Mardi 24 mars 2015

- Présidence de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général -

Résultats de la gestion du régime général de la sécurité sociale au cours de l'exercice 2014 - Audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget

La réunion est ouverte à 17 h 05.

La commission procède à l'audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, sur les résultats de la gestion du régime général de la sécurité sociale au cours de l'exercice 2014.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Mes chers collègues, lors de la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le président Alain Milon, avait indiqué à Mme la ministre des affaires sociales qu'il souhaitait qu'un suivi plus régulier de l'exécution de ces textes soit assuré par notre commission.

Comme vous le savez, il n'existe pas de loi de règlement pour les finances sociales. Plus exactement, la première partie de la loi de financement porte sur le dernier exercice clos, sans faire l'objet d'un texte autonome.

Vous avez présenté, monsieur le ministre, les résultats de l'exercice 2014 pour le budget de l'Etat devant nos collègues de la commission des finances, le 28 janvier dernier, mais il faut près d'un semestre pour collecter les résultats de l'ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale : ils ne seront de fait pleinement disponibles que lors de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin.

Dans cette longue séquence cependant, les différentes branches du régime général clôturent leurs comptes à la mi-mars, avec des résultats qui donnent très largement le ton de l'exécution de la loi de financement.

A cet égard, je dois dire que les résultats publiés la semaine dernière nous ont surpris. La loi de financement pour 2014 est l'une des rares à avoir fait l'objet d'une rectification à mi-année. Cette rectification nous avait plutôt préparés à une stagnation des déficits, due à un niveau des recettes insuffisant, sous l'effet d'une conjoncture dégradée.

Alors même que ni le niveau de croissance, qui est de 0,4 % contre 1 % en prévision, ni celui de l'inflation, qui est nulle contre 1,2 % en prévision, ni celui de la progression de la masse salariale du secteur privé, de 1,2 % contre 2,2 % en prévision, ne sont conformes aux attentes, les recettes, semble-t-il, progressent et sont supérieures de plus d'un milliard d'euros aux prévisions.

Du côté des dépenses, la loi de financement rectificative avait procédé à un rebasage important de l'Ondam avant que des inquiétudes ne se fassent jour sur les dépenses d'indemnités journalières et de médicaments. Là encore, les annonces de la semaine dernière relèvent un milliard d'euros de moindres dépenses.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, votre audition est particulièrement bienvenue pour l'analyse de ces données.

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget. - Merci, monsieur le président.

Le 17 mars dernier, le Gouvernement a rendu publics les chiffres des comptes définitifs du régime général de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui ont été clos le même jour par ces organismes, même s'ils n'ont pas encore été certifiés par la Cour des comptes.

Je précise, à titre liminaire, qu'il ne s'agit là que des comptes du régime général, et que nous ne disposons pas encore à cette date des résultats de l'ensemble des régimes de base de la sécurité sociale, dont le solde sera toutefois très proche de celui du régime général.

De même, nous ne disposons pas encore du résultat définitif de l'Ondam 2014, même si le résultat des dépenses de la branche maladie du régime général et des branches intégrées nous permet déjà de savoir qu'il sera respecté.

Par ailleurs, toujours à titre liminaire, je rappelle que les comptes ont été arrêtés voici quelques jours seulement, et que nous n'avons évidemment pas encore pu procéder à une analyse complète de toutes les raisons qui expliquent le résultat financier. Ce sera l'objet, comme chaque année, des travaux de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin, à laquelle plusieurs d'entre vous participent d'ailleurs régulièrement.

Ces préalables étant posés, je voudrais développer trois idées principales concernant les comptes de 2014.

Tout d'abord, le déficit continue à se réduire de façon plus importante que prévu ; en second lieu, cela s'explique pour partie par une maîtrise des dépenses de l'ensemble des branches, grâce aux efforts réalisés par le système de protection sociale, sans remettre en cause le financement de nos priorités ; enfin, ce bon résultat s'explique par des recettes qui se sont globalement bien tenues, malgré une croissance très inférieure à celle qui avait été anticipée, ce qui prouve la prudence des prévisions financières du Gouvernement.

Je veux insister sur le bon résultat de l'année 2014, dont le déficit a continué à se réduire par rapport à 2013.

La loi de financement de la sécurité sociale, adoptée en décembre dernier, prévoyait un déficit de 11,7 milliards d'euros pour le régime général et de 15,4 milliards d'euros en incluant le FSV, soit le même niveau que celui constaté en 2013. Or, le déficit du régime général sera finalement de moins de 10 milliards d'euros, soit 9,7 milliards d'euros exactement. Ceci ramène le déficit de l'ensemble, avec le FSV, à 13,2 milliards d'euros, soit 2,2 milliards d'euros de moins que l'année précédente, mieux que la prévision. Ce résultat est le meilleur atteint depuis 2008, avant le début de la crise économique.

En 2010, le déficit du régime général et du FSV était de plus de 27 milliards d'euros. En quatre ans, il a donc été divisé par un peu plus de 2 : 21 milliards d'euros en 2011, 17,5 milliards d'euros en 2012, 15,4 milliards d'euros en 2013. Il semble important de rappeler ces chiffres, l'opinion ayant souvent le sentiment que les efforts consentis sont vains : je le répète, en quatre ans, nous avons divisé par deux les déficits du régime général et du FSV !

Je souligne que le déficit de l'Etat s'est lui aussi établi, pour l'année 2014, à un niveau inférieur à celui prévu, soit 85,6 milliards d'euros, en baisse de 3,4 milliards d'euros par rapport à la prévision de la dernière loi de finances rectificative.

C'est pour ces raisons que nous avons d'ores et déjà annoncé que le déficit public pour 2014 sera inférieur à 4,4 %. Le résultat sera annoncé par l'Insee, dont vous connaissez l'indépendance. Je n'ai pas d'informations plus précises à vous communiquer, mais vous connaîtrez jeudi matin l'ensemble des déficits. Il y a tout lieu de penser que ceux-ci seront inférieurs aux chiffres annoncés. Il ne vous a pas échappé que la Commission européenne comptabilise à titre prévisionnel un déficit de 4,3 %. Nous verrons jeudi ce qu'il en est...

Ce résultat est d'autant plus remarquable si on le compare aux prévisions initiales du PLFSS pour 2014. La loi était fondée, à l'époque, sur une prévision de croissance économique de 0,9 % et une progression significative de la masse salariale de 2,2 %. La prévision initiale de déficit était de 13 milliards d'euros, dont 9,6 milliards d'euros pour le régime général, soit, à 100 millions près, le même niveau que celui auquel nous avons abouti, dans des conditions économiques pourtant bien plus défavorables que les prévisions.

Ces éléments apportent une nouvelle fois la preuve que, depuis 2012, nous obtenons des résultats en matière budgétaire, quelle que soit la conjoncture. Ceci nous encourage à poursuivre l'assainissement des finances publiques, et en particulier des finances sociales, dont le Gouvernement a la lourde charge d'apurer les déficits accumulés.

Cette volonté d'apurement est traduite par le bilan de la caisse d'amortissement de la dette sociale, qui a amorti au cours de l'année 2014 12,7 milliards d'euros de dette, soit un montant équivalent à celui du déficit du régime général.

Bien que certains en aient douté, le Gouvernement a donc mis en place les moyens nécessaires pour poursuivre le redressement des comptes, et ce malgré la conjoncture.

Chacune des branches présente une amélioration par rapport à 2013.

Il s'agit tout d'abord d'une amélioration du déficit de la branche assurance maladie, qui se réduit de 300 millions d'euros. L'Ondam, qui concentre l'essentiel des dépenses de cette branche, a été respecté pour la cinquième année consécutive. Selon des données qui ne sont pas encore définitives, il s'établirait à 178 milliards d'euros pour 2014, soit 300 millions d'euros de moins que prévu dans le PLFSS, alors même que nous avons choisi l'été dernier, dans la loi de financement rectificative, de durcir l'objectif de 800 millions d'euros.

L'objectif pour 2015 a été fixé à partir de ce montant rectifié, ce qui a contribué à diminuer durablement les dépenses d'assurance maladie. Les économies réalisées en 2014 pour ralentir les dépenses et respecter l'objectif ont donc représenté près de 2,4 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les 800 millions d'euros déjà évoqués.

