Mercredi 7 juin 2023

- Présidence de M. Jean-Marie Mizzon, président -

La réunion est ouverte à 16 h 30.

Audition de Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ruralité

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Nous terminons aujourd'hui avec vous, madame la ministre, un cycle d'auditions et de déplacements qui a commencé le 8 février 2023. Pendant ces quatre mois, nous avons eu pour objectif d'évaluer les besoins de rénovation des écoles, collèges et lycées, liés à la transition écologique, d'identifier les défis, notamment juridiques et financiers de cette rénovation pour les collectivités territoriales, et de mesurer l'efficacité de l'accompagnement des décideurs locaux, sur le terrain. Le 28 juin, notre rapporteure nous présentera son rapport et ses recommandations. Il reste donc encore quelques semaines d'efforts.

Il était donc important que nous puissions évoquer avec vous les constats qui ont émergé de nos travaux et de la consultation des élus locaux à laquelle nous avons procédé sur le site du Sénat. Nous avons ainsi réuni plus de 1 300 témoignages d'élus, qui confirment la difficulté, plus particulièrement pour les communes, de conduire les projets de rénovation des bâtiments scolaires, dont la crise de l'énergie renforce l'intérêt, et que le droit européen et la loi française rendent obligatoires pour la plupart des établissements scolaires.

Cette audition vient à point nommé, quelques jours après l'annonce par le gouvernement d'un plan de rénovation des écoles, que vous allez nous présenter. Après l'intervention de notre rapporteure, Nadège Havet, à qui je vais donner la parole, nous aurons ensemble un temps d'échanges, madame la ministre. Je rappelle avant de donner la parole à la rapporteure que cette audition donnera lieu à un compte rendu écrit qui sera annexé à notre rapport et que son enregistrement vidéo sera accessible sur le site du Sénat.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Merci, madame la ministre, d'avoir répondu favorablement à notre demande d'audition. Comme notre président l'a rappelé, le 9 mai dernier a été annoncé un plan de rénovation énergétique des écoles qui s'appuie sur la mobilisation de divers leviers financiers (subventions, prêts, etc.).

Des crédits sont ainsi fléchés au sein du Fonds chaleur et du Fonds vert. S'agit-il de crédits nouveaux ou d'enveloppes dédiées à la rénovation des écoles, imputés sur des crédits existants ? En d'autres termes, ce plan fait-il l'objet d'un effort spécifique ?

La communication du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires évoquait à propos de ce plan le « défi du siècle ». Compte tenu du coût de ces rénovations, comment l'ampleur des moyens sera-t-elle dimensionnée ? Le plan annonce la rénovation de 10 000 écoles. Or sur les quelques 51 000 écoles, collèges et lycées recensés sur l'ensemble du territoire, seulement 14 % répondent aux normes « basse consommation » visées par le décret tertiaire à l'échéance de 2050. Comment vont être choisies ces 10 000 écoles ? Quels seront les bâtiments qui seront aidés par ce nouveau plan, alors même qu'il n'existe pas d'état des lieux à l'échelle du territoire qui permettrait de connaître précisément l'état actuel de ces bâtiments au regard des normes environnementales, de savoir ce qui a déjà été fait pour améliorer cet état et d'identifier ce qui reste à entreprendre pour atteindre les objectifs du décret tertiaire et des textes européens en préparation ?

Mme Dominique Faure, , ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée de la ruralité. - Monsieur le Président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les sénateurs, je vais si vous le voulez bien vous présenter le plan de rénovation des écoles avant de répondre à ces différentes questions.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Je poursuivrai mes questions après votre intervention.

Mme Dominique Faure. -Je vais donc apporter quelques éléments de réflexion sur la question du bâti scolaire, cruciale pour assurer l'éducation de nos enfants et petits-enfants. La rénovation énergétique des écoles est en effet une initiative essentielle pour réduire notre consommation énergétique, améliorer la qualité de vie des élèves, réduire notre empreinte carbone et lutter efficacement contre le changement climatique. Tout cela justifie l'utilisation d'outils de financement innovants, tels que le tiers-financement ou les certificats d'économie d'énergie, qui relèvent de la compétence de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Nous pourrons en parler, si vous le souhaitez.

Surtout, cette initiative implique que soit portée une attention toute particulière aux élus locaux, afin que l'État soit en mesure de les accompagner dans la territorialisation de la transition écologique que pilote mon ministre de tutelle, Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Le besoin d'investissements en faveur de la rénovation énergétique des écoles est aujourd'hui évalué à 5,2 milliards d'euros par an, soit plus du double du niveau actuel de financement. L'enjeu est donc de taille, car il s'agit de s'attaquer à la rénovation de 44 000 écoles publiques du premier degré représentant 50 millions de mètres carrés, soit un sixième des bâtiments des collectivités territoriales !

Si la compétence construction et entretien est de la responsabilité des communes, et parfois des intercommunalités lorsque cette compétence a été transférée, un tel défi ne peut pas être réalisé collectivement sans le soutien de l'État et de ses partenaires, notamment les régions et les départements. C'est ce qui nous a conduits à élaborer un plan spécifique pour les écoles, qu'elles soient dans nos villes ou dans nos villages. Aujourd'hui, le plan porté par le gouvernement nous permet de bâtir avec nos partenaires publics et privés, au premier rang desquels la Banque des territoires, une feuille de route crédible entre l'État et les collectivités territoriales.

Avant de répondre à vos questions, je souhaite rappeler qu'avec les dotations d'investissement classiques, et en premier lieu la DSIL et la DETR, c'est près de 6 500 projets relatifs aux bâtiments scolaires qui ont été soutenus en 2021, pour un soutien de près de 200 millions d'euros. Les dotations de droit commun sont ainsi largement mobilisées sur ce sujet en 2023 et continueront de l'être en 2024.

Avec le Fonds vert, la rénovation énergétique, en particulier des écoles, est encore plus au coeur des préoccupations du gouvernement et des élus. Début mai 2023, ce sont 105 projets de rénovation énergétique qui concernaient des écoles, dont 81 qui incluaient des travaux d'isolation et 72 projets de changement de système de chauffage. 20 millions d'euros d'aide du Fonds vert sont mobilisés sur ces 105 premiers projets qui permettent un gain énergétique annuel de 16 millions de kW/h d'énergie finale.

Au-delà des 2 milliards d'euros sur cette seule année 2023, compte tenu de l'engagement pris par la Première ministre de poursuivre en 2024 ce fonds essentiel aux collectivités, c'est surtout la méthode qui change. Il s'agit d'un fonds à la main des territoires, au plus près du couple élu local-préfet. Ce n'est pas un hasard si le millième dossier qui vient d'être validé au titre du Fonds vert concerne les dossiers de rénovation énergétique du groupe scolaire et du réfectoire de la commune de Chavenay, dans les Yvelines.

