Mercredi 2 décembre 2020

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons ce matin le rapport de notre collègue Laurence Cohen et le texte de la commission sur la proposition de loi portant création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux. Ce texte est inscrit à l'ordre du jour au sein de l'espace réservé du groupe communiste, républicain et citoyen, le mercredi 9 décembre prochain.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Je suis particulièrement heureuse de vous présenter ce matin le fruit d'un travail qui vise un objectif susceptible de rassembler toutes nos familles politiques. Le texte qui vous est soumis, à l'initiative du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), porte sur la création d'un pôle public du médicament et des produits médicaux, et s'inscrit dans le prolongement de nombreux travaux et débats pour lesquels notre haute assemblée s'est souvent montrée pionnière.

Comme marque de cet engagement pluraliste, je souhaiterais avant toute chose saluer la présence soutenue de nombreuses collègues de tous les groupes aux auditions que j'ai conduites. Ces auditions, qui ont embrassé l'ensemble des actrices et acteurs des filières - des salariés aux représentants des industriels, en passant par le syndicat de la répartition pharmaceutique ainsi que les principales agences compétentes - nous ont permis de partager les préoccupations et les alarmes que suscite aujourd'hui l'accès aux médicaments.

À l'origine de ce texte se trouvent en effet deux grandes préoccupations qui ne manqueront pas de faire consensus parmi nous. Je veux d'abord parler des tensions, voire des ruptures d'approvisionnement que subissent certaines lignes de production et de distribution de médicaments essentiels.

Plus de 1 500 médicaments ont été signalés en rupture ou en risque de rupture à l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en 2019, contre 404 en 2013, soit une multiplication des difficultés d'approvisionnement par près de quatre. Le contexte de crise sanitaire a accentué les tensions d'approvisionnement sur certains médicaments indispensables, en particulier les produits anesthésiants qui ont connu une augmentation de leur consommation supérieure à 2 000 % en l'espace de quinze jours à la fin du mois de mars 2020. Selon l'ANSM, le nombre de signalements de médicaments en tension devrait ainsi doubler en 2020 et pourrait avoisiner les 3 200 signalements.

Si aucune classe thérapeutique n'est épargnée par ce phénomène, les ruptures de stock ont majoritairement affecté les anti-infectieux, dont les antibiotiques, les médicaments du système nerveux central, les médicaments du système cardiovasculaire, les anticancéreux et les médicaments dérivés du sang. Les médicaments régulièrement exposés à des difficultés d'approvisionnement sont en grande partie des médicaments anciens, peu chers et pourtant indispensables dans la prise en charge des patients.

L'une des principales explications de l'aggravation des pénuries avancées par l'ensemble des acteurs auditionnés, dont l'industrie pharmaceutique, réside dans la faible rentabilité des spécialités anciennes. Tombées dans le domaine public, exploitées par les producteurs de génériques, ces spécialités connaissent des baisses de prix continues, qui conduisent les entreprises pharmaceutiques à les produire en flux tendu, à délocaliser leur production pour profiter de matières premières moins chères et à diminuer drastiquement les stocks afin de préserver leur marge opérationnelle. Ce sont ces stratégies qui expliquent leur incapacité à faire face aux accélérations ponctuelles des besoins et qui exposent gravement notre couverture en médicaments essentiels en cas de situation exceptionnelle.

En poursuivant la maximisation de leurs profits sur les ventes de médicaments, les industriels contreviennent à leur obligation, pourtant inscrite dans le droit européen, d'assurer un approvisionnement approprié et continu des marchés nationaux. Sans surprise, les thérapies innovantes, beaucoup plus onéreuses, ne font pratiquement jamais l'objet de tensions d'approvisionnement.

Ces stratégies industrielles et commerciales des laboratoires ont des conséquences désastreuses pour l'accès des patients aux soins. Prenons l'exemple de Sanofi : sa décision d'arrêter la commercialisation de la spécialité Immucyst®, ce vaccin BCG utilisé comme antinéoplasique, a privé de nombreux patients d'un traitement qui leur aurait permis d'éviter une ablation de la vessie.

De même, comment ne pas s'inquiéter de la stratégie de ce groupe pharmaceutique français de se désengager de nombreux axes de recherche et développement (R&D), de fermer ses sites sur notre territoire, et nous placer dans une situation de dépendance par rapport à d'autres pays ?

Face à ces phénomènes, dont le risque n'est pas nouveau, notre arsenal juridique s'est progressivement doté d'outils dont nous sommes aujourd'hui contraints de constater qu'ils ne sont pas suffisants. Je pense d'abord à la licence d'office, qui constitue un point d'appui indéniable si l'on simplifie son maniement.

Je pense aussi aux mesures dérogatoires que nos assemblées ont votées à l'occasion du projet de loi instaurant l'état d'urgence sanitaire et qui, au rang des pouvoirs hors du droit commun accordés au Premier ministre en cette occasion, prévoient la réquisition de tout bien nécessaire ainsi que la possibilité de limiter la liberté d'entreprendre. Inutile de vous préciser, mes chers collègues, que même lorsque les services de réanimation de nos hôpitaux se sont retrouvés fortement menacés par des ruptures de curares, ces dispositions, dont l'opportunité ne faisait pourtant pas de doute, n'ont pas été déclenchées à l'égard des industriels pharmaceutiques...

Je pense enfin aux mesures de stockage votées dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, dont on peut certes reconnaître qu'elles vont dans le bon sens, mais qui sont menacées d'être vidées de leur substance par leur décret d'application. Aux quatre mois de stockage que nous avions définis, le Gouvernement, cédant aux pressions des industriels qui craignent une explosion de leurs coûts, préfère un seuil maximal de stockage des médicaments à intérêt thérapeutique majeur à seulement deux mois. Par ailleurs, que peut bien accomplir une mesure coercitive si l'État se dépossède des pouvoirs de sanction censés garantir son application ? Pour l'année 2020, seule une sanction financière a été prise par l'ANSM pour rupture de stock, contre deux en 2019, pour un montant non publié et inférieur à un million d'euros, donc très faiblement dissuasif.

Face à ce constat sans appel d'une puissance publique démunie pour endiguer l'explosion des pénuries de médicaments, la proposition de loi redonne à l'État des leviers d'intervention afin d'assurer la continuité de l'accès des patients aux médicaments essentiels. Le recours à une solution publique de production de médicaments essentiels n'est pas un gros mot dans le débat public.

Je vous rappelle que, dans son rapport de septembre 2018, la mission d'information du Sénat sur les pénuries de médicaments et de vaccins, menée par nos collègues Jean-Pierre Decool et Yves Daudigny, a préconisé, dans sa proposition n° 8, l'institution d'« un programme public de production et distribution de quelques médicaments essentiels concernés par des arrêts de commercialisation, ou de médicaments « de niche » régulièrement exposés à des tensions d'approvisionnement, confié à la pharmacie centrale des armées et à l'agence générale des équipements et produits de santé. »

La feuille de route du Gouvernement pour 2019-2022 dans la lutte contre les pénuries de médicaments comprend elle-même une action visant à « expertiser la mise en place d'une solution publique permettant d'organiser, de façon exceptionnelle et dérogatoire, l'approvisionnement en médicaments d'intérêt thérapeutique majeur (MITM) dans les cas d'échec des négociations avec les laboratoires concernés. »

En outre, plusieurs dispositifs étrangers, publics ou à but non lucratif, de production et de distribution de médicaments constituent des exemples prometteurs.

Le Brésil dispose ainsi d'un laboratoire pharmaceutique fédéral, abrité par la fondation Oswaldo Cruz que j'ai moi-même pu visiter en 2014 dans le cadre d'un voyage du groupe d'amitié France-Brésil que je préside. Ce laboratoire produit, à la demande du ministère de la santé, 35 références de médicaments essentiels. L'Inde compte, pour sa part, cinq entreprises pharmaceutiques publiques produisant, sous le contrôle de leur ministère de tutelle, de nombreux médicaments indispensables à un prix abordable. Enfin, la Suisse elle-même confie à sa pharmacie de l'armée le soin d'assurer, dans le cadre du service sanitaire coordonné, l'approvisionnement du pays en médicaments essentiels, soit en les fabriquant directement, soit en en déléguant la production à des sous-traitants dans le cadre de contrats de garantie.

Dans la continuité de ces exemples, l'article 1er de la proposition de loi propose l'institution d'un programme public de production et de distribution de médicaments essentiels dont la mise en oeuvre serait assurée par un pôle public ad hoc.

Je souhaite détromper celles et ceux de mes collègues qui verraient d'emblée dans ce projet l'expression d'un positionnement dogmatique, d'un objectif foncièrement irréalisable. Notre ambition n'est pas de substituer un appareil d'État à l'ensemble des filières de production pharmaceutique existantes - en quelque sorte de nationaliser la production de médicaments. Nous ne faisons que proposer une solution applicable de tout temps à tout bien public que l'initiative privée échoue à convenablement fournir : la participation, en complémentarité, de la puissance publique à sa production et à sa distribution.

