Mardi 23 juillet 2013

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Egalité entre les femmes et les hommes - Examen du rapport pour avis

La commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Michelle Meunier sur le projet de loi n° 717 (2012-2013) pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - La formation du premier gouvernement paritaire de l'histoire de la République, la création d'un ministère des droits des femmes de plein exercice, l'inscription comme premier texte à l'ordre du jour de la législature 2012-2013 d'un projet de loi relatif au harcèlement sexuel, sont autant de signes que la politique des droits des femmes est redevenue une priorité politique.

La réalité, celle des chiffres comme celle ressentie par les Françaises et les Français, atteste en effet qu'en dépit d'indéniables progrès, l'égalité entre les femmes et les hommes reste un combat. Après les droits civiques reconnus à la Libération, après les droits économiques et sociaux acquis dans les années 1970 et 1980, il s'agit désormais de définir les conditions d'une égalité réelle et concrète. Cette troisième génération des droits des femmes est un enjeu majeur à la fois en termes d'acquis démocratique, de cohésion sociale et de performance économique.

Telle est l'ambition de ce projet de loi, qui sera examiné durant la session extraordinaire de septembre par notre assemblée et dont notre commission s'est saisie pour avis.

Avant de vous présenter son contenu, je souhaite dresser un rapide état des lieux des inégalités femmes-hommes qui perdurent dans l'ensemble des sphères de la société.

Dans la sphère privée, même si des évolutions sont perceptibles chez les jeunes générations, les tâches domestiques sont encore très largement une prérogative féminine puisque près de 80 % sont assumées par les femmes. Le temps consacré aux enfants reste lui aussi très inégalement réparti entre les femmes et les hommes. Avec une heure et demie quotidienne, les mères consacrent en moyenne deux fois plus de temps aux activités parentales que les pères. La différence entre mères et pères n'est pas seulement quantitative, elle est aussi qualitative : les temps parentaux liés aux soins et aux déplacements sont plutôt féminins alors que les hommes s'investissent plutôt dans les sphères de sociabilité et de loisirs. Autrement dit, les hommes, quand ils en réalisent, effectuent relativement plus d'activités parentales valorisées que les femmes. La répartition sexuée des tâches au sein du couple demeure donc bien une réalité.

Dans la sphère professionnelle, malgré le développement, ces dernières décennies, d'outils juridiques en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, l'inégalité entre les sexes est toujours profondément ancrée : la concentration des femmes est manifeste dans certains métiers, notamment de services ; pour preuve, la moitié des emplois occupés par les femmes est concentrée dans 12 des 87 familles professionnelles. Les femmes occupent 82 % des emplois à temps partiel et les salaires des femmes sont inférieurs de 27 % à ceux des hommes. Après la naissance d'un enfant, une femme sur deux contre un homme sur neuf interrompt ou réduit son activité professionnelle. Enfin, les femmes, à diplôme égal, accèdent moins aux postes à responsabilité que les hommes (« plafond de verre »).

Dans la sphère politique, l'arsenal législatif en matière d'accès des femmes aux fonctions électives a beau s'être étoffé depuis le début des années 2000, les résultats sont restés globalement décevants, même si échelon local et échelon national doivent être distingués. A l'échelon local, la loi sur la parité a contribué à améliorer la représentation des femmes : 48 % des conseillers régionaux et 48,5 % des conseillers municipaux des communes de 3 500 habitants et plus sont des femmes. La proportion de femmes conseillères municipales est toutefois moindre dans les communes de moins de 3 500 habitants (32,2 %). Surtout, la place des femmes à la tête des exécutifs municipaux est restée très en retrait : seuls 14 % des maires sont des femmes. Quant aux conseils généraux, ils sont les assemblées représentatives les moins féminisées (14 % d'élues), même si l'on observe une légère amélioration. C'est à l'échelon national que la déception est la plus grande. L'Assemblée nationale et le Sénat restent des lieux majoritairement masculins puisque seul un parlementaire sur cinq est une femme. Bien que le nombre de sénatrices ait sensiblement progressé depuis 2001, elles ne sont aujourd'hui que 77 sur 348 sénateurs. La part des femmes députées est passée de 12,3 % en 2002 à 18,5 % en 2007, puis à 27 % en 2012 ; cette augmentation reste néanmoins très éloignée des objectifs initialement fixés.

Les inégalités entre les femmes et les hommes s'alimentent et se renforcent les unes les autres. Elles prennent racine dans les représentations sexuées et les stéréotypes encore fortement ancrés dans les mentalités. C'est pourquoi combattre leur caractère systémique nécessite une méthode spécifique : agir à tous les niveaux de la société et intégrer la question des inégalités femmes-hommes dans l'ensemble des politiques publiques, en associant acteurs publics et privés. Cette approche intégrée, inscrite dans les traités de l'Union européenne, a été formellement adoptée par la France le 30 novembre 2012 à l'occasion du Comité interministériel aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, qui a défini les grands axes d'un plan global d'action mobilisant tous les ministères, toutes les politiques publiques et articulé autour de six principes : s'attaquer aux causes du sexisme ordinaire ; lever les contraintes que subissent les femmes dans leur vie quotidienne ; placer la réduction des inégalités de santé entre les femmes et les hommes au coeur de la démocratie sanitaire ; protéger les femmes contre les violences ; décliner l'égalité dans tous les pans de l'action publique ; affirmer les droits des femmes au niveau international.

Depuis mai 2012, plusieurs textes de loi sont venus consolider l'arsenal juridique en faveur de l'égalité femmes-hommes dans les champs de l'éducation nationale, de la santé, de l'emploi, de la vie politique et des violences faites aux femmes.

Le présent projet de loi complète et prolonge cette dynamique :

- il la complète en couvrant les grandes thématiques qui sont au coeur des inégalités entre les sexes : le meilleur partage des responsabilités parentales pour faciliter la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale ; la lutte contre la précarité des femmes, notamment celle des mères isolées ; la protection des femmes contre toutes les formes de violences ; la concrétisation de l'objectif constitutionnel de parité ;

- il la prolonge en inscrivant dans la loi la dimension intégrée de la politique d'égalité entre les femmes et les hommes. Une telle méthode dite de « loi-cadre » est sans précédent : pour la première fois, un projet de loi aborde le sujet de l'égalité entre les femmes et les hommes dans une logique transversale et non sectorielle.

Composé de vingt-cinq articles, le projet de loi est ainsi structuré :

- l'article 1er pose les fondements de l'approche intégrée de la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui doit irriguer l'action de l'Etat, mais aussi celle des collectivités territoriales et des établissements publics ;

- le titre Ier comprend quatre articles destinés à favoriser l'égalité professionnelle à travers d'une part, un partage plus équilibré des responsabilités parentales, d'autre part, une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle ;

- le titre II, qui comporte un article unique, vise à mieux protéger les parents vivant seuls avec leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires en améliorant les mécanismes de garantie existants ;

- le titre III, composé de onze articles, renforce les dispositifs de protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité ;

- les six articles du titre IV déclinent, dans la vie politique et la vie professionnelle, le principe constitutionnel de parité ;

- enfin, le titre V comporte deux articles précisant la date d'entrée en vigueur de certaines dispositions, ainsi que les conditions d'application du texte outre-mer.

La commission des lois, saisie au fond sur ce texte, a délégué à notre commission l'examen de quatre articles inscrits aux titres Ier et II, sur lesquels je vais maintenant concentrer mon propos.

Le premier d'entre eux est l'article 2, qui contient la mesure-phare du projet de loi : la réforme du complément de libre choix d'activité (CLCA).

Troisième des quatre prestations composant la prestation d'accueil du jeune enfant (Paje), le CLCA s'adresse aux parents - pères ou mères - d'enfants de moins de trois ans qui s'arrêtent de travailler ou réduisent leur activité professionnelle pour s'occuper de leur jeune enfant. Il vise à compenser, au moins en partie, la perte de revenu induite par ce changement de situation. Le CLCA peut être perçu à taux plein lorsque le parent ne travaille plus ou à taux partiel lorsque le parent poursuit son activité à temps partiel.

