Mercredi 13 mai 2020

- Présidence de Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes, et de M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer -

Audition, en commun avec la délégation sénatoriale aux outre-mer, de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, sur la lutte contre les violences intrafamiliales

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. -Nous allons procéder à l'audition de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations.

Je voudrais tout d'abord remercier Marlène Schiappa de s'être rendue disponible, malgré un emploi du temps contraint, pour nous permettre de faire le point sur les conséquences du confinement sur les violences faites aux femmes et sur les enjeux, dans ce domaine, du déconfinement.

Comme c'est le cas depuis le début du confinement, cette réunion a lieu par visioconférence. Merci d'être indulgents si des problèmes techniques surviennent : nos équipes veilleront à les résoudre au plus vite.

Depuis le début du confinement, la délégation aux droits des femmes a centré ses réflexions sur les violences. Ce programme de travail se poursuivra dans les semaines qui viennent, parallèlement au déconfinement qui constitue un défi majeur.

Il nous a donc paru important de vous entendre sur la question des violences dans cette période décisive de la crise sanitaire. Notre délégation travaillant régulièrement sur les questions des violences en synergie avec la délégation aux outre-mer, nous avons souhaité vous inviter, Madame la secrétaire d'État, à un échange commun à nos deux structures.

L'éclairage que nous apportent nos collègues ultramarins est toujours particulièrement riche ; les difficultés de la période actuelle soulignent l'intérêt de ces « regards croisés » sur les violences intrafamiliales.

Madame la secrétaire d'État, nous avons besoin de faire le point avec vous sur la situation actuelle. Quel est le bilan statistique de la période du confinement ? Quelles ont été les conséquences de celui-ci sur les violences ? Comment anticipez-vous la période du déconfinement ? À plus long terme, quelles leçons peuvent être tirées de la période actuelle sur l'avenir de la politique publique de lutte contre les violences intrafamiliales ?

Après l'intervention de mon collègue Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer, nous vous entendrons, puis nous aurons un temps d'échanges. La plupart de nos questions portent sur les violences et la prostitution, mais certains collègues ont souhaité élargir notre débat aux risques d'une aggravation des inégalités en raison de la crise sanitaire.

Je précise que nos collègues Éric Bocquet et Renaud Bazin, rapporteurs spéciaux de la commission des finances, qui travaillent actuellement sur les crédits du programme 137, ont été associés à cet échange. Ils m'ont confié une question que je poserai en leur nom.

J'aimerais par ailleurs vous poser d'emblée une question : le 29 avril dernier, Madame la secrétaire d'État, vous avez assisté à l'installation du Comité national contre les violences intrafamiliales, auquel vous avez apporté votre soutien. Cet organisme, composé de représentants des professions médicales - médecins, pharmaciens, chirurgiens-dentistes, infirmiers, sages-femmes - de la Haute Autorité de santé, du Conseil national des barreaux, de la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (MIPROF) et de certaines associations comme la Fédération nationale solidarité femme (FNSF) émettra prochainement des recommandations concernant le déconfinement et la sortie de la crise sanitaire. Cette structure est-elle amenée à perdurer au-delà de la crise sanitaire ? N'y a-t-il pas un risque de redondance par rapport à des organismes qui existent déjà, comme la MIPROF et le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), dont on sait combien la commission « Violences » est active et apte à émettre des recommandations ?

Je donne sans plus tarder la parole à Michel Magras.

M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. -Je veux à mon tour remercier Mme Marlène Schiappa de cette audition commune, compte tenu des répercussions des semaines de confinement que nous venons de vivre sur le quotidien des familles, que ce soit dans l'Hexagone ou dans nos outre-mer.

Je tiens à saluer également, chère Annick Billon, l'initiative prise par la délégation aux droits des femmes de mener ce travail conjoint sur la lutte contre les violences faites aux femmes.

Cette fructueuse collaboration a bénéficié de l'engagement plein et entier de nos collègues membres des deux délégations - Victoire Jasmin, Nassimah Dindar, Viviane Malet et Guillaume Arnell, que je remercie sincèrement -, autour d'un sujet particulièrement sensible dans nos territoires.

Nous en avons pris la mesure avec nos auditions conjointes sur les résultats des enquêtes Virage Dom menées dans les départements de La Réunion, de la Martinique et de la Guadeloupe. Elles nous ont permis de mieux connaître ce phénomène et son ampleur. L'état des lieux montre un niveau de violence plutôt plus élevé dans les territoires ultramarins que dans l'Hexagone.

Fin 2019, nous avons accueilli au Sénat la responsable du groupe de travail dédié aux outre-mer, dans le cadre du Grenelle que vous aviez organisé, Madame la secrétaire d'État, et nous savons que, vous-même, vous vous êtes rendue à La Réunion pour annoncer une panoplie de mesures.

Mes collègues vous interrogeront et vous feront part de leurs témoignages dans le contexte du confinement, en particulier sur les facteurs d'augmentation des risques que sont les conditions d'habitat, la crise économique et les fragilités sociales.

