Mardi 20 mai 2025

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 10 h 20.

Projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte - Examen des amendements aux articles délégués au fond du texte de la commission des lois

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Notre ordre du jour appelle l'examen des amendements aux trois articles du texte de la commission des lois sur le projet de loi de programmation pour la refondation de Mayotte qui ont été délégués au fond à notre commission.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Sur les articles dont notre commission a été saisie au fond, seuls 10 amendements ont été déposés.

L'un d'eux, l'amendement no 101, a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.

Pour les autres amendements, je formulerai des demandes de retrait ou, à défaut, émettrai des avis défavorables car, pour sept d'entre eux, ils remettent en cause les orientations adoptées par la commission.

Deux amendements portent sur de nouveaux sujets : l'amendement no  45 rectifié, qui concerne l'assurabilité des biens, est peu opérationnel et tend à introduire une charge potentielle pour les services de l'État, déjà débordés ; l'amendement no  72 rectifié vise à instaurer une préférence nationale pour l'attribution des logements sociaux à Mayotte, ce qui est contraire à la position prise par la commission dès 2022.

Mme Viviane Artigalas. - Nous ne sommes pas d'accord avec Mme le rapporteur pour avis concernant l'article 10 ; en revanche, nous partageons ses positions s'agissant des amendements portant articles additionnels après l'article 10 et après l'article 23.

Article 10

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques de suppression nos  63 et 82, de même qu'aux amendements nos  113, 13, 40 rectifié et 83.

Après l'article 10

La commission demande le retrait de l'amendement n°  45 rectifié.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  72 rectifié.

Après l'article 23

La commission demande le retrait de l'amendement n°  47 rectifié.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

Article 10

Auteur

Objet

Avis proposé

Mme GUHL

63

Suppression de l'article

Défavorable

Mme CORBIÈRE NAMINZO

82

Suppression de l'article

Défavorable

Mme CORBIÈRE NAMINZO

113

Instauration d'un rapport préalable à l'évacuation des bidonvilles sur les mesures permettant de remédier à l'insalubrité

Défavorable

Mme ARTIGALAS

13

Suppression de la réduction du délai d'exécution volontaire de l'évacuation, de l'encadrement du droit au recours suspensif et des dérogations à l'obligation de proposer un relogement ou un hébergement

Défavorable

Mme BRIANTE GUILLEMONT

40

Suppression de la réduction du délai d'exécution volontaire de l'évacuation

Défavorable

Mme CORBIÈRE NAMINZO

83

Transformation de la dérogation en obligation de proposer un relogement ou un hébergement aux personnes à évacuer

Défavorable

Article additionnel après Article 10

Mme BRIANTE GUILLEMONT

45

Mise en oeuvre d'actions conjointes destinées à favoriser l'assurabilité des biens à Mayotte

Demande de retrait

M. Joshua HOCHART

72 rect.

Préférence nationale dans l'attribution de logements sociaux à Mayotte

Défavorable

Article additionnel après Article 23

Mme BRIANTE GUILLEMONT

47

Demande de rapport d'évaluation de l'impact des articles 22 et 23 de la présente loi sur le développement de Mayotte

Demande de retrait

La réunion est close à 10 h 25.

Mercredi 21 mai 2025

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées - Examen du rapport et du texte de la commission

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous examinons ce matin le rapport de Sebastien Pla sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale et examinée en procédure accélérée, instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées.

M. Sebastien Pla, rapporteur. - Mes chers collègues, la proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées, déposée par le député Hubert Ott, est un texte aussi consensuel que nécessaire. Voté à l'Assemblée nationale par tous les groupes, à l'exception d'un, qui s'est abstenu, il n'a fait l'objet d'aucun amendement au stade de la commission au Sénat.

À l'origine de ce texte, on trouve une demande exprimée par la profession depuis plusieurs mois afin que les sanctions soient rendues plus faciles contre les détenteurs de vignes laissées en friches ne se conformant pas aux obligations d'arrachage édictées par le préfet dans le cadre de la lutte contre la maladie réglementée de la flavescence dorée.

En effet, en raison de l'accentuation de la crise viticole dans notre pays, conjuguée à la problématique du renouvellement des générations, nous assistons assez tristement à l'augmentation généralisée des surfaces de vignes laissées à l'abandon. Selon les estimations fournies par le ministère de l'agriculture, ces dernières varient de quelques ares en régions Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Centre-Val de Loire, à plusieurs centaines d'hectares en Auvergne-Rhône-Alpes, voire plusieurs milliers d'hectares en Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). En Gironde, la profession évoque le chiffre de 2 000 hectares de vignes laissées à l'abandon - c'est colossal. Dans le Beaujolais, la profession a identifié environ 700 parcelles, quand ce chiffre se monte à plus de 1 900 en Languedoc-Roussillon, territoire qui m'est cher. La surface moyenne d'une friche se situerait, selon les services du ministère de l'agriculture, autour de 50 à 60 ares, avec parfois des îlots localisés allant jusqu'à 15 hectares en région PACA.

Les raisons de ces abandons sont diverses et globalement assez connues : exploitants en grande difficulté économique n'ayant pas les ressources pour traiter ces vignes, propriétaires non exploitants qui ne trouvent personne pour reprendre leur exploitation malgré l'intervention des organismes de défense et de gestion, problématiques d'indivisions successorales.

Outre leur coût social, ces abandons engendrent un surcoût économique pour les voisins vignerons. Les friches sont aussi un accélérateur du risque incendie en milieu méditerranéen. L'impact visuel est, quant à lui, fortement préjudiciable au développement de l'oenotourisme. Au-delà, l'augmentation des vignes abandonnées amplifient les risques sanitaires, et c'est le coeur du problème : ces parcelles sont un réservoir pour les maladies classiques comme le mildiou et l'oïdium, et singulièrement pour la flavescence dorée.

Cette maladie incurable, qui provoque le dépérissement de la vigne et l'effondrement de son rendement, est classée comme organisme de quarantaine au niveau européen. Elle a progressivement envahi la plupart des vignobles français depuis son apparition dans les années 1950. Certains vignobles sont touchés de longue date, comme ceux du sud de la France, quand d'autres l'ont été plus récemment, comme la Bourgogne et la Champagne. L'expansion de la maladie a, en réalité, suivi le front de colonisation de son insecte vecteur, la cicadelle, introduit à l'époque de l'importation d'Amérique des plants résistant au phylloxéra. Elle est aujourd'hui largement présente en France et en Europe.

Les études scientifiques ont démontré de manière irréfutable que les vignes en friches constituent un foyer de contamination à la flavescence dorée pour les vignes aux alentours et, plus encore, un foyer de recontamination quelques jours seulement après le passage de traitements insecticides.

Il s'agit d'une problématique majeure au regard des efforts considérables mis en oeuvre par les organisations viticoles, en partenariat avec l'État, pour contenir l'avancée de la maladie. En effet, la transmission de vigne à vigne est rapide : on estime le coefficient multiplicateur d'une année sur l'autre à 18. En audition, il nous a été indiqué que ce coefficient pouvait être plus élevé en présence de variants plus agressifs, comme ceux qui sont présents en Bourgogne et en Champagne. Quelques années - trois à quatre - suffisent donc à contaminer puis à détruire totalement toute une parcelle.

À la différence du mildiou ou du black-rot, la flavescence dorée fait l'objet de prescriptions de lutte obligatoire, au titre de son statut d'organisme de quarantaine. Les préfets de région délimitent des périmètres à l'intérieur desquels des mesures de prospection, d'arrachage et d'application d'insecticides sont obligatoires. Ces mesures sont lourdes, coûteuses en temps pour les viticulteurs, coûteuses financièrement, induisant des externalités négatives pour l'environnement, à rebours de la dynamique de sobriété engagée par toute la filière.

Selon les chiffres transmis par le ministère de l'agriculture, 75 % du vignoble français est situé en zone délimitée. Passé le seuil de 20 % de souches contaminées, une parcelle doit être totalement arrachée. En Languedoc-Roussillon, par exemple, selon les éléments qui m'ont été transmis, ce ne sont pas moins de 800 hectares de vignes qui ont été arrachés entre 1997 et 2014, sachant que, depuis 2018, 90 % du vignoble occitan est en périmètre de lutte obligatoire.

En tant que vigneron, je peux très bien imaginer la difficulté que représente l'arrachage de ces vignes, particulièrement dans les situations où les contaminations sont favorisées par des vignes voisines laissées en friches à proximité d'une exploitation bien conduite et entretenue. Cette situation n'est pas tenable.

En outre, s'il est prouvé scientifiquement que les vignes en friches favorisent l'expansion de la flavescence dorée. La recherche scientifique commence à parvenir à des résultats convergents qui ne surprendront guère les viticulteurs attentifs à leurs vignes, à savoir que les friches favorisent vraisemblablement la diffusion d'autres maladies, comme le mildiou, l'oïdium ou le black-rot.

C'est à cet égard que la présente proposition de loi est importante. S'il existe bel et bien une procédure pour sanctionner un propriétaire de vignes laissées en friches ne respectant pas une obligation d'arrachage, cette procédure est lourde en raison du caractère délictuel de l'infraction. En effet, le propriétaire contrevenant encourt actuellement jusqu'à six mois d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, soit une peine totalement disproportionnée à l'infraction, avec une procédure si lourde et complexe qu'elle est finalement peu appliquée, donc peu dissuasive.

En lieu et place, l'article unique de ce texte propose un dispositif à deux étages : la mise en place d'une infraction contraventionnelle, beaucoup plus simple à mettre en oeuvre et plus proportionnée à la nature de la faute - l'infraction précédemment décrite serait alors sanctionnée d'une amende de 1 500 euros et de 3 000 euros en cas de récidive ; et un pouvoir d'injonction pour obliger le propriétaire à se conformer à ses obligations dans un délai imparti. Le non-respect de cette injonction demeure, en revanche, un délit, ce qui permet de maintenir une gradation des peines.

La création de l'amende de 1 500 euros est fortement soutenue par la profession viticole depuis longtemps. Le Parlement a ici l'opportunité d'y répondre favorablement.

La visée de cette amende est essentiellement dissuasive, même si, au besoin, son prononcé sera possible et plus aisé qu'en matière délictuelle.

Fait suffisamment rare pour être souligné, nous sommes devant une proposition concrète de simplification des procédures, simplification tant attendue par le monde agricole.

À l'issue de mes échanges avec les services de l'État et les représentants de la profession, il m'apparaît que le texte qui nous est présenté, entièrement réécrit par rapport à la version initialement déposée, propose un dispositif opérationnel ne nécessitant pas d'ajustements tels qu'ils justifieraient une poursuite de la navette parlementaire. Au reste, une adoption conforme répondrait au souhait de l'ensemble des professionnels que j'ai entendus et permettrait une mise en oeuvre rapide sur le terrain, la publication d'un décret d'application n'étant pas nécessaire.

Aussi, à la suite du très large consensus qui s'est exprimé en séance publique à l'Assemblée nationale, je nous invite collectivement, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi sans modification, pour qu'elle puisse devenir loi au plus vite, afin de soutenir les viticulteurs dans leur lutte contre les maladies de la vigne, en ce moment difficile pour la profession.

Pour ce qui concerne le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives : à la répression des infractions à la réglementation en matière de lutte contre les organismes nuisibles réglementés ; aux prérogatives des agents habilités en matière de protection des végétaux.

Il en est ainsi décidé.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

Je rappelle que trois de nos collègues mènent actuellement une mission d'information sur l'avenir de la filière viticole, sujet ô combien d'actualité.

M. Franck Menonville. - Je félicite le rapporteur pour son travail. Nous soutenons totalement le texte et les conclusions du rapport.

La viticulture connaît aujourd'hui des difficultés dans un certain nombre de territoires de notre pays. Je pense notamment à des foyers de contamination et de dépérissement liés à certaines maladies, comme la flavescence dorée. Il faut une politique de veille sanitaire constante pour éviter la prolifération de cette maladie, contre laquelle aucune solution curative n'a été trouvée à ce jour.

