Mercredi 10 avril 2013

- Présidence de M. Jean-François Humbert, président -

Audition de M. Christian Prudhomme, directeur général du Tour de France cycliste

M. Jean-François Humbert, président. - Je vous remercie d'avoir répondu à notre invitation et tiens à vous féliciter, à titre personnel, pour la distinction que vous avez récemment obtenue.

Notre commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a été constituée à l'initiative du groupe socialiste, en particulier de M. Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur.

Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Christian Prudhomme prête serment.

M. Christian Prudhomme, directeur général du Tour de France cycliste. - Je suis directeur du cyclisme chez Amaury Sport Organisation (ASO) depuis le 1er février 2007. De janvier 2004 à janvier 2007, j'étais adjoint et successeur potentiel de Jean-Marie Leblanc, après une carrière de journalisme professionnel. Le journalisme est et demeurera le métier de ma vie. Le directeur du Tour a quasiment toujours été un journaliste : un jour, mon nom est sorti du chapeau et j'ai dit oui à Patrice Clerc et Jean-Marie Leblanc qui me proposaient cette fonction, avec l'assentiment de Philippe Amaury.

Mes dix-huit années de journalisme se sont déroulées à la radio et à la télévision essentiellement. Je suis devenu finalement, au sein de France Télévisions, rédacteur en chef des sports. En tant que journaliste, j'ai couvert cinq Tours de France, deux pour Europe 1 en 1995 et 1996, et trois pour France Télévisions de 2001 à 2003.

Les sociétés organisatrices de compétitions cyclistes sont atypiques dans le monde du sport, puisqu'elles ont souvent été l'émanation de journaux sportifs. Le Tour de France a été créé par le journal L'Auto, celui d'Italie par la Gazzetta... Le Tour des Flandres, le Paris-Nice et d'autres courses doivent également leur existence à des journaux.

Les fédérations nationales et internationales détiennent le pouvoir réglementaire et sont maîtres du calendrier. Dans le cyclisme, les seuls événements directement organisés par les fédérations sont le championnat de France, au plan national, et les championnats du monde, organisés par l'UCI. Il est vrai que l'on n'imaginerait pas une coupe du monde de football qui ne soit pas organisée par la Fifa ! Les fédérations internationales édictent les règles, contrôlent et sanctionnent le dopage. Le rôle de l'organisateur est de financer et de mettre en place la logistique nécessaire au contrôle, mais sa première tâche est d'établir le parcours, garantir la sécurité et la logistique des épreuves.

Le cyclisme n'est qu'une discipline parmi d'autres au sein d'Amaury Sport Organisation. Nous gérons 100 jours de compétition cycliste par an, du Tour du Qatar féminin en février au Paris-Tours en octobre. Tantôt nous sommes propriétaires des épreuves, tantôt prestataires de services, comme pour le Tour du Qatar ou le Tour d'Oman. En France, nous organisons le Paris-Nice, le critérium international, le Paris-Roubaix, le Tour de Picardie, le critérium du Dauphiné, le Tour de France, ainsi qu'une nouvelle course, la World sports classic, entre Rotterdam et Anvers, et une course en Norvège qui verra sa première édition au mois d'août, la Vuelta. Nous sommes prestataires de services pour le Tour de Pékin. Notre rôle est plus ou moins important selon les courses : parfois, il s'agit juste d'installer les lignes d'arrivée et de départ. Pour le Tour de France, établir le parcours d'une édition, « livrer une course » dans notre jargon, nécessite trois ans de travail, en permanence au contact des élus et des collectivités.

Notre rôle d'organisateur nous conduit à prendre en charge les personnes chargées du contrôle du dopage : deux équipes de trois médecins préleveurs sur le Tour de France et les commissaires de l'UCI, qui viennent voir si tout se passe bien...

Nous n'avons aucun lien direct avec les coureurs, nos partenaires sont les équipes. Le Tour de France figure dans le classement mondial, le World Tour. Cela signifie que certaines équipes sont qualifiées d'office pour les épreuves. Au total, dix-huit équipes sont sélectionnées par la fédération internationale. Il reste quatre équipes à sélectionner pour l'organisateur, et même trois seulement cette année, l'UCI n'ayant pas réussi à évincer l'équipe russe Katoucha comme elle le voulait initialement.

L'organisateur ne s'en intéresse pas moins au dopage, qui est le problème numéro un du sport de haut niveau. En 2007, lorsque je suis devenu directeur du Tour de France, l'Oclaesp a été présente sur le Tour pour la première fois. Le général qui dirigeait la gendarmerie française m'avait alerté à l'automne 2006 : « il faut protéger le Tour ». Concrètement, six personnes de l'Oclaesp suivent le Tour pendant trois semaines et une dizaine sont mobiles, se déplaçant avec les équipes.

L'année 2008 a été particulière, à cause de la bagarre avec l'UCI. Grâce au soutien du président de la FFC, Jean Pitallier, le Tour de France est sorti du canevas international, s'est placé sous l'égide de la FFC, l'AFLD étant chargée des contrôles. Une réussite formidable, pour certains. D'un point de vue de l'efficacité de la lutte, cela ne fait pas de doute. Mais sur le plan médiatique, c'était autre chose ! À chaque fois qu'un coureur était pris sur le fait, les commentateurs n'y voyaient pas une victoire des organisateurs du Tour dans la lutte contre le dopage, ils nous administraient un coup de bâton !

En 2008, le groupe a pris la décision de mettre fin à la guerre. Les amoureux du vélo me disaient : « vous êtes fous dans le cyclisme, non seulement vous avez le dopage, mais en plus, vous vous tapez dessus ! » La paix a été scellée. Puis est arrivé le passeport sanguin : sans être la panacée, il a fait avancer les choses, au point que l'athlétisme et le ski de fond l'ont adopté, et la fédération française de tennis tout récemment. C'est un outil essentiel pour cibler et sanctionner. Quelques cyclistes ont été ainsi écartés, pas forcément les meilleurs, soit dit en passant.

En mars 2009, nous avons gagné devant le tribunal des affaires de sécurité sociale : nous ne voulions de l'équipe Saunier Duval au départ du Tour de France. Nous avons en revanche perdu devant le tribunal de grande instance de Nanterre dans l'affaire Tom Boonen, ce cycliste sanctionné pour avoir fumé un joint. Deux ans plus tôt, nous avions perdu en justice face à l'équipe Astana.

Lors de la présentation du Tour en octobre 2012, j'ai insisté sur le rôle clé des managers d'équipe. Certains sont formidables, mais s'agissant d'autres, je dirais que le poisson pourrit par la tête... On parle de changement de génération : mais le problème, ce n'est pas le coureur ! Tant que les managers et les médecins ne seront pas poursuivis, rien n'avancera. C'est pourquoi j'ai parlé du Mouvement pour un cyclisme crédible, dont les membres appliquent des règles plus strictes que celles du code mondial antidopage. J'ai aussi annoncé que nous n'inviterions à nos courses que des équipes membres du mouvement...

Nous souhaitons qu'un organisme véritablement indépendant gère l'antidopage, avec à sa tête des personnalités qui n'ont rien à voir avec le cyclisme. En outre, la règle doit être identique dans tous les pays et pour tous les cyclistes. Toutes les initiatives sont vouées à l'échec si un pays agit seul. Les coureurs français du mouvement pour un cyclisme crédible sont soumis à certaines obligations. Les étrangers d'autres équipes, comme les Néerlandais d'Argos, s'y soumettent parce qu'ils l'ont choisi. Aux autres, il est impossible de leur reprocher : ils respectent le code mondial.

L'Oclaesp, les gendarmes, la police et les douanes ont un rôle essentiel. Mais des progrès notables sont intervenus ces dernières années : ils ne sont plus les seuls à débusquer les tricheurs, le pouvoir sportif lui aussi identifie des coupables. Enfin, nous n'arriverons à rien sans l'aide des laboratoires. Nous avons besoin de gens qui détectent les nouveaux produits.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Vous êtes face à des passionnés de sport et des amoureux du Tour de France qui considèrent cette épreuve comme un élément du patrimoine national. Le cyclisme doit faire l'objet d'un traitement équitable, par rapport aux autres disciplines : ni bouc émissaire, ni laxisme... C'est parce que nous aimons cette course que nous sommes exigeants, surtout en tant qu'élus locaux qui recevons chez nous des étapes du Tour. Y a-t-il comme l'affirmait dès le XIXe siècle, en 1894, Henri Desgrange, un lien particulier entre la culture du dopage et le cyclisme ?

D'après un ancien ministre des sports que nous avons entendu, les organisateurs sont forcément au courant des pratiques des équipes. Pouvez-vous affirmer, sous serment, que vous n'avez jamais reçu d'éléments sérieux sur l'usage de produits dopants par certains sportifs ou par certaines équipes ? Si vous en avez reçu, les avez-vous immédiatement transmis aux autorités françaises ?

M. Christian Prudhomme. - Je n'en ai jamais reçu.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Vous êtes proche de Patrice Clerc concernant les orientations sur le dopage. Y a-t-il eu un infléchissement de la stratégie ces dernières années en matière de lutte contre le dopage ?

M. Christian Prudhomme. - Durant l'été 2008, le groupe a décidé de mettre fin à quatre ans de guerre avec les instances internationales, dans l'intérêt du cyclisme, et de revenir dans le giron du sport mondial. La fédération française avait été sanctionnée, des menaces pesaient sur nos athlètes pour la participation aux championnats du monde et même pour les Jeux olympiques. Nous risquions de mettre en péril toute la discipline.

Je ne participais pas aux discussions, mais l'UCI a alors mis en place le passeport biologique, qui est entré en vigueur après le Tour 2008. Une fédération montrait qu'elle pouvait s'engager dans la lutte contre le dopage, alors qu'auparavant, elle n'avait pas fait ce qu'il fallait...

M. Alain Néri. - Il y a un problème de crédibilité des résultats du Tour de France. À en croire les contrôles, le dopage est en recul, mais les performances sont les mêmes, voire supérieures. Le 15e d'une étape du Tour monte le dernier col aussi vite que le vainqueur d'il y a dix ans : il y a de quoi s'interroger...

M. Christian Prudhomme. - Un seul coureur a fait le Tour à une moyenne de plus de 42 kilomètres par heure, il s'agit de Lance Armstrong. Méfions-nous des moyennes générales : une étape de plaine très rapide ou très lente ne signifie pas grand-chose et pourtant elle influe sur la moyenne générale. Je n'ai pas du tout les mêmes chiffres que vous sur les montées : Pierre Rolland a gagné la montée de l'Alpe d'Huez en 2011, mais il aurait été dans les choux les années précédentes avec le 24e temps de la montée en 42.10, soit quatre minutes de retard sur le temps de Marco Pantani quelques années plus tôt ; Amstrong, lui, a gagné en 2001 en 38.01. Landis a gagné l'étape de Morzine en 2006 à 36 de moyenne, Rolland celle de La Toussuire à 31.5. Il y a moins de progrès dans le cyclisme depuis une dizaine d'années que dans d'autres sports. L'équivalent du record du 100 mètres n'a pas été battu dans le Tour de France...

M. Jean-Claude Carle. - À la différence des autres sports, les grandes épreuves de cyclisme passent par un organisateur qui n'est pas la fédération ; les plus prestigieuses le sont par ASO. Cette configuration particulière n'attire-t-elle pas l'attention sur le cyclisme, qui n'est pas plus concerné que d'autres sports par le dopage ? L'organisateur est-il un frein ou un accélérateur de la lutte antidopage ?

