Jeudi 12 juillet 2018

- Présidence de M. Jean Bizet, président -

La réunion est ouverte à 10 heures.

M. Jean Bizet, président. - La communication de M. Pascal Allizard et Mme Gisèle Jourda sur l'Union européenne et les routes de la soie est reportée à une date ultérieure.

Élargissement - Déplacement en Serbie et au Monténégro : rapport d'information de MM. Jean Bizet, Claude Kern et Simon Sutour

M. Simon Sutour, rapporteur. - Notre président Jean Bizet, notre collègue Claude Kern et moi-même, nous sommes rendus en Serbie puis au Monténégro à la fin du mois de mai, afin de faire le point sur ces deux pays candidats à l'adhésion à l'Union européenne.

Nous avions souhaité nous rendre dans la région quelques jours après le sommet Union européenne-Balkans occidentaux tenu à Sofia le 17 mai. Si ce sommet n'a rien annoncé de nouveau concernant les processus d'adhésion, nos interlocuteurs avaient tous en tête la nouvelle date d'entrée éventuelle dans l'Union évoquée depuis la stratégie pour les Balkans de la Commission européenne du 6 février dernier, à savoir « 2025 au plus tôt, si toutes les conditions sont réunies ».

À Belgrade, les plus hautes autorités serbes nous ont tenu un discours très raisonné à ce sujet. Le président de la République Aleksandar Vuèiæ et la Première ministre Ana Brnabiæ nous ont dit «  comprendre » la situation actuelle de l'Union européenne et la priorité donnée à l'approfondissement. Ils nous ont aussi indiqué que les grands progrès réalisés dans la modernisation du pays correspondaient d'abord à un choix de la société serbe elle-même. Pour qui connaît un peu la région, on ne peut toutefois pas ignorer la lassitude de l'opinion publique qui rêve de rejoindre l'Union depuis le sommet de Thessalonique de 2003 - il y a plus de 15 ans ! Il a fallu attendre 2012 pour ouvrir les négociations. On parlait de 2020 et maintenant c'est 2025 « au plus tôt ». Ils ont l'impression que l'Union les fait un peu lanterner...

Les discours entendus de nombreux parlementaires serbes étaient moins politiquement corrects, et l'on sentait poindre lassitude et reproches vis-à-vis de l'Union. Ici, nous avons l'impression que l'adhésion est pour eux la seule option possible, comme le Graal. Mais ce n'est pas vrai. Le soutien de la population serbe à l'adhésion a nettement baissé, et dépasse à peine les 50 %. Or l'Union européenne a pris des engagements vis-à-vis de ces pays, à la suite de la guerre de l'ex-Yougoslavie...

Pour le reste, la Serbie demeure le pivot des Balkans occidentaux, dont elle est de loin le pays le plus peuplé, avec 7 millions d'habitants. Sa langue est la plus parlée, notamment en Bosnie et au Monténégro. Elle a aussi largement hérité des structures solides de l'État yougoslave et l'on sent, lors de chaque rencontre ou visite dans les institutions, un État très structuré. Si le pays est largement intégré de fait à l'économie européenne - avec plus de 70 % de ses échanges et de nombreux travailleurs expatriés - les liens politiques et de coeur avec la Russie restent tangibles, notamment par la fameuse solidarité orthodoxe. Le pays attire aussi les investissements des pays du Golfe, de la Turquie et de la Chine.

Du point de vue européen, les progrès à accomplir portent toujours sur deux sujets majeurs. Tout d'abord, la mise en place d'un État de droit répondant à nos standards. Tandis que la politique de rigueur macroéconomique du pays est plutôt couronnée de succès et que la société se modernise à vue d'oeil, certaines pratiques demeurent et ont même tendance à s'aggraver, comme en témoigne l'inscription récente du pays sur la liste grise du Groupe d'action financière (GAFI) en matière de blanchiment. Il faudra aussi suivre de près la révision constitutionnelle en matière d'indépendance de la justice, et notamment la façon dont sera respecté l'avis rendu le 22 juin dernier par la Commission de Venise.

Nous retenons de notre réunion avec des journalistes indépendants, des membres de l'opposition et des associations qu'une des difficultés est le changement d'habitude et de comportements sur des sujets pour lesquels la Serbie n'a pas d'antécédents auxquels se référer. En matière de presse par exemple, la législation est satisfaisante mais il n'est pas évident de construire une culture de liberté des médias à partir de rien ! Ce n'est pas seulement un problème de mauvaise volonté. Nous, pays anciens de l'Union, donnons des leçons, mais nous sommes parfois aussi confrontés à ces problèmes.

Le Kosovo est un sujet très regardé par Bruxelles, avec le fameux « chapitre 35 ». Jusqu'à maintenant, on a envoyé aux serbes le message suivant : soit ce chapitre est appliqué, soit la Serbie n'entre pas dans l'Union. Nous avons pu faire le point de la situation avec le Président Vuèiæ, quelques jours avant qu'il n'annonce la tenue d'un référendum sur le sujet. Attention à ne pas oublier la responsabilité de la partie kosovare dans les difficultés actuelles du processus de normalisation. L'Union européenne doit continuer à encourager les deux parties, plutôt que d'avoir un discours à géométrie variable. Jean-Claude Juncker ne veut pas d'une Union à 36 pays, qui rassemblerait de tous petits pays, mais il a toutefois participé à la création du Kosovo. Il faudrait être cohérent dans tous les domaines !

