Mercredi 23 février 2022

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Désignation de rapporteurs

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, je vous propose de débuter cette réunion par la désignation des rapporteurs des travaux de contrôle réalisés au cours de la suspension des travaux. Je vous propose ainsi de confier :

- à Michel Laugier, la conduite d'une mission d'information sur la situation de la presse quotidienne régionale ;

- à Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, l'animation d'une mission d'information consacrée à la situation patrimoniale des Églises ;

- à Jean-Raymond Hugonet, le soin de mener avec son homologue de la commission des finances, une mission conjointe de contrôle sur l'avenir de la contribution à l'audiovisuel public ;

- à Céline Boulay-Espéronnier et Bernard Fialaire, le soin d'animer, avec leurs homologues de la commission des lois, une mission conjointe de contrôle consacrée à la délinquance des mineurs.

Il en est ainsi décidé.

Bilan des mesures éducatives du quinquennat - Présentation du rapport d'information

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle la présentation, par nos collègues Annick Billon, Max Brisson et Marie-Pierre Monier des conclusions de la mission d'information consacrée à l'évaluation des mesures prises par le Gouvernement en matière éducative au cours du quinquennat.

Mme Marie-Pierre Monier, rapporteure. - Mes chers collègues, ce quinquennat se caractérise par la longévité de son ministre de l'éducation nationale. En effet, Jean-Michel Blanquer est le ministre de l'éducation nationale qui est resté le plus longtemps à ce poste sous la Vème République. Ce record a permis une continuité de l'action de son ministère de mai 2017 jusqu'à aujourd'hui. Ce quinquennat a également été riche de mesures en matière éducative. Aussi, il est important d'en dresser un bilan. Avec Max Brisson et Annick Billon, nous avons choisi six mesures emblématiques du quinquennat : le lien entre école et société, l'abaissement de l'âge d'instruction à trois ans, le développement de l'école inclusive, la priorité donnée au primaire à travers les politiques de limitation des effectifs de la grande section au CE1, la réforme du lycée, enfin l'attractivité du métier d'enseignant.

Nous avons eu l'occasion, lors de l'examen des textes correspondant à ces mesures, même si une partie d'entre elles ont échappé au cadre législatif, d'exprimer par nos prises de paroles et nos votes, nos positionnements politiques, souvent divergents, sur leur fond et sur la vision de l'école qu'elles traduisent.

L'exercice auquel nous nous prêtons aujourd'hui est différent : il s'agit d'évaluer l'impact de ces mesures, au regard des objectifs initiaux qui étaient les leurs, ainsi que leurs répercussions concrètes sur le terrain pour les membres de la communauté éducative, en première ligne de leur application, mais également pour les autres acteurs concernés : les élèves, les collectivités locales, ....

La première thématique analysée concerne l'école et la société. Jean-Michel Blanquer voulait renforcer le respect de la société envers les enseignants et l'institution scolaire, ainsi que bâtir une école de la confiance. C'est d'ailleurs le titre de la grande loi scolaire du quinquennat, qui a ensuite été déclinée sous forme de « slogans » dans toutes les publications du ministère de l'éducation nationale.

Vous vous souvenez sans doute des débats riches que nous avons eus sur l'article 1er de ce projet de loi. Je ne vais pas y revenir.

Que constate-t-on aujourd'hui ? La relation entre les Français et l'école reste dégradée. Le sondage réalisé pour le Sénat par l'institut CSA à l'occasion de l'Agora de l'éducation montre des doutes élevés des Français dans la capacité de l'institution scolaire à accomplir ses principales missions. Quelques chiffres pour illustrer mes propos : seuls 44 % des Français - et 38 % des enseignants - estiment que l'institution scolaire est efficace dans la transmission des savoirs fondamentaux, et 33 % des Français - 23 % des enseignants - estiment qu'elle est capable de résorber les inégalités sociales et territoriales.

Cette volonté de renforcement du respect et de la confiance dans l'institution scolaire ne s'est pas non plus traduite du point de vue des enseignants. Ils continuent à se sentir mal aimés par la société.

La dernière enquête Talis de l'OCDE souligne ce mal-être : seuls 4 % des professeurs des écoles considèrent que leur métier est valorisé par la société.

À de nombreuses reprises le ministre a affirmé que la logique du « pas de vague » n'est plus celle de l'éducation nationale. Or, ces affirmations ont du mal à se traduire par des actions concrètes sur le terrain. L'une de nos propositions porte sur ce sujet.

En matière de relation entre les personnels de l'éducation nationale et leur ministre, il sera plus juste de parler de défiance. Alors que le ministre n'a eu de cesse d'affirmer sa confiance envers l'école et les enseignants, force est de constater la multiplication des injonctions ministérielles. Je pense aux vadémécums, aux guides, ou encore aux « foires aux questions », injonctions d'un nouveau genre. Ce sont autant de circulaires déguisées qui réduisent l'autonomie des chefs d'établissement, la collégialité de l'équipe pédagogique et brident la liberté pédagogique des enseignants. Il est urgent de leur faire confiance ! Ce sont eux qui connaissent le mieux leurs élèves, leurs difficultés et leurs besoins. Un témoignage qui nous a été donné au cours de la table ronde des syndicats enseignants illustre mes propos : « on a toujours eu des collègues grognons vis-à-vis du ministre. Mais ils démarraient pour un projet, ils étaient enthousiastes pour l'école. Or, là on les sent épuisés ».

J'en viens maintenant à notre deuxième mesure analysée : l'abaissement de l'âge d'instruction à trois ans.

L'article 11 de la loi pour une école de la confiance a abaissé l'âge d'instruction obligatoire à 3 ans. La France fait désormais partie des pays qui positionnent l'instruction obligatoire le plus tôt dans la vie - à titre de comparaison, elle est fixée à 5 ans au Royaume-Uni, 6 ans en Allemagne et en Espagne.

S'agit-il pourtant d'une révolution, comparable aux grandes lois scolaires qu'a connues notre pays depuis Jules Ferry ? Au final, cette mesure est largement symbolique : en 2018, la quasi-totalité des enfants de 3 à 6 ans étaient déjà scolarisés. La loi n'a fait que suivre un mouvement ancien de notre société.

Deux territoires étaient plus particulièrement concernés par cet abaissement de l'âge d'instruction obligatoire : Mayotte et la Guyane. Le ministre avait d'ailleurs insisté en séance sur l'égalité des élèves, « où qu'ils se trouvent sur le territoire, en hexagone comme en outre-mer ». Le taux de scolarisation en maternelle est inférieur dans ces deux territoires de plus de 20 points à la moyenne nationale. Nous avons interrogé les services du ministère sur les progrès réalisés depuis le vote de la loi.

Les services se sont fixé comme objectif la scolarisation de tous les enfants en âge d'aller en maternelle en 2025, soit plus de six ans après l'entrée en vigueur de la loi.

Je tiens à le rappeler : la loi ne prévoyait pas une entrée en vigueur différée de la mesure pour ces deux territoires. Pour les six générations d'élèves concernés, ce sont des temps précieux d'apprentissage perdus. Actuellement 2 800 enfants en Guyane et 6 200 enfants à Mayotte en âge d'être scolarisés en maternelle ne peuvent pas l'être.

À l'occasion du débat sur le projet de loi, nous avions alerté, de manière transpartisane, sur les conséquences de cette loi pour les jardins d'enfants. Il est regrettable d'avoir mis en difficulté un réseau historique qui fonctionnait bien.

