Mardi 13 décembre 2011

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Organismes extra-parlementaires - Désignation de candidats

En application de l'article 9 du Règlement du Sénat, la commission désigne les candidats proposés à la nomination du Sénat pour siéger dans les organismes extra-parlementaires suivants :

- Mme Brigitte Gonthier-Maurin comme membre du Conseil d'administration du Centre national d'art et de culture Georges Pompidou ;

- M. Vincent Eblé comme membre de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages ;

- M. David Assouline comme membre du Conseil d'administration de la société Radio-France ;

- M. Jacques Chiron comme membre de la Commission supérieure du service public des postes et des communications électroniques ;

- M. Michel Le Scouarnec comme membre titulaire et Mme Françoise Cartron comme membre suppléant de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement ;

- Mme Françoise Laurent-Perrigot comme membre du Conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs ;

- Mme Françoise Laborde comme membre du Haut conseil des musées de France ;

- Mme Françoise Cartron comme membre du Conseil d'administration de l'Établissement public du musée du quai Branly ;

- M. André Gattolin et Mme Sophie Primas comme membres titulaires de la Commission du dividende numérique ;

- M. Maurice Antiste comme membre titulaire et M. Abdourahamane Soilihi comme membre suppléant de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer ;

- Mme Dominique Gillot comme membre du Comité de suivi de la loi relative à l'équipement numérique des établissements de spectacles cinématographiques ;

- M. Jacques-Bernard Magner comme membre du Haut conseil de la vie associative.

Organismes extra-parlementaires - Désignation de membres

Puis la commission désigne des membres pour siéger dans les organismes extra-parlementaires suivants :

- Mme Dominique Gillot comme membre du Comité de suivi de la mise en oeuvre des dispositions du titre IV de la loi du 5 mars 2009 relatives au cinéma et autres arts et industries de l'image animée ;

- Mme Claudine Lepage comme membre du Conseil d'administration de la Société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France ;

- M. Jacques Legendre comme membre du Conseil d'administration de l'Institut français.

Contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Institut français pour 2011-2013 - Communication

La commission procède à l'examen pour avis du contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Institut français pour la période 2011-2013.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Dans le courant du mois de novembre dernier, notre commission a été saisie pour avis du projet de contrat d'objectifs et de moyens (COM) liant l'État à l'Institut français pour la période 2011-2013, conformément à l'article 1er de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État. Ce projet de COM a été préalablement examiné et validé par le conseil d'orientation stratégique de l'Institut lors de sa première réunion, le 28 septembre 2011.

Sur la forme, permettez-moi, tout d'abord, de formuler deux observations principales :

- le projet de COM nous a été adressé, dans un premier temps, au début du mois de novembre, sans les indicateurs, sous prétexte qu'ils étaient en cours de finalisation avec la direction du budget. De toute évidence, il faut que les services ministériels concernés comprennent que l'envoi d'un document incomplet, qui plus est sans les éléments fondamentaux d'évaluation et de suivi de la performance que constituent les indicateurs, ne vaut pas transmission officielle. Sans doute le ministère des affaires étrangères et l'Institut français font-ils la découverte de leurs outils communs de contractualisation et d'évaluation. Pour autant, notre commission a une longue expérience des COM entre l'État et les sociétés de l'audiovisuel public qui se sont, en général, caractérisés par une grande rigueur dans la définition des priorités d'action, des moyens correspondants et des indicateurs de résultat et de suivi.

Ces outils nous sont nécessaires pour appréhender les choix stratégiques, et pour évaluer si les moyens sont à la hauteur.

Par similitude d'exigence, je ne peux donc que déplorer les imprécisions du présent document. C'est là ma première critique sur la forme ;

- deuxièmement, une première lecture du projet de COM m'a laissée quelque peu perplexe quant à la présentation des priorités assignées au principal opérateur de notre action culturelle extérieure. Je constate un manque criant de hiérarchisation dans les priorités et de précision sur les moyens pour atteindre ces buts. Des objectifs bien souvent très généraux, au point d'être redondants pour certains d'entre eux, sont déclinés, au sein du COM, dans un catalogue d'actions dispersées et démultipliées. On se perd dans les biennales d'art, les saisons culturelles et les missions Stendhal, sans que l'on puisse réellement dégager une cohérence stratégique applicable à chaque objectif. Ceci interroge la programmation.

De longs développements sont parfois accordés à des opérations dont le descriptif n'a pas forcément sa place dans un document stratégique tel que le COM. De l'aveu même des responsables de l'Institut français, on aurait pu se dispenser, par exemple, d'entrer autant dans le détail dans la présentation du plan d'aide aux médiathèques.

Je rappelle que ce COM devrait s'articuler autour de quatre objectifs fondamentaux :

- inscrire l'action culturelle extérieure dans les objectifs de notre politique étrangère, en adaptant nos actions en fonction des zones géographiques et des publics, en agissant au service de l'influence et de l'image de la France dans le monde, en renforçant la dimension culturelle de notre politique de solidarité, et en favorisant le dialogue des cultures et en encourageant la diversité culturelle ;

- soutenir et développer l'action du réseau culturel dans le monde ;

- développer des partenariats au profit d'une action plus cohérente et efficace ;

- améliorer le pilotage et l'efficience dans la gestion des ressources que je ne confonds pas avec la RGPP, ce que sous-tend, hélas, le document qui entend que l'Institut, je cite, « adopte des principes de gestion analogues à ceux de l'État, y compris en matière d'évolution des effectifs ».

