Mardi 5 juillet 2016

- Présidence de Mme Corinne Féret, présidente -

La réunion est ouverte à 13 h 30

Examen du rapport

Mme Corinne Féret, présidente. - Mes chers collègues, six mois après le lancement de notre mission d'information, nous voici parvenus à la dernière étape de nos travaux : l'examen des amendements sur le projet de rapport et le vote sur l'ensemble de ce projet.

Nos rapporteurs nous ont présenté leur avant-projet de rapport le 23 juin, ce qui a laissé à chacun d'entre nous le temps d'en consulter la version écrite et de préparer des amendements. Plusieurs d'entre nous en ont déposé, dont nos rapporteurs eux-mêmes, qui nous proposent quelques modifications et adjonctions à leur projet initial.

Pour une plus grande commodité, nous examinerons les amendements, dont la liasse vous a été distribuée, dans l'ordre des pages du rapport auxquelles ils se rapportent.

Par ailleurs, je rappelle que les membres de la mission d'information et les groupes politiques pourront, s'ils le souhaitent, faire annexer au rapport, respectivement, des positions personnelles et de groupe. Ces observations devront être transmises au secrétariat de la mission d'information sous format numérique au plus tard après-demain, jeudi 7 juillet, à dix-sept heures. La taille de ces contributions ne devra pas excéder trois ou quatre pages au grand maximum, car il ne s'agit pas d'écrire un contre-rapport !

Les grandes lignes du projet de rapport nous étant déjà connues, et comme certains d'entre nous sont soumis à des contraintes d'horaires, je suggère que nous commencions par examiner les amendements ; si vous en êtes d'accord, je donnerai ensuite la parole à un représentant de chaque groupe, après quoi nous pourrons, selon le temps qui nous restera, procéder à un échange de vues plus large. (Marques d'acquiescement)

Je vous invite à la brièveté, afin que tous ceux de nos collègues qui le souhaitent puissent prendre la parole.

Bien entendu, cette réunion ne fait pas l'objet d'une captation vidéo, mais un compte rendu en sera établi qui, comme celui de nos autres travaux internes, sera publié en annexe du rapport.

La présidente donne lecture des pouvoirs accordés par certains des membres de la mission.

Je tiens, avant de donner la parole à nos rapporteurs, à remercier tous les membres de la mission d'information pour la part qu'ils ont prise à nos travaux, en particulier pour leur assiduité lors de nos auditions, dont le nombre ne les a pas découragés. Je remercie également les fonctionnaires affectés au secrétariat de la mission d'information, dont le concours nous a été extrêmement précieux.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Comme la présidente l'a annoncé, nous commencerons par examiner les amendements, dans l'ordre des pages auxquelles ils se rattachent ; il s'agit des pages du projet de rapport dans la version provisoire qui vient de vous être distribuée. Après quoi chacun pourra prendre la parole pour des explications de vote sur l'ensemble du rapport. Cette méthode me paraît la meilleure, dans la mesure où certains d'entre nous ont d'autres obligations, liées notamment à la séance publique.

Amendement n° 1
Présenté par les rapporteurs

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Cet amendement de vos rapporteurs vise simplement à expliquer pourquoi la mission d'information n'a pas pu entendre le ministre de l'intérieur, qui est aussi chargé des cultes. Il serait courtois à son égard de préciser que les circonstances et son agenda n'ont pas permis cette audition.

Au demeurant, la présidente de notre mission d'information, en plein accord avec les rapporteurs, demandera l'organisation d'un débat en séance publique sur les conclusions de nos travaux, ce qui permettra non seulement à l'ensemble de nos collègues d'en être informés, mais aussi au ministre de l'intérieur de s'exprimer sur notre rapport.

L'amendement n° 1 est adopté.

Mme Corinne Féret, présidente. - Je constate que cet amendement n° 1 a été adopté à l'unanimité des présents.

Amendement n° 17
Présenté par Mme Corinne Féret et les membres de la mission appartenant au groupe socialiste et républicain

Mme Corinne Féret, présidente. - À la page 10 du projet de rapport, on lit : « Vos rapporteurs regrettent qu'aucun représentant du groupe communiste républicain et citoyen n'ait jugé utile de participer à ces travaux ». Je vous propose de remplacer l'expression « n'ait jugé utile » par l'expression « n'ait souhaité ».

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - C'est une très bonne proposition.

L'amendement n° 17 est adopté à l'unanimité des présents.

Amendement n° 1 bis
Présenté par les rapporteurs

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Vos rapporteurs proposent de préciser les contraintes de procédure qui ont compliqué l'organisation de nos réunions.

M. François Grosdidier. - Ce sont des questions organisationnelles purement internes. Il ne me paraît pas utile d'en faire mention dans un rapport destiné au public ; il serait en revanche judicieux de les exposer au président du Sénat et au Bureau.

Mme Fabienne Keller. - Comme M. Grosdidier, je trouve que les observations de cet ordre sont à vocation interne.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Dans ces conditions, l'amendement est retiré.

Mme Fabienne Keller. - Merci, madame la rapporteur.

Mme Corinne Féret, présidente. - L'amendement n° 1 bis est retiré.

Amendement n° 26
Présenté par M. André Reichardt et Mme Fabienne Keller

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Nous présentons cet amendement, Mme Keller et moi-même, qui sommes, si je puis dire, les régionaux de l'étape, puisque nous sommes tous les deux élus dans des départements concordataires.

M. Michel Amiel. - N'oubliez pas M. Bigot !

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Je ne doute pas que M. Bigot souscrira à notre proposition !

Le professeur Francis Messner est bel et bien, ainsi qu'il est écrit dans le rapport, l'un des meilleurs experts du droit des cultes alsacien-mosellan ; mais il est aussi, plus généralement, l'un des meilleurs experts du droit des cultes en France et en Europe. Mme Keller et moi-même proposons de lui donner cette qualité méritée.

Nous suggérons également de compléter le dernier paragraphe de la page 14 du projet de rapport par la précision suivante, concernant la rencontre que nous avons eue à Strasbourg avec le professeur Messner : « au cours de laquelle a été présentée une intéressante étude sur la situation comparée des cultes en France et en Allemagne ». En effet, celles et ceux d'entre nous qui ont assisté à cet exposé s'en souviennent comme d'un moment marquant. Cette seconde partie de notre amendement n'apparaît pas dans la liasse que vous avez sous les yeux, mais elle avait été transmise au secrétariat en temps utile : il s'agit d'un simple problème de reprographie et non d'une rectification d'amendement.

Mme Fabienne Keller. - L'autorité de Francis Messner, à qui M. Valls, alors ministre de l'intérieur, avait confié un rapport sur le financement des cultes, dépasse de beaucoup l'Alsace-Moselle.

L'amendement n° 26 est adopté dans sa rédaction complète.

Amendement n° 27
Présenté par M. André Reichardt et Mme Fabienne Keller

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Fabienne Keller et moi-même proposons de modifier la rédaction de l'avant-dernier paragraphe de la page 16 du projet de rapport, pour constater que « le régime alsacien-mosellan ne peut naturellement pas répondre à toutes les interrogations soulevées lors des travaux de la mission d'information ».

D'autre part, nous suggérons d'ajouter à ce paragraphe une phrase supplémentaire : « Pour autant, c'est un autre exemple de pratique des relations entre l'État et les religions qui comporte des pistes de solutions sur plusieurs questions. » Je précise qu'il est écrit, au paragraphe suivant, qu'il n'est évidemment pas question d'étendre ce régime, pour diverses raisons, notamment financières.

M. Jacques Bigot. - La phrase que M. Reichardt propose d'ajouter à la fin de l'avant-dernier paragraphe en question suppose que l'on détaille les « pistes de solutions » auxquelles on pense. Elle laisse supposer en effet que nous voudrions proposer des solutions s'inspirant du Concordat. Peut-être serait-ce ouvrir la boîte de Pandore, mais je peux comprendre l'état d'esprit dont cette proposition procède. Toujours est-il qu'il faut préciser ce à quoi l'on pense.

Je crains en outre que cette phrase n'entre en contradiction avec le paragraphe suivant, où l'on lit : « L'extension de ce système à l'ensemble de la France de l'intérieur - comme cela a pu être suggéré à un moment ou à un autre - représenterait-elle une piste très crédible ? Vos rapporteurs ne le pensent pas (...). » Je suis étonné que l'un des rapporteurs propose une phrase contradictoire avec le texte du rapport !

