Mardi 12 janvier 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Réforme des collectivités territoriales - Examen du rapport pour avis

La commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Charles Guené, rapporteur pour avis, sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales n° 60 (2009-2010).

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a indiqué que le projet de loi de réforme des collectivités territoriales est le quatrième élément d'un ensemble législatif qui procède à une réforme majeure des collectivités territoriales, portant à la fois sur l'architecture territoriale et la démocratie locale, et qui précède une redéfinition des compétences des différents niveaux de collectivités.

Les quatre textes déposés sur le bureau du Sénat le 21 octobre 2009 sont essentiellement de nature institutionnelle et ont, en conséquence, été renvoyés pour examen au fond à la commission des lois.

Toutefois, cette réforme est menée en parallèle de celle de la fiscalité locale engagée par la loi de finances pour 2010 avec la suppression de la taxe professionnelle.

Cet élément justifie à lui seul la saisine pour avis de la commission des finances qui doit s'efforcer de préserver la cohérence entre les deux volets, institutionnel et financier, de la réforme des collectivités territoriales.

Puis M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a détaillé le contenu des cinq titres du projet de loi de réforme des collectivités territoriales respectivement consacrés :

- à la rénovation de l'exercice de la démocratie locale, comportant les dispositions relatives aux conseillers territoriaux et aux conseils communautaires ;

- à l'adaptation des structures à la diversité des territoires, ce qui inclut les dispositions concernant les métropoles, les pôles métropolitains, les communes nouvelles et le regroupement de départements et de régions ;

- au développement et à la simplification de l'intercommunalité, visant les dispositifs relatifs à l'achèvement et la rationalisation de la carte de l'intercommunalité et à la composition et aux compétences de la commission départementale de la coopération intercommunale ;

- à la clarification des compétences des collectivités territoriales ;

- et à des dispositions finales et transitoires.

Il a précisé que la saisine de la commission des finances est limitée aux articles ayant une incidence sur les finances des collectivités territoriales et les nouvelles structures institutionnelles prévues par le projet de loi. Ce sont ceux relatifs aux métropoles (article 5), aux communes nouvelles (articles 8, 9 et 10) ainsi que l'article 35, relatif à la clarification des compétences des collectivités territoriales pour ses dispositions concernant les financements croisés.

S'agissant de la création des métropoles, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a noté que la création de ce statut est liée à un double constat de montée en puissance du fait urbain, réclamant la mise en oeuvre de politiques publiques très intégrées, et de compétition entre les grandes agglomérations.

La métropole est définie comme un nouvel établissement public de coopération intercommunale (EPCI), regroupant, sur la base du volontariat, plusieurs communes qui forment un ensemble de plus de 450 000 habitants d'un seul tenant et sans enclave. Elle est constituée pour conduire un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif et culturel de son territoire.

En conséquence de ces critères, le statut de métropole est accessible à huit agglomérations : Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice et Strasbourg.

Il a ensuite exposé les modalités de création des métropoles, par regroupement de communes ou par transformation d'un EPCI à fiscalité propre.

Il a détaillé :

- les compétences de la métropole issues des communes membres, et exercées de plein droit, en leur lieu et place, observant que leur périmètre est élargi par rapport à celui des communautés urbaines ;

- les attributions reçues de plein droit du département, qui comprennent les transports scolaires et la gestion des voies départementales, la métropole pouvant également, par transfert facultatif, avec l'accord du département, exercer la compétence en matière de collèges ainsi que tout ou partie des compétences en matière d'action sociale ;

- les compétences transférées de la région en matière de lycées et les compétences transférées conventionnellement en matière de développement économique entre la région et la métropole.

Enfin, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a indiqué que si la métropole le demande, l'Etat peut décider de lui transférer, à titre gratuit, des grands équipements ou infrastructures situés sur son territoire.

Abordant ensuite les dispositions financières applicables aux métropoles, il a noté que, s'agissant des recettes, le texte initial du projet prévoit qu'elles comprennent notamment le produit des impôts directs locaux, le produit de la taxe ou de la redevance d'enlèvement des ordures ménagères ainsi qu'une dotation globale de fonctionnement (DGF) de la métropole composée d'une dotation forfaitaire - égale soit au total des dotations d'intercommunalité revenant précédemment aux EPCI qui préexistaient, soit au produit de la population de la métropole par la dotation moyenne par habitant de la catégorie des communautés urbaines -, d'une dotation de compensation et d'une dotation communale composée de la somme des dotations dues aux communes membres de la métropole au titre de la dotation globale de fonctionnement.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a précisé les modalités de la compensation financière des transferts de compétences, l'évaluation des charges transférées étant placée sous le contrôle d'une commission consultative d'évaluation des charges alors qu'une dotation de compensation versée par la région et le département assure la neutralité du transfert.

Il a observé que les charges transférées par les communes sont compensées par le transfert à la métropole des principales recettes fiscales et de la DGF, une dotation de reversement étant versée par la métropole aux communes si les recettes transférées sont supérieures aux charges transférées.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a présenté les modifications apportées au texte du Gouvernement par la commission des lois. Notant que la commission a validé le principe de la création des métropoles, il a souligné les importantes évolutions apportées au périmètre de compétences et à la répartition des recettes fiscales et budgétaires entre la métropole et les communes membres :

- introduction de l'intérêt communautaire pour le transfert à la métropole des équipements culturels, socioculturels, socioéducatifs et sportifs, dans le souci de maintenir la compétence des communes pour ce qui relève de la proximité ;

- suppression du transfert à la métropole de la compétence relative à la délivrance des autorisations et actes relatifs à l'occupation ou à l'utilisation du sol ;

- ajout à la compétence de la métropole, en matière d'amélioration du parc immobilier bâti, de la réhabilitation et la résorption de l'habitat insalubre ;

- précisions relatives à la procédure de transfert des services correspondant aux compétences du département transférées à la métropole et ouvrant la possibilité de mutualisation des services ;

- limitation du pouvoir fiscal de la métropole et suppression de la dotation de reversement de la métropole vers les communes membres ;

- obligation d'une délibération concordante pour le transfert de la DGF des communes membres à la métropole.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a observé que ces amendements ont nettement amélioré le texte initial.