Avant d'aborder dans le détail les critiques que nous pouvons formuler à l'égard de la déclinaison concrète en actions de ces différents objectifs, je voudrais, au préalable, souligner quelques aspects positifs et encourageants :

- l'Institut français semble avoir pris la bonne mesure de l'importance de la formation des personnels du réseau culturel à l'étranger. Il devrait par conséquent consacrer près de deux millions d'euros par an au développement des compétences des agents de notre réseau. L'approche en matière de formation est transversale, en couvrant des domaines aussi variés que le management, la gestion comptable, le marketing, l'organisation logistique des manifestations culturelles, l'enseignement du français, etc. Les actions de formation pourront s'appuyer sur un réseau diversifié de partenaires expérimentés tels que la Chambre de commerce et d'industrie de Paris, le Centre d'approche des langues vivantes et des médias (CAVILAM) à Vichy, le Bureau international de l'édition française ou encore le Centre international d'études pédagogiques (CIEP) ;

- un accent particulier sera porté sur le développement de la capacité d'autofinancement des bureaux locaux de l'Institut français dans les 12 postes expérimentateurs. Il est vrai que les autres postes, non expérimentateurs du rattachement, seront d'autant plus enclins à être rattachés à l'Institut français s'ils constatent que cette opération implique un renforcement pérenne de leurs ressources propres, et donc une plus grande autonomie financière. Pour autant, je tiens à souligner que l'autofinancement ne constitue pas la panacée et qu'il est indispensable de tenir compte de la situation particulière de certains postes culturels, en particulier en Afrique, dont le recours à l'autofinancement et au mécénat est structurellement très limité.

J'attire votre attention sur un exemple révélateur : le COM mentionne, au titre de son autonomie financière, des conventions de cofinancement avec des collectivités. Ce qui est un contresens. L'Institut et les collectivités peuvent soutenir des projets ensemble. Mais les collectivités ne vont pas financer l'Institut ! Je rappelle, en effet, que pour un euro investi par les collectivités dans un projet culturel cofinancé, l'Institut doit par réciprocité investir un euro. Les collectivités territoriales interviennent donc dans une logique de cofinancement paritaire avec l'Institut français, et n'ont donc pas vocation à renforcer son autonomie financière.

Malgré ces quelques aspects positifs, je relève une série d'insuffisances préoccupantes qui doivent, selon moi, être résolues avant de pouvoir considérer sérieusement que ce COM constitue une base de travail ambitieuse :

- la mention d'une nécessaire et étroite coopération avec les collectivités territoriales est diluée au travers du document sans une approche réellement stratégique dans ce domaine. L'action culturelle des collectivités territoriales à l'étranger a connu une montée en puissance significative au cours des dernières années, c'est pourquoi il me semble indispensable d'élaborer une stratégie, déclinée en objectifs clairs et cohérents, assortie d'indicateurs de résultat et de suivi. Or, il n'y rien de tel dans le COM.

Par conséquent, j'y recommande l'inscription d'indicateurs de résultat et de suivi sur le nombre de partenariats conclus avec les collectivités territoriales et sur le montant global de leur financement afin de pouvoir déterminer la marge de progression de l'Institut français pour les deux prochaines années dans le soutien à l'action culturelle des collectivités territoriales à l'étranger. Les partenariats avec les collectivités territoriales sont systématiquement envisagés par le seul prisme des cofinancements.

Comme je l'ai dit plus tôt, on aurait tort de croire que l'apport de nos territoires se réduit à des compléments financiers. Leur participation à notre diplomatie culturelle nationale doit s'inscrire impérativement dans une stratégie concertée. C'est pourquoi je recommande la mise en place d'un correspondant « coopération décentralisée » de l'Institut français pour chaque grande zone géographique, qui sera chargé d'établir une interface avec les collectivités territoriales et de coordonner leurs efforts en fonction des besoins spécifiques identifiés dans les grandes régions du monde ;

- le COM n'offre aucune visibilité prospective sur les moyens humains et de financement concrets qui seront consacrés à l'apprentissage du français, hormis l'effort particulier qui sera consenti à la formation des enseignants. Je ne relève qu'un catalogue de manifestations dispersées telles que des salons comme « Expolangues », des expositions sur la langue française ou encore des programmes de mobilité tels que « Allons en France » ou « Profs en France ». Là encore, nous avons les plus grandes difficultés à identifier une stratégie cohérente. Il n'est fait aucune mention des modalités de coordination entre les alliances françaises et l'Institut français en matière d'enseignement du français à l'étranger. Quand deux partenaires cohabitent, il est nécessaire et rassurant pour tous, que le rôle de chacun soit clarifié. En outre, je rappelle que le ministre des affaires étrangères avait exprimé le souhait, en septembre dernier, que les efforts de promotion du français s'accentuent dans les pays concernés par les révolutions arabes. Cette orientation doit, selon moi, se traduire par un effort particulier dans le développement de programmes de bourses, cofinancées par l'Institut français et l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), afin de favoriser l'apprentissage du français ou la scolarisation d'élèves arabes au sein d'établissements d'enseignement français à l'étranger. Je n'ai trouvé aucune mention chiffrée sur les moyens que pourrait consacrer l'Institut à de tels programmes ou à une coopération renforcée avec l'AEFE ou avec les alliances françaises et c'est particulièrement regrettable ;

- les indicateurs de résultat en matière de création et de développement d'outils ou de projets numériques au service du réseau sont insuffisants. Un objectif de seulement 2 %, en 2012, puis de 3 %, en 2013, de la part des dépenses d'activité consacrées au développement d'outils numériques pour le réseau semble très en-deçà des ambitions que l'on est en droit de nourrir pour la modernisation de notre intervention culturelle à l'étranger. Je rappelle qu'en matière d'apprentissage de la langue espagnole sur Internet, les Instituts Cervantès sont très avance sur nous. Notre marge de progression est significative dans ce domaine, et nous devons encourager plus fortement le développement de plateformes numériques au service de l'apprentissage du français, notamment en coopération avec l'audiovisuel extérieur (TV5 Monde et RFI). Je recommande donc la réévaluation à la hausse de ces indicateurs ;

