Jeudi 25 mai 2023

- Présidence de Mme Françoise Gatel, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Mission flash d'information sur les communes nouvelles - Table ronde sur le thème : « Un nouvel élan pour les communes nouvelles »

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur. - Je suis très heureuse d'accueillir nos invités, M. Bernard Accoyer, présent en visioconférence, ancien maire d'Annecy-le-Vieux, ancien adjoint au maire de la commune nouvelle d'Annecy, ancien président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Marc Vasse, maire de Terres-de-Caux, avec qui nous avons échangé lors des rencontres sur les communes nouvelles organisées par l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) en partenariat avec le Sénat, ainsi que M. Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou, où se tiendront en juin prochain les rencontres nationales des communes nouvelles, organisées par l'AMF.

Je salue également les auditeurs de l'Institut du Sénat qui assistent à notre réunion. Cet institut a été créé à l'initiative de Jean-Léonce Dupont, selon l'idée que le Sénat donne parfois l'impression d'être un univers secret et confidentiel, alors que notre institution est d'une grande transparence et d'une grande clarté. Des auditeurs venant des milieux économiques, du monde social, de l'éducation ou de la sphère publique sont invités dans notre maison, qui est ouverte. C'est une réussite : il est important que le Sénat participe à la familiarité entre nos concitoyens et les institutions ; le Sénat accueille d'ailleurs de nombreux visiteurs chaque jour. Je salue enfin les représentants de l'AMF qui assistent à notre réunion.

Nous ouvrons aujourd'hui une mission flash sur les communes nouvelles dont nous présenterons les conclusions le mercredi 28 juin prochain à 14 heures, avant la séance de questions d'actualité au Gouvernement. La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui s'intéresse à tout ce qui concerne les collectivités, à leurs évolutions et à leurs préoccupations, suit avec beaucoup d'intérêt la thématique des communes nouvelles : dans un océan de carcans administratifs et législatifs qui interdisent aux collectivités de prendre des initiatives, la commune nouvelle est une pépite de liberté, une initiative d'évolution entre les mains des seuls élus locaux.

La commune nouvelle est née en 2010 de la volonté du législateur de conforter le fait communal. La commune n'est pas le dernier maillon de l'organisation de notre République, mais c'est le coeur du réacteur de l'action publique locale. Pour cette raison, elle doit être confortée pour prendre en compte les évolutions de la société et des attentes de nos concitoyens. Le fait communal doit être musclé. L'initiative portée en 2010 par Jacques Pélissard, alors président de l'AMF, a illustré le fait que la commune nouvelle ne représente nullement la disparition des communes, elle est au contraire la consolidation du fait communal, qui garantit sa pérennité.

En 2016, notre délégation a publié un rapport d'information intitulé Les communes nouvelles, histoire d'une révolution silencieuse, présenté par Christian Manable et moi-même. Cette entreprise, conduite de manière silencieuse par les élus locaux, a une dimension révolutionnaire, car elle transforme considérablement les territoires et prouve que les élus locaux sont capables de prendre des initiatives et d'assumer leurs responsabilités pour engager leurs territoires vers l'avenir.

En septembre 2022, lors de la Rencontre nationale des communes nouvelles sur le thème : Communes nouvelles : pour un nouveau souffle, organisée avec l'AMF et parrainée par Gérard Larcher, il a été observé que, après un élan assez fort dû à une période de disette budgétaire de la part de l'État, encourageant des élus à optimiser leurs ressources, une pause dans ce mouvement vers la commune nouvelle a été observée, sans doute en raison des nouveaux mandats de 2020 et de la période particulière du covid, qui n'a pas facilité la projection vers l'avenir.

Quelque 800 communes nouvelles regroupent aujourd'hui près de 2 600 communes. C'est le plus fort mouvement connu, largement supérieur à celui qui a été observé à la suite de la loi Marcellin de 1971. Nous sommes aujourd'hui en dessous du seuil de 35 000 communes, et 2,5 millions de personnes vivent dans des communes nouvelles.

Nous nous intéressons à la manière dont les communes nouvelles peuvent être, non pas encouragées - nous n'avons aucun objectif quantitatif de réduction du nombre des communes et nous ne sommes pas les agents d'une propagande forcenée - mais facilitées, car nous pensons que, si les élus le souhaitent, cette évolution de l'organisation par bassins de vie est une manière de pérenniser et de renforcer la commune. Sans doute que, pour répondre au désenchantement des élus - rappelons que, en 2020, 106 communes n'ont pas eu de candidat -, la commune nouvelle fait partie des solutions.

La commune nouvelle permet-elle de renforcer les capacités des territoires et d'apporter plus de services aux habitants, alors que les communes historiques étaient trop petites ? Inscrit-elle bien son action dans un vrai projet de territoire ? Il ne s'agit pas simplement de tracer de nouvelles frontières, il faut dessiner un projet de regroupement. Enfin, les mécanismes financiers ne sont-ils pas décourageants ?

Je laisse la parole à Éric Kerrouche, qui va vous présenter les résultats de la consultation en ligne ouverte auprès des maires des communes nouvelles.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Nous avons constaté que, dans le temps, des difficultés pouvaient voir le jour dans le traitement des communes nouvelles, d'où notre volonté de faire un point d'étape sur leur situation. Mon confrère universitaire Vincent Aubelle et moi-même avons donc réfléchi à un questionnaire qui vous a été soumis. Insistons d'emblée sur son taux de réponse exceptionnel, ce dont je vous remercie : il y a eu 280 répondants, soit plus d'un tiers des communes nouvelles. Ce taux de réponse - je le sais d'expérience, en tant que chercheur - non seulement signifie que nous disposons d'un échantillon représentatif, mais traduit également une attente de votre part.

Nous vous présentons donc aujourd'hui l'essentiel de nos résultats, pour vous entendre après une première lecture de chiffres.

D'un point de vue morphologique, près de la moitié des communes nouvelles regroupent deux communes ; le regroupement de six communes ou plus est limité à 13 % de l'échantillon. La commune nouvelle obéit à une temporalité particulière : 60 % des communes nouvelles ont été créées entre 2016 et 2017, contre 30 % après 2019.

La commune nouvelle est surtout une commune qui rassemble moins de 2 000 habitants : 53 % des communes nouvelles rassemblent moins de 2 000 habitants, alors que 23 % réunissent plus de 4 000 habitants.

Il y a également une répartition assez large des communes nouvelles. Dans notre échantillon, nous avons ainsi une commune de 128 habitants, en Haute-Loire, une autre de 150 habitants dans l'Ain, ainsi qu'une commune de 135 000 habitants, Annecy. Les variations de taille sont aussi importantes que pour les autres communes, même si une grande partie des communes nouvelles concentre une population relativement limitée.

Pourquoi créer une commune nouvelle ? Nous avons demandé aux maires de classer les raisons les ayant amenés à établir des communes nouvelles. Leur objectif principal était de mutualiser et de réaliser des économies d'échelle, espérant obtenir une latitude suffisante pour développer de nouveaux services publics et réaliser de nouveaux projets. La volonté dynamique de faire plus avec le territoire explique donc la création de nouvelles communes.

Selon les maires, le bilan en matière de mutualisation est largement positif. En effet, 72 % des répondants estiment que la commune nouvelle a permis des économies d'échelle, et 88 % estiment que la commune nouvelle a permis des mutualisations effectives, en matière tant de services que de personnel.

Comment, selon vous, la commune nouvelle a-t-elle concrètement renforcé ce pouvoir d'agir, que les communes juxtaposées ne pouvaient pas assurer auparavant ? Lors des rencontres de septembre dernier, M. Chalopin avait fait part d'une prise de conscience des habitants de sa commune pour l'intérêt de la commune nouvelle, renforçant les capacités d'action lors d'un incendie sur son territoire ; peut-être, monsieur le maire, souhaiterez-vous rebondir sur ce point.

Se pose également la question de la gouvernance. Moins de la moitié - 45 % - des répondants estiment que la commune nouvelle a provoqué des difficultés de gouvernance. Ils indiquent que la commune nouvelle n'a pas été un enjeu de la campagne électorale, mais a eu un effet sur l'organisation des services municipaux. Dans le même temps, la commune nouvelle n'induit pas l'oubli des territoires historiques : 68 % des répondants indiquent avoir maintenu les communes déléguées, avec une volonté politique forte.

Est-ce que la commune nouvelle a dégagé des marges de manoeuvre financières ? Parmi les répondants, 77 % estiment que la commune nouvelle a permis de nouveaux investissements, et près de 70 % estiment qu'elle a eu un impact positif sur les dépenses de fonctionnement. Les attentes initiales, lors de la création des communes nouvelles, ont été remplies du point de vue financier.

Quant à savoir si le regroupement a conduit à des pertes de dotations, de ressources ou de financements, seuls 20 % des répondants sont de cet avis. L'effet négatif n'a donc pas été important. Près de 40 % d'entre eux soulignent tout de même des effets de seuil négatifs. C'est un sujet majeur dont nous avons discuté, notamment avec Cédric Vial : la loi de finances pour 2023 a comporté des éléments correcteurs portés collectivement par le Sénat, à son article 200, pour attribuer aux communes nouvelles créées après le 1er janvier 2022 une dotation au moins égale à la somme des attributions perçues par les différentes communes l'année précédant la création de la commune nouvelle. Comme Françoise Gatel l'a indiqué, le Sénat souhaite non pas faire preuve d'un prosélytisme forcené pour la création de communes nouvelles, mais accompagner les choix positifs faits par les territoires. Il ne peut y avoir de désincitation financière à la création de communes nouvelles quand, en majorité, les maires soulignent les effets positifs des marges de manoeuvre financières retrouvées.