M. Christian Prudhomme. - Même si, compte tenu de nos ennuis, personne ne le souhaite, je pense que tout le sport gagnerait à être organisé de cette façon. Nous ne faisons pas les règles, nous n'établissons pas le nombre de contrôles : nous ne sommes pas juge et partie. Je ne dis pas que le cyclisme n'a jamais triché : il a commencé avant les autres et est allé plus loin. Mais les choses ont changé. Ce qui fait défaut, c'est une lutte internationale. Après l'affaire Festina en 1998, seule la France a agi. Il a fallu attendre huit ans après l'affaire Festina pour que l'affaire Puerto éclate en 2006 et que Jan Ullrich descende de son piédestal de héros en Allemagne ! Festina, ce n'était pas leur problème... Le monde du vélo a commis l'erreur terrible de dire que seul Festina trichait, alors que la gangrène était partout. Chacun pense que son pays et sa discipline sont épargnés... « Le cannabis ne sert à rien ! », entendons-nous. « Tout est adapté à tout », vous disait avec pertinence Jean-Pierre de Mondenard. Quelle que soit la discipline, il existe quelque chose pour vous rendre plus performant.

Le Tour de France est un géant, en particulier médiatique. Sur ma feuille de paye, je ne suis pas directeur général du Tour de France, mais directeur du cyclisme chez ASO ! Mettre du général partout, voilà qui est médiatique. Je ne taperai pas sur les medias - le journalisme est le métier de ma vie -, mais il faut se méfier des approximations. M. Bordry vous parlait l'autre jour de la course Cholet-Angers comptant pour le championnat de France : il s'agit de la course Cholet-Pays de Loire comptant pour la coupe de France ; le Tour de l'Aube est le Tour de l'Aude... Il faut être plus précis.

Dans l'idéal, nous devrions être à l'abri des rumeurs, ne pas lire les journaux. Que cette strate supplémentaire existe est plutôt une garantie pour le sport.

M. Dominique Bailly. - Le passeport biologique est une avancée. L'équipe La Française de jeux utilise le profil de puissance record (PPR). D'après son entraîneur, Frédéric Grappe, « le PPR n'est pas une arme fatale contre le dopage, c'est une arme fatale pour le suivi du coureur... ça évite qu'un jour le manager d'une équipe dise "je ne savais pas" ». Bien sûr, un sportif peut progresser, bien sûr, les limites physiques peuvent être repoussées, mais on ne passe pas de 1 à 1 000.

Peut-on généraliser ce process et le faire labelliser par l'UCI ?

M. Christian Prudhomme. - Je suis plutôt favorable au PPR, sous réserve que le système soit exactement le même d'une équipe à l'autre et que les machines soient étalonnées tous les jours. Mais est-il bien scientifique d'établir la puissance d'un cycliste à partir des courses à la télévision ? Frédéric Grappe fait un travail important, mais on ne peut progresser seul dans la lutte contre le dopage.

Ce qui me paraît essentiel, c'est l'aspect santé. Il n'est pas possible d'être au départ du Tour avec une prothèse de hanche, comme Floyd Landis en 2006, même avec un certificat médical... Nous ne disons pas qu'il triche, mais qu'il est impossible de faire le Tour de France dans ces conditions. Or, nous ne pourrions imposer ceci qu'aux Français. Cela a-t-il un sens, s'agissant de la première course cycliste mondiale ? Nous n'avons pas réussi à avancer sur ce sujet : la médecine de santé, ce n'est pas possible...

M. Stéphane Mazars. - Vous avez rappelé le rôle de l'organisateur. Qui doit garantir le principe d'équité sportive auprès du public ? Avez-vous une responsabilité ?

M. Christian Prudhomme. - Nous avons bien sûr une responsabilité. J'ai devant moi un bouton : si j'appuie dessus, vous ne m'entendrez plus. L'organisateur ne peut appuyer sur le bouton : il n'y a pas accès. Nous n'avons pas la délégation ! Et je pense que nous ne devons pas l'avoir, même si nous sommes médiatiquement responsables.

M. Stéphane Mazars. - Ne sont-ce pas là les limites du système ? Vous êtes à la merci d'une action de groupe de spectateurs floués qui vous demanderont des comptes sur un Tour qu'ils ont suivi et qui sera annulé quelques mois plus tard... L'organisateur n'a pas les moyens de garantir au spectateur que l'équité sportive est respectée.

M. Christian Prudhomme. - Il faudrait pour cela une autre organisation mondiale du sport, avec un organisme totalement indépendant dans toutes les disciplines et dans tous les pays pour lutter contre le dopage.

M. Michel Savin. - Vos propos confirment ce que nous avons déjà entendu sur la difficulté à gérer les membres de l'entourage et en particulier les managers. Qui peut prendre des sanctions contre eux ? Est-ce l'organiseur, la fédération française, la fédération internationale...? Le cyclisme amateur est aussi très touché ; des éducateurs ou pire, les familles de certains jeunes, ferment les yeux voire encouragent la prise de produits dopants. Un travail a-t-il été engagé sur ces sujets ?

M. Christian Prudhomme. - Il y a dans le cyclisme une culture du dopage. Quelqu'un qui avait trop bu m'a interpelé un jour en me disant « Vous n'y arriverez jamais » et cela m'a marqué.

J'applaudis la décision de l'UCI d'interdire à un coureur suspendu pendant plus de six mois de devenir manager, celle-ci ne s'appliquant toutefois qu'à compter de 2011. Une année, nous n'avons pas accrédité Bjarne Riis comme manager sur le Tour de France. Mais lorsqu'il a décidé, comme par hasard, de prendre une chambre d'hôtel sur la course et de s'y rendre avec son ordinateur et son téléphone portable, que pouvait-on faire de plus ? La solution passe par l'arrivée d'une nouvelle génération de managers. Il en existe déjà qui se battent au quotidien contre le dopage et qui sont aujourd'hui terriblement frustrés. Lors des championnats du monde à Hamilton en 2003, j'ai entendu Alain Bondue, ancien manager de l'équipe Cofidis passé ensuite par la prison, me dire lors d'un petit déjeuner que Moncoutié n'avait rien compris. Oui, il faut se battre pour des coureurs comme David Moncoutié, dont on a volé la carrière.

M. Alain Néri. - Vous nous avez dit que Landis n'aurait pas dû prendre le départ du Tour. Je m'interroge sur l'autorisation d'utiliser certains produits à des fins thérapeutiques... Lorsque l'on voit que 80 % des athlètes des Jeux olympiques sont asthmatiques, tout le monde a envie de l'être !

M. Christian Prudhomme. - Je suis tout à fait d'accord avec vous. Comme Jean-Pierre Verdy l'a indiqué devant vous, en France, les autorisations d'usages à des fins thérapeutiques (AUT) sont soumises à trois experts. Il faudrait qu'il en soit partout de même, ce qui ne signifie pas pour autant que nous soyons des parangons de vertu.

M. Michel Le Scouarnec. - Vos propos illustrent la très grande complexité de la lutte contre le dopage. La situation est-elle la même pour les classiques d'une journée ? Quelle est l'ampleur du phénomène chez les amateurs ou parmi les jeunes de nos écoles de cyclisme ?

M. Christian Prudhomme. - L'éducation est un sujet capital. N'étant pas président de la fédération française de cyclisme, je ne peux toutefois vous répondre à propos des amateurs et des jeunes même si je vois les mêmes choses que vous. Alors que la fédération internationale recommande de procéder à trois contrôles lors de classiques, nous en effectuons six sur le Paris-Roubaix. De même, sur le Tour où nous devrions en effectuer une centaine - soit quatre contrôles par jour -, nous en faisons plus de 550 grâce au travail de l'AFLD et nous avons obtenu que ce niveau soit maintenu. De surcroît, les contrôles sanguins sont désormais plus nombreux que les contrôles urinaires. Aujourd'hui, c'est le ciblage qui est essentiel.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Depuis 2003, les observateurs de l'Ama ne sont venus sur le Tour qu'une seule fois, en 2010. Ne serait-il pas utile de les associer davantage ? Avez-vous véritablement suivi les recommandations émises par l'agence ?

M. Christian Prudhomme. - Les observateurs de l'Ama sont venus en 2003 et en 2010. Je rêve, conformément au projet initial, d'une Ama qui ait des bras. Je rêve d'une agence qui fasse les choses sur le terrain mais ce n'est pas le cas. Parmi ses recommandations, il y a eu le fait de placer les véhicules de contrôle plus près de la ligne d'arrivée et surtout l'instauration des chaperons, actuellement au nombre de huit. Le rapport de l'Ama intervient toujours après coup ; pourtant si l'on sait quelque chose dès la deuxième étape, ne vaut-il pas mieux agir immédiatement plutôt que d'attendre la fin du Tour ?

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - L'Ama a mis en cause le caractère trop prévisible des contrôles, passés de quatre à six par jour à la demande de l'UCI. Participez-vous aux choix en la matière ?

M. Christian Prudhomme. - Non, ce que nous souhaitons c'est rester au même niveau. Nous avons financé 548 contrôles en 2008, 555 en 2009, 634 en 2010 ou encore 566 en 2012. Une réunion a lieu chaque année à l'AFLD avec l'UCI et nous-mêmes pour définir le nombre de personnes présentes ; à nous d'organiser ensuite la prise en charge des équipes de médecins et de deux fois trois agents de contrôle.

Depuis mon arrivée, je n'ai de cesse d'insister sur l'importance de contrôles effectués avant la compétition, entre fin avril et juin, période où les coureurs se préparent. Prenons-les au moment où ils trichent car après le départ du Tour, c'est trop tard. Il est arrivé que l'on demande et que l'on finance des contrôles dont seul le dixième a été effectué...

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - L'Ama considère que l'attachement malsain aux coureurs de beaucoup de personnes, y compris celles chargées de la lutte antidopage, est une entrave à leur mission. L'UCI fait-elle tout pour que les contrôleurs-préleveurs agissent de façon indépendante ?

M. Christian Prudhomme. - Quelle que soit notre fonction et que l'on soit sur le Tour depuis longtemps ou depuis peu, les champions fascinent et fascineront toujours. J'ai vu des médecins les prendre en photos. Doit-on considérer que c'est mal ?

Pour le reste, je ne vois de solution que dans la création d'un organe totalement indépendant chargé de la lutte antidopage pour tous les sports et dans tous les pays.

M. Jean-François Humbert, président. - Je me suis laissé dire que vous auriez recours à des enquêteurs privés. Est-ce le cas et si oui, ceux-ci collaborent-ils avec la police et avec l'administration des douanes ? Après l'affaire Festina, les douanes auraient reçu pour instructions de limiter leurs interventions sur le Tour de France ; est-ce plausible ?

M. Christian Prudhomme. - Je ne suis que le directeur cyclisme d'ASO, entreprise de 220 salariés ; je n'ai pas la main sur les douanes ! Contrairement à ce qui vous a été dit, celles-ci sont intervenues sur le Tour en 2008 ; la voiture de Johnny Schleck, le père de Franck et d'Andy, a été fouillée mais sans rien trouver.

M. Jean-François Humbert, président. - Et sur les enquêteurs privés ?

M. Christian Prudhomme. - Il n'est pas une réunion d'avant course ou je ne martèle aux responsables des équipes mon sermon du Père Fouettard. Je n'aimerais pas le Tour si je ne le faisais pas.