M. Claude Kern, rapporteur. - Après Belgrade, nous nous sommes rendus avec Simon Sutour, à Podgorica, capitale du Monténégro. Petit pays de seulement 600 000 habitants, cette ancienne province serbe est devenue indépendante en 2006. Le Monténégro nous offre deux visages.

D'un côté, c'est un peu le premier de la classe de la région. C'est le pays le plus avancé dans le processus d'adhésion à l'Union européenne ; il a adopté unilatéralement l'euro comme monnaie nationale, et il est désormais membre de l'OTAN. L'ensemble des nationalités y coexistent pacifiquement, au point que ce petit État peut jouer un rôle de médiateur et de facilitateur dans la région où toutes les plaies liées à la dislocation de la Yougoslavie ne sont pas encore pansées. Pays ouvert et tourné vers l'ouest, le Monténégro joue déjà le rôle de continuité naturelle de la Croatie pour nombre de touristes, en particulier français.

D'un autre côté, le Monténégro fait figure d'État fragile. Notre collègue Simon Sutour, qui était venu dans le pays en tant que président de la commission en 2014, a perçu cette fois un renouvellement positif des responsables politiques et des fonctionnaires. L'une des faiblesses du Monténégro demeure ce que l'Union européenne appelle sa « capacité administrative ». Lors d'une réunion, nous avons pu prendre la mesure du chantier que représente la construction d'un État de droit, et même d'un État tout court, en une décennie dans un pays de 600 000 habitants. Plus encore qu'en Serbie, il ne suffit pas d'adopter les lois demandées par Bruxelles, mais le problème est bien celui de leur mise en oeuvre. Et ce, d'autant plus que le niveau de corruption et la part de l'économie parallèle demeurent élevés.

La situation politique est actuellement un peu troublée. Certes, le Président Djukanoviæ, ancien premier ministre et leader du Parti démocratique socialiste, au pouvoir depuis la fin de la Yougoslavie, est un élément fort de continuité. Mais depuis un an et demi, l'essentiel de l'opposition boycotte le Parlement au motif que les élections du 20 octobre 2016 se sont déroulées le lendemain d'une tentative de coup d'État, ce qui aurait pesé sur le résultat. L'économie du pays demeure elle aussi fragile. La crise de 2008-2010 se fait encore sentir. Le Monténégro est de plus en plus tributaire du tourisme - qui représente déjà un quart du PIB.

Nous avons ressenti une différence sensible avec la Serbie quant à l'adhésion à l'Union européenne. Nos interlocuteurs monténégrins ne cachaient pas leur déception quelques jours après le sommet de Sofia dont ils attendaient davantage, au moins pour eux-mêmes puisque leur pays est, de loin, le plus avancé et ne présente pas de point de blocage majeur - à la différence du Kosovo pour son grand voisin.

Comme à Belgrade, notre mission nous a renvoyé à la nécessité de définir le discours que nous devons tenir à ces pays candidats, qui regardent vers l'ouest mais qui pourraient désespérer, et éventuellement céder aux chants des sirènes venant de l'Est voire des pays du Golfe.

M. Jean Bizet, président. - Notre défi est de trouver un équilibre entre deux exigences. D'un côté, nous ne devons pas décourager ces pays et les garder arrimés à l'Union européenne. Il faut d'abord le faire parce que c'est une région dont dépend très directement notre sécurité : Daech est apparu notamment en Bosnie, les armes utilisées au Bataclan ont transité par le Monténégro et lors de la crise migratoire, la Serbie a joué un rôle exemplaire pour près de deux millions de migrants, comme elle aide aujourd'hui la France en matière de renseignement anti-terroriste. La nature a horreur du vide : la Russie, la Turquie et la Chine ont déjà posé davantage que de simples pions dans cette zone de l'échiquier européen. Un organe de presse relatait les propos de Recep Tayyip Erdoðan, qui estimait que, bien qu'il n'était pas sur son territoire en Bosnie-Herzégovine, en Serbie et au Monténégro, il comptait néanmoins faire passer des messages dans ces anciens territoires de l'empire ottoman. La Turquie avance de moins en moins masquée !

Mais il n'y a pas seulement ces raisons d'ordre géopolitique et notre besoin d'une stabilisation de la région. Ces pays sont en marche vers l'Union d'une façon qui nous a semblé crédible. La dynamique positive enclenchée dans ces pays est très perceptible. J'ai été assez sensible au discours des autorités serbes, sur une adhésion à l'Union qui soit un partenariat gagnant-gagnant - c'est d'ailleurs le titre de notre rapport...

Tout cela est vrai mais nous devons aussi tenir compte des réalités actuelles de l'Union européenne, qu'il s'agisse de la priorité donnée à l'approfondissement ou de l'état de nos opinions publiques, notamment à la suite des derniers élargissements.

Continuons à encourager ces pays dans la voie qu'ils ont choisie mais tenons-leur un discours de vérité. C'est ce que nous nous sommes efforcés de faire au cours de la mission. Cela doit aussi continuer au sein de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), car les pays candidats y participent.