L'ouverture du droit au CLCA est subordonnée à l'exercice d'une activité professionnelle antérieure pendant une période de référence dont la durée varie en fonction du nombre d'enfants à charge. Elle n'est, en revanche, pas soumise à condition de ressources. Son montant est toutefois modulé selon que la famille perçoit ou non l'allocation de base de la Paje ; il dépend également du degré d'interruption d'activité.

Le CLCA est versé pendant une durée maximale de six mois pour un premier enfant ; jusqu'au mois précédant le troisième anniversaire de l'enfant à partir du deuxième.

Tout allocataire du CLCA n'est pas nécessairement bénéficiaire d'un congé parental d'éducation. Ainsi en est-il d'une personne qui ne remplit pas la condition d'ancienneté minimale d'une année requise pour prétendre à ce congé. A l'inverse, tout bénéficiaire d'un congé parental d'éducation n'est pas systématiquement allocataire du CLCA. C'est le cas d'une personne ne satisfaisant pas la condition d'activité préalable exigée pour bénéficier de ce complément. Congé parental et CLCA sont donc des dispositifs liés, mais non réciproques.

Au 31 décembre 2012, la caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) comptabilisait près de 530 000 bénéficiaires du CLCA. Ce chiffre confirme l'aspiration de nombre de parents à réduire ou à cesser leur activité professionnelle afin de consacrer plus de temps à l'éducation de leur jeune enfant.

Cependant, 96,5 % des bénéficiaires du CLCA sont des femmes, taux qui reste relativement stable depuis sa création. Seuls 18 000 pères y ont aujourd'hui recours.

La conclusion est sans appel : la réduction ou l'arrêt d'activité professionnelle après l'arrivée d'un enfant demeure quasi exclusivement le fait des femmes. Le CLCA n'a donc pas permis d'infléchir l'inégale répartition des rôles entre les mères et les pères ; il a, au contraire, contribué à l'entretenir.

En outre, plusieurs études montrent clairement que le CLCA, en ouvrant la possibilité de continuer à travailler à temps partiel, a surtout profité aux mères de famille diplômées. A l'inverse, les femmes les moins qualifiées ont eu davantage recours au CLCA à taux plein, l'interruption d'activité qui en découle entraînant un risque accru d'éloignement du marché du travail.

Partant de ce constat, la réforme proposée par le Gouvernement poursuit deux principaux objectifs : inciter les pères à recourir au CLCA et permettre ainsi un partage plus équilibré des responsabilités parentales et favoriser le retour à l'emploi des mères qui le souhaitent en évitant par là même leur trop long éloignement du marché du travail.

Pour ce faire, l'article 2 crée une période de partage des droits au CLCA entre les parents, qui s'appliquera pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er juillet 2014.

La durée initiale de versement du complément, qui sera fixée par décret, dépendra - comme aujourd'hui - du rang de l'enfant : elle sera de six mois pour le premier, de trente mois à partir du deuxième.

Cette durée initiale pourra être prolongée de six mois à condition que les deux parents aient recours au CLCA. La durée totale de versement du complément sera alors portée à douze mois pour un premier enfant, à trente-six mois à partir du deuxième.

En pratique, pour les couples n'ayant qu'un enfant, ces six mois supplémentaires s'ajouteront aux actuels six mois déjà prévus par le code de la sécurité sociale ; pour les couples ayant deux enfants ou plus, qui bénéficient d'une interruption d'activité de trois ans, six mois seront réservés au second parent.

Par construction, les familles monoparentales ne seront pas concernées par ce dispositif de partage ; leurs droits actuels seront donc maintenus.

La fixation de la période de partage à six mois est une première étape. Le Gouvernement se laisse la possibilité de la faire évoluer en fonction de la capacité de la réforme à atteindre ses objectifs.

Je vous présenterai tout à l'heure deux amendements visant, pour le premier, à préciser la rédaction de l'article 2 s'agissant du renvoi au décret d'application et de la date d'entrée en vigueur de la réforme, pour le second, à modifier le nom du CLCA sachant que le recours à cette prestation n'est pas toujours l'expression d'un libre choix.

Quels sont les effets attendus de cette réforme ? Tout d'abord, une augmentation du taux de recours au CLCA par les pères à l'image de ce qui a été observé en Allemagne à l'occasion de la réforme de l'allocation parentale d'éducation en 2007, qui prévoyait également l'attribution de mois supplémentaires en cas d'interruption d'activité par le second parent. Trois ans après sa mise en oeuvre, la proportion de pères interrompant leur activité pour s'occuper de leur jeune enfant a été multipliée par six. En transposant cette progression à la France, ce sont donc près de 100 000 pères qui seraient concernés d'ici 2017, date à laquelle la réforme commencerait à produire pleinement ses effets.

Ensuite, un retour anticipé des mères à l'emploi, atténuerait l'effet négatif de l'interruption d'activité sur l'évolution des salaires et des carrières professionnelles pour celles qui sont les mieux insérées sur le marché du travail, et sur la capacité des plus précaires d'entre elles à réintégrer ce même marché.

Enfin, il est vrai que cette réforme exercera mécaniquement une pression sur le besoin de places d'accueil d'enfants de moins de trois ans. C'est pourquoi elle est indissociable du plan ambitieux pour l'accueil de la petite enfance présenté par le Premier ministre le 3 juin dernier dans le cadre de la rénovation de la politique familiale et qui prévoit le développement de 275 000 nouvelles solutions d'accueil de jeunes enfants.

Notre commission est également saisie de deux articles du projet de loi visant à faire progresser l'égalité professionnelle et à garantir à tous les professionnels les mêmes droits face aux discriminations liées à la maternité et à la parentalité.

L'article 4 améliore la protection des collaborateurs libéraux contre la rupture de leur contrat de collaboration en cas de maternité ou de paternité et, de manière plus générale, contre les discriminations.

La collaboration libérale est une modalité d'exercice des professions à statut réglementé qui permet à un professionnel de travailler en toute indépendance auprès d'un autre professionnel sans lien de subordination, dans une relation qui n'est pas celle du salariat. Particulièrement utilisé chez les avocats, le contrat de collaboration libérale n'est pas un contrat de travail : les dispositions protectrices du code du travail en matière de congé de maternité et de congé de paternité et d'accueil de l'enfant, en particulier la protection contre le licenciement, ne sont pas applicables à son titulaire. Ce point a été rappelé à plusieurs reprises par la jurisprudence.

Cet article instaure donc, au retour d'une suspension temporaire de la collaboration à la suite d'une grossesse ou d'un congé de paternité, une période de huit semaines durant laquelle le contrat de collaboration ne pourra être rompu.

Je vous proposerai, à cet article, un amendement rédactionnel.

L'article 5 apporte une réponse originale au constat très largement partagé selon lequel l'inégale répartition au sein du couple des tâches domestiques et familiales est l'une des principales causes des inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.

Afin de permettre une meilleure conciliation entre la carrière professionnelle et la vie privée et familiale, cet article ouvre aux salariés, à titre expérimental, la possibilité de transformer les droits accumulés sur leur compte épargne-temps (CET) en chèques emploi-service universels (Cesu). Le but est de financer des prestations de service à la personne, notamment la rémunération d'un assistant maternel agréé ou le paiement d'un autre mode d'accueil collectif.

Cette expérimentation durera deux ans à compter de la publication de son décret d'application ou, à défaut, du 1er juillet 2014. Je vous proposerai à cet article un amendement afin de préciser que l'intégralité du CET ne peut être ainsi convertie. En effet, cette mesure ne doit pas conduire à un détournement du CET de son objet d'origine, qui est le financement de congés pour le salarié ou l'octroi d'une rémunération complémentaire.

Par ailleurs, les partenaires sociaux ont conclu le 19 juin dernier un accord national interprofessionnel (Ani) intitulé « Vers une politique d'amélioration de la qualité de vie au travail et de l'égalité professionnelle ». Il cherche à relancer, dans les entreprises et les branches, une dynamique vertueuse de négociation sur l'égalité professionnelle et salariale, et à assurer une meilleure sécurisation des parcours des salariés en congé parental d'éducation. Nous aurons l'occasion, lors de l'examen du projet de loi en séance publique, de débattre avec le Gouvernement des amendements que celui-ci nous proposera pour transposer l'accord.

Dernière disposition du projet de loi à nous avoir été confiée, l'article 6 vise à mieux protéger les parents vivant seuls avec leurs enfants contre les impayés de pensions alimentaires.