On me parle d'expéditions nocturnes en voiture. Il y a quelques jours, on m'interrogeait sur l'emploi d'hélicoptères ; bientôt ce sera des sous-marins !

Il est vrai que lors d'une réunion - me semble-t-il en 2010 - j'ai évoqué la poursuite à une heure du matin d'une voiture de l'équipe Astana par l'Oclaesp. Tout le reste, n'est que rumeurs.

M. Dominique Bailly. - Lors de nos auditions, il a été fait état des difficultés pour les préleveurs d'accéder aux coureurs. Comment améliorer cette situation ? Un retard de dix minutes peut altérer la qualité d'un contrôle... Ne devrait-il pas s'agir d'un point dur de vos discussions avec les équipes ?

M. Christian Prudhomme. - Attention, l'ère Amstrong est révolue, les choses ont bien changé notamment grâce à l'instauration du passeport. L'UCI pourrait toujours ajouter quelques contrôles mais il y en a déjà beaucoup. Ce qui importe désormais c'est d'effectuer des contrôles en mai et en juin, pendant les stages.

M. Michel Savin. - Un manager peut-il ignorer que l'un de ses coureurs se dope ? Si tel n'est pas le cas, est-il possible de les sanctionner ?

M. Christian Prudhomme. - Il peut l'ignorer une fois mais pas dans la durée. Comme l'équipe Cofidis, le mouvement « pour un cyclisme crédible » (MPCC) a mis en place un système d'auto-sanction de l'équipe qui l'empêche de prendre le départ pendant une durée plus ou moins longue selon la durée de suspension de l'un ses coureurs. Cela pénalise tout le monde, y compris le sponsor. Rendre ce dispositif obligatoire changerait beaucoup de choses.

M. Michel Savin. - Cela ne concerne qu'une équipe ?

M. Christian Prudhomme. - Non, la moitié des équipes du Tour ont opté pour ce système ainsi que la totalité des équipes de deuxième division notamment parce qu'elles y voient un moyen d'être admises à nos compétitions. On nous dit que des raisons juridiques empêchent de rendre obligatoire ce dispositif actuellement fondé sur le volontariat.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - À combien s'élève chaque année votre contribution financière aux contrôles, pour laquelle l'Ama vous félicite ?

M. Christian Prudhomme. - Au total, environ 700 000 euros.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Si les produits utilisés par Armstrong n'avaient rien de révolutionnaires, il semble en revanche qu'il ait bénéficié de protections et de complicité. Il avait droit à une protection rapprochée et à des hélicoptères qui l'attendaient à l'arrivée. Comment cela se justifie-t-il, ne serait-ce qu'au regard de l'équité sportive ?

M. Christian Prudhomme. - Les hélicoptères sont réservés aux coureurs retenus après la course par des obligations protocolaires - les podiums - ou par les contrôles antidopage ; faute de quoi, pour redescendre d'une arrivée en montagne il leur faudrait plus de quatre heures. Ayant gagné - ou volé - sept fois le Tour et de nombreuses étapes, il est évident qu'Armstrong y a eu souvent recours. Il ne s'agit de rien de plus que l'application de cette règle à laquelle je n'ai dérogé qu'une seule fois, lors du dernier Tour, en décidant d'évacuer par hélicoptère les vingt premiers du classement général avant l'étape contre la montre.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Vous n'avez pas eu connaissance des difficultés des préleveurs pour accéder à Armstrong ?

M. Christian Prudhomme. - En 2009, M. Bordry nous avait indiqué que les choses s'étaient mal passées en Andorre. En revanche, je n'avais pas eu connaissance du fait qu'au Mont Ventoux, la même année, les contrôleurs et les inspecteurs de l'UCI se seraient accordés pour ne pas contrôler Armstrong au motif qu'il l'avait déjà été la veille et que son hôtel était à 70 kilomètres du départ de l'étape suivante, distance que j'ai tout de même vérifiée entre temps.

M. Alain Néri. - Outre le maintien des contrôles pendant les épreuves, vous plaidez pour leur renforcement au cours des stages de préparation. En y ajoutant la condamnation des AUT et le développement des contrôles inopinés, je suis convaincu que nous parviendrons à rendre les contrôles plus efficaces.

M. Christian Prudhomme. - Il est aussi important de renforcer le ciblage des contrôles effectués durant les épreuves, de développer la dissuasion et de communiquer à l'AFLD la localisation des champions. Créer un système à deux vitesses qui distinguerait les Français des autres n'aurait pas de sens.

Quant à la médecine de santé, elle devrait constituer un argument non pas pour dire aux coureurs qu'ils sont des tricheurs mais que vu leur état de santé, ils ne peuvent être admis à prendre le départ du Tour.

M. Stéphane Mazars. - La lutte contre le dopage repose essentiellement sur le contrôle, mais d'autres moyens d'investigations sont-ils nécessaires ?

M. Christian Prudhomme. - Oui car pendant longtemps, les affaires ne sortaient que grâce à l'action de la police, de la gendarmerie et des douanes. De même, si l'Usada (agence antidopage américaine) ne s'acharne pas, rien ne se passe.

M. Stéphane Mazars. - Au-delà des sanctions sportives ne faudrait-il pas envisager aussi des sanctions pénales ? En contrepartie de la tricherie, le coureur a obtenu la gloire et parfois l'argent.

M. Christian Prudhomme. - Je pense qu'il faut s'en tenir aux sanctions sportives mais en les augmentant, par exemple en passant de deux ans à quatre ans d'interdiction pour les produits lourds comme l'EPO et en revenant sur leur effet rétroactif. La condamnation rétroactive de Contador à deux ans de suspension a pris dix-huit mois : lorsqu'elle est intervenue, il n'était donc plus interdit que pour six mois et entre temps il avait gagné le Tour d'Italie... auquel il était après coup supposé n'avoir jamais participé ! Il ne s'agit pas d'aligner le temps de la justice sur le temps médiatique, mais tout de même... Si les coureurs en attente de sanctions ne pouvaient pas prendre le départ, cela changerait aussi les choses.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Jean-Claude Killy a-t-il joué un rôle de médiateur dans l'apaisement des tensions existant entre ASO et l'UCI au cours des années 2005 à 2008 ?

M. Christian Prudhomme. - Le groupe a pris la décision politique de mettre fin à la guerre avec l'UCI mais je n'ai pour ma part, pas participé à ces discussions.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Que pensez-vous d'un retour aux équipes nationales et à la création d'un pool de médecins à la disposition de tous les coureurs ?

M. Christian Prudhomme. - Que l'Allemagne de l'Est était belle ! Cela n'a rien à voir avec la lutte contre le dopage... Si vous dites aux sponsors qu'ils peuvent être partenaires de toutes les courses sauf le Tour de France, les choses risquent d'être compliquées. Il faut vivre avec son temps. Je crois davantage aux équipes soutenues par une région, avec des racines, même si l'équipe Euskatel est récemment revenue sur le principe de n'être composée que de coureurs originaire du pays basque. Cet ancrage est important dans un sport populaire où les champions vont vers les gens.

À la question, « quel est le Tour de mes rêves », Augustin, le fils d'un de mes collaborateurs, a trouvé la plus belle des formules en répondant : « c'est le Tour qui passe chez moi ». Le Tour repose en effet sur trois piliers : le sport, la mise en valeur des terroirs et le lien convivial fédérant des spectateurs de toutes conditions et de tous âges. On sort des maisons de retraites comme des centres aérés ou des colonies de vacances pour le voir passer. La fin de la guerre avec l'UCI a été décidée car il est absolument impossible de défendre le Tour si l'on est seul.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Êtes-vous en relation avec les organiseurs du Giro ou de la Vuelta ?

M. Christian Prudhomme. - Oui, je préside l'association internationale des organisateurs de courses cyclistes (AIOCC) au sein de laquelle nous nous réunissons trois fois par an. Nous y discutons à la fois des difficultés économiques - des courses disparaissaient en Espagne quasiment tous les jours - et de la nécessité d'un organe indépendant chargé de lutte contre le dopage dans toutes les disciplines et dans tous les pays. Sur ce dernier point, nous sommes tous d'accord.

M. Jean-François Humbert, président. - Comment expliquer l'amélioration des relations ente ASO et l'UCI ?

M. Christian Prudhomme. - Il y a eu une période de guerre déclenchée par la fixation du calendrier Pro Tour mais aussi causée par des divergences éthiques. La décision a été prise de mettre fin à ce conflit l'année de la mise en place du passeport. Comme je vous l'ai dit, je l'assume complètement. Depuis cette période, je siège parmi les douze membres du conseil du cyclisme professionnel où nous avons voté l'interdiction pour les coureurs condamnés pour plus de six mois d'exercer des responsabilités au sein des équipes, qui ne s'impose hélas que pour l'après 2011. Les relations sont normalisées et je vois M. Mc Quaid régulièrement.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Compte tenu du rapport de l'Usada, l'UCI est-elle crédible dans la lutte contre le dopage ?

M. Christian Prudhomme. - Le passeport a réellement fait évoluer les choses mais j'ai sur le passé les mêmes interrogations que n'importe quel citoyen.

M. Jean-François Humbert, président. - Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

M. Christian Prudhomme. - Je souhaiterai simplement redire qu'il s'agit d'une bataille internationale que l'on ne gagnera pas seuls, que la question se pose du rôle de la médecine de santé, qu'il faut un organisme indépendant et que l'action sur les entourages - managers et docteurs en médecine prétendument médecins - est essentielle.

M. Jean-François Humbert, président. - Merci. Le nombre de questions montre l'intérêt soulevé par votre audition.

Audition de M. Bernard Laporte, ancien secrétaire d'État chargé des sports

M. Jean-François Humbert, président. - Nous recevons M. Bernard Laporte, ancien secrétaire d'État chargé des sports auprès de la ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.

Notre commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a été constituée à l'initiative du groupe socialiste, en particulier de M. Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur.

Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Bernard Laporte prête serment.

M. Bernard Laporte, ancien secrétaire d'État. - Merci de votre invitation. La question du dopage dans le sport est très importante. Au ministère, j'ai poursuivi les actions engagées par Mme Buffet et ses successeurs. J'ai pu constater, lors des réunions de l'Ama, que la France était considérée comme l'un des pays les mieux organisés et les plus engagés dans la lutte contre le dopage. Nous devons rester leader en la matière. J'ai connu des déboires, notamment quand l'AFLD, qui avait pourtant fait ses preuves lors du Tour de France 2008, fut écartée au profit de l'Ama pour le Tour 2009. Pourquoi l'AFLD, qui était indépendante, n'a-t-elle pas été reconduite ? Sans doute parce que la fédération internationale de cyclisme ne pouvait la mener à la baguette !

Un mot sur le rugby. La diffusion de certaines informations peut faire du tort au sport. Certes, les rugbymen ne sont pas plus intelligents que les autres et il faut être vigilant, mais je ne connais pas un entraîneur de club français qui serait au courant qu'un de ses joueurs se dope. Quant au dopage collectif, il n'existe pas. Or mon sport est attaqué, montré du doigt. Il y a des cas de contrôles positifs... au cannabis ! Ce n'est pas ça qui risque d'améliorer les performances sur le terrain ! Attention donc à ne pas diffuser des informations qui jettent le discrédit sur ce sport. J'encourage l'ALFD à faire preuve de la plus grande rigueur. L'an dernier, les journaux ont fait état de suspicions de dopage pesant sur deux joueurs du RC Toulon, Steffon Armitage et Eifion Lewis-Robert, or ils ont bénéficié d'un non-lieu. Ils avaient pris un produit codéiné autorisé, qui se métabolise naturellement en morphine. Je le répète, il ne faut pas jeter l'opprobre sur un joueur tant qu'il n'est pas condamné.