Ces efforts reposent principalement sur des économies sur les prix des médicaments, sur les achats des hôpitaux, sur un plus grand recours aux génériques et sur une plus grande efficience des prises en charge à l'hôpital et en ville, comme le développement de la chirurgie ambulatoire, l'utilisation de référentiels pour la durée des arrêts de travail, par exemple. Ces efforts de productivité et d'efficience ont été entrepris sans dégradation de la qualité du système de soins.

Je profite de cette intervention pour rappeler, comme Marisol Touraine l'a fait avant moi, que les dépenses de santé ne diminuent pas en valeur, mais que leur progression est maîtrisée et sera limitée à 2,1 % en 2015.

Les mesures d'économies prévues de 2015 à 2017 n'impliquent pas, comme il a été parfois affirmé, de suppressions de postes à l'hôpital, mais une meilleure organisation et une plus grande efficience des établissements de santé. Je rappelle qu'en 2015, le secteur hospitalier bénéficiera de près d'environ 1,5 milliard d'euros de crédits supplémentaires. En outre, comme le Gouvernement s'y était engagé, cette maîtrise des dépenses de l'assurance maladie ne repose sur aucun déremboursement ou transfert de financement vers les assurés, sous forme de hausse de franchise, par exemple, moyen que d'autres ont parfois utilisé !

S'agissant de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP), l'excédent déjà constaté les deux années précédentes augmente fortement. Il s'établit à 600 millions d'euros, ce qui permet de réduire la dette accumulée par la branche, dont l'équilibre financier dépend exclusivement des cotisations des employeurs.

Le déficit de la branche famille se réduit lui aussi sous l'effet des mesures prises en 2013 afin de limiter la progression des dépenses. Pour autant, le Gouvernement a assuré le financement des mesures prévues dans le plan pauvreté, soit plus de 100 millions d'euros en faveur des familles les plus modestes, avec la majoration du complément familial pour les familles en deçà du seuil de pauvreté ou la majoration de l'allocation de soutien familial pour les familles monoparentales.

Enfin, le déficit de la branche vieillesse se réduit fortement sous l'effet des mesures de la loi de janvier 2014 et revient à un niveau proche de l'équilibre. Il s'agit du déficit le plus faible des dix dernières années. Même si des mesures de maîtrise des dépenses ont été prises, notamment le décalage des dates de revalorisation, des mesures de justice et d'équité ont marqué l'année 2014, comme la revalorisation exceptionnelle des recettes agricoles de faibles montants, l'abaissement des seuils pour valider un trimestre de retraite pour les travailleurs précaires - emplois à temps partiel ou occasionnels - ou encore la prise en compte de tous les trimestres de congé maternité des femmes pour la retraite. Le minimum vieillesse, enfin, a été porté à 800 euros.

En troisième lieu, les résultats dans le domaine des recettes de la sécurité sociale montrent globalement la prudence des hypothèses retenues par le Gouvernement.

Comme vous le savez, le Gouvernement a constaté, en milieu d'année 2014, une dégradation de la situation macroéconomique, caractérisée notamment par une inflation très basse. En conséquence, nous avions décidé - et vous nous avez suivis - de réviser les prévisions de recettes dès le dépôt du projet de loi de finances pour 2015. Ces prévisions ont été à nouveau ajustées à la marge par la loi de finances rectificative de fin d'année.

Globalement, la progression des revenus d'activité a été meilleure qu'anticipée, avec une hausse de la masse salariale globale de 1,6 %, malgré la relative stabilité du nombre d'emplois. L'ensemble des recettes portant sur les revenus d'activité des salariés agricoles, des indépendants et des employeurs publics a été un peu plus élevé que prévu.

Les contributions fiscales affectées à la sécurité sociale sont restées bien orientées en 2014, notamment les recettes du forfait social, qui ont progressé par rapport à 2013, ainsi que celles des prélèvements sociaux sur les produits de placement. Cette progression vient confirmer que les dispositions prises par le Gouvernement en 2012, c'est-à-dire la hausse du forfait social et l'ajout de deux points de prélèvements sur le capital, n'ont nullement entamé les revenus distribués, tels que l'abondement accordé par les employeurs à leurs salariés.

Par ailleurs, les revenus de plusieurs accises, comme celles sur les alcools, ont été meilleurs que ce que le Gouvernement avait prévu.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 contenait très peu de mesures de hausse du niveau des prélèvements sociaux. La seule mesure d'importance adoptée l'année dernière, qui consistait à soumettre tous les produits de placement au taux en vigueur de 15,5 %, n'a par ailleurs pas eu le rendement escompté initialement. Vous savez que Conseil constitutionnel a décidé d'en exonérer les produits de placement constitués au titre des huit premières années de contrat.

A nouveau, vous avez eu l'occasion de le constater, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ne prévoit pas de hausse des recettes affectées à la sécurité sociale. Les mesures adoptées l'été dernier dans le cadre du pacte de responsabilité représentent même des baisses de prélèvements importantes, plus de 6 milliards d'euros au total pour la sécurité sociale, baisse compensée par l'Etat, celui-ci ayant repris une partie du financement des aides au logement.

Le programme de l'année 2015 est clairement tracé par la dernière loi de financement de la sécurité sociale. Nous poursuivons nos efforts en 2015 pour améliorer encore la situation des finances sociales, et donc des finances publiques, en mettant en oeuvre les économies qui ont été présentées et adoptées dans la loi de financement.

Il n'est évidemment pas question de relâcher l'effort de redressement des comptes. Bien au contraire, au moment où nous constatons que les efforts de maîtrise des dépenses ont porté leurs fruits, même dans une conjoncture peu favorable, nous ne pouvons qu'être encouragés à mettre en oeuvre les économies prévues dans le cadre du plan d'économies de 50 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros portent sur la protection sociale au sens large.

En conclusion, on peut dire que, pour la sécurité sociale, comme pour l'Etat en 2014, les objectifs de réduction du déficit ont été atteints, et même dépassés. La trajectoire de réduction des déficits que nous avons fixée, et qui prévoit de ramener celui de la sécurité sociale à moins de 4 milliards d'euros en 2018, s'en trouve donc plus confortée que jamais. La démonstration est faite que, par des efforts raisonnables, proportionnés aux besoins, répartis sur l'ensemble des dépenses, le redressement des comptes est possible.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Merci. Je comprends que vous soyez satisfait : les chiffres semblent aller dans le bon sens.

J'aimerais vous poser deux questions en tant que rapporteur général.

Selon une revue spécialisée, la dernière note de conjoncture de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) fait apparaître une hausse de 6,2 % des encaissements au quatrième trimestre 2014 ; celle-ci tiendrait à de fortes anticipations, à la fin du mois de décembre, d'encaissements au titre d'échéances de janvier. Le surcroît de recettes observé en 2014 est-il réellement imputable à cet exercice ? Ne risque-il pas de se traduire par de moindres recettes et par une dégradation de la situation en 2015 ?

Ma deuxième question concerne le FSV, dont le déficit se creuse de 600 millions d'euros. C'est peut-être le seul chiffre qui enregistre une évolution divergente par rapport aux autres. Pouvez-vous préciser, en recettes et en dépenses, le détail du solde du FSV ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - S'agissant de la seconde question, le solde du FSV s'est effectivement dégradé de 600 millions d'euros en 2014. Il s'était amélioré de 1,3 milliard d'euros l'année précédente, principalement sous l'effet de l'affectation au FSV des recettes nouvelles issues de l'augmentation du forfait social.

Cette dégradation, selon nos premières analyses, est liée à plusieurs facteurs. Il faudra évidemment quelques temps pour en tirer toutes les conclusions, mais nous sommes déjà parvenus à dégager un certain nombre d'enseignements.

Les recettes ont globalement augmenté de 1,9 % par rapport à l'année précédente. La fraction de forfait social attribuée au FSV a été plus faible en 2014 que l'année précédente. Par ailleurs, les recettes des prélèvements sociaux sur les avantages des préretraites ont reculé. En revanche, les produits de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) ont augmenté.

Quant aux dépenses, elles ont été nettement plus dynamiques, puisqu'elles ont progressé de 4,8 %, contre 4,5 % l'année précédente. Ceci est principalement lié à la conjoncture, puisque les prises en charge de cotisations au titre des périodes de chômage ont coûté 600 millions d'euros de plus que l'année précédente, soit une hausse de 5,7 %. En 2013, ces dépenses avaient même progressé de 7,1 %. Les prises en charge de prestations au titre du minimum vieillesse, du minimum contributif et des majorations pour conjoint à charge sont, quant à elles, stables. Enfin, il faut ajouter le coût de la prime exceptionnelle de 40 euros, versée aux retraités gagnant moins de 1 200 euros par mois. Ceci a représenté un coût de 232 millions d'euros. Les dépenses ont donc progressé d'un milliard d'euros.

