Mercredi 21 mai 2025

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -

La réunion est ouverte à 09 h 30.

Extinction des réseaux 2G et 3G - Audition de MM. Brice Alzon, président de la Fédération du service aux particuliers (FESP), Patrick Chaize, sénateur et président du conseil d'administration de l'Association nationale des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel (Avicca), Romain Bonenfant, directeur général de la Fédération française des télécoms, Franck Tarrier, directeur Mobile et Innovation de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), Mme Lénaïg Catz, directrice de projet de l'économie numérique à la Direction générale des Entreprises (DGE), et Brice Brandenburg, responsable des affaires publiques et de la communication institutionnelle de l'alliance des Industries du génie numérique énergétique et sécuritaire (IGNES)

M. Jean-François Longeot, président. - - Le sujet qui nous réunit aujourd'hui est l'extinction progressive des réseaux mobiles 2G et 3G, qui suscite de nombreux questionnements - voire des inquiétudes - parmi les entreprises utilisatrices d'objets connectés à ces réseaux qui doivent assurer la migration de millions d'équipements vers la 4G ou la 5G d'ici 2029.

J'ai moi-même été interpellé par de nombreux acteurs et collègues parlementaires sur ce sujet. La tenue de cette table ronde était un engagement de notre commission dans la continuité de ses travaux sur l'aménagement numérique du territoire et le déploiement des réseaux mobiles.

Afin de faire un tour d'horizon le plus complet possible de la question, nous avons convié ce matin des représentants des opérateurs de télécommunications, des entreprises utilisatrices des réseaux 2G et 3G, mais aussi de l'administration centrale, du régulateur des télécoms et des collectivités territoriales.

Nous avons donc le plaisir d'accueillir Mme Lénaïg Catz, directrice de projet en charge des réseaux fixes et mobiles à la Direction générale des entreprises (DGE), M. Franck Tarrier, directeur mobile et innovation de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), M. Romain Bonenfant, directeur général de la Fédération française des télécoms (FFT), M. Alain Monteux, administrateur du conseil d'administration de la Fédération des services aux particuliers (Fesp), et M. Brice Brandebourg, responsable des affaires publiques et de la communication institutionnelle de l'Alliance des industries du génie numérique, énergétique et sécuritaire (IGNES).

Je remercie notre collègue Patrick Chaize pour sa présence et pour porter la voix de l'Association nationale des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca).

Les opérateurs de télécommunications (Bouygues-Orange, SFR et Free) ont informé les usagers depuis 2022 de la fermeture à venir des réseaux 2G et 3G. La 2G doit être mise à l'arrêt en 2025 et 2026, tandis que la 3G sera mise à l'arrêt à l'horizon 2028-2029. La réglementation n'imposant pas de date d'arrêt spécifique, les opérateurs ont défini leur calendrier d'arrêt de manière différenciée.

Cette extinction n'est pas un cas isolé ; elle s'inscrit dans un mouvement mondial européen de migration vers la 4G et la 5G. La Suisse et l'Allemagne mettront par exemple fin à l'exploitation de la 3G au cours de cette année. Cette migration répond à trois objectifs :

- renforcer la sécurité des communications, les réseaux 2G et 3G présentant des failles plus importantes en termes de cybermenaces ;

- améliorer l'efficacité énergétique des réseaux mobiles, dans la mesure où ces réseaux représentent entre 21 % et 33 % de la consommation électrique des réseaux mobiles selon l'Arcep ;

- favoriser le développement de nouveaux usages permettant une expérience utilisateur plus fluide et rapide ou le développement de services innovants, à l'instar de la télémédecine ou des véhicules autonomes. Si le bien-fondé de l'extinction des réseaux 2G et 3G ne fait pas débat, opérateurs et utilisateurs ne semblent pas sur la même « fréquence » - pour rester dans le thème des télécommunications - s'agissant des modalités opérationnelles de mise en oeuvre de ce chantier.