M. Jean-François Humbert, président. - Notre commission d'enquête ne met pas l'accent sur un sport plutôt qu'un autre. L'AFLD a précisé les déclarations faites devant nous, dont certains journaux avaient tiré des conclusions quelque peu hâtives. Nous ne visons pas un sport en particulier ; au contraire, nous craignons que beaucoup, voire tous, soient concernés par le dopage.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Je vais vous poser la même question qu'à David Douillet ou Alain Calmat : au cours de votre parcours sportif, avez-vous été confronté à des cas de dopage ?

M. Bernard Laporte. - Non, je n'ai jamais eu affaire à un partenaire ni entraîné un joueur qui se dopait. Il y a vingt-cinq ans, quand je jouais, nous prenions tous des cachets de Captagon, sans savoir que c'était interdit. À revoir les matchs, je peux dire que ce n'est pas ça qui nous rendait meilleurs !

Lorsque j'étais entraîneur de l'équipe de France, j'ai été confronté à l'affaire Pieter de Villiers. Ce joueur avait absorbé de la drogue à son insu en boîte de nuit. Il n'avait pas pris volontairement de produit dopant pour améliorer sa performance, et n'a d'ailleurs jamais été inquiété au cours de sa carrière. Le problème pour nous était surtout qu'il se trouvait en boîte de nuit à cinq heures du matin ! Les joueurs doivent montrer l'exemple. C'est pourquoi il a été suspendu.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Comment jugez-vous l'architecture globale de la lutte contre le dopage en France, entre le ministère, les fédérations sportives, le comité olympique, le laboratoire de Châtenay-Malabry, l'AFLD ?

M. Bernard Laporte. - Elle ne me dérange pas. Nous avions tenu des réunions rassemblant les représentants de tous les sports. Le cyclisme se plaignait d'être le seul sport à se voir imposer le système de sportifs ciblés, susceptibles d'être contrôlés à tout instant ; nous l'avons donc étendu aux autres sports, afin que tous soient logés à la même enseigne. Cette saison, notre joueur cible est Carl Heyman. C'est un système contraignant mais positif, car le contrôle peut avoir lieu à tout moment. Il commence à être mieux accepté. Le RC Toulon a fait l'objet d'un contrôle inopiné il y a quelques semaines, à huit heures du matin. Je trouve cela très bien. Cela montre qu'il y a un engagement pour lutter contre le dopage.

M. Jean-François Humbert, président. - Certains dénoncent au contraire ces contrôles inopinés. Je retiens que l'essentiel est de continuer à avoir des contrôles.

M. Bernard Laporte. - Absolument.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Certaines fédérations sont-elles plus engagées, plus volontaires que d'autres ?

M. Bernard Laporte. - Le cyclisme estimait ne pas être traité comme les autres sports, nous avons donc élargi les contrôles. J'ai senti tout le monde très concerné. Lors des réunions de l'Ama, certains trouvaient d'ailleurs que nous en faisions trop ! J'ai souvenir d'une discussion, à Montréal, avec le ministre des sports jamaïcain qui critiquait l'intransigeance de la France... Pour vous répondre, les affaires sont si nuisibles que tout le monde travaille ensemble pour que la lutte contre le dopage fonctionne bien.

M. Alain Néri. - M. Laporte a eu plusieurs casquettes : joueur, entraîneur de l'équipe de France, ministre... Je suis donc heureux de l'entendre plaider pour les contrôles inopinés, que certaines décrient, et souhaiter que tous les sports soient traités à égalité.

Le calendrier des compétitions de rugby devient démentiel, le rythme de jeu s'accélère, le nombre de minutes jouées augmente, la vitesse aussi, la violence des contacts est parfois préoccupante. Le changement de morphologie des joueurs vous inquiète-t-il ? Est-ce un signe avant-coureur de pratiques qui pourraient être assimilées à du dopage ?

M. Bernard Laporte. - Aujourd'hui, un match de haut niveau, c'est 40 minutes de jeu effectif, contre 20 à 23 minutes à mon époque. Oui, la morphologie des joueurs a évolué : on a désormais affaire à des joueurs-athlètes, qui pratiquent la musculation quotidiennement. Ce n'était pas le cas à mon époque. Christian Dominici me disait ce matin, en assistant à l'entraînement de mes joueurs, qu'il avait joué à la bonne époque ! C'est surtout derrière que les choses évoluent : regardez les joueurs des îles, comme Nalaga ou Sivivatu à Clermont : ils sont costauds, ils ont un physique naturellement hors norme, sans que l'on puisse les soupçonner de dopage. Le rugby ressemble de plus en plus au jeu à XIII ; tous les joueurs, du 1 au 15, doivent être capables d'affronter deux défenseurs sans perdre le ballon. C'est la force des grandes équipes...

M. Jean-François Humbert, président. - Les Anglais n'ont pas une taille de minime ou de cadet...

M. Dominique Bailly. - Quel est le rôle de l'encadrement des clubs ? En 2012, deux joueurs du RC Toulon ont été contrôlés positifs, avant d'être blanchis. Comment se fait-il que le médecin de l'équipe, qui est depuis devenu le médecin de l'équipe de France, ait pu leur administrer des produits qui tombaient sous le coup de la loi ? N'est-ce pas un peu léger ?

M. Bernard Laporte. - Je ne suis pas médecin, mais le Dr Grisoli avait donné aux joueurs de la codéine, parfaitement autorisée mais qui, si l'on en prend trop, produit des substances interdites en se dégradant dans l'organisme. Il ne s'agit pas d'un produit dopant en soi. Quel médecin prendrait la responsabilité de donner un produit dopant à un joueur qui n'y connaît rien ? Il en va de sa carrière ! Enfin, il ne faut jamais dire jamais, et on peut toujours tomber sur un fou...

M. Stéphane Mazars. - La semaine dernière, Laurent Bénézech déclarait au Monde : « Le rugby est dans la situation du cyclisme avant l'affaire Festina ». Quelle est votre réaction ?

M. Bernard Laporte. - C'est grave. S'il a des preuves, qu'il les apporte ! Il est facile de jeter le discrédit, de faire l'intéressant ! S'il vivait avec les clubs professionnels, avec l'équipe de France, il s'apercevrait vite que ce n'est pas vrai. Comment peut-il dire une chose pareille ? Je trouve cela lâche, ridicule !

M. Jean-Jacques Lozach. - Dans le combat de première ligne entre Serge Simon et Laurent Bénézech, vous êtes donc résolument du côté du premier ?

M. Bernard Laporte. - Sur le terrain, je préfère jouer avec Simon qu'avec Bénézech...

M. Stéphane Mazars. - Le calendrier de compétitions imposé aux clubs qui participent aux compétitions européennes est-il encore compatible avec une pratique saine ?

M. Bernard Laporte. - Oui, à condition d'avoir un effectif pléthorique, comme à Clermont-Ferrand, à Toulouse ou à Toulon. Sinon, impossible de tenir. Voyez notre match de dimanche dernier contre Leicester : j'ai rarement vu mes joueurs aussi fatigués après une rencontre. Ils n'en étaient pas encore remis ce matin. Heureusement, tous les matchs ne sont pas de la même intensité. Il ne serait pas possible de livrer 40 matchs de ce type en une saison.

M. Jean-François Humbert, président. - Vous avez été à l'origine d'un projet de loi contre le trafic de produits dopants. Estimez-vous que les nouvelles incriminations pénales créées à l'occasion aient fait leurs preuves ? La coordination entre les douanes, l'Oclaesp et l'AFLD était-elle selon vous efficace ?

M. Bernard Laporte. - Ce complément à la loi sur le dopage faisait suite à l'affaire Rasmussen, ce coureur dont la femme transportait des produits dopants dans le coffre de sa voiture.

M. Alain Néri. - Il s'agissait de Raimondas Rumas.

M. Bernard Laporte. - Nous avons complété la loi pour incriminer, entre autres, le transport de produits dopants. Cette incrimination a-t-elle fait ses preuves ? Je n'ai pas entendu parler de cas de flagrant délit. À l'évidence, la sanction fait peur, et a mis un terme à certains comportements. C'était le but.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Faut-il responsabiliser davantage les fédérations sportives ? Nous avons entendu des positions différentes : certains veulent dissocier lutte antidopage et mouvement sportif, au motif que ce dernier serait juge et partie, d'autres souhaitent au contraire l'impliquer davantage, notamment dans la prévention.

M. Bernard Laporte. - Je suis pour impliquer davantage le mouvement sportif ; en pratique, plutôt les ligues que les fédérations. Il faut que les informations passent, que le mouvement sportif participe à la prévention.

M. Jean-François Humbert, président. - Lors des réunions de l'Ama, avez-vous ressenti des divergences entre les anglo-saxons et la France sur le sujet du dopage ?

M. Bernard Laporte. - Les anglo-saxons ont toujours été à nos côtés, mais j'ai ressenti que la lutte contre le dopage n'était pas une priorité dans tous les pays. Certains trouvaient que la France en faisait trop, allait trop loin. Tous les pays n'étaient pas en phase avec nous.

M. Jean-François Humbert, président. - Lesquels ?

M. Bernard Laporte. - La Jamaïque, par exemple.

Mais cela ne vaut pas que pour le sport ! J'ai senti chez certains un engagement modéré. Certains font le strict minimum en la matière, sans doute aussi faute de moyens.

M. Jean-François Humbert, président. - Estimez-vous suffisants les moyens consacrés aujourd'hui à la lutte contre le dopage ?

M. Bernard Laporte. - Quand j'étais au gouvernement, le patron de l'AFLD, Pierre Bordry, réclamait toujours plus de moyens ! Quand ceux-ci sont justifiés, il faut les accorder. À l'Agence de dire si les moyens actuels lui suffisent. À l'époque, j'avais fait un effort pour que le budget de l'AFLD soit préservé ; nous travaillions main dans la main.

M. Jean-François Humbert, président. - Entre l'Ama au niveau mondial et l'AFLD au niveau national, êtes-vous favorable à la création d'un échelon européen intermédiaire ?

M. Bernard Laporte. - Une agence européenne ne serait pas de trop. Cette question avait été évoquée lors du conseil des ministres informel qui s'était tenu à Biarritz en novembre 2008.

M. Dominique Bailly. - Quel est votre sentiment sur le passeport biologique, qui permet des contrôles en amont et sur le long terme ? Est-il applicable à tous les sports ? Certaines fédérations sont enthousiastes, d'autres moins...

M. Bernard Laporte. - Quand je suis entré au gouvernement, Mme Bachelot venait d'entériner la création du passeport biologique. On ne peut être contre ! C'est l'outil le plus sécurisant qui soit. Il concerne surtout les cyclistes, mais pourquoi pas, en effet, l'étendre à tous les sports, à condition que les moyens suivent.

M. Dominique Bailly. - C'est une question de volonté politique.

M. Bernard Laporte. - Un contrôle dans la continuité est une bonne chose, je suis favorable à son extension. La seule question est celle du coût...

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - La finalité de la lutte antidopage est l'éradication, la tolérance zéro. Faut-il rester sur une position intransigeante ou faire preuve de tolérance et assouplir les règles ?