Toutefois, il a jugé nécessaire, dans le domaine de la définition des recettes budgétaires et fiscales et du partage de ces recettes entre les communes membres et la métropole, de modifier sur quelques points le texte adopté par la commission des lois, pour prendre en compte les votes intervenus dans le cadre de l'examen de la loi de finances pour 2010 concernant la suppression de la taxe professionnelle et la réforme de la fiscalité locale qui en a découlé, mais aussi pour aller davantage dans le sens du texte initial s'agissant de la nécessité de doter les métropoles d'un dispositif fiscal et budgétaire très intégré, qui les différencie des communautés urbaines.

Abordant ensuite le sujet de la création des communes nouvelles, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a souligné que le projet de loi vise à donner un nouveau dynamisme au processus de fusion de communes.

L'émiettement du paysage communal français est, dans de nombreux cas, préjudiciable à l'efficacité de l'action publique, les plus petites communes n'ayant ni les moyens humains ni les moyens financiers de faire face aux charges qui leur incombent.

A cet égard, il a noté que la loi du 16 juillet 1971, dite « loi Marcellin », principale initiative prise pour remédier à l'émiettement communal, s'est soldée par un « échec incontestable ».

Le projet de loi prévoit donc, pour répondre à un impératif de rationalisation, la possibilité de créer des « communes nouvelles », qui se substitueraient à plusieurs communes et auraient, seules, le rang de collectivités territoriales.

Il s'est déclaré en faveur du rétablissement d'une incitation au regroupement des communes en communes nouvelles, la commission des lois ayant choisi de supprimer cette incitation, ce qui risque de rendre le dispositif proposé peu opérationnel.

Enfin, il a évoqué le dispositif de l'article 35, qui vise notamment la question des cofinancements de projets par plusieurs collectivités territoriales, sujet qui fera partie des points traités par le futur projet de loi précisant la répartition des compétences entre les différentes catégories de collectivités territoriales.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a souligné que l'article 35 constitue une simple déclaration de principe, dépourvue de valeur normative, comme l'a relevé le rapporteur de la commission des lois.

Il a observé que celle-ci en a toutefois largement modifié la rédaction pour :

- poser le principe d'une « répartition » de l'intervention publique en fonction de l'envergure des projets et de la capacité du maître d'ouvrage à y participer, ce qui vise à mettre en place une intervention alternative de la région ou du département dans le financement d'un projet ;

- prévoir que le futur projet de loi « confirmera » le rôle du département dans le soutien aux communes rurales.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il n'a pas jugé utile de proposer d'amendements sur cette partie du texte, étant donné son caractère très déclaratoire. En revanche, il a estimé qu'il conviendra de suivre avec attention cette question lors du débat sur la loi relative aux compétences.

Un large débat s'est alors ouvert.

M. Jean Arthuis, président, a remercié le rapporteur pour avis de son travail de coordination avec les dispositions de la loi de finances pour 2010 relatives à la fiscalité locale. Par ailleurs, il a salué la décision du Conseil constitutionnel sur la loi de finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est félicité de la validation par la décision du Conseil constitutionnel de l'approche du Sénat concernant la taxe professionnelle, soulignant que le texte initial du Gouvernement était plus fragile.

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que certains de ces sujets feront l'objet d'un nouvel examen par le Parlement en juin ou juillet 2010, dans le cadre de la clause de rendez-vous.

Concernant le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est interrogé sur deux aspects du texte : l'étendue du transfert à la métropole des compétences du département, en particulier la prise en charge des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), et le caractère exclusif des compétences sociales accordées au département, qui semble résulter de la rédaction actuelle de l'article 35.

M. Michel Charasse s'est demandé si l'article 35 ne conduit pas à la remise en question du rôle du département. La rédaction de cet article est particulièrement floue, notamment concernant le transfert des SDIS.

Sur ce sujet, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a précisé qu'il n'a pas souhaité empiéter sur les attributions de la commission des lois et qu'il ne propose donc pas d'amendements relatifs aux compétences des métropoles. De même, en ce qui concerne l'article 35, la saisine de la commission des finances s'est limitée à la question des cofinancements de projets par plusieurs collectivités territoriales. L'article 35 est d'ailleurs dépourvu de caractère normatif et n'a donc pas de conséquences financières.

M. Jean Arthuis, président, est convenu que ces questions sont à la lisière du périmètre de la saisine de la commission.

MM. Philippe Adnot et Philippe Dallier se sont inquiétés du coût des métropoles dans l'enveloppe fermée de la dotation globale de fonctionnement des communes et de l'effet du coefficient d'intégration fiscale. M. Philippe Adnot a par ailleurs souligné le risque de coûts supplémentaires résultant du dédoublement de services entre le département et la métropole.