L'audition du directeur général de l'agence générale des équipements et produits de santé (AGEPS) de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, l'AP-HP, et du pharmacien en chef de la pharmacie centrale des armées (PCA) a conforté la capacité de maîtrise publique de la production, de la distribution des médicaments dans le cadre d'un nombre ciblé de spécialités sous tension. Dans cet esprit, l'objectif d'un pôle public du médicament « semble pouvoir être atteint, dans le cadre d'un réseau d'acteurs publics et privés, [sous l'égide] d'un acteur public ».

Loin d'une posture partisane, cette proposition de loi trace, pour notre pays, la voie dans laquelle de nombreux autres gouvernements de sensibilités politiques différentes se sont déjà nettement engagés.

La seconde ambition de ce texte n'est, à mes yeux, pas moins importante. Elle part du constat, lui aussi unanimement partagé, d'une défiance croissante de nos concitoyennes et concitoyens à l'égard des produits innovants, et notamment des vaccins. Nous pouvons diverger sur les remèdes à apporter à ce « mal du siècle », qui porte une menace extrêmement insidieuse pour la cohésion de notre modèle social ; mon groupe considère qu'un premier pas serait utilement franchi si nous renforcions la transparence autour des différentes étapes en amont et en aval de la dispensation des médicaments innovants : transparence de la recherche et de la participation de l'effort public ; transparence de la négociation du prix, dont les niveaux peuvent atteindre des chiffres indécents qui limitent son accès précoce ; transparence enfin autour des démarches de pharmaco et matériovigilance qui accompagnent la commercialisation.

En ce sens, l'audition de l'observatoire de la transparence dans les politiques du médicament était particulièrement éclairante.

Concernant la recherche, il est incontestable que règne sur la recherche fondamentale une opacité entretenue par le « secret des affaires ». En son nom, nous sommes aujourd'hui dans l'incapacité de chiffrer avec précision, d'une part, les dépenses consenties par l'État au titre du crédit d'impôt recherche (CIR) en soutien aux entreprises privées, et, d'autre part, le prix de cession payé par ces dernières lorsqu'elles acquièrent un brevet d'invention, largement financé par des organismes publics de recherche. Je souhaiterais rappeler devant vous, mes chers collègues, que parmi les dix médicaments les plus vendus au monde, six sont des anticorps monoclonaux, issus d'une technique développée dans un laboratoire britannique financé par des fonds publics et que l'initiateur, prix Nobel de médecine, n'avait même pas souhaité breveter.

Autrement dit, l'effort d'innovation fourni par les industriels pharmaceutiques, pour indéniable qu'il soit, serait peu de chose sans la découverte initiale du principe ou de la molécule par des structures publiques essentiellement préoccupées par la santé des populations. Ceci doit être rappelé avec force : lorsqu'un industriel prétend, par une indemnité colossale réclamée à l'assurance maladie, amortir les frais qu'il a engagés au titre de sa recherche, il ne doit pas oublier qu'il a déjà bénéficié des fruits d'un travail fondamental, dont les droits lui ont été cédés sans considération des profits qui pouvaient d'emblée en être tirés.

Autre axe de transparence : la négociation du prix du médicament innovant. Par cette proposition de loi, mon groupe s'est montré précurseur des recommandations qu'a publiées le comité consultatif national d'éthique dans son avis du 30 novembre dernier, au sein duquel il fait de la transparence sur toute la chaîne du médicament et des produits de santé, sa recommandation première.

Bien que le comité économique des produis de santé (CEPS) voie un signe d'indépendance vis-à-vis des industriels dans son indifférence à des considérations de coûts pour la fixation du prix d'un produit innovant, le simple bon sens suffit à qualifier sa marge de manoeuvre de très étroite face à des acteurs pharmaceutiques de grande taille, dont les marchés dépassent très largement le territoire national. Le rapport de force qui en résulte ne peut être que structurellement défavorable à la puissance publique, donc aux patientes et aux patients.

Aussi, il est nécessaire que la fixation du prix du médicament innovant, tout en maintenant comme critère principal l'amélioration du service médical rendu, intègre d'autres critères permettant d'objectiver sa valeur économique réelle et d'ainsi permettre que son coût pour les finances publiques soit rationalisé et mieux accepté.

Enfin, les grands scandales sanitaires de notre époque - dont le Médiator reste le plus probant exemple - nous imposent de renforcer la transparence autour de la vigilance portée aux produits innovants commercialisés. Dans un récent rapport de 2018, l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) rappelait que si la refonte de la pharmacovigilance était « bien engagée », elle restait « inaboutie », notamment en raison de l'obsolescence de la base nationale de pharmacovigilance où sont recueillies l'ensemble des notifications d'effets indésirables des médicaments.

Plus inquiétantes sont les lacunes entourant la matériovigilance des dispositifs médicaux, dont je vous rappelle que la mise sur le marché est seulement conditionnée par un marquage CE, sans que l'ANSM ne se soit préalablement livrée à une analyse bénéfices-risques, comme elle le fait pour le médicament lorsqu'elle délivre l'autorisation de mise sur le marché (AMM). À cet égard, la proposition de loi propose la mise en place d'un observatoire citoyen des vigilances, placé auprès de l'ANSM mais totalement indépendant, expressément chargé de vérifier la transparence des données communiquées au cours des signalements d'événements indésirables. Bien évidemment, cet observatoire, circonscrit par le périmètre de notre proposition de loi, pourrait s'envisager de manière plus large et ambitieuse, avec un rôle de contrôle et de transparence, au-delà des dispositifs médicaux, et ce dans un esprit de démocratie sanitaire.

De même, un pôle public du médicament et de la recherche se conjugue aussi au plan européen. Je voudrais à ce titre saluer l'initiative lancée il y a quelques jours par des organisations de citoyens autour du slogan « No profit on pandemic », avec l'objectif de réunir un million de pétitions pour saisir la Commission européenne afin de « faire des vaccins et des traitements anti-pandémiques un bien public mondial, librement accessible à tous ».

J'espère que l'examen de ce texte va nous permettre de faire bouger les lignes, dans le sens de l'intérêt général, de la santé publique.

Je voudrais terminer par un petit clin d'oeil, peut-être prémonitoire : il y a deux ans, ma collègue Cathy Apourceau-Poly défendait devant vous un texte prévoyant la suppression de la prise en compte des revenus du conjoint pour le bénéfice de l'allocation aux adultes handicapés (AAH), que la majorité sénatoriale avait alors univoquement repoussé. Depuis que de progrès ! Le rapporteur pour avis de la mission « Solidarité », notre collègue Jean Sol, affirmait la semaine dernière devant nous que c'était « sans doute à juste titre, que la dépendance financière vis-à-vis du conjoint ne devrait pas s'ajouter à la dépendance due au handicap ».

Je forme le voeu que notre consensus mette moins de temps à se réaliser et que dès maintenant nous portions ensemble ce projet, plus que jamais nécessaire au renforcement de notre santé publique et à notre souveraineté industrielle.

Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Le constat de notre rapporteure est sans appel et le contexte de crise sanitaire est porteur. Je m'interroge toutefois sur la faisabilité et l'efficacité des propositions. Je ne suis pas sûre, en effet, qu'un pôle public français du médicament puisse s'approvisionner en matières premières sur le marché mondial de façon plus sûre que le privé. Ce pôle sera-t-il aussi capable de produire à un coût inférieur des médicaments anciens, notamment les génériques, qui sont déjà peu chers ? L'expérience semble suggérer plutôt l'inverse : lorsqu'un opérateur public se substitue à un opérateur privé, on constate généralement que le coût augmente. Enfin, l'État a-t-il la capacité d'investir dans la construction de nouveaux sites de production ex nihilo ? Autant je comprends l'intention du texte, autant sa mise en oeuvre me semble délicate.

M. Martin Lévrier. - L'article 1er crée un programme public de production et de distribution des médicaments et des dispositifs médicaux. Mais le comité de pilotage de la stratégie de prévention et de lutte contre les pénuries de médicaments, créé par Agnès Buzyn en 2019, semble déjà remplir cette fonction de planification. Quelle serait la complémentarité entre les deux ?

De même, l'article 2 crée un pôle public du médicament, mais l'ANSM et l'Inserm ne remplissent-elles pas déjà les missions qui lui seraient confiées ?

L'article 5, enfin, augmente la taxe assise sur le chiffre d'affaires des entreprises pharmaceutiques de 0,17 % à 1 %, afin de mettre à contribution les industries pharmaceutiques pour financer le pôle public du médicament. Combien rapporterait cette hausse en valeur absolue ?

Mme Émilienne Poumirol. - Merci à notre rapporteure d'avoir porté ce sujet important, à l'heure où la crise sanitaire révèle l'ampleur des pénuries de médicaments. M. Jomier avait défendu, lors de l'examen du PLFSS, un amendement pour augmenter les stocks de médicaments, mais il n'a malheureusement pas été retenu par l'Assemblée nationale. Les pénuries, qui étaient rares il y a une quinzaine d'années, deviennent récurrentes. Nous partageons l'analyse de notre rapporteure sur la nécessité de renforcer la transparence sur toute la chaîne du médicament, notamment sur les prix ou la participation de l'effort public, à travers la recherche fondamentale ou le CIR, à l'élaboration des nouveaux médicaments. Il conviendrait ainsi de renforcer les moyens du CEPS afin que la négociation avec les industriels soit moins inégale.