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. -C'est évident !

M. Jacques Bigot. - La première partie de l'amendement ne me pose aucun problème, mais je ne puis pas approuver la seconde.

Mme Evelyne Yonnet. - J'appuie tout à fait la remarque de M. Bigot : la phrase proposée est en contradiction avec le dernier paragraphe.

M. André Reichardt, co-rapporteur. - La contradiction n'est qu'apparente, mes chers collègues. C'est une chose de mentionner des « pistes de solutions sur plusieurs questions », c'en est une autre de proposer l'extension du régime concordataire à l'ensemble de la France !

Une piste de solutions intéressante tient aux relations qui se sont établies en Alsace-Moselle entre les institutions publiques et les cultes. Je pense aussi à la réglementation funéraire, pour laquelle je prétends - nous l'avons d'ailleurs écrit à la fin du rapport - que les règles en vigueur en Alsace-Moselle sont plus claires.

Parler de « pistes de solutions » ne signifie pas que l'on voudrait transposer le Concordat dans la France de l'intérieur, comme l'on dit chez nous, ce qui serait naturellement impossible, compte tenu des contraintes non seulement financières, mais aussi administratives qui en résulteraient ; le dernier paragraphe de la page 16 est très clair à cet égard.

Comprenez-moi bien : il ne s'agit pas du tout de donner des leçons à la France entière à partir du concordat alsacien-mosellan, mais seulement de mentionner des « pistes de solutions » dans certains domaines particuliers.

M. François Grosdidier. - Il faudrait, monsieur Reichardt, revoir la rédaction de cette phrase, qui peut en effet laisser penser que, selon nous, les solutions à des problèmes importantes se trouveraient dans le Concordat. (Mme Evelyne Yonnet opine)

Je suis élu de la Moselle et le Concordat, je le défends comme vous. J'ai même pensé, à un moment, qu'on n'échapperait pas au financement des lieux de culte par les collectivités territoriales, mais, le rapport esquissant la solution d'un financement national par l'intermédiaire de fondations, la piste concordataire est fermée même dans ce domaine. Les autres questions que vous mentionnez sont très marginales, sans compter qu'il n'y a pas qu'en Alsace-Moselle que les autorités publiques entretiennent des relations avec les cultes.

Vous ne pouvez pas, monsieur Reichardt, ouvrir une porte avant de la fermer, surtout que, en ne précisant pas les sujets auxquels vous pensez, vous donnez l'impression qu'elle serait ouverte largement. Ainsi formulée, la phrase que vous proposez serait source de polémiques d'autant plus regrettables que le reste de nos propositions est assez consensuel.

M. Jacques Bigot. - Le Concordat peut suggérer des pistes sur certains sujets, mais ne perdons pas de vue que la religion musulmane en est exclue.

M. François Grosdidier. - Sans doute, mon cher collègue, mais le simple fait que la loi de 1905 ne s'applique pas ménage en Alsace-Moselle de nombreuses possibilités, y compris relativement à l'Islam. Une chaire universitaire de théologie islamique, par exemple, serait une idée intéressante.

M. Jacques Bigot. - Il faudrait préciser ce à quoi l'on pense, et je n'en vois pas l'utilité dans ce rapport. La phrase proposée est trop imprécise, en plus d'être contradictoire avec le dernier paragraphe. Je la trouve dangereuse.

M. François Grosdidier. - En effet.

M. Rachel Mazuir. - Je trouve que la rédaction actuelle de ce dernier paragraphe est déjà incomplète, ou ambiguë : la non-extension du Concordat y est justifiée par des motifs de coût et de complexité administrative, sans égard pour le principe de séparation des Églises et de l'État, affirmé de la façon la plus claire par la loi de 1905. Je ne suis pas sûr que les Français, si on les consultait, raisonneraient de cette façon ! Je pense qu'ils sont surtout attachés à la paix civile.

Mme Evelyne Yonnet. - J'ai toujours affirmé de façon très nette que le Concordat ne pourrait pas être appliqué sur l'ensemble du territoire national, pas seulement parce que son extension serait très compliquée, mais surtout parce que nous restons profondément laïcs. Le Concordat est un régime spécial, dérogatoire ; il est ancien et inadapté à la situation d'aujourd'hui.

Monsieur Reichardt, vous êtes à la fois juge et partie, puisque vous êtes aussi corapporteur. Même si le Concordat s'applique très bien en Alsace-Moselle, nous ne pouvons pas le présenter comme une piste de réflexion pour le reste du pays. Je rappelle que, dès le début de nos travaux, nous nous sommes accordés sur le caractère fondamental du principe de laïcité. Les régimes spéciaux, non, la laïcité, oui !

M. Michel Amiel. - Je suis parfaitement d'accord. C'est toute la rédaction du bas de la page 16, comme l'a signalé M. Mazuir, mais aussi du haut de la page suivante, qui m'inspire des réserves. En effet, mentionner une « culture concordataire » et des « bonnes pratiques qui gagneraient à inspirer les responsables publics et privés sur le reste du territoire » revient à ouvrir des brèches dans cela même qui figure en tête du document de synthèse qui nous a été distribué : le « cadre strict et intangible » que représente le « principe de laïcité tel que fixé par la loi du 9 décembre 1905 ». (Mme Evelyne Yonnet opine.)

Autant nous ne proposons pas que la loi de 1905 s'étende aux départements concordataires, autant il n'est pas opportun de présenter le régime concordataire comme une source d'inspiration.

Mme Fabienne Keller. - Si M. Reichardt et moi-même proposons cette phrase, c'est parce qu'il y a tout de même des domaines où le système concordataire n'est pas inintéressant.

Ainsi, en Alsace-Moselle, nous avons le droit de participer officiellement au financement des lieux de culte musulman ; il est ainsi possible d'établir des relations avec les responsables de ce culte, lequel peut bénéficier d'une aide financière, notamment sous forme de garanties d'emprunt. De même, le régime concordataire n'est pas sans intérêt en ce qui concerne les carrés musulmans dans les cimetières.

Si nous nous étions penchés de plus près sur le modèle réunionnais, nous y aurions repéré aussi des pratiques tout à fait intéressantes. Le modèle allemand, qui nous a été présenté au cours de notre déplacement à Strasbourg, mérite également qu'on s'y intéresse. Ce sont là autant de systèmes qui peuvent nous inspirer des pistes de réflexion.

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Je répète qu'il n'est absolument pas question de donner des leçons au reste de la France à partir du Concordat. Si nos collègues ne souhaitent pas approuver la mention de « pistes de solutions », nous pourrions conserver seulement la première partie de la phrase figurant au II de l'amendement : « Pour autant, c'est un autre exemple de pratique des relations entre l'État et les religions ».

M. Michel Amiel. - Oui, car c'est une observation factuelle. En revanche, la fin du troisième paragraphe de la page 17 me gêne beaucoup : même si le modèle alsacien-mosellan est intéressant, parler de « bonnes pratiques qui gagneraient à inspirer les responsables publics et privés sur le reste du territoire », c'est aller loin ! Ce serait ouvrir une brèche dans le principe de laïcité.

Mme Evelyne Yonnet. - Je suis d'accord !

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Ce qui est écrit du dialogue interreligieux me paraît extrêmement important.

M. François Grosdidier. - Nous pourrions appeler de nos voeux un meilleur dialogue interreligieux et un meilleur dialogue entre les religions et les autorités publiques sans faire référence au droit concordataire.

Faire référence à notre régime alsacien-mosellan, c'est paraître vouloir l'exporter, alors que le double dialogue dont nous parlons peut très bien s'épanouir sans que l'on change un iota de la loi de 1905.

Mme Evelyne Yonnet. - D'ailleurs, ce dialogue a lieu ! M. Cazeneuve y attache une grande importance.

M. François Grosdidier. - Le dialogue dans nos départements est exemplaire, mais il n'est pas nécessaire de s'inspirer du Concordat pour qu'il prospère aussi ailleurs.

De même que nous ne voulons pas voir notre Concordat remis en cause, de même nous serions maladroits d'affirmer que le reste de la France devrait s'en inspirer.

