Jeudi 6 avril 2023

- Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente -

La réunion est ouverte à 8 h 30.

Table ronde relative à « la marque employeur : un nouveau territoire à conquérir pour nos collectivités ? »

Mme Françoise Gatel, présidente. - Mes chers collègues, je salue Marie-Laure Blot, chef de projet en marque employeur au sein du cabinet «We feel good», Yves Charmont, délégué général de Cap'Com, Chantal Pétard-Voisin, maire de Le Rheu et présidente du centre de gestion d'Ille-et-Vilaine (CDG 35), Vincent Le Meaux, maire de Plouëc-du-Trieux, président de Guingamp-Paimpol Agglomération,président du centre de gestion des Côtes d'Armor (CDG 22) et premier vice-président de la Fédération Nationale des Centres de Gestion et, enfin, Delphine Morin, chargée de mission pour la marque employeur des CDG bretons.

L'attractivité de la fonction publique territoriale constitue un vrai sujet. J'ai rencontré hier, au cours d'une réunion de l'association des maires d'Île-de-France, un cabinet comptable qui assiste à un phénomène assez nouveau, des communes externalisant de plus en plus de fonctions, y compris des fonctions comptables, en raison de difficultés de recrutement.

Cette problématique est bien documentée, notamment grâce au rapport de Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT). Les collectivités territoriales rencontrent de vraies difficultés pour attirer et pour fidéliser des personnels, ce qui contribue, dans les petites communes, au « désenchantement » des maires. C'est l'une des causes de leur découragement. L'enjeu est pourtant colossal. En effet, la complexité de la législation nécessite du personnel qualifié.

Le rapport de notre délégation ne sera pas un nouveau cahier de doléances. Il a pour objectif de repérer et de diffuser des bonnes pratiques et des idées innovantes, par exemple le concept de marque employeur.

La notion de marque employeur recouvre une technique marketing, utilisée par des services de ressources humaines, qui vise à valoriser l'image d'une collectivité territoriale vis-à-vis de jeunes diplômés, d'agents et de salariés susceptibles de candidater.

Pour s'approprier cette technique et conduire les changements qu'elle implique, les collectivités ont besoin d'être accompagnées dans leurs premiers pas. C'est la vocation de votre cabinet de conseil, «We feel good», Mme Marie-Laure Blot. Vous nous direz quelle méthodologie est la vôtre, les succès remportés, mais aussi les difficultés rencontrées. Votre expérience métier est d'autant plus appréciable que, intervenant aussi bien auprès d'entreprises du secteur privé que de collectivités publiques, vous êtes en mesure d'établir des parallèles et des comparaisons. On peut d'ailleurs imaginer que les effets d'apprentissage que vous avez capitalisés avec les acteurs privés rejaillissent utilement du côté des collectivités.

M. Charmont, vous êtes le délégué général de Cap'Com. C'est un réseau fédérant plus de 20 000 professionnels de la communication publique et territoriale. Vous avez récemment rendu publique une étude intitulée « La marque employeur au sein des collectivités territoriales : état, diagnostic et bonnes pratiques ». Nous attendons avec impatience sa présentation, mais je relève que vous semblez d'ores et déjà convaincu de l'importance de la marque employeur. Vous estimez que les collectivités territoriales doivent être très visibles et savoir se vendre.

Après ces deux interventions, les centres de gestion bretons présenteront leur démarche consistant au lancement de leur propre marque à l'échelle régionale. Beaucoup d'entre nous connaissent le label « produit en Bretagne », dont la notoriété s'élève à 75 %. Il est donc pertinent de s'appuyer sur l'image d'un territoire. Les centres de gestion ont choisi de capitaliser sur la marque DEN.bzh. Cette vitrine fédère déjà 2 200 collectivités et concerne 95 400 agents.

Je vous remercie tous de votre présence et de contribuer à nourrir notre réflexion sur un sujet essentiel pour les maires.

M. Yves Charmont, délégué général de Cap'Com. - Je vous remercie, Madame la présidente, pour votre invitation. Je vais donc vous présenter les principaux enseignements de notre étude avant de répondre à vos questions.

Cap'Com est la fédération professionnelle de la communication publique et territoriale. Je suis ici au titre de sa première mission, portant sur les études, les interventions et les partenariats. Cap'Com fait aussi de la formation et organise des événements. Depuis 35 ans, nous réfléchissons à ce qu'est la communication publique et territoriale.

En mars 2022, nous avons mené une étude sur la marque employeur au sein des collectivités territoriales. 230 collectivités ont été interrogées, avec des questionnaires assez longs.

Près de la moitié des collectivités interrogées ont inscrit la marque employeur dans leurs objectifs et 97 % estiment que ce sujet est important pour qu'elles puissent demain continuer à travailler. Les services de la communication interne, de la communication externe et des ressources humaines sont les plus concernés par ce sujet. Ils sont suivis par les directions générales des services, ce qui montre que l'enjeu du recrutement est bien compris par les collectivités. En revanche, les élus et l'encadrement sont moins impliqués dans la marque employeur.

Les thématiques de la responsabilité sociale et environnementale (RSE), de l'organisation du travail, notamment la qualité de vie au travail, et de l'image de la collectivité sont au coeur des stratégies de marque employeur.

D'autres éléments sont mis au second plan, tout en étant utiles au développement d'une marque employeur : la culture managériale (il est plus difficile, avec une mauvaise culture, d'attirer des candidats) ; des conditions de travail stimulantes ; des valeurs de service public donnant du sens.