En réponse, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a précisé que le projet de loi prévoit la possibilité de mutualiser les services, ce qui évite les coûts supplémentaires. Concernant la DGF, le coût sera nul pour les finances publiques car l'enveloppe actuelle de la DGF est maintenue.

La commission a ensuite procédé à l'examen des amendements proposés par le rapporteur.

À l'article 5 (création des métropoles), elle a adopté neuf amendements. Elle a tout d'abord voté un amendement rédactionnel et un amendement établissant un régime fiscal spécifique aux métropoles, plus intégré que le régime fiscal des communautés urbaines et tirant les conséquences des modifications du panier fiscal du bloc communal, tel qu'il ressort de la loi de finances pour 2010.

En réponse à M. Philippe Marini , rapporteur général, qui s'est interrogé sur le véritable intérêt des métropoles par rapport aux communautés urbaines, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a précisé que, si les amendements qu'il proposera au nom de la commission des finances sont adoptés, les métropoles seraient fiscalement beaucoup plus intégrées que les communautés urbaines. Par ailleurs, leurs compétences seront plus larges et elles pourront centraliser la DGF de leurs communes membres.

M. Edmond Hervé s'est déclaré défavorable aux métropoles, craignant qu'elles soient instituées contre la volonté des collectivités et signalant que les communes membres des métropoles se verront dépourvues de toute autonomie fiscale.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a rappelé que la constitution des métropoles n'est pas une obligation et que celles qui le souhaitent pourront conserver le statut de communauté urbaine.

M. Philippe Dallier s'est inquiété de la possibilité de voir se constituer des métropoles en petite couronne parisienne. Il a comparé les communes membres de métropoles aux arrondissements parisiens.

M. Gérard Longuet s'est déclaré en accord avec l'amendement du rapporteur qui redonne du sens à la métropole, tout en doutant du succès que pourrait rencontrer ce nouveau statut.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a souhaité que soit posée la question de la nécessité de construire la métropole autour d'une ville-centre.

M. Éric Doligé a observé que l'appréciation du statut de la métropole doit prendre en compte l'aspect financier mais aussi celui de l'ampleur des compétences transférées.

MM . Gérard Miquel et Philippe Adnot se sont inquiétés des conséquences de la création des métropoles sur la DGF des communes.

MM. Jean Arthuis, président, et Gérard Longuet ont estimé qu'il faut faire en sorte que les métropoles ne soient pas seulement des communautés urbaines dont on change l'appellation.

La commission a ensuite adopté un amendement de coordination, un amendement rédactionnel, un amendement levant une ambiguïté sur l'attribution de droit d'une garantie au sein de la DGF des métropoles, ainsi qu'un amendement supprimant la référence au prélèvement France Télécom et interdisant le cumul du produit de la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) et de la dotation de compensation qui lui est liée.

En réponse à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui s'est inquiété du caractère de « coquille vide » des communes faisant partie d'une métropole, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a précisé qu'il propose un amendement pour permettre à une métropole de reverser à ses communes membres le surplus de DGF dont elle a bénéficié.

M. Michel Charasse a précisé la distinction entre dotation métropolitaine et dotation communale transférée.

MM. Jean Arthuis, président, et Edmond Hervé ont rappelé que les transferts de compétences des départements aux communes sont déjà possibles dans le cadre du droit actuel.

MM. Gérard Miquel et Philippe Dallier se sont de nouveau interrogés sur les conséquences de ces dispositions sur la DGF des communes.

M. Jean Arthuis, président, a estimé que des précisions doivent être demandées en séance plénière au Gouvernement sur cette question.

Puis, la commission a adopté un amendement précisant que la délibération par laquelle les communes membres décident de transférer la DGF communale à la métropole est prise à la majorité qualifiée, un amendement rétablissant la dotation de reversement de la métropole vers les communes membres ainsi que la participation des communes à la commission d'évaluation des charges et, enfin, un amendement supprimant un « gage » inutile.

Elle a adopté ensuite deux amendements portant articles additionnels après l'article 5 et apportant des ajustements de coordination aux dispositions de la loi de finances pour 2010, s'agissant de bases de la cotisation foncière des entreprises et de l'abrogation de dispositions relatives aux communautés urbaines à compter du 1er janvier 2011.

Puis, la commission a adopté sept amendements à l'article 8 (création des communes nouvelles) :

- un amendement visant à garantir le dynamisme de la part « garantie » de la dotation globale de fonctionnement au cours de l'année de création d'une commune nouvelle ;

- un amendement de coordination entre les dispositions du texte et l'article 77 de la loi de finances pour 2010, relatif à la suppression de la taxe professionnelle, afin de prendre en compte l'effet sur la part « compensation » de la DGF du transfert de la TaSCom au « bloc communal » ;

- un amendement visant à garantir le dynamisme de la dotation d'intercommunalité des établissements publics de coopération intercommunale au cours de l'année de création d'une commune nouvelle se substituant à ces établissements ;

- un amendement de simplification prévoyant que la dotation d'intercommunalité transférée à la commune nouvelle évolue au même rythme que la dotation de base de la dotation globale de fonctionnement ;

- un amendement prévoyant le cas où une commune nouvelle se substitue non à un seul mais à plusieurs établissements publics de coopération intercommunale ;

- un amendement de coordination supprimant la référence à un article du code général des collectivités territoriales supprimé par la commission des lois ;

- enfin, un amendement garantissant à une commune nouvelle se substituant à une ou plusieurs communes bénéficiant de la dotation de solidarité rurale (DSR) le bénéfice d'une attribution égale, au moins, à la somme des DSR perçues par les communes auxquelles elle se substitue.

