le domaine du logement n'avaient pas été couverts par des crédits de paiement en raison de la durée de réalisation supérieure à deux ans des opérations correspondantes.

M. Jean Arthuis, rapporteur spécial, a alors expliqué que les crédits de la mission « Plan de relance de l'économie » s'inscrivent dans la mise en oeuvre de quinze missions du budget général, en particulier les missions « Economie » et « Travail et emploi », et que les rapporteurs spéciaux doivent être incités à s'y intéresser. Il s'est interrogé sur la probabilité que le Gouvernement respecte son objectif, affiché dans les prévisions de déficit budgétaire, de consommer l'intégralité des crédits disponibles en 2009.

Il a confirmé que la sous-consommation est probable sur plusieurs mesures et qu'il pourrait en résulter, sans prendre en compte la dotation au FSI, une moindre dépense de l'ordre de 1,5 milliard d'euros. Il a cependant jugé encourageantes les conditions de mise en oeuvre des programmes d'investissement, qui sont les dépenses publiques ayant le plus fort effet d'entraînement sur l'activité économique et le produit intérieur brut (PIB).

Pour conclure, le rapporteur spécial a rappelé que, lorsque le plan de relance a été élaboré au début de l'année 2009, son incidence sur la croissance du PIB avait été évaluée à 0,8 point en 2009 et 0,3 point en 2010. Il a indiqué que le Gouvernement évalue les créations d'emploi directement liées à la mise en oeuvre du plan à 250 000, dont 100 000 dans le secteur du logement.

La commission a alors décidé de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Plan de relance pour l'économie » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2010.

Loi de finances pour 2010 - Audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, sur le projet de loi de finances pour 2010.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que cette audition a pour toile de fond la réforme de la politique agricole commune (PAC) et, surtout, les grandes difficultés traversées par l'ensemble des filières agricoles. Le contexte de réorganisation du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, résultant, notamment, des préconisations issues de la révision générale des politiques publiques (RGPP), doit également être rappelé. L'évolution, en 2009, du périmètre de la mission budgétaire « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », avec l'ajout du programme « Sécurité alimentaire », est un autre fait notable.

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche, a formulé à titre liminaire trois remarques générales.

Il a tout d'abord souligné la situation difficile de l'agriculture française, qui traverse une crise sans précédent au cours des trente dernières années. Il a ensuite évoqué l'évolution considérable des attentes à l'égard de l'agriculture : la productivité n'est plus une finalité en soi et les exigences en matière de sécurité alimentaire, de respect de l'environnement et d'aménagement des territoires sont de plus en plus grandes aujourd'hui. Enfin, il a insisté sur le retour en grâce de la régulation, dans un contexte de crise économique grave et, plus largement, d'interdépendance croissante des économies. La question de la régulation des marchés agricoles nécessite donc un traitement à un niveau supranational, qu'il s'agisse de l'Union européenne (UE) ou du G20 et des grandes organisations multilatérales. Il s'est félicité du rôle moteur joué par la France à cet égard.

M. Bruno Le Maire a indiqué que le projet de budget pour l'année 2010 du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche vise à relever les nouveaux défis de l'agriculture française. Cet engagement se traduit par une dotation d'un peu plus de 5 milliards d'euros pour le ministère, soit une hausse de 5,9 % par rapport au plafond de crédits prévu dans le cadre des perspectives budgétaires pluriannuelles pour la période 2009-2011. L'augmentation au regard de ce même plafond s'élève à 9,2 % pour la seule mission budgétaire « agriculture, pêche, alimentation, forêt et affaires rurales ».

S'agissant des grands projets de réforme décidés à l'occasion de la RGPP, le ministère participe à plusieurs chantiers de modernisation de l'Etat, qui devront in fine déboucher sur des économies :

- la réorganisation des services déconcentrés du ministère, conduisant à la création en 2009 des directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAAF), ainsi qu'à la poursuite des fusions entre services départementaux de l'équipement et de l'agriculture, qui prendront le nom de directions départementales des territoires (DDT) ;

- la fusion de la plupart des grands offices agricoles au sein d'un nouvel office unique dénommé « FranceAgriMer » ;

- la création de l'agence de services et de paiement (ASP), issue de la fusion entre le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) et l'agence unique de paiement (AUP).

M. Bruno Le Maire a relevé ensuite la survenue de quatre événements majeurs qui nécessitent une traduction dans le budget du ministère :

- l'accord conclu en novembre 2008 entre les Etats membres de l'UE à l'occasion du bilan de santé de la politique agricole commune (234 millions d'euros) ;

- les crises spécifiques apparues dans de nombreuses filières, comme le lait ou les fruits et légumes (188 millions d'euros) ;

- la mise en place en 2010 de la taxe carbone, qui fait l'objet d'un remboursement aux agriculteurs (172 millions d'euros dont 43 millions d'euros sur le budget du ministère lui-même) ;

- le passage de la tempête Klaus en janvier 2009.

M. Bruno Le Maire a fait valoir que le projet de loi de finances pour 2010 comporte plusieurs mesures en faveur du revenu des agriculteurs. La prime nationale supplémentaire à la vache allaitante (PNSVA) sera ainsi maintenue, pour un montant de 165 millions d'euros. L'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) sera, quant à elle, revalorisée de 19 millions d'euros, ce qui la portera à un total de 248,1 millions d'euros l'an prochain. Afin de favoriser la diversification des assolements, le secteur des grandes cultures bénéficiera d'une aide rotationnelle de 300 millions d'euros sur cinq ans.

Par ailleurs, il a confirmé le soutien apporté à l'agriculture biologique, à la suite des engagements pris lors du Grenelle de l'environnement. Outre les 3 millions d'euros consacrés au fonds de structuration des filières de l'agence Bio et les 12 millions d'euros destinés à la mise en oeuvre du plan de développement de l'agriculture biologique, une enveloppe supplémentaire de 15 millions d'euros sur cinq ans a ainsi été prévue pour soutenir la conversion des exploitations agricoles. L'augmentation de 36 % entre 2007 et 2009 de la part des superficies cultivées en agriculture biologique dans la superficie agricole totale témoigne de l'impact positif de ces dispositifs.

M. Bruno Le Maire a confirmé la poursuite des mesures de soutien à l'installation des jeunes agriculteurs. La dotation pour les prêts à l'installation ainsi que la dotation jeunes agriculteurs (DJA) augmentent ainsi de 4,5 millions d'euros par rapport à 2009 pour atteindre un total de 134,5 millions d'euros.

Il a ensuite annoncé que la dotation au titre des aides aux filières de production sucrière des départements d'outre-mer (DOM) sera portée de 56 à 90 millions d'euros, en vue de compenser la baisse du prix du sucre décidée dans le cadre de la réforme de l'organisation commune du marché du sucre (OCM sucre).

Pour ce qui concerne la gestion des crises, les crédits sont stables par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. Toutefois, les mesures d'urgence spécifiques annoncées pour les différentes filières sont renforcées. L'assurance récolte, qui représente un instrument efficace, verra quant à elle sa dotation atteindre 38,1 millions d'euros en 2010, soit une augmentation de 6,1 millions d'euros. La mise en place de mécanismes assurantiels efficaces devient une nécessité cruciale, qui devra trouver sa traduction dans la future loi de modernisation de l'agriculture.

Les crédits dévolus au secteur de la pêche et de l'aquaculture permettront de renforcer les contrôles ainsi que l'expertise halieutique et de poursuivre le financement des actions du plan pour une pêche durable et responsable (PPDR). Ces crédits viseront également l'amélioration de la compétitivité des filières pêche et aquaculture dans le respect de l'environnement.

Enfin, les efforts en faveur des forêts françaises sont poursuivis avec une dotation de 340,7 millions d'euros en 2010. Celle-ci comprend notamment une enveloppe de 50,3 millions d'euros destinée à accompagner et à renforcer la filière bois suite au passage de la tempête Klaus.

M. Bruno Le Maire a en outre confirmé son souhait de mettre en place une véritable politique publique de l'alimentation appuyée sur les moyens adéquats. Depuis le 1er janvier 2009, les DRAAF ont ainsi vu leurs compétences élargies à l'alimentation et la sécurité sanitaire. En leur sein ont été créés des services régionaux de l'alimentation (SRAL) et des pôles « nutrition et offre alimentaire ». Pour donner à ces services les moyens de leurs ambitions, la nouvelle action « Qualité de l'alimentation et offre alimentaire », créée en 2009, bénéficiera en 2010 de 2,96 millions d'euros de crédits, soit une augmentation de 30 %.

Il a précisé que le développement durable est une priorité nationale à laquelle l'agriculture, la sylviculture et la pêche doivent participer. Ces secteurs seront donc soumis à la contribution « climat-énergie », mais bénéficieront d'un remboursement à hauteur de 75 % de la taxe acquittée en 2010. Afin de soutenir la trésorerie des agriculteurs, ce remboursement prendra la forme d'un acompte versé dès le début de l'année prochaine. Pour assurer la transition vers une agriculture moins polluante, 38 millions d'euros seront ainsi consacrés en 2010 à la mise en oeuvre du Plan de performance énergétique (PPE), tandis que 5 millions d'euros seront destinés à un programme d'économies d'énergie à bord des navires de pêche.

Il a souhaité aborder ensuite la question des nouvelles perspectives qu'il estime indispensable d'offrir aux jeunes souhaitant s'engager dans la filière agricole. Il a ainsi affirmé son souhait de préserver en 2010 les moyens de fonctionnement de l'enseignement agricole en allouant 1 269 millions d'euros à l'enseignement technique et 304 millions d'euros à l'enseignement supérieur et à la recherche. Il a ajouté que celui-ci constitue pour lui une priorité et que ses crédits ont donc été protégés des restrictions budgétaires.

Il a enfin dressé un bilan d'ensemble du budget 2010 du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Si le projet de loi de finances prend en compte les problèmes aigus apparus en 2009, il reste néanmoins vertueux dans la mesure où il intègre les économies engendrées par les suppressions d'emplois et les réorganisations de services, par la fin de la prise en charge par l'Etat du coût du service public de l'équarrissage, ou encore par le bilan de santé de la PAC.

En conclusion, M. Bruno Le Maire a rappelé le rôle décisif du budget de l'UE dans l'agriculture nationale : celui-ci représente 10 milliards d'euros de crédits d'intervention destinés aux filières agricoles, là où le budget de l'Etat n'y consacre que 2 milliards d'euros. La réforme de la PAC ne saurait donc se résumer à un simple toisage des sommes versées sauf à susciter de très graves difficultés chez les agriculteurs français.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé l'existence d'un contrôle en cours de la commission des finances portant sur l'Office national des forêts (ONF), qui s'appuie sur une enquête confiée à la Cour des comptes.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a relevé la difficulté de concilier l'activité agricole avec les préoccupations environnementales. Il a souhaité savoir comment allier ces deux exigences, particulièrement pour ce qui concerne la ressource en eau.

M. Bruno Le Maire a estimé nécessaire de cibler de plus en plus nettement les politiques agricoles autour des enjeux alimentaires. Ceux-ci supposent, en effet, de trouver un équilibre satisfaisant entre l'activité économique agricole et la protection de l'environnement. La recherche de cette conciliation peut être illustrée par l'évolution des méthodes utilisées dans la lutte contre la chrysomèle du maïs. L'épandage d'insecticides est ainsi en cours d'abandon au profit de pratiques de rotation des cultures, certes plus coûteuses, mais également plus respectueuses de l'environnement. Par ailleurs, l'attention inégale portée par les Etats membres de l'UE aux questions de développement durable comporte le risque d'une compétition économique faussée. Ainsi, les exigences fortes qui existent en France à ce sujet, à l'image de notre réglementation sur les produits phytosanitaires, sont de nature à engendrer des contraintes supplémentaires pour les agriculteurs qui n'existent pas toujours ailleurs. Cette situation plaide pour une harmonisation des normes à l'échelle communautaire.

Pour ce qui concerne l'eau, M. Bruno Le Maire a appelé l'Etat à assumer ses responsabilités. Il s'est appuyé sur le cas des répercussions de l'activité des éleveurs bretons sur la ressource en eau. Pendant plusieurs années, les pouvoirs publics ont ainsi encouragé l'élevage intensif dans la filière porcine en Bretagne. Or, les effets négatifs de l'utilisation massive de nitrates sur l'environnement sont avérés, comme le montre la pollution par les algues vertes. Des délais raisonnables doivent donc être accordés aux éleveurs pour leur permettre de s'adapter à l'abaissement des taux réglementaires de nitrates autorisés.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, a estimé que la gestion des aléas dans le monde agricole fait figure de parent pauvre en matière budgétaire. Il a souligné qu'un contrôle de la commission des finances, en commun avec la commission de l'économie, est en cours à ce sujet. Il a donné l'exemple du fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), qui n'est jamais doté en loi de finances initiale.

S'agissant de dépenses plus prévisibles telles que les refus d'apurements communautaires, auxquels il a consacré un rapport intitulé « Politique agricole commune : la France à l'amende » (n° 93, 2008-2009), il a constaté qu'elles ne font pas non plus l'objet d'une budgétisation. Elles ont pourtant représenté, en 2008, entre 85 et 95 millions d'euros de dépenses.