Le texte est, à cet égard, essentiel, et les travaux menés par le rapporteur sont complètement à la hauteur des enjeux. Nous lui apportons tout notre soutien, et le voterons unanimement.

Mme Marie-Lise Housseau. - Je soutiens totalement cette proposition de loi.

Je suis sénatrice du Tarn. Chaque année, pour lutter contre la flavescence dorée dans le vignoble de Gaillac, nous organisons des réunions à la préfecture, des campagnes de presse, des réunions sur le terrain, sans aucune efficacité.

Merci au rapporteur ! Le dispositif du texte est simple et sera efficace. J'y suis tout à fait favorable.

M. Daniel Salmon. - Merci au rapporteur. C'est un vrai sujet, qui devient plus prégnant chaque année. Il faut trouver une réponse. Je pense que la proposition de loi apportera une vraie solution, en donnant un outil plus efficient.

Le niveau de la sanction doit être adapté. De fait, quand les sanctions dépassent tout entendement, elles ne sont jamais appliquées.

Au-delà, la crise du secteur viticole est aujourd'hui lourde de conséquences et explique qu'il y ait de plus en plus de friches.

Il faut continuer de promouvoir la déspécialisation. Des régions entières se sont hyperspécialisées, devenant plus fragiles. Si cette crise perdure encore, nous nous retrouverons, demain, avec davantage de friches. Il faut aussi s'interroger sur la reprise et la transmission - vers quelles cultures ? - pour pouvoir lutter de manière durable contre cette déprise.

Nous voterons bien entendu cette proposition de loi, avec laquelle nous sommes en totale adéquation.

M. Henri Cabanel. - Le RDSE votera lui aussi cette proposition de loi. Néanmoins, celle-ci m'apparaît comme un pansement sur une jambe de bois.

Cette proposition de loi traite du problème spécifique d'un petit insecte, la cicadelle, vecteur de la flavescence dorée, qui est un fléau pour notre vignoble. Cependant, elle ne traite pas du fond, à savoir la crise viticole.

Au début de ce mois, un viticulteur bordelais, président d'une cave coopérative, s'est suicidé - pour avoir fait une mission sur le sujet avec Françoise Férat, je sais quel désespoir peut susciter un tel acte autour de lui. Comme beaucoup, son exploitation viticole était en difficulté, et il a choisi d'arracher une partie de son exploitation pour renforcer sa trésorerie et essayer de repartir d'un bon pied. Une célèbre banque agricole a refusé de lui verser l'avance pour effectuer les travaux d'arrachage.

Le problème de fond n'est pas réglé.

À cet égard, je remercie la commission d'avoir créé une mission, dont Daniel Laurent, Sebastien Pla et moi-même sommes les rapporteurs. Je vous prie de croire que je compte bien donner un coup de pied dans la fourmilière !

La filière viticole souffre d'un manque de stratégie à moyen et long terme, pourtant nécessaire pour des cultures pérennes - on n'est pas sur des cultures à l'année ! Une telle stratégie n'a jamais existé dans ce pays. De fait, la situation est très hétérogène suivant les régions : cela marche bien dans certaines, et moins bien, voire pas du tout, dans d'autres, qui enregistrent une baisse de consommation.

En tant que viticulteur passionné, je me permets de faire remarquer que cette proposition de loi institue une double peine : on va punir d'une amende un propriétaire ou un exploitant qui ne s'en sort pas et qui n'a pas les moyens de travailler sa vigne pour vendre son vin.

Bien sûr, tous ceux qui sont autour subissent les problèmes sanitaires apportés par la friche viticole, mais, comme l'a souligné le rapporteur, que je remercie pour son travail - j'ai assisté à nombre de ses auditions -, des organismes régionaux, les fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (Fredon), sont déjà à l'oeuvre. Il est vrai que les procédures existantes sont longues à mettre en place et n'aboutissent jamais, mais je regrette que nous créions là une couche supplémentaire. Nous complexifions encore, à rebours de notre volonté partagée de simplification.

Sans traiter le fond, on va imposer une amende à des propriétaires qui sont déjà en difficulté et n'ont pas forcément les moyens d'arracher.

Au vu des problèmes sanitaires en jeu, le RDSE votera cette proposition de loi, mais je tenais à vous faire part de mes réflexions.

M. Lucien Stanzione. - Je remercie et félicite le rapporteur pour son travail.

Je souscris sans réserve aux propos d'Henri Cabanel. Nous avons d'ailleurs pu échanger sur ce sujet lors de notre déplacement à Bruxelles.

Nous voterons le texte.

M. Bernard Buis. - Je remercie le rapporteur, qui nous propose un vote conforme pour aller vite. Effectivement, il faut aller vite. Tous les secteurs viticoles sont aujourd'hui concernés par le problème de l'absence d'entretien des vignes laissées à l'abandon.

Dans la Drôme, et particulièrement dans le Diois, avec la crise de la clairette, le problème saute aux yeux : on trouve des paysages qui ne sont pas beaux à voir...

L'adaptation des sanctions est une vraie solution. Notre groupe votera bien évidemment cette proposition de loi, sans déposer d'amendements.

M. Daniel Gremillet. - Je veux moi aussi féliciter et remercier le rapporteur.

Nous voterons évidemment la proposition de loi. Il est urgent qu'elle puisse être mise en oeuvre. À cet égard, le vote conforme est une solution très efficace.

On ne peut que souscrire à ce qu'a dit Henri Cabanel, mais voter ce texte permettra peut-être de ne pas laisser en souffrance celles et ceux qui, en région, n'ont pas forcément les moyens de procéder à l'arrachage, dans le cadre d'une protection collective. De fait, l'enjeu est collectif : tout le monde a intérêt à ce que cela se passe bien pour ceux qui n'ont actuellement pas la capacité d'arracher leurs vignes.

Comme l'a très bien dit Henri Cabanel, il y a urgence, parce que la vigne, c'est du temps très long. Je connais la question viticole moins bien que vous, mais, pour exercer différentes responsabilités agricoles depuis très longtemps, je sais que les crises sont récurrentes et qu'elles ont pu frapper des territoires qui marchent très bien aujourd'hui.

Le secteur a parfois beaucoup souffert, mais ce texte peut être un moyen de changer les choses. Il y a urgence à ne pas laisser orphelins ceux qui sont en souffrance, dans un souci d'efficacité et dans l'intérêt général.

M. Pierre Médevielle. - Bien évidemment, l'arrachage n'est jamais un bon signe pour la santé de la viticulture française.

Nous n'avons pas fini de parler du sujet ! Pour l'heure, ce texte va dans le bon sens, et nous le voterons. Merci à notre rapporteur, qui connaît parfaitement le problème.

M. Sebastien Pla, rapporteur. - L'analyse d'Henri Cabanel est limpide et sans concessions. Il a raison. J'espère que les travaux de la mission d'information nous amèneront, in fine, à formuler des propositions concrètes et, surtout, courageuses. Je pense que nous ne sommes pas collectivement conscients de l'ampleur de la crise que subit le secteur viticole en France aujourd'hui.

Des crises, il y en a eu tout au long de l'histoire. Celle-ci est très certainement la plus terrible, car elle est multifactorielle. Elle touche à tout : au réchauffement climatique, aux problèmes d'inflation, aux relations géopolitiques avec des pays comme les États-Unis et la Chine, qui développent énormément leur filière viticole. Dans ce contexte très concurrentiel, la profession a du mal à conquérir de nouveaux marchés aujourd'hui. Nos outils ne sont peut-être pas à la hauteur de la crise.

La mission d'information devra rendre sa copie au bout de quatre mois de travaux.

Pour en revenir à ce texte, j'estime que, pour une fois que l'on simplifie les choses, il faut le souligner ! J'y ai insisté dans le rapport. Voilà deux ans que nous travaillons avec le monde agricole, qui attend des simplifications.

En l'espèce, les procédures étaient complètement inadaptées, tant et si bien que l'on est en train de traiter des vignes en friches abandonnées il y a dix, quinze ou vingt ans et jamais arrachées, justement parce que la procédure était trop complexe et trop lourde à mettre en oeuvre.

Essayons déjà de régler le problème de ces vignes, qui sont des foyers infectieux relativement importants, non seulement de flavescence dorée, mais aussi de mildiou et d'oïdium, et qui oblige aujourd'hui les vignerons voisins à traiter beaucoup plus, ce qui ne va pas du tout dans le bon sens, ni sur le plan économique ni sur le plan environnemental.

Au-delà, l'abandon de toujours plus de vignes doit être mis en lien avec la crise actuelle. À cet égard, le dispositif d'arrachage de la fin d'année dernière a constitué une réponse moyennement adaptée : il était prévu d'arracher 30 000 hectares, avec 4 000 euros de prime, en complément d'une première campagne d'arrachage menée dans le vignoble bordelais voilà deux ans. Au cours de nos auditions, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) nous a dit qu'une troisième campagne d'arrachage était demandée... C'est dire l'ampleur de la catastrophe dans ces zones !

Malheureusement, les vignerons actuels n'arrivent pas à se séparer de leurs vignobles pour des raisons économiques ou du fait de leurs relations avec leur propriétaire foncier - le propriétaire ne veut pas arracher, mais le fermier veut arrêter... Il faut s'interroger sur la manière d'accompagner financièrement la sortie de ces vignes.

Nous reviendrons sur ces différents éléments en séance, mais je répète que nous avons tous intérêt à un vote conforme, de manière à avancer, dès le mois de juillet, avec les services de l'État et la profession. Nous avons auditionné les représentants de nombreuses appellations : les syndicats viticoles entendus sont unanimes dans leur volonté d'avancer sur ce texte, de communiquer auprès de leurs adhérents et de mettre la pression pour faire disparaître ces vignes en friches.

Certains territoires ont mené de très belles expérimentations. Je pense au Beaujolais, pour rebondir sur ce que disait Daniel Gremillet. Des procédures collectives existent déjà dans certaines appellations qui ne fonctionnent pas trop mal. À chacun de prendre le problème à bras-le-corps sur son territoire !

Dans le Tarn, les filières ont été en pointe ces dernières années en finançant les groupements de défense contre les organismes nuisibles (GDON), organismes de défense du vignoble et d'identification des zones à traiter. Ces stratégies ont permis de faire reculer d'environ un tiers le nombre d'hectares de vignes soumis à l'aléa de la flavescence dorée, passé de quelque 80 000 à 50 000 en Occitanie grâce à ce travail de veille des GDON, en partenariat avec les caves coopératives et les organisations locales. Nous avançons !

Profitons du fait qu'il s'agisse d'une maladie réglementée pour mettre en place des mesures qui permettent l'arrachage et pour sortir les derniers vignerons qui croient aujourd'hui en leur métier des autres maladies comme le mildiou et l'oïdium !

Mes chers collègues, je vous remercie tous de votre accompagnement sur ce texte. Soyons efficaces et pragmatiques en ce moment difficile ! Avançons.

M. Laurent Duplomb. - J'invite à la prudence ceux qui affirment que la crise actuelle est sûrement la pire qu'a connue le vignoble français. C'est peut-être vrai sur les deux dernières générations, mais je rappelle qu'à partir de 1863, le phylloxéra a fait disparaître la moitié du vignoble français - dans mon département, le vignoble a disparu de la vallée de l'Allier entre 1910 et 1920. L'évolution du territoire a été accentuée par le fait que tous les hommes étaient morts pendant la guerre de 1914-1918. D'ailleurs, en Haute-Loire, il n'y a plus de vigne depuis le phylloxéra ! Il y a donc malheureusement toujours eu des périodes, dans l'histoire, où les crises agricoles peuvent connaître une puissance folle.