Nul ne sait quelle sera la situation en 2025, ni dans ces pays, ni à Bruxelles, ni à Paris.

Dans l'immédiat, l'Union pourrait repenser les accords de stabilisation et d'association conclus avec les pays candidats, de façon à enrichir leur contenu, dans le sens d'un partenariat plus solide.

Comme nous le disait le président serbe, Aleksandar Vuèiæ, nous aurions intérêt à nous pencher sur l'évolution de la Bosnie-Herzégovine, très inquiétante pour la région, y compris pour la Croatie, pays membre de l'Union.

M. Jean-Yves Leconte. - Je n'ai rien à ajouter sur le plan technique. Politiquement, nous devons tenir un équilibre. En revanche, j'estime que l'opinion publique ne veut en fait ni approfondissement, ni élargissement de l'Union. Notre responsabilité est de témoigner d'un idéal européen, et faire l'élargissement et l'approfondissement : l'un ne va pas sans l'autre. Ce n'est pas qu'une question de sécurité, mais aussi de conviction. Le projet européen doit être fondé sur des principes qui permettent à tous de progresser. L'opinion publique doute de tout, et pas seulement de l'Europe.

J'ai longtemps habité en Europe centrale. Dans les années 1990 s'est instauré un décalage entre la volonté d'adhérer rapidement à l'Union européenne et la réalité. L'Union a nourri la fatigue plutôt que de profiter de cet enthousiasme. Les pays ayant adhéré à l'Union ont été longtemps dans une situation transitoire, différente de celle des « vieux » pays de l'Union. Soyons très précis et volontaristes sur l'adhésion et très stricts sur les exigences minimales à atteindre. Comme nous ne voulons pas leur donner de date, nous faisons des reproches, et c'est contreproductif. Je veux tout de même rappeler que le Président Milo Djukanoviæ est au pouvoir depuis la création de l'État du Monténégro.

M. Simon Sutour. - Même avant !

M. Claude Kern, rapporteur. - Il était auparavant Premier ministre.

M. Jean-Yves Leconte. - Il n'est pas connu pour être un parangon de transparence. Le Monténégro a des responsabilités dans plusieurs trafics. Ce n'est pas parce qu'ils ont été corrects en 1999 qu'il faut taire ces sujets.

Pour ce qui concerne la Serbie, c'est un peu pareil. Le problème du Kosovo devra être résolu.

J'imagine que nombre de vos interlocuteurs vous ont demandé de ne pas prendre en otage la négociation d'adhésion en utilisant le thème du Kosovo. C'est le cas des membres de la majorité parce qu'ils veulent parler d'autre chose, ou font semblant de le vouloir. C'est vrai aussi pour les élus d'opposition parce qu'ils savent que tant que l'on parle du Kosovo, on n'évoque pas les choses qui fâchent.

Lorsque l'on demande au président serbe, qui vient d'un parti nationaliste, de faire des efforts sur le Kosovo, on se dit que s'il fait des concessions, cela devrait stabiliser la situation. Mais au vu du matraquage qui a eu lieu lors de la dernière élection présidentielle, on constate que la démocratie est loin d'être absolue dans ce pays...

Lorsque l'on demande au gouvernement serbe d'avancer sur le Kosovo, on ne lui demande pas - hélas - de faire des progrès sur d'autres sujets. Aujourd'hui, en effet, il agit dans un sens contraire aux principes de l'Union européenne. Nous devons donc être précis dans nos exigences adressées à la Serbie.

Pour le projet « Belgrade sur l'eau », et d'autres de même nature, la Serbie n'hésite pas à s'ouvrir aux investissements étrangers, par exemple venant d'Abu Dhabi, et à signer des accords qui posent le principe d'extraterritorialité des lois étrangères. Je ne suis pas certain que cela soit conforme aux règles européennes. La négociatrice de la Serbie m'a dit que l'Union n'avait jamais évoqué ce problème. Or il arrive que des pays prennent pied dans cette zone en utilisant des méthodes qui risquent de poser ultérieurement des problèmes au sein de l'Union, notamment en termes de protection de l'investissement.

Par ailleurs, je ne pense pas que l'on puisse dire que Daech a été créé en Bosnie,...

M. Jean Bizet, président. - Il y aurait émergé...

M. Jean-Yves Leconte. - ... même si, comme en Afghanistan, un certain nombre de musulmans ont convergé dans cette zone.

Enfin, si l'on observe depuis quelques années une consolidation économique, la Serbie doit aussi faire face à un exode des compétences.

M. Jean Bizet, président. - Nos interlocuteurs en étaient effectivement très inquiets !

M. Jean-Yves Leconte. - On peut aussi constater qu'Aleksandar Vuèiæ n'a pas tout à fait changé : lorsqu'il parle d'échange de territoires, il s'inscrit dans une logique de purification ethnique. Accepter ce type de principe, c'est accepter l'idée d'États ethniques. Je suis inquiet à cet égard.

Quelle que soit la demande faite par l'Union européenne à la Serbie à propos du Kosovo, la blessure est toujours vive, et il ne suffira pas de la recouvrir avec du papier peint...