La preuve est faite du succès de ce fonds, notamment pour aider les collectivités territoriales à poursuivre et amplifier leurs actions pour la transition écologique. Il s'agit de répondre au plus près des besoins et des pratiques des élus locaux. Avec sa pérennisation en 2024, nous engageons aussi une visibilité pluriannuelle, conformément aux attentes des élus. Le gouvernement, ses partenaires publics comme privés et les élus locaux se sont fortement engagés dans la voie de la rénovation du bâti scolaire, avec volontarisme et responsabilité. Nous avons pris ensemble la mesure des obstacles qui peuvent persister sur leur chemin.

Je rappelle que la DSIL et la DETR totalisent 2 milliards d'euros ; le Fonds vert représente également 2 milliards d'euros. Avec ces 4 milliards d'euros, nous avons donc doublé en 2023 les montants d'investissements. Or la rénovation énergétique et thermique de nos écoles relève à la fois de la DSIL, de la DETR et/ou du Fonds vert.

Je vous ai plus particulièrement parlé de ce nouveau fonds 2023, mais la DETR et la DSIL peuvent aussi accompagner des projets de rénovation.

Vous savez tous à quel point la rénovation thermique est vertueuse pour la qualité et le confort de nos enfants dans les écoles, pour la transition écologique, mais aussi pour les finances de nos collectivités, car elle génère des économies. C'est tout le sens du tiers-financement, dont nous pourrons parler si vous le souhaitez, qui permet de rembourser les investissements (si tant est que la collectivité ait besoin d'emprunter) grâce aux économies qui sont faites en fonctionnement, sur la base des calculs d'un bureau d'études. Ces calculs déterminent les montants économisés et les montants correspondants des remboursements d'emprunts envisageables. C'est la Caisse des dépôts et le CEREMA qui interviennent sur le tiers-financement.

Madame la Rapporteure, vous nous interrogez sur le fait que seuls 14 % des 51 000 écoles, collèges, lycées répondent actuellement aux normes « basse consommation ». Vous demandez comment seront choisis les 10 000 bâtiments qui seront aidés par ce nouveau plan.

L'objectif du programme est de permettre l'émergence d'une dynamique territoriale par identification de projets modèles, dans une logique d'émulation et de développement des filières par le terrain : nous saluons cette démarche. La Banque des territoires a choisi d'accompagner 10 000 projets scolaires ayant pour objet commun au moins 40 % d'économies d'énergie. Ces 10 000 projets, dénommés par la Banque des territoires projets « totems », permettront de montrer par l'exemple que la rénovation énergétique du patrimoine scolaire est réalisable, efficace et mobilisatrice.

Ces projets seront identifiés par les directions régionales de la Banque des territoires ou via des partenaires locaux ou territoriaux. Une charte définira en fin d'année 2023 les critères attendus pour les projets « EduRénov ».

D'ores et déjà, je peux vous dire qu'il faudra que le projet « totem » soit exemplaire (au moins 40 % d'économies d'énergie), innovant dans les matériaux, les procédés, les usages ou la concertation opérée par les élus locaux et efficace, et conçu autour d'un modèle adapté, concerté et reproductible dans un territoire équivalent.

200 « totems » EduRénov seront déployés en 2023. Ce sont des projets emblématiques et exemplaires, qui devront être source d'inspiration pour les autres collectivités territoriales.

Le premier « totem » EduRénov est l'école maternelle J. Quatremaire à Villetaneuse, en Seine-Saint-Denis. Il est proposé par la direction régionale de la Banque des territoires Ile-de-France. Il s'agit d'un prêt de 4 millions d'euros, avec l'appui de la SEM départementale, de la préfecture et du département. 40 % d'économies d'énergie sont prévus, ainsi que l'obtention du label HPE (haute performance environnementale). Les matériaux sont biosourcés (de la fibre de bois a été choisie) et le chauffage repose sur la géothermie. Un toit végétalisé a été retenu pour le confort d'été, ainsi qu'une cour végétalisée pour le confort d'usage et divers projets pédagogiques. La qualité de l'air et la qualité sonore ont de surcroît été prises en compte dans le projet. Le chantier sera à faibles nuisances, avec 80 % des déchets valorisés.

Je pense avoir répondu à vos deux premières questions, Madame la Rapporteure.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Je vous remercie. J'apporterai d'abord quelques précisions. Vous nous indiquez que le projet retenu comme premier projet « totem » est cofinancé. De quoi s'agit-il ? S'agit-il d'un appel à projets lancé en amont ? Comment a-t-il été identifié techniquement ? Enfin, les deux cents premiers projets sont-ils déjà fléchés ?

Mme Dominique Faure. - Sur les premiers 200 projets « totem », le premier est identifié, mais pas les 199 suivants. Les projets qui marchent - je l'ai vu sur le territoire - sont ceux qui émanent des collectivités. La santé en offre un exemple parmi d'autres. Cela peut effectivement surprendre lorsqu'il s'agit d'une politique publique comme l'éducation. Ici, nous partons de compétences municipales ou intercommunales. L'État apporte des financements, néanmoins au départ le choix ne nous appartient pas.

En premier lieu, le CEREMA porte toute l'ingénierie. À ce titre, je vous invite à consulter la fiche du CEREMA consacrée au tiers-financement et à la rénovation des écoles.

Je précise que le plan ne fonctionne pas par appel à projets, mais des critères existent tout de même. Il faut les respecter et répondre à la charte que j'ai mentionnée.

Ce premier projet a donc sans doute été identifié par la Direction régionale de la Banque des territoires parce qu'elle y travaillait déjà précédemment. Ce projet respectant les critères du plan, il peut être érigé en projet « totem », à même de rendre le plan moins théorique.

Mme Jocelyne Guidez. - Ma première question concerne le guide relatif au bâti scolaire élaboré par le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse : il semble que ce document soit loin de la réalité du terrain et ne tienne pas compte de la diversité des territoires. Ainsi, les mêmes matériaux ne sont pas utilisés partout. Avez-vous l'intention de mettre à jour cet outil ?

Par ailleurs, comme vous l'avez souligné, madame la ministre, les communes peuvent effectivement recourir au Fonds vert, que je considère comme un bon levier financier. Toutefois, à moins de disposer d'un dossier déjà bien « ficelé », prétendre au financement du Fonds vert suppose, compte tenu des délais très courts exigés, d'avoir mené des études techniques préalables qui, vous l'avez souligné, constituent un gros problème pour les petites communes, qui ne disposent pas de moyens humains et techniques suffisants. Faute d'une telle étude, le dossier n'est pas éligible. Comment pourrait-on améliorer ou faciliter l'accès aux aides financières ? Les territoires ruraux ont besoin également d'un traitement différencié pour construire leurs projets.