Il me semble, en revanche, que cette proposition de loi oublie un petit peu l'Europe, qui pourrait pourtant jouer un rôle pour les relocalisations industrielles. Nous importons 80 % des matières premières de Chine ; 40 % seulement de notre pharmacopée courante sont fabriqués en Europe. Il semble difficile d'agir seulement à l'échelle française pour relocaliser. Il conviendrait de définir une stratégie européenne. La Commission européenne s'est d'ailleurs emparée de ce sujet.

Quel serait le statut du pôle public que vous proposez ? Quelles seraient ses modalités d'action ? Quel serait son lien avec l'AP-HP ou la pharmacie des armées, qui semblent déjà jouer un rôle similaire ? Quelles seraient les modalités de fabrication ? Le droit autorise déjà des réquisitions. Mais ne serait-il pas préférable de privilégier plutôt des conventions avec des laboratoires français - on a encore la chance d'abriter en France plusieurs sites de production - afin qu'ils fabriquent certains médicaments en tension d'approvisionnement, comme l'amoxicilline par exemple ?

Enfin, la hausse de la taxe sur le chiffre d'affaires ne risque-t-elle pas de pénaliser nos entreprises face à leurs concurrents étrangers ?

Mme Nadia Sollogoub. - J'ai participé à la mission d'information sur les pénuries de médicaments et de vaccins. Vous aviez, dès le début, exprimé votre conviction que l'État devait jouer un rôle accru dans la production, mais toutes les conclusions du rapport n'allaient pas dans le même sens.

La crise liée à la covid montre que les problèmes sont nombreux et ne concernent pas seulement la production de médicaments : il faut évoquer aussi la stratégie, la gestion des stocks ou la logistique - le vaccin doit par exemple être conservé à -80°C. Il convient donc de travailler sur toute la chaîne de production du médicament. Mais comment insérer ce pôle public dans une chaîne complexe et mondialisée ? Enfin, si je souscris à l'intérêt de relocalisations, il ne faut pas oublier que l'industrie pharmaceutique repose avant tout sur de l'industrie chimique, source de désagréments pour les riverains. La population est-elle prête ? Beaucoup se sont réjouis de voir certaines usines chimiques fermer...

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - Pour s'approvisionner en matières premières, le pôle public pourra passer des contrats, dans le cadre de marchés publics, avec des fournisseurs certifiés par les autorités de sécurité sanitaire. Il faut se départir de l'image d'une grande usine étatique toute puissante. Notre proposition de loi vise à ce que la puissance publique puisse piloter certaines structures existantes, non les remplacer. Il ne s'agit pas de supprimer ce qui fonctionne, mais de corriger les dysfonctionnements. L'État ne dispose pas à l'heure actuelle - on le voit avec la pandémie - des outils nécessaires pour garantir sa souveraineté. Il convient donc de le doter des moyens pour assurer un pilotage public effectif. J'ai cité dans mon propos introductif certains exemples, mais mon rapport en contient d'autres. Les cas de la Suisse ou du Brésil sont éclairants et nous fournissent des pistes pour construire un pôle public et retrouver notre souveraineté en la matière.

Le comité de pilotage instauré en 2019 est d'abord une instance de réflexion et de concertation entre les acteurs publics et privés. Le pôle public, lui, constituera un levier opérationnel de mise en oeuvre d'une stratégie concertée. Il élaborera un plan d'action à cette fin. Il est vrai que ses missions pourront chevaucher celles de l'ANSM : il appartiendra au décret d'application de préciser leurs missions pour garantir leur complémentarité.

Mme Poumirol a raison, une action au niveau européen est nécessaire. Notre proposition de loi s'inscrit toutefois dans le contexte d'une niche parlementaire et est donc nécessairement modeste. Elle reprend des idées que notre groupe porte depuis longtemps, mais nous ne pouvions pas être exhaustifs en cinq articles. L'idéal serait évidemment que tous les pays européens mettent en place de tels pôles publics et qu'ils s'articulent au niveau européen. On voit bien, avec la crise, que c'est un peu le « chacun pour soi » qui prévaut. Je suis inquiète quand je vois ce qui se passe avec les vaccins : c'est la course à l'échalote, chaque pays précommande des doses, sans concertation avec les autres. Pourtant, on n'arrivera pas à venir à bout de cette épidémie si on ne collabore pas à l'échelle mondiale.

Les pénuries ou les tensions d'approvisionnement peuvent provenir de l'amont, la production, comme de l'aval, la distribution. Il faut donc imposer aux laboratoires d'allouer un stock minimal aux répartiteurs. Actuellement, les exigences posées ne permettent pas toujours d'alimenter toutes les officines.

Encore une fois, le pôle public que nous proposons n'est pas une super-usine : il aura pour mission d'assurer l'approvisionnement d'un nombre limité de médicaments essentiels, dans le cadre d'une stratégie bien établie. Nous avions déjà fait cette proposition à Mme Touraine, puis à Mme Buzyn, en vain ! On s'inspire un petit peu, en l'élargissant, de ce que font déjà, à une plus petite échelle, l'AP-HP ou la pharmacie des armées. Le pôle public ne pourra pas tout régler. La complémentarité avec les autres acteurs sera fondamentale. Pour financer ce pôle, nous proposons de mettre à contribution les grands laboratoires en portant la taxe sur le chiffre d'affaires de 0,17 % à 1 %, mais j'observe que le PLFSS prévoit déjà de la relever à 0,18 %, ce qui me semble insuffisant. Cette hausse devrait rapporter quelques centaines de millions d'euros, mais je vous communiquerai un chiffre plus précis lors de l'examen en séance.

M. Daniel Chasseing. - Je remercie notre rapporteure pour son travail très intéressant et très complet. Les pénuries de médicaments sont un problème réel. Aux exemples qui ont été mentionnés, on pourrait ajouter les corticoïdes ou les vaccins. Parfois, comme pour le BCG, c'est dû à une faible rentabilité. Vous indiquez que la défiance envers les vaccins diminuera. Cette défiance est liée à des articles qui laissent croire que les vaccins pourraient avoir des effets secondaires, comme la sclérose en plaques, mais cela n'a jamais été prouvé. Je ne suis donc pas sûr qu'un pôle public fera mieux en la matière. En ce qui concerne le Médiator, des endocrinologues indiquaient dès 2006 qu'il ne fallait plus le prescrire en dehors de son AMM, mais il n'a été retiré qu'en 2009 ; l'ANSM a, pour le moins, tardé. Il semble que l'Europe, en dépit de ces carences, a déjà précommandé des doses de vaccin contre la covid afin de les distribuer dans tous les pays membres.

Comment contraindre les entreprises à posséder quatre mois de stocks ? Cela devrait être possible au niveau de l'État. L'idée d'une complémentarité d'action entre le pôle public et les entreprises privées semble judicieuse, mais bien difficile à mettre en oeuvre ! Enfin, pourquoi ne pas appliquer la proposition no 8 du rapport de la mission d'information du Sénat, dont les rapporteurs étaient MM. Deccol et Daudigny, visant à confier à la pharmacie centrale des armées le soin de produire et commercialiser des médicament régulièrement exposés à des tensions d'approvisionnement ?

M. René-Paul Savary. - Ce rapport a le mérite de mettre les pieds dans le plat sur un sujet central qui nous préoccupe tous. Je rappelle que le médicament représente 16 % du PLFSS, une dépense entre 30 et 35 milliards d'euros, ce qui n'est pas anodin.

Je me permettrai toutefois quelques remarques. Vous évoquez le service des armées ; mais celui-ci sait commander : la preuve en est qu'il n'a jamais démenti avoir commandé de l'hydroxychloroquine pour protéger les militaires !

Il faut souligner aussi notre talent pour détruire les laboratoires installés en France - je pense à Boiron - car on limite le remboursement de l'homéopathie ; cela prouve bien qu'on préfère la chimie aux produits naturels. Je pourrais citer aussi le cas d'Ipsen.

Nous avions, avec Alain Milon, défendu un amendement, pour que la discussion entre le CEPS et les laboratoires prenne en compte les investissements et les installations en Europe. Mais ces discussions ne suffisent pas : elles sont très complexes et, finalement, la loi du marché s'impose. Le problème est que les laboratoires sont souvent des multinationales : pour obtenir des financements, ils s'adressent à d'autres pays, aux États-Unis par exemple, et compte tenu de la complexité de notre système, les investissements vont ailleurs. En France, on sait trouver les molécules en recherche fondamentale, mais on ne sait pas développer la recherche appliquée nécessaire pour développer de nouveaux médicaments : ceux-ci sont alors développés ailleurs et on doit ensuite les racheter très cher.

Alors que faire ? La création d'un pôle public est une solution, mais peut-être pas dans l'immédiat. On peut aussi essayer d'améliorer notre dispositif existant. Ce que l'on constate aujourd'hui dans le domaine des médicaments est la conséquence de la révolution des génériques, qui ont fait baisser les prix. La stratégie des laboratoires n'a sans doute pas été la bonne. Face à la concurrence de l'amoxicilline générique, le laboratoire a baissé le prix du clamoxyl® à tel point qu'il était devenu moins cher que les génériques ! Il s'agissait de faire en sorte de reconquérir la place du clamoxyl®, mais cette stratégie tirait tout le monde vers le bas, et on en voit les conséquences.