Le ministre avait promis un accompagnement des jardins d'enfant. Sur le terrain, on constate que celui-ci fait défaut. Les services déconcentrés de l'éducation nationale ne semblent parfois même pas au courant de cette promesse ministérielle.

L'inspection générale de l'éducation nationale a récemment proposé trois scénarii d'évolution pour les jardins d'enfants : la transformation en école publique pour les jardins d'enfants publics, la transformation en école privée hors contrat, le recentrage de leurs activités sur l'accueil des enfants avant 3 ans et l'accueil périscolaire des enfants plus âgés.

Au final, ces pistes d'évolution sont très difficiles à mettre en place et s'apparentent davantage à des fausses solutions.

Dernier point que je souhaite évoquer avant de laisser la parole à Annick Billon : l'accompagnement des personnels du fait de cet abaissement de l'âge d'instruction. Nous avons constaté que peu de choses avaient été faites : trop peu de plans de formations départementales ou académiques proposent des modules spécifiques, dédiés aux enseignants de maternelle. De même, il existe très peu de formations sur l'accueil en maternelle des élèves à besoins particuliers. D'ailleurs, d'après un rapport de l'inspection générale de l'éducation nationale, l'inclusion scolaire pour les élèves de 3 à 6 ans est difficile à mettre en oeuvre. Le ministère a certes rédigé deux guides pour accompagner les enseignants. Mais plutôt que rédiger ce type de document très vertical, nous pensons qu'il vaudrait mieux un investissement massif sur la formation initiale et continue des enseignants de maternelle.

Nous avons également pris connaissance d'initiatives très intéressantes de la part de DASEN. Je pense en particulier à ceux de l'Ain, de la Loire-Atlantique et du Morbihan : éviter l'affectation d'enseignants peu expérimentés dans les classes de petite section. La gestion de ces classes nécessite une maîtrise professionnelle particulière. D'ailleurs, un nombre significatif de renouvellement de stages avant la titularisation concerne des jeunes enseignants exerçant en petite section. Nous proposons ainsi d'éviter l'affectation d'enseignants peu expérimentés en petite section.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Je vais vous présenter notre bilan des actions menées en faveur de l'école inclusive, d'une part, et du primaire d'autre part.

Le Gouvernement avait souhaité faire du handicap l'une des grandes causes nationales du quinquennat, avec notamment la création d'un service public de l'école inclusive pour la rentrée 2019.

Cette volonté politique forte s'est traduite par des moyens budgétaires conséquents : les crédits dédiés à l'école inclusive ont bondi de plus de 65 % sur l'ensemble du quinquennat. Le nombre d'AESH a pour sa part progressé de 33 % sur la même période. Néanmoins, malgré ces efforts importants, toutes les notifications des MDPH ne peuvent pas encore être satisfaites. À Paris, en 2020-2021, il a manqué 300 AESH pour répondre à l'ensemble des besoins.

On constate une réorganisation systémique de l'école inclusive avec les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Selon les informations transmises par le ministère, ceux-ci couvrent désormais l'intégralité du territoire national.

Les PIAL sont principalement un outil de gestion des ressources humaines, afin de répondre le plus rapidement possible aux besoins d'accompagnement nouveaux, ou en cas d'absence d'un AESH par exemple. D'ailleurs, certains PIAL ont fait le choix de proposer une formation généraliste portant sur tous les niveaux scolaires et les différents types de handicap, afin de faciliter les substitutions en cas d'absence.

Quel premier bilan en tirer ? Pour les familles, les PIAL doivent permettre d'éviter les risques de rupture dans l'accompagnement de leurs enfants. Il n'existe pour l'instant pas de bilan exhaustif. Un point positif, issu du terrain peut être souligné : le coordinateur du PIAL des Pyrénées-Atlantiques nous a indiqué avoir reçu beaucoup moins d'appels à la cellule « école inclusive » de la part des familles, depuis la mise en place du PIAL. Par ailleurs, l'enfant semble être moins la variable d'ajustement de l'emploi du temps des AESH qu'auparavant, grâce à la mutualisation. Il faut savoir qu'une notification n'indique pas un nombre d'heures d'accompagnement, mais des activités ou des moments de la journée pour lesquels un accompagnement est nécessaire.

Dans les faits, auparavant, l'enfant bénéficiait d'un accompagnement lorsqu'il y avait un « trou » dans l'emploi du temps de l'AESH. Or, cela pouvait correspondre à un moment où il n'en avait pas forcément besoin. La mutualisation entre plusieurs élèves doit allonger la durée de la présence physique d'un AESH dans une classe et donc permettre de répondre au besoin d'accompagnement de l'élève pour une activité particulière.

Du point de vue des AESH, le premier bilan est différent. La mise en place des PIAL a conduit à une évolution de leurs métiers, perçue dans certains cas comme une amélioration, mais dans d'autres cas comme une dégradation. Le nombre d'élèves ou de classes à suivre a en effet augmenté. Dans la Drôme, un AESH accompagne en moyenne 4,15 élèves. Mais dans le même temps, le PIAL a permis d'uniformiser les quotités de travail par défaut et souvent de les augmenter.

Nous avons entendu avec intérêt des initiatives de PIAL prenant des engagements moraux en termes de temps de trajet entre les différents établissements d'affectation des AESH, ou encore l'organisation de réunions de pré-rentrée réunissant l'ensemble des AESH afin de connaître leur souhait d'affectation. Ces initiatives sont à saluer et à généraliser.

Les conditions de recrutement des AESH ont également été améliorées : ils sont désormais recrutés en CDD renouvelable une fois pouvant se transformer en CDI, leur rémunération a été légèrement augmentée, et une formation initiale de 60 heures est désormais prévue. Néanmoins, leur situation reste précaire : un AESH qui accompagne toute la semaine un élève de primaire ne peut avoir un temps plein, car la semaine d'école est de 24 heures. Pour cette quotité de travail, un AESH va percevoir en moyenne 978 euros mensuels bruts.

Nous proposons d'améliorer la rémunération des AESH. Cela pourrait prendre la forme d'une modification des modalités de calcul de la rémunération, actuellement calculée sur 41 semaines. Leurs perspectives de parcours et de carrière doivent également être améliorées. Par ailleurs, leur formation continue doit être renforcée en partant de leurs besoins.

L'inclusion des enfants en situation de handicap doit se poursuivre. Cela passe tout d'abord par une réflexion sur le temps périscolaire. À cet égard, un arrêt du Conseil d'État de novembre 2020 a rappelé le partage de responsabilité et de financement des AESH entre l'État et les collectivités : à l'État le temps scolaire, et aux collectivités le temps périscolaire.

Il est néanmoins regrettable que dans de nombreux territoires, cette décision ait été mise en oeuvre de manière brutale, sans concertation, mettant en difficulté les communes et par répercussion les élèves et leurs familles.

Nous préconisons un recours plus important à la mise à disposition des AESH par l'État. Cette solution présente l'avantage pour la collectivité territoriale et l'AESH d'avoir un contrat et un employeur unique, les aspects administratifs étant ensuite réglés directement entre l'État et la commune.

Cette meilleure coordination pourrait permettre d'augmenter la quotité de travail des AESH, bien entendu dans le respect du droit du travail.

Enfin, l'école inclusive ne doit pas se limiter à une approche par compensation du handicap au moyen d'un accompagnement humain. Un nombre important de demandes trouve leur origine dans un défaut de formation des personnels ou d'adaptation des conditions d'accueil d'un élève. De nombreuses formations relatives à l'école inclusive ont été annulées ces deux dernières années en raison de la pandémie. Il est urgent de les organiser.