Lors de la Conférence de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale de décembre 2012, les familles monoparentales ont été identifiées comme un public prioritaire puisque leur taux de pauvreté dépasse les 32 %. Dans 85 % des cas, ces familles sont constituées d'une mère vivant seule avec ses enfants. Le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, adopté à l'issue de cette conférence, souligne la nécessité de mieux protéger ces femmes contre les impayés de pensions alimentaires. En effet, 40 % des pensions alimentaires sont aujourd'hui payées de façon irrégulière alors qu'elles représentent près d'un cinquième du revenu des familles monoparentales les plus pauvres. Il en résulte une fragilisation des femmes élevant seules leurs enfants, qui peuvent rapidement basculer dans la précarité.

Dans un premier temps, le Gouvernement s'est engagé à revaloriser le montant de l'allocation de soutien familial (ASF), versée à titre d'avance sur pension alimentaire impayée, de 25 % à l'horizon 2018. Les 735 000 familles allocataires de l'ASF verront ainsi, à terme, leur aide augmenter de près de 40 euros par mois en moyenne.

Dans un second temps, le Gouvernement souhaite pouvoir engager une expérimentation pour renforcer les mécanismes de garantie contre les impayés de pensions alimentaires, en s'appuyant sur les caisses d'allocations familiales (Caf).

L'article 6 en définit les conditions. D'une durée de trois ans, l'expérimentation sera conduite par les Caf d'une dizaine de départements et comprendra trois principaux volets :

- le premier améliorera la transmission des informations relatives à la situation du débiteur d'aliments (adresse, solvabilité) dans le but de faciliter la fixation de la pension par le juge aux affaires familiales. Les Caf seront ainsi autorisées à transmettre au parent créancier les renseignements dont elles disposent sur le parent débiteur afin qu'il puisse saisir le juge ; elles pourront également adresser directement ces informations au juge, ce qu'elles ne peuvent faire actuellement ;

- le deuxième volet ouvrira le droit à l'ASF dite différentielle à tout parent créancier d'une pension alimentaire de faible montant, même lorsque le parent débiteur s'acquitte intégralement du paiement de cette pension. Le régime actuel désavantage en effet les parents débiteurs qui font l'effort de payer intégralement la pension alimentaire puisque, dans ce cas, le parent créancier ne peut bénéficier de l'ASF différentielle. Il sera donc mis fin à cette incohérence en uniformisant l'ouverture du droit à l'ASF différentielle pour les « petites » pensions alimentaires ;

- le troisième volet renforcera les moyens juridiques dont disposent les Caf pour recouvrer les impayés de pensions auprès des débiteurs. Elles pourront désormais utiliser la procédure de paiement direct pour recouvrer jusqu'aux vingt-quatre derniers mois d'impayés contre les six derniers mois actuellement. Elles pourront également saisir sur le salaire du débiteur jusqu'aux vingt-quatre derniers mois d'impayés, procédure à laquelle elles n'ont aujourd'hui pas accès.

Dans les neuf mois précédant la fin de l'expérimentation, un rapport d'évaluation sera transmis au Parlement en vue de savoir si celle-ci a vocation à être généralisée à l'ensemble du territoire.

Je vous proposerai deux amendements visant à compléter le contenu de cette expérimentation.

Madame la Présidente, mes chers collègues, vous me pardonnerez, je l'espère, cette présentation un peu longue mais néanmoins nécessaire compte tenu des enjeux et de l'approche intégrée de ce projet de loi-cadre.

Je suis convaincue qu'il est porteur de nouvelles avancées pour cette grande cause qu'est l'égalité entre les femmes et les hommes. Trente ans après l'adoption de la loi « Roudy », il est temps d'accélérer le pas pour surmonter les derniers obstacles qui nous séparent encore de la société réellement égalitaire que nous appelons tous ici de nos voeux.

Mme Catherine Procaccia. - A titre personnel, j'estime délicat de prendre une position précise sur un texte dont nous partageons forcément tous l'objectif. Plusieurs débats ont déjà eu lieu au Sénat sur le thème de l'égalité entre les femmes et les hommes mais les progrès sont lents.

Je souhaiterais que vous m'indiquiez si ma compréhension du CLCA est exacte. En l'état actuel du droit, les parents peuvent en bénéficier pendant trois ans. Dans le cadre du dispositif proposé, si l'un des parents refusait d'avoir recours au CLCA, l'autre parent ne pourrait-il bien en bénéficier que pendant deux ans et demi ?

Je pense que l'égalité entre les femmes et les hommes passe non par la possibilité mais par l'obligation pour les pères de recourir à un congé parental. Obligeons les donc à recourir pendant au moins six mois au CLCA ! Afin que la situation s'améliore, il faut en effet que les hommes soient confrontés aux mêmes contraintes que les femmes. A cet égard, le dispositif prévu dans le texte du Gouvernement me paraît être une demi-mesure, notamment parce que les femmes n'auront plus la possibilité de prendre un CLCA de trois ans. J'exprime ici une position personnelle que j'ai déjà eu l'occasion d'exposer mais qui n'était alors partagée ni par mon groupe, ni par le groupe socialiste.

Vous proposez une comparaison avec l'Allemagne. Compte tenu de la pénurie de crèches et de la situation professionnelle des femmes dans ce pays, je suis toutefois loin d'être certaine que l'on puisse transposer le dispositif allemand à la France.

Enfin, s'agissant des Caf, je me félicite du rôle qu'elles seront appelées à jouer dans le recouvrement direct des impayés de pensions alimentaires auprès des débiteurs. J'espère que le dispositif sera véritablement opérationnel.

M. René-Paul Savary. - Votre rapport est très précis et je vous en félicite.

Toutefois l'un des arguments sur lesquels se fonde le projet de loi ne me paraît pas satisfaisant. Il s'agit du risque d'éloignement du marché du travail que courent les femmes bénéficiaires du CLCA. Les pères qui en bénéficieront, si le dispositif proposé est mis en oeuvre, courront le même risque ! Sur ce point, la réforme est ambiguë et, à mon sens, l'argument ne tient pas.

S'agissant de la possibilité de recourir au Cesu à partir du CET, bien que la mesure soit louable, j'y vois une forme de dévoiement. Il conviendrait, par ailleurs, d'étudier la compatibilité du dispositif proposé avec la fiscalité des emplois à domicile qui a été modifiée à l'automne dernier.

Pour terminer, je suis tout à fait favorable à la mission impartie aux Caf en matière de recouvrement d'impayés. Mais il faudra prendre garde à ce que son articulation avec le revenu de solidarité active (RSA) ne génère pas des impayés supplémentaires non recouvrables, notamment dans le cadre du RSA socle. Il s'agit en effet de dépenses très importantes pour les départements.

Mme Catherine Génisson. - Je pense que le sujet de l'égalité professionnelle doit être abordé en traitant davantage du problème des femmes en situation de précarité que de celui du « plafond de verre ».

L'égalité professionnelle doit aboutir à l'égalité salariale. Celle-ci constitue l'aboutissement de toute une série de mesures en matière de non-discrimination dans l'accès à la formation, à l'embauche, à la promotion ou encore s'agissant des conditions de travail. Or nous constatons encore des écarts de salaires qui vont de 20 % à 30 %. Compte tenu de ces inégalités, le choix du bénéficiaire du CLCA au sein d'un couple est souvent évident.

Pour répondre à René-Paul Savary, le congé parental concerne surtout les femmes en situation de grande précarité, ce qui complique leur retour sur le marché du travail.

Je suis assez d'accord avec Catherine Procaccia : si nous voulons vraiment atteindre l'égalité entre les femmes et les hommes, il faut instaurer un véritable partage obligatoire des tâches.

Enfin, pourquoi obliger les parents à prendre leur congé parental d'une durée maximale de trois ans à compter de la naissance de l'enfant en une seule fois? On pourrait songer à la possibilité d'un congé parental fractionné, notamment pour les parents dont les enfants ont des difficultés à un moment de leur parcours scolaire. C'était d'ailleurs une des mesures préconisées dans un rapport que j'ai élaboré il y a plusieurs années à l'attention du Premier ministre Lionel Jospin. Tel qu'il est conçu aujourd'hui, le congé parental constitue en tout cas une trappe à pauvreté.