Oui, il faut voter cette proposition de loi aujourd'hui, parce qu'il faut responsabiliser. Mais, d'un autre côté, il ne faut jamais oublier que le phylloxéra, en 1863, a été à l'origine des coopératives que les agriculteurs ont organisées à la fin du XIXe siècle pour être plus forts, dans le sens de l'intérêt général. C'est d'ailleurs aussi à ce moment qu'ils ont créé le Crédit Agricole. Ils ont trouvé des solutions d'indemnisation permettant de faire face collectivement aux problèmes. Aujourd'hui, l'individualisme est si puissant que plus personne ne se dit que l'on est plus fort quand on est ensemble.

Responsabiliser ceux qui doivent arracher est une chose, mais trouver les solutions collectives pour accompagner les viticulteurs et faire en sorte qu'ils souffrent le moins possible, ce n'est ni plus ni moins que le sens de l'histoire agricole française.

M. Vincent Louault. -Je remercie M. le rapporteur.

Je suis tout à fait d'accord avec Laurent Duplomb.

Je ne suis pas un adepte des amendes. Cependant, dans le cas d'espèce, les sanctions peuvent être nécessaires, mais, pour les biens sans maître, par exemple, les amendes ne peuvent rien, puisque le propriétaire est perdu, ce qui entraîne déjà une perte d'impôts fonciers. Je vous invite, mes chers collègues, à promouvoir auprès des maires la récupération pour réserve foncière des biens sans maître. Pour l'avoir fait dans ma commune, je puis dire que cela marche vraiment bien !

Restera la question du financement de l'arrachage, qui coûte un peu d'argent. Au moins les collectivités peuvent-elles déjà récupérer les biens sans maître, et ce n'est pas anodin : en Touraine, le maire de Saint-Nicolas-de-Bourgueil, par exemple, s'est aperçu que leur nombre n'était pas négligeable.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je remercie notre rapporteur. Je vous rappelle que la proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 5 juin au matin.

Projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi n° 630 (2024-2025) relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 et désigne Mme Martine Berthet rapporteure pour avis.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Comme la commission des affaires économiques, la commission de la culture et la commission des affaires sociales, notre commission se verra déléguer un certain nombre d'articles au fond par la commission des lois.

Communication

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, je vous rappelle que, le lundi 2 juin prochain, nous nous rendrons dans l'Aube et en Seine-et-Marne pour étudier la thématique de la valorisation de la filière de l'orge. Nous visiterons notamment une malterie. Je vous remercie de vous inscrire à ce déplacement auprès des services de la commission.

Audition de M. Bruno Arcadipane, président, M. Bruno Lindowna, vice-président et Mme Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. -Je suis très heureuse d'accueillir à nouveau M. le président, Bruno Arcadipane et Mme la directrice générale Nadia Bouyer au sein de notre commission. Je souhaite la bienvenue à M. le vice-président Bruno Lindowna et le félicite pour sa nomination, le 13 mars dernier, en remplacement de Philippe Lengrand, avec lequel nous avons beaucoup travaillé.

Notre commission porte une attention constante et un attachement très fort au devenir du groupe Action Logement, pilier du pacte social d'après-guerre et qui a fêté ses 70 ans l'an dernier. En tant que première foncière d'Europe, avec plus d'un million de logements sociaux dans tous nos territoires, Action Logement fait partie intégrante du patrimoine de la nation. Il est incontournable dans la lutte contre la crise du logement. C'est ce que nous avions défendu déjà avec force, il y a quelques années de cela, avec Viviane Artigalas, Marie-Noëlle Lienemann, Valérie Létard et moi-même, dans notre rapport de 2020 qui avait permis, et nous pouvons le revendiquer comme tel, de mettre en échec la tentative de démantèlement d'Action Logement envisagée à l'époque.

Notre audition du jour s'inscrit dans une actualité qui, malheureusement, a un air de déjà-vu. Il y a deux ans, quasiment jour pour jour, le 24 mai 2023, notre commission vous recevait, M. le président, Mme la directrice générale, accompagnée du vice-président d'alors, Philippe Langrand, pour faire un point de situation sur le devenir du groupe. Nous étions alors préoccupés par la perspective d'un classement du groupe en administration publique (APU), qui aurait été lourd de conséquences sur vos capacités d'investissement, et ce, dans un contexte de crise du logement qui, faut-il le rappeler, est toujours bien présent.

En effet, en août 2022, une décision du directeur général de l'Insee a classé votre filiale Action Logement Service (ALS) en administration publique. Malgré les apparences, c'est loin d'être une décision uniquement technique.

Pour mémoire, ALS est chargée de collecter et de distribuer la participation des employeurs à l'effort de construction, la PEEC. Considérer ALS comme une administration publique reviendrait à qualifier la PEEC de ressource publique et d'impôt d'État, ce à quoi nous nous opposons. Cela entraînerait le rattachement d'ALS à la comptabilité publique et donc une interdiction d'emprunter en trésorerie au-delà de 12 mois. Cela compromettrait également votre autonomie, puisque le ministre de l'économie disposerait d'un droit de regard sur votre gestion. En d'autres termes, ce serait un véritable changement de modèle. On passerait à une gestion placée sous la tutelle de l'État et non plus assurée de manière paritaire par les partenaires sociaux, ce qui constitue non seulement un héritage fondamental de l'après-guerre, mais aussi un élément central du paritarisme et de la démocratie sociale. Vous avez formulé un recours contre la décision du directeur général de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) classant ALS en APU. Celui-ci a été rejeté en appel en juillet dernier.

À ce jour, à notre connaissance, l'arrêté du ministre des comptes publics, qui devrait tirer les conséquences de ce classement en APU, n'a pas été pris. Néanmoins, le sujet semble revenir à l'agenda du Gouvernement. Monsieur le président, pourriez-vous nous éclairer précisément sur la situation ? Comme il y a deux ans, nous vous réitérons tout notre soutien. Dans un contexte où la crise du logement perdure, vos actions en faveur du logement social et de l'accession à la propriété sont indispensables - même si ce ne sont pas les seules actions d'Action Logement. Il est évident qu'elles nécessitent des investissements sur un pas de temps supérieur à 12 mois. Rappelons que 2,8 millions de ménages sont aujourd'hui demandeurs de logements sociaux alors qu'ils n'étaient que 1,2 million en 2017. Une mise sous tutelle de l'État serait non seulement contre-productive, mais difficilement compréhensible.

Permettez-moi de vous interroger sur une note que j'espère plus positive. Nous avons reçu, il y a deux semaines, Patrick Martin, président du Medef. Malgré une conjecture qui reste préoccupante, il nous a fait part de signaux positifs dans le secteur du bâtiment concernant le nombre de transactions dans l'ancien, les crédits bancaires et, dans une moindre mesure, les demandes de permis de construire et de mise en chantier. De votre côté, quelle est votre perception du secteur ? Pensez-vous que l'on puisse assister à une reprise de la construction de logements sociaux ?

Mes collègues compléteront mes propos, puisque je n'ai pas abordé toutes les autres actions que vous développez. Je pense en particulier à l'Anru, mais aussi à l'adaptabilité des logements et à un certain nombre de vos autres missions. Je laisserai notamment, après vos interventions, la parole à Amel Gacquerre, qui est notre rapporteure pour avis des crédits budgétaires dédiés au logement, mais également à Viviane Artigalas, qui est notre rapporteure pour avis des crédits budgétaires liés à la politique de la ville. Ensuite, nous ouvrirons plus largement le champ des questions qui vous seront posées par l'ensemble de nos collègues, qui sont toujours très attentifs, je l'ai dit, à Action Logement.

Vous savez ici que vous êtes en territoire ami et que nous continuerons à vous accompagner, à vous soutenir et à vous défendre s'il le faut, comme nous l'avons fait en 2020. Nous avions démontré notre capacité à agir de façon transpartisane : je pense que cela avait contribué à repousser le danger, en tout cas momentanément. Monsieur le président, je vous laisse très volontiers la parole.

Je précise que l'audition fait l'objet d'une retransmission en direct sur le site du Sénat.

M. Bruno Arcadipane, président d'Action Logement. - Madame la présidente, merci de nous accueillir une nouvelle fois autour des questions qui se posent pour le groupe Action Logement. Mesdames et Messieurs les sénateurs, c'est un plaisir de nous retrouver et d'aborder les sujets du logement abordable. Nous répondrons systématiquement, favorablement à chaque fois que vous nous inviterez.

Permettez-moi, avant de démarrer mon propos introductif, de vous féliciter et de saluer la CMP conclusive qui a eu lieu hier sur la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations. C'est un résultat important pour la relance que vous avez évoquée, Madame la présidente. Cette CMP conclusive est structurante pour l'ensemble du secteur et permettra de loger au coeur de nos territoires tendus des Français qui en ont bien besoin, et je l'espère, de nombreux salariés.

Vous l'avez dit avec force, Madame la présidente, 2,8 millions de personnes sont en attente de logement social. Notre pays n'a jamais eu plus besoin d'une vision sociale. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises : je suis favorable au logement abordable et durable pour plusieurs raisons. La première d'entre elles : un employeur sur cinq en 2024 n'a pu recruter faute de loger ses potentiels recrutés. C'est très grave.

Au moment où tout le monde parle de réindustrialisation, au moment où Choose France fait la une de tous nos quotidiens et de toutes les attentions, je crois qu'il faut rappeler que le monde économique, qui est en grande difficulté depuis plusieurs mois, pour ne pas dire depuis plusieurs années maintenant, est souvent bloqué ou en tout cas gêné par cette incapacité à loger ses salariés.

Cette difficulté est aussi vraie pour les territoires. Vous représentez leur diversité. Vous représentez leur grande qualité, leur capacité de rebond. C'est peut-être pour cela que nous sommes en territoire ami lorsque nous venons vous voir, Madame la présidente, parce que nous partageons la totalité de ces valeurs.

Nous partageons cet amour des territoires et notre structuration en est l'une des plus belles représentations. Parce que nous sommes paritaires, mais aussi parce que nous sommes implantés dans tous les territoires français. J'ai souvent l'occasion de le dire, de Paris à Ajaccio, mais aussi de Cayenne à Mamoudzou, nous sommes représentés sur l'ensemble de nos territoires, et pas uniquement à travers une offre, mais aussi par des salariés et par des élus de notre maison. Ce mélange entre technostructures puissantes d'un côté et élus paritaires de l'autre fait que notre capacité d'intervention est excellente au coeur de tous les territoires. Pourquoi ? Car, depuis la réforme que les partenaires sociaux ont portée en 2017, nous avons apporté beaucoup d'efficience à notre groupe.

Vous avez suivi tout cela avec Viviane Artigalas, que je salue, Marie-Noël Lienemann et Valérie Létard. Nombre d'entre vous - et vous avez notamment cité Amel Gacquerre - sont très attentifs au sujet du logement et donc d'Action Logement.

Je souhaite parler de notre ressource, qui vient à 100 % des entreprises de plus de 50 salariés depuis la loi Pacte. Depuis que Bruno Le Maire, à l'époque ministre des finances, a décidé de façon unilatérale de rehausser le seuil de collecte de 20 à 50 salariés, nous perdons 300 millions d'euros par an qui étaient destinés à 100 % au logement de nos concitoyens. À cela, il faut ajouter la réduction du loyer de solidarité (RLS) qui pèse 1,3 milliard par an depuis trop longtemps maintenant.

Malgré tout cela, nous avons doublé la capacité de production de notre groupe. Lorsque nous étions dispersés, lorsque le groupe Action Logement n'existait pas, nous étions en capacité de produire et d'acheter 24 000 logements par an. Aujourd'hui, nous sommes à plus de 50 000 logements par an. Nous avons donc doublé cette capacité sans avoir un euro de plus, et la masse salariale augmentant de façon naturelle et normale, nous avons été impactés par cette perte de 300 millions d'euros. Je vous passe ce que vous connaissez par coeur : le milliard d'euros de ponction, puis les 500 millions.