J'en viens à l'école primaire, « priorité des priorités » comme aime à le rappeler le Ministre. Cela s'est fait à travers deux mesures principales : le dédoublement des classes de grande section au CE1 en éducation prioritaire, et la limitation des effectifs à 24 élèves pour ces niveaux hors éducation prioritaire. Le dédoublement des classes en REP et REP + est une réalité qu'il faut reconnaître : 100 % des classes de CP et de CE1 sont dédoublées. Si, le dédoublement des classes de grande section est en cours et devrait s'achever à la rentrée 2023, on constate dès cette année une diminution nette du nombre d'élèves par classe de grande section en éducation prioritaire.

Quel premier bilan en tirer ? Certes, on constate quelques effets positifs, notamment pour les élèves en très grande difficulté. Mais le budget conséquent consacré à cette mesure n'a pas permis une inversion franche des difficultés scolaires rencontrées par les élèves de REP et REP +. Au contraire, loin de réduire les écarts entre les élèves scolarisés hors éducation prioritaire et ceux scolarisés en éducation prioritaire, on constate en 2021 l'effet inverse : une augmentation des écarts de performance. Cette hausse est particulièrement significative en français, et sur certains items en mathématiques. La crise sanitaire a sans doute joué un rôle.

Il existe un point d'amélioration notable : le climat de classe. Les enseignants de CP dédoublés se déclarent plus confiants. Il faut cependant noter qu'ils ont pu bénéficier d'une formation spécifique dans le cadre de cette politique de dédoublement.

Cela montre la nécessité d'un effort massif envers une formation continue qui répond directement aux besoins des enseignants. Cette formation doit notamment permettre le développement de nouvelles pédagogies intégrant pleinement cette réduction d'effectifs dans les classes. C'est l'une de nos préconisations.

L'investissement massif en faveur des niveaux allant de la grande section au CE1 nécessite également d'avoir une vigilance particulière pour les classes de CE2. Les élèves d'éducation prioritaire seront confrontés à une augmentation de 6 à 7 élèves par classe à la fin du CE1, ce qui peut être source de perturbation. Nous préconisons des mesures d'accompagnement scolaire pour ces élèves qui auront connu pendant trois ans des classes à effectifs réduits.

Le dédoublement des classes, conjugué au plafonnement des effectifs hors éducation prioritaire, interroge sur les moyens dédiés à ces deux mesures. Le dédoublement et le plafonnement nécessitent 19 300 ETP. Or, sur le quinquennat, seuls un peu plus de 7 000 ETP ont été créés dans le primaire. Il y a donc une différence d'un peu plus de 12 200 ETP entre les besoins exprimés et les moyens créés.

Nous avons interrogé le ministère sur cette différence. Voici ses explications : premièrement, la mise en oeuvre de cette mesure se prolonge au-delà de 2022. Sur le quinquennat, les besoins sont seulement de 15 400 emplois. Par ailleurs, les 7 000 emplois créés ne prennent pas en compte la réforme de la formation initiale. Les enseignants stagiaires exerceront désormais à temps plein et plus à temps partiel. Enfin, il y a un redéploiement d'effectifs, sous l'effet, d'une part de la baisse démographique, et d'autre part de la fin du dispositif « plus de maîtres que de classes ». À cet égard nous regrettons l'absence d'évaluation de ce dispositif.

Nous tenons à souligner que d'autres annonces ministérielles sont consommatrices de moyens : je pense à l'amélioration des temps de décharge des directeurs d'école, que nous appelons tous de nos voeux.

Nous devrons faire preuve d'une vigilance toute particulière pour s'assurer que ces ETP ne soient pas trouvés au détriment des moyens de remplacement - le ministère nous assure que ce ne sera pas le cas - ou encore par des suppressions de poste.

M. Max Brisson, rapporteur. - Nous avons certes des divergences, mais nos débats au sein de cette commission nous permettent de dessiner des traits communs sur l'avenir de notre école. Avec les rapporteurs, nous avons trouvé des arbitrages au-delà de notre conception du système éducatif, et avec des points de convergence. Nous avons travaillé avec le souci de dresser un bilan - qui peut être parfois sévère, mais toujours objectif - sur ce qui était souhaité par le ministre, ce qui a été réalisé, et les difficultés qu'il a pu rencontrer. Nous sommes dans l'exercice du contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement.

En ce qui concerne la réforme du lycée, nous sommes au milieu du gué. Personne ne peut le contester. Je rappelle les objectifs : d'une part, la bonne articulation et fluidité entre le lycée et l'enseignement supérieur, notamment la licence, et donc la capacité du lycée à faire émerger des parcours plus personnalisés pour mieux préparer les élèves aux études supérieures afin d'éviter le décrochage dans l'enseignement supérieur. D'autre part, il y avait également la volonté de mettre fin à un fonctionnement en silo, avec la hiérarchie des filières qui s'était imposée et la prééminence de la voie S. Désormais, le choix et les résultats des lycéens dans les spécialités doivent être devenus déterminants dans la poursuite des études. Deux ans après l'entrée en vigueur de la réforme, que constate-on ? Il y a une grande diversité dans le choix réalisé par les élèves. Le ministère a recensé pour 2019 426 triplettes, choisies au moins par un élève. Pour retrouver 80 % des élèves de première, il faut associer 15 triplettes. Incontestablement les séries ont disparu. C'est à mettre à l'actif de cette réforme.

Mais on constate également une baisse historique du nombre des élèves qui suivent un enseignement de mathématiques. Auparavant 90 % des élèves de terminale suivaient un enseignement de mathématiques. Ils ne sont plus que 59 %. Or, de nombreux débouchés nécessitent les mathématiques. Aussi, nous recommandons que tous les élèves de première et de terminale suivent un enseignement de mathématiques, qui pourrait prendre la forme de mathématiques appliquées.

Cette réforme a également été révélatrice de choix genrés. Cette réalité se manifestait auparavant en classes préparatoires scientifiques. Désormais elle est revenue au lycée. On peut le constater sans polémique, le déplorer, et souhaiter que des correctifs soient apportés. Il y a un important travail à poursuivre en matière de lutte contre les stéréotypes associés à certains enseignements et certaines professions.

On peut également dire que cette politique publique a été mise en oeuvre de manière précipitée avec des conséquences en termes d'accompagnement. Je pense à l'orientation. La réforme aurait dû s'accompagner d'un effort particulier de conseil et d'orientation, pour permettre à chaque élève un choix éclairé. L'orientation devrait ainsi être la clé de voute de la réforme. Or elle en est le parent pauvre. Le ministre avait prévu 54 heures annuelles d'orientation au lycée. Mais elles ne sont pas inscrites dans l'emploi du temps des élèves. Elles sont souvent des heures d'ajustement pour finir les programmes. Par ailleurs, on constate un manque d'information des professeurs principaux et des référents. Le rapport de la cour des comptes de février 2020 sur la réforme de l'orientation et pour la réussite des étudiants soulignait que 85 % des professeurs principaux n'avaient jamais reçu de formation spécifique pour ces missions de conseil et d'orientation.

Par ailleurs, on peut comprendre que les professeurs principaux soient désarçonnés : l'enseignement supérieur n'a pas défini les attendus par rapport aux enseignements de spécialité.