Mme Laurence Cohen. - Ce n'est pas forcément un hasard si le Sénat est appelé à débattre en premier de ce texte. J'y vois un appel à enrichir le projet de loi.

Je reviens au risque d'éloignement du marché du travail induit par le congé parental. Il n'est pas étonnant qu'il concerne au premier chef les femmes puisque ce sont elles qui y recourent très majoritairement, compte tenu des inégalités salariales dont elles pâtissent. Afin que les parents en congé parental puissent garder un lien avec le marché du travail, il conviendrait de prévoir un accès à un bilan de compétences, une validation des acquis de l'expérience ou à une formation. En la matière, les dispositifs législatifs prévus ne sont trop souvent pas réellement appliqués. Quelles passerelles pouvons-nous créer afin que la femme en fin de congé parental ne se trouve pas totalement démunie dans le retour à l'emploi ?

La possibilité de fractionner ce congé est une piste intéressante mais je pense qu'il faudra d'abord régler le problème de l'accès à la prise en charge des jeunes enfants.

Bon nombre d'associations féministes revendiquent un congé parental plus court mais mieux rémunéré. Cette proposition mérite également d'être étudiée.

Enfin, je pense que nous ne réglerons pas le problème de la précarité des femmes en traitant uniquement celui des pensions alimentaires impayées. De nombreuses propositions pourraient être émises dans d'autres domaines. Je pense en particulier à la requalification de certains contrats à durée déterminée (CDD) en contrats à durée indéterminée (CDI).

Je partage les idées exprimées et les propositions formulées sur la parité mais nous devrons revenir sur le statut de l'élu. Cet examen profiterait tout particulièrement aux femmes compte tenu des inégalités qui perdurent.

Mme Annie David, présidente. - La commission des lois est saisie des articles relatifs à la parité mais nous pourrons lui faire part de cette observation.

M. Jean-François Husson. - Je voudrais soulever une question collatérale concernant le congé parental. Lorsqu'un salarié en bénéficie, il n'est plus en mesure de cumuler des droits en matière de prévoyance et de retraite. Cela constitue une difficulté. Il conviendrait d'imaginer une forme de « passerelle juridique » permettant à la personne de conserver certaines garanties alors même qu'elle est en congé parental. Une telle mesure serait source de davantage d'égalité et contribuerait à assurer le libre choix des salariés concernés. La question se pose également, de façon différente, pour les personnes affiliées au régime social des indépendants.

Je m'interroge sur l'opportunité de la comparaison avec l'Allemagne. Nos dispositifs de protection sociale sont loin d'être semblables et la natalité y est beaucoup moins dynamique qu'en France.

Dans son intervention, la rapporteure a effectué un rapprochement entre les dispositions contenues dans le projet de loi et le plan pour l'accueil de la petite enfance présenté en juin dernier, qu'elle a défini comme « ambitieux ». Certes, il est positif d'affirmer certains principes et de soulever des enjeux. Mais il convient également de réfléchir à la mobilisation des moyens adéquats ainsi qu'à la définition d'un partage des responsabilités financières entre l'Etat et les collectivités territoriales.

En matière d'égalité salariale, je ne parviens pas à comprendre comment, à responsabilité égale, les femmes continuent d'être moins bien payées que les hommes. Cette anomalie doit être corrigée.

Mme Muguette Dini. - Je remercie la rapporteure pour la précision de son exposé et me réjouis du fait que nous puissions discuter de ce texte, notamment de son volet relatif aux violences faites aux femmes qui est traité par la commission des lois.

Certaines mères sont aujourd'hui confrontées à l'irresponsabilité de pères qui refusent de payer les pensions alimentaires et se rendent insolvables volontairement. Je suis donc favorable à l'expérimentation qui nous est proposée. Mais ne risque-t-on pas de contribuer à renforcer ce penchant à l'irresponsabilité en garantissant, quel que soit le comportement du père, un minimum de ressources pour la mère ?

Je suis favorable au fait d'inscrire dans la loi la possibilité d'un partage du CLCA entre les deux parents. Nombre de pères se sentiront certainement davantage soutenus dans leur démarche par la société lorsqu'ils feront le choix de bénéficier de la prestation. Mais ne va-t-on pas un peu vite ? Nous parlons de mères qui sont souvent en situation précaire, dont le contrat de travail est suspendu et qui vont devoir reprendre leur activité avant l'entrée de leur enfant à la maternelle. Durant le laps de temps qui sépare l'arrêt du versement de la prestation de la rentrée scolaire, comment l'enfant pourra-t-il être pris en charge ? Il me semble que nous n'avons pas suffisamment réfléchi à la façon dont des structures collectives pourront prendre le relai de la mère afin qu'elle ne soit pas confrontée au risque d'être licenciée. Il y a là bien évidemment un enjeu financier. Ouvrir des places en crèche pour des durées très limitées ne serait pas adapté. Les jardins d'éveil, quant à eux, sont très peu nombreux et ne peuvent être créés qu'avec l'accord de la commune. Toutes ces interrogations me confortent dans l'idée que la création de maisons d'assistants maternels devrait être encouragée.

L'idée de bénéficier d'une formation pendant la durée de versement du CLCA a été évoquée. Mais comment assurer la garde de l'enfant durant ces périodes de formation ?

Au final, nous n'avons que peu d'informations sur l'impact du CLCA tel qu'il existe actuellement ni sur les évolutions qui nous sont proposées. Si je suis favorable au principe même de la réforme, je suis donc plus réservée quant aux modalités de sa mise en oeuvre.

Mme Gisèle Printz. - A combien s'élève le CLCA ? En Allemagne, les hommes peuvent toucher jusqu'à 1 900 euros par mois.

Il faudrait développer les crèches et mettre en avant le rôle que peut jouer la solidarité familiale pour assurer la garde des enfants.

La route vers l'égalité entre les femmes et les hommes est encore longue mais il faut se souvenir qu'il n'y a pas si longtemps, une femme souhaitant travailler devait en demander l'autorisation à son mari !

Mme Patricia Schillinger. - Comme Catherine Génisson, je suis très favorable au fait de pouvoir fractionner dans le temps le congé parental.

Un dispositif de médiation a-t-il été prévu dans les cas où les deux parents demanderaient à bénéficier du CLCA sans parvenir à se mettre d'accord ?

Dans certaines entreprises, trouver un remplaçant pour une personne qui demande un congé parental prend du temps. La question des délais auxquels pourraient être soumis les parents pour bénéficier du congé parental ou du CLCA est-elle évoquée dans le projet de loi ?

Enfin, comment s'organise le congé parental en cas de naissances multiples ?

Mme Catherine Procaccia. - En réponse aux préoccupations de Jean-François Husson, j'indiquerai que de premières avancées ont été prévues dans une loi de 2006 qui autorise les personnes dont le contrat de travail est suspendu à continuer de verser des sommes sur le plan d'épargne d'entreprise. Mais il est nécessaire d'aller plus loin.

La question soulevée par Muguette Dini n'est pas résolue. Il faudrait inscrire dans la loi l'interdiction de rompre le contrat de travail jusqu'à la rentrée scolaire la plus proche. Il s'agit d'une proposition que j'ai déjà défendue au Sénat.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Je vous remercie pour ces échanges qui enrichissent notre réflexion. Ainsi que l'a pointé très justement Catherine Génisson, la question de l'égalité salariale constitue l'une des clés d'entrée dans le débat. Il est évident que si cette égalité était atteinte, la teneur de nos échanges serait d'une nature très différente.

Il est certain, comme vous l'avez justement souligné, que ce projet de loi a vocation à être enrichi et amélioré. C'est ainsi que le conçoit la ministre et nous devons nous montrer créatifs. Les travaux de la délégation aux droits des femmes, qui a par exemple recommandé d'étendre le congé paternité de onze jours à quatre semaines et de le rendre obligatoire et fractionnable, vont dans ce sens.

En ce qui concerne les questions de formation et d'emploi liées au congé parental, le Gouvernement a indiqué qu'il ferait plusieurs propositions d'amendements en séance publique dans le cadre de la transposition de l'accord national interprofessionnel (Ani) du 19 juin 2013. Il s'agirait notamment de prévoir, quelques mois avant la reprise du travail, un rendez-vous permettant de faire un point d'étape avec l'employeur, le directeur des ressources humaines ou toute autre instance compétente.