M. Pierre Cuypers. - Oui, il ne faut pas désespérer ces pays sur la question de leur adhésion à l'Union européenne.

J'aurai toutefois une question : le contexte budgétaire européen permet-il cette adhésion ? Si oui, dans quelles conditions  et avec quelles conséquences pour nous ?

M. Simon Sutour. - Le Monténégro ne compte que 600 000 habitants et la Serbie 7 millions. La question ne se pose donc pas en termes budgétaires, même si ces pays ne seront pas des contributeurs nets à l'Union européenne.

Si l'Union veut être crédible, elle doit tenir ses engagements. Rappelons-nous de l'Irlande du Nord, qui était à feu et à sang voilà quarante ans. L'entrée dans l'Union a joué un rôle dans le processus de paix.

Le même processus a commencé pour la Slovénie et la Croatie, et doit se poursuivre avec la Serbie et le Monténégro.

Nous ferions une erreur en désespérant ces pays, car ils pourraient choisir d'autres options, lesquelles existent bel et bien. En France, nous pensons que nous sommes au centre de tout et que nous décidons non seulement pour l'Europe mais aussi pour le monde.

Or le monde compte 7 milliards d'habitants et l'Union européenne 500 millions, Grande-Bretagne comprise. La Fédération de Russie, l'Inde, la Chine, de grands pays émergents comme le Brésil ou le Nigéria : les alternatives à l'Europe sont nombreuses !

Nous nous prenons pour une aristocratie. L'un de nos collègues avait dit, à propos des accords d'association avec l'Union, que « beaucoup frappaient à la porte ». C'est réciproque ! Un processus d'adhésion ne se limite pas à des personnes qui frappent à la porte et à d'autres qui l'ouvrent...

Il faut faire preuve de lucidité quant aux difficultés de ces pays, mais tout est relatif. Nous donnons des leçons au Monténégro et à la Serbie sur la corruption ; dans le même temps, un grand pays de l'Union européenne, l'Espagne, vient de perdre son président du gouvernement, Mariano Rajoy, parce que son parti, le Parti populaire (PPE) a été reconnu coupable par la justice de faits de corruption importants, plusieurs responsables étant condamnés à de lourdes peines de prison. La famille royale espagnole n'est pas non plus épargnée. Il n'y a pas en Europe que des États parfaits et notre tradition démocratique étant plus longue, nos standards sont certes plus élevés. Mais à la lecture de la presse française, on pourrait aussi dire bien des choses. Notre parquet financier ne chôme pas !

Je pense que c'est une erreur de ne pas aller plus loin dans le processus d'adhésion de ces pays, mais je me plie à l'avis collectif. J'aurais aimé que l'on dépose une proposition de résolution ou un avis politique. Je me contenterai d'un courrier adressé au président de la Commission européenne et, si vous en êtes d'accord, monsieur le président, au Président de la République.

M. Claude Kern. - On sait que l'économie parallèle et, surtout, le trafic d'armes, existent au Monténégro. Nos interlocuteurs monténégrins ne l'ont pas nié. Il n'en reste pas moins que la population se sent en sécurité. Nous avons évoqué cette question avec eux au lendemain de l'affaire de Marseille. « Et chez vous ? », nous ont-ils répondu...

L'élargissement, selon moi, n'est pas une urgence, et nos interlocuteurs en étaient d'accord. Ce qu'ils nous demandent, c'est un accord de réel partenariat entre l'Union européenne et leurs pays ; à défaut, ils se tourneront vers d'autres cieux.

M. Jean Bizet, président. - La stabilisation des Balkans est essentielle ; il suffit pour s'en convaincre de considérer la situation à la veille de la Première Guerre mondiale. Je vous renvoie à la lecture du remarquable ouvrage de Christopher Clark, Les Somnambules, dont le Président de la République fait souvent état.

La Serbie est un État structuré, même s'il n'est pas parfait. Nos interlocuteurs, notamment la Première ministre, Ana Brnabiæ, et le président de la République, sont conscients du temps nécessaire pour parfaire leur évolution. Ils n'ont pas exercé de pression sur nous, même s'ils étaient quelque peu déçus des décisions prises à Sofia. Ils se sont montrés extrêmement habiles, structurés et raisonnables.

La prochaine adhésion devrait concerner la Serbie, qui est un pays pivot. Comme l'a dit Claude Kern, on ne peut pas agiter devant notre opinion publique le chiffon rouge d'une nouvelle adhésion ; c'est psychologiquement et politiquement invendable. Travaillons plutôt à approfondir les accords de stabilisation et d'association, et réfléchissons à la façon de les accompagner, de façon plus coercitive, pour qu'ils évoluent vers un État de droit.

Nous enverrons ce rapport au président de la République et à Jean-Claude Juncker.

M. Jean-Yves Leconte. - Notre pays, considéré comme un partenaire privilégié, a, compte tenu de notre longue relation, une responsabilité particulière à l'égard de la Serbie. Ce n'est pas la première blessure qu'on lui inflige, mais il lui est difficile d'accepter que la France soit à l'avant-garde des pays qui ont posé des conditions à l'élargissement lors du sommet de Sofia, alors même que la question de la Macédoine est réglée.