Parmi les outils les plus fréquemment cités dans la mise en oeuvre de la marque employeur, il y a l'utilisation du réseau social professionnel LinkedIn, la valorisation des métiers à l'aide de vidéos et l'événementiel.

Si 57 % des 229 collectivités interrogées prévoient de se doter d'une stratégie de marque employeur, les collectivités sont moins en avance sur cette question que de nombreuses entreprises privées. Quand elles existent, les stratégies ont généralement été développées à l'échelle des départements.

Lors d'un événement, nous avons accueilli Olivier Destefanis, responsable marque employeur de l'armée de terre. L'armée recrute chaque année 10 000 personnes et aura besoin, dans les années à venir, de 5 000 spécialistes en sécurité informatique. Comme les entreprises, elle utilise des masses de données pour mieux cibler sa communication sur sa marque employeur.

Les collectivités territoriales sont aujourd'hui prêtes à développer une marque employeur car elles ont appris les mécanismes du marketing. Marketing est un terme anglais qui signifie commercialisation. Même si le commerce n'a pas grand-chose à voir avec le service public, le marketing territorial existe depuis très longtemps. Après les lois de décentralisation des années 1980, les territoires sont dans une forme de concurrence, par exemple pour attirer des activités. Cette autonomisation des territoires a poussé les élus à distinguer les différents échelons territoriaux. Ils ont eu recours à des outils marketing adaptés au service public. Des marques très puissantes de territoires se sont développées dans les années 2010, notamment Only Lyon et la marque Bretagne. Elles ne se contentent pas d'un logo mais associent tous les acteurs des territoires, utilisent des ambassadeurs et travaillent sur la notoriété du territoire.

Aujourd'hui, les marques de territoire se focalisent sur l'attraction des talents et des compétences, ce qui les amène à la marque employeur. Elles ne sont plus focalisées sur l'objectif de faire venir des activités, mais elles s'efforcent de faire venir des familles, notamment dans les territoires ruraux. Elles mettent en avant la qualité de vie pour inciter des actifs diplômés à s'installer sur leur territoire et soutiennent les marques employeurs des entreprises.

La Bretagne est toujours très en avance sur le marketing territorial. Quimper Cornouailles fournit ainsi des outils aux entreprises pour qu'elles développent leur propre marque employeur en utilisant la valorisation du territoire. La région des Hauts-de-France a organisé des assises de la marque employeur en 2022. Elle consacre beaucoup de moyens à la marque employeur, car elle sait que la question de l'attractivité du territoire est essentielle et que les démarches des différents acteurs doivent être coordonnées.

Les départements sont aujourd'hui à la pointe du développement de la marque employeur mais, demain, les grandes métropoles, les villes et, peut-être, les intercommunalités dans les espaces de ruralité s'y intéresseront. Ce mouvement n'est pas sans rappeler celui du marketing territorial.

Le département des Yvelines a beaucoup travaillé sur sa marque employeur, portée par Myriam Lepetit-Brière, directrice des ressources humaines venant du privé. Une marque employeur cherche à attirer et recruter des talents, permet de mobiliser les collaborateurs, mais aussi de professionnaliser la fonction RH. Une marque employeur doit aussi clarifier la promesse employeur du département, en donnant du sens. Ainsi, agir pour l'intérêt général donne du sens. À ce titre, le Service d'information du gouvernement (SIG), dirigé par Michaël Nathan, déploie en ce moment une campagne qui s'intitule «Choisir le service public.fr», pour les trois fonctions publiques, territoriale, hospitalière et d'État. Cette campagne met en avant de façon transversale la manière dont un actif peut donner du sens à son travail en servant le public.

La notion d'innovation est également importante. La promesse employeur s'attache au développement de l'employabilité des collaborateurs déjà en poste et à un équilibre entre vie privée et vie professionnelle, essentiel pour les nouvelles générations.

Je ne vais pas détailler l'approche de DEN.bzh, marque employeur de la fonction publique bretonne, mais j'aime beaucoup sa campagne et son accroche « Vous pensiez vraiment que c'était pour les planqués ici ? » qui s'affrontent à de nombreux clichés.

Mme Marie-Laure Blot, chef de projets marque employeur au sein du cabinet «We feel good». - Merci Madame la présidente. Notre cabinet, basé à Rennes, a récemment changé de nom, «We feel good» ayant remplacé «Happy to meet you». Nous accompagnons des collectivités et des entreprises de tous les secteurs d'activité et de toute taille, qui font face à des problèmes d'attractivité et de recrutement.

Tout d'abord, quelques constats sur les métiers de la fonction publique. Entre 2013 et 2020, le salaire net moyen du secteur public a augmenté de 8,83 %, alors qu'il a progressé de 14,35 % dans le secteur privé. L'emploi public représente près d'un emploi sur cinq en France et un jeune sur cinq a travaillé dans la fonction publique au cours des trois années suivant la fin de leurs études. Par ailleurs, le nombre de candidats qui se présentent aux concours organisés par les centres de gestion a chuté de 33 % entre 2014 et 2017. Enfin, 93 % des cadres de la fonction publique disent qu'ils rencontrent des difficultés de recrutement et un jeune sur dix déclare être intéressé par un emploi dans le secteur public.

