Mercredi 22 février 2012

- Présidence de M. Christian Namy, président d'âge -

Constitution du bureau

M. Christian Namy, président d'âge. - Je vous prie d'excuser M. Charles Revet, qui aurait dû faire office de président d'âge. La constitution de cette mission d'information, demandée par le groupe de l'Union centriste et républicaine, a été approuvée par le Sénat le 14 février. Pour la présider, le groupe socialiste a proposé la candidature de Mme Frédérique Espagnac. S'il n'y a pas d'autres candidats, je vous propose de voter à main levée.

Mme Frédérique Espagnac est désignée présidente, à l'unanimité.

- Présidence de Mme Frédérique Espagnac, présidente -

Sont élus à l'unanimité : M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur ; Mme Leila Aïchi, M. Éric Bocquet, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx et M. François Fortassin, vice-présidents ; M. Marc Daunis et M. Dominique de Legge, secrétaires.

Organisation des travaux

Mme Frédérique Espagnac, présidente. - Cette mission d'information vient à point nommé, alors que des inquiétudes se font jour sur les modalités de financement des Etats, des collectivités territoriales et des acteurs économiques, et que des doutes s'expriment sur la capacité des agences de notation à évaluer correctement les risques, notamment en ce qui concerne les dettes souveraines. Depuis 2008, de nombreux rapports et articles sont parus à ce sujet, et le Sénat a eu l'occasion d'entendre à plusieurs reprises les représentants des agences et des régulateurs. Notre commission des affaires européennes s'est saisie d'une proposition de modification du règlement communautaire sur les agences de notation ; son rapporteur, M. Eric Bocquet, nous fera bientôt connaître ses conclusions.

Notre travail n'aura de sens que si nous produisons des éléments nouveaux sur un sujet déjà amplement étudié. La confiance aveugle accordée par les marchés aux agences de notation a sur le financement de l'Etat, des collectivités et des entreprises, des effets sur lesquels il vaut la peine de se pencher. Pourquoi les investisseurs ont-ils délégué à un oligopole l'évaluation objective des risques financiers  qui devrait être leur coeur de métier ?

Au moment où la Commission européenne propose, pour la troisième fois en trois ans, de modifier la réglementation communautaire, il convient d'évaluer la manière dont les agences appliquent les règles existantes, et l'efficacité du contrôle opéré par les régulateurs européens et internationaux. Des propositions ont été faites pour améliorer l'appréhension des risques sur les marchés tout en réduisant la dépendance vis-à-vis des agences ; examinons les conséquences qu'elles auraient sur le financement de l'économie et des pouvoirs publics.

En ce qui concerne l'organisation de nos travaux, je vous propose tout d'abord d'adopter, sauf exception, le principe d'une large publicité, en ouvrant les auditions au public et à la presse. Je laisse la liberté à chacun de relater leur contenu, y compris par l'intermédiaire des réseaux sociaux.

Nous avons six mois pour rendre nos conclusions. Cependant, le Parlement européen devant examiner la proposition de nouveau règlement communautaire le 4 juillet, il serait préférable de publier notre rapport avant l'adoption définitive du texte ; nous adapterons donc notre calendrier au rythme des discussions européennes. Rien n'indique que ces discussions aboutiront aussi vite que prévu.

Quant à la méthode, je suggère de faire usage des possibilités qu'offre internet pour consulter les salariés des agences, les investisseurs et les émetteurs. Trois déplacements sont prévus, à Bruxelles, à Londres pour rencontrer les dirigeants européens de certaines agences, et aux Etats-Unis pour observer l'action de la Securities and Exchange Commission et rencontrer nos collègues du Congrès, auteurs d'un volumineux rapport en 2011. Nous pourrions aussi aller à la rencontre des salariés des agences de notation dans leurs locaux parisiens.

La suspension des travaux en séance ne devrait pas avoir un impact excessif sur nos travaux. Je vous propose de commencer la semaine du 12 mars par l'audition de M. Norbert Gaillard, spécialiste des agences de notation, et de M. Philippe Mills, directeur général de l'Agence France Trésor. Le ministre de l'économie et des finances pourrait aussi venir nous exposer la position du Gouvernement lors des négociations en cours à Bruxelles. Nous nous réunirons ensuite chaque semaine, le mardi si cela convient à tous.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur. - Nous avons la chance d'être réunis pour aborder un sujet fort intéressant. La puissance des agences de notation est patente, mais on connaît mal leur fonctionnement. Faut-il considérer leurs analyses comme parole d'Evangile ?