Mme Corinne Féret, présidente. - M. Reichardt propose de modifier le II de son amendement n° 27 en supprimant la fin de la phrase : il s'agirait de s'arrêter après le mot « religions ». Cette formule donne-t-elle satisfaction aux intervenants qui viennent de s'exprimer ?

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Pour tenir compte de la remarque de M. Amiel, et comme c'est dans le domaine du dialogue interreligieux que l'intérêt du régime concordataire est le plus net, on pourrait en outre préciser, au début du troisième paragraphe de la page 17, « en matière de dialogue interreligieux ».

M. Michel Amiel. - Cet intérêt, qui n'est pas contestable, est déjà signalé au paragraphe précédent, d'une manière qui me convient très bien. Je trouve que le troisième paragraphe devrait être tout simplement supprimé.

M. Jacques Bigot. - Même si le Concordat a certainement facilité le développement du dialogue interreligieux, celui-ci est une réalité ailleurs que dans les départements concordataires.

M. François Grosdidier. - Pensons à Marseille !

Mme Evelyne Yonnet. - Et à Aubervilliers !

M. Jacques Bigot. - Il ne faudrait pas que l'on soupçonne les Alsaciens et les Mosellans d'être présomptueux dans ce domaine.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - J'entends bien tous ces arguments : votre rapporteur, qui n'est pas juge et partie, vous propose de supprimer purement et simplement le troisième paragraphe de la page 17. (Mme Evelyne Yonnet opine)

M. Gilbert Roger. - Très bien !

M. Christian Namy. - C'est plus simple, en effet.

Mme Corinne Féret, présidente. - Nous voici donc saisis d'un nouvel amendement de la rapporteur, qui portera le n° 28. Y a-t-il des oppositions ? Il n'y en a pas, en conséquence, l'amendement n° 28 est adopté et le troisième paragraphe de la page 17 du projet de rapport est supprimé.

Il nous reste à nous prononcer sur l'amendement n° 27 assorti de la rectification du II que lui a apportée M. Reichardt.

L'amendement n° 27 rectifié est adopté.

Amendement n° 2
Présenté par les rapporteurs

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - À la page 29 du projet de rapport, qui retrace l'historique de la question des statistiques ethniques et religieuses en France, nous nous sommes aperçus que nous avions oublié de mentionner les lois antisémites criminelles du régime de Vichy. Il me paraît important d'en faire mention, dans la mesure où ce sont elles qui colorent tout le débat de suspicions à l'encontre du recensement des fidèles de telle ou telle religion.

M. Christian Namy. - Tout à fait !

L'amendement n° 2 est adopté.

Mme Corinne Féret, présidente. - En conséquence, des développements ainsi rédigés sont insérés à la page 29, après la deuxième phrase du troisième paragraphe.

Amendement n° 3
Présenté par les rapporteurs

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Il convient de souligner qu'il existe des femmes imams, les mourchidates, même si elles ne sont pas légion.

Mme Chantal Deseyne. - Et même si elles ne sont pas tout à fait les égales des imams masculins !

L'amendement n° 3 est adopté.

Amendement n° 4
Présenté par les rapporteurs

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Nous proposons l'insertion, à la page 42, d'un nouveau paragraphe, dans lequel nous appelons à la création d'un statut unifié pour les imams, comportant une rémunération destinée à fixer sur ce poste les personnes formées à cet effet.

M. Christian Namy. - C'est impossible !

Mme Evelyne Yonnet. - En effet !

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Ce paragraphe se poursuivrait ainsi : « A minima, en cas de bénévolat, il serait nécessaire de coupler la formation à l'imamat par une formation professionnelle. »

Les statuts des imams sont pour le moins disparates : certains sont payés par leur pays d'origine, d'autres sont bénévoles, tout simplement parce que leur mosquée ne peut pas les payer. Il nous a semblé que les personnes ayant suivi une formation à l'imamat, une formation relativement lourde, devraient se voir assurer un statut, afin d'être fixées sur ce poste. S'il n'est vraiment pas possible de les payer, ou si la communauté ne veut pas les payer pour des raisons de principe, il conviendrait au moins que la formation à l'imamat s'accompagne d'une formation professionnelle, comme c'est le cas à Rabat, pour que les intéressés aient une chance de trouver un travail qualifié.

M. Christian Namy. - Je suis contre.

Mme Evelyne Yonnet. - Moi de même !

Mme Corinne Féret, présidente. - Peut-être faudrait-il substituer le mot «  souhaitable » au mot « nécessaire », pour ne pas donner l'impression que l'on pose une règle obligatoire. Du reste, tous les futurs imams n'ont pas forcément besoin d'une formation professionnelle.

Mme Evelyne Yonnet. - Monsieur le co-rapporteur, qui rémunérerait les imams ? Car si les pouvoirs publics commencent à rémunérer des imams, pourquoi ne pas rémunérer aussi les aumôniers ?

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Ma chère collègue, les imams sont rémunérés par les mosquées qui les emploient.

M. François Grosdidier. - En d'autres termes, par des associations cultuelles.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - À l'endroit où l'insertion du paragraphe est proposée, il n'y a pas d'ambiguïté possible : ce sont les mosquées qui rémunèrent les imams.

Mme Evelyne Yonnet. - Dans ce cas, c'est encore pire que ce que je pensais. Nous nous ingérerions dans le fonctionnement des mosquées, qui tantôt rémunèrent les imams, tantôt non ? Je ne suis pas d'accord. Un vrai problème de fond se pose en ce qui concerne la rémunération des aumôniers et des imams, ainsi que leur formation et leur langue, mais on ne peut pas entrer des deux pieds dans la gestion interne d'un culte !

Je me vois mal aller dans la mosquée d'Aubervilliers et décider que tel doit être rémunéré et tel autre non... Un statut unifié est impossible. Les pratiques dépendent, d'une part, de l'argent récolté et, d'autre part, des décisions que prennent les fidèles entre eux. De quel droit interviendrions-nous dans ces choix ?

M. Christian Namy. - Et comment unifier ?

M. Michel Amiel. - Au-delà de la question de la rémunération, je ne peux pas approuver l'expression de « statut unifié », qui ne correspond pas à la réalité de l'islam. Ainsi qu'il est expliqué plus loin dans le projet de rapport, le Conseil français du culte musulman, le CFCM, travaille à l'élaboration d'une charte de l'imam. Un document de cette nature me convient très bien. Au nom de quoi prétendrions-nous régir les affaires de la religion ?

M. François Grosdidier. - Quand des problèmes se posent, c'est le rôle de la puissance publique d'y apporter des solutions. Par le passé, l'État laïc a su fixer aux cultes des exigences destinées à garantir le respect des principes républicains. De ce point de vue, si le mot de « statut » me paraît excessif, une charte ne me semble pas suffisante. Il faut fixer des conditions de formation. Du reste, c'est ce que nous proposons lorsque nous demandons que les ministres du culte suivent une formation minimale sur la laïcité et les autres principes de la République, ce qui revient à fixer des conditions à l'exercice des cultes.

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Si nous avons jugé important de parler d'un « statut unifié », c'est parce que nous avons auditionné d'anciens imams qui nous ont expliqué avoir quitté leurs fonctions parce qu'ils ne pouvaient plus en vivre. Dès lors que l'on exige des imams qu'ils suivent une formation sérieuse, une formation qui peut durer jusqu'à six ans, il faut leur garantir un statut qui leur permette de vivre.

Cette affaire me fait penser, dans un ordre de problèmes tout à fait différent, aux apprentis alsaciens qui vont travailler en Allemagne : nous en formons en masse, mais c'est pour les voisins ! En l'espèce, il s'agit de s'assurer que les imams, une fois formés, ne seront pas obligés de quitter leurs fonctions.

Mme Evelyne Yonnet. - Je comprends bien l'intention de M. le corapporteur et je n'ignore pas que nombre d'imams perçoivent à peine les minima sociaux. Toujours est-il qu'être imam ou prêtre, ce n'est pas un métier ; c'est une fonction cultuelle, et on ne peut pas s'ingérer dans le fonctionnement interne des cultes. L'Église catholique a fait sa révolution dans les années 1970, avec les prêtres-ouvriers. À chacun sa révolution !

