Mercredi 12 janvier 2011

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Fin de vie - Audition de MM. Jean-Luc Romero, président, et Philippe Lohéac, délégué général de l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD)

La commission procède à l'audition de MM. Jean-Luc Romero, président, et Philippe Lohéac, délégué général de l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD).

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Le Sénat a déjà beaucoup travaillé sur la question de l'aide à la fin de vie, dans le cadre de ses travaux sur la loi Leonetti, mais aussi du groupe de travail constitué au sein de notre commission présidé par Nicolas About. Nous avons cependant jugé utile, à l'occasion de l'examen des trois propositions de loi déposées sur ce sujet, et pour lesquelles je souhaite, en tant que rapporteur, que nous parvenions à établir une synthèse en vue de leur examen en séance publique, de procéder à quelques auditions complémentaires, dont celle de l'ADMD, et demain du philosophe Emmanuel Halais et du président de l'observatoire national de la fin de vie.

M. Jean-Luc Romero, président de l'ADMD. - L'ADMD, créée il y a plus de trente ans par un universitaire franco-américain, a prospéré au fil des ans. Avec 47 500 adhérents, elle est aujourd'hui l'association la plus importante dans le champ du soutien aux malades et milite non seulement pour la légalisation de l'ultime liberté que constitue l'euthanasie volontaire, mais également pour le développement des soins palliatifs. Notre association, agréée sous le ministère de Xavier Bertrand, représente aussi les usagers de santé. Nous sommes ainsi présents, dans les hôpitaux, au sein des conseils de surveillance et des commissions des relations avec les usagers et de la qualité de la prise en charge (Cruc). Le dernier rapport Leonetti relève d'ailleurs que nous sommes paradoxalement les seuls à avoir véritablement fait connaître sa loi. De fait, il n'existe aucun autre document public sur ce texte que celui que nous diffusons.

L'ADMD ne bénéficie pourtant d'aucune subvention publique et ne vit que des cotisations de ses adhérents, dont la moyenne d'âge est élevée, autour de soixante et onze ans, même si une délégation jeunesse a pris un certain développement ces dernières années. Beaucoup sont malades, beaucoup voient approcher l'échéance. Preuve que nous ne sommes pas une académie qui agite des discours idéologiques, comme nous en accusent certains. Pour moi, je vis depuis vingt-cinq ans avec le sida, et j'ai récemment flirté avec le cancer : je me sens donc directement concerné par la question de la fin de vie. Nous appartenons de surcroît à une fédération mondiale, qui réunit des associations issues de la planète entière.

On ne meurt plus aujourd'hui comme il y a trente ans. De 70 % à 75 % des décès ont lieu à l'hôpital ou en institution. Cette réalité française n'est pourtant pas une fatalité, ainsi que le montre l'exemple des Pays-Bas où l'on meurt le plus souvent à son domicile. Chez nous, cependant, la mort s'est peu à peu déréalisée : il n'est pas rare aujourd'hui qu'une personne d'âge mûr n'ait jamais vu le décès d'un proche. Assister, comme je l'ai fait du haut de mes treize ans, à la mort de son père est un fait de plus en plus rare. Cela veut aussi dire que l'on meurt de plus en plus seul ; en France, en tout cas, car tel n'est pas le cas général en Europe : seules 24 % des personnes qui meurent à l'hôpital sont accompagnées par les leurs. Une étude menée en 2008 auprès des médecins fait enfin apparaître que pour eux, seulement 36 % des décès ont lieu dans de bonnes conditions. Si la France, enfin, a progressé dans la prise en charge de la douleur - et ce fut l'un des premiers combats de notre association - elle n'est encore classée qu'au douzième rang européen, loin derrière la Belgique ou les Pays-Bas, qui ont aussi été parmi les premiers pays à légaliser l'euthanasie.

La question de l'euthanasie est souvent considérée comme marginale. Il est vrai que, dans l'immense majorité des cas, on meurt sans demander à être aidé. Cependant, aux Pays-Bas, l'euthanasie concerne 2 % des décès. Un tel taux représenterait, si l'euthanasie était légale en France, onze mille personnes, ce qui est loin d'être marginal. Depuis trente ans, les sondages font invariablement apparaître que 80 % à 94 % des Français sont favorables à la légalisation. Et je parle de sondages sérieux. Pas de ceux où la question posée appelle nécessairement une réponse positive : « Souhaitez vous une mort sans douleur ? », par exemple. Les médecins sont favorables à la légalisation à 60 % ou 70 %.

L'ADMD veut sortir du débat médical où l'on a enfermé la question. Car ce débat est avant tout citoyen. N'allons-nous pas tous mourir ? Je suis frappé du décalage entre le discours de certains responsables politiques et le pays réel. Je suis engagé dans beaucoup de combats, contre l'homophobie, pour la lutte contre le sida - dont je suis effrayé de voir le peu d'intérêt qu'elle suscite parmi les élus, dont la présence est rare à des réunions qui en viennent, hélas !, à s'essouffler. Ne s'essoufflent pas, en revanche, les réunions autour du thème de la fin de vie, qui font salle comble. Et je constate que les gens sont déçus par le débat à l'Assemblée nationale et attendent beaucoup du Sénat.

On nous oppose, depuis trop longtemps, que le sujet est délicat, qu'il faut se donner du temps. Nous voulons une législation républicaine maintenant. Les Pays-Bas fêtent les dix ans de leur loi de légalisation - et la jurisprudence autorisait la pratique depuis vingt ans - sans avoir constaté de dérives. En France, au contraire, ainsi que le souligne le dernier rapport Leonetti, l'euthanasie illégale persiste. Nous estimons qu'une telle situation est dangereuse car nous estimons que, dans la décision d'euthanasie, c'est la volonté du patient qui doit s'exprimer, pas celle du médecin ou de l'entourage. Et que l'on ne nous dise pas, ainsi que le fait M. Leonetti, que nous défendons le droit à la mort. Que l'on ne nous présente pas comme quelque confrérie d'adorateurs de la mort. Nous aimons la vie et c'est pourquoi nous militons pour le droit à une mort dans la dignité, qui permet souvent de mieux vivre sa vie, avec plus d'intensité.

Nous voulons une loi qui repose sur ses deux jambes : accès universel aux soins palliatifs et légalisation de l'euthanasie. Je suis le premier à avoir réclamé cet accès universel aux soins palliatifs, qui reste aujourd'hui un vain mot. Trois rapports, celui de la Cour des comptes, celui de Marie de Hennezel - qui n'est guère favorable à l'euthanasie - celui de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), relèvent que ces soins ne sont accessibles qu'à 15 % à 20 % de ceux qui en ont besoin. Quant aux lits dédiés, on peut se demander dans quelle mesure ils ne sont pas pur affichage tant sont nombreux les témoignages de responsables qui reconnaissent que ce fléchage reste fictif. Bref, l'effort n'est pas suffisant, surtout quand on constate qu'en Belgique ou aux Pays-Bas, l'accès aux soins palliatifs est quasi universel.

Aussi nécessaires soient-ils, les soins palliatifs ne doivent pas dériver vers l'acharnement palliatif. Le fait est qu'il est des situations où ils sont insuffisants. Il est des êtres qui n'en peuvent plus de souffrance car les soins palliatifs ne soulagent ni certaines douleurs réfractaires, ni la souffrance psychique.

Les propositions de loi soumises à votre examen vont dans le bon sens et je salue MM. Godefroy, Fischer et Fouché qui ont su poser de vraies questions. Certains s'inquiètent de possibles dérives. Mais si dérive il y a, c'est en raison de l'absence de légalisation, lorsque l'on euthanasie des gens qui n'ont rien demandé. Au flou actuel, il faut donc préférer l'institution d'un cadre juridique. Dès lors que sont posées des conditions légales, plus de dérives possibles, si ce n'est sanctionnées par la loi, comme cela est le cas aux Pays-Bas, où huit personnes ont été poursuivies en 2009.

Une telle loi serait une loi de prévention du suicide. La France est, avec le Japon et la Corée du Sud, au sein de l'OCDE, le pays qui connaît le plus fort taux de suicide. On parle beaucoup du suicide des jeunes, toujours dramatique, mais on oublie celui des personnes âgées, que la légalisation de l'euthanasie doit aider à prévenir. Nous avons produit un Livre blanc réunissant des témoignages sur le suicide des seniors et des personnes malades. Ces suicides sont souvent violents : la pendaison et la balle dans la tête prévalent chez les hommes, le saut dans le vide chez les femmes, ce qui est parfaitement insoutenable pour les proches. Et ce geste de désespoir est souvent aussi prématuré lorsque les malades anticipent une situation de santé qui pourrait les empêcher ensuite de provoquer eux-mêmes leur mort. La médecine n'est pas une science exacte.

M. Gilbert Barbier. - C'est un art.

M. Jean-Luc Romero. - Elle ne saurait prévoir avec exactitude le moment de la mort. Comment expliquer le fait que le taux de suicide soit deux fois plus élevé en France qu'aux Pays-Bas ? Et que dire de l'inégalité face à l'acte : aux plus fortunés, le dernier voyage en Suisse, aux autres, la mort violente.