Avec le déconfinement, les craintes restent fortes, car nous allons certainement découvrir d'autres conséquences, moins apparentes, mais aux effets réels et durables, nécessitant des moyens d'accompagnement adaptés.

Je ne doute pas que mes collègues auront donc beaucoup de questions à vous poser, et je m'arrêterai là afin de permettre à chacun de s'exprimer.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - Mesdames, Messieurs les sénateurs, je vous remercie de votre engagement. Vous êtes nombreux à avoir procédé à des remontées régulières de terrain, qui nous ont permis d'ajuster nos dispositifs pendant la crise. Je répondrai donc bien volontiers à vos questions, même si nous n'avons qu'une heure devant nous : je devrai vous quitter à dix-sept heures trente.

Depuis le début du confinement, de nombreux faits déclarés de violences conjugales ont été relevés en métropole comme en outre-mer. Nous savons que le confinement est un terrain propice aux violences conjugales. Dès le début de la crise sanitaire, nous avons décidé de mettre en place des mesures d'urgence pour soutenir les femmes confinées avec un conjoint violent. Nous avons adapté le 3919, désormais ouvert du lundi au dimanche. Cela n'a pas été chose aisée techniquement. Nous avons dû livrer un à un les téléphones au domicile des écoutantes, qui ont poursuivi leur engagement en gardant leurs enfants et en étant confinées chez elles. Nous avons renforcé l'information sur la plateforme Arrêtons les violences, ouverte 24/24, 7/7, qui a reçu cinq fois plus de signalements qu'habituellement. Nous avons également immédiatement lancé une enquête sur les centres d'hébergement pour nous assurer qu'ils pouvaient accueillir des femmes en respectant, bien évidemment, les mesures barrières et en leur fournissant les matériels nécessaires à cela.

À partir du 30 mars, nous avons engagé une deuxième phase de ce plan, avec de nouvelles mesures et de nouvelles initiatives : financement de 20 000 nuitées d'hébergement pour les femmes, en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou en hôtel, mais aussi financement de nuitées pour les auteurs de violences conjugales. Cela nous a permis de faire de l'éviction du conjoint violent une réalité, alors qu'elle reste malheureusement trop souvent un souhait car trop fréquemment on ne sait pas où envoyer l'auteur des violences quand il faut mettre fin à une cohabitation dangereuse.

Nous avons, par ailleurs, créé un soutien d'un million d'euros aux associations locales de terrain, qui ont mené un travail remarquable pour accompagner les femmes et les protéger. Il s'agit d'une spécificité française. J'ai beaucoup échangé avec mes homologues d'autres pays : tous n'ont pas la chance d'avoir un tissu associatif aussi dense que le nôtre, engagé et qui se mobilise en reposant beaucoup sur le bénévolat. Cette dotation n'est à ce jour pas entièrement utilisée. N'hésitez donc pas à nous indiquer des associations ayant besoin de subventions supplémentaires en lien avec le confinement et le déconfinement, car il nous reste des sommes à engager.

Nous avons également mis en oeuvre durant ce confinement des partenariats, notamment avec les centres commerciaux et les hypermarchés. C'est une mesure innovante. Nous avons saisi l'opportunité de partenariats avec le groupe Unibail-Rodamco-Westfield (URW) qui nous a aidés en termes de mise à disposition de locaux. Nous avons, avec les services de l'État, département par département, mis en lien les associations avec ces partenaires : centres commerciaux et hypermarchés, Auchan, Ceetrus, Carrefour, Leclerc, etc., qui se sont engagés en métropole et en outre-mer. Quatre-vingt-dix points d'accueil ont ainsi pu ouvrir dans les centres commerciaux et les hypermarchés, qui ont pris en charge et orienté 400 personnes : des femmes et des enfants, mais aussi quelques hommes, qui sont venus trouver de l'information ou un accompagnement et, parfois, qui ont pu être mis en lien avec un hébergement d'urgence.

En ce qui concerne la grande distribution, nous avons mis en place un partenariat avec Monoprix, Franprix, Naturalia et Sarenza, qui ont diffusé des messages sur les tickets de caisse et sur les factures, rappelant les démarches à suivre en cas de violence et les numéros à contacter. Toute personne qui y a fait un achat pendant le confinement a pu voir les messages adressées aux femmes victimes de violences sur son ticket de caisse (3919, plateforme en ligne, etc.).

Nous avons également ouvert une ligne téléphonique gérée par la Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d'auteurs de violences conjugales et familiales (FNACAV), le 08 019 019 11. Vous connaissez cet acteur, puisqu'il s'est engagé dans le Grenelle de lutte contre les violences conjugales. Bien que ne bénéficiant pas de la même notoriété que le 3919, cette ligne, disponible tous les jours de 9 heures à 19 heures, a reçu plus de deux cents appels.