Les entreprises utilisatrices de ces réseaux, dont nous accueillons deux représentants aujourd'hui, craignent que des millions d'équipements se retrouvent à risque dès 2026 du fait d'un calendrier d'extinction qu'ils jugent trop rapide. Ces craintes concernent notamment les ascenseurs et les équipements dédiés à des services à la personne, comme les bracelets de téléassistance utilisés par les personnes en perte d'autonomie qui vivent seules. La FFT semble en revanche considérer que les utilisateurs ont été informés et accompagnés de manière suffisante par les opérateurs pour permettre une transition fluide dans le respect du calendrier qui a été arrêté. Notre commission a vocation à jouer un rôle de médiateur lors de cette table ronde : l'objectif est de dresser un état des lieux objectif de la situation et des difficultés éventuelles, afin d'identifier des solutions communes pour assurer la nécessaire transition vers la 4G et la 5G, tout en garantissant la continuité des services numériques et la sécurité des équipements.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur des crédits budgétaires « Aménagement numérique du territoire ». - Notre commission a pris la pleine mesure des interrogations exprimées par certains acteurs des secteurs représentés.

La généralisation du réseau 4G est désormais quasiment achevée, puisqu'un peu plus de 99,8 % des sites d'émissions 2G et 3G sont équipés de 4G, selon les données fournies par l'Arcep. La dernière étape de cette transition technologique se profile donc avec l'extinction du réseau 2G à partir d'une échéance fixée à la fin de l'année 2025.

Cette dernière étape de la migration sera déterminante, notamment pour les derniers équipements ne fonctionnant que sur les réseaux mobiles 2G et 3G. Il convient ainsi dans les tout prochains mois de trouver collectivement une réponse à l'enjeu suivant : garantir la transition effective vers une technologie plus performante, tout en préservant la nécessaire continuité de service pour des équipements stratégiques en matière de sécurité des personnes et des biens.

Notre objectif ce matin est de jouer un rôle de facilitateur des échanges entre les différentes parties prenantes que vous représentez les uns et les autres. À l'approche de la première échéance fixée pour le début de cette bascule technologique, il est urgent de s'assurer que toutes les conséquences, sur le plan technologique, opérationnel et organisationnel, ont bien été anticipées.

Nous souhaitons ainsi entendre l'ensemble des intervenants sur leur perception de cette bascule technologique imminente. Premièrement :

- quel est l'état des lieux, en matière de transition technologique des réseaux, qui est dressé par chacune des organisations que vous représentez ?

- au sein de l'écosystème des acteurs de cette transition technologique, comment concevez-vous votre rôle dans ce processus de migration des réseaux mobiles ? Quels rôles respectifs pourraient, par ailleurs, jouer l'administration, le Parlement et le régulateur, pour fluidifier cette transition ?

En second lieu, en ce qui concerne les chances fixées d'ici la fin de l'année :

- identifiez-vous des inquiétudes particulières liées à l'imminence de l'extinction des réseaux 2G / 3G et, si oui, sur quoi portent-elles précisément ? Disposez-vous de données chiffrées afin d'objectiver les difficultés potentiellement identifiées ?

- en particulier, identifiez-vous un risque de créer des « trous » dans la couverture mobile, qui entraîneraient des ruptures dans la continuité de certains services ayant aujourd'hui encore recours aux réseaux 2G/3G ? Quelles seraient pour votre organisme les implications de cette bascule, en termes technologiques, financiers, opérationnels et organisationnels ? Quelles seraient, en outre, les conséquences potentielles que vous identifiez sur vos principaux interlocuteurs et partenaires ? Le calendrier initialement fixé vous semble-t-il pertinent en l'état et, sinon, quelles seraient vos propositions pour assurer son respect ou l'adapter, de manière à garantir l'effectivité de la transition ?

En dernier lieu, sur le plan des perspectives :

- à court terme, avez-vous des propositions à formuler afin de garantir le caractère opérationnel et viable de cette transition ?

- et si nous prenons un peu de recul : quel est votre point de vue à plus long terme sur le mode opératoire général des arrêts de fréquences et des enseignements sont-ils, selon vous, à tirer de ce cas d'espèce, sur la manière d'aborder les prochaines échéances ?

Notre commission est en effet très attachée aux enjeux de cohésion numérique et territoriale et nous souhaitons vivement qu'une réponse collective puisse être apportée sur ce sujet.

M. Patrick Chaize. - Cette table ronde porte sur un sujet d'actualité qui nous vaut des sollicitations fréquentes.

Beaucoup de questions ont déjà été soulevées par Sébastien Fagnen. Je voudrais poser quelques questions complémentaires à nos invités, tout d'abord à l'Arcep, afin qu'elle puisse nous éclairer sur les conditions d'attribution des licences, et notamment ses pouvoirs en matière d'extinction d'une technologie.