A compter de 2015, nous estimons que l'affectation de l'équivalent du montant supplémentaire d'impôt sur le revenu généré par la fiscalisation des majorations de pension au financement du FSV permettra son redressement. Cela représente environ 1,2 milliard d'euros et permettrait de ramener le déficit du FSV à moins de 3 milliards d'euros en 2015, soit moins d'un milliard d'euros en 2017.

S'agissant de votre première question, les comptes de la sécurité sociale sont en comptabilité patrimoniale. Les versements de cotisations dues en 2015 mais intervenus en 2014 seront rattachés à l'exercice 2015. Ils n'auront aucun impact sur les comptes de l'exercice 2014.

M. Jean-Noël Cardoux. - C'est l'éternel problème entre la comptabilité d'engagement et la comptabilité « recettes-dépenses » mais, comme vous l'avez dit, les caisses n'ont arrêté leurs chiffres que le 17 mars, il y a sept jours de cela. Je ne veux pas introduire de polémique. La Cour des comptes tranchera.

Ce que vous nous annoncez est toutefois de bon augure. Vous avez souligné qu'il existait un certain nombre d'écarts, positifs ou négatifs, mais aussi un plus grand contrôle des dépenses, et un meilleur résultat de l'Ondam. La croissance et la progression salariale, moins élevées que prévu, viennent réduire les recettes, mais celles-ci augmentent en revanche du fait de décisions d'augmentation des prélèvements.

Il conviendra de bien distinguer, pour les recettes, ce qui relève des conséquences de la situation macroéconomique et des prélèvements supplémentaires décidés antérieurement.

Mes questions seront très ponctuelles. Vous avez précisé que le rendement de la C3S avait été meilleur que prévu, mais celle-ci va être supprimée à terme. Je crois qu'elle l'a déjà été pour 800 millions d'euros...

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - Un milliard d'euros !

M. Jean-Noël Cardoux. - On sait qu'elle rapportait globalement 5 milliards d'euros, répartis par moitié entre le RSI et le FSV. Lors de l'annonce de sa suppression, le Gouvernement nous a expliqué que le manque à gagner serait pris en charge par le régime général, pour qui cela va représenter une charge supplémentaire de 5 milliards d'euros. Comment allez-vous en assurer le financement pérenne?

Par ailleurs, la réévaluation du franc suisse par rapport à l'euro a eu pour conséquence de faire exploser la dette de certains hôpitaux publics, qui avaient bizarrement emprunté en indexant leurs emprunts sur la devise helvétique. Mme Touraine a annoncé, le 25 février dernier, le doublement du fonds de soutien aux hôpitaux, qui est actuellement de 100 millions d'euros. Quel est le montant de la dette hospitalière pour 2014 ? Comment prévenir à l'avenir ce genre d'événement ? Quel est le mode de fonctionnement du fonds de soutien aux hôpitaux qui ont contracté des emprunts toxiques ? Comment sera-t-il financé ?

Enfin, le Président de la République a annoncé, en début d'année, que le Gouvernement envisageait de fusionner le crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) et les allégements de cotisations sociales liés au pacte de responsabilité. Le Cice est une aide aux entreprises imputée sur l'impôt sur les sociétés, alors que le pacte de responsabilité et de solidarité exonère les entreprises de certaines charges sociales. Sous quelle forme le Gouvernement va-t-il fusionner ces deux aides ? Le budget de la sécurité sociale et celui de l'Etat demeureront-ils imperméables ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - Ainsi que vous l'avez dit, il est encore trop tôt pour entrer dans les détails. Certains phénomènes peuvent se compenser. Vous avez évoqué une croissance et une inflation toutes deux inférieures aux prévisions. La commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) disposera d'informations plus précises à ce sujet. Quant à la Cour des comptes, je rappelle qu'elle a certifié les comptes de chaque branche pour la première fois l'année dernière.

Vos trois questions appellent par ailleurs des réponses précises, au moins pour deux d'entre elles.

Le pacte de responsabilité et de solidarité prévoit la suppression progressive de la C3S dont le produit s'élève à 5,6 milliards d'euros. Le Parlement, sur proposition du Gouvernement, a décidé de supprimer un premier milliard en 2015, un second en 2016, puis le solde en 2017.

La compensation est réalisée par le régime général et, in fine, par l'Etat. Les exonérations de cotisations ont donc bien été intégralement compensées, y compris pour la C3S.

La CGPME, que j'ai rencontrée hier, préfèrerait un allégement de l'impôt sur les sociétés à une suppression de la C3S. Ce n'est pas dans les projets du Gouvernement pour l'instant. Nous nous en tenons au pacte tel qu'il existe aujourd'hui. Les partenaires sociaux pourraient souhaiter un basculement. Ce qui compte toutefois pour le ministre des comptes publics, c'est le « pied de colonne ». Préférer jouer sur l'impôt sur les sociétés plutôt que sur la C3S peut relever d'un choix économique ou stratégique.

Votre seconde question porte sur les emprunts toxiques. Nous avons évidemment suivi le décrochage de l'euro par rapport au franc suisse, à la suite de la décision prise par la Confédération helvétique. De 1,30 euro, le franc suisse est passé en dessous de 1 euro, avant de remonter à 1,07 euro environ.

Ceci n'a pas eu pour effet de faire exploser la dette de tous les hôpitaux publics, mais de certains seulement. Certains taux d'intérêt de 15 % ont grimpé jusqu'à 25 % et les indemnités de remboursement anticipé (IRA) ont parfois atteint des sommes énormes.

L'année dernière, nous avions mis en place un fonds de soutien aux hôpitaux de 100 millions d'euros sur trois ans, soit 33 millions d'euros par an, en « distrayant » une partie de l'Ondam pour en assurer le financement. Nous étions d'ailleurs conscients que cette somme serait peut-être un peu courte pour faire face aux difficultés qui se profilaient, bien avant les évolutions du 15 janvier.

Marisol Touraine a présenté les décisions en faveur des hôpitaux, et je l'ai fait de mon côté s'agissant des collectivités territoriales qui sont bien plus nombreuses à être touchées. Nous avons décidé de doubler le fonds pour les collectivités et, concernant les hôpitaux, de porter l'aide à 300 millions d'euros sur dix ans.

Nous allons donc disposer de 400 millions d'euros, les 100 millions d'euros sous Ondam et les 300 millions d'euros supplémentaires, qui seront étalés sur dix ans. Pourquoi ? Si l'on rembourse de façon anticipée, on pourra ainsi accompagner les hôpitaux dans les discussions et les négociations pour les aider à supporter leurs charges, notamment avec l'aide de la Société de financement local (Sfil).

Comment ces 300 millions d'euros seront-ils financés ? Ils ne seront pas prélevés sur l'Ondam, mais financés intégralement grâce à une majoration d'environ 30 millions d'euros de la taxe de risque systémique sur les banques.

La troisième question que vous avez soulevée est assez large, reconnaissez-le, monsieur le sénateur. Le Cice, couplé avec des allégements de cotisations sociales, est un sujet compliqué.

Le Président de la République a donné une orientation et a évoqué un calendrier éloigné, autour de 2017. Nous avons donc encore un peu de temps pour y travailler, mais cette question comporte beaucoup d'autres sujets, comme celle de la temporalité. Vous savez tous que le Cice est payé par l'Etat avec une année de décalage. Voilà une première difficulté, la gestion dans le temps de ces deux entités étant totalement différente.

Les questions d'assiette sont également importantes. Vous les avez évoquées dans votre propos. Le Cice ne porte en effet que sur les entreprises assujetties à l'impôt, alors que les allégements de cotisations porteraient sur l'ensemble des salariés du secteur privé, dont le secteur de l'économie sociale et solidaire.