Parmi les collaborateurs des entreprises et des collectivités territoriales, 71 % placent le salaire comme critère numéro un pour faire la différence entre deux offres d'emploi. Ce chiffre est issu d'une enquête menée par le cabinet Robert Half en novembre 2022. L'attachement à l'environnement de travail, aux valeurs, à la RSE est certes réel, mais le salaire est essentiel pour une grande majorité de candidats.

Cependant, les motivations des candidats évoluent. L'équilibre vie personnelle/vie professionnelle est très important. 70 % des candidats le citent comme faisant partie de leurs critères de choix. Ce phénomène s'est accentué depuis la crise sanitaire. 58 % attachent de l'importance à l'ambiance de travail. Le management est donc au coeur des réflexions des organisations. De plus en plus de structures forment leurs managers pour qu'ils assouplissent leurs méthodes. Enfin, une bonne entente avec le management est citée par 44 % des candidats comme critère de motivation pour rejoindre ou quitter une entreprise.

Parallèlement, depuis la crise sanitaire, les exigences des candidats se sont plus élevées quant à l'équilibre vie privée/vie professionnelle, le salaire, la flexibilité (télétravail, flexibilité des horaires) et le sens trouvé dans le travail, notamment chez les jeunes diplômés, particulièrement attentifs aux critères sociétaux.

Notre cabinet accompagne de plus en plus de collectivités territoriales et a pu constater que les agents de la fonction publique territoriale étaient engagés dans la mission du service public. Mais ces agents souffrent de l'image négative du fonctionnaire, ce que l'on pourrait appeler le fonctionnaire bashing. Ils sont fiers de porter des projets tournés vers l'avenir, exercent un métier qui fait sens, mais ont parfois du mal à trouver leur place dans une grande organisation. Enfin, ils peuvent être tentés de quitter le secteur public pour trouver une meilleure rémunération ailleurs.

Les candidats s'apparentent à des consomm'acteurs. Face à un monde complexe, les secrétaires de mairie sont soucieuses de leur avenir, elles mettent de plus en plus de conscience dans leurs choix, évaluent les différentes propositions et sont maîtres du jeu dans leur recrutement. Elles cherchent du sens dans leur travail et sont de plus en plus attentives à leur bien-être au travail et à leur équilibre vie professionnelle/vie personnelle.

Pour attirer de nouveaux candidats, les entreprises ou les collectivités doivent avant tout réinterroger leurs pratiques RH et managériale. Il ne leur est pas possible de mettre en place une stratégie de marque employeur si leurs fondamentaux en ressources humaines et en management ne sont pas solides. Elles doivent ensuite développer leur notoriété en tant qu'employeur. Pendant trop longtemps, elles ont cru qu'elles n'avaient pas besoin de montrer qu'elles recrutaient, parfois de peur que cela soit considéré comme un aveu de faiblesse. Il faut également qu'elles mettent en avant leurs valeurs et leurs éléments distinctifs, tout comme les marques le font avec leurs produits ou leurs services, en expliquant comment les collaborateurs travaillent dans leur structure. Enfin, il est important qu'elles présentent leur organisation, en toute transparence, et qu'elles mettent en avant les personnes qui travaillent au sein de la structure. Les candidats apprécient de voir avec qui ils vont travailler au quotidien.

Les notions d'expérience candidat et d'expérience collaborateur occupent une place de plus en plus grande et recouvrent des émotions. Les entreprises et les collectivités doivent injecter de l'émotion dans le parcours des candidats et des collaborateurs.

L'expérience candidat regroupe tout ce qui concerne le cheminement d'un candidat vers l'organisation, les éléments avec lesquels il est en contact avant d'envoyer sa candidature, la manière dont se déroule le recrutement (considération, transparence, durée du parcours, conditions d'embauche...). Une fois que le candidat a intégré la structure, il est essentiel de soigner l'expérience collaborateur qui recouvre l'intégration, la fidélisation (parcours de formation, valorisation...) mais aussi le départ. En effet, un collaborateur qui quitte une organisation peut en demeurer l'ambassadeur. Par conséquent, le départ ne doit pas être négligé.

La marque employeur peut être infusée à toutes les étapes. Quand une personne est encore candidate, elle doit apparaître dans les campagnes d'affichage, dans la communication sur LinkedIn, dans les offres d'emploi ou dans les vidéos de recrutement. Les jeunes ayant tendance à regarder plus qu'à lire, n'hésitez pas à utiliser ce support ! La marque-employeur doit aussi être présente au moment de l'intégration, puis tout au long du parcours professionnel du collaborateur jusqu'à son départ.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup. Pardonnez-moi d'être restée sur l'ancien nom de votre société. Je donne la parole à nos collègues qui sont tous les deux maires et présidents de centres de gestion, Chantal Pétard-Voisin, d'Ille-et-Vilaine, et Vincent Le Meaux, des Côtes d'Armor.

M. Vincent Le Meaux, maire de Plouëc-du-Trieux, président de Guingamp-Paimpol Agglomération et président du centre de gestion des Côtes d'Armor (CDG 22). - Nous vous remercions, Madame la présidente, de nous avoir conviés à ce temps d'échanges pour expliquer la démarche bretonne avec la marque-employeur DEN.bzh. Je la resituerai également dans un mouvement national, en tant que premier vice-président de la fédération nationale des centres de gestion (FNCDG). J'ai pu constater que, grâce aux mutualisations régionales, un certain nombre de CDG s'intéressent à la mise en place de marques employeurs dans leurs espaces. En Bretagne, nous avons une tradition de regroupement à quatre, même si certains sont prêts à aller jusqu'à cinq. Nous avons travaillé sur la base de la Bretagne institutionnelle pour mettre en place une marque employeur, afin de faire face à la crise du recrutement. C'est la partie sur laquelle je vais m'attarder, alors que Chantal Pétard-Voisin détaillera la déclinaison plus opérationnelle de cette marque employeur.