Mais quel bonheur de voir Valérie Létard, issue de vos rangs, se battre et, encore mieux, obtenir des arbitrages. Il y a longtemps qu'on n'avait pas vu cela au niveau du ministère du logement.

Je voulais vous réitérer, au nom du groupe Action Logement, mes remerciements pour votre soutien. Notre raison d'être, c'est de faciliter l'accès au logement pour favoriser l'emploi : c'est l'ADN depuis 70 ans de notre maison. Cette mission, nous la portons avec fierté et avec une détermination sans faille. Elle est basée sur le paritarisme avec ses cinq organisations syndicales et nos deux organisations patronales. Je sais que ce dialogue entre organisations ulcère quelques-uns, notamment de l'autre côté de la Seine, c'est-à-dire à Bercy, où l'on souhaiterait tout gérer à travers des tableurs Excel et des chiffres posés dans les bonnes cases.

Cependant, cet ensemble entre notre mixité sociale, le financement de nos organismes de logement social (OLS) et le logement social à la française est le plus beau du monde. Nous avons la chance d'avoir deux financeurs : la Caisse des dépôts et ALS. Aujourd'hui, il s'agit d'empêcher l'un des deux financeurs de faire son métier. Je rappelle que nos ressources viennent à 100 % des entreprises, sans aide ni subvention, grâce à la PEEC, qui s'élève à 0,45 % de la masse salariale des entreprises de plus de 50 personnes. C'est cela qu'ils veulent empêcher demain, à travers une analyse statistique de l'Insee - qui d'ailleurs ne nous a jamais rencontrés. Je tiens à préciser qu'il s'agit d'un classement statistique vraisemblablement demandé ou porté par Eurostat et à l'égard duquel nous, Français, n'aurions pas la capacité pour s'y opposer.

Les flux financiers entre Action Logement et l'État deviennent une double peine, car c'est sur ceux-ci que l'Insee s'est basé au niveau statistique. En plus de nous prendre notre argent, on nous impose un coup qui sera mortel pour notre structure de financement, d'après une décision prise par un organisme statistique.

L'Inspection générale des finances et la Cour des comptes nous ont contrôlés ; cela est normal. Régulièrement, l'agence nationale du contrôle des logements sociaux (Ancols) nous contrôle. Aucun de ces trois organismes n'a suggéré que notre filiale ALS devienne une APU. C'est l'Insee qui a pris cette décision, sans jamais nous consulter ni nous permettre de défendre notre dossier. M. Tavernier, directeur général de l'Insee, ne nous a jamais accordé de rendez-vous.

Cela étant dit, cet arrêté qui est sur le bureau du ministre de l'économie, n'est pas encore signé. Si cet arrêté était signé demain, toute notre capacité d'emprunt serait empêchée. Je rappelle que notre capacité à produire est aujourd'hui au sommet de ce que l'on sait faire. En outre, les partenaires sociaux d'Action Logement ont toujours tenu leur parole. Lorsqu'il a fallu financer l'Anru pour le programme national de renouvellement urbain (PNRU), 92 % du financement de l'Anru a été apporté par Action Logement. À l'instant où nous nous parlons, nous finançons 72 % du nouveau PNRU (NPNRU). Et hier encore, on nous parlait de lancer un troisième programme de renouvellement urbain.

Pour Action coeur de ville, le budget est de 5 milliards d'euros, dont 1,5 milliard dédié au logement. Sur ce milliard et demi, 100 % proviennent d'Action Logement. Nous n'avons jamais failli. Nous payons à l'heure, nous sommes là au rendez-vous à chaque fois et nous sommes implantés sur tous les territoires. Qui est mieux placé que les salariés et les représentants de ces derniers pour décider ce qui est bien pour eux ou pas ? Qui est mieux placé que les employeurs pour décider ce qui est mieux pour le logement de leurs propres salariés ?

Action Logement fonctionne, et le paritarisme de gestion, n'en déplaise à certains, fonctionne lorsqu'il est dynamique, organisé et exigeant comme le nôtre. Depuis le début de la convention quinquennale 2023-2027, nous avons tenu tous nos engagements. Nous avons été systématiquement au rendez-vous. Quand Mme Borne, Première ministre, nous dit qu'il faut soutenir la promotion, nous lançons un plan de 30 000 logements. Nous en avons acheté, en réalité, 34 000 en 12 mois. Je peux vous garantir que si nous n'en avions pas acheté 34 000 et la Caisse des dépôts 15 000, beaucoup de promoteurs ne seraient plus là.

Et c'est une chaîne ! Si les promoteurs tombent, c'est le monde du bâtiment qui est impacté, mais les notaires également. Tous ceux qui siègent dans des départements voient bien la chute des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Quand Patrick Martin vous dit qu'il y a quelques signaux, c'est vrai. Mais pas forcément dans le logement social. C'est vrai dans la masse globale. En tant que président du Medef, son regard se porte sur la totalité des activités du secteur privé.

Malgré une ministre qui se bat, nous éprouvons une grande difficulté à faire avancer nos sujets. Heureusement, le Sénat est là pour porter la voix des territoires. Comment pourrions-nous envisager de réindustrialiser la France sans anticiper la construction de logements dans les bassins d'emploi qui vont devenir des zones de tension ? Jamais je n'ai senti les élus locaux aussi tendus sur ces sujets. J'étais la semaine dernière au Pays Basque ; la situation y est calamiteuse. Répondre à la demande de nos concitoyens, cela devient un exercice extrêmement délicat, même avec Action Logement.

L'année dernière, sans compter la construction et la réhabilitation, nous avons aidé 800 000 ménages. Je tiens à rappeler que Visale est un produit d'Action Logement, qui l'a inventé et porté. Visale est la garantie de toutes ces personnes qui n'ont ni les moyens ni le réseau d'apporter les cautions nécessaires pour obtenir son premier logement.

Le classement envisagé aujourd'hui d'ALS en APU par l'Insee nous préoccupe, car il remettrait en cause notre autonomie financière. Cela porterait un coup extrêmement lourd et durable pour l'ensemble du modèle de logement social à la française. Nous avons travaillé hier avec nos collègues, fédérations et professionnels, sur le statut des bailleurs privés. Nous avons envoyé des signaux qui font avancer les choses. Nous attendons ce statut depuis longtemps. Il faut vraiment le faire avancer très vite, si nous voulons essayer de sauvegarder à la fois nos filières professionnelles et nos savoir-faire.

Au nom des 20 000 salariés du groupe et au nom des partenaires sociaux, je vous confirme que cette situation est très anxiogène. Je souhaiterais que vous puissiez une fois de plus nous aider. Nos livres sont ouverts comme à chaque fois. Venez-les consulter, venez examiner de façon extrêmement précise et factuelle le travail réalisé à la fois au niveau du siège social, mais aussi des territoires. Quel que soit le territoire, tout est transparent et tout est optimisé. Je vous invite à venir vérifier que tout ce que je viens d'exprimer est juste. Merci beaucoup, Madame la présidente.

M. Bruno Lindowna, vice-président d'Action Logement. - Madame la présidente, merci pour vos propos chaleureux d'accueil. Comme vous l'avez dit, nouvellement porté à la vice-présidence du groupe Action Logement, permettez-moi de vous dire l'honneur que j'ai à m'exprimer pour la première fois devant les sénateurs issus de la représentation nationale, au nom des organisations syndicales de salariés du groupe Action Logement auquel nous tenons tant. Je partage avec mon prédécesseur Philippe Lengrand une ambition : celle de maintenir Action Logement comme un acteur exemplaire, inventif, déterminé au service du logement des salariés.

Le modèle de gestion paritaire qui administre notre groupe a fait ses preuves depuis plus de 70 ans. Il est singulier, inédit non seulement dans notre pays, mais aussi en Europe, et exige d'être préservé. L'année écoulée en est la démonstration. Il est une digue solide en période agitée et a parfaitement joué son rôle contracyclique dans le contexte économique difficile que nous connaissons.

Alors que près de 2 salariés sur 10 en France déclarent rencontrer des difficultés pour trouver un logement à proximité de leur lieu de travail, et même 3 sur 10 parmi les moins de 30 ans, nous traversons une crise du logement d'une ampleur inédite qui touche de plein fouet les actifs, toutes catégories confondues. Ce n'est plus seulement une question sociale, c'est une urgence économique, territoriale et humaine. Le logement est un droit fondamental, mais il devient hélas un frein pour une part croissante de la population active.

Dans les grandes métropoles, les loyers explosent, les prix d'achat s'envolent, et les délais pour accéder à un logement décent, a fortiori social, s'allongent. Les salariés, même ceux qui disposent d'un emploi stable, peinent à se loger à proximité de leur lieu de travail, avec pour conséquence des trajets domicile-travail interminables, une qualité de vie individuelle dégradée pour les salariés et une perte de compétitivité pour les entreprises qui peinent à recruter.

Parmi les personnes en attente de logement social se trouvent pourtant de nombreux travailleurs dont les métiers essentiels ont tant été vantés pendant la crise sanitaire : santé, sécurité, distribution. Le logement social censé amortir les effets du marché est saturé. Le logement intermédiaire, pourtant crucial pour les classes moyennes, reste assez peu développé et proportionnellement bien plus coûteux à produire.

La crise du logement, c'est aussi une crise de la construction. En 2024, les mises en chantier ont atteint leur plus bas niveau depuis 30 ans. Mais, il ne s'agit pas que de construire plus, mais de construire mieux, et surtout là où les besoins sont les plus pressants. C'est le coeur de la mission d'Action Logement : accompagner les entreprises et les collectivités pour identifier ces besoins. Les élus locaux sont les meilleurs experts de leur territoire. Vous êtes les mieux placés pour évaluer les besoins de votre population. C'est pourquoi il nous importe tant de travailler à vos côtés pour mettre les parties prenantes du secteur du logement en relation et soutenir des solutions efficaces. C'est là l'expression des enjeux du logement abordable : une écoute, une expertise et surtout une intervention partenariale permettant de mieux répondre à la diversité, en tenant compte au plus près des spécificités et des besoins de chacun. N'oublions pas, derrière chaque statistique se trouvent des parcours de vie : des familles contraintes de vivre dans des logements insalubres, des jeunes actifs qui repoussent leurs projets de vie, des travailleurs essentiels qui dorment dans leur voiture, faute de mieux.

Il est de notre responsabilité collective de garantir à chacun un toit digne et abordable. La menace de classement d'ALS évoquée à l'instant par Bruno Arcadipane impacterait directement notre capacité d'agir. En effet, en grevant notre possibilité de nous endetter sur le long terme, qui est pourtant essentielle pour poursuivre nos efforts de construction et pour maintenir les services destinés aux salariés, l'État nous gèlerait sur place.

Cette situation soulève une question politique importante : quelle place accorder aux partenaires sociaux dans ce contexte ? Amoindrir la force d'Action Logement en faveur du logement des salariés serait franchir une ligne rouge inacceptable pour les organisations syndicales. Nous sommes fiers de ce que nous accomplissons pour les salariés, fiers de nos produits concrets comme Visale, Loca-pass, le prêt accession et l'accompagnement des salariés en difficulté de parcours résidentiel. Nous sommes également fiers de pouvoir participer aux politiques publiques du logement, aussi bien dans les quartiers prioritaires de la ville que dans les coeurs de ville, avec le programme Action coeur de ville. Les cinq organisations syndicales de salariés et les deux organisations patronales mènent de vrais débats chaque année, confrontant leur vision et leur sensibilité pour redistribuer de façon consensuelle les ressources de la PEEC. Notre force réside dans notre capacité à rassembler les acteurs autour de la table pour qu'ils construisent des compromis, une culture qui est chère à nos concitoyens.

Mesdames et Messieurs les sénateurs, Madame la présidente, je conclurai en disant simplement que le logement ne doit pas être considéré comme un centre de coût, mais comme un investissement. Investir dans le logement, c'est investir dans la cohésion sociale, dans la transition écologique, dans la prospérité économique, dans la réindustrialisation du pays. Nous devons agir avec courage, ambition et cohérence. Action Logement doit être et doit rester au coeur des solutions de demain pour le secteur du logement. Je vous remercie.