Le calendrier évoqué par le Président de la République nous amène aux alentours de 2017. Il s'agit là d'un exercice qui porte sur des sommes très importantes. Le Cice, en année pleine et en vitesse de croisière, représente près de 20 milliards d'euros. Les allégements s'élèvent à plus de 30 milliards d'euros si l'on prend en compte la deuxième phase du pacte de responsabilité et de solidarité, que vous aurez à examiner à la fin de cette année. Nous envisageons, en matière d'exonération de cotisations, d'aller jusqu'à 3,5 fois le Smic, alors que nous nous arrêtons aujourd'hui à 1,6 fois le Smic.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), le 26 février dernier, s'est prononcée sur une demande préjudicielle du Conseil d'Etat relative à la CSG, afin de déterminer si celle-ci constitue un impôt ou une contribution sociale. Il s'agissait de décider si des rentes viagères à titre onéreux de source néerlandaise, déjà imposées aux Pays-Bas, devaient ou non être soumises à contributions sociales en France. Quelles sont les conséquences pour la France de cette décision sur le plan juridique et financier ? Les textes à venir en tireront-ils les conséquences ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - L'arrêt de Ruyter, qui était attendu, a bien entendu retenu toute notre attention. Il était consécutif à une demande du Conseil d'Etat. Avant d'en tirer des conclusions plus définitives, même si l'orientation est bien claire, il y a lieu d'attendre l'arrêt du Conseil d'Etat. Compte tenu de l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne, il semble y avoir peu de doutes quant à ses conclusions, mais il faudra en analyser précisément le contenu.

Je ne voudrais pas que cette affaire soit mal interprétée. Il ne s'agit pas d'une conséquence de décisions prises en 2012, contrairement à ce que je lis parfois. En 2012, nous avons décidé de modifier le taux de CSG applicable à un certain nombre de revenus perçus en France par des Français résidant à l'étranger. Mais le débat est aussi vieux que la CSG elle-même. S'agit-il d'une contribution sociale liée à une affiliation et à l'ouverture de droits, ou d'une contribution de nature fiscale ? En France, il existe des jurisprudences du Conseil constitutionnel et des analyses de spécialistes. La Cour de justice de l'Union européenne semble estimer que l'assujettissement à la CSG devrait être lié à une affiliation à un régime de sécurité sociale. Mais son appréciation n'est en rien liée à la modification législative que cette majorité a décidée à la fin de 2012, dans une loi de finances rectificative.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, président. - Ce n'était pas ma question !

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - En effet, mais j'ai eu l'occasion, à l'Assemblée nationale, d'être assez vivement interpellé à ce sujet par des députés représentant les Français établis hors de France. Plusieurs, comme Frédéric Lefebvre ou Claudine Schmid, ont affirmé qu'on en était là du fait des décisions prises en 2012. Non ! Le sujet est bien celui que vous avez objectivement décrit.

Il s'agit de beaucoup ! Beaucoup ne signifie rien, mais plusieurs centaines de millions sont ici en cause. Il faudra donc prévoir les sommes nécessaires au remboursement, à moins que nous ne revenions sur la nature de la CSG et proposions des dispositions législatives. Ce ne serait alors plus sur cette seule masse qu'il conviendrait de travailler, mais sur l'ensemble de la CSG, ce qui pose la question du financement des régimes de protection sociale. On n'en est pas là...

Il serait toutefois malsain de nier ce débat, qui va arriver devant nous, sauf si le Conseil d'Etat venait à interpréter différemment l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, ce qui serait cependant surprenant. Certains parlent d'un milliard d'euros, voire de deux milliards. Il s'agit en tout état de cause de plusieurs centaines de millions. Le sujet est parfaitement légitime - et, à vrai dire, je m'attendais à ce qu'on l'aborde !

M. Gilbert Barbier. - Concernant l'assurance maladie, je souhaiterais comprendre l'économie de 300 millions concernant la réalisation de l'Ondam pour 2014, par rapport à ce qui avait été fixé dans la loi de financement rectificative pour 2014, la diminution apparaissant moindre. Vous évoquez les dépenses concernant le traitement contre l'hépatite C qui dépasseraient un milliard d'euros. Par ailleurs, la somme consacrée au traitement de l'hépatite C fait-elle partie de l'Ondam 2014, ou s'agit-il de crédits à part ?

Deuxièmement, vous avez dit qu'aucun médicament n'avait été déremboursé depuis 2012. Ce n'est pas tout à fait exact ! Les anti-arthrosiques ont été exclus de la liste des médicaments remboursés le 1er mars dernier - même s'ils n'étaient pris en charge qu'à hauteur de 15 %. Ce ne sont pas des économies substantielles pour l'assurance maladie, mais les déremboursements existent bien ! Pourquoi cherche-t-on à les gommer ?

Disposez-vous par ailleurs, toujours au sujet de l'assurance maladie de la ventilation entre la part des dépenses consacrées aux soins de ville et celles consacrée à l'hôpital ?

Je ne suis pas un fin financier mais, depuis 2014, le déficit des hôpitaux tend à augmenter à nouveau. Il existe un certain nombre de publications sur la dette des hôpitaux. Sont-elles comptabilisées dans le déficit ou s'agit-il de dettes des hôpitaux publics qui échappent à la comptabilité ?

Enfin, le gel de 0,35 % des tarifs d'activité des établissements hospitaliers concerne-t-elle le public et le privé ou bien uniquement le public ?

M. Jean-Marie Morisset. - Monsieur le ministre, à vous entendre, la situation s'améliore, le déficit diminue, les dépenses sont maîtrisées, les recettes augmentent. Cependant, le déficit s'élève encore à 13,2 milliards d'euros. Il ne faut peut-être pas l'oublier !

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - Il y a quatre ans, il était du double !

M. Jean-Marie Morisset. - Il est encore de 13,2 milliards d'euros !

Je voulais par ailleurs revenir à mon tour sur la situation des hôpitaux. Selon vous, il n'y a plus de problèmes dans les établissements. On constate néanmoins que les bilans sont déséquilibrés et les déficits chroniques. Il y a quinze jours, une publication a recensé les hôpitaux en déficit. Pour certains, les sommes ne sont pas négligeables !

Vous avez affirmé que 1,5 milliard d'euros seront consacrés aux établissements hospitaliers. Est-ce pour aider ceux qui sont dans des situations difficiles ou ceux qui rencontrent des difficultés au quotidien ? Mon département compte un hôpital où les postes ne sont plus remplacés à cause des déficits chroniques. Je ne crois pas qu'il s'agisse là de bonnes mesures...

Enfin, votre conclusion me paraît très optimiste. Vous espérez un déficit de 4 milliards d'euros en 2018. Qu'est-ce qui vous fait penser que l'on va pouvoir le réduire en deux ans d'une manière aussi importante ? Les paramètres qui entrent en ligne de compte sont nombreux. Certes, il faut tendre vers cet objectif, mais bien des incertitudes demeurent néanmoins !

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - Le Gouvernement a prévu une baisse des tarifications unitaires des hôpitaux dans un souci d'économies, mais on y accomplit de plus en plus d'actes. L'augmentation tendancielle des dépenses de santé est de l'ordre de 4 %. Les personnes vivent plus longtemps, sont plus nombreuses à se soigner et les soins coûtent de plus en plus cher. Tout cela n'est ni une mauvaise nouvelle, ni une critique, mais un constat. De fait, même si l'on abaisse les coûts unitaires des tarifs, la dépense finale est plus importante. Il ne faut pas qu'il y ait de malentendu entre nous : lorsqu'il s'agit de santé, de maladie, d'emploi, le raisonnement peut apparaître froid et distant, mais si l'on voulait suivre l'évolution naturelle des besoins sans faire d'efforts de maîtrise des dépenses, toutes choses égales par ailleurs, l'augmentation des dépenses d'assurance maladie atteindrait 4 %.

Nous avons fixé pour 2015 un objectif de dépenses de 2,1 %. C'est pourquoi nous considérons que nous réalisons une économie de 1,9 %. Il en va de même pour l'hôpital. J'entends bien ce que vous dites mais, même si les tarifs unitaires ont été baissés - ce qui n'a pas forcément réjoui les hôpitaux, publics ou privés - il n'empêche que les budgets vont augmenter de 1,5 milliard. Ceux qui ont estimé que la réduction des prix pratiqués par les cliniques et les hôpitaux publics allait entraîner une diminution de 22 000 emplois se trompent, bien qu'il existe en effet des hôpitaux où l'on remplace moins les personnels.

Je ne peux répondre précisément à votre question sur le montant de la dette des hôpitaux publics, car nous ne disposons pas aujourd'hui de ce chiffre. Il n'y a toutefois pas lieu de penser qu'il se soit nettement dégradé par rapport aux années antérieures. Il me semble qu'il s'est même amélioré l'an passé. Nous y reviendrons au moment de l'établissement définitif des comptes de la sécurité sociale.