En réponse à M. Adrien Gouteyron, qui a souhaité connaître l'incitation prévue initialement par le texte du projet de loi, M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a précisé que les communes nouvelles auraient bénéficié d'un surplus de DGF égal à 5 % de leur dotation forfaitaire.

M. Jean Arthuis, président, a jugé nécessaire que les communes souhaitant se regrouper ne soient pas pénalisées par la perte d'une ressource financière.

M. Adrien Gouteyron a souhaité savoir si le bénéfice de cette garantie de DSR sera définitif ou non.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a répondu par l'affirmative, en précisant que l'amendement qu'il propose ne permettra pas à de nouvelles communes de bénéficier de la DSR mais constitue seulement une garantie de continuer à percevoir les mêmes sommes qu'antérieurement.

M. Jean Arthuis, président, s'est interrogé sur les autres avantages financiers que les communes pourraient perdre en se regroupant, notamment le bénéfice, pour les communes de moins de 5 000 habitants, des attributions du fonds départemental de péréquation des droits de mutation à titre onéreux.

M. Philippe Marini, rapporteur général, s'est inquiété de l'inégalité que la garantie de DSR pourrait entraîner entre deux communes de même taille : l'une bénéficiant d'une garantie de DSR parce qu'issue du regroupement de communes qui en bénéficiaient, l'autre n'en recevant pas parce que sa population excède les seuils d'éligibilité.

M. Charles Guené, rapporteur pour avis, a précisé que la garantie de DSR proposée ne réduit pas la DGF des autres communes mais que, en revanche, il est nécessaire de prévoir que les regroupements de communes ne viennent pas enrichir les autres communes du fait de la perte de certaines dotations par la commune nouvelle. L'amendement proposé permet de cibler le texte sur les petites communes rurales, l'objectif étant de ne pas pénaliser les regroupements de communes.

A l'article 9 (dispositif de convergence des taux d'imposition des communes nouvelles), la commission a adopté un amendement réparant deux oublis de coordination.

Enfin, à l'article 10 (adaptation du code général des collectivités territoriales à la création des communes nouvelles), la commission a adopté un amendement rédactionnel et un amendement prévoyant le cas où une commune nouvelle se substitue non à un seul mais à plusieurs établissements publics de coopération intercommunale.

A l'issue de ce débat, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi dont elle s'est saisie pour avis (articles 5, 8 à 10 et 35) ainsi modifiés.

Nomination d'un rapporteur

Enfin, la commission a désigné M. Adrien Gouteyron rapporteur du projet de loi n° 570 (2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Malte tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune.

Mercredi 13 janvier 2010

- Présidence de M. Jean Arthuis, président -

Jeux d'argent et de hasard en ligne - Audition de M. Jean-François Vilotte, président de la mission de préfiguration de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel)

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-François Vilotte, président de la mission de préfiguration de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).

M. Jean Arthuis, président, a rappelé que la création de l'autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) est une des principales mesures du projet de loi relatif à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 13 octobre 2009, et qui sera examiné par la commission des finances le 19 janvier 2010.

Le projet de loi a pour objet d'organiser la libéralisation d'un secteur économique qui fonctionne actuellement selon une logique de monopole. Si, dans un premier temps, cette libéralisation a été vécue comme une contrainte imposée par le respect du droit européen, il s'agit aussi de prendre acte de l'évolution des comportements, du développement des nouvelles technologies, et de parer, notamment, au développement d'une offre illégale susceptible de mettre en péril l'ordre public et social. Le texte propose ainsi l'ouverture des jeux en ligne à condition que cette ouverture se limite aux formes de jeux les plus compatibles avec la prévention de l'addiction, ne conduise pas au financement de filières illicites, et que tous les opérateurs soient agréés sur la base d'un cahier des charges dont le respect doit être vérifié.

M. Jean-François Vilotte, président de la mission de préfiguration de l'ARJEL, a tout d'abord souligné que les objectifs qui ont justifié la logique de monopole sont repris par la présente réforme : prévention de l'addiction et protection des publics vulnérables, lutte contre les actes criminels et le blanchiment d'argent, garantie de la sincérité des compétitions sportives et des jeux. Le développement de l'économie numérique, l'existence d'une forte demande et l'importance des mises irrégulières enregistrées en ligne appellent une révision des modalités de régulation des jeux d'argent en ligne. Il convient toutefois de noter que l'irrégularité des mises n'est pas corrélée au système de régulation, puisque l'Allemagne, l'Italie et la France, qui connaissent des modes de régulation fondamentalement différents, détiennent un montant comparable de mises enregistrées en ligne, soit environ trois milliards d'euros pour environ deux millions de joueurs. S'agissant de la France, seul un tiers de ces mises est légal, c'est-à-dire enregistré par les deux entreprises autorisées à exercer.

La régulation des jeux d'argent en ligne est un sujet communautaire depuis l'avis motivé de la Commission européenne en 2007 à plusieurs membres de l'Union européenne. L'arrêt « Santa Casa » de la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) du 8 septembre 2009 a souligné que les jeux en ligne doivent être encadrés dans le respect des spécificités culturelles de chaque pays et selon des modalités qui permettent de garantir une proportionnalité entre encadrement et respect des objectifs d'intérêt général. De ce point de vue, le projet de loi parvient à un équilibre satisfaisant en organisant une ouverture maîtrisée du marché en ligne limitée aux seuls jeux faisant appel à l'expertise des joueurs, en créant une autorité administrative indépendante chargée de veiller au respect de l'ordre public et social, et en renforçant les moyens de lutte contre les sites illégaux.