Mme Nadia Bouyer, directrice générale d'Action Logement. - Madame la présidente, Mesdames et Messieurs les sénateurs, je voulais d'abord vous remercier pour l'organisation de cette audition ce matin, ainsi que pour l'audition qui a eu lieu il y a deux ans, le 24 mai 2023, que vous avez rappelée, Madame la présidente. Cette audition a joué un rôle déterminant pour débloquer, à ce moment-là, la signature de la convention quinquennale, que nous avons pu signer le 16 juin 2023. Grâce à cela, nous avons pu jouer le rôle contracyclique cité précédemment.

Très concrètement, dès le mois de juillet, nous avons mis en route le plan 30 000 logements pour l'emploi, qui nous a permis d'acquérir 34 600 logements entre juillet 2023 et mars 2024. Nous avons également modifié les paramètres de notre prêt accession à la propriété pour les salariés en baissant le taux à 1 %. 35 000 salariés ont pu accéder à la propriété grâce à ce prêt. Les banques étaient en attente de ce prêt pour pouvoir débloquer leur prêt principal, ces 30 000 euros étant soumis à un taux bonifié.

Plus récemment, nous avons adapté notre produit Visale et nous nous sommes mobilisés en début d'année suite au cyclone Chido à Mayotte pour un fonds de solidarité qui a aussi permis d'accompagner 3 000 salariés. Nous distribuons aussi le prêt à taux zéro mis en place par l'État. Cela montre l'agilité de notre groupe.

Je peux vous dire aujourd'hui que sur les années 2023 et 2024, nous avons tenu les engagements de la convention quinquennale 2023-2027. Nous sommes même un petit peu en avance puisqu'on s'était engagé à produire 200 000 nouveaux logements, à rénover 200 000 logements et à accompagner 4 millions de salariés. Et en moyenne, sur 2023 et 2024, ce sont 43 000 logements développés, 40 000 réhabilités et 800 000 salariés accompagnés.

Nous tenons ces engagements aujourd'hui, grâce à l'engagement des 20 000 collaborateurs du groupe qui sont très mobilisés et aussi de nos 1 500 mandataires, partenaires sociaux, bénévoles que je veux remercier. C'est cela qui fait l'alchimie de ce groupe.

Cette organisation est ultra territoriale, comme l'ont dit le président et le vice-président. Cela nous permet d'agir au plus près des besoins pour avoir des objectifs non seulement de logements abordables, mais aussi des logements de qualité, des logements sobres en consommation énergétique, et des solutions adaptées au niveau local. Bruno Arcadipane le disait, nous étions la semaine dernière dans le Pays Basque. Nous avons inauguré à Anglet une résidence que nous allons labelliser « à vocation d'emploi ». 147 chambres meublées de grande qualité avec une spécificité : elle est dédiée aux saisonniers l'été et aux travailleurs en mobilité le reste de l'année. C'est un modèle qui marche très bien puisque cette résidence est déjà réservée à 100 %, c'est-à-dire que cela répond à un besoin ultra local.

Nous agissons aussi sur la transformation des bureaux en logement. Le bilan de notre foncière de transformation immobilière créée est de plus de 6 000 logements produits, 1 300 par an, et les premières livraisons ont eu lieu.

Nous avons aussi lancé ce qu'on appelle le logement choisi, c'est-à-dire qu'on met effectivement nos logements en visibilité pour que les salariés puissent avoir le choix de ces logements. La plateforme Al'in qui a été mise en place en 2020 marche très bien, et nous l'avons récemment étendu au logement temporaire et intermédiaire. Nous avons 800 000 salariés inscrits. Nous n'avons juste pas assez de logements. Donc il faut davantage de logements à produire.

Pour répondre à votre question sur la conjoncture, il y a eu des signaux positifs en début d'année : l'élargissement du prêt à taux zéro et la baisse de la RLS pour les bailleurs sociaux de 200 millions d'euros. Il faut quand même avoir en tête la difficulté du modèle, c'est-à-dire une RLS qui grève énormément les finances des bailleurs sociaux.

Cela était supportable quand les taux du livret A étaient très bas, puisque l'on se finance auprès de la Caisse des dépôts avec un financement adossé au livret A. Mais l'augmentation des taux, entre 2021 et 2024, de 3,3 points pour nos filiales immobilières est considérable. Un point de livret A pour le secteur HLM pèse 1,4 milliard d'intérêts. Effectivement, le taux du livret A a baissé en février dernier. Un certain nombre de paramètres vont donc dans le bon sens.

Pour autant, il existe des bailleurs dont la situation est très tendue. Il va falloir continuer à soutenir ce secteur. Empêcher Action Logement d'intervenir serait pour nous une grande difficulté. Alors que nous respectons nos engagements de la convention quinquennale, nous empêcher de nous endetter casserait complètement le modèle et remettrait en cause ces engagements.

Mme Amel Gacquerre. - Madame la présidente, Monsieur le président, Monsieur le vice-président, Madame la directrice générale, nous sommes conscients de votre valeur ajoutée, particulièrement dans le contexte de crise du logement que nous connaissons. Vous savez que nous travaillons bien ensemble, vous pouvez évidemment compter sur nous.

Je souhaiterais vous poser quelques questions sur un sujet essentiel, celui du financement. Vous l'avez déjà abordé lors de votre dernière audition devant nous, il y a deux ans, pendant laquelle vous étiez en pleine négociation avec l'État, en vue de la signature de la convention quinquennale 2023-2027. Depuis, cette convention a été signée et prévoit, entre autres, le retrait d'Action Logement du financement du Fonds national d'aide à la pierre (FNAP) en 2025. Pouvez-vous nous fournir davantage d'informations sur ce que ce retrait vous a permis en termes de marge de manoeuvre financière ? En particulier, est-ce que cela a joué un rôle contracyclique dans la crise du logement ?

Notre présidente a abordé à plusieurs reprises le nombre préoccupant de demandeurs d'un logement social. Malgré une hausse en 2024, les agréments pour la construction de logements sociaux, qui s'élèvent à 99 000, restent bien en deçà des besoins.

La fin de votre contribution au FNAP pose la question de son avenir. Un groupe de travail a été créé afin de proposer des scénarii à la ministre du logement. Si le secteur est unanime contre la disparition des aides à la pierre, vous avez souligné que le modèle actuel est à bout de souffle. Pourquoi ? Parce que les opérations financées, notamment en PLAI et en zone tendue, ne trouvent plus leur équilibre. Quelles sont vos propositions pour garantir la pérennité des financements pour le logement social dans ce cadre ?

Enfin, cela nous amène à la question de la transparence dans la répartition de la PEEC à l'effort de construction. En mars dernier, le tribunal administratif de Paris a donné partiellement raison aux offices publics de l'habitat, sans pour autant faire droit à leur demande d'indemnisation. Allez-vous prochainement rédiger une nouvelle directive, celle de 2023 ayant été annulée ? Que pensez-vous de la proposition de l'USH d'associer les organismes sociaux à sa rédaction et de demander au gouvernement la réunion du comité des partenaires du logement social ? Je rappelle qu'il s'agit d'une instance qui a été voulue en 2018 ici au Sénat dans le cadre de la loi Elan. Je vous remercie.

Mme Viviane Artigalas. - Madame la présidente, Monsieur le président, Monsieur le vice-président, Madame la directrice générale, mes chers collègues, je voulais revenir sur l'histoire et ce que nous avons vécu. Le Sénat est à vos côtés depuis le début, car nous sommes très attachés à la question du paritarisme et à la question de l'influence sur les territoires.

On voit bien ce que l'État, et particulièrement Bercy, a cherché à faire à un moment donné, c'est-à-dire récupérer la PEEC dans le budget général de l'État. On aurait pu le comprendre, mais seulement si on avait la certitude que cette somme aurait été consacrée aux questions de logement, ce qui n'était pas le cas.

Nous nous sommes battus pour que ces ponctions de l'État s'arrêtent, et tout cela de façon transpartisane, avec Dominique Estrosi Sassone, Valérie Létard, moi-même et Marie-Noëlle Lienemann. Nous avons eu gain de cause et on voit bien, avec ce couperet du classement en APU qui pèse sur ALS, qu'on veut mettre finalement sous tutelle Action Logement.

Pour nous, cela est inacceptable et nous vous défendrons, et ce d'autant plus que sur tous les projets, et en particulier sur l'Anru, j'alerte depuis longtemps sur le fait que l'État ne tient pas ses engagements, contrairement à Action Logement et aux bailleurs sociaux.

Quand on voit la réussite de ce programme, heureusement qu'Action Logement était là pour aller dans le bon sens. On voit bien à quel point le manque de financement de l'État est au coeur du sujet. Il ne faudrait pas qu'on vous demande une plus grande contribution parce cela serait au détriment d'autres constructions et de votre capacité d'investissement et d'emprunt sur le long terme.

La situation peut avoir des effets secondaires sur la Caisse des dépôts et consignations et sur le financement du fonds d'épargne. La vocation première de la Caisse des dépôts et consignations est de faire des prêts à très long terme sur le logement social. Si Action Logement ne peut plus demander, ou n'a plus les moyens de s'endetter par le biais de prêts à très long terme avec la Caisse des dépôts, cela pourrait également mettre en difficulté le fonds d'épargne.

J'ai une première question : comment pouvons-nous vous aider à empêcher la signature de ce arrêté ? Existe-t-il des moyens d'empêcher sa signature ?

Ensuite, concernant la question de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru), comment voyez-vous la suite de l'Anru 3 ? Vous semble-t-il important de continuer sur cette rénovation urbaine qui a quand même eu des effets ? Faut-il éviter de disperser les fonds de l'Anru vers des thématiques autres que la rénovation urbaine, qui nous paraît importante ?

En outre, concernant les besoins de construction, comment déterminez-vous les lieux où il est nécessaire de construire ? Disposez-vous d'analyses qui vous permettent de déterminer mieux les endroits où il y a vraiment un lien emploi-logement ? Parvenez-vous à mieux évaluer les endroits où il faut construire et pour qui, particulièrement pour les salariés ?

M. Bruno Arcadipane. - Je suis présent, depuis la création du groupe Action Logement et je connais donc son histoire. La logique voudrait qu'Action Logement, qui n'est ni l'État ni un outil de l'État, ne soit pas impliqué dans le FNAP. Nous avons apporté notre soutien par le passé pour garantir ce fonds. Nous avons signé un accord, le plan d'investissement volontaire, en avril 2019, avec Édouard Philippe, pour apporter 900 millions d'euros sur trois ans, soit trois fois 300 millions d'euros, pour que l'État et les bailleurs sociaux s'organisent et mettent en place un financement pérenne pour le fonds d'aide nationale à la pierre. Nous avons versé trois fois 300 millions.

Une nouvelle aide a été sollicitée sauf que cette organisation n'a toujours pas été mise en place. Je ne vais pas vous faire un dessin ici de l'état des finances publiques et du désengagement de l'État vis-à-vis du logement. Si je fais un lien avec l'une des questions de Viviane Artigalas sur l'Anru, c'est exactement la même chose. Il n'y a qu'un seul financeur qui n'est pas au rendez-vous : l'État.

La ministre Létard vient d'obtenir, et pas sans effort, 50 millions pour la revitalisation urbaine. Ces 50 millions ont en plus été soumis aux 5 points de gel de précaution. Donc ce ne sont plus 50 millions, mais 47,5 millions.

Sincèrement, nous sommes favorables au FNAP, vous l'avez bien saisi, mais il va falloir que l'État joue son rôle. Je crois que l'État doit soutenir l'économie de façon générale et l'économie du logement plus particulièrement. Depuis quelques années, je pense qu'il n'a de cesse de l'étouffer.