J'en viens aux questions du sénateur Barbier. Le pourcentage de 0,35 % concerne l'ensemble des hôpitaux. Il correspond à un gel prudentiel que nous mettons en place en début d'exercice. Lorsque c'est possible, nous procédons à un dégel. C'est ce qui a été fait pour l'ensemble des crédits hospitaliers.

S'agissant de l'hépatite C, je rappelle que nous avons mis en place le coefficient W que vous avez voté. Il s'agit d'un mécanisme de plafonnement des dépenses liées à cette affection. Comment fonctionne-t-il ? Au-delà de 450 millions d'euros, la loi a prévu que les dépenses seraient réduites de moitié environ. La dépense liée à l'hépatite C, en 2014, a été de l'ordre de 1,2 milliard d'euros. Des remises ont néanmoins été consenties, entraînant une dépense nette de l'ordre de 900 millions d'euros. La réduction de la dépense, sur 450 millions d'euros, s'élèvera donc à environ 250 millions d'euros, soit une dépense totale de 650 millions d'euros, et ce, sans limitation des soins. En effet, la question a été soulevée à un moment donné de savoir quels devaient être les patients à traiter en priorité. Il existe quelques priorités, mais nous avons traité les patients de façon très large.

Votre première question, monsieur le sénateur, portait sur l'évolution de l'Ondam. Soyons précis : la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, que vous avez votée fin 2013, a été « durcie » de 800 millions d'euros par la loi de financement rectificative de la sécurité sociale votée cet été. Les 300 millions d'euros viennent s'ajouter aux 800 millions d'euros. Nous constaterons donc une diminution de l'ordre de 1,1 milliard d'euros par rapport aux prévisions. Le même montant se retrouve en recettes.

Vous avez affirmé que certains médicaments avaient été déremboursés. Non ! Ce n'est pas parce qu'un médicament est à un moment considéré comme utile par la Haute Autorité de santé et d'autres organismes qu'il a vocation à le demeurer ad vitam æternam. L'utilité d'un certain nombre de médicaments est souvent remise en question, pour des raisons purement médicales, liées à des avis des autorités habilitées à se prononcer sur ce sujet. Il est toutefois vrai que la chose est souvent mal vécue et difficile à expliquer.

Mme Laurence Cohen. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir rappelé que, derrière les chiffres que vous avez cités, on trouve des patients qui nécessitent des soins. Il est toujours bon de se souvenir qu'il s'agit avant tout de personnes !

J'ai été très attentive aux réponses que vous avez apportées concernant le remboursement des emprunts toxiques contractés par certains hôpitaux. Je ne partage cependant pas votre optimisme. En tant que parlementaire, je suis alertée à propos de situations extrêmement graves que connaissent certains d'entre eux. J'ai été invitée la semaine dernière par le Centre André Grégoire, à Montreuil, où les intérêts des emprunts toxiques correspondent exactement au plan de licenciement qui est en cours. Le Gouvernement ne peut-il prendre des mesures pour permettre aux hôpitaux de ne plus rembourser ces emprunts toxiques, qui ont des conséquences très graves sur l'exercice médical dans nombre d'entre eux ?

Vous avez par ailleurs évoqué un meilleur contrôle des dépenses, en insistant sur le fait que cela n'avait pas de conséquence sur les soins. Il a été, là encore, beaucoup question des hôpitaux. Je m'interroge cependant, car j'ai entendu Marisol Touraine dire qu'elle souhaitait réaliser 3 milliards d'euros d'économies sur les hôpitaux ! Cela a obligatoirement des conséquences. Bon nombre d'entre eux sont déjà asphyxiés et on y déplore un manque cruel de personnel, alors que les urgences sont saturées.

Il y a quinze jours, le groupe communiste, républicain et citoyen (CRC) a présenté une proposition de loi destinée à supprimer les franchises médicales. Ségolène Neuvile, secrétaire d'Etat, a affirmé que le Gouvernement était très attentif aux dépenses inutiles en matière de santé. Je lui ai demandé de préciser ce qu'elle entendait par là : je n'ai pas pu savoir quelles étaient ces dépenses inutiles !

Tout cela m'inquiète beaucoup, d'autant que les franchises constituent en fait des déremboursements déguisés. Même si vous affirmez ne pas avoir procédé à des déremboursements, vous n'êtes pas allé dans le sens des engagements que vous aviez pris en promettant de supprimer les franchises médicales. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.

Enfin, il existe bien un fonds de soutien aux hôpitaux de 300 millions d'euros sur dix ans, mais il correspond à ce qui était déjà prévu sur un temps plus court. Par rapport au nombre d'hôpitaux en difficulté, c'est extrêmement peu.

S'agissant des recettes, vous vous félicitez de celles que vous avez mises en place. Il s'agit plutôt de recettes fiscales : n'est-il pas temps de changer de regard et d'arrêter d'exonérer le patronat de cotisations sur les bas salaires ? Cela représente, je le rappelle, 30 milliards d'euros par an ! Ne convient-il pas de revoir l'assiette des cotisations patronales en tenant compte de la politique de l'emploi des entreprises ? Quand celles-ci ont une politique de l'emploi vertueuse, on peut alléger les cotisations. Quand ce n'est pas le cas, on peut les augmenter.

Troisièmement, que pensez-vous de la fraude patronale aux cotisations sociales ? Une étude évaluait celle-ci à 20 ou 25 milliards d'euros. Je sais que l'Etat a cherché à en récupérer une partie infime. Quelle est votre politique en la matière ?

M. Jean-Pierre Caffet. - Je crois qu'il faut se féliciter des chiffres que vous avez indiqués, monsieur le ministre. De 27 milliards d'euros de déficit en 2010, on est passé à 13 milliards d'euros en 2014, alors même que la seule année de croissance a été l'année 2011 ! Ceci témoigne des efforts accomplis, qui se partagent entre dépenses et recettes. La dépense est tenue, et ce n'est pas nous qui avons commencé, puisque cela fait la cinquième année consécutive que l'Ondam est tout à fait maîtrisé. Je prends acte de ces chiffres, et je m'en félicite : continuer avec plus de 25 milliards d'euros de déficit était en effet insoutenable.

S'agissant des recettes, la majeure partie de celles-ci proviennent des cotisations sociales. Or, vous avez indiqué que la masse salariale avait progressé de 1,6 % en 2014. Pourriez-vous la décomposer entre emploi et salaire moyen par tête, en tenant compte de l'inflation ? Je n'ai pas le sentiment que l'augmentation de la masse salariale provient de l'augmentation de l'emploi salarié, et encore moins de l'inflation, qui a été quasi nulle...

Ce pourcentage de 1,6 % est très proche de celui donné par l'Insee, qui a indiqué il y a quelques jours que le pouvoir d'achat du salaire moyen par tête avait augmenté en 2014 de 1,4 %, ce qui constitue une évolution considérable et, en tout cas, largement supérieure à la productivité.

C'est satisfaisant pour ceux qui ont en moyenne engrangé un gain de pouvoir d'achat de 1,4 %, mais c'est un peu inquiétant par rapport à l'avenir : sait-on si ce modèle de distribution de pouvoir d'achat est soutenable ? Je sais que l'Etat et les pouvoirs publics n'ont pas de responsabilité directe dans la formation des salaires en France, mais on peut se demander si de telles évolutions, si elles venaient à perdurer, ne seraient pas de nature à contrecarrer les efforts que réalisent les pouvoirs publics pour alléger les charges des entreprises.

Mme Catherine Procaccia. - J'indique à M. le ministre qu'on devrait connaître l'an prochain une amélioration des comptes du fait de la gestion par la sécurité sociale de la Mutuelle des étudiants (LMDE). Les ristournes de gestion versées pour la LMDE devraient donc en grande partie disparaître - mais on parle là de 2014, et non de 2015.

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - Monsieur Caffet, votre question est légitime. Vous désirez connaître les effets respectifs de l'augmentation des effectifs et de l'augmentation du salaire moyen. J'ai en partie répondu à votre question dans mon propos liminaire. Les effectifs sont quasiment stables, alors que le salaire moyen a connu une augmentation de l'ordre de 1,6 ou 1,7 %, ainsi que vous l'avez indiqué.

Il faut relever que l'inflation a été quasi nulle en 2014. Les conclusions économiques ou sociales que vous en tirez vous appartiennent. Mes responsabilités ministérielles m'obligent à m'en tenir à cette réponse, même si je peux en partager un certain nombre en revêtant d'autres casquettes. Est-ce soutenable ou non ? On pourra prolonger ce débat à un autre moment, d'autant que vous avez indiqué que les capacités du Gouvernement ou du Parlement à influer sur ces paramètres sont relativement faibles.

