Mercredi 24 mai 2023

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Mission relative à la création d'une gouvernance hospitalière assurée par un tandem administratif et médical - Audition de Mme Nadiège Baille et du professeur Olivier Claris

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous allons consacrer nos travaux, ce matin, à la gouvernance hospitalière, sujet important qui a été remis à l'ordre du jour par le Président de la République.

Au préalable, je tiens à revenir sur le drame de Reims qui a endeuillé la communauté hospitalière. Nous adressons nos pensées émues à la famille de l'infirmière qui a été tuée et nous souhaitons un bon rétablissement à la secrétaire médicale qui a été blessée. Ce drame s'inscrit dans un contexte de violence disséminée ; il suscite l'émotion de tous les Français. Les membres de la commission des affaires sociales assurent les familles des victimes de tout leur soutien.

Pour en revenir au sujet de notre réunion, nous connaissons tous le malaise de la communauté hospitalière, qui avait d'ailleurs commencé avant la crise de covid-19.

Si la question des moyens financiers est importante, le Ségur de la santé a bien montré que les conditions de travail et la gouvernance étaient aussi des enjeux cruciaux. Le rapport de la commission d'enquête sur la situation de l'hôpital, dont j'étais rapporteure et que présidait Bernard Jomier, l'avait mis en évidence.

Nous sommes heureux de recevoir Mme Nadiège Baille et le professeur Olivier Claris, que le Gouvernement a chargés d'une mission relative à la création d'une gouvernance hospitalière assurée par un tandem administratif et médical. En effet, lors de ses voeux aux professionnels de santé, le Président de la République avait mentionné l'importance de ce sujet, alors même qu'il était déjà traité dans votre dernier rapport et que la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite « loi Rist » prévoit des assouplissements. Mais tel est le choix du Président de la République.

Madame, Monsieur, je vous invite à nous présenter, dans un propos liminaire, vos travaux, les conclusions auxquelles vous êtes parvenus, ainsi que les conditions concrètes et le calendrier de mise en oeuvre de vos préconisations.

Mme Nadiège Baille. - Dans un courrier en date du 17 février dernier, le ministre de la santé nous a missionnés pour conduire une concertation sur la rénovation de la gouvernance hospitalière, en examinant les conditions de création d'un tandem de direction et son articulation avec l'ensemble des parties prenantes, à savoir les coordonnateurs généraux des soins, les doyens des centres hospitaliers universitaires (CHU), mais aussi les instances de l'établissement, dont le conseil de surveillance, cité comme devant faire l'objet d'une attention particulière dans nos travaux.

Avec le professeur Claris, nous avons défini les modalités de cette concertation durant les mois de février et mars derniers. Je précise que nous avions travaillé ensemble lorsque j'étais directrice générale adjointe des Hospices Civils de Lyon.

Nous avons entendu en audition plus de 90 personnes entre les mois de mars et avril, dont les conférences de présidents de commissions médicales d'établissement (CME), les conférences de directeurs, les organisations syndicales de médecins et de directeurs, les associations professionnelles - celle des directeurs d'hôpital (ADH) et celles représentant les coordonnateurs des soins et les cadres infirmiers -, les représentants de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et ceux de Régions de France, France Universités, ainsi que les élèves directeurs d'hôpital et deux syndicats représentatifs des internes, car nous souhaitions savoir comment les jeunes professionnels se projetaient dans un fonctionnement collégial des établissements de santé.

Un certain nombre de principes nous ont guidés pour examiner les différents scénarios et pour identifier les sujets à prendre en compte.

Le premier principe porte sur l'opérationnalité : quelle est l'efficacité du dispositif de décision ? Comment le scénario de gouvernance fonctionne-t-il en cas de difficulté ?

Le deuxième principe concerne l'adaptabilité du scénario en fonction de la taille des établissements. Les questions ne se posent pas de la même façon selon que l'on exerce en centre hospitalier, en établissement support de groupement hospitalier de territoire (GHT) ou bien en hôpital de proximité.

Le troisième principe a pour objet la mise en oeuvre des scénarios, c'est-à-dire les compétences et le vivier disponibles pour le faire. En effet, l'on recense 800 centres hospitaliers et 1 200 si l'on intègre les centres de proximité. Or il n'y a pas 1 200 praticiens ou médecins mobilisables sur des fonctions de direction.

M. Olivier Claris. - Nous avons réalisé 29 auditions entre le 28 février et le 27 mars derniers. À chaque fois, nous avons commencé par une analyse sémantique des mots « duo », « tandem » et « binôme » pour éviter tout contresens. Globalement, nous avons constaté que l'on pouvait utiliser un mot pour un autre. Nous avons surtout exposé à ceux que nous recevions en audition différents scénarios, en veillant à ne pas passer à côté d'une hypothèse importante.

Les cinq scénarios sur lesquels nous avons travaillé se répartissent en deux catégories. Premièrement, le tandem partiel donne lieu à trois hypothèses : l'association d'un directeur général et d'un président de CME aux fonctions renforcées ; un binôme où le directeur général est un médecin ; l'association d'un directeur d'hôpital exerçant les fonctions de directeur général et d'un médecin qui sera directeur général adjoint.

Deuxièmement, le tandem intégral signifie que la responsabilité est partagée à tous les niveaux. La responsabilité du chef d'établissement est personnelle en matière légale et financière. En théorie, cette possibilité est envisageable. Soit le tandem intégral est constitué du directeur général et du président de CME, soit il est formé par le directeur général et par un médecin qui a le titre de directeur médical et qui est nommé.

Au départ, l'ensemble des partenaires ne voyaient pas la nécessité de rouvrir le dossier de la gouvernance alors que des textes existent déjà sur le sujet, qui ne sont pas encore appliqués sans qu'on sache pourquoi. Toutefois, le Président de la République s'est exprimé et il convient de répondre à la commande passée.

Mme Nadiège Baille. - À ces réticences initiales, il faut ajouter les difficultés du fonctionnement hospitalier, qui se sont manifestées récemment. En outre, nous avons reçu un courrier conjoint des conférences de la fédération hospitalière de France où l'on nous expliquait que le tandem était déjà en place.

Toutefois, les auditions ont fait apparaître des possibilités d'amélioration, puisque les conférences de directeurs ont suggéré des évolutions pour résoudre les difficultés rémanentes auxquelles donne lieu le binôme du médecin et du directeur d'établissement.

Nous avons reçu les conférences de directeurs de centres hospitaliers et les conférences de présidents de CME de centres hospitaliers, chacune d'entre elles ayant conduit une enquête auprès de leurs collègues sur le fonctionnement de la gouvernance hospitalière, sur l'implication de chacun dans le schéma de décision et sur la manière dont serait perçu un directeur nommé ou bien un directeur élu pour porter la politique médicale de l'établissement.

Au cours de ces enquêtes, il est apparu que les ressentis pouvaient varier. Ainsi, les conférences de présidents de CME ont relayé des difficultés liées à un manque de matériel dans l'organisation de leurs missions. En outre, certains présidents de CME ont exprimé le souhait d'être davantage impliqués dans les prises de décision. En revanche, dans les conférences de directeurs de centres hospitaliers, ceux que nous avons interrogés considèrent à 94 % que tous les présidents de CME sont impliqués dans les prises de décision.

Nous avons également identifié des différences entre les centres hospitaliers universitaires, où le binôme fonctionne bien, et les centres hospitaliers où l'on constate des écarts de ressenti entre ceux qui exercent la gouvernance.

Nous avons également travaillé sur le modèle des centres de lutte contre le cancer (CLCC), qui fonctionne en faisant intervenir un médecin nommé, que cela résulte d'un choix ou bien d'une élection. Nous souhaitions étudier la possibilité de transposer ce modèle dans les établissements publics.

À l'issue de ce travail, nous avons constaté plusieurs points d'écart structurants. Tout d'abord, la sociologie interne varie selon que la commission médicale d'établissement intervient dans un centre hospitalier, dans un établissement public de santé ou dans un centre de lutte contre le cancer. Le président de la CME en centre hospitalier ou en CHU est élu par ses pairs et exerce ses fonctions sans lien hiérarchique avec le directeur d'établissement. Il représente la communauté médicale tout en contribuant aux prises de décision. Dans les centres de lutte contre le cancer, le directeur général est un médecin, il pilote la politique de l'établissement dans tous ses enjeux et il exerce une autorité hiérarchique sur l'ensemble de la communauté médicale, recrutant et évaluant les médecins. De plus, le président de la CME représente la communauté médicale, mais sans avoir d'influence sur les décisions stratégiques prises par le directeur général du CLCC.

Ensuite, à la différence des CLCC, les centres hospitaliers et les centres hospitaliers universitaires ne prévoient pas de prise en charge unique, mais autant de parcours que nécessaires pour assurer la prise en charge de l'urgence, celle d'une activité programmée, celle du cancer ou du vieillissement. Il peut être complexe d'aligner une communauté médicale dans de telles conditions, ce qui justifie que le président de la CME puisse faire la synthèse.

Enfin, les communautés médicales d'établissement traitent ces sujets non pas sous l'angle d'une revendication individuelle ou catégorielle, mais en privilégiant la priorité d'établissement.

Par conséquent, la transposition du modèle des CLCC sur celui des centres hospitaliers ou des centres hospitaliers universitaires ne semble justifiée ni d'un point de vue sociologique ni pour répondre aux besoins stratégiques des établissements. Si ce modèle devait être imposé, il susciterait une franche opposition de la part des présidents de CME et des directeurs d'établissement.

Les auditions ont également montré que des besoins nouveaux s'exprimaient en matière de compétences, de temps et de disponibilité médicale, que l'on traitait de manière différente selon les établissements : c'est tout l'enjeu de la question territoriale qui pèse particulièrement sur les centres hospitaliers, établissements supports, ainsi que sur les CHU, qui oeuvrent en lien avec l'ensemble des établissements publics de santé et avec la médecine de ville. La question de la disponibilité médicale n'est pas résolue. Dans les CHU, les présidents de CME consacrent 90 % de leur temps à leurs fonctions ; dans les centres hospitaliers, le taux est plutôt de 50 %. Des marges d'évolution existent en matière de compétences, à partir desquelles nous avons cherché à construire un nouveau schéma de gouvernance.

M. Olivier Claris. - L'Institut Gustave Roussy, soit le plus grand des CLCC, emploie 3 000 personnes, ce qui correspond à l'effectif d'un petit centre hospitalier. Cela compte dans la définition du mode de direction.

Que privilégier pour la constitution du tandem : un médecin élu ou bien nommé ? Le médecin élu par ses pairs aura une légitimité plus forte. Il faut aussi considérer le rôle important joué par le directeur central des soins, puisque les soignants non médicaux représentent au moins 55 % du personnel salarié dans la plupart des établissements. Plus qu'un tandem, il faudrait un trio ou un quatuor. Toutefois, il faut veiller à ne pas multiplier les intervenants, au risque de complexifier les relations humaines.

En revanche, dans les agences régionales de santé (ARS), on considère que si un président de CME vient à dysfonctionner, le directeur général de l'agence ne pourra rien faire, alors qu'il est possible d'intervenir sur un médecin nommé. Il faut donc peser les avantages et les inconvénients de chaque option.

M. Alain Milon. - Pour combien de temps le médecin est-il élu ?

M. Olivier Claris. - Pour quatre ans, en pouvant être réélu.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Un médecin nommé peut être démis à chaque instant...

M. Olivier Claris. - Un président de CME qui ne tiendrait plus son rôle et tomberait sous la dépendance d'un directeur médical nommé risquerait de voir ses foncions réduites à celles de représentant de la communauté médicale et de mener une action de type syndical avec pour dérive une possible radicalisation de la CME, ce qui ne favoriserait pas le bon fonctionnement de l'hôpital.

Il nous paraît donc important d'insister sur le fait qu'une assemblée médicale doit être informée du rôle que joue le président de CME : non seulement celui-ci représente le corps médical qui l'a élu, mais il exerce aussi un rôle de dirigeant, c'est-à-dire qu'il est impliqué dans le fonctionnement médical dont il connaît le mode de fonctionnement et les impératifs. Remplacer le directeur général par un médecin ne suffira pas pour résoudre le problème essentiel que représente le financement de la santé en général. En effet, le directeur général, qu'il soit médecin ou pas, devra faire avec le financement que l'État lui donne. Le président de CME doit s'impliquer dans son rôle de dirigeant et doit être capable d'expliquer à sa communauté médicale les impératifs auxquels il est soumis.

En outre, le directeur général et le président de CME doivent travailler ensemble et être capables de gérer leurs éventuels désaccords dans l'intérêt des patients.

Mme Nadiège Baille. - Le métier de directeur d'hôpital s'apprend tout comme la compétence incrémentale.

Un autre enjeu porte sur la responsabilité, d'autant que l'engagement des chefs d'établissement a été renforcé, récemment. Certains d'entre eux ont ainsi été poursuivis au pénal pour des recrutements d'intérimaires médicaux, alors qu'il s'agissait simplement d'assurer la permanence des soins dans leur établissement. La responsabilité personnelle des chefs d'établissement a également été renforcée sur les frais de gestion.

Pour ne pas brouiller les pistes dans le processus de décision, il est important de conserver un décideur unique et d'assortir la prise de décision d'un engagement en matière de responsabilité. Si 48 % des présidents de CME sont prêts à endosser des responsabilités supplémentaires, 52 % d'entre eux ne le sont pas.

Nous promouvons un modèle où l'on maintient un décideur unique, qui travaillera de manière plus concertée et plus lisible avec le médecin, président de la commission médicale d'établissement, tout en renforçant le rôle des doyens dans les CHU et celui des directeurs de soins, et en traitant la question du territoire.

La remise officielle de notre rapport interviendra au début du mois de juin prochain.