L'expérience a-t-elle été, en définitive, positive ? Si c'était à refaire, les maires se relanceraient-ils dans la création d'une commune nouvelle ? La réponse est claire : 65 % d'entre eux répondent « oui, tout à fait », et 18 % répondent « oui, plutôt ». Le jugement est donc très positif. Actuellement, près de 90 % des répondants jugent que votre commune nouvelle fonctionne de manière positive, avec un fonctionnement « plutôt bon » pour 47 %, et « très bon » pour 40 %.

D'une certaine façon, les réponses indiquent que la commune nouvelle a marqué un essai : c'est un effort collectif, qui fait parfois mal, mais les aspects positifs dominent largement. Nous attendons donc vos réactions à ces chiffres.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur. - Au Sénat, lors de l'examen du dernier projet de loi de finances, il y a eu, pour filer la métaphore, un pack sénatorial pour prêter attention à l'impact budgétaire parfois négatif des lois de finances successives et aux conséquences parfois imprévisibles pour les communes nouvelles. L'ensemble des groupes du Sénat a défendu un amendement identique pour que la loi de finances 2023 maintienne la dotation pour les communes nouvelles et pour qu'il y ait un engagement à creuser la question des communes nouvelles. On ne peut pas pénaliser des initiatives de communes nouvelles ou laisser des territoires voulant s'engager dans cette aventure risquer de subir une sorte de punition financière incompréhensible.

M. Bernard Accoyer, ancien maire d'Annecy-le-Vieux, ancien adjoint au maire de la commune nouvelle d'Annecy, ancien président de l'Assemblée nationale. -Merci pour votre invitation. J'ai plaisir à retrouver une enceinte parlementaire, surtout celle du Sénat : nous mesurons chaque jour à quel point le bicamérisme est important dans nos institutions. Les évaluations menées par le Sénat sur les fusions de communes sont de grande qualité.

Il importe de distinguer les situations des communes nouvelles selon l'importance de la population. L'intérêt de la fusion est évident pour les petites communes, si elles veulent maintenir un niveau suffisant de services publics et diminuer leurs charges.

En revanche, la situation est différente pour les communes plus grandes. À Annecy, six communes ont fusionné ; elles regroupent aujourd'hui près de 150 000 habitants. Nos motivations étaient simples : réaliser des économies d'échelle, mutualiser les services des ressources humaines ainsi que le patrimoine immobilier et matériel. Nous devions aboutir à une diminution des charges, en conservant la même qualité de service public. Or, six ans après la fusion, force est de constater qu'aucun de ces deux objectifs n'a été rempli. Nous constatons une dilution de l'efficacité ; la qualité du service rendu au public ne s'est pas améliorée. L'étude d'impact sur les conséquences de la fusion était sans doute insuffisante. En outre, les objectifs et les critères d'évaluation de la fusion devraient être clairement définis à l'avance. Un cahier des charges contraignant devrait s'appliquer durant au moins un mandat.

Madame Gatel, vous avez eu la bonne idée d'augmenter, dans la loi, le nombre de conseillers municipaux de la commune nouvelle durant le premier mandat. Dans la même veine, une disposition devrait contraindre la commune nouvelle à concrétiser les projets ayant servi de fondement à la fusion. Le citoyen et l'intérêt général doivent toujours rester la boussole des élus.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur. - Monsieur Accoyer, tous mes collègues arborent un large sourire en écho à vos propos positifs sur le Sénat.

Vous soulignez l'importance de l'étude d'impact préalable : nous l'avons inscrite dans la loi. Le pacte de fusion doit faire l'objet d'indicateurs, qui doivent eux-mêmes être soumis à une évaluation approfondie.

M. Jean-Marc Vasse, maire de Terres-de-Caux. - J'ai été élu conseiller municipal en 1989 et maire du bourg de Fauville-en-Caux en 1994. À l'époque, 21 communes étaient regroupées dans une communauté de communes de moins de 9 000 habitants. J'ai alors demandé aux collègues de réfléchir à un regroupement au sein d'une commune nouvelle : à l'époque, la communauté de communes essayait cahin-caha d'assumer les compétences qui lui avaient été transférées et je considérais que nous pouvions faire mieux au bénéfice de la population. Cet enjeu est devenu d'autant plus important après le vote de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Toutefois, nous n'avons pas pu recueillir l'accord unanime des 21 maires. J'ai alors proposé la fusion aux élus qui le souhaitaient : 6 collègues ont répondu favorablement à ma proposition.

Notre position était la suivante : le bourg appartient à tous ceux qui le fréquentent. Il fallait faire comprendre aux conseillers municipaux que la vitalité du bourg devait être partagée avec les villages alentour. La rénovation de l'école a constitué le socle de notre projet commun. Nous avons également multiplié nos efforts en faveur de la revitalisation des activités commerciales ; notre démarche a d'ailleurs reçu le label du programme Petites Villes de demain (PVD). Depuis lors, le nombre d'habitants ne cesse de croître. La loi NOTRe nous a ensuite conduits à rejoindre une grande intercommunalité.

L'importance du critère relatif au nombre d'habitants dans la création d'une commune nouvelle a été évoquée précédemment. Or l'enquête montre que la superficie des communes est un élément important, surtout dans les zones rurales. Les deux facteurs doivent être pris en compte.

Les économies d'échelle nous permettent de repousser les frontières des collectivités territoriales. La création de la commune nouvelle a favorisé les échanges avec les maires des communes concernées, mais nous avons eu tendance à négliger les relations avec les collectivités limitrophes.

Une commune nouvelle est une commune singulière et plurielle : c'est un élément important, surtout pour les fusions comportant de nombreuses communes.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur. - Les créations de communes nouvelles se sont multipliées en période de disette budgétaire. La loi NOTRe a également accéléré le processus, car les petites communes ne trouvaient plus leur place dans la grande intercommunalité, qui n'exerçait plus certaines compétences autrefois assumées par les communautés de communes.

Depuis cette époque, nous avons travaillé sur l'idée de commune-communauté. Je rejoins vos propos : les communes nouvelles sont à la fois singulières et plurielles et elles ne seront jamais le double parfait des communes historiques.

M. Philippe Chalopin, maire de Baugé-en-Anjou. - Je suis maire de Baugé-en-Anjou, président de l'association départementale des maires de Maine-et-Loire et président de la communauté de communes Beaugeois-Vallée.

Baugé-en-Anjou a été créée en mars 2012, à l'issue d'un vote favorable de 83 % des conseillers municipaux de 5 communes. La commune s'est élargie en juillet 2015 : toutes les communes de la communauté de communes ont été intégrées. Pendant un an, nous avons été une commune-communauté et avons ainsi anticipé les orientations de la loi du 1er août 2019 visant à adapter l'organisation des communes nouvelles à la diversité des territoires, dite Gatel.

Je rejoins les propos de Jean-Marc Vasse : la commune nouvelle s'apprécie non pas par rapport au nombre d'habitants, mais bien par rapport à la superficie : il faut tenir compte des problèmes d'accès aux services publics.

Nous avons décidé de nous regrouper pour continuer à exister ; sinon, nous aurions perdu des habitants et nos services publics. Faire mieux et faire plus : telle pourrait être la devise de la commune nouvelle. Interrogés dans un sondage, les habitants ont répondu que la commune nouvelle était pour eux synonyme d'une offre de services renforcée. Je pense que nous avons rempli notre objectif.

Notre commune nouvelle représente une superficie de 26 000 hectares. Nous devons gérer 240 bâtiments, 15 églises et 11 écoles. Notre territoire est attractif depuis le passage en commune nouvelle : le taux de chômage a diminué et nous ne rencontrons pas de difficultés pour recruter des médecins au sein de notre maison de santé. Un point d'accueil numérique sera installé dans chaque mairie déléguée : ce sera un complément utile à la maison France Services, présente dans notre commune.

Définir un projet de territoire est une étape indispensable avant de créer une commune nouvelle. La recherche d'économies ne peut être la seule motivation d'une telle entreprise - même si nous réalisons entre 400 000 et 500 000 euros d'économies par an, à charge constante. Nous disposons désormais d'une police municipale et d'éducateurs, ce qui n'était pas le cas auparavant. Contrairement à ce que j'entends parfois, nos frais de personnels n'ont pas explosé. La commune nouvelle nous a permis de faire face à des événements majeurs : ainsi, le centre communal d'action sociale (CCAS) a joué un rôle majeur lors de la pandémie. Nous avons pu nous mobiliser rapidement lors d'un incendie qui a ravagé 1 300 hectares l'été dernier.

Sans doute ne suis-je pas objectif, mais j'estime que la commune nouvelle offre plus de services et de réactivité. Elle conforte la strate communale et permet de maintenir les services publics dans nos territoires. Certes, tout n'est pas rose, mais les habitants et les associations se sont peu à peu approprié le concept. Une commune nouvelle ne se crée pas avec des panneaux et un arrêté préfectoral : il faut de la densité humaine pour mener un projet de cette envergure. Nous avons fêté le dixième anniversaire de sa création et, lors du dernier scrutin, nous avons été réélus.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur. - La notion d'espace et de densité est fondamentale : les situations diffèrent selon les territoires, comme vous l'avez souligné.