La question des médicaments dérivés du sang est spécifique et mériterait d'être creusée, car il y a des problèmes au niveau de l'établissement français du sang (EFS). Il conviendrait de revoir la stratégie pour ces produits.

Les dispositifs médicaux ne relèvent pas non plus de la même approche. Attention à ne pas faire fuir les chercheurs dans un domaine où la France est en bonne place, comme pour les valves cardiaques : veillons en tout cas à ne pas reproduire la même erreur qu'avec les génériques.

Quant à la question d'un observatoire citoyen des dispositifs médicaux, j'avoue qu'avec la crise je suis devenu beaucoup plus favorable à la démocratie sanitaire, mais avant de vouloir la refonder, essayons d'abord de faire fonctionner les structures qui existent : si on avait utilisé les outils de démocratie sanitaire qui sont installés au niveau territorial auprès des agences régionales de santé (ARS), on aurait pu traiter les problèmes plus en amont. Mais en période de crise, on ne le fait pas, car on n'a pas le temps de se réunir...

Mme Corinne Imbert. - Votre proposition de loi est courageuse et fait honneur à vos convictions. Les ruptures de stock de médicaments n'ont jamais été aussi nombreuses, et sont insupportables pour les patients et les professionnels de santé. Ce problème renvoie à un enjeu de relocalisation de la production en France ou en Europe. Si l'installation de nouvelles usines de productions chimiques en France peut sembler délicate en raison des risques et du sentiment de l'opinion, car il s'agit d'établissements Seveso, on ne doit malgré tout pas s'interdire d'étudier les moyens d'augmenter la production des sites industriels pharmaceutiques existants pour réduire notre dépendance, qui s'est accrue en dix ans, à l'égard des principes actifs fabriqués à l'étranger, notamment en Asie.

Tout cela nous renvoie au positionnement de l'État. Depuis 35 ans, tous les gouvernements réduisent les crédits alloués au médicament sous la forme de mesures d'économie figurant au PLFSS. Le médicament a été, avec l'hôpital, l'une des deux variables d'ajustement du PLFSS : alors qu'il ne pèse que 16,5 % du budget de la sécurité sociale - je n'inclus pas le budget 2021, qui est atypique - il contribuait, jusqu'à l'année dernière encore, à 50 % des économies au titre de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam).

De la même manière, depuis plus de dix ans, l'assurance maladie a mis en place des quotas de médicaments. Si l'engagement de remboursement de l'assurance maladie pour un médicament donné est dépassé, le médicament n'est plus remboursé le reste de l'année. Les quotas concernaient au départ 400 références, contre 720 aujourd'hui.

Ce sujet nous amène aussi aux vaccins, et à ce titre, je me demande quelle sera la position du Gouvernement concernant le vaccin contre la grippe saisonnière pour l'année prochaine. Au mois de juin déjà, nous savions qu'il allait manquer deux millions de doses cette année. Il y a une volonté de vacciner plus de concitoyens contre la grippe saisonnière, mais nous n'y mettons pas les moyens en demandant aux industriels de fabriquer plus de vaccins. Quelle sera l'attitude du Gouvernement, en janvier 2021, face aux industriels qui produisent ces vaccins, pour que l'on ne se retrouve pas à l'hiver prochain dans la situation que nous avons connue cette année ?

Un programme public pour des médicaments qui sont en arrêt de commercialisation paraît facile à envisager. En revanche, comment aborder la question pour les médicaments en rupture d'approvisionnement ? Comment anticiper ces ruptures ? Certes, les laboratoires ont l'obligation légale de déclarer les risques de rupture, mais comment un pôle public du médicament pourrait-il avoir la réactivité suffisante pour corriger ce risque ? Nous sommes en effet dépendants des déclarations des entreprises, avec toujours un petit temps de retard. Comment le pôle public pendrait-il concrètement la main ? Cela veut-il dire qu'on réduirait ce pôle public à des médicaments dits « matures », c'est-à-dire peu chers et qui n'intéressent plus les industriels ?

Enfin, je reste sur ma faim concernant l'appréciation du coût de ce pôle public du médicament. La taxe que vous proposez suffira-t-elle à en assurer le financement ?

Mme Véronique Guillotin. - Nous partageons tous le constat d'une situation d'urgence qui ne fait que s'aggraver. S'il paraît séduisant de trouver une solution pour résoudre les ruptures d'approvisionnement, j'ai un doute sur la pertinence du pôle public. La question demeure de savoir s'il pourra réellement améliorer la situation actuelle, et avec quels moyens. Je salue toutefois la démarche.

Le rapport de MM. Decool et Daudigny avait ouvert de nombreuses pistes, qu'il est aujourd'hui urgent de s'approprier. La production publique n'est pas la seule solution. Des opérateurs savent produire les médicaments. Ne serait-il pas plus simple de contractualiser avec eux de manière plus ferme, plutôt que d'essayer de se substituer à eux ?

Vous évoquez les exemples indien, brésilien et suisse. Dans la même lignée, avez-vous réalisé un benchmarking sur les pays européens voisins de la France ? Ces pays sont-ils dans la même situation que nous, et quelles solutions ont-ils pu trouver de leur côté ? La hausse de la taxe sur le chiffre d'affaires des laboratoires ne comporte-t-elle pas un risque de perte de compétitivité, qui aggraverait encore la situation ?

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - La LFSS pour 2020 prévoit quatre mois de stockage, mais ce délai est finalement passé à deux mois pour les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur, et à un mois pour les autres. Il y a également une liste de dérogations en préparation, dont on ne connaît pas encore vraiment les contours. Le vrai problème à mes yeux est que les sanctions qui pourraient être infligées par l'ANSM sont très peu dissuasives et rarement appliquées. Des outils sont donc disponibles. Au niveau de notre groupe, par exemple, nous essayons plutôt de récompenser les entreprises vertueuses. Mais les sanctions restent tellement peu dissuasives que cela ne fonctionne pas ! En dix ans, un laboratoire comme Pfizer a fait environ 377 milliards d'euros de profits. Une taxe de 1 % qui frapperait le chiffre d'affaires, resterait donc modeste pour ce laboratoire...

Lorsque j'étais membre de la mission d'information sur la pénurie de médicaments, j'avais avancé la proposition de mettre à contribution la pharmacie centrale des armées, et j'ai été très heureuse de la retrouver parmi les recommandations du rapport. Cette idée de mobiliser la PCA et l'AGEPS a précédé celle de la création d'un pôle public en tant que tel, qui suscitait, je le sentais, des réticences du Gouvernement, tant sous les mandats de François Hollande que d'Emmanuel Macron. Mais, lorsque nous l'avons entendue en audition, la PCA nous a fait comprendre qu'elle n'y tenait pas du tout. En effet, elle a déjà pour mission de répondre aux besoins de l'armée et aux risques que prennent les soldats. L'AGEPS, quant à elle, trouve l'idée intéressante, mais reste une petite structure. Il faut donc une véritable volonté politique, ainsi que des moyens humains et financiers suffisants.

J'entendais à la radio un spécialiste expliquer que, curieusement, les Français étaient de très grands consommateurs de médicaments, mais qu'ils avaient une grande défiance envers les vaccins. Or, en réalité, il n'y a jamais de risque zéro ! Sur cette question des vaccins, il nous faut donc être très attentifs en tant que parlementaires, car les choses vont très vite. Plusieurs vaccins contre la covid sont déjà sortis. Il faut que nous apportions une garantie de transparence et de sécurité sur les nouveaux vaccins.

Je salue votre intervention, Monsieur Savary, car je trouve entre nous des convergences qu'il n'y avait pas auparavant. Sur le problème des génériques, vous avez raison : nous n'avons pas réussi à préciser, lors des auditions, ce qui, au sein du modèle économique des industries pharmaceutiques, relève de l'effet prix et de l'effet volume. Il y a aussi un effet volume pour les médicaments génériques à bas prix, qui sont largement consommés dans nos pays, mais nous n'avons pas d'éléments de chiffrage précis. Il faut donc effectivement creuser ce point. Toutefois, je doute franchement que les grandes entreprises acceptent de produire à perte des médicaments. Le cas de l'amoxicilline est un bon exemple des stratégies qui tirent vers le bas. Aujourd'hui, il n'existe plus que trois fournisseurs du principe actif dans le monde et un seul accident sur la chaîne entraîne de fortes conséquences.

Effectivement, la contribution du médicament à la maîtrise des dépenses de santé est importante. Concernant les anticipations du risque de pénurie, il est évident que le pôle public ne pourra pas répondre à tout du jour au lendemain. L'ambition n'est pas de se limiter à des médicaments anciens. Il faut imaginer une anticipation nécessaire d'au moins dix-huit mois, avec un travail de suivi et d'actualisation par rapport à la réalité de la situation. En tout cas, il faut aller dans ce sens, et certains exemples dans le monde démontrent que cela est possible. Pour être réactifs, il faut aussi avoir une revue extrêmement précise des capacités de production de médicaments et de principes actifs sur le territoire. Lors des différentes auditions, nous avons pu constater que nous ne maîtrisions pas un certain nombre d'éléments. Il est donc important d'avoir cette transparence sur les données.