Mme Dominique Faure. - Je commencerai par la seconde question. Comme vous le savez, il existe dans le Fonds vert des fonds dédiés à l'ingénierie. Le maire qui porte un projet de rénovation d'école peut commencer par solliciter le Fonds vert au titre de l'ingénierie. Trop de maires ignorent cette faculté : je rencontre cinquante à soixante-dix maires toutes les semaines et je sais qu'il faut davantage communiquer et faire connaître ce dispositif aux maires, dans la prochaine newsletter que j'adresse régulièrement aux maires.

Je ne suis pas certaine toutefois qu'ils regardent ces documents, car ils en reçoivent beaucoup ! Je pense que le meilleur moyen pour diffuser ce type d'information, c'est de passer par vous, les sénateurs et sénatrices, qui entretenez des liens étroits avec les élus de vos territoires.

La Banque des territoires a élaboré une « boîte à outils », document consultable sur son site. Cette « boîte à outils » compte six « briques ». La première s'intitule « accompagnement personnalisé » et fait état d'un appui personnalisé par les équipes EduRénov.

La Banque des territoires est vraiment très active sur le sujet de la rénovation. Elle propose aussi l'intervention d'économes de flux dédiés à l'éducation via ACTEE+ (certificats d'énergie) ou une expertise via des partenariats. Le recours au Fonds vert, qui finance les investissements et l'ingénierie, doit être un réflexe, sous réserve que le projet relève de la transition écologique. Il faut vraiment le faire savoir, au-delà de ce que la Banque des territoires propose.

Mme Jocelyne Guidez. - N'oubliez pas que les petites municipalités n'ont plus de secrétaire de mairie. Les maires se retrouvent tout seuls ! Dans les communes de 800 habitants, il n'y a plus de secrétaire de mairie et le maire, littéralement « bombardé » de mails, n'a pas le temps de faire le tri.

Mme Dominique Faure. - Je n'ai pas consulté le guide du ministère de l'éducation nationale auquel vous faites référence, mais j'en entendu parler. S'il n'y a effectivement pas de référence à des types de matériaux différenciés par territoire, je prends l'engagement de tenter de l'amender et d'y travailler.

Peut-être cette actualisation pourrait-elle être faite d'ici la fin du mois de juillet. Il s'agit d'insérer une page complémentaire comportant cette information concrète. Je consulterai mes collègues Pap Ndiaye et Christophe Béchu puis reviendrai vers M. Jean-Marie Mizzon et Mme Nadège Havet sur ce sujet. En effet, dès lors que ce guide est connu, c'est dans son contenu qu'il faut intervenir.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - L'éducation nationale édite plusieurs guides, avec des thématiques différentes (les cours d'école, les bâtiments, etc.). Ces guides sont portés par la cellule Bâti scolaire du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse.

Mme Monique de Marco. - J'ai diverses suggestions à formuler.

Certes, les maires reçoivent des documents. Mais pourquoi ne pas faire l'inverse et créer un numéro vert, auquel les maires isolés pourraient poser leurs questions et savoir où trouver les renseignements qu'ils cherchent. L'idée serait de les inviter à contacter un numéro pour trouver les informations qui leur sont utiles. C'est vrai qu'on reçoit énormément de mails et que tous les maires ne sont pas assistés d'un secrétaire de mairie. Il faut étudier la question différemment : nous recevons trop de sollicitations et de documents.

Une proposition de loi a été récemment adoptée sur le tiers-financement, permettant à des partenaires privés de financer des projets de rénovation énergétique. Or il existe déjà des modalités de financement comparable : je pense à l'intracting porté par la Caisse des dépôts. Pourquoi ne pas valoriser l'existant en réajustant ce dispositif ? Par ailleurs cette dénomination n'est pas claire. Comme un maire peut-il savoir ce que signifie l'intracting ? Peut-être qu'un simple réajustement de ce dispositif permettrait de l'ouvrir aux petites communes.

Enfin, au-delà du problème du financement, les collectivités ont souvent du mal à trouver des artisans formés aux nouveaux critères écologiques. Pourrions-nous envisager des mesures pour renforcer la formation dans ce domaine ?

Mme Dominique Faure. - Un numéro vert serait une possibilité, mais nous avons fait le choix, sur ce sujet comme sur d'autres, de diriger nos maires vers les acteurs du territoire que sont le préfet ou la DDT (en tout cas les services de l'État). J'ai effectué 66 visites de terrain dans 50 départements et j'ai échangé avec 50 préfets. Ils sont d'une grande réactivité. Ils se sont départis d'une posture de contrôle (ils sont en effet les garants du respect du droit dans les collectivités) pour devenir force de propositions. C'est ce que l'on m'a confirmé sur le terrain. Quand je vais à la rencontre des maires, ils commencent toujours par me dire tout le bien qu'ils pensent des services de l'État, malgré leurs effectifs réduits.

Très clairement, c'est la Caisse des dépôts qui s'est approprié le sujet du financement de l'investissement pour la rénovation du bâti scolaire. Dès lors, le directeur régional, le directeur départemental ou l'interlocuteur du maire à la Caisse des dépôts doivent se déplacer vers les maires. Cela me semble la meilleure chose, plutôt que de créer un numéro vert. Comment serait-il organisé ? Comment mettre en place des opérateurs partout en France, dédiés aux 35 000 maires ? Ils n'auraient d'ailleurs pas nécessairement de réponse à apporter, contrairement aux préfets et aux services de l'État et aux structures locales de la Caisse des dépôts qui ont les connaissances requises. Je n'écarte rien a priori, nous pourrions tester votre solution dans un second temps.

S'agissant du tiers-financement et de l'Intracting, le montage est fait par la Caisse des dépôts. Ce dispositif financier innovant consiste à réaliser des travaux de performance énergétique, avec un temps de retour de treize ans. J'ignore pourquoi vous avez retenu ce terme en particulier, qui est le principe ou le socle de ce que l'on appelle tiers-financement. À mon sens, la Banque des territoires peut faire mieux qu'une durée de 13 ans. Il faut qu'elle aille jusqu'à 25 ans, pour que les loyers soient faibles et pour que nous soyons certains de financer le remboursement de l'emprunt par les économies liées à la rénovation du bâtiment.

La proposition de loi sur le tiers-financement est passée à l'unanimité à l'Assemblée nationale. Son principe est séduisant et je suis personnellement convaincue de son bien-fondé, mais il faudra vérifier, dans sa mise en oeuvre, comment le maire le perçoit et s'il accepte de s'endetter, avec un remboursement qui sera fonction d'une économie hypothétique. Les maires, que j'estime assez bien connaître, sont extrêmement prudents. Il conviendra notamment de s'assurer que la durée des financements ne sera pas ramenée par la Caisse des dépôts 25 ou 20 ans à 13 ou 12 ans, qui sont des durées que toutes les banques peuvent assurer. La Caisse des dépôts doit pouvoir apporter aux élus un accompagnement sur une durée plus longue.