M. Olivier Claris. - Lors de son passage, hier, à SantExpo, le ministre de la santé a insisté sur la place du service et le rôle du tandem constitué par le chef de service et le cadre de santé, sur l'insuffisance des progrès réalisés dans l'organisation de l'hôpital malgré les textes publiés en 2021 et sur l'importance d'un duo faisant intervenir un directeur général d'établissement et un président de CME.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Pour ce qui est de l'aspect sémantique, l'un d'entre nous me rappelait que sur un tandem, il y avait deux personnes pour pédaler mais un seul conducteur. (Sourires.)

M. Olivier Claris. - Tous les dictionnaires renvoient au mot « duo » à l'article « tandem » et au mot « tandem » à l'article « duo ».

Mme Catherine Deroche, présidente. - Dans le cadre de notre commission d'enquête, nous étions allés au centre hospitalier de Valenciennes, souvent qualifié de « polaire » ou « magnétique », où nous avions pu constater que la collaboration entre le directeur général et le président de CME fonctionnait même si certains médecins n'avaient pas forcément envie d'entrer dans des fonctions administratives. Les difficultés sont très souvent liées à des problèmes de personnes qu'il suffirait de trancher pour éviter que la situation ne pourrisse.

En revanche, il faudrait un changement majeur sur le fait que les décisions sont désormais ascendantes et non plus descendantes.

M. Alain Milon. - À vous entendre, il semble difficile de faire des propositions. Pourquoi le Président de la République veut-il faire des changements alors que le duo formé par le directeur général et le président de CME est en train de se mettre en place ? Je préside la Fédération hospitalière de France de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (FHF Paca) et ce duo fonctionne bien. La difficulté vient plutôt de la responsabilité morale que l'on veut donner aux GHT sans savoir qui les dirigera ou qui sera à la tête de leur CME.

Est-il normal de ne pas inclure dans la réflexion sur la gouvernance le conseil d'administration et le conseil de surveillance ? Est-il normal que l'élu local ne joue pratiquement plus aucun rôle dans le conseil de surveillance, alors même qu'il pourrait présider le conseil d'administration, ce qui déchargerait le directeur général et le président de CME ?

Que pensez-vous de la proposition de loi Valletoux qui sera examinée prochainement à l'Assemblée nationale ?

Au cours des auditions, le financement des hôpitaux et plus largement du secteur de la santé a dû être au centre des propos. N'aurait-il pas été plus utile de réfléchir sur le financement global de la santé en France et sur celui des hôpitaux, en particulier ? Est-il nécessaire de maintenir le système de la tarification à l'acte, dit « tout T2A » ou peut-on imaginer un autre mode de financement ?

Enfin, compte tenu du grave incident qui a eu lieu, hier, ne faudrait-il pas mieux financer la psychiatrie ?

Pour conclure, en écoutant le Président de la République, il m'a semblé qu'il mettait la charrue avant les boeufs.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous consacrerons une matinée à une éventuelle réforme de la tarification, car des mesures devraient figurer sur ce sujet dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024. À mon sens, cette réforme était en effet plus urgente que celle de la gouvernance, mais ce n'est pas ce qu'a décidé le Président de la République.

M. Bernard Jomier. - Vous aviez rendu un rapport sur le même sujet à Olivier Véran, avant la pandémie, en 2019.

M. Olivier Claris. - Nous avons rendu ce rapport après la première vague de covid-19, mais il avait été commandé avant.

M. Bernard Jomier. - Qu'est-ce qui vous fait espérer que l'heure est à présent aux décisions ? Vous ne pouvez pas avoir accepté de faire un second rapport sur le sujet simplement parce que c'est une commande du Président de la République. Le sujet est sérieux et l'on attend des décisions. La loi hôpital, patients, santé, territoires (HPST) a introduit un changement majeur dans la gouvernance hospitalière. Personne ne remet en cause la nécessité d'avoir recours à des directeurs généraux d'établissement, mais le balancier est allé trop loin et il faut remettre les soignants au coeur de la gouvernance. Or, malgré le consensus, il n'y a pas d'avancée législative.

Le conseil de surveillance inclut non seulement des médecins, mais aussi la communauté de soignants, les élus, les collectivités territoriales, etc. À chaque fois que nous avons voulu lui redonner des compétences, ou du moins en discuter, nous nous sommes heurtés à un blocage ministériel de la part d'Agnès Buzyn puis d'Olivier Véran.

Je souscris très souvent aux propos de François Braun, mais je constate qu'ils n'aboutissent pas à des décisions. Le binôme composé du chef de service et d'un cadre de santé était un point structurant de votre rapport de 2019. Toutefois, nous sommes des parlementaires et nous devons voter la loi. Croyez-vous que nous aboutirons à un texte de loi ?

Alain Milon a déposé une proposition de loi très intéressante sur les prestataires de santé. À voir les réactions qu'elle suscite, le conservatisme dans notre pays se porte bien.

M. Olivier Claris. - Nous ne sortons pas de notre lettre de mission et nous ne pouvons donc pas travailler sur le financement ou sur le conseil de surveillance.

M. Bernard Jomier. - Le conseil de surveillance fait partie de la gouvernance.

M. Olivier Claris. - La lettre de mission porte spécifiquement sur le tandem, pas sur la gouvernance au sens large.

Pourquoi notre premier rapport a-t-il abouti, entre 2021 et 2022, à sept textes de normatifs, qui n'ont pas été appliqués ? Pourquoi, en France, les textes de loi ne sont-ils pas appliqués ? Je n'ai pas la réponse et ne peux que le déplorer en tant que citoyen. Certes, il y a eu la crise covid avec les sept vagues successives de l'épidémie, qui ont largement occupé les années 2020 et 2021, de sorte que l'on peut accepter dans une certaine mesure que l'État ne se soit pas donné les moyens de faire appliquer les textes.

Dans certains endroits, comme Lyon et Marseille, la gouvernance fonctionne très bien, mais dans d'autres ce n'est pas le cas et cela pour des raisons humaines. Or il faut les forcer, car quand on accepte des responsabilités, on doit se plier à certains devoirs.

Mme Nadiège Baille. - Le territoire constitue un point de réflexion spécifique. L'une des difficultés qui subsiste au sein de l'hôpital porte sur l'adoption d'un langage commun ou d'une culture commune. Comment favoriser la porosité entre des communautés professionnelles toutes très engagées, mais qui formulent les sujets de manière très différente les unes des autres ? Cela vaut à tous les niveaux. Personne ne veut revenir au mandarinat.

Nous souhaitons proposer non pas une énième loi - il faut commencer par appliquer les textes de 2021 et 2022 -, mais introduire des changements profonds pour développer un langage commun. La question de la responsabilité territoriale des centres hospitaliers et des CHU implique les professionnels libéraux. Les communautés médicales et les médecins doivent jouer un rôle.

Mme Cathy Apourceau-Poly. - La pyramide bicéphale que l'on nous propose ne suffira pas à résoudre le problème de la démocratie hospitalière ; il faut au contraire redonner la parole aux personnels et aux élus, en rétablissant les conseils d'administration dans les établissements. L'hôpital est un établissement public administratif tourné vers les usagers. Or leur représentation est presque inexistante. La pression exercée par le fait d'avoir fixé l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) à 2,7 % en 2024, comme le prévoit le programme de stabilité européen, rend impossible toute réforme de gouvernance. Avez-vous entendu ce genre de propos lors des auditions ?

Certes, votre lettre de mission ne couvre pas les financements, mais peut-être pourriez-vous nous donner des précisions sur vos échanges avec l'AMF concernant le rôle des élus et leur point de vue sur la gouvernance qui nous est proposée ?

Que pensez-vous de la réaction forte des organisations syndicales des directeurs et cadres de santé sur les enjeux de la gouvernance hospitalière ?

M. Philippe Mouiller. - Dans les hôpitaux, les responsables s'interrogent sur l'intérêt de rouvrir ce chantier, alors qu'il faudrait une vision globale en matière de santé.

Au-delà de l'hôpital, dans toutes les structures, à chaque fois que deux personnes portent une coresponsabilité, cela ne fonctionne que si elles s'entendent bien. En outre, le risque est qu'aucune des deux personnes n'accepte d'engager sa responsabilité, laissant cela à l'autre.

On sait qu'il faut une formation spécifique pour être directeur d'hôpital. Prenez-vous en compte les variations induites par la taille des établissements dans vos scénarios ? La gouvernance ne sera pas la même si l'on pilote un grand CHU, à Lyon ou à Paris, ou bien un hôpital de proximité.

M. Jean Sol. - Je suis sensible au fait que le Président de la République s'intéresse à la gouvernance hospitalière, car cela fait longtemps qu'elle est mise en oeuvre dans les établissements par les médecins et le personnel.

Imaginer que la gouvernance pourra fonctionner en s'appuyant sur un tandem administratif et médical est une grosse erreur. En outre, quel type d'administrateur faut-il envisager ? Quant à l'aspect médical, il manque la direction et la coordination des soins. Il faudrait donc plutôt un trinôme, car le personnel soignant représente 60 % des effectifs dans les établissements : la direction des soins a donc toute sa place.

Quel type de gouvernance préconisez-vous dans votre rapport ? Quelle place faites-vous au management, à la disponibilité des acteurs, à la compétence et à la formation pour assumer une charge de travail administrative chronophage dans un contexte de pénurie de personnel dans les hôpitaux ? Quelle place accorderez-vous à la logique médico-administrative et comptable ?

Enfin, parler de gouvernance sans moyens me semble un exercice particulièrement complexe.

Mme Corinne Imbert. - Les difficultés que vous aviez identifiées lors de votre première mission, menée avant la crise de covid-19, ont-elles évolué ?

Malgré les dysfonctionnements observés, une nouvelle réforme de la gouvernance ne risque-t-elle pas de déstabiliser l'organisation d'établissements qui ont trouvé leur équilibre ?

Dans certains départements, nous observons des fusions d'établissements. Prenez-vous cela en compte et comment de telles évolutions s'articuleront-elles dans un périmètre plus important ?

Quelle place accorder au doyen dans le cadre du tandem ou du trinôme qui est envisagé pour la gouvernance ? Comment y intégrer la représentation des personnels paramédicaux ?

M. Daniel Chasseing. - Il faut absolument que le médecin soit élu et pas nommé, car il aura ainsi la confiance de la communauté médicale. En cas de dysfonctionnement du binôme, quelle solution préconisez-vous pour éviter que l'hôpital se retrouve en difficulté ?

Ne faudrait-il pas que les territoires soient mieux représentés dans la gouvernance par le biais des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et des élus ?

Mme Victoire Jasmin. - Qu'en est-il des services supports ? On ne peut pas mettre en doute la complémentarité d'un binôme associant un directeur d'hôpital et un médecin, président de CME ; toutefois, deux logiques s'affrontent, celle de la qualité des soins et celle de la maîtrise des budgets. Il faudrait des choix clairs dans la politique de l'établissement pour mieux définir les orientations et pouvoir les décliner dans la proximité. L'organisation se fait désormais par pôles plus que par services. Elle fonctionne bien à certains endroits, moins bien à d'autres. Il faut évaluer le système et définir ce que l'on souhaite mettre en place tant pour la direction de l'établissement que pour le fonctionnement de proximité dans les services de soins, les laboratoires et autres services de support. La qualité du management reste importante pour améliorer la qualité des relations humaines et des soins.

M. Olivier Claris. - Nous n'avons oublié ni les représentants des usagers ni les coordonnateurs de soins ni les doyens. Nous avons rencontré l'association des directeurs des soins et l'association des cadres de santé et nous sommes en phase. Le rôle spécifique du doyen dans les CHU est également bien pris en compte. Certes, la situation peut varier d'un hôpital à l'autre, mais dans la plupart d'entre eux, les usagers sont très bien représentés.

Nous avons tenu compte de l'adaptation des décisions selon la taille des établissements. Ce point figurait spécifiquement dans notre lettre de mission.

Le ministre de la santé avait précisé en ouverture de la journée organisée par l'association des directeurs d'hôpitaux qu'il ne fallait pas déstabiliser les établissements où la gouvernance fonctionnait bien - soit la majorité d'entre eux -, mais faire évoluer la situation de ceux où elle se heurtait à des difficultés - il reste en effet trop d'endroits où la gouvernance dysfonctionne.

Quant aux conflits de personnes, ils existeront toujours : c'est la nature humaine. Nous avons donc réfléchi à la possibilité d'un dysfonctionnement du tandem.

Nous avons travaillé spécifiquement sur les relations entre la CME et la commission des soins infirmiers, de rééducation et médicotechniques (Csirmt).

Enfin, la disponibilité des manageurs est aussi un enjeu important.

Mme Nadiège Baille. - Nous n'avons pas reçu de proposition formelle de la part de l'AMF, hormis sur la question du conseil d'administration opposé au conseil de surveillance. Notre objectif n'était pas de modifier à nouveau la composition du conseil de surveillance mais de l'intégrer dans les projets de gouvernance : nous avons donc travaillé spécifiquement sur cette articulation.

Il faut que toute la chaîne de fonctionnement de l'établissement soit représentée, qu'elle soit médicale, administrative ou technique. Au-delà de la gouvernance, il s'agit donc de savoir comment on anime une communauté et comment on manage une équipe. Une mission a été confiée à l'Agence nationale d'appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (Anap) sur la question du service et des délégations. Il s'agit de déterminer le niveau de délégation où l'on doit opérer pour que les circuits de décision soient plus courts et mieux adaptés aux situations spécifiques des équipes.

En un mois, nous n'avons certainement pas pu écrire un traité sur la gouvernance et le management hospitalier, mais nous avons identifié que les enjeux de formation et de communication étaient déterminants. Nous proposons donc des dispositifs spécifiques d'accompagnement pour les prendre en compte.