La mission de préfiguration de l'ARJEL a travaillé depuis le mois d'avril 2009 sur le projet de loi, ainsi qu'à la rédaction d'un cahier des charges, et a procédé au recrutement de personnels. Selon un schéma classique, l'ARJEL sera composée de trois organes : le collège décisionnel de l'ARJEL constitué de sept membres nommés pour un mandat de six ans renouvelable, la commission des sanctions et la commission consultative. L'autorité est appelée à délivrer des agréments, pour une durée de cinq ans, aux opérateurs qui respectent un cahier des charges et ne proposent en ligne que des paris sportifs, hippiques et/ou des jeux de cercle. Elle devra également opérer un contrôle permanent, aussi bien des opérateurs que des infrastructures, afin d'assurer la sincérité et la sécurité des jeux. Elle définira la liste des compétitions sportives ouvertes aux paris et sera destinataire des contrats qui régissent l'encadrement de ces manifestations. En cas de manquement à leurs obligations, les opérateurs pourront être sanctionnés par la commission de sanction qui peut décider de retirer l'agrément. La lutte contre le blanchiment d'argent et la prévention de l'addiction seront au coeur de l'action de l'ARJEL avec notamment le contrôle de la localisation des comptes bancaires ou, s'agissant de l'addiction, la mise en place de dispositifs de limitation et la création d'un numéro d'appel public d'information.

M. François Trucy, rapporteur, a souhaité obtenir des détails sur le financement actuel de la mission de préfiguration ainsi que sur le budget prévisionnel de la future autorité et notamment ses recettes. S'agissant du personnel, il s'est interrogé sur d'éventuelles difficultés de recrutement et la possibilité de synchroniser la montée en puissance de l'ARJEL et la politique d'embauche. Il a également demandé des précisions sur la coopération de l'ARJEL avec d'autres régulateurs, la lutte contre l'offre illégale, le nombre potentiel de nouveaux acteurs sur le marché et la probabilité que le modèle français de régulation devienne une référence.

M. Jean Arthuis, président, a complété la question concernant les sites illégaux en demandant par quels moyens la fermeture sans délai d'un site de ce type pourra être obtenue.

M. Jean-François Vilotte a indiqué que, dans la loi de finances initiale pour 2010, le budget de l'ARJEL s'élève à dix millions d'euros dont quatre millions pour les dépenses de personnel et six millions pour le budget de fonctionnement. Le recrutement des personnels pourra être complété par le recours à des prestataires extérieurs s'agissant de missions ponctuelles. En outre, la future autorité est appelée à entretenir des relations étroites avec plusieurs ministères et notamment avec les services des douanes et les services fiscaux. Les recettes de l'ARJEL sont notamment constituées de trois droits fixes : le premier, dû au moment du dépôt d'une demande d'agrément, s'établira entre deux mille et quinze mille euros ; le deuxième, dû chaque année pendant la durée de validité de l'agrément, sera compris entre dix mille et quarante mille euros ; enfin le troisième s'échelonnera entre mille et dix mille euros et sera exigible lors de la demande de renouvellement de l'agrément.

La lutte contre les sites illégaux, qui ne saurait reposer sur une logique d'interdiction à l'ère de l'économie numérique, est renforcée par plusieurs dispositifs du projet de loi. Tout d'abord, le principe d'agrément des sites de jeux en ligne devrait augmenter le nombre de personnes ayant intérêt à agir contre les sites illégaux. Ensuite, les procédures civiles sont notamment renforcées par la possibilité de demander au ministre du budget de procéder au blocage des flux financiers du site illégal, et la mise en place d'une saisine du juge des référés qui pourra adresser des mises en demeure. Il convient de noter que le juge ne pourra qualifier d'illégal un site que sur la base d'un faisceau d'indices témoignant d'une activité effective en France. La conjugaison des différents moyens proposés par le projet de loi devrait compliquer singulièrement l'activité des sites illégaux et faire prendre conscience aux utilisateurs du caractère irrégulier de ces opérateurs.

La libéralisation du marché des jeux d'argent en ligne devrait susciter l'arrivée de trente à cinquante nouveaux opérateurs, soit la délivrance d'une centaine de licences, certains opérateurs demandant plusieurs agréments (paris sportifs, paris hippiques et/ou jeux de cercle). Un resserrement du marché peut être attendu à moyen terme. Le modèle de régulation défendu par le projet de loi s'inscrit dans la tendance actuelle privilégiant la protection du marché et du consommateur, comme en témoigne la résolution adoptée par le Parlement européen le 10 mars 2009 sur l'intégrité des jeux d'argent en ligne. De même, il est à souligner que le Conseil de l'Europe devrait prochainement prendre une initiative en faveur de la régulation des compétitions sportives qui donnent lieux à des jeux d'argent en ligne afin de défendre une collaboration active entre les sites de jeux, les organisateurs des compétitions sportives et les pouvoirs publics.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a regretté que l'ARJEL, futur régulateur du marché des jeux d'argent en ligne, ne bénéficie pas de la personnalité morale alors même que ce critère, comme celui de l'autonomie financière, est de nature à garantir l'indépendance de l'autorité de régulation. Après avoir rappelé que, dans le secteur hippique, l'opérateur historique bénéficie d'outils d'information pouvant faciliter la prise de paris, il s'est interrogé sur le statut de cette information et son accessibilité aux nouveaux opérateurs de paris hippiques au regard du droit de la concurrence.