J'en arrive à la question relative à la disponibilité d'artisans formés aux exigences de la transition écologique. La planification écologique est en cours de finalisation par la Première ministre. Nous y travaillons régulièrement avec Christophe Béchu depuis six mois. C'est une planification travaillée en termes d'objectifs, de moyens et de calendriers pour faire ces économies dans tous les champs (agriculture, rénovation des bâtiments, etc.). La question de l'absence d'artisans formés a été abordée avec Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels, pour qu'émergent très rapidement des filières de formation des jeunes à la construction de bâtiments intégrant la dimension de la transition écologique.

J'ai moi-même inauguré une formation professionnelle dans un lycée de l'Ariège, qui s'intitule « transition écologique et processus industriels ». Alors que cette formation a été validée en mai, l'établissement a déjà recruté les trente jeunes de la première promotion. Il en va ainsi partout en France, car la filière de la construction en a absolument besoin.

Cela prendra nécessairement du temps. Nous y travaillons avec la Chambre des métiers de l'artisanat et les Chambres de commerce et d'industrie. Nous avons l'ambition de monter des formations, à partir de septembre, autour des bacs Pro, des BTS, des DUT mais aussi des CAP.

Il faut également avancer sur le choix des matériaux. Je ne peux que souscrire à vos remarques. En outre, sans parler de label, nous réfléchissons à la possibilité de mettre à la disposition des élus un site rassemblant toutes les entreprises considérées comme écologiquement responsables, avec des garanties pour les collectivités.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Avant de passer la parole à mes collègues, je voudrais dire que nous avons auditionné la Fédération nationale du bâtiment. Tant au niveau national qu'au niveau départemental (je pense en particulier à la Meurthe-et-Moselle), nous avons eu l'assurance que les entreprises sauraient répondre à toutes les commandes des collectivités, ce qui est en contradiction avec ce que j'entends sur le terrain.

Mme Monique de Marco. - Concernant ce fameux dispositif Intracting, j'ai repris contact avec une responsable d'agence locale de l'énergie que nous avons auditionnée dans le cadre d'une table ronde à laquelle participaient notamment le CEREMA et le réseau FLAME. Elle avait justement des propositions à faire pour revoir ce dispositif et mieux l'adapter aux petites communes, ce qui mériterait d'être étudié.

Mme Dominique Faure. - C'est bien noté.

Mme Véronique Del Fabro. - Je souhaite revenir sur la mise en place d'un numéro vert. Il est vrai que les maires - je parle d'expérience - reçoivent énormément de mails. Or lorsque ces messages concernent des sujets qui ne correspondent pas aux priorités du moment, ils ont tendance à les laisser passer. Ensuite, quand le projet surgit, ils ne savent pas forcément où aller chercher l'information : ce n'est pas un problème de transmission d'informations. Un numéro vert pourrait être une solution parmi d'autres. L'important reste de pouvoir trouver le bon interlocuteur quand le problème se pose.

Mme Dominique Faure. - J'ai découvert au cours des derniers mois l'intérêt du site ANCT.gouv. Les élus qui le consultent me confirment qu'ils y retrouvent tout ce dont ils ont besoin : il faut avoir le réflexe de le consulter, et de solliciter le préfet ou le sous-préfet. Un récent rapport du Sénat comporte quelques axes d'amélioration que nous avons tous repris. Les élus cherchant des informations sur le financement de leurs projets devraient se rendre sur le site de la Banque des territoires. En revanche pour tout ce qui concerne les finances locales, je réponds très régulièrement aux sénateurs.

Mme Céline Brulin. - J'ai été associée il y a quelques jours, madame la ministre, à l'audition du directeur général de l'ANCT par la commission du développement durable du Sénat. L'écho que donnaient nos collègues n'était pas tout à fait la reprise des préconisations que nous avons faites dans le rapport que vous avez évoqué. Il y a encore beaucoup de chemin à parcourir et les élus locaux ont toujours énormément de mal à se retrouver dans les méandres des dispositifs divers et variés, qui ne sont pas forcément à la main des communes, a fortiori des plus petites. Une collectivité qui dispose de nombreux services et d'une ingénierie autonome finira toujours par trouver où s'adresser, mais c'est bien moins le cas des petites.

Madame la ministre, je voudrais revenir à l'une des premières questions que vous a posées notre rapporteure : peut-on attendre de l'État des efforts spécifiques sur la rénovation du bâti scolaire ou s'agit-il de redéploiements de crédits ? Vous avez en effet évoqué la DETR ou la DSIL. De plus, même si le Fonds vert est assez nouveau, il préexistait tout de même aux dernières annonces du 9 mai. J'ai lu, comme nous tous ici, l'interview du Président de la République dans Le Parisien, qui a dit en substance : « on va consacrer de l'argent à la rénovation énergétique ». Vous avez évoqué 5,2 milliards d'euros par an. Lors des auditions de notre mission d'information, nous avons entendu que le besoin d'élevait à 40 milliards d'euros. Toute la DETR, toute la DSIL et tout le Fonds vert n'y suffiraient pas, sachant que les collectivités ont dû faire face à une explosion des coûts de l'énergie et réfléchissent de ce fait à des rénovations, dans une logique de long terme. Or leurs capacités d'investissement, compte tenu des surcoûts auxquels elles doivent faire face, sont aujourd'hui extrêmement amoindries. Il faut donc vraiment que l'État consente à un effort supplémentaire, même si les collectivités doivent évidemment y participer aussi, faute de quoi nous n'atteindrons pas le niveau d'ambition attendu en la matière.

Mme Dominique Faure. - Très clairement, la réponse est négative pour 2023. Nous prévoyons aujourd'hui 4 milliards d'euros, soit un doublement par rapport aux 2 milliards d'euros précédemment consacrés à ces leviers financiers.

Pour l'heure, le Fonds vert et la DSIL ne sont consommés qu'à hauteur de 25 %. Il faut que les travaux démarrent dans l'année pour que le versement puisse avoir lieu. La DSIL et le Fonds vert seront bien évidemment consommés à 100 % d'ici à la fin de l'année, mais soyons réalistes : on me demande toujours plus, alors que les fonds sont disponibles. L'important est de tenir compte de la capacité à agir dans nos territoires. Je pense notamment aux problèmes de recrutement que rencontrent les entreprises chargées de réaliser ces travaux.

Il faut tenir compte aussi du travail d'ingénierie nécessaire avant le lancement d'un projet. Le problème n'est pas tant l'argent qu'apporte l'État que la disponibilité des projets : consommons déjà les crédits dont nous disposons !

En 2022, un préfet sur deux me disait que les travaux pour lesquels les fonds avaient été apportés n'avaient pas commencé. Il faut en effet beaucoup n'énergie en amont du lancement d'un projet, disposer de l'appui des services chargés de les conduire, lancer les marchés publics, etc.