Le but des dispositions relatives au CLCA est d'instaurer un véritable partage de la responsabilité parentale qui permette à la fois de modifier la posture des parents dans la cellule familiale et de déconstruire les schémas et les stéréotypes qui existent sur cette question. Il est vrai que la réduction de trois ans à deux ans et demi de la durée maximale du CLCA à partir du deuxième enfant, dans le cas où seul l'un des deux parents décide d'y recourir, peut poser problème en raison des difficultés d'accès à l'école maternelle avant trois ans. C'est pourquoi le Gouvernement réfléchit à mettre en place un dispositif de tuilage ou de prolongation jusqu'à la rentrée scolaire qui permettrait de résoudre ces problèmes ; rien cependant n'est encore fixé et nous en saurons davantage en séance publique. Par ailleurs, des moyens supplémentaires pour l'accueil de la petite enfance sont déjà prévus : la convention d'objectifs et de gestion (COG) signée entre la Cnaf et l'État prévoit une augmentation de 7,5 % par an des ressources du fonds national d'action sociale (Fnas), notamment pour ce poste. D'une manière générale, les moyens de la Cnaf vont être augmentés, ne serait-ce que pour la mise en place du dispositif de garantie contre les impayés de pensions alimentaires.

S'agissant des personnes que l'on peut considérer comme étant « hors d'état » de s'acquitter du versement d'une pension alimentaire - soit qu'elles soient insolvables, soit qu'elles soient incarcérées ou encore qu'elles ne résident pas en France -, j'ai prévu un amendement qui propose que, dans le cadre de l'expérimentation définie à l'article 6 du projet de loi, les conditions dans lesquelles un parent peut être considéré comme « hors d'état » de faire face à son obligation d'entretien soient définies par décret.

Le montant du CLCA dépend à la fois de la réduction d'activité du parent qui sollicite cette prestation et de la perception de l'allocation de base de la Paje. Pour un arrêt total d'activité, le CLCA versé s'élève ainsi respectivement à 388,19 euros par mois ou 572,81 euros selon que la famille perçoit ou non l'allocation de base de la Paje. Pour une activité professionnelle inférieure ou égale à un mi-temps ou une formation professionnelle rémunérée, son montant est de 250,95 ou 435,57 euros par mois selon les mêmes conditions. Enfin, pour une activité professionnelle comprise entre 50 et 80 %, il s'élève à 144,77 ou 329,28 euros. Il est à noter que le CLCA versé n'est pas proportionnel au salaire du parent qui en sollicite le bénéfice.

Mme Catherine Procaccia. - S'agissant des délais de reprise du travail, des dispositions figurent déjà dans le code du travail et dans certaines conventions collectives.

M. Ronan Kerdraon. - Parmi les solutions complémentaires pour l'accueil des jeunes enfants - jardins d'éveil, crèches, assistants maternels, on oublie souvent une solution alternative en partie financée par les collectivités territoriales - et que l'État devrait à mon avis financer davantage : les classes passerelle adossées aux maisons de la petite enfance. Ces classes offrent une solution pédagogique dans laquelle interviennent à la fois des enseignants et des éducateurs spécialisés pour la petite enfance. Elles sont très différentes des jardins d'éveil, qui sont le plus souvent mis en place dans l'enseignement privé et sans autorisation de la collectivité.

Mme Muguette Dini. - Nous évoquions tout à l'heure la question de l'égalité salariale. A mon avis, on ne peut pas penser que l'égalité salariale dans la sphère professionnelle, entre hommes et femmes exerçant un même métier, va régler l'inégalité salariale à l'intérieur du couple.

Mme Annie David, présidente. - Disposons-nous d'études indiquant le niveau de salaire des 18 000 hommes qui ont choisi de recourir au CLCA, ainsi que celui de leur compagne ? Il pourrait être intéressant d'examiner leur profil afin de comprendre les raisons qui les poussent à demander le bénéfice de cette allocation.

Je regrette que ce texte parle d'égalité professionnelle de manière générale alors que c'est bien l'égalité salariale qu'il faut chercher à atteindre. J'espère que le Gouvernement déposera des amendements visant à améliorer ce point précis. Je sais qu'il existe déjà des dispositifs en ce sens, et que des pénalités ont déjà été prononcées à l'encontre de certaines entreprises qui ne respectent pas leurs obligations de négociation, mais elles sont encore peu appliquées.

La modification du régime du CLCA va entraîner en pratique une économie de six mois de prestation pour la Cnaf dans certains cas où seul un parent décide d'y recourir. Comment est-il prévu d'utiliser cet argent ? Permettra-t-il de financer la création de places en crèche ? Il ne s'agirait pas que cette économie serve à alimenter le budget de l'État.

Sur la question de la lutte contre les stéréotypes, je crois qu'il est nécessaire, pour que les mentalités changent, de faire évoluer l'organisation de la société dans son ensemble. Des choses aussi simples qu'éviter de programmer des réunions importantes le mercredi après-midi pourraient permettre aux femmes de prendre toute leur place dans la sphère professionnelle.

Mme Catherine Procaccia. - Pour les femmes qui ont adapté leur temps de travail à la semaine scolaire de quatre jours, le passage à la semaine de quatre jours et demi va d'ailleurs poser problème.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Nous n'avons pas d'indications plus précises sur le profil des 18 000 pères ayant aujourd'hui recours au CLCA. Ils appartiennent souvent à des catégories sociales plus averties que les autres.

Nous devrons demander au Gouvernement de confirmer que, comme il s'y est engagé, les éventuelles économies dégagées par la réforme du CLCA bénéficieront bien à l'accueil de la petite enfance.

J'en viens à la présentation des amendements évoqués dans mon exposé liminaire.

Le premier d'entre eux vise à modifier l'intitulé de la prestation du CLCA en « prestation partagée d'accueil de l'enfant ». Il s'agit de tenir compte du fait que ce dispositif n'est pas toujours l'expression d'un libre-choix.

Mme Catherine Procaccia. - Quelles seraient les incidences de ce changement, en particulier sur le plan financier, pour l'administration ? Les bonnes intentions peuvent parfois déboucher sur des coûts importants. C'est pourquoi je préfère m'abstenir.

L'amendement n° 1 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 2 est de nature rédactionnelle. Il modifie, au sein du projet de loi, la place de la disposition relative à la date d'entrée en vigueur de la réforme du CLCA afin d'en accroître la lisibilité.

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Il en va de même de l'amendement n° 3 qui réécrit l'article 4 du projet de loi, consacré à la protection des collaborateurs libéraux contre les discriminations liées à la maternité et à la parentalité, afin d'en améliorer l'intelligibilité, d'assurer la transposition exacte des mécanismes existant à l'heure actuelle dans le code du travail et de corriger des erreurs de rédaction.

L'amendement n° 3 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 4 modifie le régime sous lequel sera conduite l'expérimentation visant à permettre aux salariés qui le souhaitent de transformer les droits qu'ils ont acquis sur leur CET en Cesu afin de financer des prestations de service à la personne.

Mme Annie David, présidente. - A titre personnel, je suis en désaccord avec le dispositif du CET et m'abstiendrai donc sur cet amendement.

Mme Laurence Cohen. - Je souhaiterais obtenir davantage de précision sur le dispositif proposé.

Mme Annie David, présidente. - L'article 5 du projet de loi prévoit la possibilité de transformer les droits accumulés sur le CET en Cesu.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Le présent amendement prévoit que seule une partie et non la totalité des droits affectés sur le CET pourra être utilisée de cette façon afin de garantir que le CET ne soit pas détourné de son objet initial.

Mme Catherine Génisson. - Selon quelles modalités la part maximale de droits convertibles sera-t-elle définie ?

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement propose que l'accord collectif qui institue le CET prévoie la possibilité de liquider une partie de son contenu sous la forme de Cesu.

Mme Catherine Procaccia. - Cet amendement constitue un premier pas mais je m'abstiendrai. Il risque de créer une nouvelle inégalité entre les hommes et les femmes. Celles-ci seront davantage conduites à consommer des droits accumulés sur leur CET en Cesu.

Mme Annie David, présidente. - Mais la mesure n'est pas réservée aux femmes. Elle concerne également les hommes.