- lors des auditions que nous avions conduites en commun avec la commission des affaires étrangères sur la réforme de l'action culturelle extérieure, aussi bien les préfigurateurs de l'Institut français que les représentants du British Council ou du Goethe Institut avaient souligné la nécessité pour l'Europe de marquer son empreinte dans le débat d'idées sur des enjeux globaux tels que le réchauffement climatique et le développement durable. Le British Council s'est imposé en première ligne dans la diffusion des connaissances en matière de lutte contre le réchauffement climatique et de protection de l'environnement, en particulier au sein des pays du Commonwealth. Or, si le COM mentionne la promotion de la production intellectuelle française et de l'image scientifique et technique de notre pays, il n'affiche pas d'objectifs concrets en matière de diffusion de la culture scientifique ;

- dans le même ordre d'idées, je regrette que le COM ne prévoie pas, pour l'évaluation de la mission de l'Institut de promotion de la production intellectuelle et scientifique française, de partenariat avec le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) afin d'établir des statistiques sur la diffusion des travaux de la recherche française à l'étranger. Afin d'être ambitieux dans ce domaine, il me semble que les deux établissements publics, l'Institut français et le CNRS, devraient se voir fixer un objectif partagé dans le nombre de publications scientifiques françaises soutenues dans leur diffusion à l'étranger (par exemple, via la traduction et l'aide à l'exportation de ces publications) ;

- enfin, le projet de COM est d'ores et déjà obsolète à plusieurs égards. Le document porte sur la période 2011-2013, alors qu'il se pourrait qu'il ne soit même pas signé avant la fin de l'année 2011. De plus, l'affichage des subventions consenties par le ministère des affaires étrangères pour cette période ne tient pas compte de la diminution de 3 millions d'euros qui ramène la subvention pour 2012 à 34 millions d'euros, et non plus 37.

Les contraintes de l'Institut sont énormes : le ministère du budget souhaite un budget prévisionnel en équilibre, ce qui théoriquement n'autorise pas l'Institut à compenser l'intégralité de ces 3 millions d'euros de rabot dans son fonds de roulement ; l'opérateur ne peut pas non plus envisager de diminuer sa masse salariale, déjà très tendue, pour son premier exercice ; et les crédits d'intervention ne peuvent raisonnablement baisser au risque de contredire les engagements du ministre. Comment donc résoudre cette équation financière impossible ? Le COM n'y répond pas...

En conclusion, je souhaite souligner les deux insuffisances majeures de ce projet de COM qui ternissent quelque peu sa portée et ses ambitions : l'absence de hiérarchisation et de cohérence stratégique dans l'articulation des objectifs assignés à l'opérateur, d'une part, et des indicateurs de performance insuffisants dans leur nombre et dans leur ambition, d'autre part. Compte tenu de ces analyses, je vous propose de donner un avis négatif à la signature de ce COM, en demandant aux différents partenaires de revoir leur projet et de prendre en compte nos recommandations.

M. André Gattolin. - Je m'étonne qu'à travers la constitution de l'Institut français on n'ait pas cherché à réorienter un certain nombre de choses qui, déjà dans le cadre de l'Association française d'action artistique (AFAA) puis de CulturesFrance, posaient problème, notamment des difficultés à marier action publique, partenariats et mécénat dans le domaine de l'action culturelle extérieure. Je rappelle que rendre une manifestation culturelle de grande ampleur, telle que des années culturelles croisées, aussi dépendante d'une conjoncture politique, comme cela a été récemment le cas avec l'annulation de l'année du Mexique en France, risque de refroidir les mécènes.

J'ajoute que, pendant longtemps, la direction du livre rattachée à l'AFAA avait conduit une politique assez ambitieuse en matière de diffusion des revues scientifiques et intellectuelles, en les aidant au travers d'abonnements contractés par le ministère des affaires étrangères auprès de ces revues, dont les numéros étaient par la suite distribués aux instituts culturels et médiathèques à l'étranger. Aujourd'hui, cette ressource s'est commue en aide à la traduction, essentiellement en russe, en espagnol ou en chinois. Je doute que cette méthode aille véritablement dans le sens d'une diffusion efficace de nos revues scientifiques françaises les plus emblématiques et qu'elle réponde aux besoins concrets de notre production intellectuelle dans ce domaine.

Je ne sens pas dans ce COM une volonté affirmée de mettre en place un nouveau cadre d'action pour le rayonnement de notre culture à l'étranger.

Mme Maryvonne Blondin. - Je voudrais faire part d'un témoignage que j'ai recueilli au mois d'octobre dernier, concernant les relations entre l'Institut français et les alliances françaises. Ces relations sont tendues, et évoluent dans un climat de défiance. Les alliances souhaitent conserver leur indépendance historique. Il avait été convenu, lors de la création de l'Institut français, que les relations avec le nouvel opérateur seraient précisées par le biais d'un partenariat. Pour autant, le flou est maintenu sur l'articulation concrète de ces relations, les alliances françaises demeurent donc dans l'incertitude et donc l'inquiétude.

En outre, je regrette l'insuffisante coordination entre le CNRS et l'Institut français en matière de diffusion de la culture scientifique.

M. Louis Duvernois. - Ma première observation générale porte sur la communication tardive du COM à notre commission. On peut s'étonner que la procédure de transmission pour avis ait rencontré autant de difficultés et ait compromis autant la bonne conduite de notre travail d'analyse.