Il s'agit d'aider et de proposer des solutions, non aux pervers - des hommes, mais parfois aussi des femmes - qui prennent plaisir à frapper et à faire peur à leur conjoint, mais aux personnes qui ne savent pas gérer leurs accès de colère et qui ne veulent pas devenir violentes. Ces personnes sont aptes à se prendre en mains afin d'éviter de passer à l'acte. On a pu leur proposer un hébergement à l'extérieur, un accompagnement psychologique, pour faire en sorte qu'ils ne passent pas à l'acte, qu'ils ne frappent pas. C'est une nouvelle manière d'envisager les choses. Cette ligne est financée par plusieurs ministères, notamment par le Fonds interministériel de prévention de la délinquance. Sa création n'a donc pas retiré un euro aux associations engagées dans la défense des droits des femmes, je tiens à le dire.

Un dispositif d'alerte en pharmacie a également été instauré, grâce à un partenariat entre le ministère de l'intérieur et l'Ordre national des pharmaciens, en lien avec le secrétariat d'État chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes. L'idée est qu'une femme victime de violences ou un témoin se rende dans une pharmacie pour alerter et le pharmacien compose le 17. Ce dispositif a été créé il y a quelques semaines à peine. Il faut encore le faire connaître, mais il a d'ores et déjà donné lieu à des signalements, à des gardes à vue ou à des propositions de relogement. Nous avons aussi doté les pharmaciens des outils pédagogiques du Grenelle des violences conjugales, pour que ceux d'entre eux qui souhaitent aller plus loin puissent le faire et diffuser autour d'eux l'ensemble des numéros utiles aux femmes victimes de violences. Ces derniers ont par ailleurs été de nouveau rappelés dans les lieux publics, les préfectures, les commissariats et dans certains magasins, comme ceux de l'enseigne Nicolas.

Nous avons enfin, à la demande de plusieurs associations et de plusieurs élus, ouvert le numéro de SMS 114, conçu pour les personnes sourdes et malentendantes, aux femmes victimes de violences conjugales qui ne sont pas en mesure de téléphoner. Ce numéro existait déjà. À la demande de plusieurs associations et d'élus, nous avons proposé son extension aux femmes victimes de violences qui ne sont pas en capacité de téléphoner. Pendant un mois et demi, environ 2 000 alertes ont été reçues par SMS. Dans beaucoup de cas, ces messages émanaient de témoins, ce qui est positif : cela témoigne d'une prise de conscience collective à cet égard.

Pour répondre à la question souvent posée de savoir s'il y a eu durant le confinement une réelle augmentation des violences conjugales, je note qu'en termes de féminicides les chiffres transmis seraient moins importants qu'habituellement : il y aurait eu trois à quatre féminicides en l'espace de deux mois. Je dis cela au conditionnel, avec beaucoup de prudence, car nous ne savons bien évidemment rien des situations que nous risquons de découvrir avec le déconfinement. Ces statistiques sont moins élevées que ce que l'on constate habituellement, même si c'est beaucoup trop ! Ces chiffres sont toutefois à prendre avec beaucoup de précaution, je le répète.

J'ai d'ailleurs confié une mission de quantification de la prévalence des violences conjugales à Élisabeth Moiron-Braud, secrétaire générale de la MIPROF, que vous connaissez. Elle rassemblera ces indicateurs dans la durée et présentera au mois de juillet l'ensemble de ces données. Ces tableaux statistiques nous livreront une analyse plus fine de cette période.

L'ensemble de ces dispositifs est applicable à la fois en métropole et aux outre-mer. Les territoires ultramarins sont une préoccupation constante. Ils sont en relation étroite avec ma collègue Annick Girardin, ministre des outre-mer. Nous y avions consacré un groupe de travail à part entière lors du Grenelle des violences conjugales, car les territoires ultramarins font face à des difficultés structurelles. Je parle sous le contrôle des sénateurs et sénatrices qui connaissent particulièrement ces territoires. Les données chiffrées sur les violences conjugales dont nous disposons justifient une prise en compte spécifique. On trouve, par exemple, deux territoires ultramarins parmi les douze départements où ont eu lieu plus de quatre féminicides en 2018 : La Réunion et la Polynésie française. La Guyane et la Martinique comptent pour leur part deux cas chacun. Ces territoires font partie de ceux qui présentent les taux de mort violente au sein du couple les plus élevés - 0,24 pour la Guadeloupe et 1,42 pour la Polynésie française. Onze permanences associatives ont été mises en place dans les hypermarchés en outre-mer. C'était très important pour nous. Nous veillons donc à faire en sorte que ces territoires soient pleinement intégrés aux politiques publiques, tout en étant attentifs à leurs spécificités.

Je voudrais préciser à Mme Annick Billon que le Comité national contre les violences intrafamiliales est une initiative du Conseil national de l'ordre des médecins, qui a décidé de créer un comité pluridisciplinaire de lutte contre les violences conjugales, comme il en existe d'ailleurs dans plusieurs secteurs - justice, forces de l'ordre. Il s'agit d'une initiative très positive, que nous soutenons et qui a vocation à se coordonner avec l'ensemble des dispositifs mis en oeuvre. Tous les engagements du Grenelle perdurent en effet pendant le confinement.