La taxe de 1 % contribuera au financement du pôle public. Je ne sais pas si elle sera suffisante. En tout cas, c'est un premier pas. Mon groupe et moi-même sommes de toute façon les premiers à déplorer l'insuffisance de la fiscalité pour les grands groupes multinationaux et pharmaceutiques.

Nous ne visons pas une substitution du public aux capacités de production du privé. On peut penser conclure des contrats de sous-traitance, notamment pour la production de molécules essentielles. Nous avons des exemples, notamment en Suisse, de contrats de garantie passés avec la pharmacie de l'armée. Nous devons nous inspirer de ce genre d'expériences pour monter notre pôle public. Comme je l'ai évoqué, nous devons aussi prendre pour point d'appui ce que fait l'AGEPS, qui approvisionne les hôpitaux de l'AP-HP.

M. Philippe Mouiller. - Beaucoup de questions restent en suspens en matière d'organisation, de financement, mais aussi du point de vue du rôle de l'action publique dans la démarche. Nous serons heureux d'en débattre en séance, mais notre groupe ne votera pas le texte de la commission.

EXAMEN DES ARTICLES

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il n'y a pas d'amendements à ce stade. Je vais donc mettre aux voix successivement les cinq articles de ce texte.

Les articles 1er, 2, 3, 4 et 5 ne sont pas adoptés.

En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

Mme Laurence Cohen, rapporteure. - J'aurais aimé que l'on puisse avancer davantage sur ce sujet. Si je n'ai pas déposé d'amendements, c'est uniquement parce que j'ai été avisée que notre proposition ne serait pas adoptée, quelles que soient les modifications que nous aurions pu proposer. Je ne doute pas du fait que nous aurons un débat très riche en séance.

La réunion est close à 10 h 55.

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 11 h 5.

Audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, candidate proposée par le Président de la République à la direction générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Mme Catherine Deroche, présidente. - En application de l'article 13 de la Constitution, nous accueillons ce matin Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, candidate proposée par le Président de la République à la direction générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM). Je salue nos collègues qui assistent à cette réunion à distance.

Cette nomination ne sera effective qu'en l'absence d'opposition des commissions parlementaires compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, dans les formes prévues par la Constitution. Si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, le Président de la République ne pourrait pas procéder à cette nomination. À l'issue de l'audition, nous procéderons immédiatement au vote, ainsi qu'au dépouillement, de manière simultanée avec l'Assemblée nationale, qui a procédé à cette même audition plus tôt dans la matinée.

L'ANSM a été créée par la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, à la suite de l'affaire du Mediator. Cette agence est ainsi chargée de la délicate mission de concilier la sécurité des patients et l'accès au progrès thérapeutique. Ses prérogatives se sont accrues, et l'agence s'est trouvée très exposée dans plusieurs dossiers de natures très diverses : l'affaire Biotrial, la Dépakine, le Levothyrox, ou encore les implants texturés. Dans la crise sanitaire, l'agence a été très sollicitée, et pas uniquement sur la question controversée de l'hydroxychloroquine.

Notre commission est très attentive à la façon dont l'agence remplit ses missions. Elle a ainsi demandé une enquête à la Cour des comptes, dont les résultats ont été publiés il y a un an sous le titre : « ANSM : réarmer le gendarme de la sécurité sanitaire. »

Madame Ratignier-Carbonneil, la proposition de votre nomination s'inscrit dans une certaine continuité, puisque vous en êtes l'actuelle directrice générale adjointe. Je vous laisse la parole pour présenter les perspectives que vous envisagez pour l'ANSM pour les prochaines années, avant que nos collègues ne vous adressent leurs questions.

Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, candidate proposée par le Président de la République à la direction générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. - C'est un honneur pour moi que d'être reçue ce jour par votre commission. Cette procédure d'audition par le Parlement a, pour moi, une valeur hautement symbolique, puisqu'elle prend sa source dans la loi de 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé. Ses principes visent à garantir la pleine inscription de l'établissement d'expertise qu'est l'ANSM. Indispensable au bon fonctionnement démocratique, l'expertise doit pouvoir être questionnée par les citoyens, et au premier chef, par leurs représentants. C'est donc dans un esprit de pleine responsabilité que j'aborde cette audition, parfaitement consciente de la responsabilité qui pèsera sur les épaules de la future directrice générale de l'ANSM, tant sur la gestion de l'établissement que sur sa capacité à rendre compte régulièrement de son action.

Je vous propose d'intervenir en trois points, en vous présentant d'abord brièvement mon parcours professionnel et mes motivations, puis en vous exposant mon analyse des grands enjeux de l'ANSM, pour enfin conclure sur les étapes immédiates à suivre pour l'établissement.

Mon parcours professionnel, uniquement dédié au service public et à la santé, témoigne de mon profond attachement aux questions de sécurité sanitaire et de santé publique. Docteur ès sciences en immunohématologie, je suis chercheuse de formation. Ma première expérience au sein du laboratoire de recherche du professeur Kazatchkine, dans le domaine des xénogreffes, m'a permis de disposer d'une expertise scientifique clinique approfondie. J'ai rejoint en 2002 l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), devenue ultérieurement l'ANSM, où j'ai exercé jusqu'en 2010 plusieurs fonctions en lien avec l'évaluation clinique des médicaments. Ces huit années m'ont permis d'acquérir de solides connaissances sur l'organisation sanitaire des produits de santé, à la fois françaises, mais également européennes, au travers de mes différents mandats à l'Agence européenne des médicaments (EMA - European Medicines Agency). Les questions de vigilance et de sécurité sanitaire ont été au coeur de mes fonctions, alliant quotidiennement expertise, mais aussi management d'équipes pluri-professionnelles.

À partir de novembre 2010, au travers de mes fonctions auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, j'ai pu activement contribuer à la création du Fonds d'indemnisation des victimes du Mediator et à la réforme du système de sécurité sanitaire des produits de santé, avec la rédaction de la loi du 29 décembre 2011, qui a notamment donné naissance à l'ANSM en mai 2012. Cette loi, fondée sur les nombreux travaux réalisés dans le cadre des commissions parlementaires et des assises du médicament, a été d'importance majeure. De ces deux années d'intense activité, je garde le souvenir d'un travail en concertation constante avec l'ensemble des parties prenantes, allant de la gestion des crises sanitaires du Mediator, mais également des implants mammaires Poly implant prothèse (PIP), à l'élaboration et au pilotage de politique publique.

C'est en mai 2012 que j'intègre la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM), pour prendre la direction du département des produits de santé, dédié aux sujets de prise en charge et de remboursement des prêts, mais également à l'offre conventionnelle avec les professionnels de la pharmacie, de la biologie et de l'ensemble des dispositifs médicaux.

Depuis décembre 2016, j'ai le privilège d'assurer les fonctions de directrice générale adjointe auprès de Dominique Martin, au sein de l'ANSM. Établissement public administratif, l'agence est chargée de procéder à l'évaluation des bénéfices et des risques des produits à finalité sanitaire aux niveaux national et européen, ainsi qu'à celle des produits à finalité cosmétique.

C'est dans cette logique intégrée et assumée que je souhaite mobiliser mes compétences et mon expérience au service de la dynamique engagée par l'ANSM et ses collaborateurs, en guidant et en accompagnant cet établissement public de référence. L'objectif est d'assurer aux patients la mise à disposition de produits de santé sûrs et efficaces, ainsi que l'accès rapide et encadré aux innovations thérapeutiques.

J'en viens à ma perception des grands enjeux pour l'agence.

Dans le cadre de la deuxième année du contrat d'objectifs et de performance (COP) conclu avec le ministère des solidarités et de la santé en mai 2019, il est primordial pour l'agence et ses partenaires d'évoluer dans l'environnement le plus assuré possible. La connaissance approfondie des enjeux, tant internes qu'externes à l'ANSM, mais également les capacités d'anticipation et de mobilisation des acteurs constituent des atouts indéniables pour poursuivre et développer les axes stratégiques qu'elle porte.

Le premier d'entre eux est l'objectif d'ouverture de l'agence. Celui-ci se doit d'être poursuivi et accentué dans chacune des activités assurées par ses quelque 930 collaborateurs, afin de répondre aux attentes de la société. C'est un engagement au quotidien, qui requiert l'implication et la mobilisation de chacun, en particulier de la direction générale. D'abord, il s'agit de mieux faire comprendre les processus de décision de l'agence, afin de renforcer leur légitimité. Ensuite, l'objectif est d'associer plus étroitement encore les parties prenantes à la construction de nos réponses, qui se doivent d'être efficaces, compréhensibles, acceptables et pragmatiques. Aujourd'hui, chacun des quinze comités scientifiques permanents comprend à la fois des usagers et des professionnels du système de santé, ce qui est indispensable. Nous procédons également à de nombreuses auditions publiques, pour écouter l'ensemble des parties prenantes. Enfin, dans le respect des exigences légales, il importe de publier les données disponibles relatives aux produits de santé et aux processus de l'agence, toujours dans l'optique de renforcer sa légitimité et sa transparence.