Nous avons comparé la gouvernance telle qu'elle s'exerce dans les hôpitaux de notre pays avec ce que font les pays anglo-saxons et nos voisins européens : globalement, il y a toujours quelqu'un qui décide, mais les modes de fonctionnement sont sans doute davantage pluriels que dans nos établissements.

La place du doyen, du directeur des soins et du président de la CME au sein du directoire et la manière dont ils peuvent collaborer est un sujet sur lequel il faudra travailler.

L'évaluation complète des dispositions de 2021 et 2022 n'a pas été conduite. Toutefois, nous ne souhaitons pas empiler de nouveaux textes sur d'autres qui viennent tout juste d'être publiés. J'ai dirigé plusieurs types d'établissement et je sais qu'il faut s'adapter à la taille et à la culture administrative de chaque établissement pour parvenir à concilier une logique de réponse aux besoins de santé et une logique davantage financière. Par conséquent, dans les propositions que nous faisons, nous tenons compte de ces différences : ainsi, il nous a semblé que la question de la responsabilité territoriale se posait dans les mêmes termes dans les centres hospitaliers, les établissements supports et les CHU, de sorte que nous pouvions formuler des propositions conjointes.

Pour conclure, il ne s'agit pas d'ajouter des instances à de nouvelles instances, mais de mieux coordonner les cercles de décision et de concertation qui existent déjà dans les établissements de santé. L'objectif est de faire fonctionner les instances qui existent, en particulier le directoire, qui a été profondément remanié en 2021 avec un renforcement de la présence médicale, un renfort des personnels paramédicaux et la possibilité d'impliquer davantage les usagers. Les dispositions existent, il faut les appliquer.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous vous remercions et nous attendons le rapport avec impatience.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Projet de loi pour le plein emploi - Désignation d'un rapporteur

Mme Catherine Deroche, présidente. - Lors de la dernière conférence des présidents, M. Franck Riester, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement, a annoncé que le Sénat serait saisi, lors de la session extraordinaire, pendant la semaine du 10 juillet, d'un projet de loi pour le plein emploi.

Notre commission pourrait l'examiner au cours de sa réunion du 28 juin.

Je vous propose d'en désigner le rapporteur dès à présent afin de lui permettre de mener ses travaux tout au long du mois de juin.

La commission désigne Mme Pascale Gruny rapporteur sur le projet de loi pour le plein emploi, sous réserve de son dépôt.

Audition commune sur la gouvernance hospitalière

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous poursuivons nos travaux sur la gouvernance hospitalière par une table ronde réunissant des représentants des structures dirigeantes des établissements. Nous avons ainsi le plaisir de recevoir M. Philippe El Saïr, président de la conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers universitaires, M. Francis Saint-Hubert, président de la conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers, le professeur Rémi Salomon, président de la conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement de centres hospitaliers universitaires, et le docteur David Piney, vice-président de la conférence des présidents de commissions médicales d'établissement de centres hospitaliers.

Le professeur Olivier Claris et Mme Nadiège Baille, que nous avons entendus précédemment, nous ont présenté leur feuille de route à la suite des voeux du Président de la République aux professionnels de santé, la démarche suivie et les différents scénarios envisagés. Ils rendront leur rapport début juin. Je leur ai indiqué que je considérais, pour ma part, qu'ils répondaient à la commande qui leur avait été faite, ce que nous comprenons, mais que dans la situation actuelle bouleverser la gouvernance ne semblait pas être une urgence.

Nous souhaitons savoir, messieurs, comment vous avez apprécié cette mission et quels points d'amélioration vous avez identifiés, sachant que l'on n'a pas encore perçu les effets de la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist.

M. Rémi Salomon, président de la conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement de centres hospitaliers universitaires. - La gouvernance n'est en effet pas le sujet le plus important aujourd'hui. Pour autant, le Président de la République a annoncé le 6 janvier dernier qu'il souhaitait qu'une réflexion soit lancée sur le « tandem médico-administratif ». Sur cette question, beaucoup a été déjà dit et écrit ; la loi Rist est intervenue et des dispositions figurent dans le code de la santé publique qui ne sont pas toujours appliquées. Enfin, nous avons échangé ces dernières semaines avec mes collègues présidents de conférences et les doyens, et notre constat est que ce tandem ne marche pas si mal. Simplement, il fonctionnerait encore mieux si les dispositions de la loi Rist relatives à la gouvernance étaient appliquées, car il y a des attentes sur le terrain.

Deux aspects doivent être évoqués à propos de la gouvernance : d'une part, la tête, le tandem médico-administratif ; d'autre part, les services. Depuis la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi HPST, on entend régulièrement les soignants mais aussi les personnels paramédicaux se plaindre de la perte de sens de leur travail.

Tout d'abord, pour ce qui concerne le tandem médico-administratif, quatre scénarios étaient proposés par le Président de la République. Nous pensons, pour notre part, que la présence d'un représentant élu de la communauté médicale dans le tandem est un avantage et que celui-ci doit y demeurer, car cela permet de faire le lien entre deux pôles : ce représentant élu, le président de la commission médicale d'établissement (PCME), transmet à la direction la parole des médecins et, dans le même temps, il fait part à la communauté médicale des contraintes qui existent. Ce lien permanent n'est pas simple à établir, mais il est important de le maintenir en cette période où les lignes doivent bouger. On sait en effet que les médecins hospitaliers et hospitaliers universitaires sont parfois réticents face aux changements. Ce rôle, subtil, du PCME est très utile.

D'aucuns, notamment le Président de la République, prônent la médicalisation de la gouvernance, défendant l'idée qu'un directeur médecin connaîtra mieux les sujets relatifs à l'hôpital. Avec une telle logique, il faudrait que le ministre de la santé soit toujours un médecin et le ministre de l'agriculture forcément un agriculteur... Pour autant, des médecins doivent pouvoir accéder aux postes de direction, comme c'est le cas dans nombre de pays. Et quand un médecin devient directeur, il apprend alors un nouveau métier. Pourquoi pas ? Mais ce n'est pas aujourd'hui dans notre culture et, si l'on érigeait cette possibilité en règle, il n'y aurait pas assez de candidats médecins aux postes de direction.

Au sujet du tandem, qu'il convient de conserver, j'ajouterai cependant un petit bémol : les PCME manquent d'informations, lesquelles sont pourtant indispensables pour participer aux décisions. Cette situation est variable d'un endroit à l'autre et dépend de la bonne volonté de la direction. Or le partage d'informations, qui est crucial, est prévu dans le code de la santé publique.

Les PCME souhaitent donc - et ce peut être un sujet de désaccord avec les directeurs - participer aux nominations au sein des directions fonctionnelles qui sont dans leur champ d'intérêt - affaires médicales, stratégie médicale, recherche, qualité et sécurité des soins - et à l'évaluation des directeurs. Cette « co-hiérarchie » pose problème aux directeurs, ce que je peux comprendre, mais c'est un moyen de favoriser un partage plus fluide de l'information.

M. David Piney, vice-président de la conférence des présidents de commissions médicales d'établissement de centres hospitaliers. - Notre conférence représente des établissements divers, notamment deux centres hospitaliers régionaux et des hôpitaux de proximité, et la médicalisation de la gouvernance est un sujet qui nous préoccupe depuis longtemps. Nous avions ainsi lancé en 2018 une enquête, dont les résultats avaient été présentés à Agnès Buzyn et qui avait abouti à une concertation, autour de la direction générale de l'offre de soins (DGOS), sur la gouvernance hospitalière et qui avait préfiguré la mission Claris engagée en 2020. Ont ensuite été publiés des textes réglementaires et des circulaires dont nous partageons les objectifs puisqu'ils faisaient sens avec le consensus issu de cette mission et facilitaient la mise en oeuvre sur le terrain d'un certain nombre d'objectifs, en réponse aux attentes des professionnels de terrain, notamment les équipes médico-soignantes dans les services.

L'idée sous-jacente de la réforme était que la mise en oeuvre du projet de gouvernance et de management participatif inscrit dans la loi Rist était le meilleur moyen pour conduire les communautés médicales et hospitalières, en lien avec leur direction, à engager une réflexion interne sur une organisation susceptible de répondre aux enjeux et aux attentes des équipes de terrain en termes de délégation de gestion, de reconnaissance des équipes et de sens collectif du service. Il s'agissait de décliner les engagements respectifs du directeur et du PCME dans une charte de gouvernance qui donne de la lisibilité à ce management en binôme, lequel fonctionne bien dans la grande majorité des cas. Les équipes ont en effet parfois du mal à appréhender les circuits décisionnels au sein des établissements.

Cette charte de gouvernance visait à confier des moyens au PCME pour que celui-ci puisse assumer ses nouvelles responsabilités conférées par la loi, dans un lien équilibré avec le directeur. Il s'agissait aussi de s'assurer que la communauté médicale et soignante était bien associée à l'ensemble des réflexions internes sur la stratégie de l'établissement, qu'elles concernent la stratégie médicale ou les sujets financiers ; le PCME donne en effet un avis sur les états prévisionnels de recettes et de dépenses (EPRD) et sur le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM).

Cette dynamique positive a souffert de la crise des ressources humaines médicales que les hôpitaux connaissent actuellement, et qui fait suite à la crise sanitaire liée au covid-19. Au vu de cette mise en tension des établissements par rapport aux besoins de santé de la population, qui a provoqué des retards d'intervention, et de la dette hospitalière régulièrement évoquée par la Fédération hospitalière de France (FHF), les professionnels de santé ont du mal à reconnaître l'hôpital public : certains d'entre eux ont l'impression que l'hôpital s'oriente principalement vers des soins non programmés, au détriment des activités d'excellence que sont l'innovation, l'expertise et le recours. Dans ce contexte, le PCME et le directeur ont un rôle majeur à jouer pour redonner du sens, assurer la cohésion des équipes, éviter l'éparpillement et le morcellement des équipes et des services, mais aussi pour travailler sur les leviers d'attractivité et de fidélisation. En effet, la participation des équipes à la prise de décision au plus près du terrain, dans le cadre d'une subsidiarité affirmée, est un élément d'attractivité pour redonner du sens et augmenter l'envie de s'impliquer dans un collectif hospitalier.

L'annonce faite par le Président de la République en début d'année au sujet du tandem médico-administratif nous a donc interpellés, car nous avions le sentiment que les textes adoptés en 2021 et 2022 traçaient une voie positive pour l'ensemble de nos corporations. Certes, nous avions constaté aussi que le changement ne se produisait pas sur le terrain, notamment du fait des contraintes de ressources humaines. Souhaitant objectiver le ressenti qui émergeait des conférences régionales et nationales, nous avons donc lancé deux enquêtes, dont nous pourrons vous communiquer les résultats : l'une auprès des PCME et des présidents de la commission médicale de groupement (président de la CMG, ou PCMG), qui a recueilli 328 réponses représentant plus de 100 groupements hospitaliers de territoire (GHT) ; l'autre auprès des praticiens hospitaliers, qui a recueilli près de 6 300 réponses. Il en est ressorti qu'en dépit des objectifs affichés dans les textes, la reconnaissance du service, le renforcement du binôme cadre de santé-chef de service, la déconcentration des décisions, l'implication des équipes et la délégation de gestion n'étaient déployés que dans 10 % à 20 % des établissements.

En 2018, 84 % des PCME considéraient que cette fonction n'était pas attractive. Il y a une légère amélioration en 2023 : ils ne sont plus que 76 %. Mais il y a des retards de mise en oeuvre : les chartes de gouvernance ne sont signées que dans 30 % à 40 % des cas ; les projets de gouvernance et de management participatif n'ont été engagés que dans 50 % des établissements ; quant à la codécision entre le directeur et le PCME, elle est effective dans 80 % des cas lorsqu'elle relève d'une obligation réglementaire, mais seulement dans 20 % à 30 % des cas lorsqu'il ne s'agit que d'une recommandation visant à la visibilité interne du binôme, et dans 10 % des cas pour la cosignature de documents extérieurs comme les conventions médicales.

Le diagnostic posé par le Président de la République sur le tandem médico-administratif a donc été ressenti comme un message politique important visant à en finir avec la conception du patron d'hôpital, laquelle demeure pourtant dans la culture et dans les esprits sur le terrain.

Les résultats de ces deux enquêtes confortent le binôme directeur-PCME élu, mais traduisent aussi le souhait que ce dernier ait davantage de responsabilités et de moyens en termes de stratégie médicale et de pilotage des coopérations hospitalières dans un lien ville-hôpital ; il conviendrait ainsi que le PCME soit mieux reconnu en tant que tel à l'extérieur de l'hôpital par les agences régionales de santé (ARS) et par les collectivités.

Au-delà de la charte de gouvernance, nous préconisons qu'une feuille de route stratégique soit préparée par le directeur et le PCME, et présentée devant le conseil de surveillance, afin d'engager très clairement ce binôme devant la représentation hospitalière. Cela permettrait d'évaluer les engagements pris par cette gouvernance envers les équipes et les patients.

Des parcours de formation managériale tout au long de la vie pour un certain nombre de praticiens seraient également utiles, à l'image de ceux qui existent dans les hôpitaux d'instruction des armées, afin de préparer de hauts potentiels médicaux aux responsabilités.

Nous croyons beaucoup à l'impulsion politique. Ainsi, quelques évolutions réglementaires permettraient de donner de la lisibilité au binôme, par exemple une co-présidence du directoire.

M. Philippe El Saïr, président de la conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers universitaires. - Dans le contexte post-covid, les systèmes de santé en France et à l'étranger ont des problèmes plus urgents que celui de la gouvernance.

Lors de la crise sanitaire, 85 % des patients atteints du covid ont été accueillis par l'hôpital public, lequel a tenu et a fait preuve d'une capacité d'adaptation et d'inventivité, et la gouvernance des établissements n'a fait montre ni de fébrilité ni de division. L'« état-major » a été au rendez-vous.