Il a, ensuite, évoqué la mission « Développement agricole et rural », dont les recettes sont sous-évaluées et les crédits sous-consommés. Il a proposé que la persistance d'un écart entre les ressources et les dépenses de cette mission conduise à un meilleur usage des crédits ou à une réduction de la fraction du produit de la taxe affectée au financement de cette politique.

Enfin, il a souhaité obtenir des précisions sur les conditions de remboursement des 500 millions d'euros d'aides communautaires indûment perçues par les producteurs français de fruits et légumes.

En réponse, M. Bruno Le Maire a apporté les précisions suivantes :

- en ce qui concerne la gestion des aléas, l'absence de dotation du FNGCA en loi de finances initiale s'explique par le fait que les crédits ne peuvent être inscrits qu'après la survenue des sinistres. L'amélioration des dispositifs assurantiels, aujourd'hui insuffisants, devra permettre de mieux faire face aux crises. La loi de modernisation agricole sera ainsi l'occasion de mettre en place, à côté de l'assurance récolte, un système ambitieux d'assurance des revenus des agriculteurs ;

- le coût des refus d'apurement communautaire est excessif. Il apparaît nécessaire de le réduire dans les prochaines années ;

- la mission « Développement agricole et rural » donne lieu à un solde d'exécution positif, mais dont le montant reste modéré. Un resserrement de l'écart entre ses recettes et ses dépenses sera toutefois recherché ;

- la France n'avait pas d'intérêt à refuser le remboursement à l'UE des aides versées aux producteurs de fruits et légumes. A défaut, le recours en manquement engagé contre la France aurait, en effet, conduit à des frais d'astreinte d'environ 20 millions d'euros par mois, venant s'ajouter au montant de l'amende elle-même. L'affaire du « poisson sous-taille », en 2005, a ainsi donné lieu au paiement d'une astreinte de près de 60 millions d'euros, portant le coût de la procédure à 140 millions d'euros au lieu de 80 millions d'euros initialement. Dans le dossier fruits et légumes, la France a choisi d'utiliser une stratégie juridique plus subtile. Cette stratégie consiste tout d'abord à minorer le montant de l'amende en se fondant, d'une part, sur une réduction de la période de référence retenue et, d'autre part, sur la contestation du montant des aides. De plus, certaines de celles-ci étant d'un montant faible, elles pourront faire l'objet d'une re-qualification en « aides de minimis », soustraites au régime communautaire des aides d'Etat.

M. Aymeri de Montesquiou a souligné la reconnaissance inégale, par les Etats-membres de l'UE, du rôle joué par l'activité agricole. Il a ensuite déploré le recours aux subventions dans les phases de baisse des prix, à l'image des mesures de soutien envisagées pour la filière sucre dans les départements d'outre-mer (DOM). Il a, enfin, évoqué les anomalies réglementaires dans le domaine des grandes cultures, qui se traduisent par l'édiction, par chaque Etat-membre, de ses propres normes d'utilisation des produits phytosanitaires.

M. Pierre Jarlier s'est inquiété de la situation de la filière laitière, notamment en zones de montagne. Il a demandé la mise en place d'un plan d'urgence tout en relevant que cette crise fournit l'occasion d'un débat utile sur la régulation. Par ailleurs, il a souhaité obtenir des précisions sur les démarches de contractualisation que le Gouvernement semble vouloir encourager. A cet égard, il s'est inquiété des risques d'intégration de la filière laitière que ce type de dispositifs pourrait induire. Il a rappelé que les agriculteurs sont opposés à une telle évolution.

M. François Marc a regretté la prise de conscience tardive de la nécessité de la régulation. Il s'est ensuite interrogé sur l'ambition du Gouvernement pour l'agriculture française. Qualifiant de défensive la stratégie de celui-ci, il a plaidé pour une vision plus offensive des politiques agricoles. S'agissant de la pêche, il a par exemple jugé insuffisantes les perspectives de renforcement des aides à la reconversion.

M. Adrien Gouteyron a appelé l'attention sur les difficultés spécifiques des producteurs de lait en zones de montagne. Il a souhaité connaître le montant précis de l'indemnité compensatrice de handicaps naturels (ICHN) ainsi que des autres aides envisagées. Il a ensuite relevé que la crainte des producteurs repose principalement sur le risque d'un abandon de la collecte de lait, et s'est demandé s'il ne conviendrait pas de rétablir les aides qui existaient autrefois en ce domaine. Par ailleurs, il a jugé nécessaire de définir avec précision le contenu du concept de régulation. Enfin, il a rappelé la nécessité d'un soutien marqué à la filière bois, à l'image des aides aux scieries annoncées par le Président de la République.

M. Yann Gaillard a évoqué les problèmes d'organisation des forêts privées. Il s'est interrogé sur la possibilité de mettre les compétences de l'Office national des forêts (ONF) au service de celles-ci. Enfin, il a jugé excessives les exigences imposées à cet office par la RGPP.

M. Gérard Longuet a tout d'abord plaidé pour une plus grande complémentarité entre l'enseignement agricole et l'enseignement général. Il a ensuite souligné l'intérêt de considérer la terre comme un outil de travail permettant la création de richesses. A cet égard, certaines pratiques, telles que l'épandage de lisier ou la chasse, portent atteinte à cet outil et démontrent que l'agriculture est insuffisamment considérée en tant qu'activité économique à part entière. Enfin, il s'est interrogé sur l'obligation faite à une entreprise par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de devoir céder une partie de ses activités, en raison d'une position dominante sur le marché de la viande. Aucun candidat à la reprise ne s'étant manifesté, la question de l'avenir de ces établissements reste aujourd'hui entière, au risque de conduire à des fermetures.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que cet exemple démontre les limites inhérentes à l'application stricte et systématique du droit de la concurrence.

M. Christian Gaudin s'est interrogé sur la possibilité de recourir au Fonds stratégique d'investissement pour soutenir les agriculteurs. Il a ensuite proposé une meilleure organisation territoriale de l'enseignement supérieur agricole. Dans le Grand Ouest, un pôle agronomie et alimentation pourrait ainsi être créé autour d'Angers, Nantes et Rennes.

M. Philippe Adnot a rejeté le principe de la mise en place d'assurances obligatoires qui s'apparenteraient, pour les agriculteurs, à un prélèvement supplémentaire. Face aux aléas, il a jugé plus utile d'encourager la constitution de provisions. Il a ensuite estimé qu'une politique de régulation est indissociable d'un dispositif de quotas, en dépit des effets de ceux-ci sur la compétitivité. Enfin, il a déploré la « sur-administration » qui caractérise les politiques agricoles, en mettant en exergue certains contrôles liés à la mise en oeuvre de la PAC.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur l'augmentation paradoxale du prix des terres agricoles alors que l'ensemble des filières agricoles traversent une crise grave. Il a ensuite appelé l'attention sur l'opacité des dépenses fiscales de la mission budgétaire « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », dont le coût serait de 3 milliards d'euros selon le Gouvernement et de près de 4 milliards d'euros d'après la Cour des comptes. Enfin, il a regretté la confusion entre les enjeux de sécurité sanitaire et l'agriculture biologique, soulignant que les produits bio n'offrent pas une plus grande sécurité mais résultent simplement d'une technique de production particulière.

En réponse à l'ensemble de ces questions, M. Bruno Le Maire a apporté les précisions suivantes :

- la mise en place d'une régulation européenne sera difficile, dans la mesure où les positions des Etats membres sont très diverses. De plus, la stratégie française serait fragilisée si l'allié privilégié de la France qu'est l'Allemagne change de doctrine, ce qui pourrait être l'une des conséquences des dernières élections législatives outre-rhin. Par ailleurs, les grandes puissances agricoles du Sud, telles que le Brésil, le Mexique ou l'Australie, exercent une pression particulièrement forte en faveur de la libéralisation des marchés. La mise en place d'une nouvelle régulation de l'agriculture serait, enfin, rendue plus délicate dans le cas où les négociations conduites dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) aboutiraient ;

- s'agissant des aides à la filière laitière, un plan global de soutien à la trésorerie des agriculteurs est nécessaire ;

- les démarches de contractualisation doivent être autorisées puis encouragées, mais elles ne doivent pas conduire à des mouvements d'intégration au sein des filières ;

- l'engagement du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche en faveur d'une stratégie offensive pour l'agriculture nationale a été confirmé. L'ambition française pour l'agriculture est particulièrement grande. Elle consiste d'abord à mettre l'alimentation au premier plan des enjeux agricoles. La France se classe ainsi en tête pour le faible nombre de maladies liées à l'alimentation, ce qui démontre sa supériorité dans le domaine de la sécurité alimentaire ;

- pour ce qui concerne l'agriculture biologique, il convient d'observer que les aliments bio n'apportent pas de garanties supplémentaires en termes de sécurité sanitaire dans la mesure où leur intérêt ne réside que dans l'utilisation de techniques de production plus respectueuses de l'environnement. Par ailleurs, l'engouement suscité par l'agriculture biologique ne saurait suffire à une relance de l'activité agricole nationale : 30 % des produits bio sont en effet importés et ce secteur ne représente encore qu'environ 3 % de la production agricole nationale. Toutefois, son essor, tant du point de vue des pratiques de consommation que du point de vue de la part d'exploitations gérées selon ce mode, doit être encouragé ;

- en matière de dialogue social, l'objectif poursuivi par le Gouvernement consiste à entretenir des relations de qualité avec l'ensemble des interlocuteurs syndicaux tout en veillant à réduire les tensions entre les organisations représentatives. Les rivalités entre ces dernières expliquent une grande partie des conflits rencontrés sur le terrain ;

- l'action en faveur des zones de montagne se veut volontariste, à l'image des 19 millions d'euros supplémentaires consacrés à l'ICHN, ainsi que de la revalorisation de la prime pour les 25 premiers hectares d'exploitation, ce qui représente 42 millions d'euros. S'agissant de l'aide à la collecte, elle a été abandonnée en raison de son incompatibilité avec le droit communautaire. En substitution, une mesure a été prise dans le cadre de la PAC consistant dans le versement d'une aide de vingt euros par millier de litres de lait produits. Par ailleurs, la montée en gamme des produits laitiers est de nature à protéger la production nationale de la fluctuation des cours mondiaux, puisque ce sont les produits lactés peu valorisés tels que le beurre et la poudre de lait qui connaissent les variations les plus élevées sur les marchés ;

- la régulation peut être définie par trois éléments. En premier lieu, elle consiste à rendre possible la conclusion d'accords entre producteurs et transformateurs, à la fois sur les volumes et les prix. Les démarches de contractualisation, qui pourraient par exemple mener à un accord pluriannuel sur les prix du lait, sont aujourd'hui interdites par le droit communautaire. Une réforme des organisations communes de marché (OCM) apparaît donc urgente. En deuxième lieu, les instruments d'intervention communautaires doivent être renforcés. Le stockage privé, aujourd'hui possible trois mois par an, doit par exemple être autorisé de manière permanente. Enfin, des marchés à terme doivent être mis en place pour le beurre et la poudre de lait en vue de stabiliser les prix ;

- pour ce qui concerne la filière bois, les efforts du ministère sont conséquents. Un fonds stratégique bois est ainsi en cours de création, doté de 20 millions d'euros. De même, les difficultés financières de l'ONF ont conduit, dès 2009, à l'attribution d'une subvention exceptionnelle de 19 millions d'euros, mais la réflexion sur cet office doit se poursuivre. En effet, si des établissements publics tels que l'ONF ou les Haras nationaux doivent être soumis à des exigences de bonne gestion, il convient de reconnaître leur place particulière au sein de l'identité nationale ;

- la réflexion sur l'articulation entre l'enseignement agricole et l'enseignement général fait l'objet d'une discussion entre les deux ministères les plus concernés. La question de l'autonomie de gestion des emplois dans les établissements d'enseignement agricole devra être posée ;

- la décision de la DGCCRF sur la position dominante d'une entreprise dans la filière viande a effectivement conduit à une situation sans issue. Il s'agit d'en tirer toutes les conséquences ;

- l'émergence d'un pôle d'enseignement et de recherche en agriculture et alimentation dans le Grand Ouest est souhaitable. Les pôles de compétitivité ruraux représentent une perspective intéressante et le travail initié à ce niveau doit se poursuivre ;

M. Bruno Le Maire a ensuite reconnu l'existence de phénomènes de « sur-administration », qui appellent des efforts de meilleure gestion, surtout à l'échelle de l'UE ; la simplification doit être recherchée ;

- pour ce qui concerne l'augmentation du prix des terres agricoles, il a insisté sur le rôle prépondérant de la spéculation immobilière ;

- s'agissant des dépenses fiscales, il a observé qu'un rapport sur la fiscalité agricole est actuellement en cours de transmission au Parlement. Les informations qu'il contient permettent d'évaluer plus précisément les montants et les enjeux de ces politiques ;

- en matière de gestion des aléas dans le monde agricole et de recours aux assurances, des dispositifs de provisions obligatoires sont envisageables, mais ils ne pourront pas remplacer des systèmes d'assurances propres aux agriculteurs.