Cette démarche d'ouverture s'articule de façon très étroite avec la politique de communication et d'information de l'agence, mais aussi avec la diffusion de la culture de la gestion du risque. Cette approche focalise toutes les actions de l'ANSM non seulement sur la sécurité du patient exposé aux produits, et non pas seulement sur la sécurité des produits eux-mêmes. La prise en compte de la pluralité des expertises, et en particulier le savoir expérientiel du patient, est cruciale. Il faut également mobiliser les conditions nécessaires à l'adhésion en interne des collaborateurs de l'agence, pour une imprégnation collective et durable de la culture de la gestion du risque. Il faut assurer une gestion prédictive du risque, en prenant en compte l'ensemble des caractéristiques des produits de santé et les composantes de l'environnement ; mieux anticiper les situations à risque élevé qui font l'objet d'une gestion renforcée ; renforcer la couverture des besoins sanitaires des patients portant sur les médicaments d'intérêt thérapeutique majeur ou des dispositifs médicaux sensibles ; et enfin, assurer la sécurité des produits de santé tout au long de leur cycle de vie, et renforcer la prévention du risque de mésusage des médicaments.

Par ailleurs, l'ANSM est un maillon essentiel pour accompagner le développement et faciliter la mise à disposition des produits de santé innovants, dans des conditions assurant la sécurité des patients. Les attentes sont majeures, tant de la part des patients qui espèrent des traitements nouveaux ou plus efficaces, que des professionnels de santé, des académiques, des industriels, des homologues européens et, au final, de l'ensemble de nos concitoyens. Ces activités d'accompagnement de l'innovation s'inscrivent très largement dans le cadre européen, depuis la production des avis scientifiques en amont des autorisations, en passant par les autorisations d'essais cliniques, et jusqu'aux autorisations de mise sur le marché (AMM). Il est donc indispensable de poursuivre le renforcement de notre positionnement européen pour l'accès précoce et sûr à l'innovation. Il faut encore aller plus loin, et améliorer les délais d'autorisation des essais cliniques, afin d'offrir au patient le service qu'il est en droit d'attendre. Enfin, il faut poursuivre et déployer le « guichet innovation », structure centralisée au sein de l'agence qui vise à fournir à tous les interlocuteurs les informations nécessaires pour accompagner leur recherche. Celles-ci peuvent être de niveau réglementaire, technique, et bien évidemment, de niveau clinique.

J'évoquerai maintenant quelques enjeux immédiats pour l'agence. Je ne peux pas terminer mon propos sans évoquer la situation sanitaire exceptionnelle que nous traversons aujourd'hui. L'agence, en tant que service public et agence de sécurité sanitaire, s'organise pour répondre à ses missions essentielles, notamment celles qui sont directement liées à ce contexte.

Face au coronavirus SARS-CoV-2, il s'agira pour l'ANSM d'adapter ses procédures à l'urgence actuelle, pour accélérer la mise au point, l'autorisation et la disponibilité de vaccins, dans le respect des normes de qualité, d'innocuité et d'efficacité. Bien que développés à une vitesse sans précédent, ces vaccins ne seront autorisés que s'ils sont sûrs, efficaces et de bonne qualité. Comme tous les médicaments, il est essentiel qu'ils soient étroitement surveillés après l'autorisation. C'est d'autant plus important dans le contexte d'un accès précoce. La stratégie de mise à disposition d'un ou plusieurs vaccins contre la covid-19 auprès de la population ou de certains sous-groupes est, comme vous le savez, recommandée par la commission technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé (HAS). Dans ce cadre, l'ANSM mettra en place un dispositif de surveillance renforcée dédié, dans la plus grande transparence.

Autre enjeu majeur et immédiat, la démarche de gestion du risque visera à renforcer l'anticipation et la prévention des situations de tension ou de rupture d'approvisionnement en produits d'intérêt thérapeutique majeur. Je sais que le Sénat a beaucoup travaillé sur ce sujet. Les ruptures de stock sont des situations extrêmement pénalisantes pour les patients, sur des champs thérapeutiques très importants. Je pense à l'oncologie, aux traitements antibiotiques, ou encore aux traitements antiparkinsoniens.

Par ailleurs, l'expérimentation du cannabis à usage médical sera mise en oeuvre. Cette initiative démontre une volonté d'ouverture de l'agence, mais aussi une démarche de gestion du risque. Elle aura pour premier objectif d'évaluer la faisabilité du circuit de mise à disposition du cannabis, à savoir la prescription par les médecins, la dispensation par les pharmaciens, l'approvisionnement en produits et le suivi des patients. Le second objectif sera de recueillir les premières données françaises sur l'efficacité et la sécurité de l'utilisation du cannabis dans un cadre médical.

Enfin, pour assurer une réponse adaptée au contexte exceptionnel de cette épidémie, l'agence poursuit une démarche de déploiement du télétravail au sein de toutes les équipes. Elle s'inscrit ainsi dans le sens des orientations proposées par le Gouvernement, contribuant ainsi à l'amélioration de la qualité de vie au travail des agents publics.

Pour conclure, je veux souligner l'importance de l'évolution de l'ANSM au cours des six dernières années, sous les deux mandats de Dominique Martin. Si l'opportunité m'est donnée de guider et d'accompagner les collaborateurs de l'agence, je m'emploierai à chaque instant à ce que l'ANSM soit une agence à l'écoute de ses usagers et de leurs attentes. Je souhaiterais qu'elle soit capable d'être agile, résolument en prise avec son temps, une agence au service de la sécurité de tous les patients, qui sont exposés et utilisent au quotidien des produits de santé.

Mme Corinne Imbert, rapporteure pour l'assurance maladie. - Vous avez une parfaite connaissance de l'ANSM. Vous venez d'évoquer la question de la vaccination contre la covid et de l'attention que portera l'agence une fois que la HAS se sera prononcée. Il y a quelques heures, on apprenait que le Royaume-Uni avait commandé 40 millions de doses, devenant ainsi le premier pays à disposer du vaccin. Quel sera concrètement le positionnement de l'ANSM sur la sécurité de la future campagne de vaccination ? En matière de pharmacovigilance, dans quelle mesure se mobilisera-t-elle pour garantir un suivi attentif des éventuels effets indésirables ? Au-delà des différents communiqués de presse diffusés par les laboratoires, avez-vous connaissance des dossiers scientifiques produits à ce jour par ces derniers ?

L'agence aura-t-elle les moyens humains et financiers de remplir les objectifs inscrits dans son COP, notamment en ce qui concerne le positionnement de la France en Europe dans l'accès à l'innovation ?

Quel bilan faites-vous de la réorganisation interne de l'agence, à la lumière des conclusions de l'enquête de la Cour des comptes réalisée en 2019 ?

L'ANSM a été mise en examen début novembre dans le scandale sanitaire de la Dépakine. Quel regard portez-vous sur le dispositif du règlement amiable des victimes créé en 2017 ? Donne-t-il satisfaction à la majorité d'entre elles ? Faut-il s'attendre, à l'avenir, à une multiplication des demandes de réparation en justice ?

Mme Brigitte Micouleau. - L'ANSM a pour mission d'assurer l'addictovigilance. Cela se traduit notamment par le classement des produits psychoactifs sur la liste des stupéfiants et des psychotropes. À propos du cannabis dit « thérapeutique » « de détente » ou « récréatif », la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a jugé illégale l'interdiction par la France de la commercialisation du cannabidiol (CBD), 19 novembre dernier, soulignant qu'il ne présentait pas d'effets psychotropes et nocifs sur la santé humaine. Quelle est votre position sur le CBD ? Encouragerez-vous cette libéralisation et cette légalisation ? Quel pourrait être le taux limite légal de tétrahydrocannabinol (THC) dans les produits commercialisés ?

Mme Annie Delmont-Koropoulis, rapporteure pour avis de la mission « Santé ». - Je vous remercie pour la clarté de vos propos liminaires. À la lumière de l'expérience de la crise sanitaire, comment voyez-vous l'amélioration de la coordination entre l'ANSM et les comités de protection des personnes (CPP) pour réduire le délai d'autorisation des essais cliniques ? La célérité avec laquelle les essais ont pu être réalisés pourra-t-elle perdurer après la crise ? La priorisation de l'autorisation des essais cliniques dans le traitement de la covid-19 a-t-elle eu pour effet de différer les autorisations d'essais dans d'autres domaines, notamment l'oncologie ?

Mme Laurence Cohen. - Aujourd'hui, l'ANSM ne dispose pas de la possibilité de prononcer des sanctions financières à l'encontre des fabricants qui n'auraient pas mis en oeuvre les mesures de police sanitaire qu'elle prend en cas de dysfonctionnements constatés des dispositifs médicaux. Ne faudrait-il pas plutôt répondre à cette carence au travers de l'arsenal de sanctions que l'agence peut mobiliser en matière de matériovigilance ?

Les pénuries de médicaments se multiplient, et les signalements devraient vraisemblablement exploser en 2020. Avez-vous le sentiment que l'ANSM est assez bien armée, notamment en matière de moyens humains et financiers, pour assurer la surveillance effective des tensions d'approvisionnement ? Quelles sont éventuellement les clés qui lui manquent pour mieux prévenir les pénuries ?

Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Je vais revenir sur le positionnement de l'ANSM par rapport aux différentes phases de la vaccination. Premièrement, les vaccins sont des produits biologiques, et à ce titre, la seule façon d'avoir une autorisation de mise sur le marché sur notre territoire est de passer par une autorisation de l'Agence européenne du médicament. Si l'avis est positif, la mise sur le marché concerne l'ensemble des États membres. Nous sommes particulièrement impliqués dans cette évaluation, car l'agence européenne se base sur les forces vives des différentes agences sanitaires des États membres. Par ailleurs, un système de rolling review a été mis en place dans le cadre des situations d'urgences sanitaires. Celui-ci permet de contracter les temps d'évaluation, sans que cela se fasse au détriment de l'efficacité ou de la sécurité. Il autorise le dépôt des données au fil de l'eau, ce qui permet une évaluation continue par les États membres. Ainsi, nous espérons obtenir un avis positif, pour une mise en application la plus précoce possible. Nous sommes aussi très présents dans l'autorisation des essais cliniques sur le territoire national. Bien évidemment, nous sommes aussi impliqués dans le suivi et la surveillance. Il est indispensable, encore plus quand l'accès des médicaments est précoce, qu'un dispositif de surveillance renforcée soit mis en place. Celui-ci aura deux dimensions. D'abord, la pharmacovigilance, grâce à l'existence de notre dispositif de déclaration. Le maillage de l'agence est assez unique en Europe, grâce à nos centres régionaux de pharmacovigilance, ce qui permet de faire remonter les déclarations spontanées des effets indésirables par les professionnels de santé, et surtout par les patients. L'épidémiologie des produits de santé constitue la deuxième dimension, sur laquelle je reviendrai.

Un autre point majeur, qui doit être le squelette de l'ensemble du dispositif de surveillance, est la transparence. Celle-ci est absolument nécessaire pour nourrir la confiance de l'ensemble de nos concitoyens, cruciale pour accéder à la vaccination. Par exemple, dans le cadre de l'utilisation des médicaments thérapeutiques de la covid, nous avons mis en place une publication hebdomadaire sur notre site internet : elle reprend l'ensemble des effets indésirables, ainsi que l'analyse réalisée par nos centres régionaux de pharmacovigilance. Un travail analogue sera réalisé pour les vaccins. Nous aurons une communication et une analyse régulière sur ces effets.

Nous souhaitons aussi favoriser l'implication de nos parties prenantes. Tous nos comités scientifiques permanents rassemblent à la fois des représentants de professionnels de santé et des représentants d'usagers. Notamment, nous impliquons nos partenaires dans la co-construction du dispositif de surveillance, avec une dimension très importante, celle de l'adaptabilité. Nous avons également une rolling review pour l'évaluation des autorisations de mise sur le marché des vaccins.

Le premier pilier est donc la pharmacovigilance, la remontée des déclarations des effets indésirables - c'est ce qu'on appelle les déclarations spontanées. Le second pilier, indispensable, est l'épidémiologie des produits de santé. Nous avons la chance d'avoir un groupement d'intérêt scientifique (GIS), appelé Epi-Phare, qui réunit les compétences de la CNAM et de l'ANSM sur l'épidémiologie des produits de santé. Grâce au système national des données de santé, nous pouvons suivre l'ensemble des personnes affiliées à l'assurance maladie et donc leurs déterminants médicaux, leur consommation de produits de santé, de consultations médicales, de soins hospitaliers... Nous pourrons voir s'il y a une évolution en termes de comportement ou de consommation de soins des personnes vaccinées.

Ces deux piliers complémentaires permettent d'asseoir la surveillance, en toute transparence. Par exemple, le GIS Epi-Phare, avec lequel nous sommes en contact toutes les 4 à 8 semaines, suit la consommation des médicaments par la population française pendant les différentes phases de la crise sanitaire - confinement, post-confinement. Nous avons constaté une diminution de la vaccination obligatoire, une diminution de l'utilisation des produits de santé nécessitant un acte, comme l'injection intravitréenne de produits dans les cas de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA).

Concernant l'innovation et la stratégie européenne, je partage tout à fait les points qui ont été soulevés : innovation égale Europe. Pour qu'un médicament innovant soit autorisé sur le territoire national, il faut obligatoirement une autorisation de mise sur le marché européenne, à laquelle nous contribuons. Nous devons être présents au niveau européen, et c'est ce que nous faisons : nous regagnons notre place, nous sommes entre le top 3 et le top 4 ou 5 pour ce que l'on appelle le « rapporteurship », avec une présence très forte dans les avis scientifiques européens, notamment dans les domaines de l'oncologie, de l'infectiologie, de la neurologie ou des maladies rares.

Le rapport de la Cour des comptes l'a indiqué, l'ANSM, notamment sous l'impulsion de Dominique Martin, a évolué de manière extrêmement importante, avec les notions d'ouverture et de service public. Je pense notamment au sujet des essais cliniques. Nous devons encore renforcer cette démarche d'amélioration. En termes de délais, la procédure réglementaire prévoit 60 jours. Grâce à la mobilisation de l'ensemble de nos collaboratrices et collaborateurs, le délai moyen de réponse pour les essais cliniques se situe aux alentours de 42 à 43 jours en infraréglementaire, ce qui est attractif pour les promoteurs. Bien sûr, cela se fait dans un cadre sécurisé : jamais nous ne sacrifierons la sécurité au profit de la rapidité. L'objectif est de mieux appréhender les évaluations et d'avoir une gestion du risque la plus adaptée. Ces résultats sont valables pour tous les médicaments hors covid. En période de covid, nous avons accéléré les délais d'autorisation, sans pour autant différer l'autorisation des autres essais cliniques. Nous avons organisé l'agence, avec une priorisation plus importante pour les autorisations covid, mais, en oncologie notamment, les demandes d'autorisation d'essais cliniques ont continué. Le délai moyen d'autorisation n'a pas augmenté : il est toujours de 42 à 45 jours.

Pour les essais cliniques concernant la covid-19, le délai était de quelques jours, moins d'une semaine, au tout début ; aujourd'hui, il se situe entre 7 et 10 jours.

Les CPP se sont mobilisés pour répondre dans des délais les plus rapides possible. Cela permet de préfigurer le futur règlement européen relatif aux essais cliniques : l'ANSM délivrera alors une seule autorisation. Il est important de capitaliser sur ces améliorations en termes de délais. La crise de la covid-19 a permis de réinterroger un certain nombre de processus, notamment avec les CPP, et de démontrer que nous étions collectivement capables, avec toujours l'objectif d'assurer la sécurité des patients, d'accélérer la mise à disposition des autorisations d'essais cliniques.

Sur la Dépakine, je veux dire que l'Agence est aux côtés des patients dont les souffrances sont particulièrement importantes. Le valproate est une molécule ancienne qui a révolutionné la prise en charge des patients épileptiques. Comme pour tout médicament, il y a des bénéfices et des risques. Auparavant, l'information directe des patients n'était pas forcément le dispositif le plus mobilisé ; aujourd'hui, il est important que, en plus de cet indispensable colloque singulier médecin-patient, les patients aient un accès direct à l'information. C'est ce qui mobilise l'Agence depuis de nombreuses années, l'objectif étant de diminuer l'exposition des femmes en âge de procréer et des femmes enceintes au valproate : mise en place de protocoles d'accords de soins, obligation des premières prescriptions par un spécialiste et pictogrammes sur les boîtes de médicaments. L'ensemble de ces mesures ont eu une certaine efficacité, puisque nous sommes passés de 1 500 grossesses exposées au valproate en 2010 à un peu plus de 200 en 2019. Il faut impliquer les parties prenantes : les professionnels de santé, mais aussi, et surtout, les patients. Je pense à l'implication très importante de l'Association des parents d'enfants souffrant du syndrome de l'anti-convulsivant (Apesac), présidée par Marine Martin. Impliquer les patients nous permet d'adapter le contenu et le format de nos réponses pour proposer des mesures de réduction du risque les plus efficaces possible.

Un point sur le cannabis à usage médical. L'expérimentation débutera début 2021. Plusieurs arrêtés ministériels ont déjà été pris ; nous sommes dans la phase des appels d'offres, pour les produits mis à disposition de manière gracieuse, mais également pour la formation des professionnels des médecins et pharmaciens. L'implication des patients est extrêmement importante. Cette expérimentation d'envergure, assez unique en Europe, permet de valider les modalités d'utilisation du cannabis à usage médical, et d'obtenir les premières données sur l'efficacité de l'utilisation de ce produit. Un comité scientifique temporaire, qui réunit l'ensemble des parties prenantes, a été constitué : il a mené des auditions publiques très larges, à la fois de professionnels de santé, de patients et de nos homologues étrangers, afin d'avoir une approche de santé publique de l'utilisation du cannabis à usage médical.

Concernant le cannabidiol, un arrêté a été récemment pris au niveau européen. L'objectif est de trouver avec l'ensemble des institutions et des ministères compétents, chacun dans le respect de ses compétences, un juste équilibre. Il faut, à la fois, un bon usage et une information claire et précise des patients et des professionnels de santé.