Désormais se pose le problème de l'évolution de la relation au travail. Nos métiers qui sont probablement les plus contraints de la société française - travail le week-end, la nuit, etc. - sont moins attractifs. En 2022 s'est produite une contraction de l'offre, avec de nombreux postes vacants, des fermetures de lits, et les questions de santé publique y afférentes. L'hôpital public, victime de la crise globale du système de santé, subit également les chocs exogènes liés à la situation internationale : augmentation des coûts énergétiques, inflation. Le modèle connaît donc une déstabilisation sans précédent, et ce n'est pas le moment de se diviser sur des sujets non décisifs.

Un travail approfondi, minutieux et consensuel a été mené sur l'évolution de la gouvernance, notamment par la mission Claris. Il faut laisser le temps à ce corpus de se déployer.

Il faut appréhender le sujet de la gouvernance en prenant de la hauteur, au travers des compétences. On a le choix entre deux logiques.

Première logique : celle de l'hôpital. Ses quatre familles professionnelles - médecins, soignants, personnel administratif, personnel technique -, historiquement très cloisonnées, ont créé des instances de concertation étanches et des lieux de réflexion distincts - comité de direction, bureau de la CME, notamment. Il convient d'interroger ce système, mais je ne suis pas certain qu'il faille en passer par la loi. Dans cette logique, presque corporatiste, on essentialise la fonction de direction pour justifier des monopoles, ce qui est une vision managériale peu mature. Or le management moderne nous apprend l'inverse, c'est-à-dire à mêler les profils, à la fois pour éviter de s'enfermer dans des raisonnements rassurants mais simplistes et pour faire émerger des idées nouvelles. Il convient en effet de brasser les profils et les réflexions dès l'origine, de façon à éviter les biais de raisonnement.

Deuxième logique : celle de compétences, selon laquelle l'efficacité repose sur une pluralité de profils, car la direction d'établissement est un métier qui s'apprend. Si l'on retient cette logique de compétences, il faut appliquer de façon exhaustive les propositions de la mission Claris et aborder les sujets des décharges d'activité, des moyens mis à la disposition des PCME et de la circulation de l'information.

Premièrement, la conférence des directeurs généraux de centres hospitaliers universitaires considère que nous ne pouvons pas aller plus loin en termes de codécision. Les textes disposent que, dans le champ médical, la codécision est totale. Si l'on étend la codécision aux aspects budgétaires, on basculera dans une logique de dyarchie, qui risque d'aboutir à des situations de blocage ; nos établissements n'ont pas besoin de ce problème supplémentaire...

Deuxièmement, nous proposons de constituer un vivier pour élargir les profils de recrutement à la tête des établissements. Nous sommes favorables à une ouverture aux médecins, mais aussi aux administrateurs de l'État, aux ingénieurs, aux coordinateurs des soins. En ce qui concerne les modalités, nous disposons d'ores et déjà d'un fichier de professionnels ayant le profil idoine ; nous pouvons aussi procéder par appel à manifestation d'intérêt (AMI). La condition que nous posons est l'absence de nomination sur place, afin d'éviter les logiques de clans.

Troisièmement, et c'est une position qui nous est propre - mais nous pouvons échanger avec les autres conférences sur nos problématiques respectives -, nous sommes favorables à une médicalisation de l'équipe de direction, avec une ouverture soit aux fonctions liées aux affaires médicales, à la recherche, à la qualité, soit aux fonctions non directement liées au domaine médical - gestion de projet, services numériques, etc. Cette hybridation est essentielle pour décrypter les projets, compte tenu de la taille de nos établissements et du nombre d'agents.

Quatrièmement, il faut prévoir des formations aux fonctions de direction, lesquelles ne doivent pas faire obstacle au pluralisme et à la diversification.

Cinquièmement, dans les CHU, il faut accorder une place importante dans la gouvernance au doyen de l'université et au vice-président recherche, qui sont des acteurs majeurs.

Sixièmement, il convient de conforter la place des soignants, qui représentent 50 % du personnel de l'hôpital et jouent un rôle très important. Nous souhaitons leur réserver la vice-présidence du directoire.

M. Francis Saint-Hubert, président de la conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers. - Il est essentiel de prendre en compte la complexité hospitalière et les contraintes qui pèsent sur notre système de santé, lequel a montré sa capacité à répondre aux enjeux de soins curatifs et aux défis de la promotion de la santé. Avec mes collègues présidents de conférences, nous pouvons avoir des divergences, mais nous poursuivons les mêmes objectifs, en vue de garantir les principes qui fondent notre engagement professionnel collectif dans le service public hospitalier : l'égalité, la qualité, la sécurité et la proximité. Nous partageons aussi les mêmes valeurs, qui sont celles de nos équipes, qu'elles travaillent dans les secteurs du soin, médico-technique, administratif ou logistique.

Cet alignement fort doit être mieux appréhendé par les pouvoirs publics, qui doivent porter des démarches favorisant cette concorde entre les acteurs hospitaliers. Toute évolution du droit qui contribuerait à nourrir des fonctionnements en silos, toute intention qui n'assurerait pas la promotion d'approches transversales et pluriprofessionnelles, constitueraient des erreurs. À l'inverse, nous pouvons aller plus loin en termes d'identification d'un vivier de médecins ou d'autres professionnels prêts à prendre davantage de responsabilités, prévoir des tronçons de formation communs entre directeur et PCME, l'élargissement du champ des codécisions possibles - par exemple, des médecins médiateurs, mais aussi la consécration de temps dédiés aux fonctions de PCME et de PCMG. N'oublions jamais la dimension territoriale, que nous devons développer.

Pour redynamiser le service, échelon essentiel dans la vie de nos établissements, pourquoi ne pas aller vers un projet médico-soignant, présenté par un binôme chef de service- cadre de santé au pôle ainsi qu'au directeur et au PCME ?

La gouvernance hospitalière est appelée à évoluer, comme dans tous les secteurs professionnels. Mais, comme l'a rappelé le ministre de la santé, il faut non pas remettre en question ce qui fonctionne mais obliger à ce que cela fonctionne partout. En revanche, quelle que soit sa composition, la gouvernance doit avant tout évoluer dans un cadre clair et sécurisant. Or nous n'y sommes pas.

Premièrement, un cadre sécurisant n'est pas en constant mouvement. Quel grand secteur se réinterroge tous les douze mois sur sa gouvernance et modifie ses processus décisionnels, sans donner aux acteurs le temps de l'appropriation ? Aucun ! Même l'impact du rapport Claris de 2021 n'a pas été évalué... Certes, des enquêtes sont lancées, notamment par les conférences, mais il nous faut sortir du prisme partial et parfois trompeur des opinions. Il y a suffisamment d'universités et d'organismes de recherche qui pourraient faire des analyses fines.

Deuxièmement, dans un cadre sécurisant, on évite les actes et les décisions contradictoires. Je pense à l'inadéquation entre les objectifs fixés par la Nation, traduits par exemple dans le manuel de la Haute Autorité de santé (HAS), et les moyens consentis au travers de la détermination de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) : cela place les acteurs, notamment les directeurs et les présidents de CME mais aussi les directeurs des soins, dans une tension qui se répercute à tous les échelons de l'hôpital. Regardons l'investissement hospitalier : des milliards ont été consentis ; or les hôpitaux restent vétustes.

Troisièmement, un cadre sécurisant consiste à avoir une vision politique cohérente. Jamais nous n'avons été autant sollicités pour développer une vision territoriale de l'offre de soins, par exemple pour accompagner la mise en oeuvre des mesures sur l'intérim médical. Mais concrètement, quels sont en termes de gouvernance les outils et les leviers opérationnels mis à notre disposition pour faire vivre le territoire ?

En tant que sénateurs, vous n'avez pratiquement aucune place dans la gouvernance territoriale. Les GHT sont restés au milieu du gué. Avançons sur la médicalisation des territoires ! Nommer un médecin au sein des équipes de direction pour aider dans ce domaine pourrait être une piste, à la condition qu'il s'articule parfaitement avec le PCMG du GHT, dont le rôle doit être confirmé et associé au choix du médecin territorial. Il faudrait également que les doyens participent, par exemple une fois par an, à toutes les CMG de leur territoire. Il y a un vrai sujet d'irrigation, à partir de nos CHU, de l'ensemble du territoire. L'implication des élus doit être renforcée.

Quatrièmement, un cadre sécurisant pour la gouvernance hospitalière, c'est aussi le respect de la parole de l'État. Alors que celui-ci s'est engagé sur la revalorisation des hospitaliers via le Ségur, les établissements ne sont pas intégralement compensés, alors même que beaucoup de CHU sont dans une situation financière très fragile : 40 % des déficits hospitaliers de centres hospitaliers sont dus à l'insuffisance des financements du secteur médico-social.

Quatrièmement, un cadre sécurisant, c'est reconnaître les atouts et les compétences des établissements hospitaliers et de leur gouvernance. Jamais l'hôpital n'a été aussi résilient. Inventif pour l'ingénierie des métiers de la santé, il a placé la confiance au coeur des évolutions. Jamais il n'a autant promu la concertation et la participation de son personnel à la définition de leur quotidien. Jamais il n'a autant essayé d'honorer sa responsabilité populationnelle, malgré les difficultés rencontrées par la médecine de ville et des contraintes hospitalières sans équivalent. Le sentiment d'injustice est donc légitime.

Nous portons quelques messages simples. Si l'hôpital a une culture marquée par la hiérarchie des médecins incarnés - les mandarins, les « patrons » -, désormais les hospitaliers aspirent à participer plus directement à la vie de leur établissement : c'est une évolution sociétale. Cette aspiration est exprimée par tous les professionnels. Le défi consiste à ce que la gouvernance hospitalière reconnaisse à leurs justes place et valeur les différents cultures et métiers. La constitution d'un vivier de médecins ne sera pas suffisante et nous devons avancer dans de nombreux domaines, par exemple en instaurant un co-portage de la politique qualité-sécurité-pertinence des soins.

Comme directeurs, nous animons au quotidien les relations entre les trois forces que sont le personnel de l'hôpital, les élus et l'État. Aussi, il nous semble capital que l'indispensable équilibre entre ces trois pouvoirs passe par une reconnaissance de chacun à sa juste place au sein de la gouvernance hospitalière. Il s'agit non pas simplement de changer les étiquettes des uns et des autres, mais de développer la logique coopérative dans nos organisations. Les dirigeants de l'hôpital doivent être porteurs de cette approche à la fois complète et équilibrée.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Vous parlez de trois forces, et j'en suis d'accord, mais je ne suis pas certaine qu'elles doivent intervenir de façon égale. Par ailleurs, jusqu'où, selon vous, doit aller la codécision ?

Mme Corinne Imbert. - Le Président de la République a-t-il posé le bon diagnostic ?

Si l'on décide de ne pas modifier le « tandem », qui fonctionne bien, n'y aura-t-il pas plusieurs modèles de gouvernance ? Est-il pertinent d'imaginer un modèle commun à l'ensemble des établissements, ou mieux vaut-il distinguer les établissements selon leur taille, leur mission et leur catégorie ?

Quelle place pourrait être accordée aux doyens dans les CHU ?

Comment intégrer dans la gouvernance la commission des soins infirmiers, de rééducation et médico-techniques (Csirmt) ?

M. Bernard Jomier. - Vous nous avez interpellés à juste titre, monsieur Saint-Hubert, sur le respect des objectifs fixés par la Nation. Or vous savez dans quelles conditions nous votons la loi de financement de la sécurité sociale : ce vote n'est à aucun moment précédé au Parlement d'un temps de débat sur ces objectifs, en termes de politique de santé et d'attentes vis-à-vis de l'hôpital. Ce n'est pas faute de l'avoir réclamé !

Certes, depuis la loi organique proposée par notre collègue député Thomas Mesnier, l'Assemblée nationale ne découvre plus les documents trois jours avant. Pour autant, les parlementaires devraient disposer en juin ou juillet d'un document stratégique présentant les objectifs de santé de la Nation afin que l'on en débatte. Pour ma part, je ne saurais vous dire quels sont ces objectifs... Cela pose un problème de lisibilité. Par ailleurs, notre marge de manoeuvre est très limitée.

Vous n'avez pas parlé de la Csirmt. Quel rôle joue-t-elle ? Qu'en est-il de la différenciation et de l'ouverture de l'hôpital sur le territoire ? Une évolution du conseil de surveillance est-elle souhaitable du point de vue de la gouvernance ?

Mme Annick Jacquemet. - La modification de la gouvernance hospitalière doit-elle passer par une réduction du personnel administratif dans les hôpitaux ? L'hôpital français compte 405 600 agents non médicaux, soit 54 % de plus qu'en Allemagne, dont la population est pourtant de 25 % supérieure à celle de la France. Ne pourrait-on externaliser une partie des fonctions techniques et administratives, en vue de mieux payer le personnel soignant ?

Ma deuxième question concerne le virage numérique dans le management et la gestion des dossiers médicaux. Les infirmières entendues par la délégation sénatoriale aux droits des femmes nous ont confié que le numérique les éloignait des patients : elles passent beaucoup de temps à rentrer des données et souffrent d'une perte de sens de leur travail. Professeur Salomon, vous qui êtes sensible au bien-être au travail, que pensez-vous de ce sujet au regard de la proximité qu'exigent les soins ?

Les dirigeants de l'hôpital de Valenciennes ont choisi de responsabiliser les soignants, en leur octroyant une autonomie managériale. Les pharmaciens et les médecins ont accepté cette responsabilité, qui leur permet d'embaucher ou de passer des commandes ; cette délégation porte sur 90 % du budget de l'hôpital. Les chefs de pôle médecins sont assistés des cadres administratifs. Ainsi, l'hôpital conclut 80 embauches de personnel médical et soignant par an depuis sept ans, le taux d'absentéisme est faible - moins de 8 % - et le personnel administratif ne représente plus que 5 % des salariés, contre 30 % en moyenne. Que pensez-vous de ce modèle ? Pourquoi ne se généralise-t-il pas ?