Vous avez également insisté sur le rôle des communes déléguées. Or nous constatons des approches différentes à ce sujet, mais je me plais à utiliser l'image de la famille recomposée : il faut du temps pour que les choses s'installent. Il en va de même pour les communes nouvelles. Philippe Bas, l'ancien président de la commission des lois, soulignait l'importance de l'affectio societatis : la commune nouvelle ne peut se résumer à un périmètre totalement artificiel. Il faut partager une identité commune.

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Merci pour vos témoignages. Jean-Marc Vasse a rappelé l'importance de la coopération entre les membres de la commune nouvelle, mais les échanges avec les communes limitrophes et les autres strates de collectivités sont également importants : ne restons pas cloisonnés à l'intérieur de nos périmètres respectifs. Le rapport à l'espace est un problème majeur pour toutes nos collectivités.

On ne parle pas de la même façon d'un territoire dense, qui n'obéit pas aux mêmes logiques de service. Le maillage territorial spécifique que permettent les communes nouvelles est primordial pour la proximité des services et peut dès lors être une source d'inspiration.

Dernier point, en ce qui concerne les financements : on ne saurait sanctionner les communes qui ont fait preuve d'efforts en la matière. Ne soyons pas à contretemps, veillons collectivement à ne pas adopter des logiques désincitatives.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur. - En effet, il ne saurait être question de punir les efforts des communes.

Mme Sonia de la Provôté. - La commune nouvelle peut être un regroupement de trois communes rurales totalisant moins 1 500 habitants, une ancienne intercommunalité de vingt-quatre communes historiques transformée en commune nouvelle, ou encore huit communes sur le territoire d'un syndicat scolaire. L'hétérogénéité parfois excessive ne contient-elle pas parfois les ferments de dysfonctionnements voire d'échecs ? Y a-t-il eu des volontés de retours en arrière à la suite de la création de ces communes, en particulier après les élections, quand les maires initiateurs n'ont pas été réélus ?

Comment ont été constitués les plans locaux d'urbanisme (PLU), au vu de la diversité des documents en vigueur dans les communes concernées, et comment sont gérés les territoires discontinus de ces communes nouvelles ? Qu'en est-il, par exemple, du carroyage Iris ?

M. Charles Guené. - Ayant moi-même participé à la création d'une commune nouvelle en 2016, je suis particulièrement impressionné par la réalisation de M. Chalopin. Sa création semble exceptionnelle et beaucoup d'élus municipaux pourraient bénéficier d'une visite dans votre territoire.

Je retrouve mon tropisme financier : je suis d'accord avec Bernard Accoyer sur la nécessité de distinguer entre petites et grandes communes nouvelles. Les secondes peuvent réaliser des économies d'échelle et lancer des projets grâce à leur masse critique, alors que les premières sont souvent très sensibles à l'évolution des dotations. Nous avions fait face à la direction générale des collectivités territoriales (DGCT) et à Bercy, qui nous mettaient en garde contre le maintien « éternel » d'avantages, au risque que certaines grandes communes optimisent leur fonctionnement et finissent par peser trop lourd. Ne pourrions-nous pas envisager de maintenir certains avantages pour les petites communes, tout en instaurant un seuil, par exemple autour de 9 000 habitants, au-delà duquel ceux-ci ne seraient plus disponibles ?

M. Jean-Marc Vasse. - Tout n'est pas dans la taille d'une commune ; la commune nouvelle a été conçue comme un outil au service d'une volonté locale commune sur un territoire qui fait sens. Une telle initiative ne doit pas être prise uniquement pour des raisons financières ou de bonnes relations avec les voisins, mais en fonction du projet et de la vision que l'on a de son territoire. Il existe des risques de retour en arrière quand le projet n'a pas été compris par des équipes qui n'ont pas participé à sa mise en place, ou encore si les communes déléguées sont simplement juxtaposées, sans une véritable participation à l'élaboration du projet. La gouvernance de la commune nouvelle est primordiale. Nous avons, par exemple, confié à chaque maire délégué une fonction d'adjoint obligatoire, afin de renforcer la solidarité et la cohésion du groupe, tout en consolidant progressivement le projet. À ce titre, la question du statut du maire délégué, qui incarne la proximité et l'histoire, doit être posée : il est indispensable à nos yeux pour ce qu'il incarne, mais la loi ne doit pas le soumettre à une tentation de sécession. Or si le maire est contraint à démissionner, ses adjoints perdent leurs délégations, mais les maires délégués restent en poste.

Concernant l'urbanisme, nous avons réalisé, avant de devenir une commune nouvelle, onze PLU partagés entre nos onze communes, avec un bureau d'études commun et des groupes de travail transversaux. Je n'étais donc pas favorable à un PLU intercommunal rassemblant 50 communes. À mon sens, l'urbanisme est une souveraineté majeure de la commune. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), en transférant ce pouvoir à l'intercommunalité, a encore réduit leur pouvoir, que nous défendons. Les communes nouvelles le renforcent au contraire plutôt que de le diluer dans une intercommunalité.

M. Philippe Chalopin. - Je connais une commune nouvelle qui fonctionne tellement bien que les communes voisines veulent la rejoindre. Cependant, ses élus refusent, car cela lui ferait dépasser le seuil d'éligibilité et entraînerait la perte de certaines dotations. Quand on crée une commune nouvelle, l'objectif principal ne doit pas être d'obtenir une carotte financière, mais d'apporter un meilleur service à nos habitants. Par ailleurs, les communes nouvelles ont des charges similaires à celles des agglomérations, surtout lorsqu'elles sont importantes. Baugé-en-Anjou gère ainsi autant de patrimoine que l'agglomération d'Angers : quinze églises, des écoles et collèges. Cette gestion représente une charge, pas un avantage. Il ne faudrait pas que l'établissement de seuils décourage les communes de se regrouper.

Nous ne demandons pas plus que les autres, mais seulement ce qui nous est dû. Les communes nouvelles, du fait de leurs particularités, méritent une certaine pérennité dans le traitement qui leur est accordé : ce qui ralentit leur création, c'est d'abord l'insécurité juridique et financière. Chaque année, à l'arrivée de la loi de finances, nous nous demandons ce qui va changer et comment cela affectera notre budget.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur. - Le Sénat a effectivement sauvé de nombreuses communes nouvelles pour un an en maintenant certaines dotations. Cependant, certaines d'entre elles voient leur dotation de solidarité rurale (DSR) diminuer parce qu'elles dépassent le seuil de 10 000 habitants sans pour autant être éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU). J'ai en tête l'exemple d'une commune de 10 000 habitants qui aurait perdu près de 600 000 euros.

M. Bernard Accoyer. - Je tiens toutefois à souligner l'importance de respecter un équilibre au nom de l'égalité entre les contribuables. Les grandes collectivités, qui abritent souvent les plus grandes entreprises et donc le coeur de l'économie nationale, sont particulièrement impactées par les restrictions de dotations de l'État et les limites de leur capacité à lever l'impôt. Pour autant, la loi a été conçue pour que les contribuables bénéficient de mutualisations. Or ces grandes collectivités ont une marge d'économie potentielle, car certains services sont redondants, ce qui n'est pas le cas pour les petites collectivités, lesquelles sont déjà à l'os. Il serait intéressant de mener une étude d'impact plus précise sur ce sujet, en évaluant notamment l'efficience financière et le service rendu par une telle mutualisation. On trouve par exemple des marges d'économies dans la gestion du patrimoine immobilier et foncier des collectivités. Il serait souhaitable que ces dernières le réduisent dans la mesure du possible, soit par le biais de locations, soit par des ventes, afin d'en alléger la charge sur le contribuable. La dépense publique ne peut pas croître indéfiniment, même au niveau des collectivités locales, et nous devons être attentifs à son évolution.

M. Lucien Stanzione. - Dans le Sud, la question de la fusion de communes est méconnue. Pour autant, j'ai l'impression que c'est une véritable troisième voie à l'alternative entre la commune et l'intercommunalité.

Aussi, ne faudrait-il pas étudier les raisons de cette résistance, si je puis dire, qui serait propre au sud de la France ? J'envisage même de rendre visite à mes collègues pour comprendre comment cela fonctionne dans leur territoire.

Mme Françoise Gatel, présidente. - J'en profite pour rappeler que nous avons réalisé des cartes qui montrent les lieux d'implantation des communes nouvelles et leur taille. C'est très instructif.

M. Cédric Vial. - Selon vous, quel serait le bon nombre de conseillers municipaux ? Doivent-ils être placés sous le régime du droit commun ?

Par ailleurs, quelle est la légitimité du maire délégué ? Actuellement, il est élu par l'ensemble du conseil municipal, mais est-ce pertinent ? Au fond, doit-il être le délégué de la mairie déléguée auprès du conseil municipal ou le délégué du maire auprès de la commune déléguée ? Faudrait-il qu'il soit nommé par un arrêté du maire, à l'instar d'un adjoint ? Dans cette hypothèse, il deviendrait un représentant du maire auprès des habitants. Doit-il au contraire représenter les habitants auprès de la mairie centrale ?

Mme Patricia Schillinger. - Dans mon département, la presse s'était fait l'écho de la fusion de la commune nouvelle de Kaysersberg Vignoble, un temps dirigée par Henri Stoll. Selon la maire actuelle, la commune aurait beaucoup perdu à la suite de la fusion des trois communes : sa capacité d'investissement est limitée. Rencontrez-vous également ce problème ?