Mme Procaccia a soulevé une question à propos de la LMDE. Nous travaillons avec les gestionnaires techniques de tous les régimes - MSA, régime général, RSI, LMDE MGEN, etc. - en recourant parfois à des conventions pluriannuelles. Nous constatons qu'un certain nombre d'efforts et d'économies sont obtenus grâce aux regroupements et à la mise en commun d'outils informatiques.

La LMDE est dans une situation délicate ; elle est actuellement placée sous sauvegarde de justice. Des discussions ont lieu pour organiser les choses et étudier les remises de gestion. On sait que celles-ci sont parfois importantes. Des économies importantes ont été réalisées par les organismes de gestion d'une façon générale.

Je reviens sur la question de Mme Cohen à propos des emprunts toxiques. J'ai souvent eu l'occasion de m'exprimer à ce sujet. Il faut toujours garder à l'esprit que Dexia, principal acteur de ce domaine, a été d'abord recapitalisé, puis découpé. Au bout du compte, Dexia a logé tous les emprunts toxiques dans la Sfil, qui a pour actionnaires à parité la Caisse des dépôts et consignations et la Banque postale. Ces deux organismes ont conditionné leur entrée au capital de la Sfil à l'obtention de la garantie de l'Etat. Je suis très à l'aise pour le dire, puisque ce sont les précédentes majorités qui ont mis cela en place. Je ne suis pas sûr qu'il ait été possible de faire autrement. C'est pourquoi je le dis avec sérénité et sans esprit polémique.

C'est en 2008 et 2010 que les gouvernements de l'époque ont constitué cette structure, afin d'y « cantonner » les emprunts toxiques et éviter un effondrement plus généralisé. Si la Sfil vient à se « casser la figure », c'est l'Etat qui assumera la perte. Cette perte, nous l'avons étudiée à plusieurs reprises : elle peut aller jusqu'à 15 milliards d'euros. Ces emprunts sont titrisés, revendus, et l'on ne sait plus très bien qui les a émis. Aujourd'hui, les premiers créanciers sont tranquilles. Les derniers sont la Sfil et l'Etat !

Cesser de les rembourser réglera le problème des hôpitaux, mais non celui de l'Etat. Cela revient donc au même ! C'est un raccourci : Dexia n'est pas le seul à avoir émis des emprunts toxiques. Il n'y a pas eu que des emprunts en franc suisse : il en existe d'autres, comme les snow balls, etc. Les banques peuvent, tout comme Bercy, avoir de l'imagination !

On ne peut résoudre le problème en arrêtant de rembourser ces prêts, car c'est l'Etat - donc le contribuable - qui paiera. Il en va de même pour les collectivités et les contribuables locaux. Certains maires ont, entre temps, été remplacés. Quelques-uns ont été floués, mais certaines collectivités ont choisi sciemment des produits risqués ; elles ont parfois profité du dispositif durant plusieurs années, et le payent maintenant très cher...

Enfin, concernant le fonds de soutien aux hôpitaux, il ne s'agit pas de 300 millions d'euros mais de 400 millions d'euros, madame Cohen. On avait à l'origine prévu 30 millions d'euros par an sur trois ans. Ce fonds sera finalement doté de 30 millions d'euros supplémentaires sur dix ans, 60 millions d'euros les trois premières années, puis 30 millions d'euros les sept années suivantes, soit 400 millions d'euros au total.

Les dispositifs seront avant tout destinés aux structures les plus fragiles. Certains petits hôpitaux, comme les collectivités, sont touchés par les emprunts toxiques. De grands centres hospitaliers ont parfois un ou deux emprunts toxiques au milieu d'un « panier » plus sain. Nous allons travailler avec la Sfil et les acteurs du secteur afin de déterminer les priorités.

Vous avez évoqué les exonérations des cotisations, en estimant qu'il serait plus sain de les supprimer pour augmenter les recettes de la sécurité sociale. Je rappelle que toutes les exonérations qui ont été décidées sont compensées par le budget de l'Etat. C'est le cas des 30 milliards que vous avez cités ou de la suppression progressive de la C3S. Je sais combien le Parlement est vigilant sur ce point.

Vous avez par ailleurs émis un voeu et demandé que les exonérations de cotisations soient modulées « en fonction du comportement vertueux des entreprises ». Toutefois, le Conseil constitutionnel ne manquerait pas de nous censurer pour incompétence négative. Par ailleurs, chacun peut avoir sa propre conception de la vertu...

Mme Laurence Cohen. - Pour les collectivités territoriales, il s'agit d'entreprises qui favorisent l'emploi et ont une politique salariale égalitaire entre les femmes et les hommes.

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - On s'interroge aussi beaucoup au sujet des collectivités territoriales. Tous les gouvernements ont reculé sur la DGF, que ce soit en matière de fonctionnement, d'investissement, de ratio d'endettement ou de surendettement.

L'exercice est difficile - ce qui ne signifie pas que la question ne soit pas soluble. Beaucoup d'entre nous - et j'en fais partie - ont imaginé de conditionner l'attribution d'un certain nombre d'aides fiscales ou d'exonérations de cotisations à la création d'emplois. De fait, on sortirait du dispositif toutes les entreprises en difficulté, qui ne sont d'ailleurs pas forcément les dernières à devoir être aidées.

On peut aussi imaginer de conditionner les exonérations à des critères de résultat. Là encore, en fonction des différences de marges entre les secteurs d'activité, nous nous retrouverions très rapidement devant un certain nombre de difficultés. Il est tout à fait normal d'avoir ce débat, qui est sous-jacent à tous les partis politiques.

J'en profite pour en revenir à la question sur la fusion du Cice et sur l'exonération de charges sociales. Le principal reproche fait au Cice est le fait qu'il n'est pas suffisamment ciblé. Or, cela représente une difficulté constitutionnelle importante. Imaginez que le Parlement décide d'accorder un crédit d'impôt à toutes les entreprises, sauf celles de la grande distribution ! J'ai peu de doute sur la constitutionnalité d'un tel dispositif...

Diminuer les cotisations ou consentir un crédit d'impôt revient au même ! Quand on exonère une entreprise de cotisations sociales, on peut jouer sur sa taille ou sur des fourchettes de salaires. C'est ce que nous avons fait pour le Cice et ce que nous faisons en matière d'exonérations de charges. Suivant les niveaux de salaires, on est plus dans des secteurs industriels ou des secteurs de services. Cela étant, le ciblage reste relatif.

Voilà les débats qui sont devant nous. Ils sont parfaitement normaux, mais il est très difficile de trouver la bonne réponse législative.

Les questions de la parité entre les hommes et les femmes sont plus faciles à mettre en oeuvre, et je crois que vos collègues des différentes commissions concernées nous ferons des propositions.

Vous avez évoqué les 3 milliards d'euros d'économies sur les crédits hospitaliers. J'attire votre attention sur le fait qu'ils étaient prévus sur trois ans et non sur un an. Ce milliard annuel est calculé par rapport à l'évolution tendancielle dont je parlais il y a quelques instants. Les dépenses hospitalières sont de l'ordre de 75 milliards d'euros par an. L'augmentation de 4 % représente quasiment à 3 milliards d'euros. Si l'on ne fait rien, ces dépenses augmenteront de 3 milliards par an. Si on les diminue d'un milliard d'euros, elles n'augmenteront plus que de 2 milliards d'euros par an. On commence à s'approcher de la somme de 1,5 milliard d'euros que j'évoquais.

Enfin, vous évoquiez la lutte contre la fraude. Elle est réelle, mais il est, par nature, toujours difficile de la quantifier. Un plan national de lutte contre la fraude sera présenté d'ici quelques semaines. La lutte contre la fraude sociale est un des points sur lesquels nous travaillons, avec le ministère du travail, le ministère des affaires sociales et différents organismes. Je trouve les chiffres que vous avez cités excessifs, même si l'on peut faire mieux...

Mme Laurence Cohen. - Il ne s'agit pas de mes chiffres, mais de ceux de la Cour des comptes !

M. René-Paul Savary. - Les critères actuels relatifs aux dotations des collectivités n'ont rien de vertueux, contrairement à ceux des hôpitaux ! La diminution de la DGF est calculée en fonction de la fiscalité : moins on est fiscalisé, plus on est prélevé ; quant à la péréquation, plus on est endetté, plus on est récompensé ! On pourra donc améliorer ces critères. Cela étant, il sera facile de faire mieux en matière de parité, grâce aux binômes hommes-femmes.