M. Jean Arthuis, président, a observé que la faculté pour les agriculteurs de se soumettre à une imposition de leur chiffre d'affaires sur la base d'une moyenne triennale présente l'intérêt de lisser partiellement les variations de leur niveau d'activité.

M. Bruno Le Maire a, enfin, estimé que tous les dispositifs de lissage des revenus des agriculteurs dont le coût budgétaire pour l'Etat est nul doivent retenir l'attention.

Loi de finances pour 2010 - Audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, sur le projet de loi de finances pour 2010.

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que cette audition s'inscrit dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2010.

Mme Michèle Alliot-Marie, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, a rappelé que le budget de la justice pour 2010 s'insère dans la programmation triennale couvrant la période 2009-2011. Elle a insisté sur les attentes des citoyens envers une justice moderne, fidèle aux grands principes républicains et en phase avec la société du XXIe siècle. Elle a souligné son souci de rendre la justice plus réactive, plus rapide, plus efficace et plus transparente.

Elle a annoncé une hausse de 3,42 % du budget de la mission « Justice » ainsi que 1.113 emplois supplémentaires. Dans un contexte budgétaire tendu, elle s'est félicitée de l'importance accordée par le Gouvernement à la modernisation de l'institution judiciaire.

Elle a présenté l'application de la loi pénitentiaire, en cours de promulgation, comme l'une des priorités au sein de la mission « Justice » en 2010. Cette loi prévoit notamment l'augmentation du nombre de places dans les établissements pénitentiaires avec la création de 2.323 places supplémentaires, un recours accru au système du bracelet électronique et le développement des peines alternatives. Elle a indiqué que, pour atteindre ces objectifs, une enveloppe de 153 millions d'euros est budgétée en 2010.

Elle a considéré que l'amélioration de la gestion des prisons passe par un recentrage de chacune des catégories de fonctionnaires de l'administration pénitentiaire sur son coeur de métier, ainsi que par une réflexion pragmatique sur l'externalisation de certaines fonctions logistiques. Sur ce dernier point, elle a annoncé que l'administration pénitentiaire est en train de notifier un marché par lots régionaux.

Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé que le recours au bracelet électronique s'inscrit dans le cadre de la politique d'aménagement des peines et de prévention de la récidive en fin de peine. Elle a regretté que 30.000 peines prononcées ne soient pas exécutées et a jugé que cette situation pose le problème de la crédibilité de la justice en annihilant l'effet pédagogique de la peine ainsi que sa valeur d'exemple. Elle a indiqué que 22 millions d'euros sont prévus dans le budget de la mission pour 2010 afin de porter le nombre de bracelets électroniques à 7.000 à la fin de l'année, soit un doublement par rapport au début de l'exercice 2009.

Elle a jugé que la réforme de la carte judiciaire représente le second objectif prioritaire pour 2010. A cet égard, elle a annoncé que 286 tribunaux et greffes détachés seront fermés au cours de l'année à venir et que 100 millions d'euros en autorisations d'engagement, ainsi que 30 millions d'euros en crédit de paiement, sont budgétés en loi de finances pour 2010 à cet effet. Elle a ajouté que cette enveloppe sera par ailleurs abondée par une dotation en provenance du compte d'affectation spécial (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

Elle a précisé que 4 millions d'euros ont été prévus pour l'indemnisation des avocats en 2009, mais qu'une part importante de ces crédits n'ont pas encore été consommés. Ces crédits seront reportés en 2010 et viendront compléter une nouvelle dotation s'élevant à 7 millions d'euros.

Concernant la réforme de la profession des avoués, elle a insisté sur la volonté d'intégrer les salariés de ces cabinets au sein des juridictions, où 380 emplois de catégorie A, B et C leur ont été réservés. Grâce à un financement via un prélèvement sur taxe, les avoués abandonnant leurs charges pourront être indemnisés à hauteur de 100 %.

Mme Michèle Alliot-Marie a indiqué qu'au-delà de ces priorités budgétaires des contraintes fortes pèseront sur la mission « Justice » en 2010.

S'agissant des frais de justice, elle a rappelé le caractère indispensable des dépenses qu'ils financent pour offrir une justice moderne, efficace et rapide. Elle a jugé que certaines expertises ainsi que les analyses génétiques sont destinées à se généraliser, y compris pour les délits les plus courants. Elle a insisté sur les négociations menées par la Chancellerie avec les opérateurs de télécommunication et les laboratoires d'analyse génétique afin de bénéficier de meilleurs tarifs.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la gestion de ces frais n'a pas été optimale par le passé.

Mme Michèle Alliot-Marie a souligné le coût élevé des interceptions téléphoniques, l'inefficience des applications informatiques du ministère et le manque de managers en juridiction et au sein de l'administration centrale. Elle a fait part de son souhait de tirer pleinement profit des innovations portées par les nouvelles technologies de l'information, ainsi que de former les agents à leur utilisation.

Elle s'est inquiétée de l'augmentation de 20 % des frais de justice en matière de justice commerciale et a annoncé un décret, en cours de rédaction, en vue de mieux réglementer ce poste de dépense. Elle a également jugé nécessaire une meilleure maîtrise des frais postaux et une plus large mutualisation des moyens.

Concernant l'aide juridictionnelle, Mme Michèle Alliot-Marie a rappelé le caractère indispensable de cette aide afin de permettre l'accès au droit à tous. Elle a indiqué que la Chancellerie travaille sur de futures propositions dans ce domaine, en s'appuyant sur les conclusions du rapport n° 23 (2007-2008) de M. Roland du Luart « L'aide juridictionnelle : réformer un système à bout de souffle ». En particulier, le développement de l'assurance de protection juridique pourrait être envisagé.

Elle a par ailleurs estimé que les frais de fonctionnement des juridictions peuvent être réduits par la recherche d'une plus grande efficacité et d'un meilleur service rendu, grâce à certaines applications informatiques telles que Cassiopée, Chorus ou Harmonie.

M. Roland du Luart, rapporteur spécial, s'est félicité d'une reprise en main du ministère de la justice dans le sens d'une plus grande rigueur gestionnaire. Il a rappelé qu'au cours des derniers exercices budgétaires, la dynamique des frais de justice a paru maîtrisée, notamment en matière pénale. Il a toutefois fait part de l'inquiétude manifestée par de nombreuses juridictions au regard du paiement de ces dépenses au cours des derniers mois. Il s'est donc inquiété du retour à un dérapage des frais de justice et s'est interrogé sur le montant de l'enveloppe budgétaire prévue pour les couvrir en 2010.

Après avoir rappelé qu'il n'est pas favorable au principe de l'encellulement individuel, il a estimé que la présence de détenus souffrant de troubles psychiatriques contribue fortement à la surpopulation carcérale. A ce sujet, il a insisté sur l'importance de la concertation avec le ministère de la santé et des sports, et sur l'attribution de moyens financiers suffisants pour sortir de cette situation.

Il a par ailleurs réaffirmé la nécessité d'évaluer en amont l'impact budgétaire de toute nouvelle réforme. A cet égard, il s'est interrogé sur la suppression éventuelle du juge d'instruction et sur ses conséquences en matière de frais de justice et d'aide juridictionnelle notamment.

Il a enfin souhaité connaître la date prévue pour l'inauguration de la nouvelle maison d'arrêt du Mans.

Mme Michèle Alliot-Marie a reconnu une augmentation des frais de justice en 2009 à hauteur de 9 %, et même de 11 % pour les seuls frais de justice en matière pénale. Cette hausse substantielle s'explique par l'accroissement du nombre des affaires ainsi que par des demandes d'expertises et d'interprétariat en forte hausse. Elle tient en outre aux effets automatiques résultant de la revalorisation des tarifs médicaux et à des résultats encore insuffisants dans le domaine des négociations concernant la facturation des interceptions téléphoniques et les frais postaux.

Elle a jugé nécessaire d'engager une réflexion sur la déjuridictionnalisation et la dépénalisation de certaines affaires. En matière pénale, le plaider coupable permet par exemple d'éviter de s'engager dans une procédure lourde engendrant de longs délais.

S'agissant des cas de psychiatrie en milieu pénitentiaire, elle a rappelé que depuis la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, l'organisation et la mise en oeuvre de la prise en charge sanitaire des personnes détenues relèvent du ministère de la santé. Elle a indiqué qu'au moins 20 % des détenus souffrent de troubles psychiatriques et que 2.300 d'entre eux sont affectés dans des structures spécialisées. Tout en regrettant le manque de personnel sanitaire dans les établissements pénitentiaires, elle a souligné que la loi n° 2002-1138 du 9 décembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) a prévu la mise en place d'unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour l'hospitalisation complète des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Dans cette perspective, elle a annoncé que la première de ces unités sera livrée en 2010 à Lyon et que 5 autres le seront en 2011 à Paris, Toulouse, Bordeaux, Rennes et Nancy. Le coût de ces unités s'élève à 12,5 millions d'euros pour 40 places, hors frais de sécurisation.

Mme Michèle Alliot-Marie a reconnu que le rapport Léger envisageant la suppression du juge d'instruction ne comporte aucune évaluation de l'impact budgétaire de cette mesure. Elle a indiqué que plusieurs groupes pluridisciplinaires travaillent actuellement sur cette suppression éventuelle et qu'un projet de loi sera présenté au Parlement d'ici à la fin du mois de janvier 2010. Elle a précisé que, dans cette hypothèse, le juge d'instruction serait remplacé par un juge de l'enquête et des libertés disposant de pouvoirs étendus en matière de garde à vue, de classement des enquêtes et d'écoutes téléphoniques notamment. Elle a ajouté que cette réforme ne déboucherait probablement sur aucune suppression d'emploi et nécessiterait peut être même quelques créations, l'objectif poursuivi étant une meilleure répartition des compétences au sein de l'institution judiciaire. Elle s'est engagée à faire procéder à une étude d'impact budgétaire dans le cadre de cette réforme le moment venu.

S'agissant de la date d'inauguration de la maison d'arrêt du Mans, elle a affirmé que son choix dépend du Premier ministre.

M. Éric Doligé a souhaité savoir si les créations de places annoncées dans les établissements pénitentiaires s'inscrivent dans le cadre du programme « 13.200 places » et si cet effort sera suffisant dans le contexte de surpopulation carcérale. Il a considéré que beaucoup de partenariats public-privé (PPP) sont conduits par le ministère de la justice et a demandé un échéancier permettant de suivre ces différentes programmations. Il s'est interrogé sur le coût d'un bracelet électronique et sur le taux d'exécution des peines de moins de deux ans.

Il a considéré qu'un recentrage des personnels en juridiction sur leur coeur de métier est nécessaire et que les magistrats doivent accepter de ne pas gérer eux-mêmes l'institution judiciaire. Il a enfin souhaité connaître ce que recouvre la notion de logistique au sein de la mission « Justice ».

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur le degré d'indépendance des magistrats du Parquet et sur la suppression du juge d'instruction.

M. Jean-Pierre Fourcade a rappelé que le rôle des greffiers au Québec se limite à l'établissement des actes et au suivi des procédures et ne s'étend pas à la gestion des juridictions. Il a souhaité savoir si une réflexion est menée dans ce domaine en France. Il s'est étonné que, dans le cadre du plan de relance, les crédits consacrés à l'administration pénitentiaire soient d'un faible montant.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les dispositions prévues en 2009 pour faire face à la recrudescence des suicides en prison. Rappelant que les transfèrements de détenus mobilisent des effectifs importants de gendarmes et de policiers, il a souhaité connaître le chiffrage exact des emplois ainsi occupés.

Mme Michèle Alliot-Marie a affirmé qu'au terme de la programmation « 13.200 places », à la fin de l'année 2012, il y aura 63.000 places ouvertes dans les établissements pénitentiaires. A cet égard, elle a rappelé que la France compte actuellement 61.000 détenus et que seules les personnes condamnées à de longues peines en maison centrale bénéficient aujourd'hui de cellules individuelles. Elle a ajouté que le Président de la République s'est engagé, au-delà de cette programmation, sur la création de 5.000 places supplémentaires, ce qui permettra de se rapprocher du principe de l'encellulement individuel.

Elle s'est engagée à transmettre à la commission des finances du Sénat un échéancier des PPP conduits par le ministère de la justice.

Elle a précisé que le coût du bracelet électronique réside essentiellement dans son système de surveillance de type GPS. En matière d'exécution des peines, elle a rappelé que le juge peut décider d'une peine alternative à l'emprisonnement, grâce notamment à ce bracelet, dans le cas des courtes peines. Elle a regretté que la question de la non exécution des peines concerne aussi bien les courtes peines que les longues peines. Elle a estimé que dans ce domaine, l'objectif doit être un taux d'exécution des peines de 100 % dans un délai de trois à cinq ans.

Mme Michèle Alliot-Marie a observé une prise de conscience de la part des magistrats de la nécessité de mieux mettre en correspondance, dans les juridictions, les compétences en gestion et les postes occupés. Elle a insisté sur la nécessité de pouvoir notamment s'appuyer sur, d'une part, des personnels administratifs et, d'autre part, des personnels spécialement formés à l'informatique.

Elle a précisé que la notion de logistique au sein de l'institution judiciaire renvoie à des missions telles que le nettoyage des locaux, l'alimentation des détenus ou l'accueil des familles par exemple. Elle a rappelé que la construction des nouveaux établissements pénitentiaires s'appuie sur des PPP et que ce type de montage financier peut également s'étendre à la construction de nouveaux tribunaux.