Mme Corinne Féret. - Aujourd'hui, le Calvados compte près de 44 communes nouvelles. Certaines regroupent deux ou trois communes, d'autres vingt-deux communes, mais quelque 6 000 habitants, d'autres encore huit communes, qui représentent 17 000 habitants, d'autres enfin qui rassemblent près d'un cinquième du département ! À l'inverse, certaines parties du territoire ne sont pas engagées dans cette dynamique. Les disparités sont grandes. Dans ce contexte, quel doit être le rôle du maire délégué ?

M. Éric Kerrouche, rapporteur. - Selon notre questionnaire, quelque 60 % des maires sont favorables à l'alignement du statut de maire délégué sur celui d'adjoint au maire, à compter du premier renouvellement du conseil municipal. De plus, près de 75 % des maires estiment que le nombre de conseillers municipaux doit être réduit, à partir du second renouvellement.

M. Jean-Marc Vasse. - Une fois élu maire de la commune nouvelle, j'ai renoncé à mon mandat de maire du bourg principal. Selon moi, pour être le représentant de chacune des communes, il faut se placer au-dessus de toutes. Les maires délégués sont les représentants du maire dans les communes déléguées. C'est non pas la mairie déléguée mais la commune qui représente la circonscription électorale.

Au sein de l'AMF, nous nous interrogeons sur le bon nombre de conseillers municipaux, qui est, pour l'instant, déterminé par un critère démographique.

Selon nous, il faudrait envisager l'instauration d'un statut particulier de la commune nouvelle - la Constitution le permet -, de sorte que les conseils municipaux soient composés d'élus qui représentent les habitants et chacune des communes nouvelles. En effet, si l'on suit le droit commun, le nombre n'est pas assez élevé ; s'il y a beaucoup de communes et peu d'habitants, le nombre est trop élevé !

M. Philippe Chalopin. - En 2012, sont devenus maires délégués les maires d'origine des communes historiques. Aujourd'hui, les maires délégués n'ont jamais été maires. Ils représentent le maire de la commune nouvelle dans la commune déléguée. La fonction de maire délégué doit s'adapter aux évolutions actuelles.

En 2013, dans le canton de Baugé-en-Anjou, on comptait quelque 200 conseillers municipaux ; en 2026, il y en aurait à peine 35, alors que la superficie n'a pas diminué et que le nombre d'habitants a augmenté. Si les communes déléguées sont maintenues, il leur faut un maire délégué qui entre dans le calcul des effectifs.

La proximité, c'est le véritable enjeu des communes nouvelles. Si les gens n'ont pas d'élus à portée de discussion, si je puis dire, ils se disent qu'il n'y a plus personne !

L'État doit comprendre que la commune nouvelle peut être un levier de simplification de l'action publique. Elle permet de rationaliser et d'organiser le fait intercommunal. Il faut tenir compte des financements. Il faut arrêter de sanctionner ceux qui font des efforts.

Mme Françoise Gatel, présidente, rapporteur. - Je vous remercie de la clarté, de la pertinence et de l'intérêt de vos interventions. Nous aurons l'occasion d'aborder de nouveau cette question.

La commune nouvelle est une entreprise pour le futur du territoire. Les lois sont toujours excellentes - vous l'avez dit vous-même -, car elles sont mises en oeuvre par des hommes et des femmes qui ont une histoire particulière avec les territoires. Aussi la gouvernance est un exercice humain que la loi ne pourra jamais figer. D'ailleurs, les artisans de la réussite des communes nouvelles sont les acteurs locaux eux-mêmes.

Je remercie enfin l'AMF du dialogue que nous avons noué autour de ces questions et l'ensemble de nos collègues de mener cette démarche transpartisane.

Nous sommes très attachés aux libertés locales, car elles permettent aux élus d'inventer des possibles, qui fonctionnent très bien !

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.

Attractivité de la fonction publique territoriale - Audition de M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous accueillons le ministre Stanislas Guerini, dans un contexte de baisse d'attractivité de la fonction publique territoriale. Le désenchantement des maires tient à la violence qu'ils subissent mais aussi à la difficulté qu'ils rencontrent pour remplir leurs fonctions administratives. Celles-ci nécessitent beaucoup d'expertise et d'être accompagné par du personnel, que je salue. Les maires sont des hussards de la République, une armée des ombres, mais ils ne pourraient agir sans les fonctionnaires territoriaux, dont il faut souligner le sens de l'intérêt général et du service public. Pour avoir été membres d'exécutifs locaux, nous savons ce que nous leur devons. Nous l'avons vu lors de la crise du covid ou lors des fortes chaleurs, quand il a fallu suivre individuellement les personnes âgées. Si les élus sont des inventeurs de possibles, les fonctionnaires sont des producteurs de possibles - et c'est parfois plus difficile.

Le rapport au travail change. En France, la fonction publique territoriale était très stable : les agents exerçaient le même métier durant toute leur carrière, souvent dans la même collectivité. Tout cela a bien changé, et il faut prendre en compte les nouveaux besoins. Il ne s'agit pas uniquement de régime indemnitaire ou de reconnaissance salariale - certes nécessaire - mais aussi de qualité de vie au travail, de prévention, d'aménagement du temps de travail.

Votre prédécesseur avait commandé un rapport à Philippe Laurent sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, qui préconisait la création d'une marque Service public ; nous avons notamment entendu les représentants de la marque DEN.bzh.

Quelle est votre vision de la situation et comment avancer ?

Catherine di Folco, experte du statut de la fonction publique territoriale, Jérôme Durain et Cédric Vial travaillent sur l'attractivité de la fonction publique territoriale, avec un volet sur les secrétaires de mairie. Notre collègue Céline Brulin a porté, avec son groupe, une proposition de loi pour revaloriser leur métier.

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques. - Je vous remercie de cette invitation. Oui, il y a un lien entre les difficultés de nos élus locaux, leur désenchantement, et les enjeux de ressources humaines. L'action des élus locaux repose sur celle des fonctionnaires territoriaux. L'enjeu d'attractivité est la première priorité sur nos territoires. J'ai une pensée émue et solennelle pour ces agents du service public, dont je salue l'engagement, après plusieurs drames cette semaine. Cet engagement met les agents publics en première ligne face aux violences de notre société. Je vous remercie d'avoir initié ces travaux.

J'ai engagé des chantiers avec les employeurs territoriaux pour répondre au besoin d'attractivité et développer la marque employeur de la fonction publique territoriale.

Où sont les difficultés de recrutement ? En réalité, un peu partout : pour les agents de catégorie C et les agents en première ligne, notamment les métiers de la petite enfance ou du soin, pour des filières plus transversales dans des secteurs en tension comme le numérique, mais aussi pour des métiers support - je pense aux filières administratives avec les attachés.

Quelles en sont les causes ? Dans une société qui tend vers le plein emploi, tous les employeurs, publics comme privés, rencontrent des difficultés de recrutement. Il y a aussi un enjeu démographique. Des fonctionnaires recrutés quand Anicet Le Pors était ministre de la fonction publique partent à la retraite ; le cas des secrétaires de mairie l'illustre bien.

Il y a des problèmes d'attractivité intrinsèques à la fonction publique, notamment dans des zones marquées par la vie chère ou les problèmes d'accès au logement.

Quels chantiers faut-il engager ? Le premier, c'est la fiche de paie et la création d'une dynamique de rémunération. Nous devons être lucides. Plus d'un tiers des fonctionnaires territoriaux sont payés au niveau du Smic.

Le deuxième sujet est celui des conditions de travail. Il n'y a pas de grande démission mais une grande transformation du rapport au travail. Nous devons relever ce défi avec des promesses employeur.

Troisième axe, mieux faire connaitre les métiers de la fonction publique territoriale, car la clé d'entrée « métier » tire le fil des compétences. La révolution sera de raisonner en termes de gestion et de développement des compétences plutôt qu'en collant des étiquettes sur le front des fonctionnaires.

Les enjeux de carrière et rémunération sont déterminés par les modalités d'accès à la fonction publique, qui varient selon les statuts d'emploi ou les versants de la fonction publique. Parfois, ces différences créent des biais entre les employeurs sur un même bassin de vie. Un CHU peut recruter un agent sur titre pour intégrer la fonction publique hospitalière, alors que dans le secteur médico-social municipal, pour un même poste au sein de la fonction publique territoriale, le recrutement se fait par concours. Bref, le CHU lui « pique » des agents. Nous devons mettre à plat les conditions de recrutement. Cela ne signifie pas forcément supprimer le concours. Mon fil rouge est de défendre le statut dans ses origines et ses fondamentaux, mais aussi de professionnaliser certains concours, de les recentrer sur les compétences. Un maire me disait qu'il ne voulait pas se passer d'une personne ayant quinze ans d'expérience dans la petite enfance sous prétexte qu'elle a fait trois fautes à la dictée...

Parfois, il faut pouvoir recruter sur titre, ou recruter des apprentis. Le recrutement de 30 000 apprentis dans la fonction publique territoriale l'année dernière a été une petite révolution culturelle. L'apprentissage doit être une vraie voie de recrutement. À la fin d'un contrat d'apprentissage suffisamment long, en cas d'accord de l'employeur et de l'apprenti, on devrait pouvoir titulariser sur titre, sans concours.