Je voudrais être sûr de bien comprendre qui suit de manière objective et transparente la migration des équipements « machine to machine », des technologies 2G et 3G, et aussi, savoir quelle a été la communication des opérateurs auprès du grand public et auprès des utilisateurs de ces technologies, en particulier auprès des clients, et depuis quand les opérateurs ont cessé de vendre des cartes SIM 2G et 3G. En d'autres termes : une fermeture commerciale a-t-elle précédé la fermeture technique ?

S'agissant de la couverture : nos communications transitent quelques fois par les réseaux 2G et 3G, en fonction du lieu où nous nous trouvons, y compris en Île-de-France. Une étude garantit-elle que l'arrêt de la 2G et de la 3G ne créera pas de nouveaux trous de couverture pour les utilisations normales ?

Existe-t-il des transcodeurs 2G/4G ou 3G/4G ? Des recherches ont-elles été entreprises en la matière ? Les industriels se sont-ils intéressés à la question ?

Enfin, comment faire pour qu'un tel problème ne se produise pas lors de l'extinction de nouvelles technologies ? Comment pouvons-nous modifier la loi pour que les conditions d'attribution de fréquence intègrent les modalités de l'arrêt de diffusion ?

M. Romain Bonenfant. - En tant que directeur général de la Fédération française des télécoms, qui représente les opérateurs sur ce sujet, je suis particulièrement sensible à cette question. Parmi nos membres, SFR, Orange et Bouygues Télécom sont les principaux acteurs de cette migration.

La fermeture des réseaux est un sujet important pour les opérateurs, car elle marque une étape dans l'évolution technologique. Pendant des années, nous avons superposé de nouvelles technologies sur les anciennes. C'est le cas dans la téléphonie fixe, où nous avons déployé la fibre, et où nous sommes en train de commencer la fermeture du réseau de cuivre historique. C'est également le cas dans la téléphonie mobile, où nous allons fermer les réseaux 2G à partir du début de 2026 de manière ciblée pour Orange dans quelques départements, et fin 2026 pour le reste des opérateurs. Les réseaux 3G seront fermés entre fin 2028 et fin 2029.

Nous considérons que la fermeture de ces réseaux fait partie intégrante du métier des opérateurs, au même titre que le déploiement et l'exploitation de nouveaux réseaux. Cela nécessite de bien gérer la migration et de sensibiliser les utilisateurs.

Concrètement, la 2G, déployée au début des années 90, est aujourd'hui une technologie obsolète. Lorsque nous la fermerons, plus de 35 ans se seront écoulés depuis son déploiement initial. Nous avons depuis superposé les technologies 3G, 4G et 5G. Sur un même pylône de téléphonie mobile, on trouve désormais un équipement dédié à chacune de ces technologies, ce qui complexifie la maintenance et augmente la consommation énergétique. Une rationalisation est nécessaire.

Il y a trois raisons principales à la fermeture de ces réseaux. La première raison est la sécurité. Les réseaux 2G, en particulier, ont été conçus à une époque où les problématiques de cybersécurité étaient moins présentes. Aujourd'hui, un réseau 2G est très facilement piratable. Google recommande de désactiver la 2G sur tous les terminaux Android, considérant qu'il s'agit d'une faille de sécurité majeure. Ainsi, nous considérons aujourd'hui que la 2G n'est plus adaptée, à plus forte raison pour des usages industriels qui concernent la sécurité des biens et des personnes. Il y a une vraie urgence à effectuer cette bascule technologique, car la 2G ne peut pas répondre à ces usages industriels particuliers qui concernent des besoins tout à fait critiques.

Le sujet de l'empreinte environnementale du numérique est également important pour les opérateurs, car la forte croissance de la consommation de données entraîne une hausse de cette empreinte. Selon les prévisions de l'Arcep et de l'Ademe, entre 2020 et 2030, la consommation de données va être multipliée par six. Malgré les évolutions technologiques, les leviers pour réduire cette empreinte sont limités - je signale au passage que nous nous inscrivons dans l'esprit de la proposition de loi du sénateur Chaize visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique. Le meilleur levier pour les opérateurs demeure l'extinction des technologies de réseaux obsolètes. Un rapport du comité d'experts mobiles de l'Arcep estime que les réseaux 2G et 3G, bien que peu utilisés aujourd'hui et véhiculant très peu de données, représentent 21 à 33 % de la consommation énergétique des réseaux mobiles en France. Leur disparition permettra de réduire l'empreinte environnementale du secteur.