Action Logement est un partenaire, pas un problème. Action Logement est celui qui intervient quand on n'a pas de solution. Action Logement est celui qu'on vient chercher quand on a des besoins.

Action Logement est à la fois du côté des salariés, avec les 800 000 aides dont on a parlé, mais aussi du côté des constructeurs et cde la planète. Nous sommes le premier bailleur européen, à la fois en taille, mais aussi sur les questions de décarbonation. Il est vital de préserver cet outil, car il est agile et efficace.

Ensuite, comme toutes les entreprises, nous avons besoin de visibilité et surtout pas d'instabilité. Ce classement en APU qui traîne depuis des années cause des dégâts dans la tête de 20 000 salariés. Lorsqu'ils sont au siège, ceux-ci peuvent être rassurés. Mais quand vous êtes à 10 000 kilomètres du siège, sur un territoire où il y a un peu moins d'informations, cela est beaucoup plus compliqué.

Nous sommes dans un écosystème : la situation peut déstabiliser la Caisse des dépôts dont nous sommes le premier client. Notre groupe, dans sa totalité, représente pratiquement 42 ou 43 milliards d'euros d'engagement et de flux avec la caisse. La Caisse des dépôts est un outil exceptionnel pour la France. Demain, allons-nous devoir nous financer ailleurs, auprès des bailleurs sociaux et de la Banque européenne d'investissement ? Demain, allons-nous déstabiliser le premier financeur ? Nous avons réussi, avec la Caisse des dépôts, à être ultra complémentaires. Nous avons des discussions techniques et politiques permanentes avec eux. C'est un partenaire de jeu essentiel. Je crois que nous le sommes pour eux aussi. Nous avons une organisation qui fonctionne. Essayons au moins de le préserver.

Ensuite, sur l'affaire qui nous oppose aux offices publics, je vais faire très court, parce que je prêche l'unité dans ce secteur et je crois qu'il est important qu'on se parle plus plutôt que l'on s'oppose à coup de procès.

Le plan d'investissement volontaire est extrêmement complexe. Il s'agit d'un contrat signé avec l'État, créant deux cibles : l'État et nous. Vraisemblablement, il n'y a plus qu'une seule cible. Je peux vous dire qu'aucun dossier n'a été refusé à des offices. Pour votre information, et c'est le seul élément que je donnerai sur ce sujet, le pourcentage de dossiers refusés aux offices publics est bien moindre que celui refusé à nos propres ESH. C'est un aspect important à prendre en compte quand on parle de non-discrimination.

Mme Nadia Bouyer. - Je voulais compléter pour vous confirmer qu'effectivement la nouvelle directive est en cours de rédaction et sera proposée au prochain conseil. Il y a une concertation avec l'USH qu'on a rencontré le 30 avril dernier. Cela est fait dans la concertation, et c'est important.

Vous dire également, pour répondre à votre question sur le modèle à bout de souffle, que c'était justement le titre de notre note de contribution à au groupe de travail sur l'avenir du FNAP. Effectivement, au-delà du FNAP, il est assez étonnant qu'on ne considère pas le logement social comme un secteur économique : c'est un secteur économique en tant que tel. Quand on réalise une opération de logement social, le bailleur ne cherche pas une rentabilité. Il cherche à équilibrer son opération sur 40 ans, avec des loyers qui sont vraiment plus bas que les loyers de marché. Pour arriver à cet équilibre, il faut un mix d'un certain nombre d'aides financières. La convention APL permet de s'engager sur des loyers très bas pendant toute la durée. Sauf que cette convention est mise à mal par la RLS.

Il faut repenser un vrai contrat entre les bailleurs sociaux et les pouvoirs publics sur la production de ces logements abordables dans la durée, avec un mix de TVA, de prêts à long terme avec des taux bas et des aides financières directes ou indirectes, comme la mise à disposition de terrains. C'est ce modèle-là qui est important de reposer. Ce système de réduction de loyer de solidarité est assez dangereux. Ce n'est pas tant la question du FNAP que de savoir comment on contractualise demain un engagement de nos bailleurs.

Pour répondre à votre question, Mme Artigalas, sur comment on détermine les besoins de logement : il s'agit d'études vraiment pointues. Nous avons une très bonne connaissance des entreprises puisque nous rencontrons celles qui contribuent à Action Logement. Nous réalisons aussi des enquêtes prospectives avec ces entreprises. À partir de là, nous analysons aussi la tension locale avec un large éventail d'indicateurs, telles que des données de marché, des prix, mais aussi des statistiques internes.

Lorsqu'un logement est mis en ligne, nous avons une idée précise du nombre de candidatures. Cela nous permet de croiser ces données avec celles de France Travail sur la capacité des territoires à répondre aux besoins de recrutement des entreprises. Nous avons réalisé une étude en Nouvelle-Aquitaine qui pourrait servir d'exemple à la commission. Nous pouvons faire des projections, EPCI par EPCI, sur les besoins en logement des salariés en fonction de leur âge notamment, en utilisant les données récupérées auprès des entreprises et notre connaissance des marchés locaux de l'habitat. Notre travail avec les entreprises consiste donc à passer de bilans de services à des contrats de services personnalisés, visant à accompagner leurs salariés en matière de logement. Comme l'ont souligné le président et le vice-président, le logement est devenu un frein au recrutement. Il est donc crucial de trouver des solutions sur mesure.

M. Bruno Lindowna. - Il faut rappeler notre organisation territoriale, en particulier l'existence des comités régionaux d'Action Logement en France métropolitaine et des comités territoriaux d'Action Logement dans les territoires ultramarins. Ce sont des relais dans les deux sens, faisant remonter l'information et nous alertant sur la sensibilité des territoires, ce qui nous aide à affiner et à décider notre programmation.

Mme Viviane Artigalas. - Juste une dernière question : quid d'une éventuelle participation à l'Anru 3 ?

M. Bruno Arcadipane. - Les partenaires sociaux sont partenaires de l'Anru depuis le premier jour. Cela fait 20 ans que nous le finançons et nous souhaitons continuer. Cependant, comme l'a souligné Nadia Bouyer, le financement doit changer. Il est important que nous puissions intervenir plus profondément et sur plus de zones. Nous avons de nombreuses demandes d'élus locaux qui souhaiteraient nous voir intervenir. Le modèle Action coeur de ville fonctionne à merveille et nous sommes coordonnés avec nos partenaires comme la Caisse des dépôts, l'Anah, avec nos différents objectifs d'activité.

Peut-être devons-nous travailler autrement ? Mais il n'est pas question pour nous de laisser tomber la revitalisation urbaine. Nous ne voulons pas nous borner à rénover les quartiers, nous voulons vraiment donner du confort de vie à nos concitoyens qui vivent dans ces quartiers prioritaires en politique de la ville (QPV), donner de la respiration à ces quartiers. Il est nécessaire d'emmener avec nous le secteur public et le monde privé, qui pour beaucoup ont délaissé ces quartiers. Il est important de retrouver des services publics de façon massive ainsi que des entreprises, car la mixité sociale se concrétise mieux avec emplois. Cela permet aux gens de retrouver de la joie de vivre, de l'activité, de la culture et de la sécurité. Je crois que c'est tout cela qu'il faut mettre sur la table. Il faut faire évoluer le produit, qui a vingt ans. Mais en tout cas, nous ne souhaitons pas lâcher ces quartiers.

M. Rémi Cardon. - Le soutien à l'accession des jeunes primo-accédants est un enjeu essentiel de justice fiscale et sociale, mais surtout sociale. Les dispositifs comme le PTZ ou les prêts que vous proposez sont des leviers importants et, d'ailleurs, nous vous en remercions.

Cependant, ils restent parfois sous-utilisés. Ce n'est pas forcément de votre ressort, mais en 2024, seuls 45 000 prêts ont été accordés, malgré l'élargissement des critères d'éligibilité. Cela s'explique, notamment, par un manque de clarté dans les informations délivrées et des démarches souvent complexes. Nous remarquons une baisse par rapport à 2022, même si le contexte a changé depuis. En revanche, je relève que beaucoup de jeunes restent dépendants du soutien familial pour acheter. 40 % des jeunes propriétaires ont été aidés par leurs proches, ce qui souligne une inégalité d'accès très forte.

Ma question est simple : comment comptez-vous mieux faire connaître les aides et les rendre plus accessibles, notamment dans l'ancien ? Quelle simplification envisagez-vous pour rendre ces dispositifs plus lisibles, plus attractifs ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je précise que la commission des affaires économiques a lancé une mission d'information sur le logement des jeunes.

M. Christian Redon-Sarrazy. - Les chiffres montrent une concentration significative des investissements dans les zones urbaines tendues, au détriment des zones rurales. Ces dernières pâtissent d'une pénurie de logements sociaux. Elles souffrent également d'un faible taux de rotation des logements existants, limitant l'accès pour de nouveaux demandeurs. De plus, elles connaissent un manque de construction de logements neufs, comme partout à l'échelle nationale. Ce déficit pose problème et limite la mobilité des salariés qui ne peuvent parfois pas accepter un emploi dans une région différente de celle d'origine, faute de pouvoir y trouver un logement abordable.

Compte tenu de ce manque d'investissement de la part d'Action Logement en zone rurale, et au regard des ressources financières du groupe, nous sommes fragiles. Le groupe socialiste s'est toujours positionné en faveur de leur sanctuarisation depuis 2017. Mais cette situation appelle une réponse à ce déficit sous peine d'accentuer la fracture territoriale. Cela passe probablement par une réévaluation des priorités. Comment entendez-vous rééquilibrer cette situation ?

M. Yannick Jadot. - Nous pouvons diverger sur beaucoup de sujets au Sénat, mais nous partageons l'ambition d'une vraie politique du logement et une inquiétude profonde par rapport à la construction, au parcours et au logement social. Rarement un gouvernement n'a fait aussi peu pour le logement et n'a prêté aussi peu d'attention à ce sujet. Cela laisse beaucoup de nos compatriotes dans un doute profond par rapport à l'intérêt qui est porté pour leurs difficultés du quotidien comme à leur capacité à se projeter.

Dans cette perspective, on pourrait avoir un débat sur la place d'Action Logement. Nous sommes attachés au paritarisme. On pourrait se dire, au fond, que si l'État avait une vraie grande politique du logement, il pourrait concentrer tous les moyens pour permettre une grande politique du logement. Mais on voit que c'est le contraire : l'État récupère les moyens pour pallier une incapacité à penser et à se projeter avec des moyens profondément réduits.

Quand la ministre du logement vient ici, nous lui disons toute notre affection et notre soutien par rapport à son engagement, mais cela ne corrige pas le déficit profond d'une volonté politique par rapport à des sujets essentiels.

Amel Gacquerre l'a rappelé : nous sommes attachés aux bonnes relations entre Action Logement et les offices publics de l'habitat. Nous souhaitons que les relations entre les différentes institutions soient les meilleures possible.

J'aurais une question qui a été peut-être moins abordée : vous avez dit votre ambition sur la question de l'habitabilité d'été. Cela peut potentiellement sortir des dizaines de milliers de logements du marché, simplement parce qu'ils seront plus habitables. Nous pensons beaucoup à la rénovation thermique pour l'habitabilité d'hiver, pour faire face aux millions de logements dont les occupants ne peuvent plus faire face aux factures, mais il y a également cette question de l'habitabilité d'été. C'est un point important également abordé dans le rapport de l'Anru 3.

Je voulais savoir si vous meniez des actions à ce sujet et rappeler notre attachement à ce que l'Anru reste focalisée sur les quartiers prioritaires de la ville. Nous avons très peur d'une dilution du travail de l'Anru qui tenterait de trouver une légitimité plus grande en faisant plus de choses, mais il est aussi bon que chacun fasse son métier là où il est compétent.