Pour finir, j'insiste sur un point : il nous reste des fonds destinés au soutien des associations. Si vous en connaissez certaines qui ont besoin de moyens supplémentaires, n'hésitez pas à nous les faire connaître, pour que des associations de terrain aient accès à ces subventions.

Comme nous avons peu de temps, je répondrai évidemment à toutes les questions que vous m'adresserez par écrit, mais je suis également disponible, avec mon cabinet, pour répondre par téléphone aux parlementaires qui souhaiteraient me poser des questions.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. -Nous avons été informés très tardivement du temps que vous pourriez finalement consacrer à cette audition. Certains de nos collègues, quelque peu déçus du format réduit de cette réunion par rapport à nos attentes et à ce qui était convenu en amont, vous adresseront leurs questions par courrier.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - Je suis actuellement dans mon ministère, avec quatre enfants dont deux doivent être raccompagnées chez leurs parents à 18 heures. Pour moi, il a toujours été question que cette audition dure une heure... Je m'organise, comme tous les parents vivant en zone rouge, avec des collèges fermés et des gardes tournantes avec d'autres parents. Je suis aussi un être humain avec ses propres contraintes. Je suis désolée que vos collègues en prennent ombrage, mais je « jongle », moi aussi, avec des difficultés d'organisation.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. -Nous « jonglons » tous avec nos contraintes, et les femmes parfois encore plus !

La délégation a mené de nombreux travaux, avant cette audition, sur les conséquences du confinement sur les violences et sur le suivi des politiques publiques de lutte contre les violences dans ce contexte. Nous avons ainsi entendu, le 20 avril dernier, le président de la FNACAV dont vous avez évoqué la plate-forme d'écoute destinée aux auteurs de violences.

Je donne la parole à mes collègues pour une première série de questions, qui portent sur la politique publique de lutte contre les violences.

Mme Laurence Cohen. - Vous avez évoqué les dispositifs mis en place dans les pharmacies et dans les centres commerciaux. Dans mon département du Val-de-Marne, les remontées sont plutôt positives, même s'il est compliqué pour les pharmaciens de respecter la confidentialité et le secret. Comptez-vous pérenniser ces dispositifs au-delà de la pandémie ? Dans quelles conditions ?

Vous avez parlé du million d'euros destiné aux associations. S'agit-il d'une dotation supplémentaire par rapport aux moyens annoncés à l'issue du Grenelle des violences, pour lequel il aurait plutôt fallu selon moi débloquer un milliard d'euros ? Cette somme pourra-t-elle servir à couvrir les investissements réalisés par les associations pour développer le télétravail ? Je pense, notamment, au matériel informatique qu'elles ont dû acquérir pour faire face aux besoins liés au confinement.

Mme Françoise Cartron. - Vous avez parlé du 3919. Quel est le nombre exact des appels d'urgence adressés à ce numéro pendant le confinement ? Concernant l'aide d'un million d'euros que vous avez rappelée, avez-vous fait part aux départements et aux préfectures de région de cette opportunité ? Les délégués régionaux aux droits des femmes pourraient mener ce travail d'identification des besoins et de recueil des demandes des associations, voire peut-être les aider à formuler leur projet. Les dossiers de demandes de subvention peuvent être parois compliqués à constituer...

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - D'autres questions concernent le dépôt de plainte et la protection des victimes.

Mme Laurence Cohen. - Ma question porte sur la simplification du dépôt de plainte. Si le dispositif d'alerte dans les centres commerciaux et des pharmacies est pérennisé, est-il possible d'envisager la simplification du dépôt de plainte en ligne ?

M. Roland Courteau. - Au sein de la délégation, nous avons à plusieurs reprises appelé de nos voeux l'organisation d'une campagne d'évaluation des conditions d'accueil des victimes de violences dans les commissariats et les gendarmeries, de jour comme de nuit. Cet accueil est-il adapté ? Les victimes sont-elles encouragées à déposer plainte ou subissent-elles des pressions pour se satisfaire d'une simple main courante ? Sont-elles orientées vers un parcours social et sanitaire ?

Ces différents critères varient selon les gendarmeries et les commissariats. Quel est l'état d'avancement de l'audit national annoncée lors du Grenelle des violences conjugales ?

Dans le cadre de nos travaux, nous avons également beaucoup insisté sur un certain nombre d'angles morts dans les politiques publiques, comme le nombre insuffisant de structures destinées aux soins en faveur des victimes ou à la prise en charge des auteurs de violences. À cet égard, qu'en est-il de la création de deux centres spécialisés par région, qui faisait partie des conclusions du Grenelle ?

Mme Michelle Meunier. - Outre les aspects liés à l'hébergement et à la cohabitation, je suis convaincue de la nécessité de réfléchir aux effets de l'alcoolisme sur l'environnement familial. L'année dernière, j'ai alerté Mme Buzyn, alors ministre de la santé. Ce fléau est aggravé par le confinement. D'après les spécialistes, il s'agit d'une maladie susceptible d'avoir des répercussions sur tous les proches de la personne atteinte : violence, épuisement, précarité, échec scolaire, etc.