Nous voulons une loi républicaine, inscrite dans la laïcité, qui respecte toutes les consciences ; une loi fondée sur le triptyque « liberté, égalité, fraternité ». Nous respectons la liberté de ceux qui, pour des raisons éthiques ou religieuses, veulent mourir le plus tard possible, à l'échéance. Qu'eux aussi respectent ceux qui font un autre choix. Nous sommes dans une république laïque. La liberté s'entend, bien entendu, pour les médecins, charge à ceux qui souhaitent rester en retrait de diriger les patients vers leurs confrères. Car la liberté, c'est aussi liberté pour ceux qui, estimant que leur vie n'est plus que souffrance, souhaitent partir. Ce n'est pas à autrui de décider pour eux de ce qui est digne. Je ne m'érige pas en juge de la dignité de personne. Ceux qui n'ont plus rien à perdre veulent seulement être en paix avec eux-mêmes et sont seuls aptes à juger de leur dignité.

Une loi républicaine, c'est aussi une loi d'égalité. Il n'est pas donné à tout le monde de réussir un suicide par voie médicamenteuse. Il faut être introduit dans le milieu médical ou, pour ceux qui en ont les moyens, faire le voyage en Suisse... J'en profite pour démentir certaines allégations, comme celles de Luc Ferry, que j'ai entendu l'autre jour déclarer à la radio qu'il existe, en Suisse, des cliniques prêtes à « accueillir » quiconque se sent « fatigué de la vie » : c'est parfaitement faux.

Une loi républicaine, c'est une loi de fraternité, enfin, une loi de solidarité, car on ne sait pas, hélas, je l'ai dit, soulager toutes les souffrances, et une loi qui respecte les consciences.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Vous avez rappelé que 90 % des sondés se déclarent favorables à l'aide à la fin de vie, et que 85 % des personnes requérant des soins palliatifs en sont privés. Pour moi, euthanasie et soins palliatifs constituent deux réponses à la souffrance, non pas opposées, comme on l'entend souvent dire, mais complémentaires. J'aimerais connaître votre analyse.

Quelle est la position de l'ADMD sur les pratiques qui prévalent en Suisse ? Je serais, quant à moi, plus enclin à me référer à la loi belge. D'autres évoquent l'Espagne, où il semble qu'une jurisprudence se dessine pour mettre fin aux poursuites contre l'euthanasie volontaire. Les cas emblématiques évoqués dans les medias sont rares, disent certains, ce qui justifierait qu'on laisse la justice régler les choses au cas par cas. Mais les jugements peuvent varier selon la sensibilité des juges. Jusqu'à présent, ils ont plutôt penché à la clémence, mais les choses peuvent changer. J'estime que le législateur ne peut pas, comme Ponce Pilate, se laver les mains en s'en remettant au juge.

M. Alain Fouché. - Si plusieurs propositions de loi ont été déposées, à l'initiative de parlementaires venus d'horizons différents, c'est bien le signe d'une sensibilisation à ces questions qui dépasse les contraintes politiques. M. Romero a été très clair. J'aimerais cependant lui demander ce qu'il en est des associations militant en faveur des soins palliatifs : sont-elles actives, nombreuses, où en est-on ?

La Suisse, le Danemark, la Belgique et certains États américains ont légiféré sur l'euthanasie. Dans quel pays la loi paraît-elle la meilleure ?

M. Guy Fischer. - Si nous avons déposé une proposition de loi, c'est pour tenter de lever un tabou. Nous vivons dans un pays où le christianisme reste très prégnant. Mais par delà toute croyance religieuse, chacun se pose la question de la dernière heure. La liberté de conscience doit donc prévaloir.

On constate que plus le territoire est urbanisé, plus on meurt à l'hôpital. Or, l'hôpital public, soumis à de fortes contraintes budgétaires, est en grande difficulté. D'où le sentiment qu'il est de moins en moins à même d'assurer un véritable accompagnement de la fin de vie. Où en est-on, ainsi, des unités de soins palliatifs ?

La loi Leonetti reste encore, à notre sens, en retrait, et c'est bien pourquoi nous avons tenté de formuler quelques propositions d'avancées.

M. Gilbert Barbier. - J'ai eu l'occasion d'entendre M. Romero en d'autres lieux, lors d'une assemblée générale de son association dans le Jura, qui n'a réuni que cent trente quatre personnes - nous sommes donc loin des salles combles qu'il évoquait... Surtout, je m'étonne de la différence de langage, selon qu'il s'adresse à ses adhérents, où il se montrait beaucoup plus vigilent, ou à notre commission, où l'on a entendu un discours beaucoup plus apaisant. N'oublions pas, d'ailleurs, qu'il s'est assuré un succès de librairie avec son livre, Les voleurs de liberté. Je l'ai entendu accuser des parlementaires de travailler en sous-main à détruire les propositions de loi qui nous sont soumises, voire d'être à la solde du curé de Sainte-Clotilde ! Je n'invente rien ! Il a même mis en cause la moralité de M. Leonetti, qui ne pouvait pas lui répondre ! Et voilà qu'aujourd'hui, il nous tient un discours lénifiant, plein de calme et de correction. Comment qualifier cela, sinon de double langage ?

Sur le fond, j'estime qu'il est inadmissible de faire l'amalgame entre suicide des personnes âgées et recours à l'euthanasie. Tous ceux qui se suicident ne sont pas en phase terminale. Nombreux sont ceux qui souffrent de détresse morale, de dépression, peut-être en raison d'une prise en charge insuffisante. M. Romero cite la Suisse en exemple mais il oublie de dire qu'un certain nombre de cantons reviennent aujourd'hui en arrière et refusent d'admettre les patients étrangers. Il prétend que les financements destinés aux soins palliatifs sont détournés. Où sont les preuves de ces allégations ? Quant aux sondages, chacun sait bien que l'on peut leur faire dire tout et n'importe quoi, c'est d'ailleurs ce qu'il fait.

Nous aviserons, en séance publique, aux moyens de défendre la loi Leonetti, et peut-être de l'améliorer.

M. Ronan Kerdraon. - Sans être membre de l'ADMD, j'ai assisté, comme M. Barbier, et à l'invitation d'électeurs de ma commune, à une assemblée générale de cette association dans les Côtes d'Armor. Je ne l'ai pas vu varier dans son propos et ne saurais l'accuser de tenir un double langage.

Le sujet est éminemment sensible. Il engage des convictions philosophiques et religieuses. Mais au Parlement, la religion n'a pas sa place. C'est au regard de notre mandat et non de nos convictions religieuses que nous devons nous déterminer. Notre rôle de parlementaire est de déterminer des cadres juridiques. En fixer un à l'euthanasie lèvera l'hypocrisie. Ceux qui en ont les moyens bénéficient d'une aide médicale ou se rendent à l'étranger. Et les autres ? Les plus fragiles, les plus démunis ? Ils en sont réduits au suicide. J'ai vécu la mort de mon beau-père il y a quelques années et sais ce que peut-être la souffrance. Celle de l'épouse, aussi, celle de l'entourage. L'aide que constituent les soins palliatifs a ses limites. On ne saurait en faire un rempart à la demande d'aide à mourir. La mort est une question de vie. Comme on réussit sa vie, on peut réussir sa mort.

J'aimerais connaître votre appréciation sur les législations étrangères. Quelles sont, pour vous, les insuffisances de la loi Leonetti ?

J'ai reçu, depuis que l'on me sait signataire de l'une des propositions de loi, bien des lettres de menaces émanant d'intégristes catholiques. Je le déplore. Car un tel sujet ne mérite pas l'anathème. C'est un sujet de société, au-delà des clivages partisans, au-delà du ciel et de l'enfer.

Mme Isabelle Debré. - Le débat aura lieu dans l'hémicycle. La question de fond est pour moi la suivante : peut-on ouvrir un droit à tuer ? Je ne parle pas des soins palliatifs, sur la nécessité desquels nous sommes tous d'accord - et je salue l'extraordinaire travail de Jeanne Garnier. Les chiffres que vous avez cités, relativement à l'accès à ces soins, me semblent pourtant bien faibles. Les confirmez-vous ?

Quant à l'euthanasie, elle me pose un véritable cas de conscience, pour avoir dans mon entourage un enfant que l'on a failli euthanasier : c'est aujourd'hui un jeune marié de quarante ans...

Je citerai quant à moi quelques chiffres. En Belgique, depuis la légalisation, on parle de 250 % d'euthanasies de plus en cinq ans. Confirmez-vous ce chiffre ? Est-il vrai qu'il y existe désormais des « kits » d'euthanasie ? Aux Pays-Bas, depuis la légalisation, 24 % d'euthanasies en plus en deux ans. Confirmez-vous ce chiffre ?

Pour moi, je préfère faire confiance aux médecins, qui ont prêté le serment d'Hippocrate. Quand ils s'appliquent à soulager la souffrance, ils savent où ils vont.

Je reçois, moi aussi, de nombreuses lettres. Elles ne contiennent ni menaces, ni propos injurieux. La loi Leonetti a beaucoup fait avancer les choses mais elle reste trop mal connue. Elle permet d'éviter la souffrance aux patients et de mieux protéger les médecins. Tout autre chose est la légalisation de l'euthanasie.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Je précise à l'attention d'Isabelle Debré que les propositions de loi en discussion ne visent que les personnes majeures. Le cas des enfants est autrement épineux.

Mme Isabelle Debré. - Dont acte.