Il y a aussi un enjeu sur les parcours de carrière. Il faut renforcer la formation, le développement des compétences et la reconnaissance des acquis de l'expérience, trop peu développée dans la fonction publique. Je ne suis pas un détracteur du statut : les conventions collectives de certains secteurs professionnels ont aussi plusieurs catégories. Mais dans la fonction publique, il est difficile pour un agent recruté en catégorie C de franchir le plafond de verre. Il faut plus de fluidité, apporter un choc de marge de manoeuvre aux employeurs territoriaux. Les rigidités sur les quotas de promotions, un temps adaptées, nécessitent d'être assouplies. Je m'y suis engagé.

Il y a des enjeux de rémunération, notamment de court terme. L'inflation globale atteint 6 %, mais l'augmentation des prix alimentaires touche particulièrement les agents relevant des grilles les plus basses. Je rencontre prochainement les organisations syndicales pour trouver des réponses sur le pouvoir d'achat, autour de trois principes. D'abord, l'oxygénation des grilles, bien trop écrasées : un agent de catégorie C en début de carrière met douze ans avant d'avoir une évolution indiciaire. Comment être attractif dans ces conditions ?

Il faut aussi dynamiser les carrières. Comment se motiver quand un collègue qui a quinze ans d'ancienneté ne gagne que 150 euros de plus ? Nous devons nous intéresser à la pente des courbes, angle mort de nos politiques de ressources humaines. Nous souhaitons aussi une logique de différenciation des carrières, qui fait débat, et avons intégré le principe d'un accélérateur de carrière dans la réforme de la haute fonction publique. Ce principe doit innerver l'ensemble de la fonction publique.

Enfin, il faut récompenser l'engagement et la performance, individuels et collectifs. Ce n'est pas un gros mot, et c'est compatible avec le statut.

Les transformations doivent pouvoir s'appréhender sur la fiche de paie. J'ai ouvert un chantier pour mettre l'agent au centre de la réflexion. Il faut une symétrie des attentions. Pour rendre un service public de qualité, il faut non seulement placer l'usager au centre, mais aussi l'agent, autour des promesses employeur. J'en citerai six, qui associent systématiquement les employeurs territoriaux, dès le début. Il faut arrêter de penser d'abord pour la fonction publique d'État et ensuite décliner pour la fonction publique territoriale.

Mme Françoise Gatel, présidente. - C'est une bonne idée.

Mme Catherine Di Folco. - Merci !

M. Stanislas Guerini, ministre. - La première promesse employeur concerne le management. Il y a un enjeu managérial pour les cadres dirigeants et intermédiaires de la fonction publique, ce qui suppose de renforcer la formation initiale et continue. Cela concerne les concours et les écoles du service public - j'étais récemment à l'Institut national des études territoriales (Inet) - et nécessite de remettre à plat l'évaluation professionnelle.

Deuxième enjeu, simplifier et supprimer les irritants au quotidien qui mettent à mal l'attractivité de l'emploi public. Parfois, avant une mutation, on ne sait pas vous dire combien vous toucherez car les systèmes d'information et les ressources humaines ne suivent pas ! Il faut améliorer ces points.

Troisième enjeu, améliorer les conditions de travail, la santé au travail, la prévention de l'usure et de la pénibilité. Ce débat est lié à celui des retraites. Nous avons lancé une mission rassemblant l'inspection et des personnalités qualifiées, dont Michel Hiriar, président de la Fédération nationale des centres de gestion, afin de développer des outils collectifs et mutualiser la prévention. Nous réfléchissons aussi à une protection sociale complémentaire pour la santé et la prévoyance.

Quatrième promesse employeur, améliorer l'environnement de travail - télétravail, temps de travail, transformation des espaces de travail, sobriété énergétique. Ce peut être un objet de négociation avec les organisations syndicales.

Cinquième chantier, renforcer l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Le Sénat a adopté, à l'unanimité moins deux abstentions, l'index d'égalité professionnelle dans la fonction publique et le principe de nominations équilibrées. Il faut aussi éradiquer les violences sexistes et sexuelles, et améliorer la santé des femmes au travail.

Sixième promesse, travailler sur le logement des fonctionnaires.

Voilà le fondement de notre campagne autour de notre marque employeur et de notre attractivité. Il ne s'agit pas seulement d'affichage. Nous avons lancé une campagne pour les trois versants de la fonction publique, « choisirleservicepublic.fr », pour mettre en synergie les mobilisations autour de cette marque et ses 300 métiers. Nous nous focalisons sur tous les métiers, et pas seulement sur quelques métiers extraordinaires exercés par une ou deux personnes ; ce sont les métiers du quotidien qui font l'extraordinaire du service public.

Il n'y a pas de fatalité. Certes, le nombre de candidats aux concours a été divisé par deux, mais on peut faire bouger les lignes, montrer que la fonction publique bouge. J'ai relancé l'initiative d'un salon de l'emploi public, dans les trois versants de la fonction publique, qui a rassemblé 4 000 personnes. La fonction publique continue d'intéresser.

Mme Catherine Di Folco. - Je me réjouis que vous souhaitiez traiter différemment la fonction publique d'État et les fonctions publiques territoriale et hospitalière. Cela rompt avec la tendance à vouloir toujours tout transposer de l'une aux autres. Dans la première, il n'y a qu'un employeur ; dans les deux autres, 50 000.

Certes, la rémunération ne fait pas seule l'attractivité, mais elle compte. Lorsque nous n'étions pas en plein emploi, la fonction publique était un refuge ; ce n'est plus le cas. Une personne qui entre sur le marché du travail regarde le chiffre sur la feuille de paie, et compare. Au 1er mai, le Smic a augmenté de 38 euros bruts ; cela entraîne un nouveau tassement dans la fonction publique pour les huit premiers échelons de la catégorie C. Il faudra attendre treize ans aux agents en début de carrière pour être augmentés ! Le tassement concerne même la catégorie B. Le premier échelon de la catégorie A n'est plus qu'à 130 euros bruts du Smic. Si ce dernier suit sa dynamique actuelle, le premier échelon de catégorie A sera égal au Smic en 2025. Cela pose un gros problème.

De même, il est plus intéressant pour un travailleur porteur de handicap d'être dans le privé que dans le public : il peut en effet percevoir une allocation compensant la perte de facultés, alors que le public impose de choisir entre la retraite pour invalidité ou un temps partiel sans compensation. Je connais une jeune femme atteinte d'une maladie handicapante qui veut travailler, mais ne peut le faire qu'à temps partiel, avec le traitement qui correspond. Dans le privé, elle aurait eu une compensation. Il faut y remédier.

M. Jérôme Durain. - La fonction publique est effectivement diverse. On pourrait dire qu'il y a deux divisions... Les questions autour de la « promesse employeur » ne se posent pas de la même façon dans de grandes collectivités ou dans les petites communes qui emploient les 19 000 secrétaires de mairie. Avez-vous pu réfléchir à ces myriades de collectivités qui n'ont qu'un ou deux agents ?

S'agissant de l'attractivité, la difficulté à recruter est générale. La société connaît de profondes mutations autour du sens du travail. L'atout de la fonction publique, c'est le sens du service public, l'intérêt général, mais aussi le statut. Face au Big Quit qui frappe le secteur privé, il faut travailler sur l'image du service public. Comment comptez-vous faire ?

M. Cédric Vial. - Effectivement, la trappe à bas salaire est le principal obstacle à l'attractivité, et à la motivation des agents en poste. Oui, il y a des changements sociétaux, et certains jeunes agents refusent d'être titularisés. Le statut n'est plus le graal qu'il était à l'époque du deal : moindre rémunération contre sécurité de l'emploi. Entre la sécurité et la liberté, les jeunes d'aujourd'hui préfèrent la liberté. Ils ont moins peur de perdre leur emploi que d'y rester malgré eux.

Se pose la question du concours, ADN de la fonction publique. Dans le privé, on entre dans l'emploi en fonction de ses diplômes et de son expérience. Dans le public, il n'est pas rare de rencontrer des agents de catégories B et C avec un bac+5. Cela ne facilite pas le management. Un secrétaire de mairie de catégorie C qui veut passer en catégorie B doit passer un concours où on lui demande une note de synthèse sur des sujets sans aucun rapport avec son quotidien... Comme demander à un ouvrier du BTP qui veut plus de responsabilités de passer un examen de couture !

La création d'un statut d'emploi particulier de secrétaire de mairie est une revendication de l'Association des maires de France (AMF). Le cadre d'emploi qui existait a été supprimé. Les secrétaires de mairie eux-mêmes ne veulent pas un emploi fonctionnel. Peut-on créer un statut spécifique qui ne passe ni par le cadre ni par l'emploi fonctionnel ?

S'agissant des rapports entre fonctions publiques, nos relations avec les préfectures sont de plus en plus étroites, mais les interlocuteurs se font de plus en plus rares ; leurs noms disparaissent même des courriers que nous recevons...

Mme Françoise Gatel, présidente. - Oui, nous assistons à un véritable évanouissement !

M. Cédric Vial. - Serait-il possible, comme cela avait été fait lors de la disparition des perceptions, que les secrétaires de mairie aient un référent désigné à la préfecture ?

La nouvelle bonification indiciaire (NBI) a été augmentée de 15 à 30 points pour les secrétaires de mairie de communes de moins de jusqu'à 2 000 habitants. Mais quid des secrétaires de mairies dans les communes de 2 000 à 3 500 habitants ? Certes on peut désigner un directeur général des services (DGS) à partir de 2 000 habitants, mais cette fonction n'est accessible qu'aux agents de catégorie A. Comment corriger cela ?