La question de l'orientation est directement liée à celle de la dotation horaire globale (DHG) : les établissements décident de l'utilisation de la DHG pour des heures d'orientation, les dédoublements de classe, les actions de soutien aux élèves. Un proviseur de lycée nous l'a dit : « une fois les heures de spécialités et les options posées, il ne me reste quasiment plus de dotation globale horaire pour faire de l'orientation ». Au final, certains lycées le font car il y a une culture de l'orientation. D'autres ne le font pas car il n'y a pas cette culture et préfèrent faire d'autres choix. Se créent ainsi des inégalités dans le conseil permettant aux élèves de faire leurs choix éclairés. Aussi nous recommandons de sanctuariser les heures d'orientation en plus de la dotation globale horaire.

Les enseignements de spécialité ont également créé des inégalités entre les petits et les grands établissements. Nous avions largement alerté sur cet écueil, lorsque la commission avait débattu de cette réforme. Les petits établissements sont contraints de prioriser entre les spécialités et les options proposées. Or, il existe un effet établissement : une fois présent dans l'établissement en seconde, les élèves choisissent leurs spécialités et options en fonction de celles qui existent. C'est une réalité, en particulier pour les lycées de nos départements ruraux. Là encore, la spécificité du lycée de petite taille doit être prise en compte. Le ministre nous a indiqué hier en séance avoir une attention toute particulière pour l'école rurale. Il ne peut donc qu'être favorable à cette recommandation.

On constate également une prise en compte perfectible de la réforme de l'enseignement supérieur. Dès 2018, au Sénat, nous avions dénoncé la réalisation de la réforme sur l'orientation et la réussite des étudiants avant celle de la réforme du lycée. Ces réformes ont été conçues en silo, alors qu'elles sont liées. Au final, seules certaines filières ont pris en compte la réforme du lycée. Le ministre nous a indiqué hier que les choses sont en train de se mettre en place. Mais on passe le baccalauréat et devient étudiant qu'une fois dans sa vie. Ceux-ci n'ont guère envie d'être des cobayes à ces occasions.

Un certain nombre de formations du supérieur sont dans des positions attentistes : elles attendent de voir quels étudiants elles vont accueillir avant d'envisager une évolution de leurs maquettes. D'autres estiment ne pas avoir à le faire et s'appuient sur le tronc commun. Cette position va à l'encontre de l'objectif de la réforme et de la création des spécialités. On se retrouve avec des cohortes d'élèves et des étudiants dans l'attente de la mise en oeuvre effective de l'articulation entre le lycée et la licence. Cela ne me semble pas acceptable.

J'en viens à l'attractivité du métier d'enseignant. Notre commission se penche de longue date sur cette thématique.

La réforme de la formation initiale, à travers la création des INSPÉ, devait permettre au ministère de l'éducation de reprendre la main sur le recrutement et améliorer les conditions de travail des enseignants.

Par manque de moyens et de perspectives - avec des textes réglementaires parus tardivement laissant les étudiants et les INSPÉ dans l'incertitude -, la réforme des INSPÉ a du mal à atteindre ses objectifs. Une minorité d'étudiants seulement réalise un stage en responsabilité devant les élèves. Or c'est l'une des clés de la formation pratique des futurs enseignants. Quant à la présence de professionnels de terrain en master MEEF (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation), elle varie selon les INSPÉ et dépend des moyens que les rectorats mettent à leur disposition.

La rémunération des enseignants a progressé, portée essentiellement par le protocole PPCR issu du précédent Gouvernement, et pour partie par le Grenelle de l'éducation. Néanmoins, la rémunération des enseignants français, notamment en début de carrière, reste inférieure à la moyenne de l'OCDE, et à celle des cadres de la fonction publique. Nous proposons d'accélérer les rendez-vous de carrière, afin d'améliorer la rémunération des enseignants.

La dernière enquête Talis de l'OCDE réalisée en février-mars 2018 montre une dégradation du sentiment d'efficacité personnelle des enseignants français par rapport à 2013.

La formation continue reste un point faible de ce ministère - ce n'est pas un fait nouveau. Seule la moitié des enseignants français indiquent avoir suivi une formation les 12 derniers mois qui ont précédé l'enquête Talis de 2018, contre 75 % de leurs collègues européens. Or, ils sont toujours plus nombreux à exprimer un besoin de formation continue.

Aujourd'hui, un quart des enseignants se demandent s'ils n'auraient pas mieux fait de choisir une autre voie professionnelle. Le pari de l'attractivité du métier d'enseignant est donc loin d'être gagné.

M. Laurent Lafon, président. - Un grand merci à nos trois rapporteurs pour ce travail. Il n'était pas évident de parvenir à dresser un tel bilan alors que nous manquons encore de recul sur ces différentes mesures. Ceci dit, ce travail était important. Notre commission a pris toutes ses responsabilités dans l'examen des textes législatifs relatifs à l'école au cours des dernières années, qu'il s'agisse du projet de loi pour une école de la confiance ou, plus récemment, de la proposition de loi créant la fonction de directrice ou directeur d'école.

Mme Marie-Pierre Monier, rapporteure. - Je voulais insister sur le caractère collégial de notre rapport et de nos propositions. Notre approche est conforme à la réputation du Sénat et à sa capacité à travailler dans un esprit transpartisan. J'avoue que, lorsque la mission a été lancée, je craignais que nous ne parvenions pas à un consensus au regard des positions différentes que nous avions chacun défendues par le passé. Nous avons beaucoup échangé ensemble et retenu toutes les propositions qui faisaient l'objet d'un accord entre nous. Au final, c'est ce qui assure la grande objectivité de notre bilan et qui en fait sa force.

M. Jacques Grosperrin. - Je me réjouis de ce travail de bilan qui, à ma connaissance, n'avait pas été réalisé au terme des précédents quinquennats. La tâche des trois rapporteurs était complexe au regard de la multiplicité des sujets à aborder. Je souscris aux axes de travail qu'ils ont retenus.

Il est toujours difficile de réformer ce pays. Cela vaut aussi pour l'éducation nationale.

Il est intéressant d'observer la liste des personnalités qui se sont succédé à ce poste depuis 1958 : certains sont par la suite devenus Premier ministre et même, dans le cas de Georges Pompidou, Président de la République. Le choix du ministre dit beaucoup de ce que le Président de la République ou le Premier ministre en exercice pensent de la fonction éducative. Marie-Pierre Monier a raison de mettre en avant la longévité de Jean-Michel Blanquer comme ministre de l'éducation nationale. C'est un exploit.

Je crois utile d'analyser la composition des cabinets des ministres de l'éducation nationale et l'évolution de l'intitulé des fonctions assignées aux différents conseillers. Cela donne une idée de la politique que le ministre veut mettre en place. Les cabinets comptent toujours un conseiller en charge du suivi de l'exécution. Pourtant, je me demande si ce suivi de l'exécution fait l'objet d'une continuité suffisante.

Les trois rapporteurs ont rappelé que beaucoup d'argent avait été mis sur la table depuis cinq ans en faveur de l'éducation nationale. Néanmoins, les résultats ne sont pas là.

Même si Jean-Michel Blanquer était sans doute, à titre personnel, très proche de notre position sur la laïcité, il a été corseté par la ligne défendue par le Président de la République et le Gouvernement. Il s'agit à mon sens de l'une des contradictions de ce quinquennat. Le défaut d'évaluation est un autre problème fondamental.