Elle a insisté sur l'autonomie des magistrats du Parquet, même s'ils peuvent recevoir des instructions écrites et motivées.

Concernant les missions confiées aux greffiers en juridiction, elle a souligné que celles-ci doivent être enrichies et ne pas renvoyer à des tâches informatiques pour lesquelles ces personnels ne sont pas formés.

Elle a précisé que le plan de relance concerne des crédits dits « d'avenir » et que la construction de nouvelles prisons ne peut pas rentrer dans cette définition. Elle a toutefois ajouté que les 5.000 places supplémentaires annoncées par le Président de la République sont d'ores et déjà budgétées.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur le travail en prison.

Mme Michèle Alliot-Marie a considéré que les possibilités de travailler en prison sont insuffisantes et doivent être étendues. Elle a cité par exemple le cas de centres d'appel ou d'activités de nettoyage des bois et des rivières.

Elle a reconnu que le taux de suicide dans les prisons françaises est élevé, mais pas supérieur à la moyenne européenne. Les suicides en prison s'expliquent notamment par des problèmes d'alcoolémie ou de toxicomanie, ainsi que par une insuffisante préparation à la sortie. Dans cette mesure, elle a estimé indispensable d'accorder toute l'attention nécessaire aux aménagements de peine, à l'activité en prison et au respect de la dignité humaine.

S'agissant des transfèrements de détenus, elle a rappelé les progrès de la visioconférence dans les établissements pénitentiaires et les juridictions. Elle a indiqué que ces progrès seront à l'origine d'une réduction attendue de 5 % du nombre de transfèrements. Elle a affirmé travailler en collaboration avec le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales sur cette question, notamment en vue de la réduction des gardes de dépôts et de juridictions.

M. Jean Arthuis, président, a suggéré la mise en oeuvre d'un système de facturation à terme entre les deux ministères s'agissant des charges de transfèrements.

Mme Michèle Alliot-Marie a jugé cette piste de réflexion intéressante.

Jeudi 15 octobre 2009

- Présidence de M. Yann Gaillard, vice-président, puis de M. Jean Arthuis, président -

Prélèvements obligatoires - Communication

La commission a tout d'abord entendu une communication de M. Philippe Marini, rapporteur général, préalable au débat sur les prélèvements obligatoires.

Procédant à l'aide d'une vidéo-projection, M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné que l'évolution du taux de prélèvements obligatoires résulte d'un double phénomène : d'une part, les « mesures nouvelles », qui sont des modifications législatives ou réglementaires, ayant un impact permanent sur le niveau de prélèvements obligatoires ; d'autre part, les variations spontanées du taux de prélèvements obligatoires, dues, en particulier, aux fluctuations de l'activité économique et qui n'ont normalement un impact qu'à court terme.

Le niveau actuel du taux de prélèvements obligatoires est notamment le résultat des allègements réalisés par les gouvernements successifs. Ainsi, de 1999 à 2010, les mesures adoptées auront eu pour effet de réduire ce taux de 3,5 points de produit intérieur brut (PIB). Autrement dit, selon cette approche purement comptable, en leur absence, le déficit structurel serait inférieur de 3,5 points de PIB à son niveau actuel. Ces mesures se décomposent entre un allégement de 2,6 points de PIB sur la période 1999-2002, un alourdissement de 0,9 point de PIB de 2003 à 2006, et un allègement de 1,8 point de PIB entre 2007 et 2010, dont 0,7 point de PIB en 2009 et 2010, comprenant 0,5 point de PIB de mesures non pérennes devant disparaître en 2011 du fait du contrecoup de la suppression de la taxe professionnelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a indiqué que, selon le Gouvernement, le taux de prélèvements obligatoires sera de 40,7 % en 2009 et en 2010. Un niveau aussi faible n'a pas été atteint depuis 1981. Si une baisse du taux de prélèvements obligatoires est une bonne chose, on peut en revanche s'inquiéter des conditions de la baisse actuelle, largement subie, et qui aggrave le déficit public.

Le Gouvernement prévoit aujourd'hui des recettes nettes d'impôt sur les sociétés de 19 milliards d'euros en 2009 et de 33 milliards d'euros en 2010, en forte baisse par rapport aux prévisions précédentes. La commission des finances, par ses moyens propres, parvient à des résultats analogues, de respectivement 16 milliards d'euros et 31 milliards d'euros. Les recettes d'impôt sur les sociétés nettes étaient, au début du mois de septembre 2009, de seulement 2,95 milliards d'euros, contre 27,43 milliards d'euros l'année dernière à la même date. Cette situation s'explique, bien entendu, en grande partie par le plan de relance. Schématiquement, les recettes nettes d'impôt sur les sociétés s'effondrent en 2009 en raison d'un triple phénomène. Tout d'abord, les quatre acomptes sont calculés sur la base des faibles bénéfices de 2008. Ensuite, l'Etat doit rembourser aux entreprises le trop perçu en 2008. Enfin, le plan de relance comprend divers allégements d'impôt sur les sociétés. Chacun de ces phénomènes ayant un impact de l'ordre de 10 milliards d'euros, les recettes nettes d'impôt sur les sociétés s'en trouvent réduites d'environ 30 milliards d'euros par rapport à leur niveau d'avant la crise, ce qui explique qu'elles soient inférieures à 20 milliards d'euros. Selon les estimations de la commission des finances, le produit de l'impôt sur les sociétés devrait, après la crise, se rapprocher de 40 milliards d'euros (contre 50 milliards d'euros avant la crise).

Les impôts et les taxes affectés au financement des administrations de sécurité sociale représentent 27,9 % de leurs recettes en 2008, contre 1,7 % en 1980. Cette augmentation a résulté, notamment, de la création de la cotisation sociale généralisée (CSG) en 1991, de la mise en place du premier « panier fiscal » en 2006 pour compenser le coût de la politique d'allègements généraux, et de celle d'un second « panier fiscal » en 2007 pour compenser le coût des exonérations de charges sur les heures supplémentaires. Par ailleurs, on a assisté à une fiscalisation de la dette sociale depuis 1996, au financement de laquelle sont affectées la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et, depuis 2009, une fraction de la CSG.

Les recettes fiscales de la sécurité sociale sont globalement peu lisibles.

M. Joël Bourdin a déclaré partager ce point de vue.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que cette situation résulte de plusieurs facteurs : l'éclatement entre différents organismes du produit de certaines recettes, comme la CSG ou les droits de consommation sur les tabacs ; l'affectation de multiples impôts (principe des « paniers fiscaux ») afin de compenser le coût pour la sécurité sociale de la politique de l'emploi ; la partition du produit de certaines taxes entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale ; la faible stabilité de ce système de financement.

Il a jugé qu'il serait irresponsable, dans le contexte actuel de sortie de crise, d'alourdir rapidement les prélèvements obligatoires. Schématiquement, on peut distinguer trois grands scénarios en termes de croissance :

- dans le premier scénario - peu vraisemblable -, la crise actuelle ne serait qu'un « accident de parcours », qui serait intégralement rattrapé en termes de PIB par une croissance de 3 % par an de 2011 à 2017 ;

- dans le deuxième scénario, la croissance retrouverait son rythme tendanciel (de l'ordre de 2 %) après la crise, qui correspondrait à une perte définitive de PIB de l'ordre de 7 points, l'écart par rapport au rythme tendanciel dû à la crise n'étant jamais rattrapé ;

- dans le troisième scénario, après la crise, la croissance serait réduite à 1 % par an (notamment du fait de la limitation du recours des agents à l'endettement).

Ces scénarios de croissance ont des implications importantes en termes de taux de prélèvements obligatoires. Le deuxième scénario correspond à un taux de prélèvements qui, malgré le « ressaut » de 2011, correspondant au contrecoup de la suppression de la taxe professionnelle, se stabiliserait à moins de 42 %, contre 43 % avant la crise. Le troisième scénario, correspondant à une « décennie perdue » de croissance durablement faible, le ramènerait à 40 %, si l'on suppose que les recettes fiscales obéissent à leurs déterminants habituels, et, du fait de la faible croissance, augmentent donc moins vite que le PIB.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que si la programmation pluriannuelle des finances publiques prévue par la loi n° 2009-135 du 9 février 2009 a été caduque dès le départ, ce texte comporte cependant des règles de « bonnes pratiques » de nature à sécuriser les prélèvements obligatoires, qui devraient être considérées comme juridiquement contraignantes.

Mme Nicole Bricq a déclaré partager ce point de vue.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a rappelé qu'en matière de discipline budgétaire, la loi précitée comprend deux règles essentielles :

- l'article 11 oblige, chaque année, à gager les mesures nouvelles accroissant les « niches » fiscales (y compris, semble-t-il, celles de fiscalité locale) ou sociales par d'autres mesures nouvelles relatives à la même catégorie de « niches » et en sens contraire ;

- l'article 10, qui ne s'entend qu'à l'échéance de la période de programmation, soit 2012, interdit de fait de prendre des mesures nouvelles - qu'elles concernent ou non des niches - qui, considérées globalement, réduiraient les recettes fiscales de l'Etat ou les recettes des régimes obligatoires de base de sécurité sociale.

A cela s'ajoute l'obligation, résultant de l'article 12, d'évaluer le stock de niches au plus tard le 30 juin 2011.

A l'initiative de la commission, l'article 11 s'entend au titre de chaque année de la période de programmation et non de la période de programmation considérée globalement. Cependant le Gouvernement interprète cette disposition d'une manière qui la vide de son sens. En effet, il prend en compte uniquement le coût des niches en régime de croisière. Il considère donc que la règle est quasiment respectée par le projet de loi de finances pour 2010, puisqu'en régime de croisière les mesures prises à partir de la loi de finances initiale pour 2009 coûteront seulement 0,2 milliard d'euros par an. Cependant, en 2010, ces mesures coûteront 2,2 milliards d'euros. La prise en compte du seul impact à long terme des dispositions relatives aux niches vide la règle de la loi de programmation des finances publiques de l'essentiel de sa portée. Tout d'abord, le gouvernement de 2013 pourrait ne pas se sentir lié par les décisions prises par le gouvernement actuel, et rien ne l'empêcherait d'instaurer à son tour de nouvelles niches, dont la durée serait limitée à quelques années ou qui seraient compensées par des mesures ne devant entrer en vigueur que progressivement. Ensuite, le coût effectif des mesures en régime de croisière ne pourra être vérifié que trop tardivement pour qu'il soit possible de juger de l'effectivité de l'application de la règle.

M. Jean-Jacques Jégou a rappelé que l'instauration du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) dans le secteur de la restauration coûtera 3 milliards d'euros par an, selon l'estimation du Gouvernement. Il s'est interrogé sur la pertinence de cette mesure.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souligné le silence du Gouvernement sur l'application de l'article 10 de la loi de programmation précitée. Selon les estimations de la commission des finances, les mesures prises à partir de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 devraient alourdir les recettes de la sécurité sociale de 3,1 milliards d'euros en 2011 : la sécurité sociale se conforme donc, à ce stade, à la règle. En revanche, les mesures prises à partir de la loi de finances initiale pour 2009 devraient réduire les recettes fiscales de l'Etat de 6,5 milliards d'euros : pour respecter la règle, il faudrait donc prendre, d'ici la fin de la période de la programmation, en 2012, des mesures qui les alourdissent de ce montant.

M. Yann Gaillard s'est interrogé sur l'utilité de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a jugé le montant de la taxe carbone prévu pour 2010 relativement modeste. De fait, la taxe carbone occasionnera un renchérissement de 4,52 centimes d'euros par litre de gazole et de 4,11 centimes d'euros par litre d'essence, alors que la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) applicable à ces carburants s'élève respectivement à 42,84 et à 60,69 centimes d'euros par litre. Néanmoins, la taxe carbone peut constituer un impôt d'avenir : en tant qu'accise, elle apparaît particulièrement adaptée à la mise en oeuvre d'une stratégie globale de « basculement » de la pression fiscale du travail ou de la production vers la consommation. L'opportunité d'une telle démarche en France doit être appréciée à l'aune, d'une part, de ses effets sur la croissance et la compétitivité, qui semblent légèrement positifs dans les pays étrangers précurseurs et, d'autre part, de sa capacité à procurer des ressources stables, sinon croissantes, à l'Etat. Cette question peut apparaître particulièrement épineuse s'agissant des taxes comportementales, à caractère « biodégradable ». L'augmentation progressive du tarif pose la question de la disparition progressive des mesures dérogatoires.