Cette mutualisation nous a permis d'aller plus vite, d'être innovants et de rattraper le retard auquel sont souvent confrontées les institutions publiques, notamment sur les réseaux sociaux.

La crise du recrutement prend de l'ampleur et la fonction publique territoriale fait face à un déficit d'attractivité. Il existe une concurrence flagrante entre le secteur public et le secteur privé, notamment pour les collectivités territoriales. Nous sommes aussi confrontés à une population qui ne connaît bien ni l'emploi ni les métiers de la fonction publique. Les réseaux institutionnels sont aujourd'hui dépassés par les réseaux sociaux interconnectés, qui ne donnent pas forcément d'informations sur l'emploi public ni ses valeurs attachées à l'intérêt général.

Entre 2015 et 2020, le nombre d'offres d'emploi dans la fonction publique territoriale bretonne a augmenté de 82 % et nous sommes aujourd'hui confrontés à des difficultés de recrutement. Alors que nous recevions jusqu'à cinquante candidatures pour un poste, nous n'en avons souvent plus que cinq, ce qui conduit à une baisse de la qualité du recrutement.

Si cette dynamique du marché de l'emploi est positive, la fonction publique territoriale fait face à de nombreux départs en retraite, notamment parmi les premiers fonctionnaires territoriaux issus de la décentralisation décidée en 1982, comme les secrétaires de mairie. Certains demandent une mutation, d'autres démissionnent, se mettent en disponibilité ou prennent des congés sabbatiques. Cette dynamique de l'emploi est totalement nouvelle et de nombreux métiers sont en tension.

La pénurie de secrétaires de mairie touche particulièrement les communes rurales qui, malgré le soutien des CDG, peinent à recruter. Par exemple, dans une commune de 500 habitants, la secrétaire de mairie est remplacée par trois agents intérimaires du CDG.

En fonction de leur taille, les collectivités ne rencontrent pas les mêmes difficultés. Une grande collectivité rencontrera des difficultés à recruter sur certains métiers spécifiques, avec des compétences SI, comptables ou RH, et sera en concurrence avec le secteur privé.

Il est difficile pour les CDG de réguler le marché de l'emploi et même d'avoir accès à des CV. Ils font aussi face à un déficit de candidats sur les missions d'intérim. Par conséquent, les renforts et les remplacements ne sont que partiellement assurés.

Les CDG ont cherché à répondre à cette situation en créant des pépinières de nouveaux candidats issus de formations d'insertion, mais cette démarche est insuffisante. Les CDG bretons ont cherché à faire bouger les lignes avec un big-bang en termes de communication et de marketing sur l'emploi public territorial en Bretagne. Je passe la parole à Chantal pour qu'elle vous présente ce big-bang.

Mme Chantal Pétard-Voisin, maire de Le Rheu et présidente du centre de gestion d'Ille-et-Vilaine. - Nous avons mis en place une marque employeur bretonne pour attirer les talents et les compétences, actuels et en devenir. Nos objectifs sont de redorer l'image de la fonction publique territoriale bretonne, de promouvoir les métiers du «bien vivre ici», au service d'un territoire, et les nombreuses possibilités d'évolution, faire venir de nouvelles personnes, de nouveaux dynamismes afin de renforcer le service public sur l'ensemble du territoire, et enfin de mettre en relation les candidats et les collectivités recruteuses.

En breton, DEN signifie l'être humain. C'est un nom mystérieux pour le lien humain assuré par le personnel territorial de Bretagne. Les trois piliers de DEN.bzh sont :

- la liberté. Nous disposons d'un formidable panel de postes et de structures, avec 243 types d'emplois, des emplois choisis et un équilibre de vie à cultiver ;

- la proximité, avec des débouchés sur l'ensemble du territoire, sur le littoral, dans les campagnes, les villes, qu'elles soient moyennes ou petites, avec des fonctions relationnelles et des réseaux, et enfin avec des décisions prises localement ;

- le mouvement, avec des dynamiques professionnelles, une contribution à des projets innovants, une adaptation permanente aux évolutions de notre société et donc aux besoins de nos collectivités.

La campagne de communication que nous avons lancée se veut disruptive, en cassant les codes et en «dé-ringardisant» la fonction publique territoriale. Elle s'est traduite par une campagne d'affichage entre fin janvier et mi-février 2023 dans les différents lieux de passage bretons, dans les gares de Brest, Rennes, Saint-Malo, Vitré, Guingamp, Lamballe, Saint-Brieuc, Auray, Lorient, Vannes, mais aussi dans le métro de Rennes et dans les zones périurbaines. Les trois visuels déclinaient les slogans suivants :

- « Vous pensiez vraiment que l'on manquait d'ambition ici ? » ;

- « Vous pensiez vraiment que c'était pour les planqués ici ? » ;

- « Vous pensiez vraiment que c'était uniquement sur concours ici ? ».

Toutes ces affirmations sont fausses, la fonction publique est moderne, il faut oser la fonction publique !

Ce lancement a bénéficié d'une belle couverture médiatique, avec de multiples papiers -dans la presse locale et la presse professionnelle- et des passages sur France Bleu, TV Rennes, mais aussi un article dans la Gazette des communes.