M. Michel Amiel. - Les prêtres-ouvriers, la mode en est un peu passée...

Mme Evelyne Yonnet. - S'il faut refaire la loi de 1905, mettons tout le monde autour de la table. En revanche, mettre un pied dans le fonctionnement interne des cultes, c'est sortir de la loi de 1905 !

M. Jacques Bigot. - Nous pouvons suggérer au CFCM d'aller plus loin qu'une charte, mais il ne faut pas laisser entendre que nous proposerions un cadre juridique, voire législatif, sur un statut unifié des imams, car celui-ci serait contraire à la loi de 1905. La rédaction de l'amendement est ambiguë à cet égard, ce qui explique la réaction de nos collègues.

M. François Grosdidier. - Il n'est pas question d'un statut imposé par la loi ou par décret, mais il faut fixer des exigences de formation - je ne parle pas ici de la formation théologique. Remarquez que de telles exigences sont possibles y compris pour des bénévoles : pour être sapeur-pompier bénévole, il faut avoir été formé ! Par ailleurs, dans la mesure où nous proposons de donner des moyens aux fondations grâce à l'instauration d'une redevance halal, nous pouvons pousser au salariat des imams. Nous devons encourager la stabilité d'imams formés et salariés !

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. -Cet amendement résultait de demandes expresses et du constat que nous avons fait, en relisant notre rapport, que la question du statut n'était toujours pas réglée. Comme ce n'est ni le jour ni l'heure d'opérer une réécriture, nous le retirons. Le besoin n'en demeure pas moins, et des contributions sont possibles.

Mme Corinne Féret, présidente. - L'amendement n° 4 est retiré.

Mme Fabienne Keller. - Je regrette que l'on ne trouve pas une solution car, même si le mot « statut » nous oppose, nous nous accordons à considérer qu'il faudrait aux imams un niveau de formation suffisant et une rémunération. Ne pourrait-on pas penser à un synonyme de « statut », plus acceptable ?

M. Michel Amiel. - Le paragraphe qui mentionne la charte proposée par le CFCM me paraît parfait.

Mme Fabienne Keller. - Seulement, les chartes, vous savez bien qu'on s'y conforme ou pas...

M. François Grosdidier. - Nous pourrions écrire que la mission d'information souhaite la mise en oeuvre concrète de la charte en ce qui concerne le salariat et la formation des imams.

Mme Fabienne Keller. - Je trouve cette idée excellente.

M. Christian Namy. - L'amendement a été retiré. Le débat est clos !

Mme Corinne Féret, présidente. - Mes chers collègues, il convient d'être très précis dans les rédactions que vous proposez. Je vous rappelle que vous avez aussi la possibilité de déposer, individuellement ou par groupe, une contribution, qui sera annexée au rapport.

M. François Grosdidier. - Nous pourrions insérer, après le quatrième paragraphe de la page 42, une phrase ainsi rédigée : « Vos rapporteurs sont d'avis que cette contradiction doit être levée à travers la mise en oeuvre concrète, et éventuellement le renforcement, de la charte de l'imam du CFCM, évoluant vers l'exigence d'une formation et du salariat des imams. »

M. Michel Amiel. - J'ai moi aussi une proposition à faire, assez voisine de celle de M. Grosdidier. Nous pourrions compléter le troisième paragraphe de la page 42 par une phrase ainsi rédigée : « Notre mission d'information s'inscrit parfaitement dans la mise en application totale de la charte de l'imam proposée par le CFCM. »

Mme Fabienne Keller. - Il me paraît important de mentionner la formation et la rémunération des imams, qui ne sont pas citées dans ce troisième paragraphe.

M. Christian Namy. - Non, pas la rémunération ! (Mme Evelyne Yonnet opine)

M. Michel Amiel. - La notion de formation est ambiguë : vise-t-on la formation théologique ou la formation républicaine ? Exige-t-on des séminaristes de l'Église catholique romaine une formation à la République ?

Mme Fabienne Keller. - Leur niveau d'études garantit cette formation.

M. Michel Amiel. - Je ne suis pas d'accord : la citoyenneté n'est pas affaire de niveau d'études.

M. François Grosdidier. - Le rapport appelle à la systématisation de la formation et avance des solutions pour un salariat financé de manière endogène. Il est donc parfaitement cohérent de souhaiter la mise en oeuvre concrète de la charte dans ces deux domaines.

Mme Corinne Féret, présidente. - Je vous le répète : l'amendement n° 4 a été retiré. Si vous le souhaitez, mes chers collègues, vous pourrez faire annexer au rapport une contribution personnelle.

M. Gilbert Roger. - Cela nous convient.

M. Christian Namy. - Passons à l'amendement suivant !

Mme Fabienne Keller. - Je suis confuse de prolonger ce débat, mais une contribution ne serait pas suffisante par rapport aux enjeux et, d'autre part, il ne me semble pas qu'il y ait entre nous de contradiction de fond.

Je propose l'insertion après le quatrième paragraphe de la page 42 d'une phrase très proche de celle suggérée par M. Grosdidier : « Vos rapporteurs souhaitent que la charte du CFCM soit mise en oeuvre concrètement et complétée par la rémunération et l'exigence d'une formation. »

Mme Evelyne Yonnet et M. Christian Namy. - Non !

Mme Fabienne Keller. - Je pense que nous pouvons au moins tomber d'accord sur le premier membre de cette phrase, jusqu'à « concrètement ».

M. Michel Amiel. - Cette rédaction est équivalente à la proposition que j'ai faite.

Mme Fabienne Keller. - C'est exact. Il s'agit d'une formulation minimale : « Vos rapporteurs souhaitent que la charte du CFCM soit mise en oeuvre concrètement. »

M. Michel Amiel. - N'oublions pas que le CFCM n'est pas reconnu par tous les musulmans !

M. François Grosdidier. - Ce serait un moyen de mettre le CFCM devant ses responsabilités.

M. Gilbert Roger. - J'apprécie que l'amendement ait été retiré, dans la mesure où chacun peut soumettre une contribution qui sera annexée au rapport.

Demander expressément une rémunération et un statut, c'est s'immiscer un peu plus dans cette religion, ce qu'on ne fait pas avec les autres, sauf dans le cadre du Concordat. Je ne voudrais pas que cette demande soit interprétée comme une volonté d'accorder un avantage à une religion, aujourd'hui mal organisée, a contrario des autres, sur le territoire hexagonal.

M. François Grosdidier. - Je n'ai pas la même perception. Je suis très soucieux que les musulmans ne soient pas mieux ou moins bien traités que les pratiquants des autres religions. Les problèmes que pose cette religion sont de nature différente, comme le reconnaissent les musulmans eux-mêmes : il y a d'une part un problème de formation des imams, d'autre part un problème de précarité, la précarité renforçant le problème de formation. Les uns et les autres nous ont demandé de traiter ces problèmes.

Une solution existe en termes de financement, comme cela est indiqué dans le rapport. Il s'agit de réactiver la Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France et de flécher ensuite les financements. Je rappelle que le financement n'est pas public, qu'il est collecté au sein de la communauté musulmane pour la communauté musulmane. Il doit transiter par la Fondation et le CFCM.

Certes, on ne peut pas poser une condition légale de salariat pour l'exercice du culte, car cela serait attentatoire aux droits des musulmans. En revanche, on peut dire qu'il est souhaitable d'évoluer vers un tel statut, sachant en outre que les musulmans sont demandeurs. La Fondation et le CFCM doivent y travailler. Ne pas l'écrire serait ne pas esquisser de solution au problème posé.

Mme Evelyne Yonnet. - Certains d'entre nous vivent des situations différentes de celles que connaissent les élus de la région ou des banlieues parisiennes très difficiles. Dès lors, nous avons des conceptions différentes.

J'ai le sentiment que nous sommes en train de refaire toute la mission. Au départ, il s'agissait de faire un état des lieux de la laïcité, car cela était nécessaire, sans toutefois s'ingérer dans les religions. C'est très compliqué de s'immiscer dans une religion. Et de quel droit le ferions-nous ?

M. Rachel Mazuir. - Le troisième paragraphe de la page 42 se lit ainsi : « Sans qu'un statut unique soit envisagé à ce stade, le président du CFCM a indiqué à [notre] mission d'information que ce dernier travaillait sur une charte de l'imam portant des engagements sur le discours auprès des fidèles qui devra respecter les valeurs et les lois de la République et devra être porteur des valeurs de tolérance et de l'Islam ». Il faut y ajouter ce que propose Fabienne Keller, mais sans aller au-delà.