M. Bernard Laporte. - Je suis pour l'intransigeance, c'est une évidence. Tolérance zéro ! On ne peut faire deux pas en arrière après en avoir fait dix en avant, ce ne serait pas crédible. Il faut entretenir le sentiment de peur, que les joueurs sachent qu'on ne leur fera pas de cadeau, que la sanction sera immédiate.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Le droit français n'envisage pas de traitement de faveur pour les sportifs « repentis », qui donneraient des informations. Faut-il les impliquer davantage, ou au contraire rester prudent ?

M. Bernard Laporte. - Je ne suis pas du tout pour. D'abord, la délation, ce n'est pas beau. Continuons le travail que nous avons engagé, nous sommes sur la bonne voie. Il n'y a pas lieu de recourir à des procédés qui, pour ma part, me déplaisent.

M. Jean-François Humbert, président. - Quels sont à vos yeux les points indispensables pour renforcer la lutte contre le dopage ? Avez-vous des regrets, des suggestions pour vos successeurs ?

M. Bernard Laporte. - Je suis pour un renforcement des moyens de l'AFLD et des contrôles inopinés, qui ne me gênent pas du tout. Je suis pour la tolérance zéro, pour beaucoup de contrôles, beaucoup de suivi. Certes, nos sportifs sont parfois en concurrence avec des sportifs de pays moins regardants ; tant pis, qu'ils se fassent battre, mais sans compromettre nos principes et notre honneur.

M. Alain Néri. - Bernard Laporte est convaincu que dans sa discipline, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Reste qu'on voit des joueurs français changer de morphologie, prendre 13 à 14 kilos de muscle en l'espace d'un an... J'observe en outre que beaucoup de jeunes rugbymen sont souvent blessés. Ces blessures à répétition ne sont-elles pas inquiétantes ? « Nous ferons de vilains vieux », avait dit Michel Crauste. Je crains qu'ils ne fassent pas de vieux du tout !

M. Bernard Laporte. - À Toulon, il n'y a pas de joueur qui enchaîne les blessures, à Clermont non plus. Le rugby est de plus en plus physique, de plus en plus athlétique, de plus en plus violent au sens noble du terme, c'est vrai, mais les blessures ne sont pas plus fréquentes pour autant.

M. Alain Néri. - Ne craignez-vous pas pour l'intégrité physique des joueurs ?

M. Bernard Laporte. - Un engagement comme celui de dimanche dernier ne peut que laisser des traces, mais les joueurs ont une vraie carapace qui amortit les chocs ! C'est l'entraînement qui fait l'intensité du jeu. Ils feront certainement de vilains vieux : certains piliers de trente ans ont du mal à se tourner...

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Lors du récent colloque du Cnosf sur le dopage, le médecin de la fédération française de rugby a évoqué un cas suspect de recours à un préparateur physique individuel. Les rugbymen peuvent-ils effectivement faire appel à un préparateur physique autre que celui du club ?

M. Bernard Laporte. - C'est possible. Le club a son staff ; chez nous, il y a trois préparateurs physiques. À ma connaissance, aucun joueur ne va voir ailleurs, mais cela peut arriver. Je connais le cas auquel vous faites allusion. Les doutes venaient du fait que le préparateur physique en question vendait des compléments alimentaires. Il faut faire attention, ai-je toujours dit aux joueurs. Ils m'ont affirmé lui faire confiance, et n'ont d'ailleurs jamais été contrôlés positifs. Attention, là encore, à ne pas affirmer sans preuve.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Faut-il ajouter une sanction pénale à la sanction sportive en cas d'usage de produits dopants ?

M. Bernard Laporte. - Oui s'il s'agit d'une action délibérée, programmée, mais il me semble que si le joueur a été dopé à son insu, il faut être plus indulgent.

M. Jean-François Humbert, président. - Quel message souhaitez-vous nous faire passer au terme de cette audition ?

M. Bernard Laporte. - Il est bon que le Sénat s'intéresse à ce problème. C'est un honneur pour les sportifs, il faut continuer, il faut le faire savoir. Mes joueurs s'étonnaient que les politiques veuillent m'auditionner sur un tel sujet. Je suis venu très volontiers, même entre deux gros matchs, car il faut montrer que nous sommes tous en phase, tous déterminés à poursuivre la lutte contre le dopage.

M. Jean-François Humbert, président. - Merci d'avoir répondu à nos questions.

Jeudi 11 avril 2013

- Présidence de M. Jean-François Humbert, président -

Audition de M. Michel Boyon, ancien président du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD)

M. Jean-François Humbert, président. - Nous accueillons M. Michel Boyon, ancien président du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage (CPLD).

Notre commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a été constituée à l'initiative du groupe socialiste, en particulier de M. Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur.

Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Michel Boyon prête serment.

M. Michel Boyon, ancien président du CPLD. - Je suis heureux d'être parmi vous. Cette audition, ainsi que la « sublimation » du CPLD en Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) en 2006, constituent une reconnaissance du travail accompli par le Conseil. Pourtant, les problèmes sur lesquels nous attirions l'attention demeurent, liés au comportement des sportifs ou à l'internationalisation du sport. Le CPLD a été créé par une loi votée à l'unanimité à l'Assemblée nationale comme au Sénat, le 23 mars 1999. Le décret lui donnant ses compétences disciplinaires n'a été publié qu'un an après. Je garde de cette expérience un souvenir très fort. C'est toujours un honneur de mettre en place une institution nouvelle. Nous avons avancé à tâtons, mais notre volonté était forte. Le collège composé de personnalités remarquables et très diverses a toujours approuvé de manière consensuelle les actions menées, y compris les procédures disciplinaires.

Comme l'intitulé du CPLD l'indique, nous travaillions selon deux axes : prévention et lutte contre le dopage. Les médias s'intéressaient davantage à ce dernier aspect, surtout préoccupés de savoir si tel ou tel sportif célèbre allait faire l'objet de sanctions. Le CPLD pouvait infliger une peine d'interdiction de participer à des compétitions sportives. La première sanction prononcée a eu une valeur fondatrice.

Pourtant, à mes yeux, l'essentiel n'est pas là. Le CPLD a été créé à la suite de l'affaire Festina. Le dopage a toujours été entouré de beaucoup de mensonges et d'hypocrisie. Le Conseil a eu un rôle fondamental pour améliorer l'information et la transparence. Selon moi l'acte fondateur a été la publication d'un communiqué de presse à l'issue du Tour de France 2000 annonçant que 96 contrôles avaient été réalisés, 45 d'entre eux révélant la prise de substances dopantes. Quelle émotion suscitée... Cela ne signifiait pas que 45 % des coureurs du Tour étaient dopés car la consommation de telles substances est parfois justifiée par des raisons thérapeutiques. Mais souvenons-nous qu'à l'époque, il suffisait de présenter une ordonnance, établie par n'importe quel médecin, spécialisé ou non, pour échapper aux sanctions ! Il ne s'agissait que d'une communication factuelle, mais l'UCI et son président, M. Hein Verbruggen, ont mal réagi. Pourtant, à partir de ce moment-là, nous avons pu mener des actions fructueuses.

Les sanctions disciplinaires sont nécessaires. Lorsque j'ai quitté la présidence du CLPD en octobre 2003, la majorité des cas que nous avions eu à connaître concernait des sportifs jeunes ou amateurs qui se dopaient sans méthode. Les auditions étaient déprimantes. Tel jeune se dopait car ses parents le poussaient à pratiquer l'haltérophilie tous les jours. Tel autre avait pris du clenbutérol, produit réservé aux chevaux, dont il avait trouvé un flacon à l'écurie. À l'inverse, des sportifs connus, assistés d'avocats, passaient entre les gouttes !

Toutefois la prévention est plus importante. Reste à trouver le bon angle pour atteindre la cible. L'effet sur la santé est évident, nous le savons, même si nous n'avons jamais pu obtenir aucune étude épidémiologique sur la santé des anciens sportifs. Depuis toujours les sportifs se dopent. La dopette des années trente n'était pas très grave, mais depuis cette époque, des produits plus toxiques sont apparus. Mettre en garde contre les effets sur la santé individuelle, les conséquences sur les reins ou le foie après quarante ans ? Les jeunes ne comprennent pas ce discours. À 18 ans, 45 ans c'est loin : ils veulent « s'éclater », gagner de l'argent, le reste ne les touche pas ! À l'époque il s'agissait surtout du cyclisme. Aujourd'hui semble-t-il, le rugby est aussi très atteint par le dopage. Quant au discours « se doper c'est tricher », tous n'y sont pas sensibles.

Nous avions tenté de montrer que le dopage concerne toutes les disciplines et toutes les catégories, les professionnels comme les amateurs, les jeunes comme les plus âgés. Un reportage montrait que la majorité des cyclistes du dimanche faisant le tour du bois de Boulogne prenait des comprimés. Il n'y a aucun enjeu pourtant, ils ne reçoivent ni chèque, ni cocotte-minute. Mais ils veulent la gloire de gagner... Tout le monde est touché.

La prévention est l'affaire de tous. Des pouvoirs publics tout d'abord : Mme Marie-George Buffet, alors ministre, s'est investie avec beaucoup de courage dans ce combat, comme M. Jean-François Lamour après elle ; l'affaire des collectivités territoriales, également, et de l'ensemble des instances sportives - du Comité national olympique jusqu'aux clubs les plus modestes, les fédérations agréées, les ligues régionales, les comités départementaux -, comme des professions de santé. C'est aussi l'affaire de l'éducation nationale. J'ai eu beaucoup de mal à nouer des liens avec les professeurs d'éducation physique. Grâce au concours de fonds européens, nous avions développé un programme destinées aux classes sport études, où sont formés les sportifs et les professionnels du secteur, entraîneurs, gérants de magasin de sport, etc. Au terme d'un travail interactif, les classes devaient rédiger une charte sur le dopage. Cette sensibilisation, même si son effet dans la durée est peut-être limité, est plus efficace que les grandes campagnes générales sur le thème « il n'est pas beau de tricher ».

Un mot sur le rugby. Lorsque je présidais le CPLD, la professionnalisation était déjà amorcée. Il était évident qu'elle s'accompagnerait d'un dopage accru. Les contrôles étaient peu fréquents, les résultats de ceux-ci guère meilleurs que dans les autres disciplines. La professionnalisation a des effets visibles sur l'évolution de la morphologie des athlètes ! Certes, l'entraînement contribue au développement de la masse musculaire, mais des substances y aident aussi. La professionnalisation a eu également des conséquences sociales. Les grands clubs ont relégué dans l'oubli les équipes du cru. Le lien social créé par le rugby à l'époque où il était constitué de sept poules de huit équipes a disparu.

À la lecture du dernier rapport annuel de l'AFLD, j'ai constaté que les contrôles antidopage soulèvent aujourd'hui les mêmes problèmes. Une Agence mondiale antidopage (Ama) a été créée, hélas trop dépendante du CIO. Certes, grâce à M. Jacques Rogge, des progrès importants ont été accomplis au niveau international. Mais l'entrée en vigueur du Code mondial antidopage, introduit dans notre droit, a donné un coup de canif à la pratique française des contrôles. La France avait été le premier pays, avec la Belgique, à engager une lutte efficace contre le dopage. Désormais, les contrôles sont effectués par les fédérations internationales lors des événements sportifs internationaux, ou avec leur accord. J'y étais très opposé. Jusqu'en 1999 en effet, les contrôles antidopage à Roland-Garros, réalisés sous l'égide de l'ATP, avec le concours d'un laboratoire étranger, sans intervention du laboratoire de Châtenay-Malabry, n'ont jamais révélé le moindre cas positif. Comme par hasard, la première année où nous avons pu procéder à nos propres contrôles, six ont révélé l'usage de substances dopantes. C'est pourquoi la prérogative des organisations internationales en matière de contrôles m'inquiète.