M. André Lardeux. - Le débat est bien philosophique, n'en déplaise à certains. C'est bien pourquoi j'ai été choqué d'entendre dire ici que la religion n'avait pas sa place au Parlement. Car dans un débat de cette nature, qui tient à la conception que nous avons de ce qu'est l'humanité de chacun, toutes les convictions ont leur place. A chacun de se prononcer en fonction de ses convictions. Les miennes sont fondées sur des principes religieux. Pour l'Eglise catholique, la dignité humaine est un absolu, qui ne se relativise pas. Je m'étonne aussi d'avoir entendu suggérer que seuls les croyants veulent mourir « le plus tard possible » : n'est-ce donc pas le cas de toute l'humanité ?

Vous avez parlé, monsieur Romero, de la violence des suicides des seniors, pour la déplorer. Mais croyez-vous qu'il existe des suicides non-violents ? Voyez les injections létales pratiquées sur les condamnés à mort aux Etat-Unis et le spectacle terrifiant qu'elles offrent. Sans doute la mort dont nous parlons ici est-elle moins spectaculaire, mais est-elle moins violente ?

Je m'étonne, enfin, du nom de votre association. Pourquoi « mourir dans la dignité » et non pas « vivre dans la dignité » ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Nous partageons un regard commun : il est difficile d'accepter la souffrance, pour l'autre et pour soi-même. Mais il est difficile aussi, comme l'a rappelé André Lardeux, de traverser la croix. Et il est difficile de s'en tenir au droit, même. Car qu'est-ce que le droit sinon un ensemble d'énoncés producteurs de normes édictant, imposant des règles indifférenciées. Or, selon quels critères objectifs définir la souffrance ? Vous avez évoqué la souffrance psychique. Y inclura-t-on celle d'un maniaco-dépressif dans sa phase de dépression, laquelle peut s'inverser d'une semaine sur l'autre ? Comment, partant, définir le consentement ?

Jean-Pierre Godefroy nous dit que les propositions de loi ne concernent pas les mineurs et que l'obligation du consentement garantit que l'acte létal sera fait en conscience. Mais comment parler de conscience lorsque la personne est dans le coma ?

La loi définit des règles objectives mais face à la mort, nous sommes des individus, et les appréciations sont nécessairement subjectives : c'est ce hiatus, j'en suis convaincue, qui forme un obstacle insurmontable à ces propositions de loi.

M. Nicolas About. - Je suis embarrassé d'entendre chacun exposer son opinion sur ces propositions de loi, alors que nous sommes réunis pour auditionner M. Romero. Je lui poserai trois questions : la loi doit-elle accorder une assistance pour mettre fin à ses jours, et comment ? L'objectif est-il surtout d'éviter la cour d'assises à ceux qui, par compassion, ont respecté la volonté de personnes qui les suppliaient de les aider à mourir ? Enfin, vous avez évoqué l'assassinat de nombreuses personnes dans notre pays : est-ce une impression, ou bien avez-vous des chiffres à nous communiquer ?

M. Jean Desessard. - J'ai apprécié le discours de M. Romero et je me réjouis de la perspective d'un texte commun : les écologistes le voteront.

M. François Autain. - Je me décide à intervenir pour avoir entendu Mme Debré parler d'euthanasie d'enfants...

Mme Isabelle Debré. - Je ne l'ai pas dit !

M. François Autain. - Vous avez évoqué le fait que, en dehors de tout cadre légal, des médecins donnaient la mort à des nouveaux-nés qu'ils jugent non viables : je crois aussi que ces cas sont nombreux et que ce problème doit être abordé sérieusement. Avez-vous des informations, Monsieur Romero ?

Ensuite, je crois que tout le monde n'a pas la chance d'avoir une religion et qu'il faut respecter toutes les conceptions de la vie sur terre. Loin de moi de contester le droit de croire qu'il faut souffrir sur terre, que la souffrance, même, est une épreuve où l'on se grandit pour s'approcher du paradis mais je demande en retour qu'on respecte mes propres convictions, qui ne font pas leur place à de telles croyances religieuses. Or, si je sais être un privilégié pour accéder, en cas de besoin, à des produits létaux, je sais aussi que certains de mes concitoyens, qui partagent mes convictions, n'accèdent pas à ces produits et qu'on leur impose, dans les faits, une fin de vie qui ne respecte pas leurs convictions. Il faut donc accorder une aide à pouvoir mourir, c'est une question de liberté, et la loi doit se contenter d'être procédurale pour respecter la diversité des convictions : c'est le principe de la démocratie dans une société pluraliste.

M. Alain Fouché. - En tant que chrétien pratiquant et auteur d'une des trois propositions de loi, je sais que la religion n'est pas fixe, qu'elle évolue et que les convictions religieuses ne font pas obstacle à ces propositions de loi. Nous recevons tous des familles qui nous disent les souffrances atroces d'un des leurs en fin de vie et leur désarroi devant l'impossibilité dans laquelle ils sont de l'aider à mourir, malgré les supplications du souffrant. C'est ce qui me rend favorable à l'idée d'autoriser une fin de vie choisie.

Mme Isabelle Debré. - Ce texte ne concerne pas les mineurs, dites-vous, mais pourquoi autoriser l'assistance au suicide à dix-huit ans et demi, et l'interdire à dix-sept ans ? La souffrance a-t-elle changé de nature en quelques mois ?

M. Nicolas About. - La loi établit qu'un mineur ne peut consentir.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Oui mais quelle majorité retenir face à la décision de mourir ?

Mme Muguette Dini, présidente. - Nous débattrons de ces questions la semaine prochaine et je vous remercie, Monsieur Romero, de répondre à celles qui vous ont été posées directement.

M. Jean-Luc Romero. - Monsieur le rapporteur, je ne vois pas de contradiction, d'abord, à ce que l'opinion, si l'on en croit les sondages, soit favorable aux soins palliatifs et à une législation pour l'euthanasie. J'ai été l'un des premiers à le dire et je ne cesse de le répéter depuis des années : il faut rendre universel l'accès aux soins palliatifs et autoriser l'euthanasie, les deux sont complémentaires. Dans le livre-témoignage que je vous ai cité, des médecins belges responsables d'une unité de soins palliatifs reconnaissent que la pratique les a fait abandonner leur vision quelque peu dogmatique d'hostilité à l'euthanasie et que, après neuf ans d'expérience, les morts assistées leur paraissent même les plus sereines. La perte d'un proche est toujours une douleur et il faut bien mesurer que, dans trois cas sur quatre, on meurt à l'hôpital, seul : les soignants et les familles témoignent que la mort volontaire, où l'on s'entoure de ses proches à qui l'on dit au revoir, est préférable parce qu'elle est plus sereine.

Nous sommes habitués, à l'ADMD, aux attaques dogmatiques, à la mauvaise foi, et je subis depuis longtemps les préjugés des autres, dès lors que j'ai dit être homosexuel et catholique. Et comme les deux tiers des catholiques, je suis favorable à une légalisation de l'euthanasie.

L'accès aux soins palliatifs doit être universel. Or, c'est loin d'être le cas puisque seulement 20 % de ceux qui en auraient besoin en bénéficient effectivement. Ce chiffre n'est pas de moi, vous trouverez les données que je vous cite dans le rapport de la Cour des comptes, dans le livre de Marie de Hennezel ou encore dans le rapport de l'Igas.

Ensuite, la Suisse n'est pas mon modèle parce que je préfère une loi positive, qui est la meilleure garantie pour les citoyens, en particulier pour les plus faibles. C'est la tâche du législateur, et c'est d'autant plus la vôtre qu'au Sénat, vous avez le temps de la réflexion et que vous avez déjà accompli des travaux importants sur les questions de société. Une loi complète protègerait donc mieux nos concitoyens, d'autant qu'elle n'imposerait aucune obligation et qu'elle préserverait entièrement le choix même de ceux qui ne veulent pas être aidés à mourir.

Nos voisins belges et hollandais ont adopté une loi sur l'euthanasie depuis dix ans, sans bouleversement pour la société, et personne aujourd'hui, et surtout pas les médecins, ne demande son abrogation. Chaque fois, le débat parlementaire a été difficile, les divisions y ont été bien plus fortes que dans l'opinion ; mais une fois la loi adoptée, aucun parti politique qui se réclame de la démocratie n'a demandé à y revenir. En Espagne, le débat se fait jour, et en Grande-Bretagne un tournant jurisprudentiel vient tout juste d'être pris : la France sera bientôt isolée parmi ses voisins, restant la seule à refuser toute légalisation de l'euthanasie, mis à part le cas de l'Italie dont chacun comprend les spécificités.

Je crois, ensuite, que ce n'est pas au juge ni aux jurés de décider qu'une euthanasie était justifiée, donc excusable. La justice a chaque fois acquitté ceux qui ont répondu au voeu de mourir exprimé par un proche, mais ce n'est pas une raison pour ne rien changer, comme le dit par exemple M. Bernard Debré. Morten Jensen a été acquitté après avoir écourté de quelques jours la mort certaine de sa femme plongée dans le coma, mais l'attente de son procès a été un véritable chemin de croix qui a duré plusieurs années et il a ensuite quitté la France, où il vivait depuis de nombreuses années. Marie Humbert a bénéficié d'un non-lieu, mais au terme de poursuites judiciaires éprouvantes, devant lesquelles il lui a été interdit pendant deux ans de quitter la région Nord-Pas-de-Calais et où des experts psychiatriques sont allés jusqu'à lui demander si elle avait éprouvé du plaisir à injecter dans les veines de son fils tétraplégique d'importantes doses de barbiturique ! Au nom de quoi faut-il faire subir de telles épreuves à ceux qui, par compassion, ont aidé à mourir la personne qu'ils aimaient le plus et qui les en suppliaient ? Je crois, très profondément, que c'est au législateur qu'il revient d'en décider, que c'est à vous de dire la loi !