La création de la taxe carbone doit donner lieu à un réexamen des nombreuses niches fiscales environnementales qui, selon qu'elles favorisent ou qu'elles entravent la protection de l'environnement, envoient aujourd'hui des « signaux » contradictoires aux agents économiques tout en pesant de plus en plus lourdement sur le budget de l'Etat. On ne dispose d'aucune évaluation globale de la dépense fiscale en matière environnementale. Cependant, il est possible de recenser le coût des mesures dérogatoires chiffrées dans les annexes « Voies et moyens » des projets de loi de finances pour 2007, 2008 et 2009. Il en ressort que le coût de l'ensemble des « niches grises », entendues comme les mécanismes de défiscalisation au titre des accises énergétiques, avoisinait 5,3 milliards d'euros en 2009, soit davantage que le produit attendu de la taxe carbone. La même année, la dépense fiscale associée aux « niches vertes » était estimée à 1,6 milliard d'euros, après voir culminé à 2,1 milliards d'euros en 2008 en raison de la montée en puissance du crédit d'impôt « développement durable ». Au total, il est donc possible de considérer que l'ensemble des dépenses fiscales en faveur ou en défaveur de l'environnement grève les recettes de l'Etat d'un montant annuel proche de 7 milliards d'euros, dans le but d'envoyer des « signaux-prix » contradictoires aux différents agents économiques. A cette aune, la présentation de la taxe carbone comme véritable « tournant » de notre politique fiscale mérite d'être relativisée, une réelle inflexion de notre stratégie en matière de fiscalité écologique restant conditionnée à une évaluation et, le cas échéant, à un « recalibrage » progressif de l'ensemble des dispositifs en vigueur.

Depuis 2002, les gouvernements successifs ont mené des politiques de baisse des prélèvements sur les entreprises. M. Philippe Marini, rapporteur général, a renvoyé sur ce point aux travaux de la mission commune d'information du Sénat sur les centres de décisions économiques, et au rapport d'information (n° 347, 2006-2007) de son rapporteur, M. Christian Gaudin.

Pour faire face à la crise, le soutien aux entreprises a constitué l'axe central de la politique économique du Gouvernement : par le soutien aux banques et aux assureurs-crédits, pour éviter la paralysie des circuits économiques, mais aussi par des mesures fiscales en faveur de la trésorerie des entreprises. Ces mesures de relance en faveur des entreprises, telles que le remboursement anticipé des créances au titre du crédit d'impôt recherche, mesure dont le projet de loi de finances pour 2010 propose d'ailleurs la reconduction, coûteront 14,8 milliards d'euros en 2009. Selon l'étude récemment réalisée par le Conseil des prélèvements obligatoires à la demande de la commission, en application de l'article L. 351-3 du code des juridictions financières, sur les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, les entreprises et les employeurs ont perçu, entre 2001 et 2008, un gain global de 12,7 milliards d'euros tandis que les ménages et les employés bénéficiaient de 21,3 milliards d'euros d'allègements fiscaux et sociaux.

En matière de fiscalité des entreprises, la suppression de la taxe professionnelle est assurément une réforme de structure importante. Elle est destinée à procurer un allègement fiscal aux entreprises de 4,3 milliards d'euros par an, net d'impôt sur les sociétés, en régime de croisière. En 2010, les entreprises bénéficieront des effets de la réforme et percevront dans le même temps des dégrèvements de taxe professionnelle dus au titre de 2009. Leur gain en 2010 s'établira à 11,6 milliards d'euros.

La suppression de la taxe professionnelle s'accompagne de la création de deux impôts nouveaux, l'un assis sur l'ancienne part foncière de la taxe professionnelle, l'autre consacrant l'assiette « valeur ajoutée », déjà utilisée pour calculer la cotisation minimale de taxe professionnelle et son plafonnement. Il est trop tôt pour apprécier de manière fine les effets de la réforme sur les entreprises, par secteur d'activité ou par niveau de chiffre d'affaires. En outre, il faut désormais évaluer ces effets au regard du nouveau texte de référence, qui est celui proposé par la commission des finances de l'Assemblée nationale, lequel, parmi les nombreux aménagements qu'il apporte, a proposé de « territorialiser » l'assiette « valeur ajoutée » et de transférer deux milliards d'euros de produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des départements vers les communes et les établissements publics de coopération intercommunale.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé qu'une bonne réforme de la fiscalité locale doit obéir à trois principes : maintenir une cohérence entre les compétences des collectivités territoriales et les sources de financement de ces collectivités ; rejeter le principe de spécialisation de la fiscalité locale, qui est une « fausse bonne idée » ; garantir, autant que possible, le respect de l'autonomie financière et fiscale des collectivités territoriales. Par ailleurs, il convient de concilier deux exigences en partie contradictoires : inscrire l'ensemble de la réforme, y compris son volet relatif aux collectivités territoriales, dans la loi de finances initiale pour 2010, afin de donner de la visibilité à ces dernières ; réaliser, au cours de l'année 2010 les inévitables ajustements, qui seront nécessaires pour l'entrée en vigueur complète du dispositif en 2011.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a présenté un chiffrage de la réforme préconisée par la commission des finances, parfois qualifiée de « triptyque » ou de « trilogie », consistant à supprimer l'impôt de solidarité sur la fortune et le bouclier fiscal, et à créer une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu. Les travaux exploratoires de la commission suggèrent que si l'abrogation de l'impôt de solidarité sur la fortune et du bouclier fiscal susciterait une perte de recettes de l'ordre de 3,4 milliards d'euros, la mise en place d'une tranche supplémentaire d'impôt sur le revenu à un taux de 50 % à partir de 83 406 euros ne rapporterait que 2 milliards d'euros, ce qui obligerait à inclure cette nouvelle tranche dans un « bouquet substitutif » de recettes fiscales, dont les autres éléments pourraient, par exemple, consister en la suppression de la déductibilité de la CSG sur les revenus du capital, en l'augmentation d'un point de l'imposition sur les plus-values mobilières et en l'alignement à 18 % de l'imposition des plus-values immobilières.

La pression sur les dépenses est forte. Certes, il importe de poursuivre la recherche systématique d'économies. Cependant, les dépenses de l'Etat sont rigides, et les marges de manoeuvre portent essentiellement sur une enveloppe de l'ordre de seulement 110 milliards d'euros, constituée des dépenses d'intervention et de fonctionnement. Par ailleurs, les charges inéluctables qu'il faudra supporter dans l'avenir sont lourdes et tiennent pour une large part au vieillissement de la population. Les dépenses liées au vieillissement pourraient augmenter de 3,2 à 7 points de PIB en 2050 par rapport à la situation de 2004. Aux charges liées au vieillissement, il faut ajouter l'augmentation probablement durable du chômage, et l'« épée de Damoclès » de la charge de la dette.

A moins de supposer un rattrapage de la perte de PIB due à la crise, sans mesures nouvelles alourdissant les prélèvements obligatoires, ramener à moyen terme le déficit public à son niveau d'avant la crise - sans parler du fait d'atteindre un niveau proche de l'équilibre - semble un exercice très difficile, pour ne pas dire impossible.

La dette consolidée issue des régimes obligatoires de base de sécurité sociale a atteint 109,1 milliards d'euros à la fin de l'année 2008, soit une progression de 14 % depuis la fin 2006. Les « déficits cumulés » du régime général en 2009 et 2010 s'élèveraient à 56,3 milliards d'euros (hors mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010). Le choix du Gouvernement de ne pas transférer ces déficits à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) a pour conséquence de les faire supporter par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Le plafond d'avances de l'ACOSS devrait être ainsi fixé à 65 milliards d'euros pour 2010 : une situation peu soutenable à moyen terme. Compte tenu des « tarifs » de reprise de ces déficits par la CADES, tout report de décision risque de se révéler de plus en plus coûteux.

Il ne serait pas responsable d'alourdir les prélèvements obligatoires tant que la crise n'est pas terminée. Ce serait en effet faire de la « relance à l'envers ». Pourtant, le supplément de déficit à combler du fait de la crise semble considérable. Le déficit public était avant la crise de l'ordre de 3 points de PIB chaque année, ce qui correspondait à son niveau structurel. Si le PIB baissait de 7 points et si ensuite la croissance reprenait son rythme tendanciel, le déficit structurel pourrait s'en trouver accru d'environ 5 points, et le déficit de 2009 et 2010, de l'ordre de 8 points de PIB, devenir structurel. Par ailleurs, dans le cas de figure où la croissance serait durablement égale à 1 % par an, le déficit public augmenterait, les dépenses progressant légèrement plus rapidement que le PIB, alors que les recettes croîtraient moins rapidement. Le déficit pourrait alors approcher les 10 points de PIB dans une dizaine d'années. Certes, il n'est pas possible de déterminer dès à présent l'ampleur des réductions de dépenses ou des augmentations de recettes nécessaires pour compenser les effets de la crise sur les finances publiques. Il est cependant probable que le montant de ces réductions ou augmentations soit élevé, représentant l'équivalent de plusieurs points de PIB. Un point de PIB valant environ 20 milliards d'euros, plusieurs dizaines de milliards d'euros devront être dégagés en supplément des 60 milliards d'euros nécessaires pour résorber les 3 points de PIB de déficit structurel initial.

M. Jean Arthuis, président, a souligné la nécessité de se préparer à agir sur les dépenses et de ne pas exclure des augmentations d'impôt, de façon à contenir la dérive des déficits et de la dette. La réforme de la taxe professionnelle sera largement évoquée lors du prochain débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, qui se tiendra en séance publique le 22 octobre 2009. L'instauration d'un taux national de la nouvelle cotisation assise sur la valeur ajoutée serait un puissant instrument de péréquation.

M. Bernard Angels a considéré que, dès lors que majorité et opposition sénatoriales jugent alarmante la situation des finances publiques, le Sénat ne peut adopter le projet de loi de finances pour 2010. La présentation du rapporteur général n'a pas évoqué le grand emprunt annoncé par le Président de la République. Il faut « éviter le pire » en matière de finances locales.

Mme Nicole Bricq a estimé que les prélèvements obligatoires devraient être rebaptisés « prélèvements aléatoires », dès lors qu'ils sont à ce point liés à la conjoncture. La notion de prélèvements obligatoires, sujette à interprétation, permet moins les comparaisons internationales que celle de recettes publiques. Evoquant l'intitulé de l'une des parties de l'exposé du rapporteur général - « l'impossibilité d'accroître rapidement les prélèvements obligatoires » -, elle a considéré qu'en 2012, le Gouvernement sera jugé sur la capacité qu'il aura eu ou non de réduire le déficit public structurel. Il ressort du rapport précité du Conseil des prélèvements obligatoires que les nombreux allégements de fiscalité des entreprises n'ont pas eu d'impact significatif sur leur compétitivité. L'autonomie fiscale des collectivités territoriales est certes un principe important, mais il convient de le concilier avec les exigences de la péréquation. L'impôt sur les sociétés a un taux trop élevé et une assiette trop étroite. On peut s'interroger sur l'efficacité du crédit impôt-recherche (CIR).

M. Jean Arthuis, président, a indiqué que M. Christian Gaudin présentera prochainement devant la commission un point d'étape de son contrôle sur le CIR.

M. Christian Gaudin a précisé que sa communication est prévue pour le 12 novembre 2009.

Mme Nicole Bricq a considéré que le critère essentiel pour juger de la politique du Gouvernement en matière de finances publiques est le solde primaire du budget de l'Etat.

M. Jean-Pierre Fourcade a estimé que, pour éviter une hausse des taux d'intérêt à long terme en 2010, le Gouvernement doit rassurer les marchés, d'une part en passant au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et en doublant le produit de cet impôt, grâce à une réduction de la dépense fiscale et, d'autre part, en affectant le produit de la taxe carbone au désendettement. Il a annoncé son intention de déposer un amendement sur ce dernier point.

M. Jean Arthuis, président, a souligné que cela reviendrait seulement à réduire le besoin de financement de l'Etat.

M. Jean-Jacques Jégou a jugé la situation financière de la sécurité sociale « insoutenable ». Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 prévoit de fixer le plafond d'avances de trésorerie de l'ACOSS à 65 milliards d'euros, soit un niveau sans commune mesure avec les plafonds précédents les plus élevés, 33 milliards d'euros en 2004 et 36 milliards d'euros en 2008. Ce n'est plus un déficit de trésorerie, mais un « trou abyssal ». Cette situation résulte du choix du Gouvernement de ne pas transférer les déficits accumulés en 2009 et 2010 à la CADES et donc de faire supporter par l'ACOSS des déficits de trésorerie qui vont au delà des découverts infra-annuels. S'agissant du schéma de financement des besoins de l'ACOSS, il s'est interrogé sur le partenariat avec la Caisse des dépôts et des consignations (CDC), rappelant que la renégociation de la convention financière entre l'ACOSS et la CDC n'a pas débouché sur une augmentation du seuil de liquidités accordées par la CDC.