Autre sujet d'inquiétude, la double liste des produits dopants. En 2002 une distinction a été établie entre produits interdits en compétition et ceux interdits de manière permanente. Distinction catastrophique ! Il y a dix ans on parlait peu d'EPO, on savait mal la détecter. J'ai milité pour l'instauration de contrôles sanguins. Aujourd'hui deux tiers des contrôles sont urinaires, un tiers sanguins.

De grands progrès ont été réalisés, en particulier grâce à l'action de l'AFLD. Au niveau mondial, la prise de conscience varie selon les disciplines. Certains responsables sportifs sont toujours réticents à s'attaquer de front au sujet. Le spectacle avant tout... Mais il n'est pas certain que la montée jusqu'au col d'Aubisque soit moins intéressante à 25 kilomètres heure qu'à 30 !

M. Jean-François Humbert, président. - Quand avez-vous pu réaliser vos premiers contrôles à Roland-Garros ?

M. Michel Boyon. - En 2002. La même année nous avons pratiqué des contrôles à l'occasion du tournoi des Six Nations : nous avons frôlé la crise diplomatique.

M. Jean-François Humbert, président. - Le rapport d'activité du CPLD de 2003 déplorait le manque d'implication des médecins généralistes dans la lutte contre le dopage. La situation a-t-elle évolué ?

M. Michel Boyon. - Il y a eu une prise de conscience. Nous entretenions des contacts étroits avec le Conseil de l'Ordre. Son président et ses membres étaient sensibilisés mais ils peinaient à diffuser leur préoccupation. On sortait d'une époque où le dopage bénéficiait d'une tolérance implicite sinon explicite. L'affaire Festina a été un coup de tonnerre. Une loi a été votée en 1999. Nul n'avait imaginé une réaction si rapide.

J'ai mis sur place des commissions de concertation avec les professionnels de santé, notamment les masseurs kinésithérapeutes : ils jouent un rôle psychologique important et sont en mesure de nouer un dialogue avec les sportifs. Ils s'étaient montrés très réceptifs.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Vous avez évoqué la participation des collectivités territoriales à la lutte contre le dopage. S'agit-il d'une action financière ? De la création d'écoles municipales des sports ?

M. Michel Boyon. - Leur implication n'est pas nécessairement financière et elle ne doit pas être le monopole des collectivités riches. Il s'agit plutôt de la rencontre de bonnes volontés. Si un adjoint au sport, un proviseur de lycée, et le président d'un club même modeste souhaitent avancer, ils avanceront. Nous avions mis à leur disposition une documentation simple. Sans grand succès à l'époque. Davantage de collectivités sont aujourd'hui mobilisées. J'ai été très déçu de ne recevoir aucun soutien de l'éducation nationale, en dépit d'initiatives isolées de quelques professeurs d'éducation physique, de sciences de la vie, voire d'éducation civique ou de français. Or l'éducation nationale reste la mieux armée pour sensibiliser les jeunes. Les clubs, notamment les plus petits, paraissaient plus ouverts.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - L'évolution du rugby a été spectaculaire depuis la disparition du rugby du terroir au profit de la professionnalisation, en 1995. Pensez-vous que l'arrivée de l'argent dans le sport accroît les risques de dopage ? Les dispositions prises depuis une quinzaine d'années sont-elles suffisantes ?

M. Michel Boyon. - Il est évident que l'arrivée de l'argent s'est accompagnée d'une montée du dopage et les mesures prises montrent leurs limites. Mais il est difficile de trouver une solution adéquate. Les beaux discours persisteront.

La sanction n'est pas la panacée, même si elle est nécessaire. Il est douteux que l'on puisse limiter l'influence de l'argent dans le sport car les disciplines sportives sont toujours plus nombreuses à se professionnaliser.

M. Alain Néri. - J'avais travaillé avec M. Boyon lors de la rédaction de la loi Buffet. La motivation principale du dopage, c'est la gloriole ; chaque sportif du dimanche est prêt à se doper pour pouvoir annoncer à sa famille qu'il a battu le voisin. L'argent aussi joue un rôle : pour certains jeunes issus de milieux défavorisés, le sport représente un vecteur de promotion sociale. L'affichage des gains considérables des sportifs a des effets pervers. Les parents eux-mêmes sont prêts à pousser le jeune vers la réussite. Il est nécessaire de réguler le rôle de l'argent dans le sport. L'action des collectivités territoriales n'est pas neutre. Beaucoup refusent de subventionner les clubs professionnels qui disposent de ressources suffisantes, mais les subventionnent indirectement par le biais de la communication car le club phare contribue à faire connaître la région. Autrefois on connaissait Lavelanet ou Mazamet ; longtemps le quartier de Montferrand a été plus connu que la ville de Clermont-Ferrand.

Que pensez-vous à cet égard des ligues fermées, comme celle du hockey sur glace ou de la NBA aux États-Unis ?

Sur le Tour de France, comme dans d'autres épreuves phares, on constate que certaines équipes sont automatiquement retenues, celles qui ont les moyens. Les sportifs qui gagnent beaucoup d'argent sont prêts à mettre leur santé en jeu pour continuer. Mettons l'accent sur la prévention et la protection de la santé des sportifs.

M. Michel Boyon. - Absolument. Pour certains le sport constitue une chance inespérée de gagner de l'argent ou d'être reconnu. Beaucoup de coureurs cyclistes sont issus de milieux modestes. Mais je réagis toujours lorsque l'on m'explique que le tennis n'est pas touché parce qu'il s'agit d'un sport pratiqué par des jeunes issus de milieux aisés, éduqués, et donc conscients des risques...

Mme Danielle Michel. - La prévention est essentielle. Comme dans les compagnes contre le tabagisme, faire peur ne suffit pas. Avez-vous aussi mené des campagnes avec des messages positifs présentant le sport comme un facteur de santé ? L'éducation nationale comme les clubs représentent des vecteurs privilégiés. Les jeunes doivent être sensibilisés dès le plus jeune âge car même dans les clubs amateurs on consomme des produits stimulants. Cela commence avec des vitamines...

M. Michel Boyon. - Les campagnes de prévention avaient deux angles : la protection de la santé et l'aspect éthique. Sans doute d'autres accroches sont-elles possibles. Mais une campagne isolée, même réussie, avec un slogan fort, ne suffira pas pour créer un nouvel état d'esprit. Il faut s'inscrire dans la durée en mobilisant tous les acteurs : enseignants, entraîneurs, élus, etc. La communication est importante, mais la relation personnelle entre un sportif et son entourage l'est plus encore. Les parents peut-être pas, mais les camarades de clubs plus expérimentés, l'entraîneur ou l'animateur.

M. Jean-François Humbert, président. - Avez-vous subi des pressions lorsque vous présidiez le CPLD ?

M. Michel Boyon. - Oui ! À l'époque, elles venaient surtout du cyclisme. Lors du Tour de France 2000, lorsque nous avons publié notre communiqué relatif au bilan des contrôles, l'UCI s'est déchaînée, lançant plusieurs campagnes, tentant d'instrumentaliser les médias ou de faire pression sur le pouvoir politique. Son président tenait des propos à la limite de la diffamation. Puis est venu le temps des menaces insidieuses : la France ne devait pas en faire trop, sinon les sportifs ne viendraient plus. Argument sensible à une époque où l'on choisissait le lieu des futurs Jeux olympiques. La France n'a pas cédé.

M. Jean-François Humbert, président. - Dans un avis de juin 2001, vous attiriez l'attention du ministre des sports sur la distinction entre produits interdits de manière permanente et ceux autorisés pendant l'entraînement. Quel a été son effet ?

M. Michel Boyon. - Faible ! Car il s'agit d'une liste internationale, adoptée sous l'égide du Conseil de l'Europe. Mais cette distinction est un pousse-au-crime.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Doit-on donner plus de pouvoirs à l'Agence française de lutte antidopage (AFLD) ?

M. Michel Boyon. - Je n'ai pas tous les éléments. Certes il faut de l'argent pour mener des actions de prévention. Pour l'établissement de la liste des produits dopants et l'étendue des prérogatives de l'agence française sur les événements internationaux organisés en France, nous sommes liés par le code mondial antidopage. Il me semble que les pouvoirs actuels sont étendus. En 2006, l'AFLD s'est vu rattacher le laboratoire de Châtenay-Malabry. C'est une excellente initiative, même si des juristes anglo-saxons y verront sans doute une entorse au principe de neutralité. Ce risque de contentieux existe.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - À Roland-Garros, organisé par la fédération française, les contrôles antidopage sont organisés par la fédération internationale et les prélèvements analysés au Canada. Au moment où l'État négocie avec les fédérations le renouvellement de leurs conventions, ne doit-il pas leur demander de négocier avec les fédérations internationales pour que les contrôles relèvent de leur prérogative ?

M. Michel Boyon. - Ce serait l'idéal. Mais est-il possible de revenir sur le code mondial antidopage, consacré par l'Unesco et reconnu dans notre droit ?

Dans certaines disciplines les dirigeants des fédérations internationales sont conscients que le dopage dégrade l'image du sport. Des avancées auront peut-être lieu.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Le CPLD a-t-il noué des liens avec des homologues étrangers ?

M. Michel Boyon. - Pas de contacts formalisés. Peu d'organismes similaires existaient à l'époque. Et l'Agence mondiale antidopage n'avait pas conquis son indépendance à l'égard du Comité international olympique. La situation s'est améliorée au fil des années, M. Rogge a joué un rôle majeur à cet égard.

M. Jean-François Humbert, président. - Seriez-vous favorable au retour du volet prévention dans le giron de l'AFLD ?

M. Alain Néri. - Le système des AUT et les contrôles inopinés ne constituent-ils pas de bons outils de prévention ? J'y vois pour ma part deux pièces maîtresses de la lutte antidopage.

M. Michel Boyon. - L'AFLD fait tout de même de la prévention. L'un des reproches que l'on peut faire à la loi de 2006 est d'avoir ôté le terme « prévention » de l'intitulé et du sigle de l'institution. Ce n'était pas un très bon signal.

Mes souvenirs sont aujourd'hui vieux de quatorze ans. Je suis parti avec des regrets et des mécontentements, la double liste et le code mondial, qui était alors en projet. Mais l'incurable optimiste que je suis se disait : la prise de conscience est là, nous arriverons à vaincre ce fléau.

Le problème est que dans beaucoup d'autres pays, la lutte contre le dopage est la dernière des préoccupations. Comment demander à des pays pauvres d'y consacrer des moyens ? C'est un peu frustrant, mais c'est ainsi : pour l'instant, la lutte contre le dopage est le monopole des pays riches.

Les médias ont un rôle à jouer. La loi du 1er mars 2012 est un texte d'ouverture, pragmatique, plus adapté aux contraintes des chaînes et aux goûts du public que le texte antérieur. Le CSA a pris une délibération qui sera applicable à compter du 1er juillet. Certaines chaînes, notamment publiques, sont décidées à agir. Mais il faut être subtil et parler du dopage de façon intelligente et attrayante dans les émissions scientifiques, sportives... La loi antérieure prévoyait des messages contre le dopage pendant la diffusion des événements sportifs : c'est ridicule. Le spectateur du Tour de France n'est pas prêt à entendre cela. Quant aux dirigeants des grandes chaînes, et pas uniquement publiques, leur réceptivité est bonne.