Je tiens à le redire : il n'y a pas de problème en matière d'investissement. Le Président de la République l'a confirmé, nous allons y consacrer de l'argent. Si nous avions déjà consommé nos fonds et si nous étions informés que pour 500, ou au moins 200 projets de rénovation d'écoles il manquait des financements, nous en apporterions de nouveaux. Nous avons su le faire pendant la crise. C'est un sujet majeur, mais commençons déjà par consommer les fonds sur lesquels nous nous sommes engagés en 2022. Consommons aussi nos fonds 2023, sur lesquels nous avons déjà garanti 2 milliards d'euros supplémentaires. Soit 4 milliards d'euros.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur le fait que tous nos départements sont différents. Dans certains, le système marche bien, dans d'autres beaucoup moins. Des communes ont vu leur autofinancement s'effondrer après treize années de baisse ou de stagnation de la dotation globale de fonctionnement (DGF). C'est la première fois que l'on observe une augmentation de 320 millions d'euros ! Or les marges de manoeuvre des communes sont limitées.

J'y insiste : la sous-consommation de certaines dotations ou subventions ne s'explique pas par l'absence de projets, mais par l'insuffisance de moyens. Si les subventions couvraient 90 % du coût des projets, les communes parviendraient peut-être à trouver le complément.

Or dans notre système, ce sont les moins pauvres (ou les plus riches) des collectivités qui consomment les subventions, parce qu'elles ont la capacité de financer le reste. Pour ma part, je plaide pour que les financeurs tiennent compte, dans l'attribution de ces moyens, de la capacité contributive des opérateurs qui manque à nombre de communes.

De mon côté, je ne prête pas au tiers-financement des vertus qu'il n'a peut-être pas. Ne nous faisons pas trop d'illusions. M. Christophe Béchu l'a dit lui-même : c'est un dispositif additionnel. Il ne réglera pas à lui seul la question du financement des investissements. Ce n'est en effet pas une solution magique.

Mme Dominique Faure. - Le tiers-financement est une expérimentation, sur cinq ans. Nous veillerons à son suivi. J'ai une grande confiance dans la Caisse des dépôts, qui sait faire fonctionner les dispositifs qu'elle « embarque », comme on l'a vu avec Actions coeur de ville et Petites villes de demain.

La Première ministre l'a dit, nous ne laisserons aucune commune au bord du chemin. J'ai signé une vingtaine de courriers destinés à aider des communes en épargne nette négative, que l'on abonde et accompagne avec un plan de remise à flot de leurs finances. À part ces exemples, lorsque je pose à des maires des questions sur leur épargne nette, leur épargne brute ou leur autofinancement de l'année 2022, ils ne sont pas toujours en mesure de me répondre précisément. Lorsque des maires déplorent la baisse de leurs capacités d'autofinancement, je fais observer que c'est la crise et que nous cumulons 3 000 milliards d'euros de dettes au niveau de l'État. Bercy rappelle qu'il se trouve 50 milliards d'euros de trésorerie dans les collectivités locales. Les maires sont d'excellents gestionnaires ! Ils sont prévoyants et ils épargnent. Les finances publiques au niveau de l'État sont fragiles elles aussi. En échangeant récemment avec un maire d'une petite commune, j'apprends qu'il dispose de 300 000 euros d'épargne. Je comprends qu'il en mette 150 000 de côté, mais il peut tout à fait placer 150 000 euros en financement sur un projet de 700 000 euros, et trouver des financements de l'État, de la DETR ou de la région.

Pour ma part, je n'affirme pas que le montant de 320 millions d'euros de DGF en 2023 est idéal. Même si cela faisait treize ans que nous n'avions pas augmenté la DGF, au moins l'a-t-on augmentée. Dans une période de crise comme la période actuelle, je ne considère pas qu'un gouvernement serait responsable s'il avait comme politique publique vis-à-vis des collectivités locales de rendre l'inflation neutre pour les élus locaux. Beaucoup nous l'ont demandé, alors que nous avons 3 000 milliards d'euros de dettes !

En tout cas, les maires sont de très bons gestionnaires. Du fait de la crise, beaucoup ont économisé sur la lumière ou le chauffage dans les gymnases, ce qui a permis de baisser la consommation d'énergie.

Je milite par ailleurs pour la pluriannualité des aides. Je sais que vous y tenez beaucoup, au Sénat. Les départements la pratiquent, l'État doit le faire aussi et donner de la visibilité à nos maires, en investissement.

Mme Anne Ventalon. - Merci, madame la ministre. Ma question rejoint celle de ma collègue Céline Brulin. Je souhaitais revenir sur l'accompagnement financier, notamment sur le Fonds vert. C'est certes une aide non négligeable, mais dans mon département, l'enveloppe atteint 2 millions d'euros pour l'Ardèche. Les projets pour la transition énergétique sont nombreux, avec un objectif ambitieux et un travail colossal à mener. Le reste à charge est connu. 80 % du travail reste à faire dans la perspective de l'objectif fixé en 2030.

Actuellement, on a beaucoup communiqué sur le Fonds vert, qui est un succès. Vous nous avez confirmé qu'il allait être pérennisé en 2024, ce qui est satisfaisant. Le préfet parle beaucoup du Fonds vert et nous suggère également de communiquer à ce sujet, alors que l'enveloppe est déjà consommée en cette période de l'année ! Nous avons parfois l'impression que les premiers à avoir soumis une demande ont été les premiers servis. Il faudrait renforcer la visibilité dont vous nous parlez, en envisageant des aides pluriannuelles et un phasage. Que pouvez-vous nous dire pour 2024 ? À quoi ressemblera le Fonds vert l'année prochaine ? Je sais qu'il sera pérennisé, mais à quelle hauteur ? Nous avons en effet besoin de nous projeter et d'avoir de la visibilité.

C'est vrai que les préfets et les sous-préfets font très bien leur travail. Ils nous disent qu'ils accompagneront les communes sur plusieurs années. Ils se déplacent pour travailler le phasage des travaux ou les études, mais nous avons tout de même besoin de visibilité.

Mme Dominique Faure. - Christophe Béchu a pris conscience, il y a un mois, de l'absolue nécessité de simplifier l'accès au Fonds vert. Je rappelle que la DGCF gère DSIL et DETR avec les préfets, et c'est la DGALN qui gère le Fonds vert, toujours avec les préfets. Christophe Béchu a obtenu que tout soit à la main des préfets, mais avec deux circuits différents pour nous, au niveau de l'État. Nous appelons effectivement de nos voeux que le Fonds vert soit aussi simple que la DSIL et la DETR. Nous avons déjà largement simplifié le formulaire, qui comporte désormais seulement quatorze cases à cocher. Il est vrai que tout ce qui est demandé ensuite reste extrêmement lourd, avec notamment des lettres d'engagement et une étude attestant des économies d'énergie attendues du projet.