Mme Catherine Procaccia. - Dans ce cas, il faut prévoir un partage égalitaire et obligatoire entre les parents, à défaut de quoi les femmes seront majoritaires dans le recours à ce dispositif. En outre, tout le monde ne bénéficie pas d'un CET dans les entreprises, ce qui est, là aussi, source d'inégalité.

Mme Annie David, présidente. - Il est vrai que toutes les entreprises n'ont pas mis en place de CET, notamment dans le secteur du bâtiment.

Mme Catherine Génisson. - L'argument de Catherine Procaccia est important. Votre amendement permet d'améliorer le texte mais je crains également que le dispositif ne s'avère discriminatoire à l'encontre des femmes.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - Je rappelle que ce dispositif est une expérimentation d'une durée de deux ans qui sera évaluée à son terme.

Mme Annie David, présidente. - Malgré les réserves exprimées par les unes et les autres, cet amendement constitue une amélioration par rapport au texte initial.

L'amendement n° 4 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 5 reprend l'une des préconisations formulées par l'Inspection générale des affaires sociales dans son rapport comparatif de janvier 2013 sur la politique d'égalité professionnelle. Il s'agit d'inscrire à la liste des discriminations prohibées par le droit du travail les traitements défavorables liés à l'utilisation des congés parentaux.

L'amendement n° 5 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 6 a pour objet d'élargir le champ du rapport de situation comparée afin qu'il traite des questions de sécurité et de santé au travail.

Mme Catherine Génisson. - Je suis favorable à l'amendement mais opposée à la façon dont est rédigé l'exposé des motifs. Le rapport de situation comparée effectue déjà une analyse genrée. Pourquoi indiquer en plus qu'il s'agira d'étudier les difficultés particulières auxquelles sont confrontées les femmes ? Cela ne fait qu'entretenir les discriminations.

Mme Annie David, présidente. - Il n'en demeure pas moins que ce sont souvent les femmes qui sont les premières victimes d'une organisation décousue du temps de travail.

L'amendement n° 6 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 7 reprend l'une des dispositions de la proposition de loi de Claire-Lise Campion relative à l'égalité salariale entre les hommes et les femmes. Adopté par le Sénat le 16 février 2012, le texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. L'objectif est d'imposer une pénalité financière d'un montant de 1 % de leur masse salariale aux entreprises qui ne transmettent pas à l'inspecteur du travail leur rapport de situation comparée dans les délais prévus.

Mme Catherine Génisson. - Cet amendement illustre le fait qu'il est très difficile d'inclure les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes (PME) dans la politique d'égalité professionnelle.

Mme Annie David, présidente. - La question que vous soulevez renvoie à celle de l'organisation du dialogue social dans ces entreprises.

Mme Muguette Dini. - Le nombre de salariés concernés est pourtant important.

L'amendement n° 7 est adopté.

Mme Michelle Meunier, rapporteure pour avis. - L'amendement n° 8 vise à étendre l'expérimentation prévue à l'article 6 sur les impayés de pensions alimentaires aux personnes qui ne bénéficient pas de l'allocation de soutien familial.

Enfin, l'amendement n° 9 renvoie à un décret la définition des conditions dans lesquelles un parent est considéré comme « hors d'état de faire face à son obligation d'entretien », celles-ci étant pour le moment très floues.

Les amendements nos 8 et n° 9 sont adoptés.

Mercredi 24 juillet 2013

- Présidence de Mme Annie David, présidente -

Fonctionnement des réseaux de soins créés par les mutuelles et modalités de mise en oeuvre des conventions conclues entre les organismes de protection sociale complémentaire et les professionnels de santé - Examen des amendements au texte de la commission

Mme Annie David, présidente. - Nous examinons les amendements extérieurs à la proposition de loi relative au fonctionnement des réseaux de soins. Le rapporteur général présente d'abord une proposition d'amendement.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - La semaine dernière, nous avons inséré un alinéa précisant que les conventions entre un organisme complémentaire et un professionnel, établissement ou service de santé ne peuvent pas avoir pour effet d'introduire des différences dans les modalités de délivrance des soins. Cette rédaction a une portée incertaine qui pourrait empêcher les organismes complémentaires d'inscrire des critères de qualité dans les conventionnements, ce qui n'était pas l'objectif recherché.

Cet amendement propose de conserver la même idée mais en se référant plus explicitement aux termes du code de la santé publique et se son article L.1110-1 : l'égal accès aux soins. Il permet d'éviter d'éventuelles pratiques consistant à donner la priorité à un patient parce qu'il a une meilleure couverture sociale en l'occurrence complémentaire, alors que les critères médicaux doivent primer.

L'amendement n° 18 est adopté.

Mme Annie David, présidente. - Nous en venons aux amendements extérieurs.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 8 rectifié vise à supprimer l'article 1er ; nous avions déjà rejeté un amendement identique la semaine dernière. Je vous propose de faire de même.

Mme Catherine Génisson. - Chacun connait ma perplexité sur ce texte. Pour autant, je salue la qualité du travail du rapporteur général et, en estimant qu'il n'y a plus de débat sur l'article 1er, je ne voterai pas cet amendement.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 8 rectifié.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 9 rectifié va dans le même sens que le précédent et a également été rejeté la semaine dernière par la commission.

La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 9 rectifié.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Les amendements n° 5 rectifié, 10 rectifié et 11 rectifié ont deux objets : renvoyer les principes régissant les conventions à un décret et n'autoriser que des réseaux ouverts. Le premier point pose des questions juridiques ; surtout, après y avoir longuement réfléchi, je ne vois pas bien ce que le décret pourrait contenir que la loi ne précise pas déjà. Sur le second point, j'ai expliqué la semaine dernière pourquoi il me semblait justifié que les organismes complémentaires puissent, s'ils le souhaitent, créer un réseau fermé en optique : si nous voulons véritablement lutter contre les restes à charge des patients, le réseau doit être efficace, ce qui peut nécessiter qu'il soit fermé en optique en raison de la démographie de la profession et du nombre de points de vente. Je propose donc un avis défavorable à ces trois amendements.

Mme Isabelle Debré. - Créer une telle différence entre les professions va à l'encontre du principe d'égalité, ce qui ne manquera pas d'entraîner un problème constitutionnel.

Mme Catherine Procaccia. - La position médiane du rapporteur a-t-elle des chances de rester dans le texte après son examen par l'Assemblée nationale ?

M. Jean-Noël Cardoux. - Je ne comprends pas pourquoi le rapporteur fait un rapprochement entre chirurgien-dentiste, qui est une profession de santé, et audioprothésiste. Ils ne sont pas soumis au même régime fiscal. Si un parallèle doit être fait, c'est plutôt entre audioprothésiste et prothésiste dentaire.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - J'ai travaillé sur ce dossier avec l'ambition que nos propositions aillent jusqu'au bout. C'est pourquoi j'ai souhaité vous présenter une approche globale, cohérente et équilibrée.

Je le dis à nouveau à Mme Debré : les différentes professions que nous évoquons ne sont pas dans la même situation, ce qui peut justifier des différences de traitement. D'ailleurs, les réseaux qui existent aujourd'hui sont presque tous fermés en optique et sont tous ouverts en dentaire.

M. Jean-François Husson. - Il s'agit bien d'une faculté pour les réseaux pas d'une obligation.

La commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 5 rectifié, 10 rectifié et 11 rectifié.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 13 supprime la faculté pour les organismes complémentaires de passer par un intermédiaire pour mettre en place les réseaux. Cet amendement irait clairement, à mon sens, contre la liberté d'entreprendre et la liberté contractuelle, principes récemment mis en avant par le Conseil constitutionnel. Pourquoi interdire à des organismes privés de s'organiser comme ils l'entendent ? Je demande le retrait de cet amendement.

M. Jean-François Husson. - C'est exactement le même principe en ce qui concerne l'assistance : les assureurs utilisent des prestataires. Cela respecte la liberté de choix.

Mme Catherine Procaccia. - A la lumière de ces arguments, je retirerai l'amendement en séance.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 13.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 2 fait référence à un cahier des charges qui serait établi par la Haute Autorité de santé (HAS). Si l'on peut partager l'idée de mettre l'accent sur les aspects médicaux, il n'entre pas dans la compétence de la HAS d'établir un tel cahier des charges. Je propose donc le retrait de l'amendement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Les conventions que les complémentaires passent avec les professionnels de santé sont contrôlées par l'Autorité de la concurrence, mais celle-ci n'est pas compétente dans le domaine de la santé. Je comprends que la HAS n'est peut-être pas l'autorité la plus adaptée mais j'estime très important d'interroger la ministre sur le contrôle qualitatif, médical, des conventions. C'est pourquoi je maintiens à ce stade mon amendement.