Madame la secrétaire d'État, un collectif de proches des malades alcooliques (CoPMA) vous a interpellée, lors du Grenelle des violences conjugales, sur la prise en compte globale de cette problématique, en particulier sur la reconnaissance des victimes - essentiellement des femmes - de l'alcoolisme d'un proche. Ce sujet se situe certes à la lisière de vos attributions et de celles du ministre de la santé, mais nous n'avons pas reçu de réponse de votre part.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - À l'attention de Mme Cohen, je préciserai que la quasi-totalité des dispositifs mis en oeuvre pendant le confinement, tels que le signalement en pharmacie, l'appel au 114 ou la ligne d'accompagnement des auteurs de violences mise en place avec la FNACAV ont vocation à être pérennisés. Seule l'existence des permanences au sein des centres commerciaux sera remise en question à la fin du mois de septembre. Pour le reste, nous établirons un bilan de la situation, conjointement avec le ministre de l'intérieur, l'Ordre des pharmaciens et les acteurs concernés, et envisagerons les améliorations possibles.

Le million d'euros destiné aux associations vient s'ajouter aux moyens qui sont habituellement distribués. Toutes les associations de lutte contre les violences sexistes ou sexuelles ont conservé leurs subventions habituelles, lesquelles ont même parfois augmenté - c'est le cas du Mouvement du Nid. Quant aux déléguées régionales, elles sont également déléguées départementales dans les préfectures, puisqu'elles appartiennent aux services déconcentrés de l'État ; elles contribuent donc au recensement des demandes de subvention, tout passe par elles. J'ai conscience toutefois que les élus sont en mesure d'identifier des besoins qui ne sont pas nécessairement connus des préfectures. C'est pourquoi j'ai suggéré que vous nous indiquiez des associations que vous connaissez et qui ont besoin de moyens supplémentaires en lien avec la période de confinement/déconfinement. Enfin, l'achat de matériel nécessaire au télétravail ou d'un véhicule, fort utile par exemple pour accompagner une femme au commissariat, fait tout à fait partie des dépenses susceptibles d'être couvertes par cette enveloppe. Je pense aussi aux dépenses liées à un forfait téléphonique.

J'en viens aux dépôts de plaintes. Comme cela a été annoncé lors du Grenelle des violences conjugales, nous travaillons sur les démarches en ligne, dont les prémices existent via la plate-forme Arrêtons les violences.gouv.fr et sur les conventionnements en vue du dépôt de plainte à l'hôpital. Toutefois, si de nombreux départements ont accepté de participer à cette démarche contractuelle, ce n'est malheureusement pas le cas partout en France - je transmettrai ultérieurement à Mme la présidente de la délégation les chiffres exacts d'ici demain.

L'audit des commissariats et des gendarmeries faisait également partie des annonces du Grenelle des violences conjugales. Je vais partager avec vous les premiers chiffres dont je dispose, qui s'échelonnent du second semestre 2019 au premier semestre 2020. Ils ont été enregistrés par L'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) et par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN).

Deux études croisées, reposant sur le « client mystère » et sur les « questionnaires qualité » par téléphone auprès des victimes elles-mêmes. Ces deux méthodes ont été croisées. Les résultats portent sur 600 cas : 411 unités de gendarmerie et 235 victimes ; 40 sites de police et 400 victimes. Selon le bilan partagé par le ministre de l'intérieur, 10 % des victimes se déclarent insatisfaites de l'accueil reçu, 90 % en sont satisfaites ; 76 % jugent satisfaisants les délais d'attente et 75 % la confidentialité des locaux. Moins de 2 % des victimes indiquent avoir ressenti une discrimination ou un préjugé de la part du policier ou du gendarme, et 90 % d'entre elles ne font état d'aucune difficulté pour enregistrer leur plainte.

Plusieurs associations ont contesté ces chiffres. À titre personnel, pour travailler depuis vingt ans sur ces questions, je reconnais que des dysfonctionnements existent encore, mais de moins en moins. Avec Christophe Castaner, j'ai mis en place les 120 heures de formation pour les policiers et les gendarmes. Certes, des refus de dépôt de plainte sont parfois opposés aux victimes, mais dans ce cas, on en entend beaucoup parler, et c'est bien normal. Notre objectif est que toutes les victimes soient bien accueillies et que 100 % des plaintes soient prises en compte. L'effort destiné aux intervenants sociaux en commissariat ou en gendarmerie s'inscrit dans cette volonté.

La dimension de l'alcool a bien été prise en compte par le Grenelle des violences conjugales, au travers de la mesure 23 : « Prévenir et prendre en charge les violences conjugales liées aux addictions », notamment à l'alcool, par la formation « des professionnels en addictologie » et « des acteurs prenant en charge les victimes de violences conjugales ».