Monsieur Fouché, l'ADMD compte 48 000 adhérents contre 5 000 pour les associations d'accompagnement des soins palliatifs, les chiffres sont dans le rapport Leonetti. Ces associations ont reconnu avoir perdu 40 % de leurs adhérents ; à l'inverse, nous en avons nous-mêmes accueillis, comme cette ancienne bénévole de l'association « Jusqu'à la mort, accompagner la vie » (Jalmalv) qui ne pouvait plus supporter les limites du discours apaisant sur l'au-delà, face à des personnes qui demandent à partir, après avoir dit au revoir à leurs proches et souhaitent ne plus vouloir souffrir. Je trouve effectivement anormal que notre association, avec quarante-huit mille adhérents, se voit refuser la reconnaissance d'utilité publique, ainsi que toute subvention et qu'elle ne soit pas associée à l'observatoire national sur la fin de la vie, alors que des associations bien plus petites sont largement soutenues, pour la simple raison qu'elle sont contre l'euthanasie. Le mouvement contre l'euthanasie est dogmatique et je trouve anormal qu'il ait tant de place dans notre république laïque.

M. Fischer a évoqué la situation de l'hôpital public, qui nous préoccupe tous, avec le chiffre de 20 % d'accès aux soins palliatifs seulement, et nous savons, à travers notre service d'écoute téléphonique ADMD-Ecoute, combien la demande insatisfaite est forte. Mais nous savons aussi que, même avec un accès universel, il y aurait encore des demandes d'aide à mourir dans la dignité.

La loi Leonetti représente un progrès, mais son dispositif est méconnu, rien n'est fait pour le faire connaître. Avec l'ADMD, nous nous retrouvons parfois les seuls, à l'hôpital même, pour informer le public. On nous félicite pour notre travail, je suis consulté directement par les autorités, mais rien ne suit. Le fichier national des directives anticipées est resté lettre morte. Nous en avons constitué un de notre côté : il compte 9 700 directives, dont la moitié proviennent de non-adhérents. Le fichier national est nécessaire, les urgentistes le réclament unanimement. L'ADMD, enfin, a souhaité être agréée association représentant les usagers de santé, nous sommes présents dans les hôpitaux, non pour promouvoir l'euthanasie mais les droits que les patients ont obtenus avec la loi Leonetti.

Cette loi, cependant, est insuffisante, elle a été faite pour les médecins beaucoup plus que pour les patients. Prenez le cas d'une personne qui aurait indiqué son choix d'euthanasie dans une directive anticipée, qui aurait désigné une personne de confiance et qui tomberait dans le coma : une procédure collective est désormais possible, mais la décision demeure entre les mains du seul médecin, quelle que soit la décision anticipée du patient et le voeu de la famille. Ce n'est pas notre conception du respect de la décision de chacun devant la mort ! Nous voulons que la décision de chacun, vaille jusque devant la mort.

Monsieur Barbier, vous m'indiquez que mon association n'a réuni que cent trente-cinq personnes lors de notre assemblée dans le Jura ; j'avais plutôt noté cent quatre-vingts présents sur les deux cent dix-neuf adhérents de l'ADMD de ce département, ce qui n'est pas négligeable. Je n'ai pas l'habitude de mâcher mes mots, ni de pratiquer la langue de bois : je ne m'en prends certainement pas aux médecins, mais aux mandarins, ceux que j'appelle les « voleurs de liberté », et j'en ai trouvé y compris à l'Assemblée nationale !

M. Gilbert Barbier. - Pas au Sénat ?

M. Romero. - Peut-être, mais je ne les ai pas rencontrés... Quoi qu'il en soit, je dénonce ces mandarins qui vous disent en privé avoir transgressé la loi en accordant la mort à des patients qu'ils savaient condamnés à mourir rapidement dans d'atroces conditions, mais qui veulent conserver pour eux seuls cette faculté de transgression. Si demain je suis irrémédiablement condamné à mourir à court terme, mais que je suis amoureux et que ma joie de voir l'être aimé l'emporte sur la souffrance, je veux pouvoir décider de mon sort, plutôt que ce soit le médecin. C'est pourquoi je milite pour qu'une loi autorise l'euthanasie, dans des conditions évidemment encadrées, pour que la personne soit enfin respectée.

Les Français sont massivement favorables à une telle loi, quelles que soient leurs sympathies politiques : à 86 % pour les sympathisants socialistes ou de l'UMP, à 90 % pour les sympathisants écologistes, à 80 % pour les sympathisants du FN. Mais l'agenda politique est tenu par des doctrinaires des soins palliatifs : je considère que, dans une démocratie, une minorité ne doit pas avoir un tel pouvoir sur la majorité !

Monsieur Kerdraon, je vous accorde volontiers que le dispositif français est hypocrite, et que l'hypocrisie est inscrite dans la loi Leonetti même. De fait, le recours à la sédation palliative terminale n'est rien d'autre qu'une euthanasie qui ne dit pas son nom : on cesse de vous nourrir et de vous hydrater, avec la certitude que vous en mourrez dans un délai maximum de trois jours, seule restant inconnue l'heure de votre mort. Et quand Chantal Sébire suppliait qu'on mette fin à sa souffrance, on a vu Christine Boutin et jusqu'au Premier ministre expliquer que la sédation serait justifiée, mais pas l'euthanasie... Dans les congrès internationaux, les spécialistes estiment que la France a légalisé l'euthanasie active indirecte. Cependant, qui en décide ? Les seuls médecins, et c'est ce qui n'est plus admissible. Ceux qui prennent prétexte des exécutions, aux Etats-Unis par exemple, qui provoquent des souffrances atroces pour le condamné, pour nous dire que l'euthanasie s'accompagnerait nécessairement d'une sorte de torture, ne connaissent rien à la réalité. En fait, l'injection létale est indolore et elle entraîne une mort certaine, rapide et sans souffrance physique, c'est un fait avéré.

Madame Debré, je ne peux accepter entendre dire que le geste d'euthanasie revient à tuer quelqu'un. Quand on m'annoncera, ce que je n'espère pas, que mon cancer ou mon sida seront à ce point avancés que ma mort sera devenue certainement imminente, la demande que j'adresserai à l'ami de confiance ne sera pas de me tuer, mais bien de m'accompagner dans l'ultime étape, de m'aider à partir au mieux dans l'inconnu de la mort. Je sais bien que les médecins sont là pour soigner, pour faire vivre les patients, mais dans les pays où l'euthanasie a été légalisée, on constate que les médecins n'exercent que très rarement la clause de conscience, parce que, dans l'écrasante majorité des cas, ils savent que le geste d'euthanasie correspond à un voeu profond de délivrance, longuement mûri, exprimé par les souffrants, en accord avec leurs proches, et que la mort ainsi préparée est une mort plus sereine.

Mme Isabelle Debré. - Oui, mais quand le patient n'est plus en mesure d'exprimer son consentement ?

M. Jean-Luc Romero. - Il a pu prendre une directive anticipée et, dans les faits, la loi Leonetti autorise déjà la sédation palliative sans que le patient formule son consentement : vous mettez donc en cause la loi Leonetti.

M. Nicolas About. - Elle vise la fin de vie.

Mme Isabelle Debré. - Dans le cas où des malades ne sont plus en capacité de se donner la mort, vos propositions consistent à en charger une autre personne, ce qui revient à lui donner un pouvoir de tuer.

M. Jean-Luc Romero. - Ainsi entendue, la loi Leonetti permet donc de tuer...

Les opposants à l'euthanasie prétendent que sa légalisation entraînerait une hécatombe sans précédent, mais là où une législation existe, on a constaté une augmentation tout à fait raisonnable de la mortalité, qui lui est imputable. En appliquant à la France l'augmentation constatée aux Pays-Bas et en Belgique, nous sommes parvenus au chiffre théorique de 10 700 morts, et c'est ce chiffre que les opposants clament désormais haut et fort, alors que nous nous en gardons bien, puisqu'une telle prévision n'a évidemment rien de scientifique...

La loi Leonetti demeure méconnue, je le déplore avec vous, quoique j'aie dit combien je l'estime insuffisante. La méconnaissance tient tout simplement à ce que les campagnes d'opinion annoncées n'ont pas été réalisées.

Monsieur Lardeux, je constate que les croyances religieuses ne s'opposent pas à la légalisation de l'euthanasie puisque, quelle que soit la religion, les croyants y sont très majoritairement favorables : ceux qui s'y opposent, ce sont les membres de l'élite religieuse ! Même chose pour les médecins. Et c'est cette élite médicale qui s'opposait également à la contraception, à la prise en charge de la douleur par la morphine, à l'avortement : mais quand le législateur a dit le droit, les mandarins ont bien dû adapter le serment d'Hippocrate ! Vous me demandez aussi pourquoi l'association que je préside défend le droit de mourir plutôt que celui de vivre dans la dignité : nous sommes bien sûr pour le droit de vivre dans la dignité, et l'intitulé de mon association est celui que j'ai trouvé en arrivant, il correspond à des années de combat pour faire reconnaître les droits très précisément déniés de choisir sa fin de vie dans des conditions très encadrées. Pour être moi-même malade du sida depuis de nombreuses années, je crois être passé par suffisamment d'épreuves pour savoir ce qu'il en est de la dignité, et je sais qu'il faut laisser chacun en juger pour soi-même, plutôt qu'en imposer une définition nourrie de préjugés !