Mme Nadia Sollogoub. - Monsieur Salomon, vous avez commencé en disant que ce sujet n'était pas le plus urgent. Quelles sont donc les autres urgences et comment les priorisez-vous ?

Sans doute, il ne faut pas trop se laisser emporter par le ressenti lié à la gouvernance et il est vrai que l'hôpital public a tenu pendant la crise de la covid-19, mais la pression administrative s'était justement relâchée pendant cette période et les soignants ont indiqué qu'ils pouvaient enfin travailler différemment.

M. René-Paul Savary. - On dit souvent que l'hôpital est une structure lourde, avec plus de barreurs que de rameurs. Donc, entre les 5 % d'administratifs affichés à Valenciennes - ratio sur lequel j'émets quelques doutes - et les 30 % à 35 % de la moyenne nationale, ne faudrait-il pas rééquilibrer ? Il y a beaucoup de gens de bonne volonté, mais, dans un établissement, il faut un dirigeant, qui remette tout le monde sur le bon chemin.

M. Rémi Salomon. - C'est vrai, j'ai dit qu'il y avait d'autres priorités. Je n'en ai pas parlé, car je pensais devoir me concentrer sur la gouvernance, mais on peut les évoquer.

D'abord, l'hôpital doit avoir des moyens qui correspondent aux besoins. On parle beaucoup de prévention, par exemple. J'étais ce matin dans un service prenant en charge les accidents vasculaires cérébraux (AVC), dont l'occurrence va augmenter en Europe de 30 % d'ici à 2035 et de 100 % d'ici à 2050. Or ce sont des évènements que l'on peut largement prévenir, à condition de s'en donner les moyens. Il est donc urgent de mettre en oeuvre une vraie politique ambitieuse de prévention, car on n'y est pas du tout. La santé scolaire est aussi un sujet urgent.

Par ailleurs, il faut renforcer l'attractivité des métiers du soin. Il est vrai qu'il y a une évolution sociétale, la contrainte est moins bien acceptée que jadis, mais l'hôpital doit travailler sept jours par semaine et vingt-quatre heures par jour ; donc, il faut mieux rémunérer cette sujétion et travailler sur les conditions de travail. La charge de travail compte beaucoup également, monsieur Jomier, et je remercie le Sénat d'avoir adopté largement la proposition de loi relative à l'instauration d'un nombre minimum de soignants par patient hospitalisé ; ce texte a peut-être été mal compris, mais il faut l'inscrire dans une perspective pluriannuelle. Comme pour l'armée, je pense qu'il faut bâtir un plan pluriannuel sur toutes ces questions, afin de rendre l'hôpital plus attractif, mais aussi de réguler les relations entre public et privé, entre ville et hôpital.

Nous devons également ouvrir les portes du CHU et l'ancrer sur le territoire. Comme le voulait Robert Debré voilà cinquante ans, le CHU doit porter la formation et la recherche en soins primaires. Il faut créer du lien entre médecine de ville et hôpital. Tout cela est urgent.

Le numérique est un sujet que je connais un peu. Quand je travaillais à Necker, j'étais dans la direction scientifique de l'institut hospitalo-universitaire (IHU) Imagine et nous réfléchissions à la constitution d'une base de données. C'est important pour le soin, on ne peut pas se passer de l'outil informatique. Or l'hôpital n'investit pas assez non seulement dans le bâti mais encore dans le numérique. Il faut investir davantage dans ce domaine, pour avoir des outils qui fonctionnent. On est perpétuellement empêché par les systèmes informatiques qui fonctionnent mal. On a tellement besoin de soignants dans les hôpitaux ; au moins, qu'on ne les embête pas avec ces questions ! L'investissement dans le numérique représente en France 1 % alors qu'il s'élève à 4 % ou 5 % en Amérique du Nord.

Mon diagnostic sera différent sur le personnel administratif. Je pense qu'on n'en a pas trop mais qu'on les occupe à des tâches évitables et que les soignants assurent trop de tâches administratives ; c'est le « glissement de tâches ». Par exemple, on manque de secrétaires médicales, mais elles relèvent du personnel administratif ; on ne peut donc pas dire qu'on en ait trop. Dans mon service, les externes et les internes passent leurs journées devant un écran au lieu d'être dans les chambres ; du reste, la qualité de leurs comptes rendus d'hospitalisation laisse à désirer...

Il y a également l'enjeu de la cybersécurité, sur lequel je ne m'étends pas, et, dans le domaine de la recherche, l'utilisation du numérique permettra de travailler en réseau, de croiser les données de l'hôpital et celles de la ville. Cela permettra de faire de la recherche plus efficacement dans des domaines très pointus ou dans les soins primaires : si l'on veut diminuer le taux d'AVC, par exemple, il faut identifier les facteurs déterminants, ce qui exige des études épidémiologiques de bon niveau ; on ne sait pas encore le faire.

Les doyens doivent bien évidemment être associés à la gouvernance du CHU. La gouvernance hospitalo-universitaire n'est pas simple, il y a deux ministères de tutelle. Robert Debré avait compris qu'il fallait placer en un seul endroit la clinique et la recherche. L'université doit porter tout cela, mais la recherche clinique doit demeurer au plus proche du patient, c'est là que les choses doivent se passer. D'où la nécessité d'associer étroitement les doyens à la gouvernance.

J'en viens aux soignants. Ce qui est efficace, c'est quand tous les membres de l'équipe de soin d'un service - médecins et paramédicaux - travaillent ensemble, tiennent des conseils de service, prennent du temps pour parler de l'organisation du travail et du soin. Il faut également que le binôme chef de service-cadre de soin fonctionne bien, en toute confiance. C'est l'échelon le plus important. À l'échelon de la direction, la commission des soins existe, mais elle n'est pas le symétrique de la commission médicale, son directeur n'étant pas élu. Entre ces deux commissions, il faudrait plus d'échanges.

Par ailleurs, il est évident qu'il faut plus d'autonomie pour les services. La loi HPST remonte à 2009 et on n'a toujours pas fait le bilan des pôles ! Il faut que l'on donne aux services plus de marges de manoeuvre, plus d'autonomie. Je ne sais pas s'il faut déléguer totalement la gestion administrative, comme à Valenciennes - j'ai quelques doutes -, mais il faut au moins que ceux qui assurent les soins dans les services soient plus entendus. Les médecins peuvent encore se faire entendre en tapant du poing sur la table, mais, du côté paramédical, il y a une hiérarchie très pesante et les cadres de proximité ont du mal à passer des messages. Il faut donc au minimum que ce binôme soit entendu quand il exprime les besoins de son service. Ensuite s'instaure un dialogue de gestion et tout ne peut évidemment pas être accordé, il demeure des contraintes.

M. David Piney. - Sur la codécision, le renforcement du président de CME, en binôme avec un directeur nommé, ne peut qu'améliorer les choses. Néanmoins, on le sait, si ce n'est pas réglementaire, si ce n'est pas imposé, les choses ne se font pas. Nous misions beaucoup sur les recommandations de bonnes pratiques du rapport d'Olivier Claris, mais, si les cosignatures ne sont pas réglementaires, elles peinent à se déployer. Il y a un écart croissant entre les équipes de terrain et la gouvernance de l'établissement, mais aussi entre les annonces politiques et la réalité sur le terrain : le Ségur de la santé a promu cette délégation en direction des services, mais cela a du mal à émerger. La contrainte réglementaire est malheureusement nécessaire pour faire évoluer la gouvernance.

Je veux nuancer les propos sur la place d'un directeur médical au sein de l'équipe de direction. Attention à ne pas déstabiliser le rôle du PCME ou du PCMG dans la dynamique engagée pour porter une stratégie médicale partagée ; il ne faut pas penser que ce directeur médical fera le tandem avec le directeur. Nous divergeons sur ce sujet.

Sur les différents modèles de gouvernance, nous mettons à part, dans notre plateforme de propositions, les hôpitaux de proximité. Il s'agit d'une labellisation d'un site ou d'un établissement à part entière, avec une gouvernance propre et qui est caractérisée par deux aspects ; un faible nombre de praticiens et une interaction forte avec la médecine de ville. Les textes législatifs et réglementaires prévoyaient cette gouvernance particulière ; c'est l'occasion de l'affirmer comme un modèle à part.

La place des soignants est un peu « passée » à l'as dans la présentation des textes, mais la loi du 26 avril 2021 visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite Rist, repositionnait la Csirmt dans cette gouvernance, avec des prérogatives propres. Son positionnement a peu évolué, je pense, mais c'est l'occasion de lui redonner toute sa place.

Il existe également un droit d'option pour réunir les CME et les Csirmt, mais il n'a pas été actionné ; c'était pourtant intéressant. Il y avait d'autres options, avec une sous-commission de la CMG partagée avec les Csirmt de territoire. Il y a donc des leviers pour avancer, mais l'enjeu est de redonner des marges de manoeuvre aux services. C'est le meilleur échelon sur le plan médico-soignant.

Sur le personnel administratif, l'exemple de Valenciennes, qui délègue la gestion aux services, est une cible. Cela peut permettre une redistribution des agents administratifs et favoriser les circuits courts de décision en réponse aux irritants du quotidien, mais il faut se méfier des chiffres globalisés, car les secrétaires médicaux, qui peuvent faire gagner du temps médical, font partie du personnel administratif et je n'ai pas l'impression que ce poste soit pléthorique. Il faut entrer dans le détail.

Le conseil de surveillance réunit l'ensemble des acteurs, avec des représentants de la CME, de la Csirmt, des élus, des représentants syndicaux, des usagers. C'est un bon niveau pour évaluer l'organisation interne. D'où notre proposition d'un contrat de gouvernance ou d'une feuille de route stratégique présentés au conseil de surveillance par le directeur et le PCME.

Je partage les propos de Rémi Salomon sur l'investissement dans le numérique, dont l'ergonomie n'est pas toujours bien conçue par les éditeurs internationaux. Il faut conduire une réflexion sur le bon usage du numérique au regard de la qualité de vie au travail, afin de ne pas tomber dans l'ultratraçabilité si elle n'est pas nécessaire.

M. Philippe El Saïr. - Sur la codécision, je l'ai indiqué : on ne peut pas décider de choses dont on n'est pas responsable. Le principe de base est que le pouvoir de décision du chef d'établissement - indépendamment de la question de savoir qui doit être chef d'établissement - est indissociable de sa responsabilité administrative, pénale et financière. Je le dis souvent : je suis chef d'établissement depuis vingt-deux ans et, sur cette période, j'ai été mis en examen ou témoin assisté pendant seize ans...

La question de fond est : quelles sont les priorités de l'hôpital ? Il existe quelques hochets qui nous mobilisent mais qui ne sont pas le coeur du sujet. Il y a vingt ou vingt-cinq ans, l'hôpital n'avait pas la même mission. La première ligne de soin, sous le poids du vieillissement de la population, des maladies chroniques, de la démographie médicale, a plié. Nous n'avons plus, avec l'activité non programmée, une activité d'hôpital. C'est un cercle vicieux : plus nos métiers s'étendent, plus les pouvoirs publics nous demandent des gains de productivité pour arriver à les financer ! C'est un problème ! C'est d'autant plus préoccupant que, en parallèle, le progrès médical s'accélère. Nos établissements délivrent des soins à 2 millions d'euros par patient ; c'est très bien, mais, parallèlement, notre système de santé - bâti, informatique, etc. - s'appauvrit. C'est paradoxal. On est d'ailleurs parvenu à culpabiliser les hospitaliers, comme si les médecins n'étaient que des dépensiers et que les directeurs ne pensaient qu'à tenir les comptes ; on a enfermé les uns et les autres dans une guerre intestine, alors que notre problème à tous est le système de santé.

Sur la place du soin, attention à ne pas être dans un débat bilatéral dans lequel on oublie la moitié du personnel ; pour notre part, nous sommes favorables à une vice-présidence du directoire pour les directeurs des soins. Sur le doyen, nous sommes tous d'accord : il y a eu une maladresse, quand il a été décidé que le président ne cosignerait pas les nominations de chef de service ; il faut revenir dessus, nous sommes tous attachés à la place du doyen dans la gouvernance du CHU.

Sur le personnel administratif, attention à ne pas tomber dans ce piège populiste facile. Il n'est pas vrai que le personnel administratif soit 54 % plus important en France qu'en Allemagne. La Fédération hospitalière de France l'a étudié. L'effectif le plus important du personnel administratif de l'hôpital, ce sont les secrétaires médicales et si l'on retraite les effectifs de ce corps, on aboutit à 5 % ou 6 % de personnel administratif. D'ailleurs, si l'on compare la taille des administrations hospitalières à celle des collectivités territoriales, je ne suis pas sûr que l'on trouve que l'hôpital est suradministré...

Sur le conseil de surveillance, on peut avancer. La loi HPST a été trop restrictive. Il y a encore des choses sur lesquelles le conseil de surveillance ne délibère pas. En revanche, soumettre les budgets à délibération ajoutera un problème juridique, car les grandes métropoles refuseront d'adopter l'EPRD.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Frédéric Valletoux affirme que les fédérations y sont favorables...

M. Philippe El Saïr. - Nous en discuterons avec lui. Je suis persuadé que les grandes métropoles françaises - Paris, Lyon, Marseille ou autres - ne voteront pas l'EPRD.

M. Bernard Jomier. - Je confirme qu'il nous a dit que les fédérations y étaient favorables. Nous verrons cela.

M. Philippe El Saïr. - Les fédérations n'ont pas forcément vu le problème, il y a des questions de taille.

M. Bernard Jomier. - Justement, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, il y a cinq représentants de collectivités : le vote de la région ne sera pas le même que celui de Paris, des Hauts-de-Seine, etc. Restons-en à la question de principe.