Vous nous soumettez trente-six propositions, ce qui constitue beaucoup et peu à la fois. Permettez-moi de vous poser quelques questions complémentaires. D'abord, vous avez évoqué des comparaisons internationales. Des bilans similaires des politiques éducatives ont-ils été réalisés dans d'autres pays ? Ensuite, si l'on demandait à chacun d'entre vous de mettre une note au ministre, quelle serait-elle ? Malgré l'avalanche de réformes intervenues au cours des dernières années, que manque-t-il à vos yeux de fondamental pour réussir ? N'y a-t-il pas, au final, un problème d'acceptabilité lié au trop grand nombre de réformes ? Enfin, si chacun d'entre vous ne devait conserver qu'une seule des 36 propositions, quelle serait-elle ?

Mme Céline Brulin. - Ce rapport est riche d'enseignements. Il est dommage qu'il n'ait pas été présenté en commission avant le débat qui s'est tenu en séance publique hier. Cela nous aurait permis d'avoir le même niveau d'informations et de disposer d'éléments factuels pour répondre au ministre, toujours très doué pour enjoliver la réalité.

Vous soulignez l'image dégradée de l'école dans la société qui ressort de différentes études. Je m'en étonne car j'ai plutôt le sentiment que le premier confinement a contribué à faire prendre conscience aux familles du besoin d'école et d'enseignants.

Vous évoquez la crise de la profession et les difficultés de recrutement. J'observe que le ministre de l'éducation nationale ne soutient pas aujourd'hui les enseignants comme son homologue de l'intérieur, Gérald Darmanin, soutient les policiers. C'est sans doute une faiblesse.

Je suis ravie de constater que certaines idées font leur chemin, comme la nécessité d'un service public de l'école inclusive. C'est un vrai progrès. Je me félicite aussi que votre rapport identifie clairement les conséquences du dédoublement des classes et du plafonnement progressif à 24 élèves. Ces mesures constituent un progrès, mais elles ont des répercussions sur les remplaçants.

En matière d'orientation, je m'interroge : peut-on laisser à des jeunes d'une quinzaine d'années la responsabilité de choisir les disciplines qui peuvent leur être enseignées ? Je ne nie pas qu'il faille une certaine appétence pour étudier, mais les jeunes de cet âge, ou même leur famille, sont-ils suffisamment armés pour percevoir les disciplines dont ils auront besoin à l'avenir ? Cette réforme présente des faiblesses et des limites. Par ailleurs, est-il opportun de confier cette orientation aux enseignants, qui ont nécessairement un regard subjectif sur leurs élèves ? Ne faudrait-il pas que des personnels extérieurs à la classe soient sollicités en matière d'orientation ?

Je voudrais attirer votre attention sur la politique actuelle en matière de regroupement d'écoles, qui se traduit par la disparition d'un certain nombre d'écoles rurales.

Mme Sonia de La Provôté. - C'est vrai.

Mme Céline Brulin. - Face au besoin d'école relancé par la crise sanitaire, les citoyens ne veulent pas voir disparaitre l'école de leur commune. Je suis consciente que chaque commune ne peut pas forcément disposer d'un établissement scolaire, mais peut-être faut-il repenser aussi la conception des écoles pour éviter le sentiment d'abandon croissant des zones rurales. Une école, ce n'est pas forcément cinq classes du CP au CM2.

Quelques mots enfin au sujet de Jean-Michel Blanquer. S'il est longtemps apparu comme un bon élève, son image s'est beaucoup dégradée en cette fin de quinquennat du fait de son action pendant la crise sanitaire. Les changements incessants de protocole dans l'éducation nationale ont suscité un mouvement social d'ampleur de la communauté éducative au cours des dernières semaines. Ces critiques n'émanent pas seulement des enseignants et sont également le fait des parents d'élèves.

Mme Sonia de La Provôté. - Je félicite les trois rapporteurs pour ce bilan complet. Les réformes ont été riches dans ce mandat en matière d'éducation. Le ministre a voulu, si ce n'est bouger les lignes, au moins imprimer sa marque. Il a fonctionné par totems : la scolarisation dès trois ans ou encore les PIAL et la mutualisation de la prise en charge des enfants en situation de handicap. C'est un moyen de faire disparaître les classes spécialisées, comme les ULIS (unités localisées pour l'inclusion scolaires), qui n'ont pas bonne presse. Les réformes du baccalauréat et du lycée sont aussi un totem.

Enfin, je souhaite mentionner deux propositions de loi majeures du quinquennat : la fonction des directeurs d'école, un sujet important identifié par le Sénat avant la crise de la Covid, ainsi que la proposition de loi de Françoise Gatel sur les écoles hors contrat. Nous avons voulu permettre à la République d'avoir un oeil efficace sur les écoles hors contrat.

À partir de ces totems, le ministre a fait des choix caricaturaux, et souvent n'abordant pas la thématique de façon globale. Je pense à la question de l'orientation qui n'a pas été traitée, malgré le bouleversement majeur qu'ont entrainé les réformes du lycée et du baccalauréat. Nous avions alerté sur un risque de création des inégalités. Cela s'est réalisé : faire un choix éclairé pour un élève ne se décrète pas. Un jeune arrive avec son bagage culturel, social, territorial. Il a besoin d'un service public de l'orientation.

En ce qui concerne le métier d'enseignant, les ambigüités sont nombreuses. Les classes à 25 élèves sont dans les faits une moyenne. Il existe encore en France des classes à plus de 25 élèves. On ne peut pas fonctionner avec des moyennes : chaque élève est unique. Je comprends qu'il faille des stratégies générales en matière éducative et de ressources humaines. Néanmoins, j'ai l'impression que les services de l'éducation nationale travaillent à partir d'une vision d'un gros établissement ou école, avec beaucoup d'effectifs, plutôt urbains. Je n'ai pas le sentiment, dans les mesures du ministre, d'une prise en compte de l'école rurale ou du petit établissement. En dehors de l'enseignement supérieur et des écoles de grande taille, n'y aurait-il point de salut ?

Il y a eu de nombreuses annonces sur l'enseignement professionnel, technique ou agricole. Mais dans les faits, ces enseignements n'ont pas été valorisés. Les inégalités se sont renforcées ou n'ont pas été traitées. Alors que le nombre d'académies concernées par la réforme de la réussite éducative va être élargi, aucune évaluation n'a été faite des premières expérimentations.

Enfin, il y a des ambiguïtés dans les réponses par un défaut d'évaluation, ou une évaluation qui ne va pas dans le détail. Or, ces évaluations détaillées sont possibles. J'en veux pour preuve celle réalisée en matière d'éducation artistique et culturelle. Il a été démontré qu'au final c'est l'école rurale qui réussit le mieux cette mission.

Les attentes étaient nombreuses au moment de la prise de fonction du ministre : des attentes de simplicité, de fluidité, d'humanité et de bienveillance dans le système éducatif. Les ambiguïtés sont restées, les inégalités ont été maintenues et la simplicité a été remplacée par une forme de simplisme dans les propos.

Mme Monique de Marco. - Je remercie les rapporteurs de ce travail complet. Il est dommage que nous n'ayons pas eu ces éléments pour le débat d'hier. J'ai été déçue par l'attitude du ministre de l'éducation lors du débat, qui s'est donné un satisfecit sur ses réformes. À ma question sur l'enseignement des mathématiques au lycée, l'augmentation des écarts qui se fait entre les filles et les garçons, et l'inquiétude du MEDEF, la réponse que j'ai obtenue est qu'il s'agit d'une « fake news ». J'estime qu'il aurait dû entendre les questions que nous lui posions. Ce n'étaient pas des questions pièges, agressives, mais nous demandions des précisions.