M. Jean-François Humbert, président. - Nous vous remercions.

Audition de M. Antoine Vayer, ancien entraîneur d'équipe cycliste professionnelle et professeur d'éducation physique et sportive

M. Jean-François Humbert, président. - Notre commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage a été constituée à l'initiative du groupe socialiste, en particulier de M. Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur.

Une commission d'enquête fait l'objet d'un encadrement juridique strict. Je signale au public présent que toute personne qui troublerait les débats serait exclue sur le champ. Je vous informe en outre qu'un faux témoignage devant notre commission serait passible des peines prévues aux articles 434-13 à 434-15 du code pénal.

Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Antoine Vayer prête serment.

M. Antoine Vayer, ancien entraîneur d'équipe cycliste professionnelle et professeur d'éducation physique et sportive (EPS). - Je me réjouis d'être parmi vous. La lutte contre le dopage est un sujet que je n'aborde pas avec cynisme. J'ai prêté serment. Albert Camus, membre de l'équipe de football du Servette de Genève, avait coutume de dire qu'on parlait du dopage comme de la misère : la plupart du temps, on n'y connaît rien. Je suis immergé dans le problème depuis des années : en tant que professeur d'EPS, puis en tant que coureur, puis entraîneur de l'équipe Festina. Mes activités concernant la lutte antidopage me donnent également le statut de témoin. Ce n'est pas la première fois que je suis auditionné sur le dopage, sans résultat concret. J'espère que cette fois il en ira différemment.

Avant d'entrer chez Festina, j'étais un passionné de cyclisme. Une passion qui rend aveugle un certain temps, mais pas sourd ni muet. Lors des évènements de 1998, j'ai expliqué la situation à un conseiller de Marie-Georges Buffet. Il croyait l'affaire terminée. Je l'ai détrompé. Je voulais faire savoir ce qui se passait. La lutte antidopage est le dernier souci des gens qui se dopent. Les sportifs aiment le risque, qui les excite.

Je suis allé à deux reprises rue de Varenne. J'ai rencontré un conseiller de Lionel Jospin. La première fois, en 1999, il voulait absolument me « récupérer » pour que je travaille sur le sujet. La deuxième fois, il faisait ses cartons et s'est dit désolé...

J'ai demandé à l'AFLD de financer une étude sur les watts. M. Roux-Comoli m'a reçu, mais nous avons fait l'étude nous-mêmes. J'ai déjeuné avec Marie-Georges Buffet au ministère, avec Christophe Bassons. J'ai prédit devant elle comment Miguel Martinez allait gagner les Jeux olympiques et il a gagné. Elle parlait déjà du rugby à cette époque. En 2001, j'ai élaboré la charte « 100 pour 2 000 », qui a été signée par 75 députés, des personnalités de la culture et du sport et présentée à l'Unesco.

J'ai transmis à M. Rémoleur, le conseiller de Mme Bachelot un dossier sur les profils physiologiques, qui a été repris presque in extenso dans L'Équipe. Dans la foulée, j'ai été reçu à l'AFLD par M. Rochcongar, qui a fait une synthèse des dossiers.

L'omerta et la camorra règnent dans le domaine du dopage. Depuis 1999, j'ai écrit dans la presse nationale : pour Le Monde en 1999, L'Humanité en 2001, Libération pendant sept ans, et j'écris à nouveau des chroniques dans Le Monde. En 2001, j'ai été attaqué en diffamation suite à mon article intitulé « À qui le Tour ? ». Tout y était dit : sur Armstrong, Jean-Marie Leblanc, Philippe Sudres notamment. Depuis, Jean-Marie Leblanc m'a expliqué que l'action en justice visait à me faire taire.

En 2007, Bernard Hinault m'a menacé suite à un article sur « les ex ». Si je continuais d'écrire, cela irait mal pour moi... J'ai aussi reçu un mail de Christophe Moreau, qui fera l'objet de l'un des futurs portraits du magazine « Tous dopés, la preuve par 21 » : les menaces visant à me faire taire sont à peine voilées. Je suis droit dans mes bottes. Dans ce milieu, on cherche à nuire à ceux qui parlent.

En 1999, Pierre Ballester acceptait mon article « Il faut une révolution ». Depuis, rien n'a bougé. La révolution, c'est aussi se couper la tête... J'ai écrit au sujet des journalistes dits sportifs. Dès 1999, L'Equipe savait tout sur Armstrong, et titrait cependant : « Sur une autre planète », « Pour un nouveau siècle ». Le jour de l'exploit de Floyd Landis, c'est « la chevauchée fantastique », alors que tout le monde est au courant de ses pratiques. Après « Contador le matador », le titre va changer : « Un virage est pris ». Les Unes tournent comme on retourne sa veste... La naïveté est le fonds de commerce du dopage : le public adhère aux grands poncifs et les coureurs se disent « si les autres le font, je fais comme eux ». On entend aussi dire : « je veux gagner plus que 35 000 euros par an », « les contrôles ne marchent pas vraiment », et « que vont penser mes enfants si je ne gagne rien ? ». Voilà l'équation.

La lutte antidopage est une histoire de résistance. Nous aimerions être aidés de manière institutionnelle, car nous avons les clés du problème. Je fais partie d'un groupe de travail « Change cycling now », qui s'est réuni début décembre à Londres. Nous avons réfléchi à des solutions, autour de quatre thèmes : la création de commissions vérité réconciliation, l'indépendance des contrôles antidopage, un changement d'hommes aux postes clés de l'UCI et d'autres instances, et une évolution des mentalités.

Avec d'autres résistants, je réalise un magazine qui sera publié dans le monde entier, en Allemagne, en Angleterre, en Australie, aux États-Unis. « Alle gedopt ? » dans la version allemande, « Tous dopés ? » en français, apportera plus d'éléments que des rapports de 1 000 pages et que des contrôles de produits. Nos méthodes pour savoir si un athlète est dopé ne sont pas prises en compte ; elles sont pourtant fiables.

Je vous communique également, avec l'autorisation de M. Delegove, premier magistrat de l'affaire Festina, la lettre qu'il a rédigée à ma demande, dans laquelle il établit un parallèle entre le procès Festina et l'affaire de l'Usada.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - M. Christian Prudhomme - qui n'était pas directeur du Tour entre 1995 et 1998, au moment de l'affaire Festina - nous a dit que l'organisateur n'était pas informé de ce qui se passait dans les caravanes. Qu'en pensez-vous ?

M. Antoine Vayer. - Bien sûr que si. J'envoyais moi-même des messages pour dire ce qui se passait !

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - D'après vous, il ne dit pas vrai ?

M. Antoine Vayer. - C'est dans son rôle de ne pas dire vrai. Que lui importe si les sportifs se dopent ou non ? Pour lutter contre le dopage, il faut faire appel à des gens de conviction, pas d'opportunité.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - D'après vous, il était donc informé de ce qui se passait chaque soir ?

M. Antoine Vayer. - Il ne connaissait peut-être pas le déroulement précis des choses, mais il était bien sûr au courant. Comment en serait-il autrement ? Moi-même, je le savais : il ne pouvait qu'être informé !

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Comment êtes-vous devenu entraîneur de Festina ? Dans quelles conditions avez-vous quitté votre fonction d'enseignant d'EPS ?

M. Antoine Vayer. - Je suis parti dans de très bonnes conditions. Passionné de vélo, j'ai refusé de passer professionnel pour finir mes études d'éducation physique et sportive à Bordeaux et je suis devenu le plus jeune professeur de gymnastique en activité. Puis j'ai couru, et j'ai entraîné. J'ai créé le premier CPEFHN de Flers, une déclinaison des pôles France, avec des athlètes qui ont fait le Tour de France. Une des sportives que j'ai entraînées est devenue championne du monde. À l'époque, en 1995, il n'y avait pas de poste d'entraîneur à proprement parler : j'ai été le premier à être embauché à ce titre par Bruno Roussel. Le rôle de l'entraîneur est de s'occuper d'un athlète au point de vue technique, physique et psychologique. Je travaillais avec des sociétés comme Polar en Finlande, SRM en Allemagne, et j'ai apporté des innovations dans les échauffements, dans les reconnaissances de cols, et sur la technologie.

Dès le départ, on m'a prévenu : « Tu es entraîneur, pas docteur ». Et plus précisément encore, « tu peux être le meilleur entraîneur du monde, tu ne vaux rien comparé aux docteurs ». Au fil des réunions, j'ai compris. On me demandait gentiment d'aller dans la pièce d'à côté quand on abordait certaines questions...

En 1998, je n'ai pas été auditionné par la police. J'ai écrit moi-même au juge Keil, et mon témoignage a sans doute contribué à la venue à Lille de Richard Virenque. Dans ce procès fort didactique, tout était dit. Hélas, rien n'a bougé depuis. La presse n'a retenu que le « oui » de Virenque...

M. Jean-François Humbert, président. - Quelles sont les preuves de ce que vous affirmez ? Vous nous renvoyez à des dossiers, mais c'est ici que nous attendons des réponses.

M. Antoine Vayer. - J'ai vu beaucoup de choses.

M. Jean-François Humbert, président. - Mais avez-vous des preuves ?

M. Antoine Vayer. - Je peux témoigner de ce que j'ai vu et des preuves matérielles figurent dans les fichiers que je vous ai apportés.

M. Jean-François Humbert, président. - Comment pouvez-vous affirmer, par exemple, que Christian Prudhomme savait ?

M. Antoine Vayer. - Je ne peux pas le prouver. Il a tout de même répondu au sms dans lequel je l'alertais sur le dopage de certaines équipes. Christian Prudhomme est immergé dans un milieu qui, à une époque, ne parlait que de dopage. Il connaît suffisamment le cyclisme pour savoir la vérité sur les exploits d'Armstrong. Si vous connaissez l'athlétisme et que vous voyez Christophe Lemaître faire 9,5 secondes, vous tirez pareillement vos conclusions.

M. Jean-François Humbert, président. - Un sms ne suffit pas. Quelles sont les preuves de ce qui se passait dans les chambres ?

M. Antoine Vayer. - Il n'y a pas de preuves. Mon intime conviction est que Christian Prudhomme ne pouvait que savoir.

M. Stéphane Mazars. - Mme Buffet vous a parlé du rugby. Vous avez évoqué le cas Martinez. Pourriez-vous nous en dire plus à ces sujets ? Avez-vous des preuves ?

M. Antoine Vayer. - Nous discutions librement. Les ministres ne sont-ils pas bien informés ? Mme Buffet trouvait la situation dramatique dans le rugby. C'était juste après 1998, en 2000, avant les Jeux olympiques.

Avant 1998, j'avais évoqué devant des journalistes les protocoles de clenbutérol pris par les coureurs de Festina, mais ils n'étaient pas du tout intéressés. Le clenbutérol, devenu célèbre grâce à Contador, se prenait par cures pyramidales de dix jours : un cachet le premier jour, deux le second, jusqu'à cinq le cinquième jour, puis quatre le sixième jour, trois le septième... Le médecin belge de l'équipe, Eric Ryjkaert, aujourd'hui décédé, me recommandait de ne pas trop pousser les sportifs à certains moments. Il faut respecter le cycle adaptation-assimilation-accommodation, disait-il. On voyait bien la modification musculaire. Le coeur de ces sportifs battait à 100 la nuit. Le soigneur testait les pilules pour connaître la fenêtre de détection.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - En 1998, le président de l'UCI a affirmé que Festina est un cas isolé.