J'ai assisté hier au premier colloque sur la diplomatie culturelle et d'influence française, qui se déroule au Collège de France. Cette manifestation rencontre un succès certain, avec un très grand nombre de participants, dont des personnalités de très haut niveau. Un tel engouement constitue à coup sûr un premier succès pour l'Institut français.

Néanmoins, des améliorations doivent être apportées à la définition de certaines orientations stratégiques, en particulier la coordination avec les collectivités territoriales en matière d'action culturelle extérieure. La mission de l'Institut de collaborer étroitement avec les collectivités territoriales avait été introduite à l'initiative même de notre assemblée.

Je voudrais également vous faire part d'une information supplémentaire concernant les alliances françaises. Si je reconnais des difficultés certaines liées à un manque d'information, je n'ai pas ressenti pour autant une animosité aussi forte que celle relayée par certains observateurs. Une convention de partenariat est en cours d'élaboration et devrait être rendue publique lors de la rencontre annuelle des délégués d'alliances françaises à la fin du mois de janvier de l'année prochaine.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous ne portons pas, aujourd'hui, un jugement sur l'Institut français, ni sur l'ambition qu'il porte, ni sur l'attachement qui est le nôtre pour cet opérateur. Nous portons un commentaire sur un document stratégique qui nous a été remis dans des conditions plus que complexes. J'entends bien qu'il n'y a pas d'animosité de l'Alliance française à l'égard de l'Institut.

Vous êtes nombreux à insister sur la coopération décentralisée dans le domaine culturel : on aurait aimé une stratégie plus claire en la matière ou au moins des références dans le document à des autorités ou structures existantes dans ce domaine, telles que l'ambassadeur délégué à la coopération décentralisée ou encore la délégation à l'action extérieure des collectivités territoriales du ministère des affaires étrangères et européennes.

Monsieur Gattolin, vous évoquez la nécessité de ne pas laisser les aléas diplomatiques remettre en cause la continuité des liens culturels et de l'image de la France à l'étranger. On me dit également que celui qui a tenu la plume dans la rédaction de ce COM a été le Quai d'Orsay lui-même et non pas l'Institut français. En outre, la politique de traduction à laquelle vous faites référence figure bien dans le COM, pour autant les moyens financiers correspondants ne sont pas précisés.

S'agissant de l'articulation entre alliances françaises et Institut français, ou de l'articulation entre CNRS et Institut français, nous avons des outils ponctuels de coopération, limités dans leur portée et qui ne concernent que des mesures circonscrites comme le plan « Médiathèques », par exemple, dont les fonds sont répartis à parité entre les alliances françaises et les instituts français à l'étranger.

M. Jacques Legendre. - Il me semble difficile de nous prononcer sur l'analyse d'un document qui ne nous a préalablement pas été transmis.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je vous prie de m'en excuser, je partais du principe que vous aviez déjà pu prendre connaissance de ce document à l'occasion de la récente audition de M. Xavier Darcos. De toute évidence, il est indispensable que vous ayez entre les mains ce projet de COM afin de vous prononcer en toute connaissance de cause. Ce document vous sera, par conséquent, adressé de ce pas par version électronique et je vous propose de renvoyer à demain le vote sur l'avis de notre commission sur ce projet de COM.

M. Jacques Legendre. - Je vous remercie madame la présidente. J'ajoute que le Sénat a joué un rôle de premier plan dans la création de l'Institut français, et lui a même donné son nom. Il m'aurait semblé, dès lors, normal que des parlementaires soient appelés à s'exprimer lors du colloque organisé en ce moment sur la diplomatie culturelle et d'influence française, ce qui n'a pas été le cas.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je partage votre point de vue. J'ai formulé les mêmes critiques sur la réunion de la coalition sur la diversité culturelle qui s'est tenue le 12 décembre et où le Sénat n'était pas représenté.

Mercredi 14 décembre 2011

- Présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente -

Contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Institut français pour 2011-2013 - Suite de la communication

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous allons procéder au vote sur le projet de contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Institut français qui avait été réservé. Pour répondre à M. Jacques Legendre, je vous indique cependant que par le passé, la commission se prononçait sur les conclusions du rapporteur et que les membres de la commission n'étaient pas destinataires du projet de COM.

A la suite des propositions de Mme Marie-Christine Blandin, la commission donne un avis défavorable à l'adoption du contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et l'Institut français pour la période 2011-2013.

Rémunération pour copie privée - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine le rapport de M. André Gattolin, et élabore le texte sur le projet de loi n° 141 (2011-2012) adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la rémunération pour copie privée.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - J'indique que le Gouvernement manifestant un intérêt particulier pour ce texte, le ministre de la culture nous rejoindra, ainsi qu'il y est autorisé depuis la dernière révision constitutionnelle.

M. André Gattolin, rapporteur. - Je remercie la commission de m'avoir confié ce dossier passionnant, qui nous donne l'occasion de nous pencher, même si l'objet du texte reste très circonscrit, sur l'importante question du droit de propriété intellectuelle.

Le texte qui nous est soumis poursuit un double objectif : mieux encadrer les modalités de détermination de la rémunération pour copie privée et sécuriser un dispositif ébranlé par la rapidité des évolutions technologiques et par la jurisprudence. L'Assemblée nationale, sur le bureau de laquelle il avait été déposé le 26 octobre, l'a adopté le 29 novembre. Pour éviter un risque d'interruption ou de remise en cause du dispositif existant à compter du 22 décembre, le Gouvernement a déclaré l'urgence sur ce texte qui ne se donne pas pour objet, par conséquent, de remettre à plat l'ensemble du système, remise à plat qui sera d'autant plus nécessaire que la Commission européenne travaille à l'élaboration d'un cadre politique commun. Au regard de ce nécessaire travail de longue haleine, l'ambition de ce texte reste très circonscrite, mais c'est là l'occasion de se pencher sur cet important problème.