M. Philippe El Saïr. - Mais tôt ou tard nous serons dans le concret : si les quinze plus grandes métropoles ne votent pas l'EPRD parce que les élus politiques sont interpellés par le personnel, qui se plaint du manque de moyens, il y aura un problème.

M. Bernard Jomier. - Si les quinze principales métropoles, qui ne sont pas de la même couleur politique, arrivent au même vote, c'est effectivement qu'il y a un problème dans le budget hospitalier de notre pays, donc c'est signifiant...

M. Philippe El Saïr. - Sur le numérique, je suis d'accord, il y a un paradoxe : il y a d'importants progrès, on peut maintenant suivre les patients à domicile, mais c'est aussi un irritant majeur. C'est que les outils sont mauvais, parce que l'on n'y consacre pas assez d'argent. De l'autre côté de l'Atlantique, il y a des outils très performants, donc c'est possible. En France, on écrase tellement les prix que l'on a tué le marché. Le prochain plan d'investissement devra être consacré à cette question.

Sur Valenciennes, je ne suis pas sûr que ce soit un modèle universel, même si l'on peut l'étudier, éventuellement s'en inspirer au cas par cas. Sur les services, il y a un problème d'épaisseur des structures hospitalières. Les hôpitaux comptent jusqu'à 10 000, 15 000, 20 000 agents. Comment rapprocher la décision du terrain ? Il faut y réfléchir.

M. Francis Saint-Hubert. - Je ne reviendrai pas sur tous les sujets.

Sur le fait de soumettre le budget au conseil de surveillance, le problème politique que soulève M. El Saïr est réel et il ne concerne pas que les grandes métropoles ; il concerne aussi des établissements de taille modeste. On peut prévoir des modalités d'arbitrage, en commençant par améliorer ce qui existe, mais, sur le fond, nous affirmons que la question fondamentale est la façon dont nous déterminons, via l'Ondam, les moyens que la Nation veut consacrer à la santé. Les indicateurs de santé publique ne sont pas suffisants. Bref, la question est bonne, mais la réponse est compliquée. Du reste, cette interrogation se traduit dans chaque hôpital. La HAS nous donne des obligations via la certification, par exemple sur la sécurité incendie. Penchons-nous sur les obligations que l'on donne aux établissements.

On se compare à l'Allemagne, mais il est hasardeux et même dangereux de sortir des chiffres sans poser le problème de façon globale. On en revient au diktat des opinions, des approximations, des impressions, que j'évoquais ; on ne peut pas continuer ainsi.

Sur la décision, il existe bien une tension : faut-il donner la liberté aux acteurs sur place pour prendre la décision, sachant que, si ce n'est pas réglementé, cela ne se fait pas ? Vous aurez donc, vous, législateur, beaucoup de travail...

Par conséquent, faisons une pause, étudions la question, mais allons jusqu'au bout ! Ce n'est pas parce que l'on règlemente que ça marchera : celui qui balaie a toujours une marge de manoeuvre ; qu'on lui fasse une fiche de poste, une procédure, ou non, il aura toujours une marge de manoeuvre. Et c'est valable pour toutes les organisations. Il faut trouver un équilibre entre réglementation et autonomie.

Vous connaissez le nudge management : comment l'environnement peut-il faire évoluer les comportements ? Il faut investir dans ce sens. Le modèle de Valenciennes fonctionne sans doute, mais je crois aussi qu'on le survend. Attention, l'hôpital n'est pas un centre commercial, où chaque boutique fait ses affaires. Il peut y avoir des délégations, mais les hôpitaux sont en déficit ; faut-il déléguer aussi les déficits aux chefs de service ou de pôle ? Réglons d'abord la question des moyens affectés par la Nation aux hôpitaux, puis nous verrons comment organiser la prise de décision. Les mesures cosmétiques ne suffiront pas.

Sur le personnel administratif, quelques remarques : le secrétaire médical est-il un administratif ? L'agent qui accueille les patients est-il un administratif ? Quand j'aurai des précisions sur les chiffres annoncés, nous pourrons discuter...

Sur le conseil de surveillance, les établissements doivent préserver leur identité, car les agents ont besoin d'appartenir à un service, à un hôpital, mais il faut aussi les amener à des considérations territoriales. Il y a des services qui ne peuvent plus tenir, on le sait. On ne peut pas défendre son hôpital sans en tirer les conclusions sur l'installation des professionnels de santé. Nous sommes au pied du mur. Un environnement sécurisé doit garantir qu'il n'y a pas de paroles contradictoires, mais il faut aller au bout de la logique. Si l'on veut garder tous les hôpitaux, tous les services, il faut avoir le nombre de professionnels nécessaire. Les incitations financières à l'installation n'ont pas fonctionné, on le sait. Je ne milite pas forcément pour contraindre l'installation des praticiens, il peut y avoir d'autres voies.

Il y a notamment une question de métiers. Notre système de santé est cloisonné par métiers : il faut treize ans d'études pour être médecin, trois ans pour être infirmier, etc., mais nous devons créer de nouveaux métiers, des métiers intermédiaires, qui puissent, après sept ou huit ans d'études, assurer des tâches aujourd'hui confiées aux seuls médecins. Travaillons rapidement sur ces métiers intermédiaires. Le maître mot sera la formation. Actuellement, seulement 2,1 % de notre budget sont consacrés à la formation : doublons ce ratio et donnons-nous les moyens de former les gens.

M. Rémi Salomon. - Je partage le dernier propos sur la formation, que ce soit pour les médecins ou les paramédicaux. On ne définit pas la formation en fonction des besoins à long terme. Il faut aller plus loin que la seule réforme du numerus clausus. Sur les paramédicaux, il y a par exemple un sujet majeur autour de la qualité des infirmiers. On ne sélectionne pas bien les élèves à l'entrée des instituts de formation en soins infirmiers. Il faut travailler avec l'éducation nationale et renforcer la formation continue.

Oui, nous n'avons pas les moyens qu'il faudrait, ce qui nous met en difficulté partout, mais il est aussi nécessaire de faire plus confiance. Il y a un vrai malaise, un sentiment aigu d'une hiérarchie trop pesante, sans marge pour le dialogue. La question des moyens complique tout, c'est vrai, mais il y a un problème de confiance et l'encadrement est un sujet majeur. Les médecins chefs de service doivent être bons manageurs, mais c'est encore plus vrai pour les paramédicaux, dont les métiers sont très peu attractifs. Il faut revaloriser le métier de cadre, en le reconnaissant dans sa capacité à dire et à être entendu.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci de cet échange passionnant, qui ouvre nombre de perspectives.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close 12 h 15.

- Présidence de Mme Catherine Deroche, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Application des lois réformant la protection de l'enfance - Audition de Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous recevons cet après-midi Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre chargée de l'enfance, sur l'application des lois réformant la protection de l'enfance. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo.

Madame la secrétaire d'État, il y a trois semaines, j'ai souligné toute l'importance que notre commission attache au suivi de l'application des lois. Le Sénat a d'ailleurs modifié son règlement en 2019 pour confier une mission de suivi aux rapporteurs des projets et propositions de loi examinés par le Sénat et a préconisé récemment, par la voix du groupe de travail piloté par Pascale Gruny de conforter encore cette mission par le contrôle approfondi de l'application des lois emblématiques.

C'est ainsi que cette année Bernard Bonne a été chargé d'une mission d'information relative à l'application des nombreuses lois réformant la protection de l'enfance. Vous pouvez voir dans cette désignation à la fois l'importance qu'ont à nos yeux ces textes, donc le secteur dont vous avez la charge, et notre préoccupation face à l'ampleur des mesures qui restent à prendre pour bien appliquer la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. Comme je l'ai indiqué à la commission, seulement 37 % des mesures réglementaires attendues ont été prises ; 17 textes réglementaires sont encore en attente de publication, auxquels s'ajoutent une ordonnance dont le délai d'habilitation a expiré et un rapport au Parlement qui n'a pas été rendu.

Madame la secrétaire d'État, je vais vous laisser la parole afin que vous nous précisiez les raisons de ces retards et l'action du Gouvernement pour y remédier au plus vite. Le rapporteur Bernard Bonne puis l'ensemble des commissaires qui le souhaiteront pourront ensuite vous interroger.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'enfance. - Je suis heureuse d'être reçue cet après-midi pour échanger avec vous sur la protection de l'enfance et sur l'application de ce texte ambitieux, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants. Ce texte fait suite à deux lois importantes, de 2007 et de 2016, dont l'entrée en vigueur peut également soulever quelques questions.

L'application de la loi recouvre deux réalités : la déclinaison réglementaire et la prise en compte des textes sur le terrain par les opérateurs, qui constitue une ambition encore plus importante.

Je l'ai déjà indiqué, je suis très attachée à la mise en oeuvre de la loi du 7 février 2022 ; je m'y suis attelée dès mon arrivée au Gouvernement. Néanmoins, cette loi ayant été adoptée à la fin du précédent quinquennat, les administrations se sont retrouvées dans la période particulière des élections et il a fallu attendre la nomination d'un nouveau gouvernement pour que le processus puisse s'enclencher.

Ce texte très ambitieux comportait beaucoup de renvois au pouvoir réglementaire et nombre de ses dispositions avaient fait l'objet d'études d'impact un peu rapides, y compris du point de vue financier pour les départements. J'ai donc repris des discussions approfondies avec les conseils départementaux, dans un contexte tendu pour la protection de l'enfance. Cela explique une partie des délais.

Avant d'entrer dans le vif du sujet, je me permets de rappeler les cinq chantiers prioritaires qui m'ont été assignés par la Première ministre, dans le cadre du comité interministériel des droits de l'enfance de novembre 2022 :

- la lutte contre les violences faites aux enfants - j'annoncerai en juin prochain la continuité du plan de lutte contre ces violences, tant cette réalité reste prégnante - ;

- l'égalité des chances et la priorité accordée à deux publics : les enfants protégés et les enfants handicapés - je vous renvoie à la convention nationale du handicap que le Président de la République a présidée voilà quelques semaines - ;

- la protection des enfants face au numérique ; la Haute Assemblée a examiné hier un texte sur ce sujet et il se penchera sur le projet de loi de Jean-Noël Barrot en juin prochain ;

- la santé des enfants - nous attendons les conclusions des assises de la santé des enfants, avec notamment une attention portée à la santé mentale des mineurs, qui nous inquiète particulièrement en ce moment - ;

- et le service public de la petite enfance ; Jean-Christophe Combe vient d'indiquer en séance publique des annonces de la Première ministre à ce sujet.

Ces cinq chantiers prioritaires donnent lieu à un travail interministériel important et, le 15 juin prochain, je présiderai le comité interministériel de l'enfance pour faire un point d'avancement.

J'en viens à l'application de la loi du 7 février 2022. Cette loi est intervenue après des mois de concertation. Elle répond à de nombreuses attentes de nombreux acteurs : associations, élus, acteurs institutionnels. Ce texte très riche porte sur de nombreux sujets et renvoie à de nombreux décrets. Je le répète, il a été adopté en fin de quinquennat et son impact financier a sans doute été évalué un peu trop rapidement, c'est pourquoi, à mon arrivée, j'ai pris attache avec les présidents de conseil départemental et avec l'Assemblée des départements de France (ADF), pour discuter de la mise en oeuvre de certaines dispositions.

Tout d'abord - cela ne relève pas d'un décret, mais c'est important -, j'ai consacré beaucoup d'énergie au baptême du groupement d'intérêt public (GIP) France Enfance protégée. Même si cela relève d'une convention, cette mesure faisait partie, selon moi, de l'application de ce texte. Ce GIP est une originalité administrative, puisque la gouvernance est partagée entre un collège de l'État - des services des ministères de la justice, de l'éducation nationale et de la santé, coordonnés par la direction générale de la cohésion sociale -, un collège des départements - il se trouve que les dispositifs de protection de l'enfance varient beaucoup d'un département à l'autre - et un collège d'associations engagées, gestionnaires, de premiers concernés et de familles.

Cet organe administratif a comme ambition d'appuyer l'ensemble des politiques publiques nationales et territoriales, mais aussi d'apporter des données chiffrées, d'être centre de ressources. Par ailleurs, ce GIP héberge le numéro d'appel 119 et l'Agence française de l'adoption. Il fallait donc mettre au monde ce GIP et établir son budget ; cet exercice m'a pris une bonne partie de l'été 2022.

Deuxième priorité : la mise en place des comités départementaux pour la protection de l'enfance (CDPE). Le texte prévoit une expérimentation en la matière et je considère cette institution comme indispensable, parce qu'elle est pilotée par le préfet et le président du conseil départemental, en présence de l'autorité judiciaire, et qu'elle a un impact important. Ces comités départementaux font un état des lieux des besoins et définissent une stratégie en matière d'offre et de contrôle. De manière générale, ils se saisissent de tous les sujets pertinents, qui peuvent être très concrets : les cas complexes - zéro enfant sans solution -, l'accompagnement à l'autonomie à la sortie des dispositifs ou encore l'accompagnement des professionnels. Le décret relatif à ces comités a paru et j'en ai déjà installé quatre ou cinq. J'ai pu mesurer l'attente des acteurs à cet égard et j'y place beaucoup d'espoirs. Il s'agit à mes yeux d'une politique éminemment territoriale. J'espère élargir cette expérimentation à d'autres départements, avec, si possible, un département ultramarin.

Je vais maintenant entrer dans le détail des mesures à prendre ou prise par décret. J'ai consulté sur ces décrets les conseils départementaux lors de mes déplacements ; j'en ai vu plus de trente. Par ailleurs, ne l'oubliez pas, nous devons consulter certaines instances, notamment le Conseil national de la protection de l'enfance, qui a été renouvelé par la loi et qui devait également faire l'objet d'un décret. Très légitimement, ce conseil prend du temps pour examiner ces décrets ; il n'est pas toujours possible de leur appliquer les délais très brefs que l'on impose au Conseil d'État.