Ce matin, j'ai reçu un maire qui est venu à pied à Paris depuis la Gironde. Il est maire depuis 2020 d'une commune de 1 100 habitants. Il m'a dit avoir rempli quatorze dossiers cette année. Il a formulé dix demandes, que nous allons traiter, car il a plein de bonnes idées et est très constructif. Il trouve le Fonds vert encore très complexe. C'est lui qui a rempli tous les dossiers, car dans sa commune il n'y a pas de personnel pour l'assister dans ces tâches. Cela fait partie des sujets qui peuvent décevoir un maire récemment élu. Pour lui, le problème porte d'abord sur les lettres d'engagement, davantage que sur l'étude prouvant que le projet générera des économies d'émissions de CO2. Ces dossiers nécessitent donc tout un travail administratif. La simplification de l'accès au Fonds vert devrait intervenir avant la fin du mois de juin.

Vous demandez par ailleurs à connaître la visibilité de ce fonds pour 2024. Nous devrions, je pense, partir à nouveau sur 2 milliards d'euros, même si on espère toujours obtenir davantage. Ce point doit être confirmé. En tout cas, a minima, la Première ministre a prévu 2 milliards d'euros de plus en 2024, auxquels il sera possible d'accéder via des sollicitations dans les services de l'État, auprès du préfet. Nous tenons à ne pas déroger à cette démarche. En outre, sera toujours nécessaire de prouver que des économies d'énergie seront générées.

Dans le même temps, même si la DETR et la DSIL vont être « verdies », nous tenons à ne pas nous limiter aux projets ayant au coeur la transition écologique.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Nous avons beaucoup parlé financement. Vous avez cité la somme de 5,2 milliards d'euros par an, mais sur combien d'années ?

Mme Dominique Faure. - Sur dix ans.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Le rapport Demarcq, qui date de 2020, mentionnait 40 milliards d'euros.

Nous avons aussi parlé d'ingénierie. Pouvez-vous nous en dire plus sur le parcours d'accompagnement des élus qui sera mis en place ? Ce parcours a été présenté le 9 mai, avec une charte nationale destinée à guider les projets, une boîte à idées et les structures chargées de les piloter. Vous nous avez également indiqué que 200 projets « totems » étaient déjà en cours pour 2023. Un phasage plus clair est-il prévu dans le calendrier, sachant qu'il est normalement envisagé pour quatre ans ? Quelles bornes ont été retenues sur les quatre années à venir ?

M. Gilbert Favreau. - Je voudrais essayer d'être assez réaliste sur le problème qui se pose à une collectivité, lorsqu'elle veut faire un investissement de cette nature. Tout le monde ici participe aux commissions d'élus de la DETR, ce qui nous permet de connaître ces dossiers.

Il convient d'abord de mettre en place le plan de financement d'un projet. Comme cela a été rappelé tout à l'heure, nous savons que les petites communes en particulier sont en situation de grande difficulté. Généralement avec l'aide du sous-préfet, elles montent un plan de financement puis voient ce qu'elles peuvent obtenir de l'extérieur. La première source de financement qui est généralement visée, notamment devant cette instance, est la DETR. Elle est délivrée après un avis préfectoral, ce qui ne pose pas véritablement de problème.

Vous avez évoqué ensuite la DSIL, qui présente une particularité. Comme elle était souvent demandée à la fois par les communes et les intercommunalités, il a été décidé dans beaucoup d'endroits, notamment dans mon département, de réserver la DSIL aux intercommunalités.

Le Fonds vert est une autre source possible de financement, mais il est géré au niveau régional par les services de la DREAL, car ce sont les services environnementaux qui le gèrent. Quand la préfecture monte ses dossiers, elle n'a en général pas connaissance des autres décisions. Par exemple, si elle veut allouer de la DETR, elle n'a pas connaissance de la décision qui a été rendue sur la DSIL et sur le Fonds vert au niveau régional. Il est important d'expliquer tout cela, pour bien comprendre quelles sont les difficultés que rencontre un maire quand il monte son dossier.

Il faut ensuite trouver l'autofinancement pour couvrir le reste. Chez nous, quand vous obtenez la DETR, c'est souvent à 30 % (contre 40 % par le passé), puis le Fonds vert vient combler une partie, mais il faut trouver le financement. La difficulté est donc grande pour une collectivité qui dispose d'une dotation d'investissement réduite pratiquement à néant et qui n'a pas, faute de ressources fiscales suffisantes, la possibilité d'autofinancer.

Vous disiez tout à l'heure que les dossiers reçus restaient peu nombreux. C'est imputable au fait que dans une commune, il n'y a pas que la question de l'école. Il y a tout un ensemble d'autres investissements à réaliser. À un moment donné, il faut que la collectivité choisisse l'investissement pour lequel elle demande des financements à l'État. Vous disiez tout à l'heure que le Fonds vert est de 2 milliards d'euros par an au niveau national, je vous laisse faire le calcul de ce que cela peut représenter au niveau des communes !

Mon département compte 256 communes. Au niveau national, si on rapporte la somme au nombre de communes, il est quand même très difficile d'avancer. En effet, il y a aujourd'hui un véritable problème d'investissement, précisément dans les communes les plus pauvres. Face à une école qui s'effondre et dont les travaux représentent plusieurs millions d'euros, je vous laisse imaginer le dilemme auquel fait face le maire. Je souhaitais parler de ce qui se passe sur le terrain.

Mme Dominique Faure. - J'ai cité un montant de 2 milliards d'euros cumulés pour la DSIL et la DETR, mais je précise que la DETR représente environ 1,5 milliard d'euros et la DSIL environ 500 millions d'euros. En dix ans, la DETR a doublé. Elle représente à présent trois quarts de l'investissement public DSIL et DETR combinées. Vous dites que la DETR est bien gérée, parce qu'elle est gérée à la maille départementale, via une commission. De son côté, la DSIL est gérée à l'échelle de la région. Une circulaire récente demande que la DSIL soit le plus déconcentrée possible au niveau départemental. La DSIL, j'y insiste, ne représente qu'un quart du montant de 2 milliards d'euros.

Vous m'indiquez ensuite qu'elle est réservée dans votre département aux intercommunalités.

M. Gilbert Favreau. - C'est une décision qui appartient aux départements, après consultation des élus.

Autrefois, il pouvait y avoir des doubles demandes DSIL et DETR, ce qui a été supprimé, d'abord du fait de réticences au niveau régional à allouer de la DSIL au niveau communal, et parce qu'il fallait maintenir un mode de subventionnement pour les intercommunalités.