Le troisième objectif est celui de l'aménagement du territoire. La réattribution des fréquences qui sont aujourd'hui immobilisées pour la 2G et la 3G pour les meilleures technologies de réseau que sont la 4G et la 5G va permettre d'assurer une couverture tout aussi performante et d'apporter un meilleur service aux utilisateurs, qui pourront bénéficier de toutes les fonctionnalités qu'impliquent les usages modernes. D'ailleurs, pendant la période des Jeux olympiques et paralympiques (JOP), un certain nombre d'opérateurs ont basculé automatiquement les utilisateurs qui le pouvaient vers la 5G afin de pouvoir soutenir l'augmentation du flux.

D'après le retour d'expérience que nous ont communiqué les opérateurs, ceux-ci n'auraient pas pu faire face à cette hausse du trafic mobile s'ils n'avaient pas basculé leurs clients vers les meilleures technologies de réseau, notamment dans des circonstances exceptionnelles comme les JOP. Cela souligne l'enjeu que représente, pour le secteur, la pleine utilisation de ces nouvelles technologies afin de répondre à l'évolution des usages et à l'augmentation du flux tout en favorisant une meilleure efficacité énergétique.

Concernant le calendrier d'extinction, le calendrier français n'est pas particulièrement rapide. On observe une dynamique mondiale d'extinction des réseaux. Entre 2010 et 2024, plus de 200 réseaux 2G et 3G ont été fermés dans le monde, dont la moitié entre 2023 et 2024. Cela montre que nous sommes dans une phase d'extinction massive de ces réseaux obsolètes au niveau mondial. Il n'y a pas de spécificité notable entre la 2G et la 3G en termes d'extinction. La moitié des extinctions concernent la 2G et l'autre moitié la 3G. Dans l'année à venir, environ 60 fermetures sont prévues. La France suit donc le tempo mondial, avec une dynamique homogène entre la 2G et la 3G. Cependant, il existe peut-être une spécificité européenne liée au cadre réglementaire. Le principe européen de neutralité technologique impose que les opérateurs puissent utiliser des fréquences pour différentes technologies sans décision gouvernementale ou réglementaire. Ce principe, défini après le déploiement de la 2G, a été transposé en France. Il est donc rationnel d'éteindre la 2G avant la 3G, compte tenu du nombre réduit d'utilisateurs et de terminaux. Dans ce cadre réglementaire, le choix qui a été retenu en France pour cette séquence de bascule technologique est le plus adapté. Des exemples nationaux illustrent cela. En Suisse, il n'y a déjà plus de réseau 2G et il n'y aura plus de réseau 3G d'ici la fin 2025. En Allemagne, les réseaux 3G ont été éteints fin 2021 avec un bilan très positif du régulateur. Le BNetzA (Bundesnetzagentur, Agence fédérale des réseaux) n'a constaté aucune conséquence négative sur les clients. Aux États-Unis, des extinctions de réseaux 2G ont eu lieu il y a plus de 8 ans. En Asie, une vingtaine d'opérateurs vont fermer la 2G d'ici la fin de 2025. Le calendrier français n'est donc pas particulièrement rapide. En termes de délai de prévenance, les opérateurs ont informé de cette fermeture des réseaux 2G puis 3G de manière officielle sur leur site, puis par des courriels aux clients concernés, dès 2022. Mais cette question est présente dans le débat depuis bien longtemps, en particulier sur le « machine to machine », c'est-à-dire les utilisations industrielles de la 2G et la 3G. C'est bien connu dans le milieu des professionnels de la connectivité qui utilisent ces services. Je peux, par exemple, mentionner les travaux faits par la Fédération française des Télecoms en 2016 sur la fin du RTC [réseau téléphonique commuté], service téléphonique historique, sur lesquels nous avions travaillé avec les fédérations de ces industriels. Nous avions produit un livre blanc qui indiquait très clairement que les technologies 2G et 3G n'étaient pas des solutions pérennes. Cette fermeture de la 2G et de la 3G n'est pas surprenante et a été annoncée par les opérateurs. Aujourd'hui, les opérateurs continuent à aller chercher les utilisateurs un par un pour les faire migrer, à la fois chez les industriels et parmi le grand public. En quelques chiffres : la migration est déjà bien engagée. Si l'on prend les utilisations industrielles de la 2G, on compte aujourd'hui 1,4 million de dispositifs 2G au premier trimestre de 2025. La baisse est de l'ordre de 7 % en un trimestre. - Je mets de côté ce qu'on appelle « e-call », c'est-à-dire les services d'urgence dans les véhicules, qui constituent un cas un peu particulier sur lequel je reviendrai ultérieurement. - Le rythme de baisse que j'évoquais à l'instant n'est pas encore assez rapide pour tenir le calendrier annoncé ; toutefois, les opérateurs y travaillent. Un certain nombre de grands fournisseurs ont communiqué sur leur migration, en en faisant même un argument marketing. Parmi les exemples, nous pouvons citer l'entreprise Koné, chez les ascensoristes, qui a également communiqué sur les migrations qui sont en cours.