Enfin, nous avons créé le site www.DEN.bzh sur lequel les candidats peuvent déposer leur CV. C'est aussi un média de référence pour accéder aux emplois territoriaux en Bretagne, avec les agendas des salons, des forums, des jobs dating, des clés pour aider les candidats à faire leurs premiers pas dans les collectivités et des portraits, avec des témoignages ou des vidéos sur les parcours d'agents ayant suivi nos formations internes, organisées en lien avec les universités bretonnes pour préparer aux métiers des collectivités locales. En effet, si certains agents disposent de toutes les compétences requises au moment de leur recrutement, d'autres ont besoin de conforter leurs connaissances pour être employables et remplir leurs missions dans nos collectivités.

DEN.bzh doit gagner son pari de notoriété, en développant son référencement et des passerelles, avec une montée en puissance sur toute l'année 2023. Il y a derrière DEN.bzh toute une ingénierie informatique qui permet une multi-diffusion des offres d'emploi sur divers job boards, comme Hello Work, Ouest France Emploi, ou sur les réseaux sociaux comme LinkedIn.

Nous avons adopté une démarche audacieuse, c'est une première en France pour des collectivités territoriales. Au départ, notre notoriété était proche de zéro mais notre objectif est d'attirer de nouveaux candidats, de toucher des publics qui ne pensaient pas au service public et d'orienter ceux qui ne sont pas opérationnels vers des dispositifs tremplins.

Depuis le lancement de notre marque-employeur, environ deux candidats sur trois ont entendu parler de DEN.bzh. S'il existe des marges de progrès, nous constatons que notre objectif de notoriété est en bonne voie et nous espérons qu'elle s'accentuera dans les semaines et les mois à venir.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci beaucoup pour votre présentation. Elle témoigne de la manière dont les élus, sur ce sujet de recrutement essentiel, face à des modifications profondes de leur environnement, choisissent plutôt l'invention, l'innovation, la coopération pour inventer des possibles. C'est tout à fait dans l'esprit de la délégation.

Je passe immédiatement la parole à mes collègues.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Merci Madame la présidente. Je remercie tous les intervenants pour leurs exposés.

Vous avez dit, Monsieur Charmont, que 229 collectivités avaient été sondées, mais quelle était leur taille ? En effet, j'ai l'impression que la marque employeur est peut-être plus adaptée à de très grosses collectivités, à des régions ou à des départements, plutôt qu'à des petites collectivités qui ne disposent pas forcément des moyens de la mettre en place.

Par ailleurs, faut-il vraiment s'appeler « We feel good » pour se faire remarquer ? C'est peut-être du marketing efficace, ce nom a retenu mon attention, mais je ne comprends pas qu'on satisfasse à des appellations anglo-saxonnes pour se faire remarquer. Je pense que le vocabulaire français est suffisamment riche pour trouver des « punch lines ».

La cible des petites collectivités est-elle une bonne cible ? Une petite collectivité peut-elle bénéficier de tous les atouts des communicants ?

M. Jérôme Durain, rapporteur. - Merci à nos intervenants. Savez-vous quels types de collectivités se sont engagés dans la démarche de marque employeur ? Est-ce que ce sont celles qui ont le plus de difficultés en termes de recrutement, ou celles qui ont déjà un peu d'avance ?

Ma seconde question s'articule autour de deux mots de quatre lettres, le sens et les sous, qui commencent et finissent de la même façon. Dans tout ce vous nous avez dit, vous avez insisté sur les dimensions du service public, l'équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle, la mission, l'organisation ou la qualité du management. Parallèlement, We feel good affirme que 71 % des salariés placent la rémunération comme critère numéro un dans le choix d'un employeur et que l'une des raisons qui poussent les agents à quitter la fonction publique territoriale est de trouver un meilleur salaire dans une autre structure. La marque employeur est-elle un palliatif pour compenser le défaut de régime indemnitaire ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - J'invite nos intervenants à répondre à cette première série de questions, en commençant par M. Charmont.

M. Yves Charmont. - Notre étude concernait les collectivités de plus de 40 000 habitants et je rappelle que ce sont les départements et les CDG qui sont aujourd'hui leaders sur le déploiement d'une marque employeur. Je pense que les métropoles vont à leur tour se plier à cet exercice et je pense que, comme pour le marketing territorial, les territoires vont y venir petit à petit, notamment les intercommunalités. En effet, celles-ci n'ont pas beaucoup de notoriété, mais elles exercent de plus en plus de compétences.

Sur le sens et les sous, les collectivités locales, et plus généralement les filières de la fonction publique, sont moins rémunératrices que les filières privées. Cette situation prend encore plus d'importance dans un contexte inflationniste. C'est un constat dont nous ne tirons pas de conclusion, car nous savons que tout changement prendra du temps.

Sur le sens, nous étions à Montpellier la semaine dernière pour échanger sur la notion de réseau avec les communicants du territoire. La marque employeur et les difficultés de recrutement ont été les principaux sujets. Toutes les collectivités mettent en avant le sens du travail dans le service public, les missions dont seront investis leurs collaborateurs, au service de l'humain. Pourtant, ces arguments ne fonctionnent pas toujours, certains jeunes reculant face à de telles responsabilités. S'il y a des actifs qui sont motivés par l'intérêt général, d'autres veulent avant tout avoir du temps, sans porter d'importantes responsabilités. Il faut donc faire attention aux fausses bonnes idées.