De nombreuses associations se sont engagées dans le Grenelle des violences conjugales, au niveau national ou local. Je vous propose donc, Madame la sénatrice, d'établir le lien avec le collectif dont vous avez parlé ; je me rapprocherai ensuite du ministre de la santé pour réfléchir à des stratégies d'accompagnement.

M. Roland Courteau. - Je me suis déjà exprimé sur la prise en charge des auteurs de violence, mais Mme la secrétaire d'État n'a pas répondu à mes interrogations.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison d'évoquer la nécessité d'une prise en charge des auteurs de violences conjugales. Certaines associations se sont offusquées de notre volonté de mettre en place un dispositif d'accompagnement des agresseurs. Il y a donc en quelque sorte un combat culturel à mener dans ce domaine. En traitant l'auteur de violences, on s'inscrit dans une démarche de prévention, on pense à l'avenir.

Le numéro que nous avons créé avec la FNACAV est un succès important, puisque 200 appels ont été passés en quelques semaines, permettant l'éloignement du domicile conjugal de plusieurs dizaines d'auteurs de violences, grâce à un dispositif que le Gouvernement a mis en place en partenariat avec le groupe SOS.

Lors du Grenelle des violences conjugales, nous avons lancé un appel à projets, qui est toujours d'actualité, en vue d'ouvrir d'ici à la fin du quinquennat au moins deux centres par région pour héberger et accompagner les auteurs de violences conjugales. Le centre d'Arras, par exemple, que j'ai visité dans le cadre du Grenelle, a permis de faire diminuer la récidive de 60 %.

Vous avez raison, Monsieur le sénateur, il s'agissait jusqu'à présent en quelque sorte d'un angle mort des politiques publiques, mais notre action dans ce domaine prend beaucoup d'ampleur en ce moment.

Mme Maryvonne Blondin. - Madame la secrétaire d'État, vous avez déclaré dans Aujourd'hui en France le 29 mars dernier : « Mon obsession est de multiplier les points de contact avec les femmes pour ne rien laisser passer, en partenariat avec des associations locales ». Vous avez en outre salué dans votre propos liminaire la richesse exceptionnelle de nos associations, qui ne manquent ni de bras ni de volontés, à défaut de trouver les financements pour accompagner les victimes de violences.

Le million d'euros a peut-être été débloqué et mis à la disposition de certaines associations, mais les associations de mon département se heurtent toujours à des difficultés financières. Sans doute est-ce la conséquence de l'absence de délégué départemental. Nous attendons donc impatiemment la décision du ministère pour la mise en place de cet acteur indispensable. Pour en revenir à la question des moyens, d'où vient le million d'euros que vous avez annoncé ? S'agit-il de crédits supplémentaires ? Figuraient-ils déjà dans votre budget ?

Mme Laurence Rossignol. - J'orienterai mon propos sur la difficulté, pour les femmes, d'accéder à l'IVG depuis le début du confinement et, probablement, jusqu'à la fin de l'état d'urgence.

Le Gouvernement a allongé les délais d'accès à l'IVG médicamenteuse et facilité la téléconsultation. Toutefois, ce matin encore, le Planning familial et La Maison des femmes de Saint-Denis tenaient une conférence de presse sur le sujet de l'accès à l'IVG. Des députés, y compris de la majorité présidentielle, ont soutenu, comme à chaque fois que le Parlement examine un projet de loi d'urgence pour faire face aux conséquences de l'épidémie, un amendement en faveur, d'une part, d'un allongement de deux semaines des délais légaux, et, d'autre part, de la suppression de l'obligation, en cas de dépassement du délai légal pour une interruption médicale de grossesse, de la décision du médecin de pathologie foetale. Madame la secrétaire d'État, le Gouvernement a-t-il l'intention de rendre cette mesure effective rapidement,

M. Max Brisson. - À l'instar de Mme Blondin, je m'interroge sur le soutien aux associations, dont le rôle est toujours aussi essentiel en période de déconfinement, ainsi que sur la manière dont les subventions sont attribuées. Dans ce domaine, les organismes de défense des victimes se lancent chaque année dans un véritable « parcours du combattant » en raison de l'implication de plusieurs ministères dans l'appréciation des demandes, des différences dans les calendriers d'instruction des dossiers et de la complexité des procédures.

Madame la secrétaire d'État, ne pensez-vous pas qu'il serait utile, dans le cadre de cette « grande cause nationale » confirmée par le Grenelle des violences conjugales, et pour assurer une meilleure visibilité des financements, d'envisager des conventionnements pérennes et de prévoir les moyens correspondants ?

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Pour compléter ces questions sur les moyens, nos collègues Éric Bocquet et Arnaud Bazin, rapporteurs spéciaux de la commission des finances, se sont également interrogés sur le million d'euros affecté à la mise en oeuvre de nouvelles mesures destinées à protéger les femmes victimes de violences en cette période de confinement. Ils m'ont confié leurs questions.