L'e-call, qui regroupe les services d'appel d'urgence aux secours dans les véhicules en cas d'accident, utilise la 2G. Cependant, son utilisation reste marginale. En 2024, moins de 3 % des communications émises en e-call utilisaient les fréquences 2G et ce chiffre est en baisse. Dans le tempo annoncé par les opérateurs, le trafic e-call de 2G sera tout à fait négligeable.

Nous, opérateurs, considérons qu'il est de notre responsabilité de faire en sorte que cette migration se passe au mieux. Nous accompagnons nos utilisateurs, particuliers ou entreprises, dans cette migration, par des communications ciblées. Nous identifions ceux qui utiliseraient encore des téléphones d'ancienne génération, fonctionnant seulement sur la 2G, avec des cartes qui ne sont plus spécifiques à la 2G. Aujourd'hui, toutes les cartes sont au moins 4G, 5G, et depuis bien longtemps, nous ne vendons plus de cartes spécifiques 2G. Nous communiquons vers ces utilisateurs pour les faire migrer.

S'agissant des systèmes industriels, la responsabilité de la migration incombe au fournisseur de services et non pas à la collectivité ou à l'utilisateur final, comme, par exemple, les utilisateurs des ascenseurs ou ceux qui bénéficient du système d'assistance à domicile. Cela concerne en premier chef les industriels. Cette communication a été faite.

Enfin, j'insisterai sur le fait que cette migration ne concerne pas que les opérateurs français. Un certain nombre d'industriels qui utilisent ces services connectés sont passés par des opérateurs étrangers qui utilisent les réseaux français, mais en itinérance. Ces opérateurs étrangers ont été prévenus dans la même temporalité que les utilisateurs industriels et ont tous les moyens pour accompagner leurs utilisateurs dans cette migration qui relève de leur responsabilité. Celui qui vend aux fournisseurs des équipements industriels doit gérer son utilisateur et le faire migrer vers les nouvelles technologies. Toutes les informations ont été communiquées dans la même temporalité.

M. Alain Monteux. - En tant qu'administrateur de la FESP, la première Fédération des services à la personne, et vice-président de l'Afrata (Association française de téléassistance), je voulais vous parler de téléassistance, un dispositif qui relie des personnes âgées 24 heures sur 24 en cas de chute ou d'isolement. Ces personnes fragiles sont aujourd'hui directement concernées par cette migration.

En 2024, nous avions recensé 120 000 dispositifs de téléassistance fonctionnant encore en 2G et 180 000 fonctionnant encore en 3G. Cela constitue donc une part très importante du marché. Pour les personnes âgées isolées, en perte d'autonomie ou souffrant de pathologies cognitives, la téléassistance est parfois le seul lien avec le monde extérieur en cas de chute ou de détresse.

L'arrêt prématuré de ces réseaux entraînerait l'obsolescence immédiate de ces dispositifs sans qu'il n'y ait de solution de repli réaliste qui puisse être déployée dans les délais contraints qui ont été annoncés. L'éclatement de la filière des services à la personne et de la téléassistance, fragilisée par cette contrainte technique et économique, complique cette migration.