Je vous remercie pour les propositions n° 24 à 28 sur l'orientation. C'est un point indispensable. La situation actuelle en lycée est inquiétante. Les professeurs principaux ne sont pas formés, n'utilisent pas les heures pour parler d'orientation. En parallèle, le nombre de conseillers d'orientation et de psychologues est en diminution. Il y a en moyenne un psychologue pour 1 500 élèves en moyenne. Or leur approche est différente de celles des professeurs principaux. Nous avons beaucoup parlé du lycée. Elle est également primordiale au collège - en quatrième et troisième -, pour aider les élèves à identifier leurs préoccupations et centres d'intérêt.

Vous n'avez pas abordé le collège. C'est parce que c'est le grand oublié du quinquennat. Certes la mesure « devoirs faits » a été lancée. Mais elle n'a pas été évaluée. Celle-ci est mise en oeuvre par des Aides éducatives à domicile (AED), des étudiants, qui n'ont pas de formations et font au mieux. Il me semble que des moyens en termes de formation soient également nécessaires sur ce point.

En ce qui concerne l'attractivité du métier d'enseignant, il est clair qu'ils sont sous-payés. On le voit par comparaison avec les autres pays de l'OCDE. Mais, quand on commence à 1 500 euros nets par mois, il est souvent préférable de chercher une autre voie professionnelle pour le même niveau de diplôme.

Pouvez-vous m'apporter quelques éléments complémentaires sur les recommandations suivantes : la recommandation n° 2 sur l'autonomie des établissements, la n° 3 sur la dérogation d'assiduité scolaire. En ce qui concerne la recommandation n° 8, nous avons eu de nombreuses alertes des maires sur le financement des AESH sur le temps périscolaire. Cette recommandation évoque les coûts directs et indirects de l'abaissement de l'âge d'instruction. N'est-il pas également possible d'alerter sur le financement des AESH hors temps scolaire ?

M. Jacques-Bernard Magner. - Je félicite les rapporteurs qui ont essayé de faire une synthèse du bilan des cinq années de l'action du Gouvernement en matière d'éducation au-delà de nos désaccords. Il est difficile d'avoir une vue commune.

Je m'interroge : à qui s'adressent ces 36 propositions ? Au ministre sortant ? On n'est pas sûr qu'il prolonge son action au-delà des prochaines échéances. À une liste de candidats à l'élection présidentielle ? Il n'est jamais négatif de faire des propositions d'autant que nos assemblées parlementaires sont très peu sollicitées sur les questions d'éducation. Beaucoup de réformes relèvent en effet du niveau réglementaire. Ces derniers jours, on a eu une loi sur l'éducation, un débat avec le ministre et 36 propositions. On termine le quinquennat sur un bon rythme.

Concernant la scolarisation des enfants de 3 à 6 ans, un travail important sur la maternelle avait été réalisé par le Conseil supérieur des programmes, lorsque j'y siégeais. Nous avions rappelé que la maternelle n'est pas une petite école primaire et que son objectif est d'apprendre aux enfants à devenir des élèves et à adopter un comportement social. Les collectivités territoriales font de nombreux efforts pour les maternelles et je serai déçu si cette orientation était remise en cause.

Concernant la formation des enseignants, il faudrait davantage prendre en compte la pratique dans l'évaluation de leur formation. Comme le montrent certains exemples étrangers, il est tout à fait possible de diriger une classe avec un bac+3 - même si je ne souhaite pas remettre en cause la masterisation du métier d'enseignant. On constate qu'il existe aujourd'hui des freins pour les personnes qui veulent devenir enseignants.

M. Julien Bargeton. - Je ferai entendre un son de cloche différent. Je suis en effet très fier de la longévité du ministre qui a conservé son poste pendant la totalité de la durée du quinquennat. La durée est un élément qui compte. Trop de ministres n'ont pas pu imprimer leur marque. Ce ministre de l'éducation aura été celui de l'école ouverte. Vous insistez peu sur la crise de la covid. Elle a pourtant eu des conséquences sur les réformes lancées par le ministère ; en outre, la France a réussi à maintenir les écoles ouvertes, plus que dans de très nombreux autres pays. Elle a d'ailleurs été saluée pour cela. Vous n'évoquez pas non plus les internats d'excellence et le programme « devoirs faits ». Cela aurait permis d'équilibrer les conclusions du rapport. Il y a une sévérité un peu injuste d'autant plus que les études citées datent souvent de 2018 comme celle sur l'attractivité du métier de professeur. Jean-Michel Blanquer n'était en poste que depuis un an. Il y a des études plus récentes qui sont plus équitables. Je ne partage pas non plus le constat d'un effondrement du nombre de jeunes femmes dans les filières scientifiques comme je ne partage pas les conclusions du rapport. Les retours de terrain que j'ai eus dans l'Est de Paris montrent par exemple que le dédoublement des classes REP et REP+ a permis d'améliorer les résultats des élèves qui habitent dans ces quartiers.

Il ne faudrait pas que des groupes d'opposition qui ne sont pas d'accord entre eux se retrouvent pour défendre un rapport dont la tonalité est excessive. Cette vision n'est pas la mienne.

M. Bernard Fialaire. - Appartenant à la minorité des commissaires qui ne sont pas issus de l'Éducation nationale, j'aborde ce bilan avec un éclairage sans doute différent de la plupart d'entre vous. Je crois que nous devons prendre un certain recul, surtout, sur ce que l'on peut retenir de l'action du ministère de M. Blanquer. La publication des prochains classements internationaux comme le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), nous le dira. Grâce à l'Agora de l'éducation, au débat d'hier en séance publique et au rapport examiné ce matin, nous avons pu parfaire notre information. Je regrette néanmoins la chronologie de ces trois évènements qui aurait pu être différente.

Lorsque l'on regarde les chiffres, on constate une augmentation du nombre de professeurs et une diminution du nombre d'élèves. Certains maires s'arc-boutent pour conserver leurs écoles. Dans ma communauté de communes, nous avions un collège qui était menacé de fermeture. Nous avions travaillé avec l'éducation nationale, pour amener par exemple des CM2 d'un regroupement pédagogique intercommunal dans l'enceinte du collège. Pour conserver leur regroupement pédagogique intercommunal (RPI), des maires ont été prêts à mettre en péril un collège. Alors que l'école privée y parvient, nous ne parvenons pas à défendre notre école publique en raison de blocages qui n'ont rien à voir avec la pédagogie.

Je me félicite d'une certaine déconcentration vers les régions et les départements. Pour moi, la médecine scolaire doit être plus partagée. Scolaire et périscolaire, éducation nationale et collectivités locales ne peuvent être des mondes hermétiques.

Le niveau de rémunération des enseignants en France demeure faible au regard des autre pays de l'Union européenne (UE) comme l'indiquent les statistiques de l'OCDE. C'est un problème français car le travail, en général, n'est pas bien rémunéré en fonction de l'utilité sociale. Il serait donc réducteur de prétendre que la faiblesse des rémunérations est une problématique propre aux seuls fonctionnaires de l'Éducation nationale.

Ma question concerne non pas les 85 % de professeurs principaux n'ayant reçu aucune formation à l'orientation mais les 15 % qui indiquent en avoir reçu une. Quel a été le contenu de cette formation ? Quels bénéfices en ont tiré les enseignants ?