Mme Catherine Génisson. - Il s'agit certes d'un amendement d'appel, mais il met en avant un manque important de ce texte, à savoir l'absence de validation du contrôle qualitatif par les pouvoirs publics. Il est regrettable que l'assurance maladie se soustraie à ses obligations. Les organismes complémentaires ont au moins eu le mérite de s'être occupé de cette question.

Mme Laurence Cohen. - Cet amendement est important et j'en partage l'esprit : l'intervention des pouvoirs publics est nécessaire. Or, avec ce texte, ils seraient en quelque sorte dédouanés ce qui n'est pas acceptable.

M. Jean-François Husson. - Je partage la préoccupation de savoir qui va contrôler. Pour autant, des millions de Français bénéficient déjà des réseaux de soins via leur complémentaire. Ce n'est pas la jungle ! Avec leur développement se posera tout de même de manière plus aiguë la question du contrôle et de qui tranche les litiges éventuels.

Mme Isabelle Debré. - La HAS ne me semble pas l'autorité compétente en la matière.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Il existe une certaine ambiguïté dans ce débat : nous pouvons tous partager le souci du respect de critères médicaux mais ce n'est pas le sujet des conventions établies par les organismes complémentaires. Chaque profession de santé est d'ores et déjà soumise à une réglementation, au respect des pratiques professionnelles et à une déontologie. Comment imaginer qu'une convention aille à l'encontre de tout cela ? Par ailleurs, le rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement en application de l'article 3 de la proposition de loi permettra justement d'évaluer ces conventions.

M. Alain Milon. - Vous dites qu'un professionnel ne signerait pas une convention qui serait contraire au bon exercice de sa profession, mais qu'entendez-vous par « contraire » ? S'agit-il des modalités de délivrance de la prestation ou des prix qui lui sont imposés ?

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Depuis le début, mon approche a justement consisté à faire en sorte que les éléments de prix ne l'emportent pas sur les autres critères, notamment de qualité. Comme dans tous les domaines, les éventuelles dérives, qui peuvent toujours exister, doivent être sanctionnées !

Mme Catherine Génisson. - C'est la question fondamentale des réseaux de soins. Je ne critique pas ceux qui les ont mis en place, qui entendent - j'imagine - apporter une qualité d'offre la plus élevée, mais il est insensé de mettre en place un système parallèle à celui de la sécurité sociale, juste parce que celle-ci estime que certains secteurs de la santé ne l'intéressent pas. Cette position est inadmissible et me choque. Or, ce texte n'apporte aucune solution. Les organismes complémentaires sont à la fois juges et parties, ce qui est très ennuyeux.

M. Jean-Noël Cardoux. - L'évaluation des réseaux ne peut porter, à mon sens, que sur les procédures, sur la qualité des locaux ou de l'accueil du secrétariat, sur les délais d'information quant aux examens pratiqués, etc. Si on aboutit in fine à un contrôle qualitatif de la prestation médicale, c'est très inquiétant car cela porte atteinte à la liberté de conscience des professionnels. Or, nous avons entendu les prémisses d'une telle démarche lors de la table ronde avec les organismes complémentaires.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Nous sommes face au principe de réalité, les réseaux existent. Est ce qu'on les encadre ? Telle est la question de cette proposition de loi. Aujourd'hui, la sécurité sociale est incapable d'apporter financièrement une réponse.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 2.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 4 prévoit que les conventions ne pourraient pas avoir pour effet de « réduire le niveau de la prise en charge des actes et prestations médicaux en fonction du choix de l'assuré de recourir ou non à un professionnel ». Si je comprends l'esprit de l'amendement, je n'en vois pas la portée pratique car l'expression « réduire la prise en charge » renvoie nécessairement à une règle de droit commun, à une référence ou à une temporalité. Réduire par rapport à quoi ? Or, dans ce texte, nous sommes dans le cadre des relations contractuelles entre un Ocam et son adhérent ou un professionnel : les conditions de la prise en charge sont fixées par le contrat qui devra prévoir les conditions de remboursement en cas de consultation dans un réseau ou non.

Grâce à l'alinéa sur l'information des adhérents, nous allons faire en sorte que les adhérents soient pleinement informés des conditions du fonctionnement de l'éventuel réseau. Ce qui est un progrès répondant en partie à la problématique de l'amendement. C'est pourquoi je demande le retrait de cet amendement.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Il n'est pas si facile de changer de complémentaire, notamment lorsque vous bénéficiez d'un contrat collectif... Pour répondre à votre argument, on pourrait ajouter une référence, par exemple en précisant que l'amendement s'applique à la date de création du réseau de soins. Je souhaite que le texte soit en accord avec notre objectif qui est d'assurer une bonification du remboursement en cas de consultation dans le réseau, et non pas une pénalisation dans le cas inverse.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Des millions de personnes sont déjà potentiellement bénéficiaires de réseaux de soins. Je n'ai pas d'opposition de principe mais nous sommes, pour reprendre votre expression, face au principe de réalité et à la liberté contractuelle.

Mme Annie David, présidente. - Il faudrait tout de même assurer au minimum le remboursement tel qu'il existe aujourd'hui et ne pas aboutir à la diminution des garanties.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Les garanties ne sont jamais figées. Elles dépendent du contrat que l'assuré conclut et de l'équilibre assurantiel entre les cotisations reçues et les prestations versées.

M. Jean-François Husson. - Il faut rester réaliste, l'adhérent a des garanties qui sont définies dans son contrat, qu'il soit individuel ou collectif. Le réseau de soins apporte un panier de services qui ne porte pas seulement sur les tarifs. Le plus souvent, le principal atout du réseau consiste à faire bénéficier l'adhérent du tiers-payant.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Si la concurrence s'exerce là comme ailleurs, je souhaiterais éviter des pressions sur les prix et sur les remboursements qui obligeraient les adhérents à aller chez les prestataires agréés.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Je suis en accord avec ce que vient de dire M. Husson. Nous devons aussi nous méfier des discours qui peuvent être contradictoires : certes, il ne s'agit pas de faire uniquement pression sur les prix, mais je rappelle que l'objectif principal est de réduire le reste à charge. Nous devons donc trouver un équilibre entre les deux, sans nuire à la qualité.

M. Dominique Watrin. - Nous allons nous abstenir sur cet amendement. Vous dénoncez les effets pernicieux de ce que vous mettez en place, cela prouve que le système ne fonctionne pas. La sécurité sociale doit être le pilote et le garant du système, alors que nous donnons de plus en plus de pouvoirs aux complémentaires.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 4.

M. Jean Desessard. - Je suis toujours étonné du fait que nous soyons amenés à voter sur l'avis proposé par le rapporteur, pas sur l'amendement lui-même.

Mme Annie David, présidente. - C'est à la fois l'usage et le principe : en commission, nous décidons de la position que le rapporteur présentera en séance publique en notre nom ! Et en séance, vous voterez, ou non, l'amendement.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 1 prévoit que les conventions en optique peuvent prévoir un numerus clausus mais qu'il est « seulement opposable aux professionnels installés dans des communes de plus de 5 000 habitants ». Si je comprends et partage la préoccupation vis-à-vis du monde rural, cet amendement est en fait plus large. Il peut constituer un effet d'aubaine dans les zones urbaines et une rupture d'égalité disproportionnée entre deux opticiens qui seraient installés d'un côté de la rue et de l'autre, mais l'un dans une commune de moins de 5 000, l'autre dans une commune de plus de 5 000 habitants. Pour éviter cet écueil, je propose aux auteurs de l'amendement de le rectifier, en se référant plutôt aux exigences de proximité dans l'accès aux soins. Sous réserve de cette rectification, je proposerai un avis favorable à cet amendement.