Nos collègues souhaiteraient que vous confirmiez que ces crédits ne constituent pas des crédits nouveaux pour le programme 137 et que vous indiquiez les actions « sacrifiées » de votre ministère qui ne pourront pas être financées par ce million d'euros. Autre question : quel est le taux de consommation de ce fonds, à la date d'aujourd'hui, et quelles mesures a-t-il permis de financer ?

Pourriez-vous nous indiquer si les différentes mesures mises en oeuvre pendant le confinement sont financées uniquement par le programme 137 ou par d'autres programmes budgétaires (Cohésion des territoires, Justice...), et à quelle hauteur ?

Enfin, nos collègues vous demandent si, pour financer ces mesures de lutte contre les violences, une ouverture de crédits supplémentaires est prévue dans la prochaine loi de finances rectificative, s'agissant du programme 137 ou d'autres programmes budgétaires ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - Il nous reste quelques minutes, donc je vais m'efforcer d'aller droit au but. Le million d'euros est un million en plus. Rien n'a été sacrifié : tous les ans, des enveloppes sont consacrées à différents projets. En l'occurrence, nous avons voulu créer un fonds pour la période de l'urgence, car l'ensemble des crédits du programme 137 n'avaient pas été utilisés, grâce à une gestion rigoureuse et prévoyante de « bon père de famille », ou plutôt de « bonne mère de famille », si je peux m'exprimer ainsi, qui permet de faire face à une période difficile.

Le programme 137 finance 1 700 associations, et aucune de celles qui sont engagées dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles n'a connu une diminution de ses subventions nationales depuis que je suis au Gouvernement, donc depuis trois ans : je le dis solennellement. Certaines ont même vu leurs crédits augmenter, parfois plusieurs fois dans l'année, comme le Mouvement du Nid et l'association qui gère le numéro 3919, qui a connu deux augmentations de subventions au cours de l'année écoulée. Sur un million d'euros, 525 000 euros ont été dépensés. Il reste donc 475 000 euros pour soutenir les associations qui connaissent de réelles difficultés. Qu'elles nous adressent leurs demandes, puisque nous avons les fonds pour subvenir à leurs besoins !

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. -Je serais extrêmement ennuyée que la brièveté de notre réunion empêche nos collègues des territoires ultra-marins de prendre la parole ou obtenir de réponses de votre part, alors qu'ils se sont connectés en dépit des contraintes du décalage horaire.

M. Michel Magras, président de la délégation sénatoriale aux outre-mer. -Madame la secrétaire d'État, je vous remercie d'avoir évoqué les outre-mer dans votre propos liminaire. Vous avez réalisé, le 5 mai dernier, avec Annick Girardin, ministre des outre-mer, un bilan des violences faites aux femmes dans les territoires ultramarins, violences que la crise sanitaire a aggravées.

Cet éclairage récent n'a néanmoins pas épuisé les questions que nous nous posons sur les difficultés spécifiques rencontrées dans nos territoires pour venir en aide aux victimes. Plusieurs de mes collègues souhaitent donc vous interroger pour approfondir des sujets qu'ils connaissent particulièrement bien.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - Mesdames, Messieurs les sénateurs, je peux répondre à vos questions, mais très brièvement, puisque le temps que je peux consacrer à cette réunion touche à sa fin. Si vous le préférez, nous pouvons prendre un nouveau rendez-vous ou procéder par écrit.

Mme Nassimah Dindar. - Je remercie madame la présidente Annick Billon et monsieur le président Michel Magras de cette audition. Je cède volontiers la parole à ma collègue Victoire Jasmin, car La Réunion a signé une convention-cadre de partenariat avec l'État dans le cadre du Grenelle, en novembre 2019, pour renforcer la lutte contre les violences conjugales.

M. Dominique Théophile. - Je laisse à Victoire Jasmin le soin de présenter les questions concernant notre département de la Guadeloupe.

Mme Victoire Jasmin. - Madame la secrétaire d'État, de nombreux cas de violences conjugales ont été signalés dans les outre-mer durant cette période de confinement. Les violences intrafamiliales s'exercent aussi sur les enfants. Psychologiques, physiques ou même sexuelles, ces violences aboutissent dans certains cas au placement en famille d'accueil.

Pour remédier à ces situations, le Gouvernement met en place des formations, et, vous l'avez souligné, des dispositifs dans les hypermarchés pour venir en aide aux victimes. Quels moyens supplémentaires comptez-vous mettre en oeuvre pour éloigner les conjoints violents ? En Guadeloupe, il n'y a pas de solution d'hébergement pour les conjoints violents, donc leur éviction du foyer est impossible !

M. Guillaume Arnell. - Madame la secrétaire d'État, nous souhaiterions obtenir l'assurance d'une réponse écrite au rapport que nous vous ferons parvenir sur la situation préoccupante à Saint-Martin : absence de structures dédiées aux femmes victimes de violence, difficultés avec le milieu médical, notamment à l'hôpital, où la consultation est payante, alors que ces femmes se trouvent déjà en situation de fragilité. Enfin, une enveloppe spécifique devrait être affectée à la mission des bénévoles à Saint-Martin.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - Je remercie tous les sénateurs de l'outre-mer de leur mobilisation. Monsieur Arnell, je vous propose que nous convenions d'un rendez-vous téléphonique pour aborder plus spécifiquement la question de Saint-Martin.