M. Olivier Paccaud. - Mon jugement sur l'élève Blanquer est nuancé : « élève prometteur mais peut mieux faire ».

La réforme de la carte de l'éducation prioritaire a, semble-t-il, disparu des radars. La réforme de 2014 a été catastrophique. En priorisant les quartiers prioritaires de la ville, on a sorti les zones fragiles en ruralité. Aujourd'hui 70 % des élèves qui relèvent de l'éducation prioritaire n'y sont pas ! Hier je participais à la commission départementale de l'éducation nationale de l'Oise. Nous y avons notamment évoqué la situation d'une commune qui a été pendant 30 ans en ZEP/REP, n'y est plus depuis la réforme de 2014, où il y aura 26 élèves par classe, alors qu'à 10 kilomètres les élèves des mêmes niveaux seront 12 par classe.

Pour moi, l'absence de réforme de l'éducation prioritaire est la principale lacune de ce quinquennat.

M. Pierre Ouzoulias. - Je trouve exceptionnel qu'à quelques mois d'une élection présidentielle, une commission arrive à faire un bilan objectif et mesuré d'un quinquennat. Cela montre l'utilité du Sénat et de notre commission.

Je voudrais rappeler une série de chiffres pour un nouveau projet républicain : en 1882, la scolarité était obligatoire jusqu'à 13 ans ; en 1936 jusqu'à 14 ans, et en 1959 jusqu'à 16 ans. Depuis cinquante ans, il n'y a plus eu de progression de l'âge de la scolarité obligatoire au-delà de 16 ans. Il faut dépasser cet horizon et se demander si l'université ne doit pas mieux être intégrée au service public de l'éducation nationale. Je constate une absence de réflexion dans ce quinquennat ainsi qu'un manque d'action du Gouvernement pour mieux concilier éducation nationale et enseignement supérieur. Je signale d'ailleurs que Mme Vidal est restée elle aussi en poste pendant cinq ans. La réforme du baccalauréat me parait antagoniste à celle de Parcoursup. Pensons à la figure de Léon Bourgeois, chantre du progressisme qui disait : « Nous sommes redevables pour les générations futures, du progrès humain ».

Ne nous le cachons pas : les prolétaires de demain seront à bac+2.

Pour le classement de Shanghai, l'échec en licence est vu positivement. Plus une filière est sélective, plus elle obtient des points dans ce classement.

L'autre écueil qui demeure, c'est la différence dans la notation dans les lycées par rapport à Parcoursup et aux attentes de l'enseignement supérieur. Aujourd'hui, il y a une demande très forte d'homogénéisation des notes. Cette réflexion n'a pas été menée.

La coordination entre l'éducation nationale et l'enseignement supérieur est un des prochains chantiers du futur quinquennat. Dans la République française du XXIème siècle, le nouvel horizon d'attentes est l'enseignement supérieur.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Je souhaite évoquer très rapidement la prise en compte par l'école du numérique qui façonne désormais les métiers et les compétences. La loi d'orientation pour l'avenir de 2005 avait inscrit dans le socle commun des compétences la maîtrise de l'outil technologique. Un peu moins de vingt ans plus tard, a-t-on pu évaluer la politique suivie en faveur du numérique à l'école pendant ce quinquennat (formation aux outils informatique, maîtrise des applications, codage) ?

Un autre sujet conséquent est la formation des formateurs (professeurs des écoles ou des collèges) aux outils du numérique. Nous avions amendé le projet de loi pour une école de la confiance, afin de vérifier que cette dimension soit prise en compte dans les INSPÉ. Je n'ai cependant pas l'impression qu'il y ait eu des progrès. 80 millions d'euros sont consacrés dans le budget du ministère au numérique. Nous n'avons que peu de visibilité sur la consommation de ces crédits.

Les collectivités territoriales jouent un rôle essentiel : dans de nombreux cas, elles se sont assurées que les enfants aient un équipement informatique pour pouvoir bénéficier d'une continuité pédagogique pendant le confinement.

Des coordinations sont nécessaires entre l'ensemble des acteurs (collectivités territoriales, éducation nationale, enseignants motivés et formés).

M. Laurent Lafon, président. - Merci pour vos interventions. Je laisse la parole à nos rapporteurs pour répondre à vos interrogations.

Mme Marie-Pierre Monier, rapporteure. - La proposition n° 2 porte sur l'autonomie. « Garantir aux établissements publics locaux d'enseignement la capacité d'agir dans leurs domaines d'autonomie ». Nous faisons référence aux grandes lois de décentralisation concernant les établissements publics locaux d'enseignement. Un rapport de la Cour des comptes de décembre 2021 souligne que ces établissements sont seulement « un échelon d'exécution et non de conception ». Seulement 10 % des décisions prises le sont au niveau des établissements, dont 2 % seulement en autonomie totale. Or, il y a des conseils d'administration dans chacun de ces établissements avec pouvoir de délibération. Il s'agit de garantir ce qui est prévu dans les textes.

En ce qui concerne l'assiduité en petite section de maternelle, nous en avions débattu à l'occasion de la loi pour une école de la confiance. Un certain nombre de ces enfants n'allaient pas à l'école l'après-midi. Le rapport de l'inspection générale sur la mise en place de l'instruction à trois ans indique qu'un peu plus de 20 % des parents ont demandé un aménagement de scolarité. Ils étaient 15 % à la rentrée 2020. Ces demandes sont satisfaites à 95 %. Actuellement, le directeur rencontre les parents, en discute avec les enseignants et fait une proposition au DASEN, qui la valide. Nous aimerions que ce soit le directeur qui prenne la décision. En revanche, il nous semble important d'avoir un contrôle a posteriori pour garantir une harmonisation des pratiques à l'échelle d'un département.

Vous avez sans doute été saisis des problèmes de transport scolaire et de la question de la présence d'un accompagnant dans les transports scolaires qui peut être à la charge des collectivités. Certains enfants, nés entre septembre et décembre, ont moins de trois ans lorsqu'ils commencent l'école.

Selon le rapport de l'IGÉSR, 20 % des DASEN constatent des équipements insuffisants ou des dortoirs trop petits. Des solutions sont trouvées au cas par cas. Il nous parait important d'évaluer la qualité de l'accueil, ainsi que les coûts directs et indirects pour les collectivités locales de l'abaissement de l'instruction obligatoire. C'est le sens de la proposition n° 8.

Que mettrions-nous comme appréciation au ministre ? Je mettrai « peu d'écoute », voire « pas d'écoute », « une gestion trop verticale avec des réformes mises en oeuvre en silo », « pas assez de rigueur et trop brouillon ». Je n'aurais pas mis « aurait pu mieux faire », mais « aurait dû mieux faire ».

En tant que vice-présidente de la délégation aux droits des femmes, si je ne devais garder qu'une proposition, ce serait la proposition n° 21 sur la lutte contre les stéréotypes de genre. J'ai été enseignante en mathématiques. Il y a un recul indéniable.

La formation est en berne et ne répond pas aux besoins des enseignants. C'est particulièrement le cas pour les enseignants - et les ATSEM - pour les petites classes. Certains enseignants stagiaires sont recalés lorsqu'ils sont en petite section, parce qu'ils ne sont pas assez préparés.

Mes collègues ont évoqué tour à tour la formation pour les AESH ou pour l'orientation. Il en manque également sur les élèves à besoin particulier en maternelle. La formation est un fil conducteur de notre rapport. Elle implique des échanges, une collégialité. La lecture d'un guide ou d'un vade-mecum ne constitue pas une formation.