Un responsable politique ne doit pas suivre l'opinion publique, mais tenter de la forger.

M. Simon Sutour. - Non, de la convaincre !

M. Jean Bizet, président. - Comme disait le Général, vaste programme !

La commission va se prononcer sur la publication de ce rapport, et nous ferons aussi une note circonstanciée sur les accords de stabilisation et d'association.

À l'issue de ce débat, la commission autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

Politique de coopération - Les relations entre l'Union européenne et Israël : rapport d'information de M. Simon Sutour

M. Jean Bizet, président. - Notre collègue M. Simon Sutour suit au sein de notre commission les questions relatives au voisinage méditerranéen de l'Union européenne. Dans de précédents rapports, il nous avait rendu compte des relations avec les autres pays de la rive Sud de la Méditerranée. Dans le cadre de sa réflexion, il a effectué du 25 au 27 juin derniers un déplacement en Israël.

Je suis heurté, pour ma part, par le fait qu'en dépit d'un accompagnement financier assez lourd de la part de l'Union européenne dans le domaine de la recherche et de l'innovation, et de la présence sur place de chercheurs français et britanniques, Israël refuse de considérer l'Union européenne lorsqu'il s'agit de parler de questions géopolitiques, et n'échange qu'avec les États-Unis. C'est quelque peu choquant.

M. Simon Sutour, rapporteur. - Monsieur le Président, mes chers collègues, les relations entre l'Union européenne et Israël - auxquels j'ajoute les Territoires palestiniens - sont à analyser sous plusieurs angles. Le premier, historique et philosophique, nous conduit à considérer ce pays comme un allié naturel au Proche-Orient, incitant l'Union européenne à développer avec lui un partenariat privilégié et avancé. On nous a indiqué que 55 % de la population israélienne ont déjà ou pourraient avoir l'une des nationalités européennes.

Le deuxième angle, celui de la coopération économique et scientifique, vient confirmer cette logique de renforcement inéluctable des liens. L'accord d'association signé entre l'Union européenne et Israël en 1995 peut, à ce titre, s'apparenter à une première étape. Cet accord, sur le modèle de ceux mis en place avec d'autres pays de la rive Sud de la Méditerranée, illustre l'importance des échanges commerciaux entre l'État hébreu et l'Union européenne. Celle-ci est, devant les États-Unis, le premier partenaire commercial d'Israël : 34 % des exportations israéliennes sont dirigées vers l'Union européenne, alors que 43 % des importations israéliennes proviennent de l'Union européenne. La coopération scientifique est, quant à elle, matérialisée par la participation d'Israël au programme Horizon 2020. Le pays pilote aujourd'hui 846 projets, financés à hauteur de 592,9 millions d'euros, soit près de 2 % des crédits accordés à l'échelle européenne. Je détaille dans le rapport les succès de cette coopération.

Le troisième prisme pour analyser la relation Union européenne-Israël est, bien évidemment, celui du conflit israélo-palestinien. Il vient troubler une perception jusqu'ici positive. Les valeurs défendues par l'Union européenne, au premier rang desquelles le respect du droit international et son souhait de s'affirmer comme un acteur politique dans la région, se heurtent logiquement à l'intransigeance de l'État hébreu, plus enclin à s'appuyer sur les États-Unis sur ces questions. En découle une relation complexe, paradoxale par moments, où les succès de la coopération sur les terrains économique et scientifique contrastent avec un discours politique plus sévère, gelant toute perspective d'approfondissement.

Une nouvelle étape de la coopération entre l'Union européenne et Israël aurait dû être franchie avec l'octroi à Israël d'un statut privilégié. Une annonce est intervenue en ce sens en 2008. L'opération « Plomb durci », début 2009, a remis en cause cette option. L'association est aujourd'hui à l'arrêt, le conseil d'association Union européenne-Israël ne s'est en effet plus réuni depuis 2012. L'Union européenne souhaite désormais comme préalable une reprise des négociations en vue de la concrétisation de la solution à deux États. Serait alors mis en place un partenariat spécial privilégié avec Israël et le futur État de Palestine. Le dispositif comprendrait notamment un accès accru aux marchés européens, le resserrement des liens dans les domaines culturel et scientifique, des échanges et des investissements facilités, ainsi qu'une promotion des relations entre entreprises.

Cette approche conditionnelle vaut également pour les Territoires palestiniens. Un accord intérimaire - appelé aussi « provisoire » - d'association a été signé avec Ramallah en 1997. Ses objectifs correspondent à ceux développés avec les autres pays de la rive Sud de la Méditerranée, même si, pour l'heure, la priorité européenne va au soutien financier. L'aide annuelle a ainsi atteint environ 357 millions d'euros en 2017. L'Autorité palestinienne est aujourd'hui le premier bénéficiaire de la politique de voisinage dans la région. Les financements sont orientés vers l'assistance aux réfugiés palestiniens, la consolidation de l'Autorité palestinienne - sans l'argent de l'Union européenne, il n'y aurait pas de structures administratives palestiniennes - et le développement du secteur privé. Cette logique de subvention peine cependant à se transformer en un véritable partenariat, autour de priorités préalablement définies.