Il faut placer les musulmans face à leurs responsabilités. Il leur appartient de trouver des solutions. On peut les y aider, mais pas plus. Ils jouent de leurs divisions pour nous mettre en difficulté. Parlez-en à M. Gérin, ancien député d'une banlieue lyonnaise !

Mme Corinne Féret, présidente. - La charte évoquée est en cours de rédaction. Je ne vois donc pas comment nous pourrions vous y associer pleinement. Ce débat est clos : je rappelle que l'amendement n° 4 a été retiré et que chacun, à titre personnel ou au nom du groupe politique auquel il appartient, a la possibilité jusqu'à jeudi, dix-sept heures, de déposer une contribution, qui sera annexée au rapport.

Mme Fabienne Keller. - Je regrette l'absence de toute référence à la rémunération ou à la formation.

Amendement n° 5 rectifié
Présenté par les rapporteurs

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Cet amendement vise à insérer un nouveau paragraphe après le cinquième paragraphe de la page 45 du projet de rapport.

Vos rapporteurs suggèrent d'uniformiser par le haut le statut des aumôniers musulmans, lesquels sont rémunérés, afin de rendre cette fonction plus attractive et d'assurer aux aumôniers pénitentiaires et hospitaliers des conditions d'exercice se rapprochant mutatis mutandis de celles dont jouissent actuellement les aumôniers militaires.

Une telle mesure me paraît être de bonne justice. Il appartient à l'État et aux collectivités de l'instaurer.

Mme Evelyne Yonnet. - Je m'abstiens sur cet amendement.

L'amendement n° 5 rectifié est adopté.

Amendement n° 19 rectifié
Présenté par Mme Corinne Féret et les membres de la mission appartenant au groupe socialiste et républicain

Mme Corinne Féret, présidente. - Cet amendement vise à insérer deux nouveaux paragraphes après le dernier paragraphe de la page 50 du projet de rapport.

M. Cazeneuve a rappelé la volonté du Gouvernement de voir le nombre de diplômes universitaires de formation civile et civique doubler. Cet objectif a été atteint un an plus tard. Aujourd'hui, le réseau compte 13 formations, accueillant 275 étudiants, dont un tiers de cadres.

Mme Fabienne Keller. - S'agit-il d'étudiants musulmans - le directeur de l'Institut catholique nous a indiqué qu'ils étaient peu nombreux dans sa formation -, de gens ayant vocation à devenir imans ? Il me semble que non.

Mme Corinne Féret, présidente. - Non, il s'agit du nombre d'étudiants inscrits en DU dans cette spécialité.

M. François Grosdidier. - Il s'agit d'étudiants de toutes religions.

Mme Corinne Féret, présidente. - Compte tenu de cette remarque, je rectifie mon amendement : je vous propose de modifier le texte comme suit : « Cet objectif a été atteint un an plus tard, avec un réseau de 13 formations, qui accueille 275 étudiants, dont un tiers de cadres de toutes religions ».

Mme Chantal Deseyne. - Philippe Bordeyne, recteur de l'Institut catholique de Paris, nous a indiqué que, sur la vingtaine ou la trentaine de jeunes en formation dans son institut, très peu étaient musulmans. Or, tel qu'il est formulé, cet amendement laisse entendre que tous les candidats à l'imanat passent par cette formation, ce qui est faux.

Mme Corinne Féret, présidente. - Pas du tout ! Nous sommes factuels : nous indiquons simplement que treize universités proposent cette formation civile et civique au fait religieux, qu'elle concerne un effectif de 275 étudiants, dont un tiers de cadre de toutes religions. Cette formation étant dispensée dans les universités publiques, il n'est pas obligatoire d'être religieux pour la suivre. Simplement, nous considérons qu'il serait bon que ceux qui se forment pour devenir imams la suivent, en complément de leur formation religieuse et théologique.

Ce diplôme est destiné non pas exclusivement aux religieux, mais à toutes celles et ceux qui souhaitent se former.

Mme Fabienne Keller. - Ce que je comprends, c'est que les personnes visées par M. Cazeneuve représentent 10 % à 20 % des effectifs de cette formation. Le rapprochement entre deux thématiques crée une ambiguïté.

Mme Corinne Féret, présidente. - Ce texte n'a pas vocation à laisser penser que tous ceux qui se destinent à l'imamat suivent cette formation. Cette formation universitaire, comme les centaines de formations universitaires spécialisées proposées en France, a la spécificité de former au fait religieux. Un tiers des étudiants de cette formation sont des cadres de toutes les religions, une partie d'entre eux seulement étant de confession musulmane.

Ce sujet a été évoqué lors de la première réunion de l'Instance de dialogue avec l'Islam de France parce que cette formation peut concerner un certain nombre de musulmans se destinant ou non à exercer la responsabilité d'imam. M. le ministre de l'intérieur a souhaité doubler le nombre de formations universitaires de ce type afin de permettre à un plus grand nombre de gens de la suivre. Il s'agit, je le répète, cela est dit dans le rapport, d'une formation complémentaire.

M. Jacques Bigot. - Ces formations permettent bien évidemment aux imams de s'inscrire dans le contexte de la République, ce qui est l'un des sujets du rapport. Ceux qui viennent en France ont besoin de connaître la République.

Cet amendement vise juste à donner une information complémentaire. On ne peut pas laisser entendre que seul l'Institut catholique de Paris dispenserait une telle formation.

M. Michel Amiel. - Cet amendement me paraît aller dans le bon sens.

Cette formation est une incitation à une meilleure connaissance du fait religieux. Elle ne peut être que positive pour ceux ayant vocation à devenir imams, dont la formation est purement théologique.

Mme Fabienne Keller. - Le texte qu'il nous est proposé d'ajouter dans le rapport s'intégrerait dans une partie intitulée Apprendre le texte et son contexte : le difficile développement des formations de ministres du culte musulman. Je suis désolée d'insister, mais j'avais pour ma part compris que ces formations étaient suivies par 275 imans potentiels ou étudiants de confession musulmane. Or je pense qu'il y en a beaucoup moins. On trompe le lecteur. Peut-être pourrait-on regretter également qu'il n'y ait pas plus d'imams qui suivent cette formation ?

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Il nous est proposé, après les mots : « dont un tiers de cadres », d'ajouter les mots : « de toutes religions ». Cela lève l'ambiguïté.

L'amendement n° 19 ainsi rectifié est adopté.

Amendement n° 6
Présenté par les rapporteurs

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Cet amendement vise à modifier le premier paragraphe de la page 65 du projet de rapport.

Il s'agit de préciser que vos rapporteurs sont favorables à une simplification des statuts des associations, sous réserve d'une dissociation entre les activités strictement cultuelles, assurées par une association à objet cultuel, et les autres activités, exercées par une association généraliste régie par la loi de 1901. Cette dissociation permettrait sans doute de clarifier la situation juridique et fiscale des mosquées et des dons qui leur sont faits.

Tel qu'il est actuellement rédigé, le texte précise que les rapporteurs sont favorables à une simplification, mais si vous en étiez d'accord, on pourrait dire que la mission dans son ensemble y est favorable. Enfin, on pourrait supprimer les mots « sans doute » de la dernière phrase.

L'amendement n° 6 ainsi modifié est adopté.

Amendement n° 23
Présenté par M. François Grosdidier

M. François Grosdidier. - Cet amendement vise à ajouter un paragraphe après le quatrième paragraphe de la page 66 du projet de rapport.

Parmi les pistes de relance de la Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France, on n'évoque que les dons d'origine étrangère. Pour ma part, je demande que la Fondation puisse également recueillir le produit d'une redevance - et non d'une taxe - sur l'abattage halal. Cette recette n'étant pas fléchée, l'enjeu de son affectation devient crucial. Sa répartition pose avec plus d'acuité le problème de gouvernance. Elle ne peut se faire par une majorité excluant une minorité de tout financement. La répartition doit faire l'objet d'un consensus, le principe de répartition doit être garanti statutairement. Cela suppose une modification des statuts de la Fondation, mais surtout cela place la communauté musulmane de France face à ses responsabilités

En clair, les donateurs pourraient orienter leurs dons. Les dons des Algériens n'iraient pas aux Turcs et inversement. Dans le cas où la Fondation serait alimentée par le produit d'une redevance sur l'abattage halal, si l'UOIF, l'Union des organisations islamiques de France, devenait majoritaire à la Mosquée de Paris, elle ne pourrait pas décider de l'affectation des financements. Il faut inscrire dans le mode de gouvernance le principe d'une répartition.