Le code de la propriété intellectuelle réserve aux auteurs d'oeuvres protégées la faculté d'autoriser la reproduction pour copie à usage privé et non collectif, dite « exception de copie privée ». En contrepartie, le titulaire des droits perçoit une rémunération forfaitaire destinée à compenser le manque à gagner croissant dû au développement des technologies permettant la multiplication des copies. La société Copie France est habilitée à effectuer la perception et le contrôle des sommes déclarées par les distributeurs de supports d'enregistrement très variés, allant du CD jusqu'aux tablettes tactiles, en passant par les équipements télévisuels, les baladeurs, les téléphones mobiles.

Les barèmes forfaitaires sont déterminés, support par support, par la commission de la copie privée, présidée par M. Hadas-Lebel, et placée sous la double tutelle des ministères de la culture et de l'économie. Cette commission non paritaire de vingt-quatre membres est composée de trois collèges, douze sièges allant aux sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD), qui représentent les ayants droit, six aux fabricants et importateurs, regroupés en six syndicats professionnels, six, enfin, aux associations de consommateurs.

L'audition de quelque 45 personnes que j'ai entendues, représentant une quinzaine de groupements, m'a fait comprendre que le processus décisionnel a cessé d'être consensuel, comme le voulait la loi Lang de 1985. Les affrontements sont fréquents et posent la question de la gouvernance - certes éloignée de l'objet de ce texte mais non sans lien avec lui.

Les sommes collectées sont réparties entre les SPRD, qui, après déduction de frais de gestion, très variables et qui peuvent, dans certains cas, atteindre des montants très élevés, ainsi que le relève la Cour des comptes, en consacrent 75 % aux ayants droit - auteurs, éditeurs, producteurs et interprètes d'oeuvres sonores et audiovisuelles, auxquels s'ajoutent, depuis la loi du 17 juillet 2001, les auteurs de l'écrit et des arts visuels - les 25 % restants allant à l'aide à la création, à la diffusion du spectacle vivant et à la formation des artistes.

En 2010, la rémunération pour copie privée représentait, hors taxes, 189 millions d'euros : entre 2002 et cette date, les recettes ont augmenté de moitié, du fait de l'intégration de nouveaux supports pour la copie sonore et de la prise en compte de l'écrit et des arts visuels.

Qu'en est-il dans les autres pays européens, sachant que l'exception de copie privée est inscrite dans la directive du 22 mai 2001 sur l'harmonisation des droits d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information ? Fin 2011, seuls le Royaume-Uni et l'Irlande avaient choisi de ne pas appliquer l'exception de copie privée et seuls quatre pays n'avaient pas encore mis en oeuvre le système de compensation obligatoirement associé - Luxembourg, Bulgarie, Chypre et Malte. Les vingt-et-un autres pays ont tous opté pour la gestion collective des droits, les taux retenus en France étant cependant quatre fois supérieurs à la moyenne. Dans de nombreux pays, les SPRD consacrent également une part de la collecte à la création artistique : 33 % au Danemark, 20 % au Portugal et en Espagne.

La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) impose une obligation de résultat mais non de moyens quant à la compensation : la transposition varie donc d'un pays à l'autre. La Commission européenne a néanmoins exprimé le souhait d'aboutir à un cadre commun, via un projet de protocole d'accord négocié en 2009. Les discussions, qui s'inscrivent dans la stratégie numérique de l'Union européenne telle qu'exposée dans la communication de la Commission du 24 mai 2011, et qui vise à développer un marché unique du droit de propriété intellectuelle, devraient être relancées par la nomination récente d'un médiateur européen, M. Antonio Vitorino, que j'ai rencontré hier, et dont je propose que la commission, dans le cadre de sa mission sur l'Internet et la propriété intellectuelle, le rencontre tant ces sujets sont complexes et évolutifs. La multiplication des usages privés, liée à l'explosion des capacités de stockage numérique, pose un défi, y compris juridique : complexité croissante du dispositif, nécessité de l'adapter aux évolutions technologiques et d'assurer la balance entre les intérêts en présence, dans la ligne du droit communautaire. Le contentieux enfle entre distributeurs et producteurs, sociétés d'auteur et commission de la copie privée. Les décisions de la commission de la copie privée sont bien souvent annulées par le juge administratif. C'est ainsi que le Gouvernement a demandé au législateur de replâtrer, en urgence, l'édifice. Tous les interlocuteurs que j'ai rencontrés ont d'ailleurs qualifié ce texte de « rustine ».

Quelle est, en effet, la situation ?

Dans une décision Simavelec du 11 juillet 2008, le Conseil d'État a annulé une décision de la commission de la copie privée au motif qu'elle avait tenu compte, pour chaque support, du préjudice subi, non seulement du fait des copies licites, mais aussi du fait des copies illicites de vidéogrammes ou de phonogrammes.

Par ailleurs, dans un arrêt Canal+ Distribution du 17 juin 2011, le Conseil d'État a annulé la décision n° 11 de la commission de la copie privée, qui fixait les barèmes de rémunération pour une dizaine de supports. Il a tiré ainsi les conséquences de l'arrêt Padawan de la Cour de Justice de l'Union européenne (CJUE) du 21 octobre 2010, limitant le champ de la redevance pour copie privée aux supports mis à la disposition d'utilisateurs privés et manifestement réservés à des usages de copies à usage privé, en vue de se conformer à la directive de 2001 relative au droit d'auteur.