M. Guillaume Arnell. - Merci, madame la ministre.

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - De nombreuses permanences ont été ouvertes outre-mer : deux en Guyane, sept à La Réunion, deux à la Martinique. De plus, nous nous sommes lancés dans le bilan de la convention-cadre qui a été signée en 2019 à La Réunion avec Mme la sénatrice Nassimah Dindar et les acteurs locaux, en vue de l'installation de structures d'accueil pour les victimes.

À cet égard, nous organisons le système d'alerte des pharmacies grâce à l'engagement des pharmaciens et des forces de l'ordre. Quant à notre objectif de doubler le nombre des travailleurs sociaux dans les commissariats à La Réunion, tel qu'il figurait dans cette convention, il a bien été atteint, au travers d'un financement conjoint entre l'État et le conseil départemental.

Nous voulons aussi améliorer l'accueil du 3919. Ce numéro d'urgence, qui devrait faire l'objet d'un marché public dans les prochains mois, sera joignable 24/24et 7/7, afin de répondre dans les meilleures conditions aux difficultés des territoires ultramarins, et cela en dépit du décalage horaire.

Par ailleurs, des crédits du programme 167 seront destinés à la création d'une structure d'accueil supplémentaire pour les femmes victimes de violences à l'est de l'île de La Réunion. Vous le voyez, toutes les mesures ne sont pas financées par le programme 137 ; certaines relèvent du ministère de la justice, d'autres, comme l'hébergement d'urgence, sont prises en charge par le ministère du logement.

Par ailleurs, je vous indique que 111 appels ont été reçus au 3919 pendant le confinement depuis l'outre-mer, c'est-à-dire entre 1,7 % et 2 % des appels, avec une forte prédominance des appels provenant de La Réunion, mais aucun provenant de Polynésie française, peut-être en raison du décalage horaire. À Mayotte, l'Association pour la condition féminine et l'aide aux victimes (ACFAV) dispose d'un numéro vert gratuit et accessible 24/24, le 55 55.

Les territoires d'outre-mer peuvent évidemment bénéficier des crédits disponibles du fonds supplémentaire d'un million d'euros. Toute association située dans un territoire d'outre-mer qui rencontre de nouveaux besoins, comme c'est prévisible pendant la période du déconfinement en raison de l'augmentation probable des demandes de divorces et des séparations - beaucoup de femmes ont besoin de connaître leurs droits - pourra obtenir des financements par le biais de ces dispositifs.

Enfin, Madame Rossignol, j'ai bien pris connaissance des propositions qui ont été formulées au sujet de l'IVG et j'y travaille avec le ministre de la santé, qui est tout à fait sensibilisé à ces questions. Les femmes peuvent avoir accès à la pilule contraceptive sans passer par un médecin et sans renouvellement d'ordonnance, ainsi qu'à l'IVG médicamenteuse, à 100 % en téléconsultation pendant le confinement et la période qui suit. Nous travaillons avec le ministre de la santé, très sensibilisé à la question de l'IVG et de l'IMG, pour que toutes les femmes qui le souhaitent puissent avoir accès à une IVG, car le confinement a produit des situations bien particulières. Mon souhait est que l'on trouve une solution pour ces femmes, dans le cadre de la loi bien sûr. Je vous informe toutefois que le Conseil d'État a été saisi au sujet des délais de l'IVG médicamenteuse, notamment par l'association Alliance VITA, que vous connaissez. La décision est attendue vers le 18 mai. On espère vivement que le Conseil d'État n'ira pas dans le sens de la demande relative aux délais de l'IVG médicamenteuse.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. - Nos collègues avaient encore de nombreuses questions à vous poser. Nous regrettons que vous ne puissiez pas leur répondre au cours de cette audition, qui est selon nous bien trop courte. Pourriez-vous décaler vos obligations ou nous proposer un autre rendez-vous, Madame la secrétaire d'État ?

Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. - Ce malentendu est regrettable, mais j'ai toujours pensé que l'audition durerait une heure et prendrait fin à 17h30. J'ai deux petites filles à raccompagner chez leurs parents. Je reste, comme toujours, à la disposition des parlementaires pour répondre à leurs interrogations. Il n'y a jamais eu un courrier ou un appel qui m'aient été adressés et qui soient restés sans réponse.

Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. -Madame la secrétaire d'État, nous vous remercions pour cette audition, mais nous restons sur notre faim, car certains de nos collègues, dont Claudine Lepage et Céline Boulay-Espéronnier n'ont pas pu vous poser leurs questions. D'autres, comme Michelle Meunier, avaient des questions supplémentaires à vous adresser. Nous allons réfléchir à la façon dont nous pourrions vous les faire parvenir et recueillir vos réponses.