En réponse à M. Bernard Angels, M. Philippe Marini, rapporteur général, a considéré que déplorer le niveau élevé du déficit public ne doit pas nécessairement conduire à rejeter le projet de loi de finances pour 2010. Le futur « grand emprunt » place le Parlement dans une « situation originale », puisque celui-ci risque de devoir se prononcer sur le projet de loi de finances pour 2010 sans en connaître les caractéristiques, qui doivent être déterminées en janvier prochain par une loi de finances rectificative. Le « grand emprunt » pourrait servir à financer une caisse qui financerait des projets et acquitterait la charge de sa dette grâce aux revenus suscités par ceux-ci. En réponse à Mme Nicole Bricq, il a rappelé avoir souligné à plusieurs reprises, lors de ses communications précédentes relatives aux prélèvements obligatoires, les ambiguïtés méthodologiques cette dernière notion. Si une partie de son exposé est intitulée « l'impossibilité d'accroître rapidement les prélèvements obligatoires », c'est parce qu'il ne serait pas envisageable d'« ajouter la crise à la crise » en alourdissant les prélèvements obligatoires dans le contexte actuel. La portée d'une réduction des « niches » de l'impôt sur les sociétés paraît limitée en pratique, les principales mesures qui réduisent l'assiette de cet impôt n'étant pas des « niches » mais des parties intégrantes de sa structure. L'assiette de l'impôt sur les sociétés devrait être harmonisée entre les Etats de l'Union européenne. En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, il a considéré que, s'il est nécessaire de moderniser l'impôt sur le revenu, il convient pour cela d'attendre la fin de la crise. Il a déclaré partager les doutes de M. Jean-Jacques Jégou au sujet de l'opportunité économique du passage du secteur de la restauration à la TVA au taux réduit.

- Présidence de M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et de Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales -

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 - Audition de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, et Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des aînés

Puis la commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires sociales, à l'audition de M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, et Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des aînés, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010.

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat a tout d'abord souligné l'impact majeur de la crise sur le financement de la sécurité sociale. Le déficit du régime général, qui atteignait 10,2 milliards d'euros en 2008 devrait s'élever à 23,5 milliards en 2009 et à environ 31 milliards en 2010. Ces chiffres traduisent la conséquence de la récession économique actuelle sur les recettes de la sécurité sociale : en deux ans, 21 milliards de recettes n'auront pas été perçues par l'Etat. La crise expliquerait 65 % du déficit du régime général en 2009 et 75 % de celui-ci en 2010.

La stratégie du Gouvernement repose à la fois sur la volonté de gérer la crise et de réformer la sécurité sociale.

Pour ce qui concerne la gestion de la crise, le choix a été fait en 2009 de ne pas contrer la diminution des recettes liées à la dégradation de la conjoncture économique. Dans le cadre d'une politique de sortie de crise, l'augmentation des prélèvements obligatoires aurait constitué en effet « une erreur considérable » dès lors qu'ils sont déjà parmi les plus élevés d'Europe. Cette position explique la décision de ne pas procéder en 2010 à une reprise de dette par la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), et par conséquent à une augmentation de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) qui aurait pesé sur le pouvoir d'achat des contribuables. Les déficits du régime général seront ainsi supportés en 2010 par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss). Les besoins de trésorerie élevés de celle-ci, de 30 à 60 milliards d'euros, seront couverts notamment par des émissions complémentaires sur les marchés à court terme gérées par l'agence France Trésor (AFT).

Le choix de laisser jouer à la sécurité sociale son rôle d'amortisseur participe de la stratégie de la gestion de la crise. A ce titre, différentes prestations ont été revalorisées cette année, comme la prime de solidarité active ou la prime pour les familles modestes afin de soutenir le revenu des ménages. De même, une politique de recouvrement adaptée a été mise en place pour les entreprises en difficulté.

M. Eric Woerth a ensuite décliné son action pour sortir de la crise en présentant quatre priorités :

- contenir la progression des dépenses d'assurance maladie et poursuivre l'effort de respect de l'objectif national des dépenses d'assurance-maladie (Ondam) dont l'objectif d'évolution est fixé pour 2010 à 3 %. Ceci nécessite de réaliser des économies à hauteur de 2,2 milliards d'euros par rapport à la progression tendancielle annuelle de ces dépenses qui est d'environ 7 milliards ;

- élargir le financement de la sécurité sociale en faisant davantage contribuer certains revenus d'activité ou certains revenus non issus du travail. La réduction des niches sociales comprend en particulier la soumission aux prélèvements sociaux des plus-values réalisées lors de la cession de valeurs mobilières et la suppression de l'exonération de prélèvements sociaux pour les contrats d'assurance-vie multi-supports en cas de dénouement par succession. Ces deux mesures pourraient augmenter les recettes de 380 millions d'euros. L'augmentation du forfait social sur les revenus de participation, d'intéressement et d'épargne salariale, qui reste raisonnable par rapport à un assujettissement classique de ces revenus aux prélèvements sociaux, tout comme l'augmentation du taux d'imposition des retraites chapeau à la charge des employeurs, sont également prévues par le projet de loi de financement pour 2010 ;

- lutter contre la fraude dans la continuité des actions menées ces deux dernières années et dont les résultats prouvent l'utilité : entre 2006 et 2008, le montant des fraudes détectées par les caisses de sécurité sociale a été porté de 227 à 365 millions d'euros. Le contrôle des arrêts maladie est une priorité pour les caisses qui ont réalisé 1,8 million de contrôles, contre 700 000 en 2006. La généralisation de la contrevisite de l'employeur en 2010 permettra de mieux lutter contre les arrêts de travail injustifiés ;

- réduire la dette de l'Etat envers la sécurité sociale afin que celle-ci soit inférieure à 3,6 milliards d'euros à la fin de l'année, soit une mesure correctrice présentée lors du prochain projet de loi de finances rectificative de l'ordre de 1,6 milliard d'euros.

Ces quatre actions devraient permettre de stabiliser en 2010 le déficit structurel du régime général à 8 milliards d'euros, soit un effort de 3 milliards par rapport à l'augmentation spontanée du déficit. L'évolution du déficit global du régime général, estimé à 30 milliards d'euros en 2011, devrait par la suite prendre en compte les effets des réformes structurelles concernant l'hôpital ou les retraites.

A titre liminaire, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a souligné que l'union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam) a émis un avis favorable sur le PLFSS pour 2010.

Elle a ensuite rappelé que la progression des dépenses d'assurance maladie s'est ralentie depuis l'année 2000 pour atteindre aujourd'hui un niveau davantage soutenable. En 2009, le taux de progression de l'Ondam devrait ainsi s'élever à 3,4 %, soit un niveau proche de celui voté l'an dernier en loi de financement. Ce résultat est le fruit de la politique menée depuis 2007, conjointement avec le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui consiste à maîtriser les dépenses sans dégrader la qualité des soins, tout en préservant les principes fondamentaux du système de protection sociale français, à savoir assurer un taux de remboursement d'autant plus élevé que les pathologies sont graves, lourdes et coûteuses et les thérapeutiques chères et efficaces.

Cet objectif a également pu être atteint grâce à la création, dans les dernières lois de financement de la sécurité sociale, de nouveaux instruments de maîtrise médicalisée : les référentiels médico-économiques de la Haute Autorité de santé (HAS), l'extension de la procédure de mise sous entente préalable, les dispositifs relatifs aux médicaments onéreux prescrits à l'hôpital et les contrats d'amélioration des pratiques individuelles (Capi).

Tout en soulignant l'impact de la crise économique sur les comptes de la sécurité sociale qui joue son rôle d'amortisseur social, Mme Roselyne Bachelot-Narquin a indiqué que la dégradation économique doit inviter à davantage d'ambition dans la détermination de l'Ondam. Son taux d'évolution globale sera ainsi fixé à 3 % pour 2010 - contre 3,3 % pour 2009 - et sera équilibré, comme l'année dernière, entre les dépenses de soins de ville et les dépenses hospitalières. Il représente un effort important dans le contexte économique actuel et doit être apprécié au regard de la récession de 2,25 % enregistrée en 2009 et de la prévision de croissance de 0,75 % pour 2010. L'objectif doit être de parvenir à un rythme de progression des dépenses compatible avec la croissance à long terme, soit environ 3 % par an.

Pour l'atteindre, ainsi que les caisses nationales d'assurance maladie l'ont proposé au Gouvernement au début du mois de juillet dernier, tous les acteurs du système de soins doivent poursuivre les efforts engagés depuis trois ans. Il faut continuer à adapter l'assurance maladie en prenant en compte les progrès médicaux, les marges d'efficience et les évolutions sociales. La loi « Hôpital, patients, santé et territoires » (HPST), notamment grâce à la mise en place des agences régionales de santé (ARS), constitue une étape importante en la matière.

En ce qui concerne les soins de ville, les économies attendues de la maîtrise médicalisée s'élèvent, en 2010, à 595 millions d'euros, soit un niveau plus ambitieux que celui fixé pour 2009. Un effort particulier sera demandé en matière d'indemnités journalières qui représentent un coût d'environ 8 milliards d'euros en 2009, soit un taux de croissance de 7 % par rapport à 2008. Plusieurs mesures devraient contribuer au ralentissement de ces dépenses : la diffusion des référentiels élaborés par la Cnam, la procédure simplifiée de mise sous entente préalable et la généralisation de la contre-visite de l'employeur.

La maîtrise médicalisée des dépenses passe également par une meilleure maîtrise des dépenses liées aux affections de longue durée (ALD). L'approche proposée dans le PLFSS pour 2010 est exclusivement médicale, conformément aux recommandations de la HAS, et notamment à son avis de décembre 2007. Ainsi, dans le cadre du second plan Cancer, il est proposé de permettre aux personnes guéries du cancer de sortir plus rapidement du régime des ALD, tout en continuant à bénéficier d'une prise en charge à 100 % pour les examens de suivi.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin a ensuite indiqué que le deuxième axe de réforme en matière de soins de ville repose sur l'ajustement de certains tarifs et prix. Des secteurs à très haute valeur ajoutée, tout particulièrement la radiologie et la biologie, présentent en effet des marges importantes par rapport aux tarifs de la sécurité sociale. Ils seront donc réduits d'un montant global de 240 millions d'euros.

En ce qui concerne les produits de santé, des diminutions de prix seront  opérées comme chaque année. Elles porteront aussi bien sur les génériques que sur les médicaments traditionnels ou sur les dispositifs médicaux. Ces mesures permettront un montant global d'économies de l'ordre de 460 millions d'euros, qui s'ajouteront aux 200 millions attendus de la « générication » du Plavix.

Par ailleurs, le taux K, qui déclenche la clause de sauvegarde, sera fixé à 1 %. Le ralentissement de la croissance économique et l'absence d'arrivée sur le marché de nouveaux médicaments innovants avec un chiffre d'affaires élevé justifient, en effet, de retenir pour 2010 un niveau inférieur de 0,4 point à celui qui avait été déterminé dans une précédente loi de financement de la sécurité sociale pour les années 2009 à 2011.

Enfin, le Gouvernement a souhaité reprendre, mais en la modifiant dans ses modalités, la proposition de la mutualité sociale agricole (MSA) de diminuer le taux de remboursement de certains médicaments. Ainsi est-il prévu de ramener de 35 % à 15 % le taux de remboursement des médicaments à service médical rendu (SMR) faible, ainsi que des médicaments qui continuent aujourd'hui d'être remboursés à 35 % alors que leur service médical a été jugé insuffisant. Cependant, les personnes actuellement exonérées du ticket modérateur, par exemple lorsqu'elles sont en ALD, ne seront pas concernées par cette mesure. Celle-ci devrait permettre de réaliser 145 millions d'euros d'économies. Quatre taux de remboursement existeraient désormais : 100 % pour les médicaments irremplaçables et très coûteux, 65 % lorsque le service médical rendu est jugé important, 35 % lors qu'il est jugé modéré et 15 % lorsqu'il est faible. Les analgésiques, tels que l'aspirine ou le paracétamol, resteront remboursés à 65 %.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin a insisté sur le fait que toute diminution du taux de remboursement est compensée par l'entrée dans la liste des produits remboursables de médicaments présentant un intérêt thérapeutique très élevé, pour un montant global annuel d'environ 1 milliard d'euros.

S'agissant des établissements de santé, elle a indiqué que le taux de progression de l'Ondam sera également de 2,8 %, comme pour les soins de ville. Il permettra de financer les plans de santé publique, la deuxième tranche du plan « Hôpital 2012 » et la première étape du processus de revalorisation salariale des professionnels paramédicaux. Mais ce taux exigera aussi de poursuivre les efforts d'amélioration de la performance des établissements de santé.

Ainsi, si le PLFSS pour 2010 propose de repousser de 2012 à 2018 la date d'achèvement de la convergence intersectorielle entre les tarifs du secteur public et ceux du secteur privé, il prévoit parallèlement d'expérimenter une nouvelle approche de la convergence, ciblée sur certains types de séjours s'y prêtant plus particulièrement, notamment la chirurgie ambulatoire.

Par ailleurs, cinquante établissements mettront en oeuvre des projets de transformation hospitalière qui, coordonnés par la nouvelle agence nationale pour la performance hospitalière (Anph), porteront sur leurs modalités d'organisation et de fonctionnement.

Enfin, le forfait journalier hospitalier, créé en 1983 pour participer aux frais d'hébergement à l'hôpital, et qui n'a pas augmenté depuis 2007, passera de 16 euros à 18 euros dans les services de médecine, chirurgie et obstétrique (MCO) et les services de soins de suite et de réadaptation, et de 12 euros à 13,5 euros dans les services de psychiatrie. Toutefois, les assurés les plus modestes, ainsi que les femmes enceintes et les victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, continuent d'être exonérés de ce forfait. Pour les autres patients, le forfait hospitalier pourra être pris en charge par les organismes de complémentaire santé. Cette mesure, qui représente une économie de l'ordre de 160 millions d'euros, ne modifiera donc pas le niveau du reste à charge des ménages pour les frais d'hospitalisation.