M. Jean-François Vilotte a estimé que si les nouveaux entrants sont privés d'une certaine information en raison de la position historique d'un opérateur, l'autorité de la concurrence, et non l'ARJEL, peut être saisie.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis au nom de la commission de la culture, de l'éducation, et de la communication, s'est inquiété du calendrier d'adoption du projet de loi en soulignant qu'il serait regrettable que le dispositif de régulation ne soit pas opérationnel pour la coupe du monde de football en juin 2010. Il a également regretté l'absence de personnalité morale de l'ARJEL.

M. Jean Arthuis, président, a confirmé que le calendrier législatif ne permet pas d'envisager une adoption définitive du texte avant le mois d'avril, ce qui représente une contrainte forte pour l'ARJEL.

M M. Philippe Marini, rapporteur général, et Jean Arthuis, président, se sont interrogés sur la possibilité d'adopter certaines dispositions, compte tenu de leur nature fiscale, dans le cadre du prochain projet de loi de finances rectificative.

M. Jean François Vilotte a indiqué qu'il envisage de procéder à une information des opérateurs potentiels après le vote en première lecture du Sénat, afin de sensibiliser ces derniers notamment au contenu du cahier des charges. Il a précisé que le délai d'examen des dossiers de candidature s'échelonnera entre un et quatre mois.

M. Éric Doligé a demandé, d'une part, s'il était possible d'envisager une disparition des mises irrégulières qui, en France, représentent deux tiers des mises enregistrées en ligne, et, d'autre part, si une coopération entre Etats est prévue, les frontières géographiques étant ignorées par les sites de jeux d'argent en ligne.

M. François Marc a souhaité connaître la raison pour laquelle le montant des recettes issues des licences n'est pas égal aux dépenses envisagées de la future autorité de régulation. Concernant les missions de cette dernière, il s'est interrogé sur la place accordée à la protection des joueurs et des populations vulnérables ainsi que sur l'existence de « cyber-patrouilleurs ». Il a également souhaité savoir si l'ARJEL sera soumise à une obligation d'information automatique du procureur en cas de connaissance d'une situation irrégulière, et si la composition de la commission consultative de l'autorité ne pourrait pas être renforcée. Enfin, il a demandé quelle sera la position de l'ARJEL vis-à-vis des opérateurs qui se seraient mis en infraction avant la promulgation de la loi.

M. Jean-François Vilotte a apporté les éléments de réponse suivants en soulignant que l'objectif de la réforme est de parvenir à réguler l'ensemble des mises enregistrées en ligne :

- le constat d'une activité illégale avant la promulgation de la loi pourra effectivement avoir une conséquence sur la délivrance des licences. La publicité illégale, qui existe déjà, peut être sanctionnée pénalement ;

- la lutte contre les sites illégaux bénéficiera des accords de coopération avec certains pays ou avec des services spécifiques de la police judiciaire française. En cas de connaissance d'une situation irrégulière, l'ARJEL sera soumise, dans les conditions du droit commun, à l'article 40 du code de procédure pénal qui impose une information du parquet ;

- s'agissant du comité consultatif, la présence d'associations de consommateurs contribuera à la vigilance de l'ARJEL, en particulier sur les questions de publicité illégale ;

- concernant la sincérité des compétitions sportives, l'ouverture du marché des jeux en ligne représente un risque supplémentaire de corruption ; toutefois il convient de souligner que cette ouverture est limitée à certaines compétitions. La mise en place d'une coopération internationale effective contribuerait à minimiser la menace de corruption.

Enfin, M. Jean-François Vilotte a indiqué, à la demande de M. Jean Arthuis, président, que la chambre d'appel du tribunal de Paris a confirmé, en 2009, l'interdiction pour un site de paris sportifs en ligne de proposer des paris sportifs relatifs aux compétitions disputées à Roland-Garros, dans la mesure où ils constituaient une atteinte au monopole d'exploitation de la Fédération française de tennis.

Jeux d'argent et de hasard en ligne - Audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Après avoir brièvement rappelé le contexte de l'audition, M. Jean Arthuis, président, a invité M. Eric Woerth à présenter les principales dispositions du texte soumis à l'examen du Sénat ainsi que les moyens qui seront mis à disposition de la future Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) pour remplir les missions qui lui sont confiées.

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, a indiqué que l'ouverture des jeux en ligne à la concurrence ne procède pas d'une exigence communautaire et, encore moins, de la pression de groupes d'intérêt. Le Gouvernement s'en tient avant tout à une vision pragmatique. De très nombreux Français jouent d'ores et déjà en ligne de façon illégale. L'interdiction complète soulèverait des problèmes juridiques et pratiques très difficiles à surmonter et, surtout, se révélerait à coup sûr inopérante. Pour cette raison, le Gouvernement a fait le choix d'une ouverture maîtrisée qui permette de lutter efficacement contre l'offre illégale.

M. Eric Woerth a exposé les principaux éléments du projet de loi. Tout d'abord, seuls les paris sportifs, les paris hippiques et le poker pourront faire l'objet d'une offre légale en ligne. Les jeux de pur hasard, qui se révèlent les plus addictifs, sont exclus du champ du texte. Les paris sportifs seront admis, sous la forme du pari mutuel ou à cote fixe. Il s'agit là d'un libre choix de l'opérateur du site de jeu en ligne. En revanche, pour les paris hippiques, afin de respecter la tradition française, seul le pari mutuel sera autorisé. Il a précisé que le principe du financement de la filière hippique par un prélèvement sur les mises est maintenu par le projet de loi. Le pari sur le nombre d'actions qui auront lieu au cours d'une rencontre sportive (« spread betting ») et la bourse de paris (« exchange betting ») sont apparus beaucoup trop risqués pour les joueurs et, à ce titre, demeurent interdits. Parmi les jeux de casino, seul le poker est autorisé, car il est, potentiellement, le moins addictif. Grâce à ces mesures, il a estimé que le « bon jeu » sera capable de chasser « le mauvais jeu ».