Enfin, sur la notion de palliatif, je suis optimiste. Je pense que les collectivités, en développant une marque employeur, engagent l'ensemble de leurs collaborateurs et amènent peut-être les élus à réfléchir à la lisibilité de leur projet de mandat.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Je souhaite rebondir sur les sous et sur l'attractivité. Une secrétaire de mairie qui a le grade d'adjoint administratif principal, gagne, après 32 ans de service, 13,75 euros par heure, soit 2,68 euros de plus que le SMIC. Dans le privé, les niveaux de salaire sont bien supérieurs.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci, cette précision donne la mesure du choc entre le public et le privé. Je donne successivement la parole à M. Le Meaux et à Mme Pétard-Voisin.

M. Vincent Le Meaux. - Pour répondre au sénateur Durain sur le caractère palliatif de la marque employeur, je précise que nous avons besoin de faire mieux connaître les 200 à 300 métiers de la fonction publique territoriale dans les 4 000 à 5 000 employeurs publics locaux. Tous les métiers exercés dans les communes, les intercommunalités, les départements, les régions, les syndicats mixtes... ne sont pas connus. Dans ce contexte, la mise en place d'une plateforme unique d'information sur l'emploi public est une première réponse.

Les centres de gestion ont des organisations différentes, leurs missions sont très variées. En Bretagne, nous avons la chance d'avoir quatre centres de gestion qui assurent toutes leurs missions obligatoires et qui sont exemplaires en termes de missions complémentaires. C'est peut-être la raison qui explique qu'en Bretagne, l'attractivité de l'emploi public est gérée par les centres de gestion alors que, partout ailleurs, ce sont les départements qui se sont saisis de ce sujet, les centres de gestion n'ayant pas la capacité d'organiser cette politique d'attractivité territoriale. Nous sommes au coeur de la décentralisation en exerçant notre droit à la différenciation et à l'expérimentation.

Enfin, si les salaires dans la fonction publique ont décroché par rapport au privé, il y a en ce moment de nombreuses négociations, à tous les niveaux de la fonction publique territoriale, pour la revalorisation des salaires, des primes et des régimes indemnitaires. En revanche, la question de la promotion interne reste entière et j'espère que le Sénat sera à la pointe de la discussion pour faire évoluer le statut des secrétaires de mairie qui ont un savoir-faire et des compétences très larges. Elles exercent un métier à part entière et il faudrait trouver les moyens de reconnaître ce métier au travers de la promotion interne.

Mme Chantal Pétard-Voisin. - Pour les petites collectivités, les retombées de la marque employeur DEN.bzh se font à travers nos missions d'intérim. Les CDG recrutent pour les missions d'intérim, forment les agents, avant de les mettre au service des collectivités pour des renforts ou des remplacements. Quand le CDG attire des talents, c'est pour en faire bénéficier tout le territoire. La marque employeur profite donc à toutes les collectivités, y compris aux plus petites, qui peuvent devenir ambassadrices de DEN.bzh. Nous allons lancer une promotion «Devenez DEN» sur le thème «Osez le service public» après celui intitulé «Les collectivités se dévoilent» qui avait été retenu l'année dernière. Chaque collectivité peut organiser une journée portes ouvertes ou lancer une campagne de communication locale pour faire connaître l'ensemble de ses métiers et donner envie à des candidats de les rejoindre.

J'espère que nous pouvons compter sur vous pour assurer la revalorisation ou la refonte des grilles de salaire de la fonction publique territoriale. Même si ces grilles peuvent être complétées par des régimes indemnitaires propres à chaque collectivité, les agents préféreraient que les efforts portent sur les salaires, car les primes ne sont que très partiellement prises en compte dans le calcul des pensions de retraite.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci pour ces précisions. Notre collègue Catherine Di Folco, qui connaît parfaitement ces sujets, rappelle que les dispositions sur la rémunération des agents de la fonction publique territoriale sont d'ordre réglementaire et ne dépendent pas de la loi. Cela ne veut pas dire que notre délégation ne prendra pas sa part sur la nécessité de mettre un accent très fort sur la fonction de secrétaire de mairie, très lourde, très compliquée, et sur sa juste rémunération.

Mme Marie-Laure Blot. - Après Happy to meet you, nous avons choisi We feel good comme nouveau nom. Vous pouvez constater une cohérence dans cette évolution. Ce nom nous permet de nous démarquer. Nous sommes très à l'écoute des innovations RH, des innovations en termes de communication et cet anglicisme nous correspond. C'est un terme compris par le plus grand nombre, presque chantant, qui transmet beaucoup de choses.

Je comprends que ce nom puisse heurter certaines sensibilités qui sont attachées à la langue française, que nous aimons d'ailleurs beaucoup.

Sur la notion du sens et des sous, je rejoins ce que disait M. Le Meaux sur les compétences attendues des secrétaires de mairie. Le terme de secrétaire de mairie ne me semble plus approprié par rapport aux missions qui leur sont confiées. Au-delà de la rémunération, il est essentiel que les mairies valorisent leurs collaborateurs tout au long de leur parcours professionnel, notamment au travers des relations managériales.

Mme Agnès Canayer, vice-présidente. - Je vous remercie pour vos interventions très intéressantes sur la capacité de la Bretagne à se fédérer pour attirer les talents et je vous félicite pour vos actions.