Pour en revenir au déficit de la sécurité sociale, vous avez émis un avis partagé par tout le monde en rappelant que les critères structurels, comme le vieillissement ou l'innovation, concourent à la progression de ces dépenses. Vous affichez néanmoins une diminution significative, puisqu'on arriverait presque à penser que le déficit sera nul en 2020 si les choses continuent ainsi !

Toutefois, vous instaurez parallèlement le tiers payant, dont beaucoup pensent qu'il sera plutôt inflationniste et déresponsabilisera nos concitoyens, que ce soit ceux qui sont en difficulté et pris en charge au titre de la couverture maladie universelle (CMU), ou ceux qui paient une forte assurance et qui, à ce titre, ont tendance à vouloir en amortir le coût.

Est-ce à dire que vous croyez que le tiers payant sera une manière de fonctionnariser les médecins, du fait de l'absence de relations d'argent avec les patients et, en conséquence, que l'on pourra prendre un certain nombre de mesures dans les prescriptions et la sectorisation pour parvenir, par ce biais, à une diminution des dépenses sociales ? Est-ce l'intention du Gouvernement pour maîtriser les dépenses sociales ?

M. Yves Daudigny. - J'ai rencontré cette semaine nombre d'artisans et de commerçants. Pourriez-vous, en quelques mots, nous dire où nous en sommes de l'évolution du régime social des indépendants (RSI) ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat. - Monsieur Savary, les questions que vous posez sont de nature assez large. Vous évoquez le sujet des collectivités. Nous aurons l'occasion de nous retrouver à ce propos, notamment sur les critères sur lesquels s'appuie la péréquation ou la DGF. Jean Germain, votre collègue, et Christine Pirès-Beaune sont en train de travailler sur la question. Des groupes de travail du Comité des finances locales (CFL) se mettent en place. Nous travaillons sur une réforme de la DGF prévue à la fin de l'année. Les questions que vous soulevez à propos des critères pourront peut-être trouver des solutions, si chacun s'inscrit dans une démarche constructive plutôt que biaisée - ce qui n'est absolument pas votre cas, monsieur le sénateur.

Concernant le tiers payant, je suis l'évolution avec grand intérêt, même si c'est davantage de la compétence de ma collègue Marisol Touraine, avec laquelle vous aurez certainement l'occasion de débattre à nouveau longuement de ces questions. Il y a quelques semaines, on nous affirmait que cela ne fonctionnerait pas, qu'il faudrait embaucher une secrétaire pour gérer les remboursements, et l'on mettait en avant une kyrielle de facteurs techniques pour nous dire qu'il s'agissait d'une usine à gaz ! Même lorsqu'on a parlé d'un remboursement dans un délai de sept jours, avec pénalisation en cas de retard, on n'a pas voulu nous croire. Les pharmaciens pratiquent le tiers payant depuis longtemps : ils ne s'en plaignent pas. Je n'ai pas entendu de pharmaciens manifester leur désaccord à ce sujet. Cela ne les empêche pas d'avoir des relations avec les patients ou les laboratoires, et tout cela semble convenir à tout le monde !

Aujourd'hui, le discours change. Celui que vous venez de développer, je l'entends pour ma part depuis longtemps. Toutefois, personne ne se plaint qu'en échange de la prescription de médicaments génériques, les médecins perçoivent un bonus ou se voient infliger des pénalités en cas de comportement inadéquat.

Il faut savoir que c'est l'argent public issu des cotisations qui finance les dépenses de santé. L'un d'entre vous semblait tout à l'heure mettre en doute notre capacité à réduire les déficits sociaux : tout cela y participe. Il n'y a pas de volonté de flicage mais, comme dans les affaires, celui qui paye contrôle !

M. Daudigny a évoqué la question du RSI. Je l'en remercie. Il faut en effet rappeler les responsabilités. En 2006 et 2008, des décisions ont été prises par le Gouvernement de l'époque, qui ont conduit à décider une fusion « à la hussarde » de plusieurs entités assez différentes, qui ne disposaient pas des mêmes systèmes informatiques. Tous les acteurs du secteur avaient pronostiqué que le système ne fonctionnerait pas. M. Dutreil a insisté et a obtenu, avec l'aval des différents ministres des affaires sociales, la création ex nihilo du RSI.

Ceci a provoqué ce que la Cour des comptes a appelé une « catastrophe industrielle », qui a entraîné 1,5 milliard d'euros de pertes de cotisations, sur lesquelles on a fini par s'asseoir. On n'était pas à cela près, mais quand même !

On a par ailleurs perdu 300 000 dossiers informatiques individuels permettant de calculer les droits à la retraite des demandeurs. On a été obligé de les reconstituer quasiment à la main. Il a fallu demander à nouveau aux personnes concernées des informations sur leur carrière pour la reconstituer et calculer leurs droits à pension.

C'est le passé. Il nous appartient aujourd'hui de regarder vers l'avenir. Je me suis rendu à Nantes, dans une des caisses du RSI, en compagnie de Carole Delga. Nous avons discuté avec les acteurs du secteur. Les problèmes techniques de circulation de l'information sont aujourd'hui en voie de règlement, même s'il en reste malgré tout, ainsi que vous devez le voir dans vos permanences. L'accueil téléphonique, qui avait été externalisé dans de très mauvaises conditions va être réinternalisé, à la demande des administrateurs bénévoles du RSI, qui ne sont pas forcément membres d'organisations syndicales. Les Urssaf et les gestionnaires du RSI ont créé des structures communes ; ils peuvent ainsi avoir accès aux deux systèmes informatiques, ce qui permet une gestion commune pour le recouvrement. Il n'y a aucune raison technique pour que cela ne marche pas.

Il existe également des motifs politiques aux protestations actuelles et l'amalgame est souvent fait avec des difficultés techniques dont la résolution a pris du temps. Il faut bien expliquer que les personnes concernées paient à la fois les cotisations patronales et salariales, ce qui explique le niveau des charges. Or - et certains, comme la CGPME, que j'ai rencontrée hier et qui ne s'est pas associée aux manifestations, le comprennent - si les personnes affiliées au RSI étaient au régime général, elles paieraient bien plus cher, contrairement à ce qu'elles pensent. Elles bénéficient cependant des mêmes prestations. Il faut donc que nous entreprenions collectivement un effort de pédagogie. Les caricatures sont en effet nombreuses et les dysfonctionnements techniques ont suscité des réactions politiques.

Enfin, les cotisations sont actuellement calculées sur les résultats nets de l'affilié à l'année n - 2. Le système d'acompte et de régularisation est aujourd'hui très mal vécu par les affiliés - à juste titre d'ailleurs ! A partir du 1er avril, les gestionnaires du RSI mettront en place une disposition leur permettant de calculer leurs cotisations sur le dernier exercice connu, qui fonctionne par douzième avec une régularisation en fin d'année, mieux que ce qui est fait pour l'impôt sur le revenu !

Il existe encore quelques problèmes de reversement, parfois de nature juridique : la Cour des comptes impose que les remboursements, au-delà d'un certain seuil, ne se fassent pas de façon automatique, mais soient l'objet d'un contrôle préalable approfondi, faute de quoi elle ne pourrait certifier les comptes. Nous sommes en train d'étudier s'il est possible de régler ce genre de situation.

La réunion est levée à 19 heures.

Mercredi 25 mars 2015

- Présidence de Mme Catherine Génisson, vice-présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un enfant ou d'un conjoint - Examen du rapport et du texte de la commission

La commission examine, sur le rapport de M. Jérôme Durain, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d'un enfant ou d'un conjoint (n° 127, 2011-2012).

EXAMEN DU RAPPORT

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Outre les congés annuels nécessaires au repos des salariés, le code du travail prévoit, dans son article L. 3142-1, le bénéfice d'autorisations exceptionnelles d'absence dans certaines circonstances de leur vie personnelle : mariage, naissance d'un enfant ou décès d'un proche.

Le nombre de jours de congés varie selon les situations : il est par exemple d'une journée en cas de décès d'un parent, d'un beau-parent, d'un frère ou d'une soeur, de deux jours en cas de décès du conjoint ou d'un enfant et de quatre jours en cas de mariage du salarié.

Le congé est accordé sur présentation de justificatifs (acte de naissance, acte de décès...) et n'entraîne, pour le salarié, ni perte de rémunération ni réduction de ses droits à congés payés. Il n'est pas nécessairement pris le jour de l'événement considéré mais peut l'être dans les quelques jours qui suivent ou qui précèdent.