Je vous propose de répartir nos auditions en cinq catégories. Deux tables rondes réuniront d'abord les émetteurs qui se financent sur les marchés, Etat, entreprises, collectivités territoriales. Nous entendrons le directeur général de l'Agence France Trésor, le ministre de l'économie et peut-être celui du budget, ainsi que des représentants de certaines collectivités qui font appel aux agences de notation - nous leur demanderons si elles en sont satisfaites.

Ensuite, nous entendrons les investisseurs, banques, mutuelles, sociétés d'assurances, et nous chercherons à savoir pourquoi ils ont recours pour l'évaluation des risques aux agences de notation. Nous pourrons aussi rencontrer les représentants des agences elles-mêmes, comme le Français M. Marc Ladreit de Lacharrière, actionnaire principal de Fitch, ainsi que M. François David de la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface) et le Premier Président de la Cour des comptes, celle-ci étant encore plus sage que le Sénat...

Puis viendront la Banque de France et l'Autorité des marchés financiers - certes éclipsée par la nouvelle autorité européenne, mais M. Jouyet demeure un excellent connaisseur en la matière.

Enfin, nous pourrions entendre des économistes, notamment M. Jean Tirole. Nous pourrons ainsi mieux comprendre ce que sont les agences, quelles services elles rendent à l'économie, et quelles en sont éventuellement les faiblesses. Sont-elles un thermomètre utile, ou qui donne la fièvre ?

M. Jean-Claude Frécon. - Belle formule.

M. Roger Karoutchi. - Nous devrions aussi rencontrer le directeur général de la filiale française de Standards and Poor's, car cette agence donne le « la » dans notre pays. La région Ile-de-France est notée par Standards and Poor's et Fitch ; une mission d'information que je conduis au conseil régional est chargée d'examiner s'il faut poursuivre cette collaboration. Le vote aura lieu en juin. Pour l'instant, il semble que le statu quo doive prévaloir malgré les réticences : car la région emprunte 900 millions d'euros par an, et les marchés nous ont fait comprendre que si elle ne faisait pas l'objet d'une notation reconnue, elle emprunterait plus cher. Mais Standards and Poor's note aussi l'Etat. La région a perdu son triple A, du seul fait que l'Etat a perdu le sien. Depuis, elle est notée triple a, en minuscules ! Car elle est évaluée sur des critères différents de ceux qui valent pour l'Etat. Tout cela est peu compréhensible. Il faudrait des règles claires ; la situation n'est pas tenable.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur. - Nous auditionnerons bien sûr Standard and Poor's, ainsi que Fitch et Moody's à Londres. D'après ce que m'a dit Jérôme Cahuzac, seulement deux personnes de Standards and Poor's s'occupent de noter l'Etat français.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - Aujourd'hui, les agences font bien autre chose que de l'évaluation financière au sens strict. Il faudrait mieux comprendre leurs méthodes et leurs modèles.

M. Christian Namy. - La Meuse est l'une des rares collectivités à faire appel à une agence de notation depuis trois ou quatre ans. Standards and Poor's a remporté le marché. Je les vois sur le terrain et si nos relations ne sont pas toujours faciles, le bilan est positif, dès lors que le cahier des charges est précis.

M. Éric Doligé. - Le Loiret y a renoncé depuis deux ou trois ans. Cela coûtait très cher, sans améliorer beaucoup nos conditions de financement : depuis, les banques n'ont pas changé d'attitude à notre égard, sauf cette année dans un contexte très particulier. Des éléments jusqu'alors négligés sont pris en compte dans l'attribution des prêts, ainsi des engagements vis-à-vis des organismes HLM. La méthode d'évaluation des collectivités a sans doute évolué.

Mme Frédérique Espagnac, présidente. - Je vous propose donc de rencontrer mardi 13 mars en début d'après midi M. Norbert Gaillard. Le mercredi 14, si l'agence en est d'accord, nous irons visiter les locaux de Standard and Poor's à Paris ; nous pourrions aussi entendre M. Philippe Mills. Pour la suite de nos travaux, nous ferons en sorte que la plupart des membres de la mission puissent assister aux auditions. Nous irons début avril aux Etats-Unis, en mai à Londres et en juin à Bruxelles.

M. René Beaumont. - Si nous travaillons le mardi après-midi, il serait souhaitable que les réunions du mercredi aient lieu le matin.

M. Aymeri de Montesquiou, rapporteur. - Je vous prie par avance d'excuser mon absence lors des premières réunions du mardi : ce ne sera pas par amateurisme, mais parce que je me suis engagé pour une mission loin de Paris les lundis et mardis.