D'une manière plus générale, il faut rappeler en toutes occasions dans ce rapport que nous plaçons les musulmans face à leurs responsabilités.

M. Philippe Bonnecarrère. - Je ne suis pas intervenu jusqu'à présent, même si j'ai eu envie de le faire à plusieurs reprises, car je ne souhaitais pas compliquer la discussion.

Je ne partage pas du tout l'idée qui est au coeur de cet amendement. Je comprends la logique d'une redevance, même si on en mesure la complexité. En revanche, je pense que nous sommes beaucoup trop loin du but pour évoquer les modalités d'affectation. Je trouve dangereux d'anticiper sur cette question et de considérer que la redevance, si elle devait être instaurée un jour, devrait passer par la Fondation.

Pour ma part, je pense qu'une fondation permet très clairement d'assurer la transparence des financements étrangers.

La « nationalisation », si vous me permettez cette expression, de la ressource versée à un culte est extrêmement différente de ce que nous connaissons actuellement. Pour le coup, elle me semble poser de très sérieux problèmes.

Les financements de la religion catholique s'effectuent au niveau des diocèses, ils ne sont pas nationaux. Les financements du culte protestants sont effectués au niveau de chaque conseil presbytéral. Il est un peu dangereux de mutualiser les recettes à l'échelon national, car cela provoquera inévitablement des conflits de répartition des fonds. En termes de fonctionnement, cela me paraît très dangereux.

Je pense que mon collègue prépare des problèmes pour la suite...

M. François Grosdidier. - Les problèmes, c'est aujourd'hui que nous les rencontrons !

Aujourd'hui, on considère qu'il ne doit pas y avoir de financement public - c'est la loi de 1905 - à part en Alsace-Moselle, et on se méfie des financements étrangers. Je ne suis pas du tout certain que le simple fait que les financements transitent par la Fondation réduise l'influence du wahhabisme.

Il est paradoxal de réclamer un Islam de France, et non un Islam en France, et de considérer qu'il ne peut y avoir d'autre financement que le denier du culte. Les musulmans, on le sait, n'appartiennent en général pas aux catégories socio-professionnelles supérieures de notre pays et leurs revenus ne permettent pas de financer les besoins immobiliers du culte musulman.

Ce que tend à prévoir cet amendement est cohérent avec ce qui est dit dans le rapport sur la redevance. Il manque un financement endogène, national, qui ne soit pas public.

Une redevance pour service rendu sur l'abattage en amont est une solution, mais un réceptacle est nécessaire. Il est tout désigné : la Fondation.

Si toutes les solutions esquissées sont refusées, notre travail est vain. Nous respectons la loi sur la laïcité. Nous nous inspirons du modèle juif. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire pour les musulmans ce qu'on fait pour les juifs. Le problème de financement des cultes chrétiens ne se pose pas exactement dans les mêmes termes.

Mme Evelyne Yonnet. - Nous avions déjà évoqué une possible taxe sur les produits halal pour financer les lieux cultuels. Depuis, nous avons appris que le chiffre d'affaires du secteur halal s'élevait à près de 5 milliards d'euros. Je ne sais pas s'il est possible d'instaurer une telle taxe, mais la question se pose.

Pour ma part, je ne sais pas si je voterai cet amendement.

M. Michel Amiel. - Je suis assez favorable à cet amendement. Nous ne pouvons pas passer notre temps à soulever des problèmes sans apporter la moindre esquisse de solution.

Pourquoi ne pas calquer ce qui se fait avec la cacherout pour le culte israélite ?

Je suis favorable à l'instauration d'une redevance sur l'abattage, et non sur les produits halal, compte tenu des dérives qui ont été constatées : l'eau halal, le préservatif halal... Une redevance sur l'abattage présente le mérite de la clarté et pourrait représenter une recette non négligeable.

Mme Corinne Féret, présidente. - Je rappelle que nous parlons non plus d'une « taxe halal », mais d'une redevance, et qu'une partie du rapport est consacrée à cette question. Cette redevance porterait sur l'abattage et non sur des produits halal.

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Les rapporteurs sont favorables à l'amendement de M. Grosdidier, car il va dans le sens de la transparence. On parle désormais non pas d'une taxe halal, mais exclusivement d'une redevance pour service rendu au moment de l'abattage. Le produit de cette redevance irait à la Fondation.

Nous ne l'avons pas évoquée dans le rapport, car nous considérions qu'il était déjà suffisamment « charpenté ».

L'amendement n° 23 est adopté.

Amendement n° 24
Présenté par M. François Grosdidier

M. François Grosdidier. - Cet amendement est la suite logique de mon amendement n° 23. Il vise à compléter le cinquième paragraphe de la page 83 du projet de rapport et à insérer un paragraphe à la suite. Il va dans le même sens que le précédent.

Mme Corinne Féret, présidente. - Même vote je suppose ?

L'amendement n° 24 est adopté.

Amendement n° 20
Présenté par Mme Corinne Féret et les membres de la mission appartenant au groupe socialiste et républicain

Mme Corinne Féret, présidente. - Cet amendement vise à ajouter un paragraphe après le premier paragraphe de la page 95 du projet de rapport, pour évoquer la possible réintégration de l'UOIF au sein du CFCM.

C'est un élément factuel, dans la mesure où cela a été dit publiquement.

M. Philippe Bonnecarrère. - Je ne voterai pas cet amendement. Je comprends très bien votre intention, madame Féret, et elle ne me pose pas de difficulté. En revanche, le fait de porter une appréciation négative, ou, dans le cas précis, laudative sur des éléments de fonctionnement interne du CFCM ne me paraît pas pertinent.

Si l'amendement est maintenu, je m'abstiendrai.

Mme Corinne Féret, présidente. - Nous ne portons pas de jugement, nous livrons simplement des éléments factuels.

L'amendement n° 20 est adopté.

Amendement n° 21
Présenté par Mme Corinne Féret et les membres de la mission appartenant au groupe socialiste et républicain

Mme Corinne Féret, présidente. - Cet amendement vise à insérer deux paragraphes après le deuxième paragraphe de la page 98, ainsi qu'un renvoi à une note de bas de page, là encore pour mentionner un élément factuel : évoquée à l'issue de la deuxième réunion de l'Instance de dialogue avec l'Islam de France, la création du Conseil théologique du CFCM a été actée le 8 mai dernier.

L'amendement n° 21 est adopté.

Amendement n° 18
Présenté par Mme Corinne Féret et les membres de la mission appartenant au groupe socialiste et républicain

Mme Corinne Féret, présidente. - Cet amendement vise à insérer, page 99 du projet de rapport, une subdivision nouvelle comportant quatre paragraphes et un intitulé, présentant l'Instance de dialogue avec l'Islam de France, laquelle a été mise en place en 2015. Deux réunions ont été organisées à ce jour.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Nous sommes favorables à ces indications qui visent, probablement de manière très imparfaite, à expliciter ce que nous aurait dit M. le ministre de l'intérieur si nous avions pu l'entendre.

L'amendement n° 18 est adopté.

Mme Corinne Féret, présidente. - En conséquence, une subdivision sur l'Instance de dialogue sera ajoutée au projet de rapport.

Amendement n° 22
Présenté par Mme Corinne Féret et les membres de la mission appartenant au groupe socialiste et républicain

Mme Corinne Féret, présidente. - Cet amendement vise à compléter le b) de la page 106 du projet de rapport afin de rappeler que le 9 juin dernier, la ministre de l'éducation nationale, Madame Najat Vallaud-Belkacem, a annoncé un contrôle renforcé des écoles privées hors contrat.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Nous avons anticipé votre demande, de telle sorte que votre amendement fait un peu doublon avec nos développements. Je propose, si vous en êtes d'accord, de fusionner nos deux rédactions et de conserver votre renvoi à la note de bas de page.