Les conditions d'emploi sont importantes pour l'attractivité, mais la mobilité joue aussi un rôle. Travaillez-vous avec des partenaires, comme les chambres de commerce, pour faciliter la venue de famille dont l'autre conjoint ne travaille pas dans la fonction publique territoriale ? Avez-vous mis en place un dispositif d'accueil pour orienter les nouveaux arrivants vers les écoles, les crèches... et ainsi renforcer l'attractivité du territoire ?

Vous avez choisi une marque bretonne dont nous ne comprenons pas beaucoup le sens. Est-ce que vous réservez votre attractivité aux Bretons ? Disposez de données montrant que la Bretagne est attractive sur les autres territoires français ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je ne vois aucune impertinence dans cette question normande.

M. Antoine Lefèvre, vice-président. - En 2023, l'Aisne va accueillir la cité internationale de la langue française, et le sommet de la francophonie au château de Villers-Cotterêts en 2024. Je veux revenir sur les anglicismes en vous demandant si vous avez étudié les différents apports de l'anglais dans la communication. En effet, au regard du niveau de pratique des langues étrangères des Français, je ne suis pas persuadé que les expressions en anglais soient bien perçues. Avant de s'occuper de la francophonie, l'Aisne avait été en pointe puisque l'ancien président du Conseil départemental avait lancé la campagne « L'Aisne, it's open ». Il a été vilipendé par l'Académie française et par les défenseurs de la langue française, mais cette campagne a été remarquée et a eu des effets positifs.

Faut-il systématiquement parler anglais pour se faire remarquer ?

M. Cédric Vial, rapporteur. - Vous l'avez dit, pour attirer de nouveaux collaborateurs, les collectivités territoriales mettent en avant les à-côtés, le climat, la vue depuis les bureaux et le sens des métiers. Dans ces politiques, qui sont plus proches de politiques de communication que de politiques RH, il manque à mon sens l'expertise des métiers. Les collectivités recherchent avant tout des professionnels, des experts. Je me demande si nous n'introduisons pas un biais dans ces politiques de recrutement où c'est l'employeur qui passe un entretien, qui vend son territoire en laissant de côté l'expertise attendue du métier. Si tel est le cas, comment pouvons-nous y remédier ?

Je crains aussi un effet d'aspiration des petites collectivités vers les plus grosses, puisque seules ces dernières disposent de moyens suffisants pour lancer une marque employeur. Certaines secrétaires de mairie, ou « town clerks » pour utiliser un anglicisme, sont parties dans les intercommunalités pour exercer un métier plus simple, auprès d'un seul employeur, plutôt que d'avoir une pluralité de missions pour plusieurs employeurs.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Au-delà d'une attirance pour les grandes structures, je pense qu'il y a aussi, chez certaines secrétaires de mairie, le fait d'exercer un métier qui est parfois aussi difficile que la fonction de maire, puisqu'elles sont face aux citoyens. La tension dans la société peut être mal vécue par des secrétaires qui sont souvent seules dans de petites mairies.

M. Yves Charmont. - Pour répondre à Mme Canayer, une démarche de marque employeur implique les autres partenaires, les chambres de commerce, comme les entreprises. Il y a vingt ans, je travaillais déjà avec des entreprises qui rencontraient des difficultés pour faire venir des cadres supérieurs. Elles étaient aidées par les collectivités territoriales pour développer une offre d'accueil.

J'ai noté que l'Aisne allait accueillir en 2024 le sommet de la francophonie. Cap'Com organise chaque année le forum des communicants publics qui réunit 1 000 personnes. La prochaine session est prévue à Toulouse et un atelier sera consacré à la langue française. En effet, l'utilisation répétée de termes anglais génère un problème d'accessibilité, toute une partie de public, qui ne les comprend pas, décroche. Par ailleurs, la langue française est de moins en moins bien utilisée et la littératie, c'est-à-dire la capacité de comprendre et de réutiliser les notions et les messages, est en baisse. J'espère que nous aurons un représentant de l'Aisne pour expliquer la démarche du département dans le cadre de notre atelier.

Il n'est pas choquant que certains territoires aient utilisé l'anglais dans une démarche marketing. Je peux citer Only Lyon, jeu de mots sur les lettres, ou Invest in Reims. Je précise que le marketing de territoire s'adresse aussi à des investisseurs étrangers. En revanche, l'utilisation de l'anglais me semble moins justifiée pour les marques employeurs.

Vous avez insisté sur l'importance de ne pas oublier l'expertise métier dans les politiques de recrutement. Les collectivités territoriales sont des territoires d'innovation, que ce soit sur les aménagements urbains, l'eau ou les transports. Les fonctionnaires travaillent en groupe, j'ai même vu des fab labs en Bretagne. L'innovation est un facteur d'attractivité et s'appuie sur l'expertise métier.

Enfin, vous avez évoqué les rapports entre employeurs et candidats en rappelant que les employeurs sont en concurrence. C'est vrai et cela montre que les collectivités territoriales sont sur un marché du travail, avec une offre et une demande. Pour se démarquer, les petites collectivités doivent se différencier, soigner leur positionnement. C'est tout l'intérêt de développer une marque employeur. C'est un outil qui permet à un territoire de se différencier.

Mme Chantal Pétard-Voisin. - Nous avons choisi la marque DEN parce que ce nom est breton, mais aussi parce que c'est un mot de trois lettres, un mot court, un mot qui sonne, que l'on retient facilement. J'ajoute que Nike signifie victoire en grec.