Enfin, il n'existe pas de rémunération liée à la responsabilité. La NBI est liée à la fonction, le régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep) aux qualités et à la motivation de l'agent. Or des agents de catégorie C, censés être affectés à des tâches d'exécution, se voient confier des responsabilités importantes lorsqu'ils sont secrétaires de mairie. Ne pourrait-on créer une prime de responsabilité comme pour les DGS ?

M. Stanislas Guerini, ministre. - Merci pour ces questions, nous sommes au coeur du sujet.

Madame Di Folco, les chiffres que vous donnez témoignent bien de l'importance du problème. Je les complète : avec l'augmentation du point d'indice de 5 %...

Mme Catherine Di Folco. - Il était effectivement gelé depuis longtemps.

M. Stanislas Guerini, ministre. - En effet, à part une timide parenthèse entre 2016 et 2017.

Avec l'augmentation du point d'indice, plus aucun fonctionnaire n'était payé au Smic. Mais la dynamique du Smic, qui a augmenté de 10 % en un an, a annulé cet effet. Nous avons pris des mesures pour qu'aucun agent public ne soit rémunéré en dessous, en utilisant l'indice minimum de traitement, et non, comme cela était l'usage, en bricolant le régime indemnitaire.

Aujourd'hui, 20 % des agents de la fonction publique - 36 % dans la fonction publique territoriale - sont au niveau du Smic. C'est le premier sujet à traiter, notamment dans nos discussions avec les organisations syndicales. Une augmentation du point d'indice réoxygène les grilles, mais l'augmentation en volume d'euros est inégalitaire : elle est bien inférieure en bas de grille que pour la haute fonction publique. Or nous devons concentrer nos efforts sur les agents les plus touchés par l'inflation, qui frappe plus douloureusement les bas salaires, car elle affecte particulièrement les produits de première nécessité.

Nous devons renforcer l'attractivité pour tous les agents publics, notamment ceux en situation de handicap. Nous avons augmenté leur nombre ; dans ce domaine, les fonctions publiques territoriale et hospitalière sont en avance sur celle d'État.

Concernant l'intégration des apprentis en situation de handicap, nous sommes très en dessous des 6 %, mais nous agissons pour y remédier. Je suis toutefois preneur de vos exemples concrets. Il faut aussi traiter l'enjeu de l'adaptation des postes. C'est le rôle du fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) mais il faut être conventionné pour en bénéficier, or toutes les collectivités ne le sont pas.

Monsieur Durain, vous avez parlé de deux divisions, à juste titre. Disons les choses : il y a parfois des logiques de compétition entre collectivités. Ce phénomène a été renforcé par le fait que, ces dernières années, nous avons fait beaucoup sur le plan indemnitaire, en misant sur la différenciation catégorielle, et peu sur le plan indiciaire. Résultat : la mobilité est empêchée, certains employeurs n'étant pas en mesure de s'aligner. Bien sûr, on peut dire que les employeurs sous-utilisent parfois les outils à leur disposition - j'avais évoqué en séance le Rifseep pour les secrétaires de mairie. Vous m'aviez invité, à raison, à agir sur le plan indiciaire. La convergence primes-points fait partie des discussions nécessaires ; elle doit être examinée en regard de la modulation des parcours de carrière et de la récompense de l'engagement.

Vous avez aussi soulevé l'enjeu de la mutualisation. Il existe 50 000 employeurs territoriaux, et les secrétaires de mairie ont parfois jusqu'à trois ou quatre employeurs. Des outils de mutualisation existent, y compris au niveau des intercommunalités. Nous pourrons débattre d'un meilleur encadrement de l'emploi par une intercommunalité ou par un centre de gestion, mais les textes existent ; il s'agit plutôt de mutualiser les bonnes pratiques.

Monsieur Vial, je vous rejoins sur les trappes à bas salaires. Quel est l'avantage qu'apporte le statut, demandez-vous. La stabilité de l'emploi est devenue quasiment un repoussoir : elle donne le sentiment d'être pieds et poings liés dans une carrière. Les professeurs en sont un bon exemple : certains voudraient rejoindre cette carrière sur le tard, notamment parce qu'ils y trouvent du sens, mais sont rebutés par la faible capacité de la fonction publique à valoriser leur expérience professionnelle - c'est un de mes axes de travail.

En revanche, un avantage rémanent du statut est la diversité des carrières proposées. Entre titulaires et contractuels, il y a une mauvaise différenciation, que nous travaillons à corriger : nous l'avons fait pour les congés maternité, et le projet de loi retraites prévoyait la prise en compte des services des contractuels titularisés - le Conseil constitutionnel a censuré cette mesure, mais je m'engage à trouver un autre véhicule pour concrétiser cette avancée. Mais il y aussi une bonne différenciation, que nous devons assumer : un contractuel est embauché pour une fonction donnée ; l'atout du statut, c'est une diversité de carrières qu'aucun autre employeur ne peut offrir.

Il faut savoir se passer des concours dans certains métiers pour recruter sur titre, notamment quand les compétences terrain priment. Mais le CNFPT et les centres de gestion considèrent qu'il faut être prudent : il est parfois intéressant de maintenir les concours, en les professionnalisant. Nous travaillons dans ces deux directions. Les groupes de travail avec les employeurs territoriaux ont abouti à de premières avancées : suppression des épreuves d'admissibilité pour les cadres d'emploi de la filière médicosociale, suppression des concours pour les assistants territoriaux socioéducatifs, les éducateurs territoriaux de jeunes enfants, les cadres territoriaux de santé paramédicaux et les infirmiers territoriaux en soins généraux. Nous poursuivrons ce travail de bon sens issu du terrain.

En ce qui concerne les secrétaires de mairie, je pense, comme vous, que la recréation d'un emploi fonctionnel n'est pas souhaitable. Revenir à un cadre d'emploi spécifique conduirait à un trop grand cloisonnement : n'enfermons pas les secrétaires de mairie dans un parcours, encourageons plutôt la fluidité, par exemple avec les espaces France Services ou, à terme, des fonctions de DGS. Je crois à la notion d'affectation fonctionnelle, qui recouvre la technicité et l'engagement particuliers liés à l'exercice de ce métier. Nous débattrons en séance des possibilités de promotion et de valorisation dans la rémunération : je suis favorable à ce que vous proposez, mais il faudra étudier les modalités. En tout cas, exercer ce métier doit être facteur d'accélération de carrière, avec un niveau de rémunération cranté. Affectation fonctionnelle et accélération de carrière : telle est ma philosophie.

La question des interactions entre l'administration territoriale et l'État déconcentré est fondamentale. Le second doit être renforcé, après avoir rendu de 20 000 à 30 000 postes depuis vingt ou trente ans. Au niveau départemental, l'administration déconcentrée compte 50 000 agents, une puissance de feu moindre que par le passé, ce qui met parfois en difficulté ses partenaires.

Mme Françoise Gatel, présidente. - « Parfois » est en trop...

M. Stanislas Guerini, ministre. - Dans un contexte de stabilité d'emplois - le programme d'Emmanuel Macron en 2022 n'était pas celui de 2017 et je n'ai pas pour mandat de réduire les effectifs -, nous devons, par la performance, dégager des marges de manoeuvre pour renvoyer des postes en administration déconcentrée. Nous visons 2 600 postes déconcentrés supplémentaires d'ici 2026. Nous donnons aussi une latitude d'action aux préfets de région avec les plateformes régionales RH et la règle des 3 % de marge de manoeuvre modulée. Bref, pas de big-bang de l'administration territoriale, mais des moyens renforcés et une animation à l'échelle des bassins de vie par les plateformes régionales et les comités locaux de l'emploi public, auxquels je crois beaucoup.

Par ailleurs, le Gouvernement vient de décider la nomination dans chaque préfecture d'un sous-préfet chargé de l'accès aux services publics et de leur qualité. Nous renforçons aussi le réseau France Services en améliorant sa mutualisation avec les autres réseaux de services publics. Des postes d'animateur de ce réseau se développent, souvent à l'initiative des départements : l'État, qui finançait un demi-ETP par département, financera désormais un ETP complet. Ces animateurs me semblent avoir vocation à être les correspondants des secrétaires de mairie. Nous devons travailler en meute, si je puis dire, pour mieux répondre aux attentes de nos concitoyens.

S'agissant enfin des NBI, nous en discuterons dans le cadre du débat global sur l'accélération de carrière des secrétaires de mairie. Parfois, les quinze points de NBI ne sont pas appliqués : il y a d'abord un problème d'effectivité de la loi sur ce point.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous pratiquons envers certaines structures de l'État, comme l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), une filature exigeante et bienveillante. Nous suivrons également de près ces questions.

Au-delà des moyens, il y a un enjeu d'articulation et de fluidité entre France Services et les services municipaux.

Oui, le statut apparaît aujourd'hui comme un élément d'emprisonnement, notamment pour les jeunes ; de même, dans le privé, certains refusent des CDI, leur préférant des CDD ou l'intérim, pour préserver leur liberté.

M. Antoine Lefèvre. - Dans ses travaux sur la formation dans la fonction publique territoriale, notre délégation s'est intéressée à l'Allemagne et à l'Autriche, où l'apprentissage est bien plus développé, y compris dans les métiers administratifs. En France, l'apprentissage est confiné aux centres techniques municipaux, or c'est une voie de découverte des métiers de la fonction publique territoriale pour les jeunes.