En ce qui concerne la pandémie grippale, la ministre a rappelé que le Gouvernement a fait le choix d'une politique de prévention grâce à une large campagne de vaccination qui devrait permettre de limiter le nombre de personnes affectées. Elle a également salué le geste des organismes de complémentaire santé qui se sont engagés à participer au financement de ces vaccins. En raison de leur caractère exceptionnel, les dépenses liées à la grippe ne seront pas comptabilisées dans l'appréciation du respect de l'Ondam par le comité d'alerte.

Pour conclure, Mme Roselyne Bachelot-Narquin s'est engagée à poursuivre en 2010 les efforts menés pour respecter le taux de progression de l'Ondam et ainsi diminuer le déficit de la branche maladie sans modifier les principes fondamentaux sur lesquels repose le système de protection sociale français.

Au sujet de la branche vieillesse, M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, a tout d'abord indiqué que le PLFSS pour 2010 propose de maintenir le dispositif de majoration de durée d'assurance (MDA) des mères de famille, tout en le faisant évoluer afin de tenir compte d'un arrêt de la Cour de cassation rendu en février dernier. La durée globale de majoration de la durée d'assurance sera maintenue à deux ans. Elle comprendra deux parts de quatre trimestres chacune : la première au titre de la grossesse et de la maternité, la seconde au titre de l'éducation de l'enfant. Pour les enfants déjà nés, cette seconde part bénéficiera systématiquement à la mère sauf si le père démontre explicitement, avant la fin de l'année 2010, qu'il a élevé seul son enfant. Pour les enfants nés après le vote du PLFSS, cette deuxième part sera accordée, dans le silence observé par le couple, à la mère mais pourra faire l'objet d'une répartition au sein du couple en cas d'accord entre ses membres. Ce dispositif sera, par ailleurs, étendu en cas d'adoption.

Une deuxième mesure importante du PLFSS pour 2010 concerne les personnes invalides dites « de première catégorie », c'est-à-dire celles dont le niveau d'incapacité permet la poursuite d'une activité. Jusqu'à présent, en effet, en raison de l'interruption de la pension d'invalidité à soixante ans, ces dernières étaient contraintes de cesser leur activité professionnelle à cet âge. Désormais, celles qui le souhaitent pourront percevoir leur pension d'invalidité jusqu'à soixante-cinq ans.

La troisième mesure notable concerne le doublement de la taxation des « retraites chapeau » afin de mettre sur un pied d'égalité l'ensemble des régimes de retraite supplémentaire.

M. Xavier Darcos a ensuite présenté les mesures relatives à la branche accidents du travail - maladies professionnelles (AT-MP). Le PLFSS instaure un système de « bonus-malus » plus efficace en matière de prévention. Il est proposé, d'une part, de simplifier les mécanismes de majoration de cotisations existants en cas de risque avéré ou récurrent d'accident du travail (le malus), d'autre part, de créer une nouvelle incitation financière pour les entreprises qui réalisent des investissements en matière de prévention (le bonus). Il s'agit ainsi de transposer les orientations définies avec les partenaires sociaux dans le cadre d'un accord signé au mois de mars 2007.

S'agissant de la branche famille et conformément au souhait du Gouvernement de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, le PLFSS pour 2010 propose l'extension du prêt à l'amélioration de l'habitat aux assistants maternels. Il s'agira d'un prêt à taux zéro de 10 000 euros remboursables sur cent vingt mois. Par ailleurs, le développement des modes de garde d'enfants sera poursuivi. Près de 100 000 places d'accueil seront créés à l'horizon 2012, soit un effort de 5 milliards d'euros.

Dans le champ médico-social, le PLFSS pour 2010 maintient l'effort en faveur des personnes dépendantes et handicapées. En dépit du contexte économique dégradé, le taux de l'Ondam médico-social sera ainsi fixé à 5,8 % en 2010. M. Xavier Darcos a indiqué que tous les engagements du Gouvernement seront tenus.

Pour les personnes âgées, la mise en oeuvre du plan Alzheimer se traduira par la création de pôles d'activité et de soins Alzheimer (Pasa), d'unités d'hébergement renforcé (UHR) ainsi que par la mise en place d'équipes mobiles pluridisciplinaires. En outre, 7 500 places nouvelles en maisons de retraite - contre 5 000 prévues initialement - seront financées, ainsi que 6 000 places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).

Pour les personnes handicapées, le plan de création de places annoncé par le Président de la République lors de la conférence nationale du handicap du 10 juin 2008 permettra de financer 50 000 places nouvelles sur sept ans (12 000 places pour les enfants handicapés et 38 000 places pour les adultes handicapés).

Le PLFSS 2010 remédie enfin à une difficulté majeure en proposant de permettre aux établissements de financer sur leurs budgets les frais de transport des adultes handicapés qui se rendent en accueil de jour.

Puis Mme Nora Berra, secrétaire d'Etat chargée des aînés, a affirmé que la solidarité avec les personnes âgées constitue une priorité du Gouvernement comme en témoigne l'objectif d'évolution de l'Ondam médico-social prévu en 2010 à 5,8 %. 550 millions d'euros de moyens nouveaux devraient être ainsi dégagés afin de financer 7 500 places en établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), 6 000 places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) et 3 300 places d'accueil jour et d'hébergement temporaire.

En 2010, la montée en puissance du plan Alzheimer devrait également se vérifier avec :

- la création de six cents pôles d'activité et de soins ;

- l'attribution de 100 millions d'euros d'aides à l'investissement pour accompagner la création et la modernisation des établissements qui s'adaptent aux besoins des personnes atteintes par cette maladie ;

- l'augmentation de 7 millions d'euros de l'enveloppe de financement des frais de transports dans les accueils de jour qui le nécessitent pour améliorer l'accès aux services et réduire le reste à charge des familles ;

- la réforme de la tarification des services de soins infirmiers à domicile, afin de mieux rémunérer les soins lourds et de faciliter le maintien à domicile des personnes malades.

Mme Nora Berra a souligné que des réformes structurelles sont engagées grâce à la loi HPST du 21 juillet 2009. Le passage à une logique de projets dans le financement des nouveaux établissements, tout comme le décloisonnement, par les ARS, de la santé de ville, de l'hôpital et du médico-social sont des éléments de la modernisation du secteur médico-social.

Enfin, une expérimentation devrait être engagée concernant la gestion des médicaments par les Ehpad, 20 % des hospitalisations des personnes de plus de quatre-vingts ans étant dues à un mauvais usage du médicament.

M. Alain Vasselle, rapporteur général, a fait part de la vive préoccupation que lui inspire le niveau de la dette qui devra être portée par l'Acoss en 2010 au titre de sa mission de gestion de la trésorerie du régime général. Il a souhaité obtenir plus de précisions sur la manière dont l'Agence France Trésor interviendra pour procéder à des émissions complémentaires au nom de l'Acoss, sur le coût financier de ces émissions et sur les raisons de l'appel à cet organisme plutôt qu'à la Cades. En tout état de cause, cette solution ne doit pas remettre en cause le principe de séparation de la dette de l'Etat et de la dette de la sécurité sociale, seul à même de permettre la transparence, la lisibilité et le suivi des comptes. Par ailleurs, ne prend-on pas un risque majeur en maintenant un niveau de dette aussi élevé à l'Acoss alors que la situation actuelle, exceptionnellement favorable en matière de taux, pourrait se retourner et rendre la solution choisie par le Gouvernement périlleuse ? Plus on attend pour traiter les déficits sociaux, plus le coût en sera élevé pour les Français. En effet, même un retour de la croissance ne pourra permettre d'absorber ces déficits, surtout si on les place en perspective des prévisions établies pour les quatre prochaines années, c'est-à-dire une stabilisation du déficit annuel à environ 30 milliards d'euros. Il conviendra donc de mobiliser un jour les recettes nécessaires au financement de la protection sociale, sauf à déplacer les curseurs dans la répartition des charges entre les différents acteurs concernés.

Puis, il a souhaité connaître la position du Gouvernement sur la proposition d'exclure la CRDS du bouclier fiscal. Il a ensuite demandé si le report de la convergence intersectorielle à 2018 était accompagné d'un échéancier pour parvenir à cet objectif, regrettant au passage l'inertie et la lenteur de réalisation des études prévues pour mesurer les écarts de coûts : seules deux études ont été en partie menées à bien, sur la précarité et sur la permanence des soins ; il est impératif qu'une réelle volonté du Gouvernement se manifeste pour l'achèvement rapide des quatorze autres études. Il a ensuite demandé des précisions sur l'annonce par la ministre de la santé de la mise en oeuvre d'un début de convergence sur certains tarifs.

Enfin, il a fait observer que l'article 29 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 relatif aux affections de longue durée ne reprend pas les recommandations de la Haute Autorité de santé sur le sujet et ne traite que d'un point, déjà en partie pris en compte à travers l'ordonnancier bi-zone.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, a souhaité connaître le montant du déficit du régime agricole pour 2010. Il a par ailleurs demandé si les assistantes maternelles qui se regroupent pour l'exercice de leur activité pourraient également avoir chacune accès au prêt à taux zéro que le PLFSS ouvre aux assistantes maternelles à titre individuel. Sur ce sujet, il s'est vivement élevé contre la convention mise au point pour organiser les regroupements d'assistantes maternelles car elle ne correspond pas à l'inspiration de la réforme engagée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 et tue les expérimentations en cours.

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour la branche vieillesse, rappelant l'émotion suscitée par la jurisprudence de la Cour de cassation, s'est félicité du choix du Gouvernement de préserver le dispositif de majoration des durées d'assurance pour les mères de famille. Il a jugé très positif d'y ajouter le cas de l'adoption d'enfant. Il a demandé quel serait le calendrier pour le rendez-vous sur les retraites en 2010. Il a estimé courageux d'abaisser le taux K à 1 % en 2010 et s'est interrogé sur les moyens d'équilibrer les transferts de prescription de médicaments entre le secteur public et le secteur privé, la progression des prescriptions étant actuellement très élevée à l'hôpital.

M. André Lardeux, rapporteur pour la branche famille, a également insisté sur la nécessité de revoir la convention mise au point pour les regroupements d'assistantes maternelles car, en l'état, celle-ci ne répond pas au souhait du législateur. Par ailleurs, la commission des affaires sociales a plusieurs fois fait valoir l'utilité qu'il y aurait à assouplir certaines normes réglementaires d'encadrement dans les crèches collectives : la réflexion a-t-elle progressé sur ce sujet ? En ce qui concerne la situation des comptes, on constate que le déficit de la branche famille s'accroît nettement cette année : ne serait-il pas judicieux d'augmenter un peu la CSG dès 2010 pour y faire face plutôt que d'attendre 2012 ou 2013 et de procéder alors à des augmentations de bien plus grande ampleur ? Enfin, au-delà même des négociations conventionnelles sur les dépassements d'honoraires, ne pourrait-on pas prévoir une taxation à un niveau très élevé des dépassements abusifs et non justifiés ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, s'est interrogé sur la soutenabilité dans le temps de déficits annuels de la sécurité sociale supérieurs à 30 milliards d'euros. Le plafond de trésorerie de l'Acoss pour 2010, fixé à 65 milliards d'euros, soit trois fois le montant de celui voté pour 2009, n'est-il pas lui aussi dangereux ? En tant que président du conseil de surveillance de la Cades, il a estimé possible de placer les Français face à leur dette sociale et d'expliquer la nature, en partie structurelle et non seulement conjoncturelle, du déficit social. Tout report de décision en la matière est en effet très coûteux. Par ailleurs, le transfert au FSV de 600 millions d'euros de dépenses nouvelles n'a pour seul objectif que d'amoindrir à la marge le déficit du régime général. Quelle est la position du Gouvernement sur la proposition de la Cour des comptes d'annualiser les allégements généraux dont bénéficient les entreprises et, plus généralement, sur l'idée d'une révision de la politique d'allégements de charges sociales ? Enfin, sur quelle ligne budgétaire est inscrite la dépense de l'Etat au titre des vaccins contre la grippe H1N1 ?

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a d'abord indiqué que l'Agence France Trésor devrait émettre en 2010 entre 10 et 15 milliards d'euros de « euro commercial papers », bons à court terme, pour le compte de l'Acoss ; sa très grande connaissance des marchés financiers et sa signature triple A permettront à l'Acoss de bénéficier du meilleur coût tout en laissant les choix ouverts pour l'avenir. Il est en effet impossible de savoir aujourd'hui quelles seront les recettes de l'Etat et de la sécurité sociale en 2010 et les années suivantes ; après la chute spectaculaire des recettes subie en 2009, il est encore difficile de prévoir quand interviendra le redressement et quelle sera l'élasticité des recettes par rapport à la croissance. 2010 sera une année de transition et les perspectives pluriannuelles pour la sécurité sociale au cours des années suivantes sont préoccupantes car le déficit devrait se stabiliser autour de 30 milliards d'euros, sans prise en compte des mesures structurelles ou des efforts supplémentaires qui pourraient être engagés d'ici là.

Le Gouvernement ne souhaite pas revenir sur le bouclier fiscal : le principe de ce bouclier, à savoir limiter l'impact des prélèvements à 50 % des revenus, est protecteur pour la France ; il doit rester clair et ne souffrir aucune exception.