Avec cette campagne d'attractivité, nous voulons rayonner au-delà de la Bretagne, mais notre premier objectif est d'attirer les compétences locales et les jeunes diplômés. Le taux de chômage est légèrement supérieur à 5 % et nous sommes en concurrence avec le privé. Nous avons besoin de nous faire connaître pour attirer les talents, les organismes de formation mettant rarement en avant la fonction publique territoriale. DEN.bzh montre donc notre identité.

Si nous mettons en avant les conditions de vie, nous sommes également très attentifs à l'expertise des personnes que nous recrutons. Nous n'embauchons pas de candidats qui n'ont pas de compétences ou qui ne pourront pas les acquérir par une formation.

Par ailleurs, il est vrai que chaque collectivité doit, tout comme les candidats, présenter son CV et que les grandes collectivités attirent davantage, car elles peuvent plus facilement assurer un régime indemnitaire. Cependant, certains agents préfèrent travailler dans de petites structures. Si les rémunérations peuvent être un peu moins élevées que dans les grandes collectivités, le niveau de vie est aussi moins élevé dans les territoires ruraux où les loyers sont moins chers.

M. Vincent Le Meaux. - Nous sommes confrontés à l'évolution du statut de la fonction publique territoriale, comme l'a relevé le sénateur Durain avec sa question sur le sens et les sous.

Des mouvements de décentralisation ont été opérés en faveur des collectivités territoriales. J'ai été vice-président du département en charge du personnel et j'ai accueilli de nombreux fonctionnaires d'État dans la collectivité des Côtes d'Armor, des agents des routes, des collèges... Le département a déboursé 350 euros par fonctionnaire au titre du régime indemnitaire, redressant ainsi leur rémunération. Nous sommes indéniablement confrontés à un problème de rémunération des fonctionnaires, notamment ceux de catégorie C et une partie de ceux de catégorie B.

Toutefois, y a-t-il toujours un sens d'intérêt public à servir un repas dans un collège ou à nettoyer une salle de classe ? Les collectivités peuvent décider soit de transférer ces tâches au privé, par délégation de service public, soit de recourir à des régies, avec des budgets annexes, pour mieux identifier ces opérations.

La marque DEN.bzh souligne le fort engagement de la collectivité en faveur de nos concitoyens. Elle nous permet de leur expliquer la nature de nos métiers de service public et leur lien avec l'intérêt public.

Dans le programme «Petites villes de demain» malheureusement, les nouveaux contrats de chargés de projet sont conclus pour seulement six ans et, s'ils opèrent uniquement une action de promotion d'une ville, leur rapport avec l'intérêt général est très rapidement circonscrit.

Les collectivités recrutent de plus en plus de contractuels, 30 % des effectifs de mon intercommunalité sont des contractuels. J'ai annoncé aux syndicats que je voulais faire baisser ce taux à 20 % mais nous devons déployer beaucoup d'énergie pour transformer ces postes de contractuels en postes statutaires. Avec les dispositifs d'assouplissement existant dans la fonction publique, nous devons préciser ce que signifie l'intérêt public quand nous recrutons des contractuels.

Enfin, je pense que les phénomènes d'aspiration par les métropoles doivent être étudiés et que nous devons veiller à ce que les lois MAPTAM et NOTRé ne soient pas dévoyées avec le développement d'une opposition entre campagnes et villes. Je conclus en soulignant que de nombreuses personnes souhaitent quitter les métropoles et travailler dans la ruralité.

Mme Marie-Laure Blot. - À ma connaissance, il n'existe pas d'étude sur l'utilisation des anglicismes dans les titres de poste. Les candidats ont aujourd'hui un comportement de consomm'acteur. Ils sont informés et ne s'arrêtent pas à un titre de poste. Ce sont surtout les entreprises tournées vers l'IT, la cybersécurité, les nouvelles technologies et vers l'international qui sont concernées par l'anglicisation des fonctions. Nous conseillons aux entreprises de garder des titres de poste français pour conserver l'authenticité des missions.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Le mot DEN a un vrai sens et je suis heureuse de l'avoir découvert. En même temps, le « E » rappelle le Gwenn ha Du. Je félicite également la présidente du CDG35 qui porte les bandes noires de ce drapeau. Bravo Madame, vous êtes une formidable ambassadrice.

Mme Chantal Pétard-Voisin. - Je vous remercie. Vous ne voyez pas la doudoune de ma collaboratrice qui porte la marque DEN.bzh.

Mme Françoise Gatel, présidente. -Je vous remercie d'avoir accepté de participer à cette table ronde. Ce qui nous nourrit au Sénat, ce n'est pas d'élaborer des cahiers de doléances mais de trouver des solutions. Vous confirmez que les élus locaux sont «condamnés» à inventer des possibles, à trouver des solutions et à s'adapter à des changements considérables. Il y a encore quinze ans, il ne serait venu à l'idée d'aucun élu local de promouvoir leur ville. Il faut aujourd'hui savoir vendre la fonction publique, au sens noble du terme, et vendre le territoire.

Au-delà de la fonction publique, les territoires doivent travailler à l'accueil des familles en matière d'emploi du conjoint, de logement, d'écoles...

Merci beaucoup pour vos interventions extrêmement intéressantes. Je pense que nos trois rapporteurs réaliseront un travail remarquable pour valoriser de bonnes pratiques et diffuser les ressources que vous inventez.

La séance est levée à 10 h 15.