Le Conseil d'État a estimé qu'il convenait, par conséquent, d'exonérer de la rémunération pour copie privée les supports acquis, notamment à des fins professionnelles, dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage à fins de copie privée. Il n'a cependant annulé cette décision que pour l'avenir, sous réserve des instances en cours, l'annulation de la décision n°11 de la commission ne prenant effet qu'au 22 décembre 2011. Il a en outre considéré que la commission de la copie privée devait, pour fonder ses barèmes, « apprécier, sur la base des capacités techniques des matériels et de leurs évolutions, le type d'usage qui en est fait par les différents utilisateurs, en recourant à des enquêtes et sondages qu'il lui appartient d'actualiser régulièrement. » Or, si la commission a pu recueillir les résultats des enquêtes lancées suite à cette décision, le délai imparti ne lui permet pas de procéder à l'ensemble des calculs nécessaires à la détermination et à l'adoption des nouveaux barèmes.

Ce projet de loi, motivé par un souci compréhensible de préservation et de légitimation du dispositif, tire donc les conséquences de cette jurisprudence. Il vise, en premier lieu, à mettre le code de la propriété intellectuelle en conformité avec la directive telle qu'interprétée par la CJUE et le Conseil d'État : les personnes acquérant des supports d'enregistrement dont les conditions d'utilisation ne permettent pas de présumer un usage à des fins de copie privée, notamment des supports acquis à des fins professionnelles, pourront avoir recours à un mécanisme soit d'exonération, soit de remboursement de la redevance pour copie privée indûment payée ; il tend, en deuxième lieu, à intégrer au code d'autres principes arrêtés par le Conseil d'État : non assujettissement des copies réalisées à partir de sources illicites et obligation de fonder l'établissement des barèmes de rémunération sur des études d'usage ; il prévoit, en troisième lieu, de renforcer l'information de l'acquéreur de supports sur le principe et le montant de la rémunération pour copie privée acquittée, conformément aux recommandations du plan France numérique 2012.

Compte tenu de l'urgence évoquée précédemment, la validité du barème résultant de la décision n° 11 de la commission est prolongée pour une durée maximum que l'Assemblée nationale a ramenée de 24 à 12 mois, sous réserve d'appliquer les nouvelles règles introduites, et les rémunérations perçues sur le fondement de cette décision et ayant fait l'objet de réclamations en cours sont validée par la loi.

Outre quelques améliorations rédactionnelles, l'Assemblée nationale a adopté quelques modifications de fond au projet de loi initial. A l'article premier, à l'initiative de notre collègue député, Lionel Tardy, elle a modifié les articles L. 122-5 et L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle en vue de préciser que l'exception de copie privée ne sera exigible que sur les copies « réalisées à partir d'une source licite ». Mais en visant ces articles, qui définissent les exceptions de copie privée au droit d'auteur et aux droits voisins, le texte modifierait la définition du périmètre même de l'exception de copie privée, ce qui dépasse l'objet du projet de loi, dédié à la redevance pour copie privée.

En outre, le fait de donner valeur législative à cette extension du périmètre de la copie privée pourrait se retourner contre le consommateur et figer un régime juridique qui devra faire l'objet d'une réflexion globale approfondie, pour mieux s'adapter aux technologies numériques. Nous serons très vite confrontés au cloud computing, en d'autres termes l'« info nuage », qui, ajouté à la télévision connectée, rend une remise à plat incontournable et urgente. Bientôt, c'est par Internet que nous accèderons à nos données, stockées sur des serveurs distants hébergés par un prestataire de services. Comment appréhender, juridiquement ce stockage « dans les nuages » ? Question complexe et délicate sur laquelle Mme Sylvie Hubac, présidente du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA), m'a indiqué qu'un groupe de travail était lancé.

Je vous proposerai donc un amendement tendant à supprimer les modifications introduites par l'Assemblée nationale à l'article premier.

A l'article 3, relatif à l'information de l'acquéreur d'un support d'enregistrement, l'Assemblée nationale a précisé que la notice explicative sur la rémunération pour copie privée devant être portée à la connaissance du consommateur pourra être intégrée sur le support numérique concerné. Objectif louable, mais la rédaction retenue, très circonstanciée, présente des risques. Pour éviter une trop forte contrainte sur les fabricants ou importateurs de matériels, il serait préférable de leur permettre de déterminer les meilleurs moyens de répondre à ce but, y compris par voie d'affichette, en magasin, ou de bandeau, sur les sites de vente en ligne. La production de la quasi-totalité des produits concernés par la redevance pour copie privée étant européenne, voire internationale, les produits arrivent en France sous emballage et il est difficile d'y intégrer un élément nouveau, qu'il soit physique ou dématérialisé. J'ajoute que le comportement des utilisateurs ainsi alertés sur la redevance pourrait les inciter à se tourner davantage vers le « marché gris » hors redevance, qui se développe dans des pays comme le Luxembourg ou sur Internet, ce qui représenterait un manque à gagner et sur la redevance, au détriment des ayants droit et sur la TVA, au détriment de l'État. Pour avoir longtemps étudié les comportements socio-économiques, enfin, je crains que la redevance ainsi mise en avant ne soit comprise comme un droit de tirage ouvert aux utilisateurs, poussés à multiplier les copies.

Je vous proposerai donc une rédaction plus claire et plus simple de cet article. Il s'agit de fixer les objectifs de la nécessaire information du public quant au montant, principe et finalités de la rémunération pour copie privée, ainsi qu'à la possibilité de conclure des conventions d'exonération ou d'obtenir le remboursement de cette rémunération, sans pour autant en imposer les modalités.