Mme Annick Billon, rapporteure. - Nous avons dû choisir les mesures que nous souhaitions analyser. Le ministre a affiché une volonté d'agir, il a fait des choix, avec des budgets. L'orientation des budgets et leurs répartitions ne correspondent pas forcément à ce qui était attendu. On constate également un déficit d'écoute du corps enseignant. Avec la feuille de route présentée par le Ministre, une revalorisation du métier des enseignants pouvait être imaginée. Ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Si je dois retenir deux mesures ce serait les suivantes : je suis attachée à la liberté pédagogique et de décision. Aussi, je retiendrais la proposition n° 2 sur l'autonomie des établissements. En outre, la proposition n° 23 sur les mathématiques est importante. Avec la réforme du baccalauréat est apparu un déterminisme genré et social inacceptable. Nous avons une école inégalitaire.

Je partage les interrogations de Céline Brulin sur les moyens pour les dédoublements des classes, ainsi que sur la volonté du ministre d'avoir une école identique sur l'ensemble des territoires. Il y a un déficit de souplesse.

La mise en place des PIAL s'est faite à géométrie variable. Ils doivent désormais se mettre en place de manière harmonieuse, avec une reprise des bonnes pratiques identifiées sur certains territoires. Je pense notamment à celles existantes dans le PIAL des Pyrénées-Atlantiques.

J'ai le sentiment que l'école est devenue source d'inégalités profondes. Il est urgent d'y remédier.

Mme de Marco, vous nous avez fait part de vos regrets sur le calendrier par rapport à l'Agora de fin janvier et du débat d'hier. L'agenda de fin de session est très contraint, mais il est intéressant d'avoir pu débattre de ces sujets. Je partage vos inquiétudes relatives aux mathématiques.

Nous avons assez peu évoqué le collège parce qu'il ne s'agissait pas d'une priorité du ministre.

Un arrêt du Conseil d'État définit le partage des compétences entre l'État et les collectivités territoriales en matière de prise en charge des AESH sur le temps scolaire et périscolaire. Nous ne sommes pas revenus sur ce partage.

Nous sommes tous les trois issus de groupes politiques différents - et je précise que je ne suis pas issue du monde enseignant. Notre travail a été consensuel : nous n'avons pas eu à négocier pied à pied pour s'entendre sur les mesures proposées. À la veille d'une élection et de débats houleux, il est intéressant d'avoir pu réaliser ce travail consensuel. Ce bilan s'intègre dans le travail parlementaire de contrôle du Parlement.

M. Bargeton, je ne partage pas votre point de vue. J'ai pris en compte la pandémie lors de ma présentation. J'ai indiqué que la covid a pu freiner certaines avancées. Nous avons eu une approche équilibrée, mesurée. Si la situation de l'enseignement et de l'école était aussi satisfaisante, nous n'aurions pas eu les mouvements récents d'enseignants ni eu des décisions revenant sur certaines dispositions de la réforme du bac.

Certes, chacun se félicite que les écoles soient restées ouvertes. C'est à mettre au crédit du ministre. Mais si elles ont pu rester ouvertes, c'est parce que les enseignants ont fait preuve d'une agilité à toute épreuve, dans des temps souvent records pour s'adapter.

L'un de nos anciens collègues, Alain Duran, avait proposé la mise en place de contrats de ruralité. Ils permettent d'anticiper les évolutions démographiques et de se projeter au nom de l'intérêt de l'enfant et de l'aménagement du territoire. Une volonté partagée des politiques publiques, des collectivités et de l'État est nécessaire pour avancer sur ce type de proposition.

La réforme de la carte de l'éducation prioritaire n'a pas pu avoir lieu. La pandémie peut expliquer.

Les chiffres donnés par notre collègue Pierre Ouzoulias sont intéressants. Avec l'allongement de la vie et compte tenu de la nécessité d'acquérir de nombreux savoirs pour pouvoir s'adapter dans sa vie professionnelle future, une réflexion est sans doute nécessaire sur la durée obligatoire de formation. Le binôme ministériel Jean-Michel Blanquer/Frédérique Vidal n'a pas fonctionné : les difficultés d'orientation auxquelles sont confrontés les élèves sont le reflet d'une méconnaissance par le collège et le lycée des pré-requis pour accéder aux filières du supérieur.

Enfin, nous n'avons pas abordé la question du numérique, car cela concerne le contenu des programmes.

M. Max Brisson, rapporteur. - Pourquoi 36 propositions ? Celles-ci, ainsi que le rapport, s'inscrivent dans la lignée de plusieurs travaux précédents de notre commission. L'ensemble de ces travaux constitue une certaine vision de l'école qui peut nous rassembler au-delà de nos divergences. Nous plaçons l'école dans un temps long, qui n'est pas celui de l'agenda politique et des réformes. Nos travaux permettent de proposer une vision apaisée de l'école : au-delà des postures politiques, lorsque nous nous concentrons sur des sujets techniques, nous trouvons des accords.

Je partage la vision de Jacques-Bernard Magner sur l'école maternelle. N'en faisons pas une petite école. Il y avait une tentation ministérielle de le faire. Le ministre avait indiqué sa priorité pour la maternelle. Or peu de formations ont été diligentées sur l'accueil des tout-petits et pour prendre en compte la spécificité de l'école maternelle. Un quart de nos 36 propositions concerne la formation. Ce n'est pas un hasard. C'est sans doute la ligne de force de notre rapport. Sur les 9 propositions qui concernent la formation, 3 portent sur l'école maternelle. Si la maternelle est là où tout se joue, encore faut-il prévoir des formations pour les enseignants et les ATSEM. La dimension particulière du métier d'enseignant pour ces classes doit être prise en compte.

Il y a un incontestable malaise chez les professeurs. Il ne faut pas le nier. 79 % d'entre eux sont pessimistes quant à l'évolution de l'école. Je n'en fais pas porter la seule responsabilité au ministre. Mais vouloir être dans le déni me semble ne pas être la meilleure manière d'aborder le sujet.

Notre rapport ne s'appuie pas seulement sur des comparaisons internationales anciennes, mais aussi sur des rapports annuels et permanents de la DEPP. Ce sont les chiffres mêmes du ministère qui ont alimenté notre rapport, tout comme les rapports annuels de l'OCDE.

Sur le dédoublement, la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) indique qu'il y a un effet significatif en CP, mais qu'il n'est pas poursuivi en cours élémentaire. En outre, les écarts continuent de se creuser entre les élèves de l'éducation prioritaire et les autres.

L'obligation de la formation jusque 18 ans est inscrite dans la loi pour une école de la confiance. Mais nous n'avons pas analysé cette mesure.

Je partage l'avis de Catherine Morin-Desailly sur le numérique, mais nous avons dû faire des choix dans notre analyse. Il faut que les savoirs fondamentaux incluent désormais le codage. À l'actif du ministre, on peut souligner la mise en place de la certification PIX pour les élèves en troisième, en terminale et les étudiants, ainsi que la mise en place d'une attestation numérique à la fin du primaire, dans le cadre de la loi confortant les principes de la République.

Le rapport de nos collègues Laurent Lafon et Jean-Yves Roux sur les nouveaux territoires de l'éducation nationale est plus que jamais d'actualité en ce qui concerne l'évolution de l'éducation prioritaire. La logique de l'établissement qu'il propose commence à entrer en oeuvre avec les contrats locaux d'accompagnement. Les zonages de l'éducation prioritaire ont montré leurs limites, avec les écoles orphelines. Cette approche par établissement me semble la bonne entrée. Des expérimentations, lancées par le ministre, sont en cours.

La commission adopte les propositions des rapporteurs et autorise la publication du rapport d'information.

La réunion est close à 11 heures.