Mme Corinne Féret, présidente. - Vous proposez donc une harmonisation rédactionnelle ? Cette formule me convient : gardons ce qui n'est pas redondant de nos deux rédactions et conservons ma note de bas de page.

L'amendement n° 22 est adopté.

Amendement n° 7
Présenté par les rapporteurs

et Amendement n° 25
Présenté par M. François Grosdidier

Mme Corinne Féret, présidente. - Ces deux amendements ayant un objet identique, je propose de les mettre en discussion commune.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Notre amendement n° 7 vise à insérer un nouveau paragraphe après le troisième paragraphe de la page 116.

Il s'agit de reprendre une proposition de notre collègue François Grosdidier concernant les financements étrangers au profit des établissements d'enseignement privés musulmans. Dans un souci de transparence et de cohérence, nous proposons que ces financements transitent eux aussi par la Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France.

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Nous nous sommes demandé à un moment si cette proposition ne risquait pas de poser un problème aux pays donateurs mais, interrogés par nos soins, ils nous ont dit qu'elle n'en posait pas.

M. François Grosdidier. - Je suis flatté que vous ayez repris ma proposition à votre compte ! Dans ce cas, je retire mon amendement n° 25.

Mme Corinne Féret, présidente. - L'amendement n° 25 est retiré.

L'amendement n° 7 est adopté.

Amendement n° 8
Présenté par les rapporteurs

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Cet amendement vise à insérer un nouveau paragraphe après le quatrième paragraphe de la page 118 du projet de rapport.

Nous avons considéré qu'il fallait rendre hommage, dans le texte, au travail réalisé par l'Association des maires de France, l'AMF, laquelle, vous le savez, a publié un Vade-mecum de la laïcité. Cet amendement, comme l'amendement suivant n° 9, vise à le rappeler.

L'amendement n° 8 est adopté.

Amendement n° 9
Présenté par les rapporteurs

M. André Reichardt, co-rapporteur. - Comme je viens de le dire, cet amendement vise à insérer après le quatrième paragraphe de la page 122 une référence au Vade-mecum de l'AMF.

Mme Corinne Féret, présidente. - Même vote, je suppose ?

L'amendement n° 9 est adopté.

Amendement n° 10
Présenté par les rapporteurs

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Cet amendement porte sur l'intitulé du rapport. Nous vous proposons l'intitulé suivant : De l'Islam en France à l'Islam de France, établir la transparence et lever les ambiguïtés.

Mme Evelyne Yonnet. - L'objet de la mission était le financement des lieux de culte. Or cela n'apparaît plus dans l'intitulé.

Pour ma part, je propose de ne conserver que la première partie de l'intitulé - De l'Islam en France à l'Islam de France.

M. Michel Amiel. - Passer à l'Islam de France me gêne un peu. C'est une forme de gallicanisme : c'est considérer que l'Islam occupe une place particulière en France. Or l'Islam est d'abord l'Islam avant d'être français ou britannique.

M. François Grosdidier. - Pour ce qui me concerne, j'adhère totalement aux deux parties de cet intitulé.

L'organisation et le financement de l'Islam en France figurent dans l'intitulé de notre mission d'information. Nous ne sommes pas obligés d'y faire référence dans le titre du rapport.

Il ne s'agit pas de développer le gallicanisme. Le problème de l'Islam aujourd'hui est qu'il apparaît essentiellement comme une religion d'importation. Le christianisme et le judaïsme aussi sont des religions d'importation, mais plus anciennes. Il y a un problème d'intégration de l'Islam.

Par ailleurs, de nombreux auteurs, y compris les premiers auteurs de l'Islam, posent le principe de la contextualisation, ce que les salafistes oublient complètement. Or la contextualisation, dans l'espace et dans le temps, c'est-à-dire dans la société française d'aujourd'hui, est un enjeu fondamental. L'Islam en France n'a pas encore fait ce travail.

La première partie de l'intitulé proposé montre bien la nécessité d'une contextualisation et, à terme, d'une rupture avec les pays d'origine, sans pour autant qu'elle soit brutale, y compris en termes de fonctionnement. Nous avons à cet égard évoqué le financement par la communauté elle-même et non par des influences étrangères.

La seconde partie de l'intitulé - établir la transparence et lever les ambiguïtés - évoque les deux principaux enjeux immédiats analysés dans le rapport et les solutions que nous proposons.

M. Michel Amiel. - Je persiste à dire que c'est du gallicanisme pur et dur. Je ne reviens pas sur ce qu'est le gallicanisme, chacun le sait. Chaque fois que l'État a pointé une religion de façon spécifique, c'était toujours dans un espace-temps donné.

M. Jacques Bigot. - Le rapport me satisfait très largement. Il pose un bon diagnostic, très complet.

Les propositions que nous avons faites, nous l'avons vu, ont des limites, lesquelles sont fortes, car nous avons pris le parti de rester dans le cadre de la loi de 1905.

Un intitulé n'est jamais anodin, car il est repris par la presse. Le risque en la circonstance est que l'on dise que le Sénat s'est occupé de l'Islam. Notre rapport va loin, mais il est très nuancé, compte tenu des difficultés qui se posent. Je comprends la notion d'Islam de France, mais venant du Parlement, elle prend un autre sens. La France est la fille aînée de l'église catholique, mais pas dans la République. La question qui est aujourd'hui posée est celle de la place de l'Islam en France et dans la République.

En termes de communication, l'intitulé proposé me semble extrêmement gênant. Les médias pourraient faire une présentation simplifiée de notre rapport, ce qui me paraît dangereux.

M. Philippe Bonnecarrère. - Je ne reviens pas, madame la présidente, mes chers collègues, sur le fond du rapport, qui est tout à fait excellent, pour ne pas dire remarquable.

Il ne faudrait pas que l'intitulé interfère de manière négative avec le contenu du rapport, qui donne manifestement totale satisfaction. Il faut distinguer l'essentiel de l'accessoire.

Cela étant dit, je trouve ce titre excellent et je ne comprendrais pas qu'il soit modifié.

Sa première partie reflète le thème central de nos travaux. Je ne sais pas très bien ce que vient faire ici le gallicanisme. Je ne savais pas que les descendants de nos rois voulaient intervenir dans le fonctionnement de la religion. J'ai plutôt l'impression que nous avons pris le plus extrême soin dans le rapport de ne pas intervenir dans le fonctionnement de l'Islam. Il n'y a aucune ambiguïté sur le fond.

Il me paraît nécessaire d'évoquer un Islam de France, non par gallicanisme, mais pour bien marquer le souhait officiel du Sénat que les liens existants entre la communauté musulmane française et les pays d'origine soient atténués, voire rompus. Ces liens sont une anomalie profonde, qui n'est pas saine pour le fonctionnement des communautés musulmanes en France. Les termes « Islam de France » me paraissent donc parfaitement adaptés.

La seconde partie de l'intitulé a toute sa pertinence. L'intitulé qui nous est proposé n'a rien de facile, clinquant. Il est au contraire assez modeste et témoigne de l'esprit prudent dans lequel ces questions ont été abordées. Aucune mesure choc susceptible de faire la une du journal de vingt-heures n'a été envisagée. La notion de transparence a été mise en avant. Qui pourrait ne pas y consentir ?

L'intitulé montre avec finesse que rien dans ce rapport n'est de nature à alimenter un sentiment de victimisation. Vous mettez en exergue des éléments de réflexion déjà présents au sein de la communauté musulmane de France et des pistes que celle-ci aurait déjà pu mettre en oeuvre. C'est une formule modeste et prudente.

Au final, si le rapport est très complet et pertinent, il ne prétend pas révolutionner la relation entre la communauté musulmane et notre pays. Tel était l'objectif. Si nous parvenions en plus à un vote consensuel sur le rapport, ce serait une sacrée évolution ! Dans la société française, ce sujet a toujours été considéré comme clivant, quand il n'a pas constitué un élément d'exploitation politique. L'objectif de la mission de présenter de manière consensuelle des propositions permettant d'assurer la transparence et de lever les ambiguïtés me paraît atteint.

En ce qui me concerne, j'approuve sans aucune réserve l'intitulé qui nous est proposé par les rapporteurs.