A l'initiative de M. Lionel Tardy, l'Assemblée nationale a inséré un article 4 bis, bienvenu, prévoyant que le rapport remis au ministre de la Culture sur l'utilisation des sommes venant de la rémunération pour copie privée pour le soutien à la création soit également remis aux commissions de la culture de l'Assemblée et du Sénat, manière « d'ouvrir en douceur le débat sur les 25 % de la rémunération pour copie privée qui doivent être dédiés à la création culturelle », à l'heure où ce dispositif fait l'objet de fortes contestations à Bruxelles, au motif qu'il ne viendrait pas compenser le préjudice subi au titre de la copie privée. L'Assemblée nationale a enfin, à l'article 5, réduit de 24 à 12 mois la durée maximale de la prorogation des effets de la décision n° 11 de la commission de la copie privée. Je vous propose de suivre nos collègues députés sur ces deux derniers points.

Ce texte, sans lequel les barèmes perdraient toute validité juridique à compter du 22 décembre, est urgent. La redevance, qui représente une part non négligeable des perceptions pour les sociétés de gestion collective, ne pourrait plus être perçue. Cela représenterait, par jour, un manque à gagner de 500 000 euros. Je vous propose donc d'adopter ce projet de loi, sous réserve des deux amendements que je vous ai présentés, car la « rustine » ne doit pas, collant au code comme le sparadrap du capitaine Haddock, nous empêcher d'imaginer l'avenir.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Un débat fort technique, qui me rappelle celui où nous avait entrainés la loi « Droit d'auteur et droits voisins dans la société de l'information » (DADVSI)...

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - J'admire la grande virtuosité technique du rapporteur sur ce sujet essentiel pour les artistes. Les versements dont j'ai bénéficié, à ce titre, dans une vie antérieure, m'ont souvent aidé dans le quotidien. Ils jouent un rôle précieux pour des hommes et des femmes dont les revenus sont bien souvent irréguliers. Je suis très attaché à ce dispositif remarquable, que nous devons, une fois de plus, à la sagacité de Jack Lang.

Étrange situation que celle qui nous oblige à adopter une loi « rustine ». Mais la position de la CJUE, reprise par le Conseil d'État, nous a placés dans une situation d'urgence imprévisible. Pour éviter une rupture au 22 décembre, il faut prendre une mesure de sauvegarde, au bénéfice des créateurs, des artistes, des manifestations culturelles, aussi, dont 5 000 dépendent de ce versement : l'objectif dépasse les clivages partisans.

Les débats à l'Assemblée nationale ont montré, comme votre rapporteur vient de le faire, que toute la construction juridique, qui remonte à 25 ans, mérite d'être revue, tant le paysage a évolué depuis, jusqu'à l'« info nuage » qui fait son apparition au dessus de nos têtes.

La « rustine », le colmatage qu'il nous faut aujourd'hui adopter n'est pas fait pour maintenir le bateau à flot dans la durée, et nous savons tous qu'il faudra revenir, demain, sur la question du périmètre. L'engagement solennel que j'en ai pris à l'Assemblée nationale a emporté la conviction, et permis d'esquisser, au cours du débat, des pistes de réforme.

Vos amendements, monsieur le rapporteur, qui sont intéressants et légitimes, s'inscrivent dans une analyse de fond. Les adopter aujourd'hui compliquerait le travail de la commission mixte paritaire (CMP). Compte tenu des délais, je crains un possible retard qui nous placerait dans une situation inextricable. Songez aux 500 000 euros par jour qui ne seraient plus distribués, à l'avalanche des contentieux, préjudiciable aux créateurs, et qui obscurcirait le débat de fond qui doit réunir vos deux assemblées autour du souci légitime de travailler pour les créateurs. Quelle que soit, donc, la qualité de vos analyses, sur un sujet extrêmement technique, je crains que ce ne soit pas le moment pour ouvrir le débat au fond.

M. Tardy, cerveau encyclopédique sur la question, n'a pas entendu faire adopter des amendements politiques, mais des solutions techniques.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Afin que chacun s'émancipe de la forme et puisse travailler sur le fond, permettez-moi de vous indiquer le calendrier sur ce texte. Il viendra en débat en séance publique le 19 décembre. J'ai pris des assurances pour que la CMP siège le 20 s'il n'était pas adopté conforme, comme le souhaite le ministre. La nouvelle lecture pourrait avoir lieu le 21 à l'Assemblée nationale et le 22 au matin au Sénat.

Mme Françoise Cartron. - Je demande une suspension de quelques minutes pour que nous puissions nous déterminer.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Je vous propose qu'auparavant le rapporteur vous éclaire sur ses amendements.

M. André Gattolin, rapporteur. - La rédaction retenue par l'Assemblée nationale pour l'article premier pose la question du périmètre de l'exception pour copie privée, sous l'angle de la licéité des sources. Elle contrevient à la jurisprudence de la CJUE qui, dans un arrêt récent du 4 octobre 2011 sur les retransmissions de football, dissocie la responsabilité de la licéité du diffuseur, reconnaissant au consommateur un droit à la présomption d'innocence, essentiel à l'ère d'Internet, où l'utilisateur peut ne pas discerner si le site qui diffuse le fait sur le fondement d'un droit de copie légal ou illégal. J'ai abordé la question avec M. Vitorino, qui m'a indiqué que c'était là l'un des aspects qui sera proposé, au cours du second semestre 2012, à la Commission européenne afin qu'elle l'incorpore dans la directive cadre visant à plus d'harmonisation.

Je crains donc qu'il ne soit imprudent d'entériner la jurisprudence de certains tribunaux, qui ne correspond pas à celle de la CJUE, et qu'il ne nous faille y revenir, une fois publiée la directive cadre, dans quelque dix huit mois.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Le tableau comparatif, dans le rapport, est fait pour vous éclairer.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Encore une fois, l'amendement Tardy n'avait aucun caractère politique. Il était de pure coordination et ne modifie pas le périmètre retenu dans le texte initial. Les copies de sources illicites ne sont, par définition, pas dans l'assiette. Le texte ne crée pas un délit de contrefaçon. Il est conforme aux préconisations de la Commission européenne.