Mme Dominique Faure. - Je n'ai pas de réponse à vous apporter, si ce n'est que nous constatons que le nombre de communes qui portent des projets augmente très significativement. C'est ce qui explique que le taux de subvention ait baissé, passant d'une moyenne de 40 %, il y a quelques années, à 30 % aujourd'hui. Les maires qui étaient habitués à certains montants de DETR chaque année ont l'impression que la DETR se réduit nettement. La DETR était répartie entre un nombre de communes relativement peu élevé ; désormais de plus en plus de communes en font la demande. Bien que le Fonds vert soit venu doubler les montants d'investissement, il est vrai que nous restons malgré tout en moyenne à 30 %. De plus, nous essayons de faire en sorte que les projets relèvent de la DETR, de la DSIL ou du Fonds vert. Rares sont les projets - je n'en ai pas vu récemment - qui relèvent de deux fonds. Je partage donc votre constat, tout en rappelant que la DETR représente encore 1,5 milliard d'euros.

Vous citez ensuite la disparition de l'impôt, qui empêche les marges de manoeuvre. Je ne reviendrai pas sur la suppression de la taxe d'habitation ou de la CVAE. Ces décisions ont des avantages et des inconvénients. Elles enlèvent effectivement la possibilité au maire d'augmenter sa fiscalité pour se donner des marges de manoeuvre supplémentaires. Je suis à votre écoute pour étudier la situation de vos départements.

Mme Anne Ventalon. - Il est vrai qu'avec la multiplication des catastrophes naturelles (eau, sécheresse, etc.), nous mettons régulièrement en place des groupes de travail ciblés sur des projets de rénovation.

Mme Dominique Faure. - S'agissant de l'accompagnement dans la conduite des projets, la Banque des territoires porte le projet EduRénov, qui compte trois orientations.

Je parlerai d'abord la mise en place d'un parcours d'accompagnement territorialisé permettant un suivi de bout en bout des projets de manière unifiée au sein du programme, du diagnostic avec les élus et les services techniques au financement de projets. Je vous ai dit tout à l'heure qu'il existe des budgets ingénierie dans le Fonds vert. Néanmoins, quand on parle de la rénovation thermique d'une école, le parcours d'accompagnement territorialisé porté par la Banque des territoires est intéressant : je vous invite donc à proposer aux maires de s'en saisir. Ils peuvent en effet aider le maire à faire un diagnostic et formulent aussi des recommandations, avec les services techniques, sur le financement du projet.

Vient ensuite l'élaboration de la charte nationale, qui comprend un ensemble de critères pour guider les projets de rénovation. Il faut évidemment viser les projets qui portent 40 % d'économies d'énergie et utiliser des procédés de rénovation favorisant l'innovation. Cette charte sera travaillée avec l'ensemble des parties prenantes, dont le ministère de la transition écologique et de la cohésion territoriale, mais aussi avec le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Cette charte, en cours d'élaboration, est prévue pour la fin de l'année 2023. Elle est fondamentale, car elle répondra à vos questions sur les critères, la manière de s'y prendre, le choix des 200 projets, etc. Je précise que ces 200 projets sont les 200 premiers.

Quant à la « boîte à outils » dédiée, on la retrouve sur le site de la Caisse des dépôts. L'État et ses opérateurs partenaires du programme EduRénov participeront à l'orientation et au suivi du programme à travers son comité stratégique, qui se réunira pour la première fois avant la fin du mois de juin.

Je vous ai également cité le CEREMA, qui joue un rôle dans l'ingénierie de ces projets, en accompagnement, à la demande de la Banque des territoires et de la Caisse des dépôts. J'espère avoir répondu à votre question, Madame la Rapporteure.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Merci, madame la ministre. En fait, si je comprends bien, la clé d'entrée pour une commune qui a une question sur une rénovation d'école, c'est la Banque des territoires.

Mme Dominique Faure. - Je le confirme.

Mme Nadège Havet, rapporteure. - Ensuite, en fonction de là où en est le projet, ils se chargent de créer le parcours qui convient, soit le seul financement parce que le projet est très avancé, soit l'ingénierie si le projet en est à ses balbutiements.

Il a été question de « boîte à outils » tout à l'heure. Or il existe sur le site de l'ANCT une boîte à outils, ou boîte à idées, dénommée Solutionsdelus, où un certain nombre d'élus font remonter des projets. Il serait intéressant de réunir tout cela dans un même pôle.

Mme Dominique Faure. - Le site Solutionsdelus a été coconstruit avec Christophe Béchu et l'ANCT. C'est un site sur lequel vous pouvez inviter les maires à partager une expérience réussie. Des photographies et des vidéos donnent envie à d'autres élus de reproduire ce qui a bien marché dans votre commune. Vous pouvez aussi trouver des restitutions d'expériences qui ont toutes été initiées dans les territoires, par exemple une maison de santé portée par une collectivité. Il y a différents critères (santé, sport, rénovation patrimoniale, etc.). Ce site Solutions d'élus, n'a rien à voir avec le sujet de la Banque des territoires et la rénovation d'écoles. C'est une plate-forme qui recense les bonnes pratiques pour les partager et donner la possibilité de les reproduire. Quand nous disposerons de bonnes pratiques pour des rénovations d'écoles, elles auront vocation à rejoindre le site Solutions d'élus. Pour l'instant, dès lors qu'il s'agit de se faire accompagner, il faut se tourner vers la Banque des territoires.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, nous avons reçu quelque 1 300 témoignages d'élus. Je dois vous dire très sincèrement qu'il n'y a eu que très peu de témoignages sur la Banque des territoires ou le CEREMA. Construire une réponse sur la base de structures qui semblent quasiment inconnues, en tout cas dans le monde rural en particulier, c'est un vrai pari !

Je disais tout à l'heure que certains départements se sont organisés en mettant en place des agences techniques départementales. Elles sont nombreuses et fonctionnent bien. Si le CEREMA, l'ANCT et la Banque des territoires veulent être utiles, il faut qu'elles s'investissent prioritairement dans les départements où il n'y a pas d'ingénierie. Ce n'est pas la peine de créer de la concurrence là où une solution existe déjà et fonctionne bien.

J'ai une question qui peut paraître anecdotique. Vous disiez tout à l'heure à propos des 10 000 projets qu'il fallait qu'ils génèrent une économie d'énergie de 40%. Néanmoins, il est difficile pour les communes qui ont déjà fait un effort par le passé, un passé somme toute assez récent, d'atteindre 40% d'économies supplémentaires. Il faudrait attirer l'attention des décideurs sur la période à prendre en compte quand on mesure cet effort, sinon c'est la prime aux mauvais élèves. Il sera plus facile pour les communes qui n'ont jamais investi dans la transition écologique d'atteindre 40% d'économies. Je pense qu'il faudrait prendre en compte les précédents investissements effectués par les collectivités concernées.

Mme Dominique Faure. - Sur ce point, je vous renvoie vers la Banque des territoires, car il peut y avoir des exceptions. La Banque des territoires peut être encline à prendre en compte une baisse de 20 % liés par exemple au changement des huisseries et ne demander qu'une réduction de 20 %. Sans que ce soit automatique, la Banque des territoires peut être ouverte à cette idée. Il faut laisser ce point à l'arbitrage de la Caisse des dépôts, si un gros travail a été fait dans les trois ou quatre dernières années, avec ou sans aide, mais en tout cas pas dans le cadre de ce dispositif, pour aller chercher les 20 % d'économies complémentaires.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - La Banque des territoires a longtemps été un partenaire des grandes collectivités, parce qu'elle s'intéressait d'abord, historiquement, aux projets d'intérêt régional ou départemental. Dès lors, les communes de petite taille ne se tournaient pas vers elle. Il faudra du temps pour que les habitudes changent.