La téléassistance est très morcelée et repose sur une multitude d'acteurs, notamment des acteurs locaux, des associations, des structures publiques ou semi-publiques. Ce sont souvent des petites entités, à vocation sociale et locale, avec des moyens limités, et qui assurent chaque jour un service de proximité à des dizaines de milliers de personnes âgées.

Le remplacement anticipé de tous ces dispositifs représente pour eux une charge financière massive et une perte d'investissement sur les appareils déjà mis en oeuvre, charge qu'ils sont incapables de répercuter sur leurs bénéficiaires. La téléassistance, comme beaucoup de services à la personne, est un service à tarifs contraints, souvent régulé par la Caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat) ou par les départements. Ces petites structures ne bénéficient pas de marges suffisantes pour absorber un choc de cette ampleur.

On leur demande de se débarrasser d'appareils obsolètes, qui aujourd'hui fonctionnent parfaitement, de racheter des équipements, de les déployer à domicile, de les reconfigurer, de former les personnels. Si l'on y ajoute des nouvelles technologies qui coûtent environ 200 euros l'équipement, cela représente des sommes extrêmement importantes pour ces associations. Ainsi, le risque de cessation d'activité ou de désengagement partiel au détriment des bénéficiaires les plus vulnérables est très fort. Pour ces raisons, il est important de ne pas couper brutalement cette ligne de vie pour ces centaines de milliers de personnes et d'envisager un report de 24 mois, assorti d'un plan de migration encadré. La dimension humaine justifie ce report.

M. Brice Brandenburg, Responsable des affaires publiques et de la communication institutionnelle des Industriels des solutions électriques et numériques du bâtiment. - Je représente l'IGNES, l'Alliance des industriels de l'électrique et du numérique dans le bâtiment. Nous sommes en particulier des acteurs de la domotique, principalement des industriels français ou ayant une base industrielle française. Sur le sujet de la 2G et de la 3G, nous sommes notamment concernés à propos des alarmes connectées. Notre fédération est regroupée avec d'autres fédérations au sein d'un collectif, notamment la fédération professionnelle des acteurs de la téléassistance (AFfata) et la Fédération des entreprises de services à la personne (FESP), ainsi que le Groupement professionnel des métiers de la sécurité électronique (GPMSE) dans le secteur de la télésurveillance et la Fédération des ascenseurs (FAS) sur les systèmes de téléalarmes d'ascenseur.

Mon objectif est de vous éclairer sur les réalités de nos acteurs et les réalités de cette migration. Pour mener une transition industrielle de cette ampleur, il faut environ sept ans si les technologies alternatives n'existent pas encore, dont trois ans pour développer un produit alternatif. Il faut en effet entreprendre du développement R&D, trouver les composants, former les salariés, adapter les lignes de production, produire et commercialiser. C'est une méconnaissance des réalités industrielles que de laisser penser que cela peut se faire en six mois.

Nos produits sont des équipements sensibles, avec des exigences et des normes de sécurité élevées. Les certifications de matériel peuvent par exemple prendre six mois. Orange a demandé à ce que nous validions sur la 4G nos équipements, ce qui a créé une file d'attente.

Ensuite, il y a la question du changement d'équipement, ce qui exige de réaliser des millions d'interventions dans les délais qui nous ont été donnés par les opérateurs. Les techniciens sont une main-d'oeuvre rare, que nous devons former, ce qui prend du temps. Certains de nos clients sont des personnes vulnérables, il faut les appeler et les informer de la fermeture des réseaux 2G et 3G, dont ils ne sont pas au courant, et dont ils ne perçoivent pas les conséquences pour leurs équipements. Dans les copropriétés, pour changer un équipement, il faut passer par l'assemblée générale de copropriété, ce qui prend 18 à 24 mois. Concernant les collectivités locales, il faut parfois passer des marchés publics, ce qui ne se fait pas en un mois.

Toutes ces réalités n'ont pas été prises en compte lors de la détermination unilatérale des dates d'arrêt. Il nous faut sept ans. Compresser ces fermetures d'arrêt, c'est générer des risques.