Madame Hermange, vous m'opposez l'exemple du maniaco-dépressif, dont la mort serait facilitée par la légalisation de l'euthanasie dès lors qu'il pourrait la demander pendant une phase dépressive, dont chacun sait pourtant qu'elle est transitoire dans une telle maladie. Mais le maniaco-dépressif n'entre pas du tout dans le cadre de la législation que nous proposons, c'est de la désinformation de prétendre l'inverse ! Même à l'ADMD, nous encourageons les gens à vivre, à mener la plus belle vie qu'ils peuvent, et c'est seulement pour les cas de mort certainement imminente que nous demandons un cadre légal, pour que chacun puisse choisir de mourir dans la dignité. Lisez le témoignage de Maïa Simon, qui, sachant qu'elle mourrait étouffée par sa maladie dans un délai certain d'un mois, a décidé de mourir entourée des siens, dans le partage : voilà une fin de vie choisie !

Monsieur About, nous préconisons deux méthodes d'euthanasie : soit l'injection létale, qui entraîne une mort certaine et sans souffrance physique dans un délai de dix à trente minutes, soit un suicide assisté, par l'absorption d'un produit létal, qui n'a rien à voir avec les scènes atroces et absurdes que les opposants décrivent.

Le législateur ne doit pas se défausser sur le juge : les cours d'assises ont acquitté les prévenus qui avaient aidé leur proche à mourir, les affaires sont connues mais ce n'est pas une raison de ne pas voter une loi. Les procès sont toujours des épreuves pour les personnes mises en examen, mais surtout, je trouve particulièrement anormal d'entendre des parlementaires se satisfaire d'une loi mal appliquée, doublée d'un vide juridique. Quand une loi ne convient pas, c'est au législateur d'en changer, plutôt que de laisser les juges et les citoyens se débrouiller.

Monsieur Autain, un problème se pose effectivement dans les maternités, où les médecins laissent mourir un nombre inconnu d'enfants non viables, en estimant qu'il est désespéré de les assister. De fait, il y a un vide juridique : les médecins décident seuls, en informant ou non les familles, au cas par cas. Ce problème a été délibérément mis de côté par la loi Leonetti, il reste donc entier, ce qui n'est guère satisfaisant.

Organisme extraparlementaire - Désignation d'un candidat

La commission désigne ensuite Jean-Louis Lorrain appelé à siéger, comme membre titulaire, au sein du conseil d'orientation de l'agence de la biomédecine.

Nomination d'un rapporteur

Puis la commission nomme Colette Giudicelli en qualité de rapporteur sur le projet de loi n° 2789 (AN-XIIIe législature) portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.

Election d'un vice-président de la commission

Alain Milon est nommé vice-président de la commission en remplacement de Gérard Dériot, démissionnaire à la suite de son élection en qualité de questeur du Sénat.

Jeudi 13 janvier 2011

- Présidence de Mme Muguette Dini, présidente -

Fin de vie - Audition de M. Emmanuel Halais, philosophe, maître de conférences à l'Université de Picardie-Jules Verne)

La commission procède à l'audition de M. Emmanuel Halais, philosophe, maître de conférences à l'Université de Picardie-Jules Verne.

Mme Muguette Dini, présidente. - Dans le cadre de nos travaux sur les propositions de loi relatives à l'aide active à mourir, nous accueillons Emmanuel Halais, maître de conférences en philosophie à l'université de Picardie-Jules Verne.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Après les auditions d'hier, essentiellement consacrées à des acteurs du monde associatif, il m'a semblé intéressant d'entendre Emmanuel Halais, philosophe, qui a eu la gentillesse de m'adresser son ouvrage intitulé L'euthanasie, à travers le cas de Vincent Humbert. Cet ouvrage, petit par sa taille mais non par son contenu, apporte un éclairage sur la détresse de certains de nos concitoyens et la gestion de la fin de vie.

M. Emmanuel Halais, universitaire. - Quelle est la valeur de la vie humaine et donc de la mort humaine ? Telle est la question que pose avec force le cas de Vincent Humbert. Ce dernier, parce qu'il a interprété sa situation en termes de droit, a provoqué une réflexion sur le thème de l'euthanasie et du traitement de la mort dans nos sociétés, qui a indéniablement entraîné une évolution des mentalités. Pour ma part, je voudrais m'interroger sur la question philosophique qui sous-tend ces débats : la vie humaine a-t-elle un sens ? Comment le définir ? Est-il acquis et peut-il donc être perdu, ou est-il inhérent à la vie ? Et, en définitive, qu'entend-on par vie humaine ? Cette interrogation, susceptible d'un traitement abstrait et pointu, n'est pas seulement une affaire de spécialistes, comme peuvent l'être des problèmes de physique ou de mathématiques, car la vie humaine est ce qui nous définit, à la fois collectivement et individuellement. La question de sa valeur est difficile. Non qu'elle soit technique, mais ce qui est le plus proche est parfois plus difficile à voir que ce qui est loin. Elle est redoutable parce qu'elle présuppose un aperçu du tout de sa propre vie, qui peut être effrayant ou nous renvoyer une image de nous-mêmes déplaisante.

L'être humain est ce qui nous définit en tant qu'espèce. La notion est directement morale, a montré la philosophe américaine Cora Diamond. De fait, elle recouvre le sens que nous donnons à la vie et à la mort à travers les rites, l'attribution des noms, la préservation de la mémoire des morts et l'idée d'une solidarité liée à notre destin commun de mortels dont la compassion tire sa source. Si j'ai parlé d'espèce, la notion d'être humain, telle qu'elle ressort des rites du baptême ou de l'enterrement, n'est pas réductible à la biologie, aux questions d'embryologie ou de mort des cellules. Autrement dit, la notion d'être humain est culturellement forgée ; elle est ce que nous en faisons dans les rites, la littérature et l'art. Nous ferions donc fausse route en cherchant à fonder nos jugements moraux sur des faits objectifs, croyant emprunter une démarche scientifique. Enfin, la notion dépend de la manière dont elle est, au fil des générations, investie d'un sens.

Cette démarche d'investissement de sens est également individuelle. Le sens qu'un individu donne à sa propre vie, s'il est rarement formulable, est lié à la possibilité globale d'un accomplissement : celle de ressentir une coïncidence entre ce que l'on fait et ce que l'on est dans sa relation à l'autre, dans la réalisation d'ambitions ou d'une vocation ou encore dans le regard porté sur le monde, le tout formant un entrelacs. La notion de vie individuelle, comme celle d'être humain, est donc subjective : elle dépend de la relation que l'individu entretient avec sa propre vie. Par conséquent, ce sens lui est, si l'on veut, immanent. L'individu est le seul à faire, au sens strict, l'épreuve de sa propre vie. Pour autant, le sens de la vie ne découle pas d'une décision individuelle. Il n'existe pas d'acte par lequel l'individu le détermine. Au reste, cette conception volontariste s'accorde fort peu avec le sentiment que l'on a parfois de ne pas être maître de sa vie, que l'on exprime en évoquant un destin.

Il existe donc deux manières de poser la question du sens de la vie. Si l'on retient une perspective collective, la réponse passe par le sentiment que la vie humaine est précieuse. Il apparaît, de manière évidente, lorsqu'une vie animale et une vie humaine sont dans la balance et qu'il faut faire un choix. Le caractère spécifique de la vie humaine peut aussi être un objet de contemplation et matière à élaboration artistique. Si l'on pose la question de manière individuelle, le sens de la vie n'est autre que le sentiment positif ou négatif accompagnant tout ce que l'on vit. Toute schématisation doit être évitée : personne ne dispose d'un appareil de mesure objectif. La qualité de la vie ne se mesure pas comme on pèse des livres de pommes chez l'épicier. Ensuite, nous ne ressentons pas ce sentiment en toute occasion ; il n'est pas consultable à loisir. Toutefois, notre vie nous renvoie un sentiment global, celui d'une qualité liée à l'adéquation plus ou moins grande entre ce que l'on fait et ce que l'on est. C'est le sentiment de l'allure que notre vie a, de sa couleur ou de sa forme globale. Celui-ci évolue, voire change du tout au tout en cas de rupture brutale dans le cours des événements. Peut-être est-il plus vivement ressenti lorsqu'il est négatif. Le récit de Vincent Humbert éclaire cette difficile question, nous oblige à l'envisager sous un angle qui ne soit pas seulement abstrait. Une rupture brutale dans le cours des événements définit un avant et un après, un sens des possibilités au plus haut qui lui est brutalement retiré. Etablir des critères objectifs afin de déterminer quelle vie vaut la peine d'être vécue aurait des conséquences pratiques terribles : tels individus mériteraient de vivre, d'autres non.