M. Antoine Vayer. - En effet.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Étiez-vous déjà persuadé du contraire ?

M. Antoine Vayer. - Tout à fait. Pendant le Tour 1998, après les arrestations et les premières perquisitions, un vent de panique a soufflé sur la caravane et les produits qui remplissaient les coffres des voitures ont été jetés à la mer dans les côtes d'Armor ! Ensuite, l'EPO circulait, des coureurs qui n'en avaient plus en demandaient aux autres, etc.

M. Jean-François Humbert, président. - Avez-vous assisté à des échanges, vu des photographies, des vidéos, ou sont-ce de simples rumeurs ?

M. Antoine Vayer. - Convoquez Pascal Hervé, le lieutenant de Richard Virenque. Il accepterait sans doute de parler librement aujourd'hui. Les coureurs me parlaient et je voyais. Dans un Paris-Nice, je suis entré un soir dans une chambre : tous les coureurs avaient une perfusion dans les veines.

M. Jean-François Humbert, président. - C'est quelque chose que vous avez vu ?

M. Antoine Vayer. - Oui. Je suis aussi entré dans la chambre d'un coureur australien, qui vient de démissionner de son poste de vice-président de la fédération australienne. Il s'injectait de l'EPO. « Toi aussi ! », me suis-je exclamé. « Il faut bien », m'a-t-il répondu...

Il m'est arrivé que l'on verse du pot belge dans mon café, comme dans celui de la plupart des gens de l'équipe Festina. Ou encore, j'étais à l'hôtel Concorde Lafayette avec les cinq leaders de l'équipe Festina : j'ai vu le pot belge extrait de tubes de Sargenor. Ce soir là, j'ai participé.

M. Jean-François Humbert, président. - Avez-vous participé à la fabrication ou à la consommation du produit ?

M. Antoine Vayer. - Ni l'une ni l'autre, mais j'étais présent. J'étais contre le dopage, c'est une des raisons pour lesquelles on m'a embauché. Je travaillais en confiance avec le seul coureur qui ne s'est jamais dopé, parce qu'il avait des convictions, Christophe Bassons.

Ces questions m'ont déjà été posées lors du procès Festina. À la fin, on voulait que je reste dans l'équipe, avec Christophe Bassons. J'ai pris un avion pour Barcelone, j'ai rencontré l'avocat de Festina, qui m'a dit « Antoine, le dopage, c'est toi. Nous connaissons ton influence sur l'équipe ». Non seulement il y a une volonté de nuire, mais on retourne aussi les accusations. Le système fonctionne par projection : on accuse les autres de ses propres turpitudes...

M. Jean-François Humbert, président. - Que faudrait-il faire pour que cela s'arrête ?

M. Antoine Vayer. - Il faut confier la lutte aux résistants. Je veux bien, en tant que fonctionnaire de l'État, être détaché et remplacer M. Genevois : il n'est pas compétent, il n'a pas les convictions nécessaires et n'est pas à sa place. Il faut connaître le dopage.

Que faire ? Changer le statut des sportifs professionnels en France, à l'instar de celui des intermittents du spectacle, raccourcir de nombreuses procédures de contrôle ou relatives à certains agissements. Il y a beaucoup à faire.

M. Jean-François Humbert, président. - Concrètement ?

M. Antoine Vayer. - Je vous l'ai dit, je suis prêt à m'impliquer. J'espère que le rapport sera productif. Pendant des années, j'ai dit ce qu'il fallait faire, sans résultat.

M. Jean-François Humbert, président. - En dehors de l'entrée en résistance, je n'ai pas entendu de pistes et de réponses de votre part.

M. Antoine Vayer. - Les fédérations sont sous la tutelle des ministères, France 2 est une chaîne publique... La première chose à faire est de créer une commission vérité et réconciliation. En échange de la vérité, les athlètes seraient amnistiés, un peu comme en Afrique du sud. C'est un moyen de tout savoir et cela soulagera beaucoup de monde. Si l'athlète ne dit pas la vérité, il doit être sanctionné. C'est ainsi que les États-Unis ont procédé avec l'affaire Armstrong : dans ce domaine, nous avons à apprendre d'eux.

Il faut aussi une indépendance des contrôles antidopage. Le mouvement sportif ne doit pas être impliqué, il n'a rien à faire dans la lutte antidopage !

M. Jean-François Humbert, président. - Qui, sinon lui, doit mener cette lutte ?

M. Antoine Vayer. - Des gens compétents. Je veux bien en faire partie.

M. Jean-François Humbert, président. - L'AFLD ne joue-t-elle pas un vrai rôle ?

M. Antoine Vayer. - Imaginons que la lutte antidopage soit privatisée. Lance Armstrong ferait un excellent président de l'UCI en raison de ses connaissances sur le sujet. Au lieu de purger leur peine, les médecins poursuivis devraient coopérer, mettre leur science à profit pour nous aider à savoir qui, quoi, comment et où. Pourquoi des gens comme Jérôme Chiotti ou Christophe Bassons ne sont-ils pas associés à cette entreprise ? Pourquoi cherche-t-on à leur nuire ? Pourquoi Jérôme Chiotti, champion du monde, qui a avoué plus tard s'être dopé, a-t-il été sanctionné, alors qu'il voulait s'impliquer dans la lutte antidopage ?

Les champions du monde dont la carrière repose sur le dopage s'enrichissent et ont accès aux postes clés dans les fédérations. Le dopage est un ascenseur social extraordinaire : vous gagnez beaucoup d'argent, puis vous avez accès à des postes de commentateur sportif sur le service public ! Il y a là un problème...

Tous ces anciens sportifs devraient parler devant une commission vérité réconciliation. Ils en seraient soulagés et pourraient toujours avoir accès à ces postes. Voilà une piste.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Pouvez-vous nous décrire précisément les protocoles de dopage dont vous avez connaissance et qui permettent de déjouer les contrôles ?

M. Antoine Vayer. - Je continue à entraîner quelques athlètes. En 1999 j'ai crée une structure, « alternatiV », pour les coureurs qui ne voulaient plus se doper. Les coureurs qui ne se dopaient pas, il n'y en avait pas beaucoup... J'ai entraîné Madouas, Lino ; d'autres m'appellent, mais je n'ai pas le temps. Un des derniers coureurs d'une équipe du pro-tour que j'ai entraîné il y a cinq ans était amateur. Très vite, il a pris du galon et est passé professionnel en Hollande, pendant deux ans. Puis, il a intégré une équipe française. L'hiver dernier, il m'a dit « Tu m'as toujours dit que le rôle d'entraîneur était de devenir inutile au bout d'un certain temps. Je pense que je peux m'assumer tout seul ». Il vient d'être pris à l'EPO... Il m'a expliqué qu'il avait opté pour les microdosages d'EPO et qu'un matin, il avait fait l'objet d'un contrôle inopiné.

Le processus est simple. Il faut diviser une dose d'EPO en dix, la prendre après onze heures du soir. A six heures du matin, la fenêtre a disparu.

Les corticoïdes sont, si vous me passez l'expression, une vraie saleté. Arrêtons-les tout de suite ! Ils ont un effet boeuf, comme disent les coureurs, et donnent une force incroyable. Si vous couplez, un jour de repos, un demi kenacort avec des aliments pour personnes âgées, vous nourrissez le muscle par injection : le foie et les muscles seront gorgés de sucres. Le lendemain, vous arrachez les pédales ! Cela tient une journée. Après, vous restez dans le peloton, si vous avez choisi de ne pas être un grand leader. Mais vous pouvez recommencer... Les ravages sont monstrueux.

Quant à la caféine, bien que légalisée, ses effets ne sont pas moindres. Les sportifs prennent des cachets de 250 mg : cette dose a un effet boeuf sur la performance. Sur l'état d'esprit, n'en parlons-pas...

Ces produits sont simples. Pourquoi n'y-a-t-il pas de retour concernant l'interdiction totale des corticoïdes et de la caféine ? Pourquoi la caféine ne figure-t-elle plus sur la liste, pourquoi n'est-elle plus détectée ? Pourquoi les méthodes d'utilisation ne sont-elles pas sanctionnées ?

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Vous faites de la recherche, et avez mis au point une méthode de calcul mettant en évidence des performances anormalement élevées...

M. Antoine Vayer. - ...hilarantes est le juste terme. Hélas...

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Ces travaux sont-ils pris en compte ?

M. Antoine Vayer. - Absolument pas. Pat Mc Quaid a accepté de me rencontrer à Lausanne ; nous avons eu une discussion informelle de plus de deux heures. En 1996, des gens comme Sturbois voulaient que l'UCI étudie le profil des coureurs et réalise une étude avec les SRM, des capteurs de puissance. Sans suite...

Il y a beaucoup de médecins chez les experts. En France, nous abordons la lutte antidopage sous l'angle de la santé, alors qu'aux États-Unis, la liberté prime, chacun fait ce qu'il veut de sa santé, dans la mesure où il ne triche pas. Ces deux philosophies s'opposent.

M. Jean-François Humbert, président. - Vous ne répondez pas vraiment à la question du rapporteur, qui concerne la méthode de calcul que vous avez mise au point.

M. Antoine Vayer. - Lorsque j'étais à l'AFLD, juste avant la commission d'expertise dite Bachelot, j'ai présenté ces travaux.

M. Jean-François Humbert, président. - Nous n'y étions pas...

J'ai transmis à l'AFLD la méthode et les travaux utilisés pour suivre une championne du monde de VTT qui m'avait confié avoir pris de l'hormone de croissance et de l'EPO. Cette athlète était suivie en laboratoire tous les mois et demi.

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Quel est le lien avec la méthode de calcul que vous avez mise au point, et quels résultats avez-vous obtenus ?

M. Antoine Vayer. - Cette méthode produisait le profil physiologique : lactates remétabolisés, puissance en watts que le sportif peut produire en laboratoire...

M. Jean-Jacques Lozach, rapporteur. - Estimez-vous le peloton du Tour de France dopé à 10 % ? À 80 % ?

M. Antoine Vayer. - Le dopage a suivi plusieurs phases. A l'âge d'or de l'EPO a succédé le dopage « Armstrong » : sanguin, EPO, transfusions. Nous sommes désormais dans une période que j'appelle mixte. Dans un premier temps, les performances des coureurs se sont accrues en aérobie, permettant des efforts plus puissants, plus longtemps. Les coureurs, très surveillés, se sont méfiés, et ont délaissé le dopage sanguin. À partir de Lance Armstrong, le dopage est devenu plutôt musculaire, en anaérobie, à base de corticoïdes. De 450 watts pendant une heure, les efforts produits sont passés à 500 watts pendant vingt minutes.

À Londres, nous avons proposé au représentant des coureurs professionnels Gianni Bugno que sur le Tour de France 2013, tous les leaders des grandes équipes soient chaperonnés et filmés en permanence, sauf dans leur salle de bain.

J'ai commencé par jurer de dire la vérité. Mais vous-même, pouvez-vous me jurer...

M. Jean-François Humbert, président. - Je vous ai demandé de jurer parce que c'est la procédure applicable aux commissions d'enquête. J'en préside une. N'inversez pas les rôles.

M. Antoine Vayer. - J'aimerais simplement que tout cela serve à quelque chose.

M. Jean-François Humbert, président. - Nous avons la naïveté de le penser.