M. Eric Woerth a ensuite indiqué que les opérateurs agréés par l'ARJEL, pour une durée de cinq ans, seront soumis à un cahier des charges strict qui comportera des clauses financières, organisationnelles et techniques. Cet agrément pourra être suspendu ou retiré. En particulier, il a souligné que plusieurs éléments visant à sauvegarder l'ordre public devront être scrupuleusement respectés. Il s'agit du contrôle de l'identité des joueurs, de l'interdiction de l'accès des sites aux mineurs, de la promotion du jeu responsable et de la lutte contre le blanchiment. Le matériel informatique de l'opérateur, notamment le serveur, dit « frontal », qui contient les données les plus importantes devra être situé sur le territoire national.

M. Eric Woerth a insisté sur les outils destinés à permettre au marché légal d'apparaître et de se structurer : l'autorisation de la publicité pour les opérateurs agréés, l'interdiction des mouvements de fonds en provenance ou vers les sites illégaux et, enfin, la possibilité confiée au juge, saisi en référé, de bloquer l'accès aux sites illégaux.

M. Eric Woerth a également mis en exergue le système de lutte contre l'addiction prévu par le texte. Le taux de retour au joueur est plafonné pour des raisons d'ordre public et social, y compris afin d'éviter le blanchiment d'argent. Chaque opérateur devra se doter d'un modérateur du jeu qui vise à réduire le temps de jeu. En permanence, chaque joueur devra être informé du montant de ses pertes réelles ou potentielles. Le jeu à crédit sera interdit. Les opérateurs devront également proposer un service d'information et d'assistance aux joueurs. Les interdits de jeu et les mineurs ne seront pas autorisés à jouer sur les sites. Il a jugé que ces mesures de lutte contre l'addiction relèvent pleinement de l'équilibre du texte.

M. Eric Woerth a rappelé le souhait du Gouvernement de voir l'éthique des compétitions sportives mieux protégée, notamment afin d'éviter les manipulations de jeu. A ce titre, les fédérations sportives auront un avis à rendre sur le support des paris. Elles signeront des accords contractuels avec les opérateurs pour leur faire prendre des engagements en matière d'éthique des compétitions sportives.

Enfin, en ce qui concerne la fiscalité, M. Eric Woerth a rappelé qu'aujourd'hui les jeux « en dur » rapportent près de cinq milliards d'euros au budget de l'Etat. Le projet de loi prévoit une diminution globale, tant pour les jeux « en dur » que pour les jeux en ligne, des taux de prélèvement sur les mises. Ils seront respectivement de 7,5 % pour les paris hippiques et sportifs et de 2 % pour le poker avec un plafond de 0,9 euro par donne. Toutefois, l'augmentation du volume de jeu devrait permettre de ne pas diminuer les recettes de l'Etat. Le texte prévoit également plusieurs retours vers des acteurs identifiés. En particulier, le sport professionnel profitera des recettes du sponsoring. Les sports amateur et de haut niveau bénéficieront de l'affectation d'un prélèvement supplémentaire sur les paris sportifs, qui sera alloué au Centre national pour le développement du sport (CNDS). Le prélèvement de 1,8 % sur les jeux de loterie et de grattage, qui lui est actuellement affecté, demeure inchangé. Le nouveau prélèvement sera de 1,3 % en 2010, 1,5 % en 2011 et 1,8 % en 2012. Une redevance spécifique est prévue à destination de la filière hippique, fondée sur les mises des paris hippiques ainsi qu'une quote-part du prélèvement sur ces paris, au profit des communes disposant d'un ou plusieurs hippodromes, à concurrence de 15 % et dans la limite de 10 millions d'euros. Pour le poker, le prélèvement sera, en partie, affecté au Centre des monuments nationaux et aux communes qui accueillent un casino.

M. Philippe Marini, rapporteur général, a estimé que le projet de loi s'inscrit dans une problématique plus générale sur les liens entre Internet et la fiscalité. En effet, Internet peut tout autant être la cause d'un tarissement de la recette fiscale qu'une source de nouvelles recettes. Il a regretté que l'ARJEL ne soit pas dotée de la personnalité morale qui pourrait lui permettre d'ester en justice et qu'elle ne soit pas financée par les opérateurs. Par ailleurs, il s'est interrogé sur le processus d'agrément en fonction des différentes formes de jeu en ligne. Enfin, il a exprimé son inquiétude quant à la possibilité que la nouvelle autorité ne soit pas opérationnelle d'ici à l'ouverture de la prochaine Coupe du monde de football. Il a suggéré que certaines mesures transitoires, qui seraient mises en oeuvre rapidement, soient transférées dans le projet de loi de finances rectificative qui devrait être adopté par le Parlement au mois de février.

M. Jean Arthuis, président, a souhaité savoir si l'article 36 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) n'impose pas que des dispositions affectant des recettes fiscales de l'Etat à d'autres personnes morales soient inscrites dans une loi de finances.