Sur les quarante-deux articles de la loi, quatorze prévoyaient des renvois à des mesures d'application par voie réglementaire. Cela couvrait vingt-huit dispositions législatives au total. Au 1er mars 2023, vingt-quatre de ces dispositions étaient entrées en vigueur, une mesure a une entrée différée au 1er février 2024, une mesure renvoie à un décret à titre éventuel et il ne nous paraît pas nécessaire, et deux dernières mesures nous semblent hors compteur, parce qu'il ne s'agit pas d'un décret d'application de la loi ou que le décret n'est pas requis.

De nombreux décrets sont en cours de procédure et doivent être publiés avant l'été, ce qui portera à 75 % le taux d'application de la loi ; nombre d'entre eux sont en cours d'examen au Conseil d'État.

Six décrets d'application ont été publiés, correspondant à neuf des vingt-quatre dispositions législatives identifiées. L'un de ces décrets porte sur les informations préoccupantes ; un autre porte sur l'accroissement de la qualité de l'évaluation de ces informations, fondé sur le référentiel de la Haute Autorité de santé (HAS), auquel vous avez souhaité donner une portée législative ; un troisième précise le retour d'informations à tous ceux qui ont transmis des signalements à la cellule de recueil.

Un décret important, qui aura un impact financier non négligeable pour les départements, concerne la rémunération des assistants familiaux. Ce décret est essentiel, car la courbe démographique des assistants familiaux s'écrase. Je ne suis pas sûre que ce décret inverse la courbe du nombre de familles s'engageant dans l'accueil des enfants en danger, mais c'était un souhait du législateur et le décret a été pris. Reste à le mettre en application et à s'assurer que les assistants familiaux soient rémunérés conformément aux nouvelles garanties légales et réglementaires. Ils le sont bien quand ils sont salariés des départements, mais la question du financement de ces mesures quand les assistants familiaux sont rémunérés par des associations entraîne quelques délais de mise en oeuvre, car les départements prennent du temps pour négocier les conventions de financement.

Le décret prévoyant l'expérimentation des comités départementaux pour la protection de l'enfance a été publié, de même que les deux décrets instituant l'un le Conseil national de l'adoption, l'autre le Conseil national de la protection de l'enfance. La constitution de ces instances exige des concertations, des discussions, des équilibres et entraîne parfois des réclamations, du reste tout à fait légitimes.

Quinze mesures actives sont en attente de décrets d'application. Sur ces quinze mesures, neuf soit ont déjà fait l'objet de concertations avec les parties prenantes, soit sont en instance de publication, soit sont en cours d'examen par le Conseil d'État.

Le premier est le décret qui encadre l'accueil en hôtel des mineurs protégés. Ce sujet est extrêmement sensible et le contexte de la protection de l'enfance est en forte tension ; je vous renvoie à la prise de position publique de François Sauvadet. Il y a une triple pression sur les dispositifs de protection de l'enfance : d'abord, l'augmentation des placements d'enfants habitant sur notre territoire - avec une hausse de 30 % dans certains départements -, sous l'effet probable de la crise de la covid-19, d'une meilleure prise en compte des violences intrafamiliales et de la politique des mille premiers jours, qui entraîne de nombreux placements de nourrissons ; ensuite, la reprise des flux migratoires, avec l'arrivée de jeunes mineurs non accompagnés ; et, enfin, la pression du travail social. L'impact financier de ce décret très sensible n'a pas été bien pris en compte.

Sont également sensibles le décret relatif à la durée de l'accueil provisoire d'urgence des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA) et celui qui a trait à la clef de répartition des jeunes reconnus comme MNA entre les départements.

Deux décrets ont fait l'objet de concertations de fond et sont sur le point de sortir du Conseil d'État : il s'agit du parrainage-mentorat et du tiers de confiance. J'associe ces deux décrets parce qu'il me paraît important d'avoir une réflexion partagée avec les acteurs, dont les départements, sur la fameuse politique de l'adulte référent et de l'accompagnement des mineurs au-delà de la protection de l'enfance par des adultes. Parmi les regrets des jeunes sortant des dispositifs à 18 ans se trouve l'isolement social et affectif dans lequel ils sont plongés. La question du parrain ou mentor et du tiers digne de confiance, du référent de l'aide sociale à l'enfance (ASE) a fait l'objet de beaucoup de réflexions.

Le décret modifiant les projets d'établissement sur la maltraitance a été beaucoup discuté dans le cadre des travaux sur la maltraitance.

Sur les trois décrets portés par le ministère de la justice - sur la médiation familiale, les modalités de recours à la collégialité en assistance éducative et les droits accordés à l'administrateur ad hoc par le juge des enfants -, nous avons eu une légère complication : les consultations des comités ministériels ont été réalisées auprès des anciens comités techniques, antérieurs à la réforme. Le Conseil d'État nous a demandé de reconsulter les nouveaux comités sociaux d'administration (CSA). Ces conseils ont été réunis, nous en attendons les résultats et les décrets seront publiés rapidement. Ces décrets sont essentiels et très attendus, notamment en matière de collégialité en assistance éducative.

Sur les six mesures restantes, deux relèvent d'un décret unique relatif à la création d'une base de données nationale des agréments des assistants familiaux et des assistants maternels. Les travaux en cours avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) sont riches. Nous en sommes au stade de l'analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD). Le nouveau GIP portera les deux bases de données.

Je suis pleinement engagée. À la demande de la Première ministre, j'ai été attentive à mener un dialogue construit avec l'ADF, avec le GIP France Enfance protégée et avec les associations, qui sont très attachées à l'écoute qu'on leur accorde, dans un contexte de forte pression sur la protection de l'enfance. À l'été prochain, nous n'aurons pas à rougir des travaux qui auront été menés cette première année.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Merci de vos propos. Nous vous avions envoyé, madame la secrétaire d'État, un questionnaire, ce qui vous a permis de répondre à un certain nombre de nos questions pour suivre l'application des lois de 2007, de 2016 et de 2022. Lors de nos auditions, la plupart des acteurs nous ont dit que les trois lois suffisaient et qu'il était indispensable d'évaluer leur application avant d'envisager toute nouvelle réforme législative.

Les départements ont le sentiment que les décrets ne sont pas publiés et appliqués assez rapidement. Il faut certes attendre l'avis du CNPE, mais il faut aussi aller vite.

Madame la secrétaire d'État, sur les cinq enjeux que vous avez évoqués, il y en a deux pour lesquels la loi de 2022 a apporté des améliorations, notamment la lutte contre les violences. En Eure-et-Loir, département très volontaire et assez vertueux en matière de protection de l'enfance, nous avons constaté, à l'occasion d'un déplacement avec ma collègue Chantal Deseyne que les choses fonctionnent plutôt bien, mais que les moyens manquent pour les hébergements hôteliers ou pour les jeunes de 18 à 21 ans. Comment ont été répartis les 50 millions d'euros prévus par la loi de finances pour 2023 ?

Nous avons rencontré les services de l'État. Les services déconcentrés sont-ils aussi diligents dans tous les départements qui mènent des expérimentations ? Pour la réussite du comité départemental de protection de l'enfance, il faudra une incitation forte de la part des ministères pour que la participation des juges pour enfants soit presque systématique et plus homogène sur le territoire, au regard de la diversité de leurs pratiques. Un autre département entendu en audition regrettait les placements systématiques décidés par un juge ainsi que les difficultés relationnelles qu'il pouvait exister entre l'ASE et l'autorité judiciaire.

Beaucoup de départements ont déjà pris des mesures pour accueillir des enfants en dehors des hôtels. Il faudra résoudre le problème des mineurs non accompagnés (MNA), qui complique la tâche des départements, sur le plan tant financier qu'organisationnel. Il faudra clarifier la situation pour les départements : le flux augmente considérablement depuis un an, des départements sont en grande difficulté.

Concernant les tiers dignes de confiance, la solution de l'accueil chez un tiers est-elle systématiquement évaluée préalablement à une mesure judiciaire de placement comme l'article 1er de la loi de 2022 le prévoit ? De même, l'est-il systématiquement proposé aux enfants protégés de désigner une personne de confiance de leur choix ? Ces mesures sont très importantes. Nous avons beaucoup parlé également de la présence des avocats. Nous avons le sentiment que les juges sont de plus en plus favorables à la présence systématique de l'avocat pour l'enfant discernant, l'âge du discernement devra être précisé.

En Eure-et-Loir, la lenteur des services de l'État pour répondre aux demandes de titre de séjour des MNA accueillis à l'ASE et pour déterminer la situation légale de ces jeunes a été signalée. L'État devrait aller plus vite.

Le CDPE, comité de pilotage, est un ajout très important du Sénat. Il faut que les départements s'engagent dans cette voie, pour que tous les services de l'État puissent participer à la protection de l'enfance. Il faudra veiller à ce qu'il n'y ait pas de différend entre les préfets et les présidents de conseil départemental qui coprésident ces comités.

La protection de l'enfance est très importante pour le Sénat ; elle n'est pas assez prise en compte dans certains départements. Il est agaçant de dépenser autour de 9 milliards d'euros par an pour des résultats très moyens : voyez les pourcentages de jeunes à la rue ou drogués qui sortent de l'ASE.

Mme Chantal Deseyne. - Certains connaissent des problèmes de drogue... voire basculent dans le terrorisme dans le pire des cas.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - D'où l'intérêt d'appliquer les lois. La dernière a été adoptée il y a un an et demi. Il faut avancer rapidement, malgré le changement de gouvernement.

Mme Michelle Meunier. - France Télévisions diffusera bientôt, en faisant le portrait de Marie Rabatel, un documentaire sur les enfants victimes d'abus sexuels dans le domaine médico-social qui va susciter beaucoup d'émotion. En novembre 2022, je vous avais déjà interrogée sur le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais), à la suite de nos travaux sur la pédocriminalité en institution. Nous avions été très étonnés d'entendre que le domaine du handicap ne se sentait pas concerné : quel déni ! Les enfants sont des proies faciles pour les prédateurs. Certains auteurs de violences sont des bénévoles ou des professionnels, qui passent à travers les mailles du filet. Je vous avais alors interpellée. Quelle est la situation ? Le domaine médico-social gère avant tout la pénurie de professionnels, mais il faut être exigeant et rester attentif à l'honorabilité des professionnels recrutés. Pour les chauffeurs et transporteurs d'enfants porteurs de handicap, les choses ont-elles avancé ?

Lors des auditions, nous constatons qu'il faut avant tout mettre en oeuvre les lois. Quel contrôle peut-on mettre en place ? Quels sont les moyens de contrôle pour vérifier que les enfants sont traités de manière correcte ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Les données posent problème. Le nouveau GIP pourra les faire remonter. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Dress) a récupéré une partie d'entre elles ; elle doit désormais mieux les ordonner. Les départements et les autorités judiciaires ont des données qui ne font pas partie du plan numérique du ministère de la justice, qui a fort à faire en la matière. Les données de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sont aussi concernées. Nous pourrons ainsi mieux évaluer l'entrée en application des trois lois. Nous constatons que 80 % des dossiers de protection de l'enfance sont judiciarisés. De plus, le ratio est de 60 % de placements pour 40 % de milieu ouvert ; cette répartition est constante, voire se dégrade. Les données sont essentielles, nous devons y travailler.

La cohérence de l'action doit se définir à l'échelon du département, d'où l'importance du CDPE. Les services déconcentrés de l'État, sont peu dotés en moyens humains dans le champ de l'enfance. La préfecture des Bouches-du-Rhône compte 0,80 équivalent temps plein travaillé (ETPT) dédié à l'enfance. J'avais demandé dans le projet de loi de finances pour 2023 des effectifs pour les directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) en matière de contrôle. Je renouvellerai ma demande pour 2024. Nous n'avons obtenu que très peu d'effectifs, que nous sommes en train de répartir. Les départements qui expérimentent doivent avoir des moyens.

Concernant l'autorité judiciaire, nous avons aussi renouvelé la demande de renforcer les directions territoriales de la PJJ, pour renforcer leur implication institutionnelle auprès de l'autorité judiciaire en matière d'enfance.

Les magistrats de la jeunesse ont des pratiques riches, certes, mais le décret est très clair : le procureur de la République est chargé de la protection de l'enfance et la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) est chargée du pilotage des parquets en matière de protection de l'enfance. J'ai donc oeuvré pour qu'au niveau réglementaire, le procureur de la République soit le vice-président du CDPE ; le Parlement en avait décidé autrement. Par définition, le procureur de la République est distancié des pratiques individuelles des magistrats du siège, y compris des présidents des tribunaux pour enfants, qui ont aussi des cabinets, ce qui peut conduire à des situations un peu « schizophrènes ». J'ai tenu à ce que le parquet reprenne sa place. Le procureur de la République est l'interface indispensable entre les autorités publiques et l'autorité judiciaire du siège, qui doit conserver son office du juge. Il lui appartient de faire appel en cas de décisions non éclairées. Le procureur doit jouer un rôle de coordonnateur pour cette politique publique. La PJJ est très engagée dans son dialogue avec les magistrats, en particulier avec le parquet, pour développer les CDPE.