Issue d'une initiative de Michèle Delaunay, la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 23 novembre 2011, porte de deux à trois jours la durée du congé en cas de décès du conjoint ou du partenaire de Pacs et de deux à cinq jours la durée du congé accordé en cas de décès d'un enfant.

A la différence de la proposition initiale, le texte adopté par l'Assemblée nationale ne distingue pas selon que l'enfant est à charge ou non et ne prévoit pas d'augmentation en cas de décès d'autres parents proches (parents, beaux-parents, frère et soeur).

Deux types de considération justifient, selon moi, une telle démarche :

- des considérations pratiques tout d'abord : un congé de deux jours est à l'évidence trop bref pour permettre au salarié de faire face, dans de bonnes conditions, aux conséquences du décès - assurer l'organisation des obsèques notamment -, ce qui amène un grand nombre de salariés à demander un arrêt maladie pour disposer d'un délai supplémentaire ;

- des considérations éthiques ensuite : on peut s'étonner que la durée du congé soit plus élevée en cas d'événement heureux et - le plus souvent - prévisible (mariage, naissance) qu'en cas de décès d'un proche.

Au-delà de cette observation, je me garderai bien de tenter une quelconque hiérarchisation entre les épreuves personnelles qui peuvent affliger les salariés tant elles touchent à leur histoire personnelle ou à leur intimité.

Le texte qui nous est soumis est le fruit d'un compromis et d'un consensus.

Il est le fruit d'un consensus sur la nécessité d'augmenter la durée du congé en cas de décès d'un enfant ou du conjoint. Je signale à cet égard que notre commission a déjà adopté un texte comparable en 2006 sur le rapport de son président d'alors, Nicolas About. Adopté par le Sénat le 22 juin 2006 avec un avis de sagesse du ministre Gérard Larcher, cette proposition de loi portait à 4 jours la durée du congé en cas de décès du conjoint, du concubin ou d'un enfant. Mais cette proposition de loi n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. La proposition de loi de Mme Michèle Delaunay a, quant à elle, été adoptée à l'Assemblée nationale à l'unanimité des suffrages exprimés, le ministre du travail d'alors, Xavier Bertrand apportant son soutien et l'avis favorable du Gouvernement.

Ce texte est aussi le fruit d'un compromis sur la nécessité de limiter la charge supplémentaire pour les entreprises en se bornant aux enfants et au conjoint pour les parents proches ouvrant droit à un allongement du congé accordé en cas de décès.

Nous sommes dans l'incapacité de chiffrer le coût actuel de ces absences pour les entreprises et a fortiori, de déterminer l'augmentation induite par ce texte.

Il me paraît légitime de penser que cette charge est trop modeste pour avoir un impact significatif sur notre économie ou sur l'emploi pour plusieurs raisons :

- comme nous pouvons tous l'observer, il n'est pas rare que ce type de situation trouve une solution dans le cadre d'un échange avec l'employeur ;

- au-delà du dialogue informel, des accords collectifs d'entreprise ou de branches couvrent ces sujets. La Direction générale du travail estime ainsi que 9,5 millions de salariés bénéficient d'ores et déjà de congés pour événements familiaux d'une durée supérieure à celle prévue par le code du travail ;

- enfin, sur les 550 000 décès par an, tous ne concernent pas des salariés et ne donnent pas lieu à congé.

Ce texte ne devrait donc pas occasionner un surcoût hors de proportion pour les entreprises et permet donc avant tout d'uniformiser les droits des salariés et de leur permettre de ne pas dépendre de la compassion de leur employeur.

Je passe rapidement sur la suppression de l'article 2 : le gage prévu n'était ni opérant, ni nécessaire dans la mesure où la proposition de loi n'aggrave pas les charges publiques.

En conclusion, je vous propose de soutenir le projet des auteurs de la proposition de loi d'améliorer les droits des personnes affligées par le décès d'un proche et vous recommande d'adopter ce texte sans modification.

M. Philippe Mouiller. - A titre personnel, je salue cette belle initiative même si je regrette que ce texte n'ait pas été inscrit plus tôt à notre ordre du jour. Je conçois que l'impact de ce texte est difficile à évaluer mais j'aurais trouvé intéressant qu'une évaluation soit réalisée par les organisations patronales.

M. Jean Desessard. - Mon groupe votera ce texte, déposé, je souhaiterais en avoir confirmation, par le groupe socialiste de l'Assemblée nationale.

Mme Brigitte Micouleau. - Je soutiens cette proposition de loi qui représente une avancée pour les familles dans le malheur. L'imprécision quant à son impact financier pour les entreprises est dommageable même si, à mon avis, cet impact est limité.

Mme Anne Emery-Dumas. - Ce texte a le soutien du groupe socialiste. Il rétablit l'équité entre les salariés notamment pour ceux qui ne sont pas couverts par des accords de branche. On peut regretter que nous soyons conduits à examiner une proposition de loi venant de l'Assemblée nationale alors que celle-ci n'a jamais inscrit à son ordre du jour le texte qui avait été adopté par le Sénat, mais c'est sans doute le jeu de nos institutions.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Je ne pense pas que ce soit le jeu de nos institutions et je trouve regrettable qu'il n'y ait pas plus de confiance entre les deux assemblées. J'espère que le Sénat votera ce texte : nous nous monterons alors beaux joueurs en adoptant une proposition de loi « About » rebaptisée « Delaunay ».

Mme Catherine Génisson. - Nous connaissons tous l'esprit humaniste de Michèle Delaunay.

M. Dominique Watrin. - Je trouve moi aussi regrettable d'avoir perdu autant de temps et je pense qu'il ne faut pas en perdre davantage. Ce texte va dans le sens d'une harmonisation des droits des salariés. Sous réserve de la position de mon groupe, qui ne s'est pas encore prononcé, je voterai ce texte.

M. Jean-Noël Cardoux. - Je suis sensible à la question du coût pour les entreprises mais le rapporteur a bien noté que le nombre de personnes concernées est restreint. Il faut aussi souligner que devant de pareils événements, on observe une grande solidarité entre salariés pour faire face à l'absence de l'un d'entre eux. Le groupe UMP votera ce texte sans déposer d'amendements.

Mme Françoise Gatel. - Il s'agit incontestablement d'une proposition de loi humaniste mais je suis gênée par la formule considérant que le coût n'est sans doute pas « hors de proportion pour les entreprises ». Il serait intéressant de regarder plus globalement les congés auxquels les salariés ont droit et de trouver une solution dans ce cadre.

M. Jean-Marie Morisset. - J'ai voté ce texte en 2011 à l'Assemblée nationale et je continue à le soutenir tout en relevant le temps qu'il lui a fallu pour venir en discussion dans notre assemblée. Il faut relativiser le coût pour les entreprises. On observe en général une grande solidarité.

Mme Patricia Schillinger. - Je soutiens ce texte mais mon interrogation va au-delà. En tant que frontalière, je voudrais souligner la nécessité d'une harmonisation européenne.

M. René-Paul Savary. - Je soutiens ce texte mais il me semble qu'il va à contre-courant d'une nécessaire simplification en ajoutant encore un article au code du travail. Il faudrait réexaminer entièrement de code au regard des besoins des entreprises.

M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Mon interrogation porte sur un dispositif connexe, la loi permettant le don de jours de congés en cas de maladie d'un enfant dont il semble qu'elle rencontre des difficultés d'application.

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Je vous remercie pour le soutien apporté à ce texte qui ne rencontre, au-delà des questions de procédure parlementaire et d'évaluation, pas d'objections de fond. Il n'ajoute pas d'article au code du travail mais modifie un article existant.

Je n'ai pas d'explication à apporter sur le délai intervenu dans l'inscription de ce texte à notre ordre du jour. Il semble qu'aucune raison technique ni politique ne puisse être invoquée.

Sur la question des coûts, notre commission a consulté les partenaires sociaux et aucune objection ne nous est parvenue de la part des organisations patronales. Certaines organisations syndicales plaident, quant à elles, pour une plus grande générosité.

Une harmonisation européenne ne relève pas des compétences de l'Union européenne mais des dispositifs comparables existent dans d'autres Etats membres où cette question est réglée au niveau du contrat de travail ou de la branche.

Mme Catherine Génisson. - Je constate qu'il n'y a pas d'amendement.

La proposition de loi est adoptée sans modification à l'unanimité.

La réunion est levée à 9 h 58.