Cela devrait également fragiliser certains acteurs, dont de petites associations de téléassistance qui ne passeront pas le cap. Elles disparaîtront parce qu'elles seront incapables de financer un parc entier de nouveaux équipements. Nous savons qu'il y a de plus grands acteurs qui empruntent pour financer ce renouvellement.

Les impacts sociaux d'un changement précipité sont majeurs. La téléassistance, par exemple, sauve 50 000 vies humaines par an. Les interventions sur les téléalarmes des ascenseurs ne pourront pas se faire, ou mettront davantage de temps. Une alarme d'ascenseur fonctionnelle fait partie des règles de sécurité d'un ascenseur. Si elle ne fonctionne pas parce que la 2G et la 3G ne fonctionnent pas, il faudra prescrire la mise à l'arrêt de l'ascenseur. Cela pourrait entraîner des arrêts d'ascenseur dans des copropriétés. Les conséquences sociales d'une telle décision seraient importantes. Les alarmes connectées évitent ou identifient 20 000 cambriolages grâce à un système d'alarme ou de télésurveillance. Nous demandons un report de deux ans de l'extinction des réseaux 2G et 3G. La Fédération française des télécoms estime qu'ils nous ont laissé le temps, mais les opérateurs n'ont pas anticipé cet arrêt. Ils n'étaient pas prêts lorsque cette décision a été prise. Lors de la fermeture du réseau téléphonique commuté (RTC) ou du réseau cuivre, il y avait toute une partie de nos équipements qui fonctionnaient sur ces réseaux. On nous a dit qu'il n'y avait pas d'alternative disponible, car la fibre et la 4G n'étaient pas prêtes, à l'exception de la 2G et de la 3G. Les opérateurs ont déclaré que la 2G fermerait après la 3G et ont donné comme horizon 2030. Ces éléments ont été relayés par la puissance publique devant cette commission même.

Les choix de nos acteurs ont été guidés par les signaux qui leur ont été envoyés. Il leur a été indiqué que la 2G fermerait en 2030, ce qui a conduit à la création de parcs entiers de dispositifs fonctionnant en 2G en raison de l'arrêt du RTC. Il y a des équipements fonctionnels, qui ont 10, 15, 25 ans de vie devant eux et qui vont être mis à l'arrêt, parce que les signaux qui avaient été renvoyés n'ont pas été respectés.

Ensuite, concernant le défaut d'anticipation, les solutions alternatives n'étaient pas disponibles au moment de l'annonce des arrêts. C'est en raison de notre spécificité : la téléassistance, la télésurveillance, l'alarme d'ascenseur véhiculent la voix, ce qui n'est pas évident sur la 4G. Nos industriels ont voulu anticiper la question en 2019 en s'adressant aux opérateurs, notamment Orange, qui leur a présenté la technologie LTE-M [Long Term Evolution Machine Type Communication, réseaux cellulaires de 4ème génération (4G) dédiés à l'Internet des Objets], technologie qui répondait à tous leurs cas d'usage et qui transportait la voix. Cependant, en mars 2022, Orange a annoncé l'arrêt des réseaux 2G et 3G. Puis, en juillet 2022, Orange a indiqué que le LTE-M ne supporterait pas la voix. Entretemps, nos industriels avaient réalisé des investissements en recherche et développement, développé des produits, des dizaines de milliers d'unités qui étaient parfois commercialisées et installées et qui étaient obsolètes à la sortie de l'usine alors qu'elles étaient neuves. Bouygues a également mis en avant cette technologie comme constituant la solution parfaite pour la voix. Nous nous sommes retrouvés à devoir relancer des développements de produits pour avoir une solution alternative en 4G en 2022, après cette annonce.

Dire que nous n'avons pas anticipé, ou que cet arrêt est le sens de l'histoire, ne prend pas en compte le fait que nous n'avons pas été en mesure de le faire, et que, quand nous l'avons fait, nous nous sommes heurtés à un mur. Ces développements nous ont coûté très cher, car ils sont réalisés totalement à perte. Aujourd'hui, nous sommes contraints par un calendrier intenable. Je peux vous donner un exemple sur les téléalarmes d'ascenseur. Des signaux transitent, permettant au centre technique d'identifier l'ascenseur en cause, ce qui est utile, car les gens ne sont pas toujours capables d'indiquer où ils se trouvent. Ces signaux permettent aussi de tester le bon fonctionnement de ces alarmes. La question était de savoir si ces signaux seraient supportés sur la 4G. En mai 2024, un seul opérateur a été capable de répondre définitivement à cette question, par la négative. Les deux autres ont demandé à ce que soient réalisés des tests et des expérimentations supplémentaires. À un an de l'arrêt, ils étaient incapables de nous dire si la 4G allait supporter ces équipements. Les ascensoristes ont dû entreprendre des développements beaucoup plus longs et coûteux, car il fallait changer complètement de paradigme.