A cette manière froide de considérer les valeurs de la vie, on peut opposer le caractère précieux de la vie humaine en tant que tel. Les jugements que nous portons sur les autres et nous-mêmes dans la vie quotidienne - celui-ci a eu une vie bien remplie et heureuse, l'autre l'a gaspillée en pure perte - ont une portée limitée : nos conseils sont rarement suivis, réformer sa propre vie est un exercice difficile. Mais Vincent Humbert demandait à sa mère de partager le jugement qu'il portait sur sa propre vie, à savoir qu'elle était absurde, et d'en tirer les conséquences les plus sérieuses. Selon lui, les conditions mêmes du sens d'une vie individuelle n'étant pas remplies, mieux valait mourir. Toute la difficulté vient de ce que nous voudrions des faits objectifs, discriminants quant au sens ou à l'absurdité d'une existence. Après un terrible accident, Vincent Humbert a connu des blessures irréversibles. Mais cela n'explique pas la maturation aboutissant au verdict que son existence ne vaut pas la peine. Celui-ci relève de la subjectivité, du rapport exclusif de l'individu à sa propre vie. Dès lors, seuls l'empathie et un effort positif de l'imagination y donnent accès. Le même effort est nécessaire pour comprendre le courage et l'amour extraordinaires qu'il a fallu à Marie Humbert pour abréger les souffrances de son fils. Or nos capacités sont limitées car nous sommes rarement confrontés à des cas aussi extrêmes.

Le récit de Vincent Humbert nous force à nous demander ce que nous ferions, placés dans la situation du fils ou celle de la mère. S'il est impossible de répondre à cette question, nous pouvons comprendre la conséquence que Vincent Humbert avait tirée d'une vie qu'il considérait dénuée de sens et de son inquiétude quant au sort que la justice humaine réserverait à sa mère.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - D'après vous, comment Vincent Humbert, après que le Président de la République a répondu négativement à sa demande, est-il parvenu à convaincre sa mère et le docteur Chaussoy de prendre tous les risques en abrégeant ses souffrances ? Par un processus de compassion ou de raisonnement rationnel ?

M. André Lardeux. - La situation de Vincent Humbert est très particulière tandis que nous sommes saisis de propositions de loi dont la portée est générale. N'est-il pas contradictoire de légiférer pour des cas particuliers ? Ceux qui, comme moi, sont opposés à ce texte, avancent la notion de dignité humaine, qui est pour nous un absolu. Qu'en pensez-vous ?

M. Emmanuel Halais. - Monsieur Godefroy, la réponse à votre question se trouve dans le récit de Vincent Humbert que le journaliste Frédéric Veille a recueilli, avant d'écrire sa biographie. Bien que totalement paralysé, Vincent Humbert était animé par une volonté incroyable. Il a imposé à sa mère et à son médecin - et à travers eux, à l'opinion - une décision à laquelle ils étaient initialement opposés. Ont-ils cédé par compassion ? J'ai l'impression qu'ils se sont plutôt rendus à ses raisons.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Autrement dit, le raisonnement et la force de conviction de Vincent Humbert ont été plus déterminants que la compassion.

M. Emmanuel Halais. - Certes, mais je ne suis pas certain qu'on puisse codifier ce processus d'adhésion...

Monsieur Lardeux, dans le texte que j'ai écrit, L'euthanasie, à travers le cas de Vincent Humbert, j'ai dit mon embarras devant la contradiction qui ressort du récit de Vincent Humbert : sa vie est dénuée de sens, dit-il, mais il veut la transformer en une question de droit, qu'il appelle le droit à mourir. La valeur de la vie, me semble-t-il, est essentiellement subjective. Et Vincent Humbert a peut-être eu tort de vouloir transformer son cas particulier en question de droit.

Quant à la proposition de loi, elle me semble justifiée, mais non pour les raisons que Vincent Humbert avance.

M. André Lardeux. - Quid de la dignité de la personne ?

M. Emmanuel Halais. - Les deux camps sont fondés à invoquer cette notion philosophique et religieuse...

Mme Marie-Thérèse Hermange. - et constitutionnelle !

M. Emmanuel Halais. - D'un côté, la dignité humaine impose que l'on regarde toute vie comme précieuse, quelles qu'en soient les conditions ; de l'autre, elle justifie qu'on mette fin à une vie individuelle dégradée. Bref, elle ne permet pas de trancher.

M. André Lardeux. - Et vous, avez-vous tranché entre les deux camps ?

Mme Muguette Dini, présidente. - Monsieur Halais, vous avez le droit de ne pas répondre...

M. Emmanuel Halais. - Je peux essayer d'y répondre. La vie humaine est précieuse en tant que telle, mais elle peut être dégradée à tel point que l'on veuille y mettre un terme. La question doit être envisagée sous les deux angles : collectif et individuel.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - N'ayant eu aucun contact avec M. Halais avant cette audition, sinon que j'ai lu son texte, j'aimerais savoir en quoi la proposition de loi lui semble justifiée.

M. Emmanuel Halais. - Elle représente un progrès pour les libertés individuelles. La législation actuelle ne prend pas suffisamment en compte la situation des personnes en fin de vie.

Mme Catherine Deroche. - Comment passer de la décision subjective de M. Humbert, que vous avez maintes fois soulignée, au cadre objectif de la loi ?

Mme Catherine Procaccia. - Monsieur Halais, puisqu'il s'agit de libertés individuelles, ne pensez-vous pas qu'il faut établir un parallèle entre les souhaits des vivants et les dernières volontés des défunts ? Certains veulent être incinérés ; d'autres souhaitent que personne n'assiste à leur enterrement. Nous faisons en sorte de respecter leurs testaments, qu'ils soient écrits ou oraux. Pourquoi n'en serait-il pas de même pour les vivants ? Adolescente, je me souviens de mon oncle à l'hôpital. Il m'avait implorée de le débrancher ; je ne l'ai pas fait mais je garde ce souvenir.

M. Gilbert Barbier. - La valeur de la vie est affaire de subjectivité, avez-vous dit. Celle-ci peut être altérée par certains états psychiques. De nombreuses personnes pensent que leur vie ne vaut pas la peine d'être vécue, sans être atteintes par le délabrement physique. Sur quels critères les médecins fonderont-ils leur jugement ? Comment juger de la dégradation de l'état physique ?

En outre, Vincent Humbert n'était pas en fin de vie de même que de nombreuses personnes tétraplégiques. Faut-il les inclure dans le champ des textes sur l'aide active à mourir ou en rester à la grand-mère de quatre-vingt-dix ans, sans famille, grabataire depuis des années ? La loi peut-elle fixer la limite ou mieux vaut-il en rester à la situation actuelle où la décision est prise après discussion ?

Enfin, à quel âge est-on capable de porter un jugement sur sa propre vie ? Les textes excluent les mineurs. Qu'en est-il de la personne de dix-huit ans, quelles que soient ses conditions physiques ?

M. Emmanuel Halais. - Monsieur Barbier, la différence est effectivement grande entre Vincent Humbert et les personnes en fin de vie. Dans son récit, il se plaint d'ailleurs ironiquement de ce corps physique qui lui a été restitué intact et lui permettrait de vivre très vieux. C'est une des raisons pour lesquelles il demande à sa mère de mettre fin à sa vie.

La question de l'altération du jugement me semble insoluble. Parler de subjectivité suppose effectivement que la personne soit consciente. Mais sur quels critères psychologiques l'évaluer ? D'où la difficulté à faire entrer cette question, qui relève de la subjectivité, dans un cadre juridique. Ce passage est très difficile.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - En effet !

M. Emmanuel Halais. - La décision de mourir relève de l'intime. Hélas, on ne peut pas s'en tenir là : il faut protéger les proches et les médecins qui entourent la personne. Et donc trouver un cadre objectif...

M. Gilbert Barbier. - C'est bien tout le problème !

M. Emmanuel Halais. - J'en viens au parallèle entre les volontés des morts et des vivants...

Mme Catherine Procaccia. - Je vise seulement les personnes qui n'ont pas la capacité physique de mettre fin à leur vie ; les autres ont le choix.

M. Emmanuel Halais. - Le parallèle existe, mais la démarche est différente : prévoir sa fin de vie suppose une réflexion sur soi et non sur ce que les autres feront après votre disparition. En revanche, je suis plutôt favorable à un document juridique établissant les volontés pour la fin de vie : ce serait un bon outil mis à la disposition des personnes.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Y a-t-il une définition objective de la dégradation ? Si tel est le cas, s'établit-elle sur des critères cliniques ? N'est-ce pas renvoyer la responsabilité aux médecins ? Quelle sera leur position lorsqu'ils entreront dans la chambre d'un patient en ignorant si l'on attend d'eux un traitement ou la mort ? A défaut de critères cliniques, comment établir une norme objective de la dégradation et de la souffrance pour aboutir à un cadre juridique ?

M. Emmanuel Halais. - Les critères cliniques ne peuvent pas suffire. Si la personne est consciente, le rapport qu'elle a à son corps et à sa souffrance ne peut pas être objectivé. L'élément subjectif est irréductible.