Cette situation de blocage tant avec Israël qu'avec les Territoires palestiniens invite à repenser la stratégie de l'Union européenne dans la région. La logique de conditionnalité, à première vue vertueuse, s'avère in fine contreproductive. L'État hébreu ne considère plus aujourd'hui l'Union européenne comme un partenaire politique. Cette logique contribue également à générer au sein de l'Autorité palestinienne une sensation d'incompréhension sur les intentions de l'Union européenne, au risque de relativiser son aide et de fragiliser sa crédibilité.

L'Union européenne a révisé, en décembre 2015, les critères définissant sa politique de voisinage. La démarche « donnant-donnant » ayant échoué, une politique plus progressive a été mise en place. Cette réorientation doit permettre de mieux diffuser les valeurs européennes tout en défendant les intérêts de l'Union européenne. Il s'agit aujourd'hui d'assurer la stabilité à ses frontières par un soutien précis et efficace, destiné à favoriser la sécurité de la région, le développement de véritables coopérations économiques dépassant le seul libre-échange et la poursuite des réformes démocratiques. Cette révision de la stratégie globale implique une nouvelle approche des relations bilatérales entre l'Union européenne et chacun de ses partenaires méditerranéens. L'Union européenne a su ainsi réévaluer ses relations avec la plupart des pays du bassin méditerranéen en élaborant avec eux de nouvelles priorités de partenariat. Celles-ci, centrées sur quelques domaines, se substituent aux plans d'action globaux, renouvelés régulièrement avant 2016 sans pour autant que les relations avec les pays concernés ne soient approfondies. Ainsi, en dépit de ses relations parfois tendues au plan politique avec le gouvernement, l'Union européenne a su élaborer de telles priorités avec l'Égypte en juillet 2017. Une démarche identique avait également abouti avec l'Algérie en mars 2017.

Il est aujourd'hui regrettable que ce travail n'ait même pas été entamé avec Israël, en dépit de la qualité des échanges économiques et scientifiques ou de la proximité des modèles politiques. Cela accrédite l'idée d'une marginalisation de l'État hébreu dans la politique euro-méditerranéenne de l'Union. Le poids du conflit israélo-palestinien semble conditionner toute approche bilatérale, de manière excessive si l'on compare la relation nouée par l'Union européenne avec Israël à celle établie avec la Turquie, pays candidat qui occupe militairement une partie du territoire d'un État membre, Chypre. La qualité des échanges économiques et scientifiques avec Israël ne doit pas être aujourd'hui totalement tributaire d'une relation politique forcément complexe, mais qui peut s'avérer plus exigeante qu'à l'endroit d'autres États. L'Union européenne doit ouvrir la possibilité d'un renforcement de la coopération avec Israël, dans le domaine énergétique par exemple.

Il conviendrait d'adopter une position moins incantatoire sur la question même du conflit israélo-palestinien. J'ai relevé que la Haute représentante avait publié 238 communiqués depuis 2014 sur ce sujet. C'est presque autant que pour toute l'Afrique sur la même période. Je comprends que l'Union européenne souhaite être un acteur à part entière dans le processus de paix. Elle relaie, depuis 1980, les positions des Nations unies sur le sujet. S'il ne s'agit pas pour elle de renoncer aux valeurs qu'elle défend ou d'abandonner les politiques qu'elle mène - l'accord avec l'Iran, par exemple -, l'Union doit néanmoins amender son discours si elle entend être audible sur la scène régionale. J'ai constaté, pour ma part, qu'elle ne l'était plus.

Le message porté doit aujourd'hui être réévalué à l'aune de plusieurs éléments : les difficultés à faire émerger une relève politique au sein de l'Autorité palestinienne, la volonté, au sein de celle-ci, de trouver un compromis viable intégrant notamment la démilitarisation du futur État, mais aussi le caractère durable, voire structurant, des colonies dans certains territoires : 30 000 Palestiniens travaillent au sein d'entre elles. J'ajoute que 12 000 citoyens français habitent dans les colonies. Par ailleurs, 200 000 Palestiniens travaillent en Israël, 100 000 avec un véritable permis de travail et 100 000 de façon informelle.

Une approche plus nuancée permettrait à l'Union européenne de retrouver une forme de crédibilité sur ce sujet, au moment où les États-Unis devraient présenter un nouveau plan de sortie de crise. L'action de l'Union européenne pourrait ainsi se concentrer sur quelques points clés, en particulier le statut de Jérusalem et le maintien au sein de cette ville de son caractère palestinien, ou le rôle des colonies dans un futur État palestinien.

Cette nouvelle approche permettrait, en outre, de mieux rendre compte de la diversité des points de vue sur le conflit au sein même du Conseil européen. Israël connaît les divisions et en joue, en se rapprochant notamment du groupe de Viegrad.

Le Président de la République n'a pu obtenir une position du Conseil condamnant la décision des États-Unis d'installer leur ambassade à Jérusalem, en raison de l'opposition de certains pays européens, dont ceux du groupe de Viegrad - à l'exception de la Slovaquie. Le gouvernement palestinien observe d'ailleurs avec inquiétude les divisions au Conseil sur la question du conflit, craignant un alignement des positions de certains États membres sur les positions américaines. Or d'après le conseiller pour les affaires européennes du Premier ministre palestinien, que j'ai rencontré à Ramallah, les Palestiniens souhaitent passer de l'accord provisoire de 1997 à un accord définitif.