La Banque des territoires ne fait pas de subventions. Elle prête. Or les communes ont aussi le souci de ne pas trop s'endetter, car elles savent que le taux d'endettement est un critère qui parle beaucoup aux électeurs. En cela, on ne peut pas leur reprocher de ne pas imiter l'État ! En caricaturant quelque peu, mais pas totalement, la loi demande aux collectivités de faire un effort, mais à régime constant ou presque. Et cet effort, ce sont les communes qui le produiront. Vous n'avez pas beaucoup parlé des régions et des départements, sans doute parce que les besoins ne sont pas les mêmes, notamment en matière d'ingénierie. Si vous saviez ce qu'ils pensent de la cellule bâti scolaire de l'éducation nationale...

Mme Dominique Faure. - Les régions sont très critiques à son encontre.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Elles sont aussi très proactives !

Pour ma part, je pense que l'effort que s'apprêtent à faire les collectivités mérite d'être accompagné et que vous gagneriez à plaider pour une aide dédiée, puisque la lutte contre le réchauffement climatique est une cause, sinon nationale, du moins européenne.

Mme Dominique Faure. - Je souhaite intervenir sur France Ruralités, programme de politique publique en faveur de nos villages ruraux que la Première ministre devrait annoncer en fin de semaine prochaine. France Ruralités déploiera à l'attention des maires ruraux cent chefs de projet dans les services de l'État, auprès des préfets. Ces emplois seront financés par l'État.

Quand un maire rural en aura besoin, il pourra bénéficier d'une période d'ingénierie comprise entre un jour et deux semaines, pour analyser son projet. Si le besoin va au-delà, un package CEREMA pourra être envisagé, ou le recours à un bureau d'études avec lequel on aura des marchés qui viendra travailler le projet, sous l'angle technique et sous l'angle de la prospective.

La première chose que fera ce chef de projet quand il sera recruté et qu'il arrivera dans les territoires au service des ruralités sera la production de l'inventaire de toutes les ingénieries qui existent, pour jouer avant tout un rôle d'activation des ingénieries. Un maire rural qui ne saura pas quelle ingénierie déployer pour une rénovation d'école pourra s'adresser à la Caisse des dépôts. Dans un département dans lequel se trouve une agence technique solide en ingénierie, il travaillera main dans la main avec elle.

Ces chefs de projet seront capables de faire de l'ingénierie prospective pour ceux qui veulent porter un projet de territoire, de l'ingénierie technique s'il n'y en a pas dans le département ou de l'ingénierie financière. Ils se positionneront en coordonnateurs et réaliseront eux-mêmes de l'ingénierie ou des prédiagnostics. Comme vous l'imaginez, obtenir pour nos seuls villages le financement de 100 chefs de projet ingénierie dans la période actuelle a été compliqué. J'espère qu'ils joueront vraiment ce rôle de diagnostic de l'ingénierie et d'accompagnement, personnellement, ou par des marchés publics, et cela gratuitement.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Auprès du préfet de chaque département ?

Mme Dominique Faure. - Absolument. En principe, on demande qu'il soit au service des communes rurales où le besoin en ingénierie est réel. Il nous fallait y répondre. Il posera son diagnostic. Si cela ne suffit pas, nous aviserons. Recrutons déjà ces cent chefs de projet.

Ensuite, la seconde ambition que porte France Ruralités est de mettre en place un Label France Ruralités qui permettra le financement de projets ayant reçu ce label.

Il s'agit plus précisément d'un co-label entre départements et région. Une dizaine de départements et trois régions sont déjà d'accord, à ce stade. Le Préfet réunira départements et région, et il faudrait qu'autour du Préfet, qu'au moment où l'on parlera du financement du projet du village, le représentant de la région annonce qu'il apporte 20 % et le département 20 % également. S'ils ne mettaient pas ces 20 %, ce ne serait pas un problème. La commune recevrait 60 %, en avançant avec ceux avec lesquels elle peut conventionner. Ensuite, la demande de subvention sera constituée d'un seul dossier de quatre pages, issu du travail d'ingénierie, qui permettront à la commune de disposer d'au moins 60 % de financement une fois reçu le label France Ruralités et quand le Préfet aura réuni une mini-conférence des cofinanceurs. J'ai essayé de rester très simple sur le financement, mais il me faut une délibération de chaque département et de chaque région pour apporter ce cofinancement. Qui n'a pas entendu un maire faire état de sa fatigue de constituer sans cesse des dossiers ? Ici, les montants ne sont pas faramineux. Il s'agit en effet de villages. Nous nous engageons à hauteur de 40 %, en demandant aux départements et régions de mettre 20 % chacun. J'ai essayé de leur donner envie de simplifier la démarche.

Passons à la question de l'emprunt. Quelle est la durée moyenne en France de remboursement de l'emprunt dans les collectivités ? Je vous ai dit qu'il y avait 50 milliards d'euros de trésorerie et 30 milliards d'euros d'épargne nette. En France, la moyenne se situe à environ quatre ans et demi. Dès lors, Bercy demande pourquoi les collectivités ne s'endettent pas. Je sais bien que les maires n'aiment pas s'endetter, mais c'est nécessaire, surtout quand les taux d'intérêt ne sont pas très élevés. Un taux de 3 % reste peu cher. Quand la commune le peut, elle doit s'endetter. À l'heure actuelle, les finances des communes sont saines, peu endettées, avec de l'épargne. Quand 320 millions d'euros supplémentaires nous sont demandés, Bercy demande que les communes commencent, en s'endettant, par dépenser l'argent qu'elles ont mis de côté. Je précise que cette situation saine reste globale. Il y en a toujours qui sont davantage en difficulté. N'hésitez pas d'ailleurs à nous faire remonter ces cas, pour que nous travaillions avec eux à trouver des solutions.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Une durée de huit à dix ans commence à être un peu longue...

Mme Dominique Faure. - Les critères sont en train d'être définis. Une circulaire pourrait être bientôt signée sur les 10 millions d'euros dont nous disposons en provisions sur 2024 pour accompagner les communes. Je suis confrontée actuellement au cas de trois communes concernées par la dette « toxique », contractée lors de mandats antérieurs. Il faut s'efforcer de trouver des solutions.

M. Jean-Marie Mizzon, président. - Il me reste à vous remercier, madame la ministre, pour votre disponibilité et vos explications. Je remercie également mes collègues de la mission d'information, dont c'était la dernière audition.

Cette réunion a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 18 heures.