Pour retrouver de l'attractivité, il faut aussi une certaine fluidité dans le recours aux contractuels. Rapporteur spécial de la mission « Justice », j'ai eu l'occasion d'examiner les propositions du garde des sceaux pour faciliter leur recrutement dans la pénitentiaire. Vous avez parlé d'enfermement dans le statut, et il est vrai que les jeunes ne veulent pas être gardiens de prison toute leur vie. En revanche, ceux qui travaillent dans la sécurité peuvent être attirés par ce métier qui offre une plus grande diversité que celui de chef des vigiles dans un centre commercial, par exemple.

Concernant la meilleure prise en compte des parcours, je déplore, moi qui ai été maire, qu'un parcours antérieur dans le privé soit pénalisant pour la remise de la médaille d'honneur régionale, départementale ou communale. C'est symbolique, mais important.

Enfin, l'idée de créer un sous-préfet référent est peut-être bonne, mais attention à ne pas trop solliciter nos sous-préfectures.... Voyons d'abord l'effectivité.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Nous avons des solutions à vous proposer !

Mme Sylvie Robert. - Je partage beaucoup de constats et réflexions. Vice-présidente de la commission de la culture, je suis frappée de la manière dont on parle de la fonction publique : il y a un problème d'image. La fonction publique, territoriale ou d'État, peut être innovante, or ce n'est pas ce que l'on entend.

À Rennes, nous avions mis en place une plateforme de mobilité interne dont l'attractivité auprès des agents m'a frappée. C'est une promesse d'évolution ou de changement.

J'ai aussi pris connaissance avec intérêt des propositions formulées il y a deux ans par des étudiants de Sciences Po Paris et AgroParisTech, entre autres, pour rendre la fonction publique plus inspirante. À Rennes, j'avais mis en place un Bureau des temps, il y a fort longtemps. La conciliation des temps - ceux des services publics, des agents, des citoyens - est un enjeu important pour faire entrer les jeunes dans la fonction publique, or je ne vois guère de collectivités qui y travaillent.

Il faut aussi prendre en compte l'engagement, le sentiment d'être utile, auxquels les jeunes sont très sensibles.

En tant que vice-présidente de la région Bretagne, j'avais travaillé en 2008 sur la création de la 27ème Région, qui vise à faire évoluer les organisations par l'innovation publique. Il faudrait s'inspirer de ce type de projets pour montrer que la fonction publique est innovante.

En revanche, je suis assez dubitative sur le numérique. En tant que membre du collège de la Cnil, je constate qu'il reste beaucoup à faire en termes de bon usage du numérique et de cyberattaques.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Je rappelle à ce propos que notre délégation a travaillé avec la délégation aux entreprises sur la cybersécurité dans les organisations. Au sein des collectivités, des hôpitaux et d'autres établissements, cette fonction monte en puissance. Il y a là un gisement de nouveaux métiers.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Il est indispensable de développer l'emploi des personnes en situation de handicap dans la fonction publique. Nous allons publier, au mois de juin, un décret refondu sur la titularisation des apprentis en situation de handicap, car la réglementation en vigueur est mal formulée et mal appliquée.

Mme Catherine Di Folco- Il s'agissait, je crois, d'une expérimentation.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Le décret clarifiera les modalités et élargira l'application du dispositif.

Lorsque la volonté est partagée entre l'employeur et l'apprenti, après une durée d'apprentissage qui peut aller jusqu'à deux ans, il ne doit pas y avoir d'obstacle à la titularisation. Nous avons 30 000 apprentis dans la fonction publique, dont 12 000, bientôt, dans la territoriale. Les enjeux financiers sont connus, et j'ai maintenu l'engagement de mon ministère pour trois ans afin de donner de la visibilité. Il y a aussi des enjeux de cadre d'exercice. Nous avons sorti les apprentis du plafond d'emplois dans les ministères, et numérisé les contrats d'apprentissage - sur ce point, nous sommes en avance de phase sur le privé. C'est un des leviers possibles.

Concernant les contractuels, le travail sur la filière des métiers de la sécurité est un très bon exemple de ce qu'il faudrait faire, en matière d'accès à la fonction publique et de rémunération. Il faut raisonner par univers professionnel plutôt que par statut, pour développer des fluidités. Aujourd'hui, 25 % des surveillants pénitentiaires sont embauchés sans le bac. Le passage à la catégorie B est une revendication de longue date des organisations représentatives, mais en l'état ce serait une fausse bonne idée, car la catégorie B exige le bac. On risquerait ainsi de fermer les viviers. Il a donc été décidé, avec le garde des Sceaux, de permettre un recrutement au contrat en début de carrière, et d'élever par la suite le niveau des missions qui seront confiées à la filière pénitentiaire, notamment sur les enjeux de réinsertion et de réhabilitation ; ce qui justifiera, à terme, le passage à la catégorie B. C'est ainsi qu'il faut raisonner, et le garde des Sceaux a obtenu des arbitrages en ce sens, avec un retour favorable des organisations syndicales.

Monsieur Lefèvre, j'ignorais qu'un passage dans le privé interdisait de recevoir la médaille du travail : c'est symbolique, mais représentatif d'une philosophie selon laquelle quitter un temps la fonction publique serait condamnable.

M. Antoine Lefèvre. - C'est anti-fluidité !

M. Stanislas Guerini, ministre. - On peut très bien acquérir des compétences dans le privé à un moment donné, puis les mettre au service de la fonction publique.

Sur le recours aux cabinets de conseil, je suis pour la réinternalisation des compétences, mais les bonnes intentions sont parfois contreproductives. Les règles de déontologie imposées à ceux qui voudraient quitter le monde du conseil pour rejoindre la fonction publique sont telles qu'elles rendent impossible tout aller-retour entre le public et le privé. Cela vaut pour les fonctionnaires comme pour les ministres. Trop souvent, on présente un passage par le privé comme un abominable pantouflage. Attention à ces facilités populistes.

Mme Sylvie Robert. - Idem pour les élus !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Madame Robert, je partage toutes vos remarques. La façon dont on présente la fonction publique est essentielle. Arrêtons avec le fonctionnaire-bashing ! Dans le débat public, on ne parle des fonctionnaires que pour appeler à en supprimer : cela ne fait pas du bien. Il faut être lucide sur les difficultés, réelles, mais aussi rappeler les initiatives formidables, car nous sommes souvent en avance de phase. Je connais les laboratoires d'initiative territoriale - j'ai échangé, à l'IRA de Nantes, avec la 27ème Région. Nous n'avons pas à rougir de notre capacité d'innovation ; l'enjeu est désormais de fédérer et de se donner les moyens pour passer à l'échelle. C'est l'objet du fonds pour la transformation de l'action publique, pour lequel j'ai obtenu 330 millions d'euros sur les trois prochaines années, afin de mieux financer les initiatives déconcentrées et partenariales entre l'État et les collectivités territoriales, avec un guichet dédié à ces initiatives territoriales.

Mme Sylvie Robert. - Je l'ignorais. Merci !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Je ne reviens pas sur les plateformes territoriales.

Les défis à relever, les transformations en cours, voilà quel doit être l'axe de communication de la fonction publique. Nombre de fonctionnaires ont la nostalgie de la période du covid, de ce que nous avons su faire à cette période : nous avons su travailler différemment, piloter par objectifs clairs, en partant du terrain, fédérer les énergies, décloisonner, raccourcir l'échelle hiérarchique, réhabiliter le droit à l'erreur pour les agents, leur capacité à prendre des initiatives, à déroger aux règles... La Première ministre a rappelé aux préfets qu'ils avaient des capacités de dérogation, qui étaient sous-utilisées. On impose aux CHU de démontrer, tous les cinq ans, qu'ils pratiquent la chirurgie : c'est absurde. Évitons la paperasse administrative.

Aujourd'hui, les planètes sont alignées. Le Conseil d'État consacre son cycle d'études à toutes les dérogations autorisées pendant le Covid qui méritent d'être conservées. C'est une occasion exceptionnelle de simplification normative.

Quel que soit notre bord politique, sur ces sujets, nous parlons la même langue. Nous disons tous qu'il faut réinvestir, renforcer la puissance publique sur les territoires, que le laisser-faire n'est plus une option. L'ère du new public management, où l'on externalisait à tout va, est derrière nous, mais la fonction publique ne peut pas non plus agir seule dans son coin, sans imaginer de partenariats, y compris avec le privé.

La fonction publique doit être un levier pour les grandes transitions : c'est très engageant pour les jeunes générations. Nous avons lancé une formation approfondie, de trois jours, sur la transition écologique pour les cadres de la fonction publique d'État ; elle sera étendue aux deux autres versants. C'est un boulevard pour redonner du sens à l'action publique ! L'enjeu de la planification écologique dépasse tous les autres ; il peut irriguer toute notre action, y compris sur le sujet de la rémunération. Je souhaite mettre en place des plans d'intéressement dans la fonction publique pour récompenser la performance collective : la mobilisation pour la transition écologique pourrait être un critère. Nous pouvons devenir l'employeur le plus attractif du pays ! Les jeunes diplômés, de l'X ou de Sciences Po par exemple, réclament du sens, et les signaux faibles indiquent que le service public retrouve de la vigueur auprès d'eux. Les jeunes polytechniciens choisissent un peu moins la banque et le conseil, un peu plus le service public. Il n'y a jamais eu autant de candidats à l'Institut national du service public (INSP) que depuis la création de l'ENA.