M. Gérard Roche. - Je regrette que les déficits sensoriels aient été considérés comme des soins de confort et que l'assurance maladie soit complétement restée à l'écart de ces questions. Cette idée est fausse à tous les âges, que ce soit pour les enfants ou pour les personnes âgées. Il est inadmissible que des personnes, notamment âgées, soient contraintes de faire les vide-grenier pour acheter une paire de lunettes ! Je l'ai vu, c'est révoltant ! La proposition de loi va donc dans le bon sens, elle apporte des réponses pour l'accès aux soins, mais il n'y a pas que le reste à charge, il y a aussi la proximité. Nous sommes donc en accord avec le rapporteur général pour rectifier notre amendement.

Mme Catherine Deroche. - On complique énormément les choses ! Si les réseaux étaient ouverts, ce serait plus simple et nous ne serions pas obligés d'opérer ces contorsions...

M. Jean-François Husson. - Je suis d'accord, le principe de réseaux ouverts est plus judicieux. Il serait plus approprié de renvoyer chacun devant ses responsabilités, notamment en ce qui concerne les ouvertures intempestives des écoles d'optique, plutôt que d'avoir à traiter, improprement, la question en aval.

Mme Laurence Cohen. - L'installation des pharmacies est bien limitée. Pourquoi ne pas le faire pour les opticiens ? C'est une question de bon sens.

M. Alain Milon. - Notre groupe est favorable à ce que les réseaux soient ouverts à tous les professionnels qui remplissent les conditions.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 sous réserve de rectification.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 14 rectifié propose d'imposer un modèle-type de convention. Cela serait contraire au principe constitutionnel de libre contractualisation. Je propose un avis défavorable.

Mme Catherine Procaccia. - L'objectif de mon amendement est avant tout d'assurer la protection des patients.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - C'est bien l'enjeu de l'article 2. Certains le trouveront trop souple, d'autres le jugeront démesurément contraignant. En tout état de cause, nous avons tout fait pour parvenir à une position équilibrée qui garantisse l'efficacité du dispositif.

Mme Catherine Procaccia. - Je maintiens malgré tout mon amendement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14 rectifié.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 6 rectifié remet en cause le principe même des réseaux de soins pour les chirurgiens-dentistes. Je rappelle que la sécurité sociale ne représente plus qu'une faible part du montant des soins qu'ils dispensent. Proposer que les organismes complémentaires ne puissent plus conclure de conventions portant sur les tarifs ôterait tout intérêt aux réseaux. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 6 rectifié.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - La semaine dernière, je vous ai proposé un amendement visant à ce que les contrats conclus entre les organismes complémentaires et leurs adhérents ne puissent pas prévoir de remboursements différenciés sur les tarifs conventionnés pour les médecins. L'amendement n° 3 vise à étendre cette disposition à l'ensemble des professions de santé. Je comprends sa logique mais, en l'espèce, cette extension ne me paraît pas adaptée. En effet, à partir du moment où les autres professions de santé ne peuvent pas pratiquer de dépassements d'honoraires, la mesure serait sans effet.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - J'entends bien votre remarque. L'enjeu est de prévenir d'éventuels dépassements chez les autres professionnels de santé. Je souhaiterais qu'il soit précisé, a minima, que le rapport prévu à l'article 3 aborde cette question des dérives éventuelles dans ce domaine.

M. Jean-Noël Cardoux. - Pour reprendre une expression populaire : cela va sans le dire, mais cela irait encore mieux en le disant.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - Mon rôle de rapporteur consiste à dépasser les préoccupations ponctuelles pour vous proposer un dispositif cohérent et global. Je confirme que le rapport prévu à l'article 3 permettra en effet d'avoir un éclairage sur le sujet.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 3.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 12 rectifié est satisfait dans son esprit. En outre, la notion d'actes de médecine employée dans son dispositif est floue.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 12 rectifié.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 15 me semble pertinent et légitime. J'ai cependant une interrogation. Les règles de déontologie applicables aux chirurgiens-dentistes leur interdisent de faire de la publicité. Il conviendrait de s'assurer que le fait d'orienter le patient vers l'un des professionnels du réseau ne puisse être interprété comme une forme de publicité. Pour cette raison, je vous proposerai de demander l'avis du Gouvernement.

Mme Catherine Procaccia. - L'idée de l'amendement, par exemple pour les chirurgiens-dentistes, est de faire en sorte que ces derniers ne se bornent pas à poser des prothèses mais réalisent l'ensemble des actes, notamment de prévention, pour lesquels ils sont compétents. Il serait regrettable que les réseaux deviennent de simples plateformes pour l'offre de prestations purement marchandes.

La commission sollicite l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 15.

M. Yves Daudigny, rapporteur général. - L'amendement n° 16 a pour objet de prévoir que les clauses contraires aux règles fixées par l'article 2 soient réputées non écrites, c'est-à-dire censées n'avoir jamais existé. Il s'agit là d'une règle spécifique au droit des contrats. Je ne suis pas certain de l'opportunité de sa transposition aux conventions signées dans le cadre des réseaux de soins, notamment parce que les règles posées par l'article 2 ne ressemblent pas à celles en usage en droit de la consommation, je vous propose de demander l'avis du Gouvernement.

La commission sollicite l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 16.

Elle émet un avis de sagesse à l'amendement n °7.

AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article 2
Encadrement des conventions entre les organismes complémentaires
et les professionnels, établissements et services de santé

Auteur

Objet

Avis de la commission

Rapporteur

18

Principe d'égal accès aux soins

Adopté

AMENDEMENTS EXTÉRIEURS

Article 1er
Possibilité pour les mutuelles
de moduler le niveau des prestations selon le professionnel de santé consulté

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. BARBIER

8 rect.

Suppression de l'article

Défavorable

M. BARBIER

9 rect.

Limitation de la modulation à trois secteurs

Défavorable

Article 2
Encadrement des conventions entre les organismes complémentaires
et les professionnels, établissements et services de santé

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. MILON

5 rect.

Renvoi à un décret pour fixer les principes des conventions et réseaux ouverts

Défavorable

Mme PROCACCIA

13

Suppression de la possibilité d'un intermédiaire

Demande de retrait

M. BARBIER

10 rect.

Renvoi à un décret pour fixer les règles des conventions

Défavorable

M. ROCHE

2

Cahier des charges de la Haute autorité de santé

Demande de retrait

M. ROCHE

4

Absence de réduction du niveau de prise en charge

Demande de retrait

M. BARBIER

11 rect.

Supprimer la possibilité de réseaux fermés en optique

Défavorable

M. ROCHE

1

Proximité d'accès aux soins

Favorable
sous réserve
de rectification

Mme PROCACCIA

14 rect.

Conformité des conventions à un modèle-type

Défavorable

M. MILON

6 rect.

Restriction du champ des réseaux

Défavorable

M. ROCHE

3

Restriction du champ des professionnels pour le remboursement différencié

Demande de retrait

M. BARBIER

12 rect.

Interdiction de remboursement différencié pour les actes de médecine

Demande de retrait

Mme PROCACCIA

15

Information de l'assuré conforme aux principes déontologiques

Avis
du Gouvernement

Mme PROCACCIA

16

Clauses réputées non écrites

Avis
du Gouvernement

Article 3
Rapport du Gouvernement au Parlement

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. MILON

7

Suppression de la durée de trois ans

Sagesse

Demandes de saisine et nominations de rapporteurs pour avis

La commission décide de se saisir pour avis :

- du projet de loi n° 805 (2012-2013) relatif à l'économie sociale et solidaire, dont la commission des affaires économiques est saisie au fond. Elle nomme Mme Christiane Demontès, rapporteure pour avis de ce projet de loi ;

- du projet de loi n° 1179 (AN - XIVlégislature) pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dont la commission des affaires économiques est saisie au fond. Elle nomme Mme Aline Archimbaud, rapporteure pour avis de ce projet de loi.

Organismes extraparlementaires - Nomination de membres

La commission décide de proposer les candidatures suivantes :

- M. Marc Laménie comme membre titulaire appelé à siéger au sein du Conseil supérieur du travail social ;

- M. René-Paul Savary comme membre titulaire appelé à siéger au sein de la commission nationale d'agrément des associations représentant les usagers dans les instances hospitalières ou de santé publique ;

- Mme Catherine Deroche comme membre titulaire appelé à siéger au sein du conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine ;

- Mme Christiane Demontès comme membre suppléant appelé à siéger au sein du conseil d'orientation de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.