M. Nicolas About. - Merci de votre exposé qui s'ajoute à une longue liste d'auditions que nous menons sur ce sujet depuis plusieurs années. Un élément me semble nouveau : le partage du jugement et la capacité à faire partager son jugement sur sa propre vie. Il est d'autant plus facile de comprendre la décision de mourir que l'on partage la vie quotidienne de celui qui la prend. Dans L'Ultime liberté ?, Axel Kahn s'évertue à tuer le titre de son essai pour le ressusciter à la fin : il s'accorde la liberté d'aider ses proches à mourir, après avoir montré pourquoi il ne reconnaissait pas le droit à mourir. En revanche, il dit vouloir être jugé pour son acte. Mieux vaut donc peut-être s'en tenir à un cadre légal de contrôle a posteriori afin de sanctionner les personnes agissant par intérêt et éviter la cour d'assises à Marie Humbert et au docteur Chaussoy, plutôt que de créer les conditions préalables de l'aide active à mourir. Qu'en pensez-vous ?

M. Emmanuel Halais. - Je pencherais plutôt pour la deuxième option, même s'il serait préférable que ces questions restent du domaine de l'intime. Mais je ne suis pas juriste...

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Le docteur Chaussoy a commencé par sauver Vincent Humbert - mais le procureur de la République avait été informé par un de ses collègues, demandait que l'on sépare la mère et le fils et avait d'ores et déjà annoncé qu'en cas de décès, il instruirait pour meurtre. La solution proposée par M. About n'empêche pas l'instruction.

M. Nicolas About. - La tierce personne pourrait, dès l'acte, faire appel à une instance qui mettrait fin à la procédure judiciaire et éviterait les poursuites. Ce n'est pas la même chose que ce que l'on connaît actuellement.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Le docteur Chaussoy est passé à l'acte car Vincent Humbert se serait trouvé privé de sa mère, qui lui était indispensable ! Cette problématique est au coeur de ma réflexion. Je doute que l'idée de M. About règle le problème.

Mme Raymonde Le Texier. - Je me réjouis que l'on ait invité un philosophe ; cela nous conduit à réfléchir autrement. La notion d'être humain est culturellement forgée, et le sens de la qualité de la vie dépend de l'adéquation entre ce que l'on est et ce que l'on fait, dites-vous. Qu'en est-il alors de la notion d'ultime liberté, au regard de votre définition de la dignité humaine ? Y a-t-il un moment où la vie n'est plus digne, tant elle est dévastée ? Respecter la dignité humaine, n'est-ce pas surtout respecter l'ultime liberté ?

Mme Procaccia a soulevé l'apparent paradoxe entre respect de la volonté du défunt et de celle du vivant. Comment peut-on être à ce point réticent à respecter l'ultime volonté du vivant et à ce point attaché à la volonté du défunt ?

Mme Catherine Procaccia. - Même quand cette dernière nous paraît aberrante !

Mme Raymonde Le Texier. - Il peut être par exemple difficile pour les proches d'accepter la volonté du défunt d'être incinéré. N'empêche que cette volonté est respectée. Il est paradoxal d'être moins respectueux de l'ultime liberté du vivant !

M. Emmanuel Halais. - Ce n'est pas si paradoxal, dès lors que l'idée de vie humaine est culturellement forgée. Le respect de la volonté du défunt passe par un processus juridique, le testament, mais s'accompagne surtout de la notion, culturelle, de l'importance qu'il y a à respecter cette volonté.

La réflexion sur la fin de vie, en revanche, n'est pas encore culturellement forgée. Les choses évoluent, nous changeons, mais nous négligeons encore cette question car il y un aveuglement devant la place de la mort dans nos sociétés.

M. Guy Fischer. - On ne veut pas anticiper la mort...

M. Emmanuel Halais. - La mort est rendue invisible.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - L'anticipation n'est pas la même selon que je suis bien portant ou que je souffre d'un cancer meurtrier, selon que je suis en début ou en fin de traitement. Puis-je dire aujourd'hui ce que je souhaite pour ma propre mort ? Notre problème est que nous légiférons sur la mort de l'autre !

M. Emmanuel Halais. - On peut toujours anticiper sur les conditions de sa propre mort, qui fait l'objet d'un document écrit, document qui peut toujours être révoqué si l'on change d'avis.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Hier, M. Romero nous disait qu'une belle histoire d'amour pourrait le faire changer d'avis, même si son état était insupportable : une anticipation peut toujours être révoquée !

M. André Lardeux. - Encore faut-il être en état de pouvoir le faire !

Fin de vie - Audition de M. Régis Aubry, président de l'observatoire national de la fin de vie

La commission procède enfin à l'audition de M. Régis Aubry, président de l'observatoire national de la fin de vie.

M. Régis Aubry, président de l'observatoire national de la fin de vie. - Vous m'interrogez sur la vision de l'observatoire sur les questions soulevées par vos trois propositions de loi.

A la suite du rapport de votre groupe de travail, l'observatoire, qui vient d'être créé, a dressé un état des lieux des connaissances fournies par la recherche sur l'euthanasie et le suicide assisté. Nous avons synthétisé les publications scientifiques et invité des chercheurs, l'objectif du séminaire étant de développer la recherche sur ces questions afin d'alimenter le débat. Cette réunion, fort intéressante, a souligné la faiblesse des connaissances scientifiques, en particulier dans notre pays, alors que la Hollande ou la Belgique ont mené des études. Nous sommes bien en peine de dire la réalité, quantitative et qualitative, des demandes d'euthanasie et de suicide assisté, faute d'études rigoureuses.

De tels travaux nécessitent des compétences en recherche qualitative, ce qui n'est guère une tradition française. Il faut croiser plusieurs types de travaux qualitatifs, sur la base d'une analyse des certificats de décès ; c'est ce que nous faisons avec l'institut national d'études démographiques (Ined), en nous appuyant sur la méthodologie suivie en Belgique. Nous devrions avoir des résultats intéressants d'ici le milieu de l'année.

Les travaux menés par le professeur Deliens en Belgique font état de la rareté des cas d'euthanasie : ceux-ci représentent moins de 1 % des décisions médicales de fin de vie. Combien de demandes d'euthanasie ? Qu'y a-t-il derrière ? Que deviennent-elles ? Il faut se donner les moyens pour pouvoir argumenter.

L'observatoire a été créé à la suite du rapport de la mission d'évaluation sur la loi Leonetti. Je suis par ailleurs chargé de la coordination du programme national de développement des soins palliatifs. Le progrès en matière de santé a pour conséquences l'augmentation du nombre de personnes qui vivront longtemps avec des maladies graves, et donc celui du nombre de personnes vulnérabilisées. La notion même de fin de vie évolue ; elle ne se réduit plus à la toute fin de la vie. Il faut mesurer la réalité de l'offre et du vécu.

Les questions soulevées par les propositions de loi sont complexes. Ainsi, on ne peut réduire les soins palliatifs à la fin de vie. Il faut distinguer la douleur physique, qui doit recevoir une réponse antalgique, et la souffrance morale, spirituelle, existentielle. Nombre des demandes d'euthanasie sont liées à une douleur non contrôlée : ce n'est pas normal ! En revanche, il faut prendre en compte l'expression d'une souffrance existentielle, qui touche au sens de la vie. De plus en plus de demandes d'euthanasie seraient liées au sentiment d'indignité, d'être une charge pour les proches, dans une vision « utilitariste » de la vie. L'euthanasie doit-elle permettre de supprimer la souffrance ? Nous sombrons dans une réflexion abyssale... Je ne saurais le dire... Vivre, c'est parfois souffrir et pour moi, la souffrance est consubstantielle à la vie. Il faut mieux évaluer l'impact des soins palliatifs et de l'accompagnement de la souffrance avant de conclure que pour supprimer la souffrance, il faudrait supprimer la vie.

Des personnes dont la vie est prolongée par la médecine peuvent être à ce point vulnérabilisées qu'elles ne peuvent exprimer leur souhait de poursuivre ou non leur traitement. Comment appréhender la volonté d'une personne qui ne peut l'exprimer ? C'est toute la question de la décision pour autrui.

La loi du 21 avril 2005 tente de donner les moyens de respecter la volonté exprimée, mais dans les faits, les cliniciens sont confrontés à la variabilité de la demande du patient au fur et à mesure que son mal progresse - le désir de mort alternant sans cesse avec l'envie de vivre. C'est pourquoi il faut nourrir le débat et produire les connaissances dont nous ne disposons pas aujourd'hui, préalable, me semble-t-il, à toute décision.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - La notion de souffrance physique ou psychique vous paraît-elle fondée scientifiquement ?

M. Régis Aubry. - Je préfère distinguer douleur et souffrance. La douleur est fondée scientifiquement ; la contrôler relève du respect dû à la personne. En revanche, la notion de souffrance existentielle, transitoire ou non, ne peut être fondée scientifiquement. Va-t-on se demander s'il faut étendre le droit à l'euthanasie aux dépressifs ? Il y a danger à réduire la souffrance à une question médicale.

Mme Sylvie Desmarescaux. - C'est une distinction importante. La douleur doit être atténuée, mais vieillir dans la souffrance peut être une perspective intolérable...

Les souhaits des malades évoluent en dents de scie. J'ai vu ma fille supplier de pouvoir mourir, mais à d'autres moments, lumineux, s'accrocher à la vie. La vie humaine est précieuse, comme l'a rappelé M. Halais. Quelles limites doit-on mettre à la liberté individuelle ?

On entend souvent que la loi Leonetti est mal comprise, mal appliquée. Y aurait-il une volonté de ne pas l'appliquer ? Les médecins du centre de soins palliatifs de Zuydcoote me disent pourtant que c'est une bonne loi.