M. Eric Woerth a tout d'abord souligné que la majorité des autorités administratives indépendantes ne disposent pas de la personnalité morale. Il a rappelé que le respect du cahier des charges établi par l'ARJEL constitue un préalable à tout agrément. Un an après l'octroi de l'agrément, l'Autorité en obtient confirmation par le biais d'une certification réalisée par un organisme indépendant et qui porte principalement sur les clauses techniques du cahier des charges. En effet, la certification s'appuie sur les données existantes et permet d'examiner in concreto le fonctionnement du site, ce qui n'est, bien évidemment pas possible au moment de l'agrément. Toutefois, cette procédure en deux temps n'empêchera pas que, avant juin 2010 et l'ouverture de la Coupe du monde de football, certains opérateurs puissent être agréés et exercent légalement leur activité. Il n'en demeure pas moins que le calendrier est effectivement tendu. Sur la question du respect de la LOLF, il a indiqué que ce point doit faire l'objet d'une expertise juridique.

M. François Trucy, rapporteur, a tout d'abord remercié M. Eric Woerth et son cabinet pour leur disponibilité. Il a souligné que cette loi est indispensable. Il s'est réjoui que le texte intègre des dispositions relatives à la santé publique, notamment sur les questions de l'addiction, soulignant le retard considérable de la France en ce domaine. Il a ensuite insisté sur la nécessité de créer un comité consultatif des jeux en remplacement de toutes les structures existantes dont l'organisation se révèle peu efficace faute d'une réelle coordination. Il a observé que la sanction des opérateurs illégaux sera le fait d'une décision de justice et a souhaité savoir si les délais de procédure seront rapides.

Il s'est félicité que l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) puisse bénéficier d'une nouvelle recette fiscale afin de financer des campagnes de prévention ciblées sur la question du jeu, mais il a regretté l'absence de fléchage clair du surplus, attribué à l'assurance maladie, du produit de cette recette fiscale. Il a ainsi déploré que ces nouvelles recettes ne soient pas obligatoirement destinées à renforcer notre système de santé, aujourd'hui mal pourvu pour soigner les cas de joueurs pathologiques. Enfin, il s'est interrogé sur l'équilibre du futur dispositif, notamment d'un point de vue concurrentiel, et a souhaité connaître les leçons tirées de l'exemple italien.

Après avoir félicité le rapporteur du travail approfondi mené sur le texte, M. Eric Woerth a exprimé son plein accord à l'idée de créer un outil unique de consultation. Il s'agit d'une mesure de simplification bienvenue. Sur la question de l'intervention du juge, il a estimé qu'il s'agit d'un système protecteur. Le recours en référé devrait garantir la rapidité de la décision. Pour autant, il n'est pas prévu, à ce stade, de spécialiser une juridiction sur ce type de procédures. Il a jugé que le retour financier accordé à l'INPES est une disposition fondamentale du texte. Le plafonnement du taux de retour au joueur à 85 % en moyenne constitue également une mesure essentielle de lutte contre l'addiction. Néanmoins, ce point fera l'objet d'une évaluation ultérieure prévue par le projet de loi.

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, a souligné le danger des périodes transitoires. En particulier, il serait regrettable que des opérateurs illégaux profitent de la Coupe du monde de football pour conquérir des parts de marché. Par ailleurs, il s'est interrogé sur les modalités de « remise à zéro » des comptes joueurs pour les sites existants qui solliciteraient un agrément.

M. Eric Woerth a reconnu que le Gouvernement n'a pas envisagé la situation dans laquelle le projet de loi ne serait pas adopté à temps pour la Coupe du monde de football au mois de juin prochain. Il a expliqué que si la loi est promulguée dans les délais prévus, l'ARJEL sera prête à instruire rapidement les dossiers qui lui seront présentés, notamment en ayant recours à des prestataires extérieurs durant la phase de montée en charge. Sur la « remise à zéro » des comptes joueurs, le contrôle sera opéré par le juge dans le cadre de contentieux qui pourraient s'élever entre opérateurs. La loi intervient pour établir précisément ce que l'on entend par « remise à zéro ».

M. François Marc s'est interrogé sur l'équilibre financier de la réforme pour l'Etat. En effet, la diminution des taux de prélèvement sur les mises doit être compensée par une montée en puissance rapide du volume des jeux en ligne. Sous cet angle, la baisse de la fiscalité apparaît clairement incitative et, par là même, contradictoire avec la nécessité de lutter contre l'addiction. Par ailleurs, en Italie, le taux de 7,5 % des mises s'est révélé trop élevé pour attirer des opérateurs légaux. Enfin, il a regretté que le financement de l'ARJEL ne soit pas intégralement réalisé par le biais d'une contribution des opérateurs.

M. Eric Woerth a indiqué que, selon les scénarios dont il dispose, la recette fiscale, de l'ordre de cinq milliards d'euros, est sécurisée pour l'Etat. Pour autant, il a admis qu'il ne s'agit là que d'hypothèses. Il a précisé que plus les prélèvements sur les opérateurs sont élevés, plus la perspective d'une offre légale sera difficile à concrétiser. Le taux de 7,5 % (2 % pour le poker) demeure conséquent mais il apparaît acceptable. En ce qui concerne les ressources de l'ARJEL, il a noté qu'un financement par les opérateurs pourrait induire un débat sur l'indépendance du régulateur.

Mme Nicole Bricq a souligné que certaines autorités, par exemple l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, sont financées par des prélèvements sur les opérateurs qu'elles contrôlent.

M. Jean Arthuis, président, s'est enfin interrogé sur la possibilité de créer une taxe sur la publicité pour les jeux en ligne.

M. Eric Woerth a estimé qu'une telle possibilité pourrait être étudiée.