M. Bruno Arcadipane. - La baisse de nos prêts est due en grande partie au fait que nos prêts à l'accession, notamment pour les jeunes, sont liés à l'acceptation d'un prêt d'une banque privée. Lorsqu'une banque refuse de prêter, notre acceptation de prêt est automatiquement rejetée. Il est essentiel de prendre cela en compte.

Nous avions souhaité que notre prêt serve d'apport pour les jeunes, mais la raréfaction de l'argent et la réticence des banques à prêter, surtout aux jeunes et aux plus défavorisés, ont rendu cela impossible. Or, si les banques privées refusent le prêt définitif, les demandes sont rejetées.

Concernant le parcours résidentiel, nous souhaitons aller plus loin et avons déjà entamé des expérimentations, notamment en Martinique. Nous avons créé un prêt spécifique pour les jeunes qui souhaitent retourner en Martinique, où les logements disponibles ne répondent pas aux attentes des jeunes qui ont étudié en métropole. Nous sommes très demandeurs de la relance du parcours résidentiel et avons plusieurs propositions en cours, mais malheureusement, tout le monde ne facilite pas notre tâche.

Sur la ruralité, nous avons fait preuve de volonté ces dernières années, notamment avec le lancement d'Action coeur de ville (ACV), qui vise à soutenir les villes moyennes et la ruralité. Nous avons investi un milliard et demi dans ACV1 et sommes partenaires d'ACV2 pour la partie logement. La lutte contre la fracture territoriale est au coeur de notre la réforme des partenaires sociaux. Lorsqu'on a souhaité créer un groupe qui soit présent partout avec des pouvoirs de décision en territoire, c'était justement pour lutter contre cela.

Nous avons des opérateurs présents sur tous vos territoires, avec des conseils d'administration composés de présidents et de vice-présidents élus localement. Ce sont eux qui prennent les décisions. Notre rôle est de gérer la politique nationale, la stratégie nationale et les grands volumes. Ensuite, tout est systématiquement territorialisé. Toutes les idées émanent des territoires, car nous fonctionnons de manière ascendante. Comme l'a mentionné Bruno Lindowna, nous avons des comités régionaux pour l'Hexagone et des comités territoriaux pour les outre-mer. Ceux-ci nous transmettent les informations, et les décisions sont prises au niveau national sur la base de leurs chiffres et éléments. C'est peut-être la raison pour laquelle les années 2017-2018 ont été difficiles, car cette nouvelle organisation matricielle avait alors été mise en place. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle nous obtenons aujourd'hui les résultats que nous avons.

Nos idées et nos investissements sont réalisés à partir des territoires et non pas à partir d'une vision centralisée. S'agissant du confort d'été, les flux d'air, la question bioclimatique et les études de ces derniers sont pour nous essentiels. Nous avons commencé par les territoires les plus complexes, à savoir les territoires ultramarins, car les différences de température y sont essentielles. Ces travaux servent aujourd'hui de base pour essayer d'améliorer le confort d'été. On parle souvent du froid, de l'isolation thermique et des charges, mais la gestion du confort d'été dans une tour ou dans une barre HLM est d'une complexité importante et est essentielle pour le confort de nos clients. Je peux vous assurer que tous les services RSE du groupe nous permettent des évolutions majeures et rapides sur ces dossiers.

Dans le parc du groupe Action Logement, il n'y a quasiment plus de logements F et G. Sur 1 100 000 logements que l'on pilote en direct, nous avons éradiqué ces passoires thermiques, et nous en sommes très fiers. En effet, c'est le rôle d'un leader sur un marché de montrer le chemin. Je pourrais vous raconter les critiques que l'on reçoit lorsqu'on lance un plan volontaire de décarbonation. Mais cela permet d'en inspirer d'autres ensuite.

Pour éclaircir mon propos sur l'Anru, nous ne demandons pas que l'Anru aille travailler ailleurs que dans les QPV ; nous devons être bien clairs sur ce point. Certains élus ayant des QPV en difficulté demandent aussi à l'Anru d'examiner de près leurs questions et je pense que cela mérite un travail approfondi. Il n'est pas question, pour nous, partenaires sociaux du groupe Action Logement, que l'Anru fasse autre chose que ce pour quoi elle était destinée initialement.

M. Bruno Lindowna. - Pour compléter le propos et répondre à M. Redon-Sarrazy sur la ruralité, nous avons un dispositif spécifique appelé « Louer pour l'emploi » qui vise à essayer de faire revenir, par des aides et des accompagnements, des propriétaires privés sur le marché locatif. Ce dispositif répond bien à la problématique des secteurs détendus et, en particulier, du secteur rural.

C'est également pour cela que nous souhaitons, avec les autres partenaires du secteur, voir aboutir le statut du bailleur privé sur lequel nous allons prochainement travailler.

Mme Nadia Bouyer. - Pour compléter et répondre à M. Jadot, deux démarches sont en cours au sein de la commission. L'une d'elles, intitulée « Nos villes à 50 degrés », a été initiée l'année dernière avec de nombreux acteurs du secteur. Nous travaillons également avec CDC Habitat et plusieurs groupes de construction sur les sujets de confort d'été, que nous intégrons désormais dans nos cahiers des charges de rénovation. Il y certes le sujet du label RE2020, mais se pose aussi la question du déjà-existant. Il sera intéressant de venir vous présenter ces travaux.

Une deuxième démarche initiée cette année concerne la ressource en eau. C'est un sujet puisqu'il y a des endroits où des permis de construire sont refusés parce qu'il n'y en a pas assez et d'autres endroits où il y a trop d'eau. Nous avons organisé le premier atelier de formation sur la chaîne de la construction et la gestion de l'eau, intitulé « Compte-gouttes ». Nous allons le déployer dans tout le réseau Action Logement et au-delà, en collaboration avec de nombreux autres partenaires.

Ces démarches professionnelles sont intéressantes et nous commençons à explorer des sujets tels que la question du carbone. Il y a six ou sept ans, elle n'était pas dans notre actualité, mais maintenant, nous avons tous réalisé nos bilans carbone.

M. Bernard Buis. - L'article 10 du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables prévoyait de confier à Action Logement une part des attributions de logements sociaux dans les zones tendues afin de mieux répondre aux besoins des salariés. Pouvez-vous nous indiquer votre appréciation sur cette mesure ? Est-elle de nature à améliorer l'efficacité de la politique du logement pour les actifs ? Quelles seraient les conséquences concrètes d'une telle évolution sur le fonctionnement interne de votre organisme en termes de gouvernance, de moyens humains ou d'articulation avec les autres acteurs du logement social ?

Ma deuxième question est la suivante : au cours des dernières années, l'action d'Action Logement s'est particulièrement renforcée dans nos territoires ultramarins qui connaissent des enjeux bien spécifiques sur la thématique du logement, notamment en termes de logement social. Pouvez-vous nous préciser où en est l'implantation d'Action Logement en outre-mer et comment vous envisagez le développement de vos actions sur ces territoires dans les années à venir ? Disposez-vous de moyens suffisants pour répondre aux besoins ? Envisagez-vous, dans le futur, des actions similaires aux rencontres territoriales que vous avez organisées cette année en Guadeloupe ?

M. Daniel Fargeot. - Je voudrais revenir sur les émeutes urbaines de 2023 qui ont généré de nombreux dégâts, en particulier dans les quartiers populaires de la ville. Cet épisode de violence a, par la suite, généré une mobilisation accrue de la puissance publique, des préfectures, maires, juridictions et bailleurs sociaux pour y affirmer l'autorité républicaine.

Il y a eu une prise de conscience forte du besoin de réaffirmer que le bénéfice d'un logement social exige des devoirs et que tout comportement venant à nuire au pacte républicain doit être justement sanctionné.

Les initiatives locales et législatives se multiplient, notamment en mobilisant les services de l'État en amont des procédures d'expulsion, venant ainsi en appui aux démarches des bailleurs. C'est le cas en Val-d'Oise depuis 2018.

Dans ce contexte, je voulais savoir comment se positionne le groupe Action Logement. Des réflexions sont-elles en cours pour intégrer ou développer ce champ nécessaire d'intervention dans vos dispositifs ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je cède la parole à Martine Berthet, qui a été notre rapporteur de la proposition de loi sur la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations.

Mme Martine Berthet. - Madame la présidente, j'ai trois questions à poser. Premièrement, vous avez salué la commission mixte paritaire conclusive d'hier. Avez-vous déjà identifié des opérations de transformation à réaliser et dans quels types de territoires ?

Deuxièmement, en lien avec nos travaux récents sur les territoires d'industrie, êtes-vous associé systématiquement aux instances locales pluripartenariales ? Comme dit, le logement est un point crucial dans la réindustrialisation des territoires.

Troisièmement, dans mon département de la Savoie, des entreprises me disent régulièrement qu'elles ont du mal à recruter, car les candidats ne trouvent pas de logement. Enfin, concernant la mission d'information sur le logement des jeunes, il apparaît que la garantie Visale est peu connue. Qu'entendez-vous mettre en oeuvre pour améliorer l'information des jeunes sur ce point ?

M. Bruno Arcadipane. - Pour la partie ultramarine, on a permis à nos collègues ultramarins d'intervenir et nous avons sanctuarisé une ligne d'un milliard et demi pour améliorer le logement dans le cadre de notre plan d'investissement volontaire.

Aujourd'hui, nous travaillons sur l'ensemble des DROM avec une implantation de direction régionale. Nous avons une très grande solidarité avec les opérateurs de Nouvelle-Calédonie. J'étais ce matin même à 8 heures avec la présidente du Medef Nouvelle-Calédonie qui supervise les activités du Fonds calédonien de l'habitat (FCL), notre homologue néo-calédonien.

En somme, nous avons un comité des outre-mer très dynamique et une direction aujourd'hui à part entière qui leur est dédiée. Les besoins sont à la fois colossaux en restructurations et en améliorations, avec des zones de tension très fortes, notamment à La Réunion. Nous avons à La Réunion un opérateur qui a quasiment 30 000 logements. On pèse donc énormément sur ces territoires. C'est une volonté forte, historique des partenaires sociaux. Je dois rappeler qu'il n'y avait quasiment plus qu'un seul opérateur sur ces territoires, qui était la Caisse des dépôts, alors que la situation y est parfois extrême en raison de catastrophes naturelles. Heureusement qu'on avait anticipé ces situations en apportant des investissements relativement lourds sur ces territoires.

Sur les territoires d'industrie, nous ne sommes pas assez invités aux concertations. Le logement arrive souvent, malheureusement, après toutes les discussions. On est parfois appelés à la rescousse alors que les usines sont terminées ou les implantations finies.

Nous faisons un métier de long terme, tant pour les prêts que pour les implantations. Il est donc important que nous puissions mieux communiquer et avoir des informations en amont afin de pouvoir intervenir de façon plus rapide et efficace.

Le stock de dossiers sur la transformation de friches, que ce soit de bureaux ou autres, est important. Nous avons une foncière spécialisée dans la transformation de bureaux en logements qui effectue un travail efficace depuis des années.

Le logement des jeunes nous concerne de très près, car ce sont nos futurs salariés et futurs chefs d'entreprise. Nous portons donc une attention particulière à ce sujet. D'ailleurs, nous allons être auditionnés prochainement par la mission d'information et sommes à votre disposition pour échanger sur les données et nos souhaits.

Je l'ai déjà mentionné à propos de l'Anru, mais cela est vrai pour tous les quartiers : j'insiste pour ne pas parler de locataires, mais de clients. La sérénité des clients dans nos quartiers, immeubles et maisons est essentielle. Qui d'entre nous supporterait des individus se livrant à des incivilités insupportables à sa porte ? Nous demandons à nos directeurs généraux et techniques de participer aux réunions lancées par les préfets pour dire les choses avec transparence. Nous souhaitons que la sécurité et la tranquillité soient garanties, car mettre nos concitoyens dans un confort thermique et environnemental serait vain si ce confort est perturbé par des incivilités permanentes. Les milliards dépensés dans ces zones doivent donc être appuyés par le retour de l'État. On ne peut pas avoir des zones de non-droit ou des quartiers où nos concitoyens payent un loyer pour supporter l'insupportable.