Je respecte ces propositions de loi, mais ne sont-elles pas prématurées ? Nous manquons d'éléments pour prendre de telles décisions, qui ouvriraient la porte à beaucoup de choses. Où situer l'exception ?

Mme Catherine Deroche. - La souffrance psychique peut être liée à un état physique, un état végétatif par exemple, sans qu'il y ait de douleur... Quid des personnes qui ne sont pas en fin de vie mais qui n'ont aucun espoir de voir leur état physique s'améliorer ? Enfin, quelles seraient les améliorations à apporter à la loi Leonetti ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Pouvez-vous nous éclairer sur la composition de l'observatoire, qui a été vivement critiquée par M. Romero lors de son audition ?

Mme Richard, présidente de la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), qui dit avoir rencontré deux cas d'euthanasie en dix ans, a estimé que les sociétés savantes ne pouvaient juger en fonction de sondages, mais qu'un programme hospitalier de recherche clinique était en cours. Où en est-il ? Quand ses conclusions seront-elles connues ?

M. Guy Fischer. - Vous dites qu'il n'y a pas d'études sérieuses menées en France. L'Observatoire se reporte-t-il aux expériences des autres pays, Hollande et Belgique ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Y a-t-il vraiment, comme on l'entend dire, des personnes âgées qui quitteraient la Hollande pour l'Allemagne par crainte de l'euthanasie ?

Mme Raymonde Le Texier. - Où s'arrête votre mission ? L'observatoire s'intéresse-t-il à la prise en charge des personnes très âgées dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ? C'est un véritable problème de société. J'ai vu des structures d'accueil où des personnes très âgées, grabataires, vivaient dans des conditions absolument indignes...

M. Guy Fischer. - Ce sont des mouroirs !

Mme Raymonde Le Texier. - La personne n'est pas respectée. Là, il n'est pas trop tôt pour agir !

M. Régis Aubry. - Les conditions de vie des personnes très dépendantes, des personnes en état végétatif chronique, entrent bien dans le champ de l'observatoire. Son rapport annuel fera état des connaissances sur ces questions.

Celles-ci demeurent toutefois très complexes ; il n'y a pas de réponse unique, il faut creuser la réalité. La médecine sait prolonger la vie ; doit-elle le faire quel que soit le résultat, surtout si, in fine l'on supprime les vies que l'on a ainsi prolongées ?

Mme Raymonde Le Texier. - On ne peut pourtant pas dire aux médecins de cesser de vouloir prolonger la vie !

M. Régis Aubry. - Ne vous méprenez pas : mon propos n'est pas anti-progrès ! La loi prévoit déjà que l'on demande au patient de réfléchir avant d'engager un traitement qui peut entraîner une survie dans des conditions difficiles. Mais l'anticipation de l'action par une réflexion dynamique n'est pas une réalité aujourd'hui.

La loi Leonetti impose un changement de paradigme aux acteurs de la santé. On ne peut plus se dispenser de prendre en compte l'avis de l'intéressé. Les lois de 1999 et surtout de 2002 sur les droits des malades ont introduit un changement majeur, qui n'est pas encore totalement assimilé. La formation des médecins y est sans doute pour beaucoup : il n'y a ainsi aucun enseignement obligatoire en éthique clinique.

Il faut observer et analyser les situations et proposer des actions, notamment en matière d'organisation.

Personne ne veut vieillir dans un établissement tel que ceux que vous citez : les personnes dans un Ehpad « moyen » disent qu'elles préféreraient être mortes ! Demandent-elles pour autant à mourir ? Elles demandent surtout à ne pas vivre dans de telles conditions... Si on lui en donne les moyens, l'observatoire contribuera à enrichir la réflexion, pour poursuivre et approfondir ce débat.

Le programme hospitalier de recherche clinique, porté par le docteur Ferrand, vise à connaître la réalité quantitative de la demande d'euthanasie et à explorer qualitativement ces demandes. Les premiers résultats devraient être publiés dans un an. Nous en attendons beaucoup, car il faut des éléments factuels.

Je sais que M. Romero, président de l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) critique la composition du comité de pilotage de l'observatoire.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Il ne la juge pas représentative...

M. Régis Aubry. - Afin que les patients soient représentés, il a été demandé au collectif inter-associatif sur la santé (Ciss) de désigner deux personnes, parmi les associations qui composent le Ciss. J'ai été surpris que l'ADMD n'ait pas été choisie... Lors de notre séminaire sur l'euthanasie, nous nous sommes adressés directement à elle. Quant à la société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP), elle n'est pas une association de malades, et n'est donc pas membre du Ciss.

Mme Muguette Dini, présidente. - Je vous propose de nous revoir lors de la publication du premier rapport de l'observatoire.

Questions diverses

Mme Sylvie Desmarescaux. - Je voulais indiquer que M. Aubry sera également présent au Sénat le lundi 24 janvier, avec notre collègue député Leonetti et d'autres, pour la projection du beau film Les Yeux ouverts, à laquelle les membres de la commission ont été conviés par mail.

M. Jean-Pierre Godefroy, rapporteur. - Je regrette pour ma part d'avoir appris l'organisation de ce débat avec M. Leonetti par mail, d'autant qu'il se tient à la veille de notre débat en séance publique !

Mme Catherine Procaccia. - Notre commission a choisi de désigner comme rapporteur d'une proposition de loi son auteur ou l'un de ses auteurs. Ne serait-il pas plus opportun de confier le rapport à quelqu'un qui puisse apporter un éclairage extérieur ? Même sur des sujets moins sensibles que celui-ci, de droit du travail par exemple, la question mérite d'être soulevée. Mais sur un sujet aussi controversé que la fin de vie, elle se pose avec acuité. Que Jean-Pierre Godefroy soit le rapporteur des propositions de lois sur l'euthanasie, tout en étant le premier signataire de l'une d'entre elles, ne lui facilite pas la tâche et ne nous aide pas, pour notre part, à décider si nous devons le suivre ou non.

Mme Muguette Dini, présidente. - Je rappelle qu'un appel à candidature avait été lancé et que seul Jean-Pierre Godefroy s'était déclaré.

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Je suis du même avis que Catherine Procaccia. J'avais moi-même envisagé d'être rapporteur de ces textes, mais vous aviez indiqué, madame la présidente, que le principe était plutôt que l'auteur d'une proposition de loi en est désigné rapporteur.

M. Guy Fischer. - Qui irait mettre en cause la neutralité de Jean-Pierre Godefroy ? C'est un excellent rapporteur et nous avons soutenu sa désignation.

Mme Sylvie Desmarescaux. - S'agissant du film Les Yeux ouverts, j'ai souhaité qu'il soit projeté la veille du débat en séance afin d'enrichir notre réflexion, et non pour faire pencher les sénateurs d'un côté ou de l'autre.

M. Guy Fischer. - C'est pourtant ce que j'avais compris.

Mme Sylvie Desmarescaux. - Ce sujet échappe aux clivages politiques et chacun se détermine librement en fonction de ce qu'il a vécu.

Mme Muguette Dini, présidente. - Dans un tel débat, le rapporteur ne pouvait être neutre. Marie-Thérèse Hermange y est-elle moins impliquée que Jean-Pierre Godefroy ?

M. Jean-Pierre Godefroy. - Je rappelle qu'à la demande de Mme la présidente et de nos collègues, nous avons renoncé à inscrire notre proposition de loi dans notre « niche » parlementaire, afin qu'elle puisse être examinée en même temps que les deux autres. Mais il aurait été beaucoup plus confortable pour moi de l'examiner dans le cadre de l'ordre du jour réservé du groupe socialiste : j'aurais été plus libre de mes propos. Quoi qu'il en soit, je m'efforce de rédiger un rapport équilibré.

Quant à la projection du film Les Yeux ouverts, elle ne me gêne aucunement. Ce qui me trouble, c'est que M. Leonetti, auteur de la loi de 2005 et de l'évaluation qui en a été faite, soit présent lors de la table ronde. Cela permet-il de maintenir des rapports équilibrés entre l'Assemblée nationale et le Sénat ?

Mme Catherine Procaccia. - Ne pourrait-on demander à Gérard Dériot, qui a été le rapporteur pour le Sénat de la proposition de loi de M. Leonetti, d'assister à cette table ronde ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Pour revenir à la question de la désignation de l'auteur d'une proposition de loi comme rapporteur, je souhaite qu'elle soit évoquée en Conférence des Présidents. Voyez les problèmes rencontrés lors de l'examen de la proposition de loi du député Olivier Jardé relative aux recherches sur la personne.

Mme Muguette Dini, présidente. - Je soulèverai cette question de principe en Conférence des Présidents.

Mme Raymonde Le Texier. - Il ne me paraît pas illégitime que l'auteur d'un texte en soit le rapporteur, car il connaît le sujet mieux que quiconque. Il est incongru que la question soit soulevée à l'occasion du rapport de Jean-Pierre Godefroy, dont chacun connaît la modération. Sur un sujet tel que l'euthanasie, personne ne pouvait être neutre.

Mme Muguette Dini, présidente. - J'ai moi-même suggéré à Marie-Thérèse Hermange qu'elle serait plus libre de ses propos si elle n'était pas rapporteur.

Mme Raymonde Le Texier. - Ne faites pas à notre collègue Godefroy de procès d'intention. Peut-on considérer que M. Leonetti, qui sera présent lors de la table ronde, a une position neutre ?