Concernant les 50 millions d'euros consacrés au soutien de la politique des départements, les CDPE devraient être le lieu où l'on détermine les projets soutenus. Il faut des stratégies collectives dans les territoires, pour prioriser les actions - jeunes majeurs, prostitution, offre pour les personnes handicapées - et abonder correctement la contractualisation, en évitant les saupoudrages. En la matière, l'implication des préfets est essentielle. Stratégie, finances et évaluation doivent aller de pair.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Cette somme n'a pas encore été répartie.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Elle l'a été en partie : nous soutenons déjà des projets Jeunes majeurs. Les départements sont peu capables d'évaluer le coût du dispositif, l'évaluation n'est faite qu'a posteriori. Les demandes vont nous parvenir pour la contractualisation en 2024. Nous voulons dépenser cette ligne budgétaire, qui reste assez réduite, et nous restons vigilants à ce que les demandes de 2023 soient bien traitées. Nous laissons les départements prendre l'initiative, puis nous soutenons les projets. Nous préparons un jaune budgétaire pour évaluer ce que l'État attribue à la protection de l'enfance. Les départements investissent des sommes considérables - j'en ai bien conscience -, mais l'État aussi contribue : des postes sont créés au ministère de la justice et l'éducation nationale contribue tout autant. Nous constatons un défaut de coordination entre la santé, l'éducation, la justice, les départements ou encore les caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM).

Le sujet des MNA mériterait une audition spécifique. Des textes sont en cours de discussion. À nouveau, la situation des MNA met en tension tout le dispositif de la protection de l'enfance. Près de l'Italie, il faudrait créer un foyer par jour. Des discussions sont en cours avec l'Italie et à l'échelon européen. Certains sujets dépassent ma compétence, mais je souhaite fluidifier le parcours des MNA, une fois qu'ils sont pris en compte en protection de l'enfance ou par la PJJ. Il y a aussi un enjeu de sortie du dispositif des MNA.

Le criblage des antécédents judiciaires des professionnels en contrat avec des enfants est essentiel. La loi est bien en vigueur. Nous sommes en train de finaliser une équipe centralisée pour le territoire national, pour fluidifier ce criblage grâce à un certificat de probité demandé électroniquement. Si le certificat n'est pas délivré automatiquement, une action humaine est nécessaire : l'équipe centralisée pourra traiter à la chaîne les cas de remontée du Fijais ou du casier judiciaire.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Cela demande de contrôler toutes les personnes qui travaillent déjà.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Pas dans la fonction publique.

M. Bernard Bonne, rapporteur. - Tous ceux qui interviennent dans les établissements ne sont pas nécessairement contrôlés. Les préfectures se contentent de gérer les flux entrants sans exhaustivité et sans encore s'attaquer aux stocks.

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Les entreprises d'intérim ont trouvé dans le contexte actuel une source lucrative de profits. Les grandes associations et les départements doivent pouvoir exiger un criblage avec tout contrat d'intérim.

J'appelle votre attention sur le fait que l'on m'a proposé, à la suite d'une affaire tragique sortie dans les médias, de cribler aussi tous les baby-sitters. Devrions-nous cribler tous les adultes ? Et même toutes les familles ? Jusqu'où aller ? En matière de violences sexuelles, je travaille plutôt sur une campagne extrêmement choc, pour savoir si nous n'avons pas perdu le nord. Je suis estomaquée face aux chiffres de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Il faudrait en fait cribler toute la population, y compris ceux qui ont des accidents de la route parce qu'ils regardent des images pédocriminelles ! Toute la population devrait s'interroger sur sa relation à la sexualité et avec les enfants. Médias et enquêteurs nous livrent des informations écoeurantes : les enquêteurs tiennent un an maximum face à ce qu'ils découvrent. Certes, il ne faut rien lâcher sur le criblage, mais on se demande s'il ne faudrait pas cribler la totalité des adultes de ce pays. Sur les violences sexuelles faites aux enfants, il faut me soutenir, pour crier haut et fort que cela suffit. J'en viens parfois à me demander si cela n'est pas structurel dans le cerveau reptilien des humains. Nous nous interrogeons aussi avec les pays étrangers pour évaluer l'ampleur du phénomène en France. On ne peut pas banaliser les problèmes liés à la pornographie et à la pédopornographie. En Outre, sur le criblage, il faut industrialiser la gestion du problème.

Le tiers digne de confiance fait l'objet de travaux, à la PJJ, dans des groupes de travail avec les magistrats et les principaux acteurs, pour identifier et développer les pratiques innovantes. Le tiers digne de confiance et la place des familles d'accueil font l'objet de fortes réflexions.

J'espère que les pratiques de placement à la PJJ pourront influencer les pratiques de placement en protection de l'enfance. Nous travaillons de manière transversale. Des placements en urgence empêchent le travail d'évaluation serein sur la solution d'un accueil par un tiers qui doit aussi être criblé de manière rigoureuse. Nous avons 30 % de placements en plus, en pleins travaux sur la violence intrafamiliale. De toute évidence, sur cette thématique, la loi n'est pas appliquée. Un travail approfondi est nécessaire.

Le parrainage de proximité et le mentorat sont des sujets plus simples. Nous allons établir des conventions pour avancer avec les départements, car nous oublions souvent de construire les parcours des enfants, en raison des urgences.

M. Laurent Burgoa. - La loi de février 2022 avait repris un certain nombre de nos recommandations sur les MNA. Il faut traiter ce sujet avec humanité, mais aussi avec fermeté. Pour éviter le nomadisme administratif des jeunes dont nous ne savons pas s'ils sont mineurs ou majeurs, cette loi a prévu un fichier national. Or certains départements ne veulent pas collaborer et refusent de communiquer les informations aux services préfectoraux. Qu'en est-il aujourd'hui ?

On constate une recrudescence des hébergements de MNA en hôtel dans les Alpes-Maritimes ; or ils doivent être interdits en 2024. Comment faire, étant donné la dynamique actuelle ? Le sujet des MNA ne devrait-il pas être repris par l'État ? À cause de ce problème, les départements sont en train de perdre le bénéfice de cette belle compétence qu'est l'ASE.

Mme Élisabeth Doineau. - Dans la loi de 2016 était prévu un pécule pour les jeunes sortant de l'ASE grâce au versement de l'allocation de rentrée scolaire (ARS). Quel en est le bilan ?

Concernant les assistants familiaux, j'avais beaucoup insisté sur les week-ends de répit lors de l'examen de la loi du 7 février 2022. Ils ont besoin d'être soulagés. Où en sommes-nous désormais ?

Mme Corinne Féret. - Le décret sur les administrateurs ad hoc sera publié prochainement. L'Union départementale des associations familiales (Udaf) du Calvados m'interpelle : elle s'inquiète du manque de moyens pour exercer ses missions ; les indemnités de mandat sont très faibles. Les conséquences sont que plusieurs associations renoncent à exercer cette mission. Des moyens sont-ils prévus dans le décret ou faut-il en demander lors d'un futur budget ?

Mme Chantal Deseyne. - Le département d'Eure-et-Loir est engagé dans l'expérimentation des comités départementaux. Le département a été pilote pour traiter les situations complexes et éviter le travail en silo. La coopération avec la justice fonctionne bien, mais nous exprimons des réserves pour l'éducation nationale, notamment en matière de scolarisation des enfants de l'ASE.

L'accès au Fijais reste une source de complexité. En Eure-et-Loir, la préfecture collabore avec le département, mais elle ne peut traiter qu'une soixantaine de dossiers par semaine, car il faut des personnes habilitées.

Les personnes entendues en audition semblaient s'accorder sur la présence de l'avocat pour l'enfant. Pourtant, les magistrats ont des positions très différentes. Quel est votre point de vue ?

Mme Annick Jacquemet. - Selon un rapport de l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) de septembre 2022, seuls 15 % des élèves ont eu leurs trois cours d'éducation sexuelle à l'école. Or ce serait l'occasion de les informer sur les infections sexuellement transmissibles (IST), de les sensibiliser à la contraception, de construire une culture de l'égalité et de respect mutuel entre les garçons et les filles, et surtout de lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Le Gouvernement n'est pas resté inactif sur le sujet. Deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers des enfants de moins de 9 ans ont accès librement à des images pornographiques. Travaillez-vous avec l'éducation nationale sur ces sujets ?

Dans le cadre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), j'ai été sensibilisé aux travaux du docteur Anne-Lise Ducanda sur la pollution lumineuse. Elle a mis en évidence que les écrans pouvaient causer des troubles proches de l'autisme aux enfants de moins de 6 ans, à savoir des troubles des interactions et de la motricité. Une campagne était prévue pour sensibiliser les parents sur leur gestion d'internet vis-à-vis de leurs enfants. Ne serait-ce pas l'occasion de les sensibiliser à certains dangers des écrans numériques, tels que la myopie précoce ?

Mme Charlotte Caubel, secrétaire d'État. - Le fichier des MNA est en place depuis un certain temps. Seuls dix départements n'y ont pas recours. Le texte de 2022 a rendu le recours à ce fichier obligatoire et a interdit les doubles évaluations. Le décret est au Conseil d'État. Se posait la question de savoir ce qui se passerait en l'absence de signature de la convention entre le département et le préfet organisant les modalités de présentation de l'enfant. La proposition du Gouvernement n'a pas été retenue par le Conseil d'État. Nous devons revoir les choses, mais la publication du décret ne va pas tarder. Ce fichier a permis de limiter la présentation de majeurs dans le dispositif : associer des majeurs et des mineurs est très problématique.

Le texte interdisant l'hébergement en hôtel ne concerne pas les personnes se prétendant MNA et est donc en cours d'évaluation. Par ailleurs, leur prise en charge est financée par l'État. L'interdiction ne vaut que pour les mineurs.

La question de l'hôtel touche en fait dix départements, qui connaissent une forte pression migratoire ; les autres se sont mis en règle avant l'entrée en vigueur du décret. Le décret sur le point d'être publié interdit, dans la période transitoire courant jusqu'en 2024, le placement à l'hôtel des enfants de moins de 16 ans ou des enfants en situation de handicap ainsi que l'accueil prolongé delà de deux mois pour les autres enfants. À compter de 2024, l'accueil en hôtel sera impossible et le décret continuera d'interdire l'hébergement des enfants protégés de moins de 16 ans ou handicapés dans des structures autres que celles autorisées par le code de l'action sociale et des familles, y compris pour une durée inférieure à deux mois. Cela ne résout pas fondamentalement l'enjeu des MNA...

Le débat sur les MNA est éminemment complexe. Il faut être très ferme sur les enjeux migratoires ; oui, les majeurs doivent bien rejoindre les dispositifs dédiés aux majeurs, et les enfants doivent être considérés comme des enfants. L'enjeu des MNA est très transversal, c'est aussi un sujet de relations internationales et de diplomatie - Mme Colonna est engagée auprès des pays de migration -, et un sujet européen et national. J'ai parfaitement conscience qu'il faudra être ferme sur les engagements internationaux et que l'État ne peut pas ne pas être aux côtés des départements. Cependant, si nous supprimons des hôtels, il faut aussi que les collectivités acceptent l'installation de centres éducatifs fermés ou d'autres structures. Pour les préfets, c'est la croix et la bannière pour trouver du foncier ou des bâtiments à reconvertir ; les riverains ne sont pas ravis. Je réfléchis à des véhicules législatifs et réglementaires qui permettraient aux collectivités et à l'État de ne pas avoir à négocier systématiquement. Mettre en exécution les réquisitions est difficile. La solidarité doit dépasser les départements, elle engage l'État et toute la société.

Le sujet des administrateurs ad hoc n'est pas nouveau. Le garde des Sceaux veut porter le sujet politiquement et changer le nom de cette fonction, pour la rendre plus lisible. Cela renvoie à la place de l'avocat en protection de l'enfance et au rôle des adultes qui entourent l'enfant.

L'avocat systématique en protection de l'enfance est peut-être une étape supplémentaire de la transformation du rôle du juge des enfants. Dans les audiences seront présents les avocats de l'enfant, ceux de la famille et ceux du département. Le juge des enfants ne sera plus tel que l'avait conçu les ordonnances de 1945 et de 1958 du Général de Gaulle; il deviendra juge arbitre des conflits et des droits de chacun. Il faut travailler sur cette évolution avec les magistrats eux-mêmes, avec la représentation nationale et avec les parties prenantes. Nous tenons tous au rôle du juge dans le parcours de l'enfant et au fait que ce juge soit le même au pénal comme au civil. C'est aussi le seul moyen de correctionnaliser la procédure pénale des mineurs, pour la rapprocher de celle des majeurs. Je ne peux être seule à porter un tel sujet, alors que le juge des enfants est une figure emblématique de notre système judiciaire. Il ne serait pas inintéressant de proposer un avocat quand une affaire pénale est en cours et que l'enfant est victime de violences familiales ou victime collatérale de violences conjugales. L'avocat assurerait une meilleure coordination. Le juge des enfants change de mission, il faut en tenir compte.

Le pécule est un vaste sujet : 48 % des enfants qui sortent de l'ASE y ont effectivement accès. Un grand nombre de jeunes ignorent qu'ils en disposent. Parfois, la Caisse des dépôts et consignations elle-même ne retrouve pas ces pécules. Les pratiques des CAF sont aussi très hétérogènes. La remise à plat du dispositif est justifiée. Le parcours scolaire des enfants de l'ASE est erratique et mal pris en compte par l'éducation nationale. Pourquoi ces enfants n'auraient-ils pas droit, comme les autres, à des baskets neuves et à un cartable à la rentrée scolaire ? L'allocation de ressources au pécule de l'enfant, y compris des autres allocations familiales, est un sujet à approfondir.

La proposition de loi relative à la prévention de l'exposition excessive des enfants aux écrans de Mme Caroline Janvier, adoptée à l'Assemblée nationale, est assez complète et propose une vraie politique publique de santé en matière d'écrans. Elle vise à contraindre les vendeurs à mieux informer sur les risques. Elle prévoit une stratégie d'information pendant les mille premiers jours de la vie de l'enfant et dans les carnets de santé. Elle vise à sensibiliser et responsabiliser les familles et les enfants, ainsi que l'ensemble des professionnels.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Merci beaucoup, madame la secrétaire d'État, nous essayerons de planifier une audition spécifique sur les MNA.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 h 05.