Mme Dominique Gillot. - Je saisis mal la distinction entre source licite et illicite : dès lors que tous les supports sont taxés, quelles peuvent être les sources illicites ?

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - La question est celle du potentiel supposé de copies extrapolé du périmètre : il y a contestation sur le calcul.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je remercie le rapporteur pour son effort de pédagogie. Un texte « rustine », certes, mais important, parce que transitoire : il s'agit d'éviter toute vacance préjudiciable aux ayants droit. Si le texte était amendé, cela nous mènerait à une adoption le 22 décembre, mais la promulgation requiert quelques jours. Et songeons que nous sommes dans la période des fortes ventes de Noël. Même si je comprends le souci de perfection de notre rapporteur, je rejoins le ministre sur la nature des amendements Tardy : ils ne sont pas plus que de précision rédactionnelle.

Même s'il est vrai que la loi gagne à n'être point trop bavarde, je relève, à l'article 3, que le terme de « notice », si l'on s'en réfère à son étymologie, peut renvoyer à une simple note explicative, sous forme de bandeau, par exemple. Nos débats éclaireront sur l'intention du législateur. Nous voterons ce texte, pour éviter une vacance.

M. Jacques Legendre. - Je me sens une certaine solidarité avec le rapporteur. On peut souhaiter que la lecture du Sénat aille au fond, sans avoir à s'aligner sur la lecture de l'Assemblée nationale, car notre chambre participe à égalité au débat. Reste cependant qu'il faut raison garder : on ne peut prendre le risque de voir se multiplier les contentieux, et aussi pertinents soient les amendements de M. Gattolin, je crois prudent d'adopter le texte conforme.

Le ministre nous a dit sa volonté de présenter un texte de fond. Il faut s'engager à commencer le travail dès à présent. Notre session s'achèvera fin février, et celle qui reprendra en juin commencera avec une nouvelle Assemblée nationale. Si nous n'agissions pas sans tarder, je crains de longs délais. Or, M. Gattolin nous met en garde sur la conformité de ce texte à une directive qui ne saurait tarder. Je sais bien que l'Europe met beaucoup de temps à prononcer des sanctions, mais sa patience n'est pas éternelle.

J'appelle donc à un vote conforme, contraire aux prérogatives du Sénat, en échange d'un engagement clair sur le dépôt rapide d'un texte de fond.

Mme Françoise Cartron. - Nous déplorons cette urgence sur un texte complexe mais, tout en saluant le travail du rapporteur, très pédagogique, nous voulons être positifs : nous avons entendu les arguments du ministre, le calendrier joue contre nous, il ne faut pas prendre de risque.

Les deux amendements du rapporteur posent de bonnes questions. Il faudra, M. Legendre y a insisté, les remettre sur la table sans tarder.

Nous nous en tiendrons donc à une abstention constructive.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - J'irai dans le même sens. Il sera urgent de remettre l'ouvrage sur le métier. Si la législation apportait une réponse suffisante dans les années 1980-90, tel n'est plus le cas aujourd'hui, avec l'arrivée de l'« info nuage ». M. Gattolin a fort utilement soulevé des questions, qui appellent le dépôt rapide d'un texte de fond. C'est pourquoi, à titre personnel, je m'abstiendrai.

Mme Françoise Laborde. - Depuis la loi Lang de 1985, le paysage a évolué. Il se transforme aujourd'hui à grande vitesse. Le rapporteur a raison de réclamer un texte de fond. Le groupe RDSE s'abstiendra.

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Il y a deux étapes dans l'urgence. Celle du 22 décembre, d'abord, dont nous avons tous conscience. Mais urgence, aussi, à revenir sur la loi au fond. Ainsi que le rapporteur l'a rappelé, une réflexion a été engagée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Et même si le ministre, dans un moment d'égarement, oubliait qu'un texte doit rapidement être déposé, nul doute que les artistes et les créateurs le rappelleraient à l'ordre : les sociétés d'auteurs seront au rendez-vous dès janvier.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - Nous allons entamer, avec la commission des affaires européennes, un travail sur Internet et la création, ainsi qu'un autre, sur le soutien financier des collectivités locales aux acteurs culturels. Nous irons à Bruxelles, où nous rencontrerons M. Vitorino. Le 11 janvier, enfin, nous tiendrons une table ronde sur la conciliation de la liberté de l'Internet et de la rémunération des créateurs.

Examen des amendements

Article premier

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. - L'amendement n° 1 a été présenté.

M. Jacques Legendre. - Le rapporteur accepterait-il de le retirer, car nous n'entendons pas le repousser pour des raisons de fond ?

M. André Gattolin, rapporteur. - Je suis prêt à retirer mon amendement à l'article 3 si le ministre me donne des garanties quant à la souplesse du décret, car je crains, je l'ai dit, une dérive vers le « marché gris ».

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication. - Je vous rejoins.

L'amendement n° 2 est retiré.

M. André Gattolin, rapporteur. - Mais je maintiens l'amendement n° 1, comme une alerte pour aider à repartir...

L'amendement n° 1 n'est pas adopté, les membres socialistes et apparentés du groupe Soc-EELVr, les groupes CRC (Communiste, républicain et citoyen) et RDSE (Rassemblement démocratique et social européen) s'abstiennent.

Les articles premier, 2, 3, 4, 4 bis, 5 et 6 sont successivement adoptés.

La commission a adopté le texte du projet de loi sans modification, dans la rédaction de l'Assemblée nationale.