En ce qui concerne les Territoires palestiniens, il convient d'opérer un saut qualitatif pour donner du sens à un investissement financier colossal que l'Europe porte désormais à bout de bras, les États-Unis ayant mis fin à leur contribution à l'agence onusienne de soutien aux réfugiés palestiniens. L'Autorité palestinienne a proposé l'élaboration de priorités de partenariat, et l'Union européenne doit répondre formellement à cette demande.

Il s'agit pour elle d'appliquer pleinement les critères de la politique de voisinage révisée et, en premier lieu, le principe de différenciation. Israël et les Territoires palestiniens doivent faire l'objet d'un traitement séparé, sans pour autant remettre en cause l'objectif initial de trouver une solution au conflit les opposant. L'Union européenne doit à cet effet faire jouer à plein la dimension régionale en resserrant ses partenariats avec les organisations et les pays voisins, de façon à faciliter la relance du dialogue et à répondre concrètement aux défis posés. C'est aussi le sens de la politique de voisinage.

En conclusion, à force de réaffirmer des principes, nous sommes de moins en moins opérants. De plus, une coopération qui fonctionne, notamment sur le plan scientifique, est dans l'intérêt de l'Union européenne. Je me suis rendu à l'Institut Weizmann des sciences, une institution de très haut niveau qui a produit des prix Nobel. Le professeur Victor Malka y a ouvert un laboratoire, faute d'avoir obtenu des crédits en France...

Gaza est un problème à part - car la Cisjordanie est de plus en plus intégrée économiquement à Israël. À Ramallah, on paie en shekels ; un grand nombre de Palestiniens travaillent dans les colonies ou en Israël. Or les avantages de l'accord d'association sont refusés aux entreprises implantées dans les colonies... Employant plusieurs centaines de Palestiniens, l'entreprise Sodastream a été contrainte, pour cette raison, de quitter la Cisjordanie pour le désert du Néguev, laissant ainsi sur le carreau une partie de ses salariés. L'enfer est pavé de bonnes intentions...

M. Jean-Yves Leconte. - Vous avez bien illustré l'évolution des relations d'Israël avec les pays du groupe de Viegrad. Voir le Premier ministre israélien parrainer une campagne contre George Soros qui fait appel à tous les ressorts de l'antisémitisme de l'entre-deux-guerres illustre un décalage de plus en plus grand, à l'heure du 70e anniversaire de ce pays, avec ses valeurs d'origine. Les difficultés internes que connaît l'Union européenne se retrouvent dans notre relation collective avec Israël : nous ne sommes pas en mesure de tenir une position collective sur le sujet.

La liberté de circulation des produits ne s'accompagne pas de la liberté de circulation des hommes, et ce dans les deux sens : un citoyen israélien n'a pas le droit d'aller à Ramallah. Un conseiller consulaire de la représentation française, rabbin, en a fait l'expérience en prenant l'initiative de se rendre en Palestine : il y a découvert une réalité que les Israéliens ne soupçonnent pas. Des populations sont confrontées, opposées, sans avoir la possibilité d'échanger sur leur situation réciproque. Tout aussi inquiétante est la situation à Gaza qui pèse sur la sécurité d'Israël, mais aussi sur les mentalités.

Quant aux positions européennes sur les colonies, sont-elles l'alpha et l'oméga de toute solution pour le règlement du conflit ?

M. Simon Sutour, rapporteur. - Les colonies sont une réalité.

M. Jean-Yves Leconte. - Ce ne sont pas les plus riches qui vont dans les colonies, mais les plus pauvres qui n'ont pas les moyens de se loger ailleurs.

M. Simon Sutour, rapporteur. - Le taux de chômage en Israël est de 4 %.

M. Jean-Yves Leconte. - Le faible taux de chômage n'exclut pas l'existence d'une question sociale aiguë. La domination actuelle du Premier ministre repose sur la peur, mais aussi sur l'exploitation de la situation difficile d'une bonne partie des Israéliens.

Le fait que ce rapport soit particulièrement consacré aux relations entre Israël et l'Union européenne illustre bien le caractère particulier de ces relations, qui sont sans équivalent dans la région. Cependant, en termes géopolitiques - je songe notamment à l'accord avec l'Iran - les intérêts de l'Union européenne s'entrechoquent avec ceux d'Israël.

M. Simon Sutour, rapporteur. - On peut en dire autant de l'Égypte...

M. Jean-Yves Leconte. - C'est différent. Très dépendante financièrement de l'Arabie saoudite, l'Égypte a rejoint l'axe que celle-ci forme avec Israël contre l'Iran, mais elle n'en est pas le fer de lance. C'est dramatique, car toute stabilisation dans la région est impossible sans équilibre entre les puissances.

M. Simon Sutour, rapporteur. - Il est assez naturel qu'Israël prenne position contre un pays qui veut le détruire, et le déclare publiquement.