M. Dominique Théophile. - Merci pour toutes ces explications qui ont apporté une réponse partielle à ma question. Il y a tout juste un an, la Cour des comptes a remis à notre commission une enquête visant à évaluer l'adéquation des moyens de l'ANSM à ses missions, en s'appuyant notamment sur la comparaison avec des agences européennes. La Cour a formulé, à cette occasion, une série de recommandations concernant la gouvernance, la gestion, les finances, les missions ou les conditions d'exercice de l'ANSM. La liste étant longue, je citerai seulement le renforcement et la systématisation des contrôles visant à prévenir les conflits d'intérêts, l'étoffement des moyens des centres régionaux de matériovigilance ou le renforcement de la sécurité des médicaments prescrits hors autorisation de mise sur le marché.

En tant que directrice générale adjointe, que pouvez-vous nous dire de l'accueil qui a été réservé à ces recommandations et si elles ont été, dans le contexte particulier que nous connaissons, suivies d'effets ?

Mme Catherine Procaccia. - Vous avez évoqué les pénuries d'antibiotiques, les essais cliniques, le guichet innovation. Je travaille sur les phages pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst). Je sais, par les auditions que je mène, que l'ANSM est assez ouverte sur cette question. Les phages ne sont pas des médicaments. Pour être développés, il faudrait des essais cliniques : comment peut-on en faire, alors qu'il n'existe pas de tissu industriel pour les produire ? D'autant que, pour l'instant, ils ne sont utilisés que pour un usage compassionnel. Dans ces situations difficiles, il est difficile d'étudier de nombreux cas et de prévoir des placebos. Pour les phages, ou d'ailleurs pour de nouveaux médicaments, votre guichet innovation peut-il proposer de nouvelles formes pour ce type de produits ? L'ANSM serait-elle prête à faire évoluer la réglementation pour ce type de soins ?

Mme Michelle Meunier. - Merci de votre présentation. Vous avez évoqué l'écoute des usagers et abordé la démocratie sanitaire. On peut mieux faire dans notre pays sur ce sujet. Quel peut être le rôle de l'Agence ?

Mme Élisabeth Doineau. - Merci pour cette présentation et pour les réponses que vous avez apportées.

Ma question rejoint celle de Catherine Procaccia. Tout comme vous, les parlementaires sont entre l'impatience de certains patients, qui voudraient accéder à des produits innovants parce qu'ils sont dans la détresse et qu'ils souffrent, et le scepticisme d'une grande portion de la population qui s'interroge sur la réalité sécuritaire des produits.

On le voit avec le vaccin contre la covid-19 : la vaccination des populations les plus âgées, doit respecter certaines précautions. Elles ne sont pas des cobayes. Pourtant, en France, on sait combien l'Agence que vous souhaitez diriger, mais aussi d'autres instances comme la Haute Autorité de santé, est extrêmement tournée vers la pharmacovigilance et la sécurité des patients. Des efforts sont à faire en termes de communication d'informations. Le site de l'ANSM s'adresse à des experts : les termes ne sont pas connus de tous, ce qui peut « embrouiller » un certain nombre de nos concitoyens qui ne sont pas des initiés. On parle mal de ce qu'on ne connaît pas ou de ce qu'on ne comprend pas. Pour votre crédibilité, notamment à l'égard de nos concitoyens qui font toujours preuve de scepticisme, vous auriez tout intérêt à rédiger de façon plus claire vos réponses scientifiques. Je ne parle pas de vulgarisation parce que, dans ce domaine, il faut garder une assurance scientifique, mais en tout cas, utiliser un langage qui puisse être compris de tous.

Mme Christelle Ratignier-Carbonneil. - Madame Doineau, je partage pleinement vos réflexions sur le site de l'ANSM. Celui-ci est en profonde rénovation : il devrait être davantage tourné vers ses usagers à partir de début 2021, la crise sanitaire ayant décalé le développement du nouveau site. Nous devons être lisibles. C'est la raison pour laquelle nous avons développé l'implication des usagers dans l'ensemble de nos instances, afin que nos messages soient le mieux compris possible. Quoi de mieux que d'avoir en son sein les usagers concernés pour élaborer ces contenus ? Il est également important de rencontrer régulièrement la représentation nationale pour faire des points de situation sur l'évolution de l'Agence : j'espère pouvoir vous dire dans quelques mois que nous avons un nouveau site. Pour créer notre site « ANSM 2.0 », nous avons auditionné de nombreuses parties prenantes afin d'être à l'écoute des attentes des usagers, qu'ils soient des professionnels de santé, des industriels, des citoyens. Je crois profondément en la transparence : les citoyens doivent pouvoir avoir accès aux données, aux mesures et aux actions mises en place, afin que le lien de confiance soit renoué.

Nous avons évidemment porté une grande attention au rapport de la Cour des comptes : je salue le travail qui a été réalisé et les mesures qui ont été proposées, notamment dans le domaine de la matériovigilance. Je l'ai dit, nous avons un formidable maillage territorial avec les centres régionaux de pharmacovigilance. Il est important d'avoir la même dynamique concernant la matériovigilance. La réforme des vigilances qui est en cours a été décalée en raison de la situation sanitaire, mais il y a bien une volonté de renforcer les moyens, afin de permettre la remontée des effets indésirables.

Concernant le mésusage et le hors AMM, c'est une politique publique que je souhaite mener avec une grande vigueur. Je ne peux pas la mener seule, puisque cette question est liée au sujet de la prescription et des attentes des patients : il est important d'avoir une implication large de nos parties prenantes. Il y a plusieurs hors AMM : quelquefois, le hors AMM peut sembler justifié - des cadres existent, notamment les recommandations temporaires d'utilisation - ; dans d'autres, il ne peut pas exister. Il est important de bien faire connaître cette distinction aux professionnels de santé et aux patients. L'AMM n'est pas qu'un cadre réglementaire. On a souvent l'impression qu'elle constitue un carcan administratif. Ce n'est pas le cas ! C'est un dispositif qui sécurise l'utilisation, puisque l'AMM est accordée sur la base de données, notamment d'essais cliniques, qui ont pu montrer un rapport bénéfices-risques favorable dans une indication définie. En l'absence de données, la part d'incertitude et de risque est forcément plus grande. Se pose ensuite évidemment le sujet de l'évolution et de l'adaptation des AMM.

Madame Procaccia, nous avions eu des échanges sur la phagothérapie. Le sujet, que vous connaissez très bien, est complexe. Les phages ne sont pas des médicaments, comme le cannabis à usage médical. Il faut être agile et essayer de voir ce qui est possible, avec l'idée d'apporter un service aux patients dans de bonnes conditions de sécurité. Le guichet innovation que nous avons mis en place est typiquement fait pour ce type de demandes, c'est-à-dire des demandes qui ne rentrent pas dans le cadre d'un médicament ou d'un dispositif médical. En ce qui concerne l'écoute des usagers et la démocratie sanitaire, je partage les propos de Mme Meunier. Comment mieux faire ? Les usagers sont présents dans nos comités scientifiques permanents, qui sont nos groupes de travail, afin que le savoir expérientiel des patients, qui est tout aussi important que l'expertise des professionnels de santé, puisse être pris en compte. Au travers d'auditions publiques, nous écoutons la parole des patients. Cela fait un peu plus d'un an que les usagers participent à l'ensemble de nos comités scientifiques permanents - ils participaient déjà à nos commissions depuis 2011.

Il faut apprendre à travailler tous ensemble. Plus on intègre l'ensemble des savoirs, plus les mesures sont adaptées. On peut mieux faire, on peut faire davantage, mais nous sommes dans une dynamique plutôt positive.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Je vous remercie. Pour avoir travaillé avec Véronique Guillotin et Yves Daudigny sur un rapport sur l'accès précoce aux médicaments innovants, je veux témoigner de la réactivité de l'ANSM. Nous souhaitons que les délais restent resserrés. La question des CPP est un véritable sujet que nous n'allons pas aborder maintenant.

Enfin, et ce point sera dans le rapport de la commission d'enquête sur la covid, il faudra évoquer le hors AMM. J'ai été, pour ma part, quelque peu surprise d'une autorisation donnée par l'Agence européenne du médicament pour le Remdésivir. L'ANSM est d'ailleurs revenue sur des autorisations temporaires d'utilisation : on assiste parfois à une accélération dans un sens et à une décélération dans l'autre. Dans ce contexte, il faut savoir garder un bon équilibre.

Madame Ratignier-Carbonneil, nous vous remercions. Nous allons maintenant procéder au vote.

Vote et dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, aux fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous avons procédé à l'audition de Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, dont la nomination est envisagée par le Président de la République pour exercer les fonctions de directrice générale de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

Nous allons à présent procéder au vote, qui se déroulera à bulletins secrets comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de la loi du 23 juillet 2010, il ne peut y avoir de délégation de vote.

Nous procéderons ensuite au dépouillement ; nous sommes en contact avec la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale afin de procéder de manière simultanée.

L'article 13 de la Constitution dispose que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

Il est procédé au vote, les résultats du scrutin sont les suivants :

 

Sénat

Assemblée nationale

Cumul
des résultats

Nombre de votants

20

29

49

Bulletins blancs/Abstentions

1

2

3

Suffrages exprimés

19

27

46

Seuil des 3/5ème
des suffrages exprimés

   

28

Pour

18

26

44

Contre

1

1

2

Ce point point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 10.