M. Rachel Mazuir. - J'ai été sensible à la remarque qu'a faite Jacques Bigot.

L'Islam de France est éparpillé et les musulmans apportent avec eux les problèmes de leur pays d'origine. Dans ce contexte particulier, nous devons, à travers cet intitulé, laisser entendre que nous souhaitons rassembler cette communauté éparse.

L'amendement n° 10 est adopté.

Mme Corinne Féret, présidente. - En conséquence, l'intitulé du rapport tel qu'il nous a été présenté en deux lignes est ainsi rédigé.

Avant de mettre aux voix l'ensemble du rapport, je donne la parole à notre collègue Chantal Deseyne.

Mme Chantal Deseyne. - J'ai trouvé difficile de déposer des amendements du fait de la consultation sur place, car nous ne pouvions pas emporter un exemplaire du prérapport. C'est la raison pour laquelle j'ai présenté une liste de propositions de modifications, que j'ai transmise à mon groupe, afin qu'elle soit annexée au rapport.

Mme Evelyne Yonnet. - C'est vrai qu'il a été difficile de lire le prérapport et de l'amender.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Nous avons pris en compte vos observations, Madame Deseyne, et inséré dans le rapport un encadré sur la formation des prêtres étrangers exerçant leur ministère en France, la manière dont ils sont formés, et leur maîtrise de la langue française, lequel répond précisément à vos questions.

Nous avons également tenu compte de l'observation sur l'abattage rituel et indiqué par ailleurs qu'une commission d'enquête sur cette question a été constituée à l'Assemblée nationale.

Vos observations ont donc été prises en considération et ont permis de compléter le rapport.

Mme Chantal Deseyne. - Des prêtres sont formés en Amérique du Sud ou en Asie. Pour autant, on n'exige pas d'eux lorsqu'ils arrivent en France pour y exercer leur ministère, qu'ils suivent une formation civique sur les valeurs de la République. Pourquoi l'exiger des ministres du culte musulman ?

Mme Evelyne Yonnet. - C'est un débat de fond.

M. François Grosdidier. - On ne va pas refaire le débat !

Mme Fabienne Keller. - Nous évoquons la question des imams ayant été entièrement formés à l'étranger. On peut faire faire une comparaison avec la procédure applicable aux médecins étrangers, qui doivent valider un diplôme universitaire en France.

Mme Corinne Féret, présidente. - Merci de vos observations. Je mets aux voix l'ensemble du rapport, ainsi modifié.

Le rapport est adopté à l'unanimité, moins une abstention.

Mme Evelyne Yonnet. - À ce stade de nos travaux, je tiens à remercier de nouveau Mme la présidente, Mme la rapporteur et M. le co-rapporteur du travail qu'ils ont fourni.

Mme Fabienne Keller. - À mon tour, je tiens à remercier et à féliciter Mme la présidente, Mme et M. les rapporteurs pour le travail considérable qu'ils ont effectué, ainsi que les fonctionnaires. Pour ma part, j'ai appris beaucoup de choses au cours des auditions.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que le rapport sera présenté le jour de l'Aïd-el-fitr, jour traditionnel de fête familiale chez les musulmans, ce qui pourrait ne pas être interprété de manière positive. Ce télescopage n'étant pas volontaire, il serait bon que cela se sache.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Nous avons saisi la présidence du Sénat de cette question, qui nous a donné l'absolution.

Par ailleurs, comme le report des dates des oraux de rattrapage du baccalauréat pour les musulmans en raison du ramadan a suscité de vives critiques et puisque nous n'avons cessé de prôner la laïcité, nous avons maintenu la date de demain.

M. François Grosdidier. - On ne peut pas nous faire grief d'avoir choisi cette date qui, jusqu'à hier, n'était pas connue.

M. Jacques Bigot. - La présentation de ce rapport un jour important pour les musulmans est aussi une reconnaissance de la part de la République.

Mme Nathalie Goulet, rapporteur. - Cette observation était tout à fait pertinente. Nous en tiendrons compte lors de la conférence de presse demain.

Mme Corinne Féret, présidente. - La réunion est levée.

Le sort des amendements est retracé dans le tableau suivant :

Auteur (1) (2)

Numéro

Objet

Sort

Les rapporteurs (1)

1

Précision sur l'audition du ministre de l'Intérieur

Adopté

Mme Corinne Féret, présidente (2)

17

Précision rédactionnelle sur la non participation aux travaux de la mission d'un représentant du groupe communiste républicain et citoyen

Adopté

Les rapporteurs

1 bis

Précision sur les modalités d'organisation des travaux de la mission

Retiré

M. André Reichardt et Mme Fabienne Keller

26

Précision rédactionnelle et indication complémentaire le programme d'un des déplacements de la mission d'information (Strasbourg)

Adopté

Mme Nathalie Goulet, rapporteur

28

Suppression d'un paragraphe sur le dialogue interreligieux en Alsace-Moselle

Adopté

M. André Reichardt et Mme Fabienne Keller

27

Précisions sur la portée et la valeur de référence du régime concordataire applicable en Alsace-Moselle

Adopté avec modification

Les rapporteurs

2

Ajout d'une mention sur les textes antisémites du régime de Vichy

Adopté

Les rapporteurs

3

Insertion d'un paragraphe explicitant le rôle des « mourchidates » (femmes ministres du culte musulman)

Adopté

Les rapporteurs

4

Statut unifié des imams incluant si nécessaire une formation professionnelle

Retiré

Les rapporteurs

5 rectifié

Uniformisation des statuts des aumôniers musulmans

Adopté

Mme Corinne Féret, présidente

19 rectifié

Précision sur les intentions du Gouvernement concernant les DU de formation civile et civique

Adopté avec modification

Les rapporteurs

6

Précision rédactionnelle sur la simplification et une clarification des statuts des associations gérant des mosquées

Adopté avec modification

M. François Grosdidier

23

Redevance sur l'abattage halal, dont le produit serait recueilli par la Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France (ou une fondation équivalente)

Adopté

M. François Grosdidier

24

Explicitation du régime de la redevance sur l'abattage halal

Adopté

Mme Corinne Féret, présidente

20

Évocation des perspectives récentes de réintégration de l'UOIF au sein de la direction collégiale du CFCM

Adopté

Mme Corinne Féret, présidente

21

Évocation des perspectives récentes de création d'un Conseil théologique au sein du CFCM

Adopté

Mme Corinne Féret, présidente

18

Insertion d'une subdivision nouvelle et de son intitulé, concernant l'Instance de dialogue avec l'Islam de France

Adopté

Mme Corinne Féret, présidente

22

Évocation des annonces récentes de la ministre de l'Éducation nationale en vue d'un renforcement des contrôles sur les écoles privées hors-contrat et l'enseignement à domicile, via notamment le passage d'un contrôle a posteriori à un contrôle a priori.

Adopté (sous le bénéfice d'une harmonisation rédactionnelle)

M. François Grosdidier

25

Transit obligatoire de tous les financements étrangers au profit d'établissements d'enseignement privé musulman par la Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France (discussion commune avec l'amendement quasi identique n° 7 des rapporteurs)

Retiré au profit de l'amendement n° 7

Les rapporteurs

7

Transit obligatoire de tous les financements étrangers au profit d'établissements d'enseignement privé musulman par la Fondation pour les oeuvres de l'Islam de France

Adopté

Les rapporteurs

8

Référence aux travaux de l'AMF sur les municipalités et leurs rapports avec l'Islam, récapitulé notamment dans son Vade-mecum de la laïcité

Adopté

Les rapporteurs

9

Même objet que l'amendement n° 8, en ce qui concerne la mise à disposition de salles municipales pour l'exercice d'un culte (travaux de l'AMF)

Adopté

Les rapporteurs

10

Intitulé du rapport

Adopté

(1) Les amendements des rapporteurs ont été cosignés par Mme Nathalie Goulet, rapporteur, et M. André Reichardt, co rapporteur

(2) Tous les amendements présentés par Mme Corinne Féret, Présidente, ont été cosignés par les sept autres membres de la mission membres groupe socialiste et républicain (Mmes Josette Durrieu et Yvonne Yonnet, MM. Jacques Bigot, Bernard Cazeau, Rachel Mazuir, Gilbert Roger et René Vandierendonck)

La réunion est levée à 15 h 40