Mme Françoise Gatel, présidente. - La Première ministre a raison de rappeler aux préfets qu'ils ont la faculté de déroger. C'est un sujet cher à la délégation, qui a commis un rapport sur les services déconcentrés - mais ceux-ci ne peuvent déroger qu'avec l'accord de l'administration centrale ! Cela interdit toute action rapide. Il faut lâcher un peu de lest.

Mme Christine Lavarde. - La question de l'avenir des corps techniques, que nous suivons depuis longtemps avec Mme Di Folco, n'est toujours pas tranchée depuis la création de l'INSP. Vous nous jugerez conservatrices, mais pour nous, il faut conserver les filières techniques existantes, qui alimenteront demain le Cerema. Construire des routes et des ponts, ce n'est pas la même chose qu'être magistrat !

Les métiers de la fonction publique indispensables au vivre ensemble sont plus mal payés que leur équivalent dans le privé : professionnel de la petite enfance versus assistantes maternelles à domicile, policiers municipaux versus agents de sécurité, etc. Je suis élue d'un département urbain dense, où l'immobilier coûte très cher. Impossible pour eux, avec leurs rémunérations, de se loger là où ils travaillent.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument !

Mme Christine Lavarde. - Dans ma commune, les personnels des crèches sont contraints d'habiter parfois à plus de 100 km ! Nous cherchons désespérément des solutions pour améliorer leur rémunération, mais nous nous heurtons à la jurisprudence de la chambre régionale des comptes. Résultat, des centaines de berceaux sont gelés, le foncier est vide, les familles ne trouvent pas de solution de garde, car les postes restent vacants !

M. le ministre Jean-Christophe Combe n'a pas d'idées, semble-t-il. Peut-être en avez-vous ?

Mme Françoise Gatel, présidente. - Au Sénat, nous n'en manquons pas !

Mme Nadine Bellurot. - Le binôme maire-secrétaire de mairie est crucial, notamment dans les communes rurales. En 2026 se tiendront les élections municipales. Or le mandat électif ne fait plus envie ; certains risquent de renoncer à se porter candidats s'ils n'ont pas la certitude d'avoir à leurs côtés un secrétaire de mairie pour les épauler. Il faut envoyer des signaux, susciter les vocations, pour inciter ceux qui sont prêts à se lever pour continuer à faire vivre notre République.

M. Stanislas Guerini, ministre. - En effet, et nous poursuivrons le débat sur les secrétaires de mairie.

Madame Lavarde, j'ai plein d'idées ! Certaines coûtent un peu d'argent... Sur les corps techniques, le travail mené ces derniers mois sera finalisé par la déléguée interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (Diese), Émilie Piette. Je n'ai pas d'obsession de la symétrie entre administrateurs de l'État et ingénieurs de l'État. Ces derniers ont des spécificités à assumer, à valoriser. L'Insee, les Ponts et Chaussées, les Mines, les ingénieurs de l'armement partagent des éléments communs ; il faut offrir des carrières diversifiées, plus interministérielles, moins en silo. Une compétence technique d'ingénieur sur la transition écologique peut être exercée un jour au ministère de l'agriculture, demain à Bercy, ou dans une Dreal. L'enjeu maîtrise d'ouvrage est plus important que l'enjeu stratégique. Nous manquons d'ingénieurs : il faut plus de rameurs, moins de barreurs !

Parcours, convergence statutaire, grille de rémunération à harmoniser par le haut : voilà ce qu'il faut embarquer, pour une gestion harmonisée des corps d'ingénieurs de l'État, en respectant leurs spécificités. Nous conserverons ce qui marche. Le pilotage des carrières existe, par exemple aux Mines, même s'il est parfois un peu corporatiste...

Mme Christine Lavarde. - Il y a des passerelles vers les Ponts !

M. Stanislas Guerini, ministre. - Quelle largesse !

Il faut renforcer notre attractivité, car les élèves qui sortent de l'X ne rejoignent pas tous la fonction publique, contrairement à ceux qui sortent de l'INSP. Je souhaite une gestion par pôles de compétence, autour des métiers de la data, de l'économétrie, de la transition écologique, qui pourrait être confiée à la Diese, pour favoriser la convergence, sans mélanger administrateurs et ingénieurs de l'État mais avec des parcours plus transversaux. Nous mènerons ce travail en 2023, pour lancer la réforme des corps techniques en 2024. Il y a un attendu sur l'aspect indiciaire. Pour les administrateurs de l'État, j'ai assumé une harmonisation par le haut, qui va de pair avec plus de rémunération variable.

Je vous rejoins sur les métiers qui peinent à recruter. En Seine-Saint-Denis, la question n'est pas de créer des emplois mais de les pourvoir, par exemple dans les services de protection maternelle infantile services de protection maternelle infantile (PMI). En attendant les transformations structurelles, nous avons besoin de démonstrateurs, pour avancer rapidement. C'est pourquoi je me réjouis du débat à venir sur les secrétaires de mairie. Nous travaillons également, avec Dominique Faure, sur le régime indemnitaire de la police municipale. Je songe aussi à la charte d'engagement pour les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem). Il faut éviter la mauvaise différenciation et assumer la bonne différenciation. Les enjeux territoriaux sont centraux, à commencer par celui de la vie chère. La cartographie de l'indemnité de résidence ne colle plus forcément à la réalité. Une remise à plat se chiffrerait en milliards d'euros, mais il faut pouvoir appréhender ces sujets, notamment la question du logement.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Absolument.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Je souhaite avancer, dans trois directions. D'abord, le pilotage de l'offre, car on fonctionne, là encore, en silo. L'Armée a une politique du logement, l'Intérieur aussi, mais d'autres ministères n'en ont aucune. Dès juin, je lancerai avec Gabriel Attal et Olivier Klein le comité interministériel du logement des fonctionnaires pour mettre en place une offre plus désilotée, en embarquant les collectivités territoriales.

Deuxième axe, des baux spécifiques pour les fonctionnaires, dont l'accès au logement social ou intermédiaire se heurte à de nombreuses rigidités. Peut-être faudra-t-il faire évoluer la loi.

Troisième axe, augmenter l'offre de logement, notamment intermédiaire, réservé aux fonctionnaires. Des initiatives peuvent être prises. S'agissant du versant hospitalier, nous investissons, avec les ARS et l'APHP, 80 millions d'euros dans des programmes en contractualisant avec des opérateurs, y compris en libérant du foncier de l'État. Nous rencontrons les acteurs du logement pour voir l'offre à développer, avec une logique de logements réservés pour les soignants, les policiers ou les professionnels de la petite enfance. Limiter les déplacements est un enjeu à la fois de qualité de vie au travail, de pouvoir d'achat et d'écologie. Je ne reste pas les bras ballants !

Mme Christine Lavarde. - Merci pour cette réponse très complète, mais dans certaines zones, on se heurte à l'absence de foncier disponible. Le logement intermédiaire n'entre pas dans le quota SRU. Une commune qui se voit prélever 8 à 10 millions d'euros par an ne va pas construire du logement hors SRU !

Sur les rémunérations, il faut aller plus loin. Un exemple : les sapeurs-pompiers, qui sont des militaires, peuvent concentrer leurs astreintes sur trois jours, pendant lesquels ils dorment à la caserne, et passer le reste de la semaine chez eux, à 150 kilomètres de Paris. Les policiers municipaux exercent un métier très proche, mais ne peuvent se voir appliquer le même régime, puisqu'ils dépendent du code de la fonction publique. Il faut trouver des solutions alternatives quand on ne peut pas construire. À Boulogne, il n'y a pas de foncier !

Mme Françoise Gatel, présidente. - Les préfets disposent d'un quota du parc de logement social. Il faut en élargir l'accès aux fonctionnaires. Non pour leur accorder des avantages, mais pour que le service public puisse être rendu !

Mme Catherine Di Folco. - La suppression de la phase d'admissibilité pour certains concours de la fonction publique partait d'une bonne intention, mais pour le concours d'Atsem, ce fut une catastrophe. Le concours se résume désormais à un entretien de vingt minutes. Un candidat bien préparé, qui présente bien, aura 18/20 - mais il y a 300 candidats pour 50 postes. Pour être reçu, il faut 19 ou 19,5 ! Résultat, on a créé des cohortes de frustrés, recalés malgré un très bon entretien. La phase d'admissibilité permettait un écrémage.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Ma réponse sera de méthode : il faut partir de la situation du terrain, des critères d'admissibilité actuels, du nombre de candidats, et travailler avec les employeurs territoriaux.

Mme Catherine Di Folco. - J'alerterai la conférence des employeurs territoriaux. Certains ont sans doute, comme moi, fait passer ces concours.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Il faudra aussi associer les syndicats...

Mme Françoise Gatel, présidente. - Merci, monsieur le ministre, d'avoir répondu à notre invitation et pour cet échange franc et qualitatif sur des questions complexes. Il n'y a pas de solution miracle, et l'enfer est parfois pavé de bonnes intentions. Il faut être imaginatif pour apporter des réponses. Merci pour votre engagement, qui transparait dans vos propos. Vous êtes au coeur de l'efficacité de l'action publique, qui est le levier du rétablissement de la confiance et de la cohésion sociale. Merci.

M. Stanislas Guerini, ministre. - Merci à vous.

Mme Françoise Gatel, présidente. - Vous ferez l'objet d'une filature de notre part !

La réunion est close à 12 h 15.