Le déficit du régime des exploitants agricoles atteint 1,1 milliard d'euros en 2009 et devrait s'élever à 1,3 milliard en 2010, soit un niveau inférieur à celui des années précédentes : il ne traduit en effet désormais que le déficit de la branche vieillesse du régime du fait de l'intégration de sa branche maladie au régime général.

L'opération, mentionnée par Jean-Jacques Jégou, d'achat par l'Agence France Trésor de 5 milliards d'euros de billets de trésorerie émis par l'Acoss est intervenue dans le cadre de l'optimisation de la gestion de la trésorerie de l'Etat ; les trésoreries d'autres organismes seront, de la même manière, prochainement mutualisées au profit de l'Acoss.

L'essentiel de la dégradation des comptes du FSV est dû à la crise ; la décision de transférer 0,2 point de CSG du FSV à la Cades a été prise à un moment où le FSV était en excédent ; ce transfert ne modifie, quoi qu'il en soit, en rien le montant des déficits globaux.

La dette française n'est pas plus importante que celles de bien d'autres pays, à commencer par l'Allemagne ; elle est nettement inférieure à celles du Japon, des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne. La note triple A dont bénéficie la France de façon durable témoigne de la confiance des investisseurs dans notre pays ; peu de nos voisins sont d'ailleurs à ce niveau et l'écart de taux entre l'Allemagne et la France est actuellement très faible.

La proposition d'annualiser le calcul des allégements généraux de charges sociales mérite d'être étudiée car elle permettra sans doute d'éviter quelques abus. Elle fait partie du cadre de la mission récemment confiée à Jean-Luc Tavernier sur le sujet des allégements de charges. Néanmoins, revenir sur ces allégements conduit à augmenter les charges pesant sur les entreprises et donc à accroître le coût du travail.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé et des sports, a justifié le report de l'horizon de la convergence par la nécessité de mener à terme toutes les études permettant de justifier les écarts légitimes de tarifs. Le rapport qui sera remis prochainement au Parlement sur ce sujet montrera les avancées importantes réalisées au cours des deux dernières années, en particulier en 2009 puisque les écarts de tarifs entre le secteur public et le secteur privé seront passés de 40 % en 2007 à 37 % en 2008 puis 27 % en 2009. La convergence est d'ailleurs déjà effective dans certains domaines comme l'hospitalisation à domicile ou la dialyse. En outre, depuis le 1er janvier dernier, toutes les nouvelles prestations d'hospitalisation se voient affecter un tarif identique, quel que soit le secteur. Sur l'ensemble des études prévues, deux ont été réalisées, sur la précarité et sur la permanence des soins, plusieurs autres devraient être prochainement achevées, en particulier les études sur les charges en soins, les activités non programmées, les effets de gamme et de taille, les charges pesant sur le travail.

La convergence ciblée répond à une nouvelle approche ; elle sera expérimentée en 2010 sur quelques dizaines de groupes homogènes de séjour (GHS), représentant un montant d'environ 150 millions d'euros. Il s'agit d'une mesure d'accompagnement du report de la convergence intersectorielle à 2018 ; elle est subsidiaire à la méthodologie générale d'études objectives sur les écarts de coûts entre les secteurs public et privé. Une mission a été confiée à l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (Atih) pour définir les GHS concernés qui se trouveront essentiellement dans les domaines de la chirurgie ambulatoire et de la chirurgie légère.

La disposition du PLFSS sur les ALD reprend une mesure du plan Cancer 2. Elle n'est pas exclusive de l'approche médicalisée et évolutive conduite en parallèle, par exemple en ce qui concerne certaines actions de prévention ou la généralisation des programmes d'éducation et d'accompagnement thérapeutique, comme le programme Sofia de la Cnam. Certaines recommandations de la HAS nécessiteraient d'ailleurs d'être précisées comme l'a souligné la Cour des comptes dans son dernier rapport sur la sécurité sociale.

Les mouvements entre l'hôpital et la ville en matière de prescription médicale sont difficiles à identifier mais ils interviennent probablement dans les deux sens. La baisse du taux K à 1 % en 2010 est justifiée par le ralentissement de la croissance économique et les prévisions effectuées en matière de médicament.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin a fait état de sa très forte détermination à sanctionner les dépassements d'honoraires. Il n'est pas acceptable que sur les 2 milliards d'euros qu'ils représentent, deux tiers soient à la charge des patients. De même, il n'est pas tolérable que, après un accouchement, 52 % des parturientes aient à supporter un reste à charge moyen de 118 euros, et 10 % une somme supérieure à 300 euros. Une grande campagne va ainsi être lancée en direction des assurés afin de les informer de leurs droits et des recours existants ; les ordres des médecins se sont engagés à faire des rappels à la déontologie. Par ailleurs, toutes les mesures récemment adoptées pour améliorer la transparence des tarifs - affichage des honoraires dans les salles d'attente, délivrance d'une information écrite préalable - seront contrôlées, de même que sera sanctionné le non-respect du tact et de la mesure. Le décret d'application de l'article 54 de la loi HPST sera d'ailleurs bientôt pris : il fournira une définition de la notion de tact et mesure ainsi que du refus de soins. Enfin, l'avancée vers le secteur optionnel, si la négociation conventionnelle en cours aboutit, constituera un autre élément de réponse.

En ce qui concerne les dépenses liées à la grippe H1N1, la dotation de l'établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (Eprus) figure à l'article 6 du PLFSS, la participation des complémentaires, soit 30 millions d'euros, à son article 10 et la neutralisation de ces dépenses pour l'éventuelle mise en oeuvre de la procédure d'alerte à l'article 28.

M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, a confirmé que la disposition du PLFSS ne permet l'extension du prêt à taux zéro que pour le domicile des assistantes maternelles ; il s'est néanmoins montré ouvert à une modification de la mesure au profit des regroupements d'assistantes maternelles. Une concertation a été lancée par Nadine Morano, secrétaire d'Etat chargée de la famille, avec l'ensemble des partenaires sur les normes applicables à l'accueil collectif des enfants. Il n'est pas favorable à une modification des critères d'encadrement, à savoir un adulte pour cinq bébés et un adulte pour huit enfants qui marchent, mais souhaite que la réflexion sur la formation et la qualification du personnel puisse se poursuivre.

La mesure nouvelle relative au FSV ne conduit pas à l'appauvrir mais seulement à neutraliser les effets du transfert des majorations de pensions. A ce sujet, comme pour l'ensemble de la question des retraites, une audition spécifiquement consacrée à ces questions pourrait être utilement organisée.

M. Jean-Pierre Fourcade, en sa qualité de membre du conseil de surveillance du fonds CMU, a fait observer que l'on assiste actuellement à une forte augmentation du nombre des assurés de base à la CMU : comment sera financé cet accroissement des effectifs pris en charge à ce titre ? Par ailleurs, la négociation sur les dépassements d'honoraires comprend-elle un volet sur les refus de soins ?

M. Paul Blanc a insisté sur le problème de la démographie médicale en milieu rural et sur l'importance du temps médical accordé par les professionnels de santé à leurs patients. Les mesures incitatives actuelles, comme l'aide à l'installation ou les exonérations fiscales, seront-elles reconduites au-delà de 2010 ? Les ARS qui vont bientôt se mettre en place pourront-elles régler la question du manque de médecins en milieu rural ?

M. François Autain a d'abord déploré les conditions précipitées dans lesquelles a lieu cette audition commune des différents ministres en charge du PLFSS ; l'organisation d'auditions séparées pour chacune des branches de la sécurité sociale lui paraîtrait mieux à même de permettre l'information des sénateurs.

Le problème essentiel auquel est confrontée la sécurité sociale est celui de la résorption de sa dette cumulée qui atteindra 300 milliards d'euros à la fin de 2013 et qui ne pourra sans doute se faire qu'à travers une augmentation des prélèvements obligatoires. Il faut en effet rappeler que, sans une augmentation de ces prélèvements, on n'aurait jamais pu augmenter la part des dépenses de santé dans le Pib qui n'était que de 4 % il y a encore une trentaine d'années. En outre, plus on retarde la hausse de ces prélèvements, plus les décisions seront difficiles. Il est en tout état de cause nécessaire de procéder à une modification de l'assiette de ces prélèvements.

Il s'est étonné de la décision de reporter à 2018 la convergence tarifaire au moment même où on semble la mettre effectivement en place dans un certain nombre de domaines. En ce qui concerne les déremboursements de médicaments, il serait plus logique de supprimer totalement le remboursement des médicaments à service médical rendu insuffisant plutôt que de baisser leur taux de remboursement. De même, il est surprenant que chaque année environ deux cent cinquante médicaments nouveaux soient mis sur le marché, à un prix parfois très élevé, sans pour autant qu'ils apportent une amélioration thérapeutique par rapport à l'arsenal existant. Pourquoi n'a-t-on pas retenu les propositions du conseil de la Cnam visant à donner un droit de veto au directeur de l'Uncam pour l'inscription de nouveaux médicaments au remboursement ou pour permettre une mise en concurrence des fabricants de génériques ?

Enfin, globalement, la maîtrise médicalisée des dépenses n'est pas une réussite. Il n'est pas correct de dire que les économies sur les indemnités journalières participent à la maîtrise médicalisée ; il s'agit plutôt de mesures de contrainte, renforcées par le développement des contre-visites commanditées par les entreprises.

Mme Annie David a également contesté les méthodes de travail et l'organisation de cette audition. Puis elle a relevé une contradiction dans l'approche du Gouvernement entre l'analyse des causes de la situation actuelle et les solutions proposées pour y remédier. Ainsi, en matière de recettes, aucune nouvelle taxation des stock-options n'est prévue alors qu'un accroissement de celle-ci permettrait de récupérer 3 milliards d'euros pour la sécurité sociale. Le Gouvernement se félicite de la baisse des dépenses d'arrêts maladie du fait de l'augmentation des contrôles mais, sur ce point, ne serait-il pas plus favorable pour les caisses de protection sociale que l'on améliore les conditions de travail et que l'on engage de vraies négociations sur le stress au travail ? Le plan en faveur des personnes handicapées prévoit 50 000 places supplémentaires à leur profit : combien sont budgétairement programmées en 2010 ? Enfin, le mécanisme des majorations de pensions attribuées aux femmes tire une grande partie de sa légitimité des inégalités professionnelles constatées entre les femmes et les hommes et notamment des écarts de salaires qui sont en moyenne de 20 %. Dans ces conditions, la réforme proposée qui conduit à permettre un choix au sein du couple pour la moitié de la majoration doit être examinée avec prudence.

M. Jacky Le Menn a rappelé que la convention médicale actuellement en vigueur vient à échéance à la fin du mois de février 2010 ; il a souhaité savoir ce qui est prévu pour son éventuel renouvellement et sur la façon dont cette convention s'articulera avec les négociations que les ARS engageront avec les médecins. A ce sujet, il a demandé des précisions sur les conditions de mise en place des ARS et sur l'état des discussions avec les différentes catégories de personnels concernées. Il a souligné le risque que la mise en place du secteur optionnel pourrait faire apparaître s'il était ouvert aux professionnels du secteur 1. Enfin, est-il prévu d'intégrer le secteur de la psychiatrie à la tarification à l'activité des établissements de santé ?

Mme Michèle André a souhaité que soit organisée une audition du ministre Xavier Darcos spécifiquement consacrée à la question de la retraite des mères de familles car celle-ci nécessite un débat approfondi.

Sur ce point, M. Xavier Darcos a considéré qu'il serait très exceptionnel que la deuxième part des majorations de pensions revienne au père de famille ; néanmoins, la question est fondée. Des décisions seront d'ailleurs bientôt prises sur le sujet central de l'égalité professionnelle hommes-femmes car il n'est pas acceptable de constater des écarts de salaires de 20 % pour un même métier. La création de 50 000 places supplémentaires pour les personnes handicapées s'échelonnera sur une période de six ans et 5 500 seront réalisées dès 2010.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin a reconnu que le débat sur l'augmentation des prélèvements obligatoires affectés à l'assurance maladie peut se poser du fait de l'allongement de la durée de la vie. Toutefois, il faut le mettre en regard du constat selon lequel la France est le deuxième pays au monde pour les dépenses de soins et le premier pour les dépenses consacrées à l'hôpital. Dans ce contexte, tout accroissement des prélèvements conduit d'abord à toucher le pouvoir d'achat des Français. Le dernier rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale montre d'ailleurs qu'il existe de très grandes marges d'efficience à l'hôpital. De la même façon, des efforts supplémentaires peuvent être accomplis en matière de maîtrise médicalisée des dépenses dont les résultats restent, dans certains secteurs, décevants. Pour la mise sur le marché de nouveaux médicaments à un tarif amélioré, il est impératif que ceux-ci apportent une réelle innovation, ce qui peut notamment être le cas de molécules anticancéreuses. La négociation sur les dépassements d'honoraires ne peut intégrer la question du refus de soins car celui-ci est constitutif d'un délit, sanctionné par la loi.

Pour conclure, Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales, s'est engagée à organiser rapidement l'audition complémentaire de certains des ministres pour permettre l'information plus complète des commissaires.