M. Jean-Yves Leconte. - Le veut-il vraiment ? Nos intérêts devraient nous dicter des positions différentes.

M. Jean Bizet, président. - Il est incontestable qu'en dépit de son engagement économique, et dans la recherche-développement, l'Union européenne est absente politiquement, au profit des États-Unis. Je regrette notre absence de cohésion en politique étrangère, et tout particulièrement l'absence de politique énergétique commune dans cette partie du monde, même si le bouquet énergétique reste à la main de chaque État membre. La posture de repli des États-Unis devrait conduire l'Union européenne à se repositionner ; malheureusement, les autorités israéliennes ont un tropisme américain.

Mme Gisèle Jourda. - Ce rapport m'a beaucoup appris, notamment sur l'étiquetage de l'origine des produits. Il nous incite à dépasser les présupposés. La question israélo-palestinienne est un frein à l'octroi d'un partenariat avancé. Je ne vous cache pas que je ne m'en plaindrai pas, tant l'évolution de la situation en Israël, l'escalade même, est inquiétante. L'Europe doit être en phase avec elle-même.

La création d'Israël est issue, comme celle de l'Union européenne, de la Seconde guerre mondiale. C'était une nécessité historique. Mais la colonisation galopante illustre la tournure inquiétante que prend ce pays ; en aucun cas elle ne peut être justifiée, quels que soient les motifs qui l'inspirent.

M. Jean-Yves Leconte. - Ce n'était pas le sens de mes propos. Comprendre n'est pas excuser.

Mme Gisèle Jourda. - Partout des coins sont enfoncés dans le rêve d'une paix à l'européenne. Soyons vigilants face à la montée des populismes et, comme Salomon, gardons les yeux ouverts sur les politiques menées par Israël sans tomber dans la condamnation systématique. Les résolutions des Nations Unies ne suffisent pas. Ce pays est sur une pente inédite. Des populations entières sont emprisonnées, sans accès aux soins, des maisons sont détruites. Ce rapport nous apporte un éclairage précieux.

M. Jean Bizet, président. - Nous avons en effet beaucoup appris.

M. Simon Sutour, rapporteur. - Le plus douloureux, lors de la préparation de ce rapport, a été de constater que l'Union européenne ne pesait pas dans cette affaire. Elle s'est montrée pragmatique en signant un nouvel accord sur la politique de voisinage avec l'Égypte. Avec Israël, l'approche me semble plus épidermique.

Malgré cela, l'accord d'association avec Israël est tout à fait florissant. Les choses évoluent aussi en Europe au-delà du groupe de Viegrad, puisque la Roumanie s'apprête, elle aussi, à déplacer son ambassade à Jérusalem.

Il faut distinguer les colonies religieuses de celles, comme le grand Jérusalem, où l'on va habiter pour des raisons économiques, et qui sont en continuité territoriale avec Israël. Le consulat général de France à Jérusalem fait office d'ambassade pour les territoires palestiniens ; mais il traite aussi des affaires des Français habitant les colonies. 12 000 y vivent. La situation est complexe.

Monsieur le président, ce sont les États-Unis qui préfèrent Israël, et non le contraire. Je terminerai sur une note optimiste : les éléments d'une évolution positive sont réunis. La Cisjordanie est en train de s'intégrer économiquement à Israël et bénéficie de sa croissance économique. N'oublions pas les deux millions d'Arabes israéliens, qui vivent très bien dans ce pays et ont des députés à la Knesset.

Mme Gisèle Jourda. - C'est quand même leur pays d'origine !

M. Simon Sutour. - De gigantesques champs gaziers entre Chypre, le Liban, Israël, la Palestine et l'Égypte ont été découverts. Israël a commencé l'exploitation de celui de Leviathan. Chypre devrait suivre dans deux ans. L'Égypte pourrait, grâce à cette ressource, atteindre l'indépendance énergétique. Certes, les relations avec l'Union européenne sont difficiles, mais certains États membres sont engagés dans des partenariats : un projet de pipeline porté par la Grèce, Chypre et Israël amènera le gaz de ce champ en Italie. Citons aussi les manifestations culturelles comme la saison croisée France-Israël de 2018, et le 70e anniversaire de l'État d'Israël auquel ont participé une cinquantaine de parlementaires français.

Le développement de Gaza serait encouragé par une zone de libre-échange en commun avec l'Égypte.

M. Jean Bizet, président. - Nous publierons un communiqué à l'occasion de la parution de ce rapport. Il est illusoire de penser que l'Union européenne récupèrera rapidement le poids politique qu'elle a perdu ; en revanche, elle doit structurer son poids économique, en mettant l'accent sur l'énergie.

M. Simon Sutour, rapporteur. - Je suggère que ce rapport soit communiqué au Président de la République et au Président de la Commission européenne.

À l'issue du débat, la commission des affaires européennes autorise, à l'unanimité, la publication du rapport d'information.

Questions diverses

M. Jean Bizet, président. - Le groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne a adopté ce matin un rapport d'étape sur le processus complexe du Brexit. Il avait par ailleurs fait un point, le 20 juin, sur les recommandations qu'il avait formulées l'an passé en vue d'une relance de l'Union européenne.

Ces deux rapports sont mis en ligne et à la disposition de tous nos collègues.

La réunion est close à 11 h 30.