Mme Nadia Bouyer. - M. Fargeot, vous représentez, en outre, un territoire plutôt exemplaire. Il existe une convention historique entre les partenaires à ce sujet. Pour nous, ce sont vraiment des sujets métiers très importants.

Nous avons lancé une démarche interne pour partager les bonnes pratiques et créer des formations. Cela passe par la proximité et l'accompagnement de nos salariés sur le terrain qui peuvent être victimes de comportements déplacés. Nous devons à nos locataires cette tranquillité.

Des organisations se mettent en place, avec des référents spécifiques sur ces sujets pour être les interlocuteurs de cet écosystème. Mais cela suppose du partenariat. Le bailleur ne peut pas faire tout seul et nous ne pouvons pas faire reposer sur le bailleur des choses qui ne dépendent pas de lui.

Pour répondre sur la loi relative à la transformation des bâtiments de destination autre qu'habitation en habitations, nous l'attendions avec impatience : elle va permettre de débloquer dans une zone très tendue 132 logements, dont 96 pour des étudiants.

Pour améliorer Visale, nous allons lancer une grande campagne numérique cette année. Nous allons miser sur les réseaux sociaux pour mieux nous faire connaître Visale, qui est accessible à tous les jeunes de moins de 30 ans, ainsi que pour les salariés en mobilité et les salariés modestes.

Pour répondre à M. Buis, l'impact des attributions en zone tendue dépend des modalités d'application qui seraient choisies. En tout état de cause, ce dispositif n'existe pas encore.

Les salariés demandeurs de logements sociaux sont souvent des publics prioritaires. Action Logement a l'obligation d'attribuer 25 % de ses logements sociaux pour ces publics. En Île-de-France, cela représente même 61 % des attributions en 2024. Cela signifie que nous avons du mal à répondre au droit commun.

La question se pose de savoir si, pendant une période donnée, nous pourrions faciliter l'attribution d'une partie du contingent de l'État pour des publics prioritaires salariés. Mais cela n'est pas forcément à faire sur tout le parc et tout le temps : il faut trouver un équilibre.

En tout cas, nous avons la chance d'avoir des outils qui permettent à des salariés de se positionner sur des logements. L'année dernière, nous avons mené une grande campagne pour que tous les salariés reconnus prioritaires au titre du droit au logement opposable puissent s'inscrire. Nous leur avons même notifié les offres qui arrivent. Nous pensons que nous pouvons jouer un rôle et que la façon dont nous travaillons sur le contingent d'Action Logement pourrait être bénéfique pour accroître l'offre. C'est une question de gestion de file d'attente. Mais permettez-nous de défendre le logement des salariés, car c'est un gros enjeu de les rapprocher de leur lieu de travail.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je suis heureuse que madame la directrice ait fait état de la transformation des bureaux en logement, notamment les logements étudiants. Hier, en CMP, Mme la députée Simonnet nous a alertés sur la taille minimale des logements et sur la manière d'éviter la création de logements indignes. Nous avons expliqué que là n'était pas notre volonté, mais que les bureaux se prêtent particulièrement à cette transformation en logement étudiant. Nous insistons sur le manque crucial de logement étudiant.

Mme Marianne Margaté. - Je voulais poser trois questions rapides : une sur la PEEC, une sur le DALO et une sur les attributions.

Le système de contribution par la PEEC est, à mon avis, déjà paritaire, ce qui est très bien et vertueux, puisque les richesses produites servent à assurer ce lien entre le travail, le logement, dans une conception de l'aménagement du territoire intéressante.

J'avais une question sur le montant de la contribution, qui est de 0,45 %. Notre groupe CRCE-K, propose de à l'élargir aux plus petites entreprises, en la modulant pour que le poids diffère en fonction de la taille de l'entreprise. Je voulais connaître votre avis sur cette question.

Sur la question du DALO, deux tiers des profils DALO sont des salariés ou des demandeurs d'emploi, selon un rapport du Haut comité pour le droit au logement. Ce rapport précisait qu'en 2023, 52 % d'entre eux ont des ressources supérieures au SMIC. Le Haut comité a rendu un rapport dans lequel il dit qu'Action Logement ne respecte pas le seuil de 25 %. Je voulais vous entendre là-dessus.

Enfin, pour en avoir discuté avec des maires de mon département, le passage à la gestion en flux, sur la plateforme Al'in, rend opaque et complexe la question de la visibilité de l'offre d'Action Logement. Tous les logements ne sont pas sur Al'in. Je voulais savoir comment améliorer ce partenariat.

Disposez-vous de chiffres concernant les communes d'origine des ménages auxquelles vous avez attribué des logements, ou sur la commune où ils travaillent ? J'appelle à une meilleure collaboration partenariale entre les maires et les représentants d'Action Logement sur le territoire.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Tout d'abord, je tiens à souligner que pour ceux qui ne suivent pas spécialement les questions de logement, ce débat autour de la transformation en APU est assez difficile à comprendre, dans la mesure où, à mon avis, il n'y a pas de reproche sur les actions menées ou sur la tenue des engagements. Ainsi, on voit mal comment une transformation en APU rendrait Action Logement plus efficace, ce qui est pourtant l'objectif affiché.

En outre, il me semble que de nombreux organismes fonctionnent grâce à des taxes affectées. Cela signifie-t-il pour autant qu'ils devraient tous être transformés en APU ? Ce raisonnement est un peu inquiétant.

Je pense que si vous aviez la possibilité d'être proactif dans le domaine des territoires d'industrie, cela serait intéressant, car des questions de logement des salariés se posent systématiquement.

Enfin, avez-vous des chiffres sur le pourcentage de bois dans vos constructions ?

M. Bruno Arcadipane. - Pour répondre sur la PEEC et le lien emploi-logement, je rappelle que le seuil de la PEEC était initialement de 10 salariés.

Or, il nous a été expliqué que les entreprises de 10 salariés étaient trop petites. Le seuil a été relevé à 20 salariés avec une compensation de 180 millions d'euros. Ce n'est pas une bagatelle qui a disparu !

Puis, le seuil a ensuite été relevé de 20 à 50 salariés, soit l'équivalent d'une somme 300 millions d'euros qui ne nous a été versé qu'une fois, avant de nous en priver définitivement. Nous ne nous opposons pas à une modification du seuil, à condition d'être vigilants sur ses effets.

Sur le classement en APU et son efficacité, beaucoup d'organismes fonctionnent effectivement avec le même type de ressources, et ne sont pas classés en APU. C'est une attaque directe vis-à-vis du paritarisme de gestion qui fonctionne. Je suis habitué aux attaques contre le groupe Action Logement, mais les mots me manquent contre celle de l'Insee. Aucun lien juridique n'obligerait un ministre à prendre l'arrêté de classement.

Enfin, sur les territoires d'industrie, le groupe veut bien être proactif, mais encore faut-il qu'on soit convié aux discussions.

La situation est très compliquée pour nous, car le logement ne fait pas partie aujourd'hui des priorités. Nous devons donc en faire une priorité, car la main-d'oeuvre est difficile à trouver partout. Or, la qualité du logement et celle de l'environnement général sont des facteurs d'attractivité.

Mme Nadia Bouyer. - Le rapport cité par Mme Margaté nous a surpris lors de sa parution, car il ne correspondait pas aux données dont nous disposions. Nous avons donc rencontré le Haut Comité, car ce rapport a été publié sans qu'il soit porté à notre connaissance, ce qui est inhabituel. Il nous a interrogés, car il distinguait les publics DALO des publics prioritaires. La loi nous impose de loger 25 % de publics DALO et de publics prioritaires, avec une priorité pour les publics DALO.

Certains salariés vivent aujourd'hui dans leurs voitures, ce qui les rend prioritaires. Nous avons donc eu un gros enjeu de mise à jour de nos bases. Grâce à ce travail, nous avons pu détecter beaucoup de personnes labellisées DALO.

Mais nous avions aussi un problème de connaissance des publics DALO, notamment en dehors de l'Île-de-France où nous n'avions pas accès au fichier « Système Priorité logement » dit SYPLO. Nous avons travaillé pour y accéder et avons signé une convention dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur pour avoir connaissance de ces publics. Nous avons augmenté globalement le taux d'accueil des publics prioritaires, avec 25 % partout aujourd'hui, sauf en Bourgogne-Franche-Comté où nous sommes à 24 %.

Cela nécessite de faire évoluer notre suivi, notamment le système de notifications, mis en place à la suite de notre échange avec le Haut Comité. Nous respectons nos obligations, et allons même un peu plus loin, au niveau qualitatif.

Nous avons mis en place la plateforme AL'in et la gestion en flux, de telle sorte que tous les réservataires ont dû repenser leur processus. Plusieurs maires nous ont interpellés à ce sujet. Nous avons mené une expérimentation avec le maire de Gennevilliers, où existent de nombreux logements sociaux. L'objectif était de rendre visibles sur la plateforme des logements pour les personnes qui habitent ou travaillent sur le territoire, et de les rapprocher de leur lieu de travail. Cette expérimentation fonctionne bien, ce qui nous amène à généraliser ce dispositif. Nous l'avons déjà mis en place dans le Pays Basque, où les tensions sont fortes. C'est l'une des évolutions que nous souhaitons mettre en oeuvre. Il s'agit toujours de gestion de priorité, avec une visibilité de 48 à 72 heures pour ces publics. Si aucune candidature n'est enregistrée, l'offre est alors élargie, ce qui réduit le mécontentement. En effet, lorsque 100 ou 200 personnes candidatent, la situation génère de nombreux mécontents. C'est aussi un problème de transparence dans les attributions. Il faut donc augmenter le nombre de logements et les rapprocher des territoires.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. -Monsieur le vice-président, monsieur le président, je vous laisse la parole pour le mot de la fin.

M. Bruno Arcadipane. - Mesdames, Messieurs les sénateurs, le secteur du logement est confronté à une crise sans précédent. Nous avons évoqué la hausse des coûts de construction, les besoins croissants, mais nous aurions pu aller plus loin.

Cela fait presque deux heures que nous sommes devant vous. Vous avez compris la passion que nous avons pour le logement abordable et nos concitoyens. Je pense que vous avez la même passion puisque vous avez apporté nombre de solutions. Nous avons parlé de la CMP conclusive, mais nous aurions aussi pu évoquer les discussions fructueuses autour de sujets qui nous impactent directement, tel que le ZAN.

Nous devons ensemble inventer de nouvelles solutions, renforcer nos coopérations, défendre un modèle unique qui a fait ses preuves, apportant une vraie valeur ajoutée pour notre pays et nos concitoyens. Au nom des partenaires sociaux, je tiens à dire que nous sommes prêts à relever tous les défis qui se présentent devant nous. Nous avons besoin à la fois de stabilité, mais aussi un peu de reconnaissance.

Je vous demanderai juste quelque chose. Ne croyez pas ceux qui viendront devant vous. Ils vous diront que la signature de cet arrêté n'est pas grave. Mais la situation est grave et si l'on empêche un groupe efficient de faire son métier, les partenaires sociaux prendront aussi à leur tour leurs responsabilités.

Nous n'avons qu'un seul souhait, c'est de mieux loger nos salariés, de mieux loger nos concitoyens au plus près des bassins d'emploi, des bassins de vie et de leur donner à la fois un logement inclusif et leur permettre la mobilité. C'est une question de cohésion sociale qui permettra aussi de soutenir nos territoires et leur développement économique. C'est impératif pour les salariés, pour les employeurs et pour notre beau pays.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie pour cette audition extrêmement complète. Nous sommes à vos côtés. N'hésitez pas à revenir vers nous. Nous avons bien compris vos messages. Nous restons plus que jamais en alerte. Nous comptons également sur notre ministre du logement et nous sommes tout à son écoute.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 15.