Mme Lenaïg Catz, directrice de projets couverture numérique et fréquences - Direction générale des entreprises (DGE) - Je représente l'administration centrale, en charge des politiques publiques d'aménagement numérique du territoire. Le sujet de l'extinction des réseaux 2G et 3G est un sujet d'attention pour l'État. Nous dialoguons avec les opérateurs et les grands utilisateurs ainsi que les fédérations professionnelles depuis plusieurs années, dans le cadre de réunions multilatérales co-organisées avec l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep).

L'extinction des réseaux mobiles 2G et 3G, dans son principe, est pertinente, et l'État soutient cette démarche pour des raisons environnementales et de sécurité. Nous avons mis en place le New Deal Mobile, un plan qui nous a permis de garantir une couverture 4G très importante et généralisée en France, ce qui n'est pas le cas dans les autres pays européens. Aujourd'hui, la situation se prête à une fermeture des réseaux 2G et 3G.

Les nouveaux sites déployés en zone rurale dans le cadre du dispositif de couverture ciblée du New Deal Mobile ne sont équipés que de la 3G et de la 4G, et n'ont pas la 2G. Si on fermait en premier la 3G en France, on éteindrait potentiellement la couverture vocale pour certaines personnes dans ces territoires. C'est pourquoi il est important d'avoir fait le choix d'éteindre la 2G en premier et de laisser encore quelques années la 3G en activité, le temps que les terminaux évoluent.

Il s'agit d'une décision des opérateurs, mais l'État accompagne les transitions nécessaires. Les fournisseurs de services ont la responsabilité de procéder aux migrations. Il y a un enjeu pédagogique à destination des usagers qui n'en comprennent pas forcément le sens. La fermeture du réseau cuivre a posé des problématiques analogues. L'État a produit des éléments de communication factuels pour accompagner la migration des usagers. Il y a une page internet sur le site de la DGE avec un ensemble d'informations et des fiches pratiques ainsi mises à disposition du grand public et des professionnels. Une plaquette qui peut être utilisée par les fournisseurs de services pour faciliter les migrations et expliquer le contexte a été réalisée par les services de l'État.

Les fournisseurs de services ont formulé une attente de report de l'extinction de la 2G. Le cadre légal et réglementaire français ne permet pas à l'État d'imposer un report du calendrier d'extinction de ces réseaux sans dédommager les opérateurs. Un dédommagement de plusieurs centaines de millions d'euros par an, par année de prolongation, serait nécessaire. Ce coût inclut les frais de maintien des réseaux, les coûts de fonctionnement et la perte d'opportunité pour les opérateurs liée au maintien de ces fréquences sur ces vieilles technologies. Ces fréquences sont nécessaires à l'amélioration de la qualité de service actuelle en 4G et en 5G. Ce coût important mérite d'être regardé avant d'aller dans cette direction. Nous poursuivrons nos actions de communication dans les prochains mois, en renforçant notamment celles à destination des collectivités. Il est important de les sensibiliser et de les informer encore davantage sur la migration qui est devant elles.

M. Franck Tarrier, directeur mobile et innovation - Arcep. - Je suis Franck Tarrier, responsable de la direction mobile et innovation à l'Arcep, l'autorité de régulation du secteur. Je vous remercie pour l'organisation pour cette table ronde. Je remercie également la Commission supérieure du numérique et des postes (CSNP) pour son rapport qui apporte un éclairage précieux sur les enjeux de l'extinction de la 2G et de la 3G.

Cette extinction s'inscrit dans un mouvement mondial et le secteur est pleinement engagé au niveau européen dans cette transition. L'Organe des régulateurs européens des communications électroniques (BEREC) a publié un rapport sur l'état des lieux et les enjeux en 2023. Ces contacts entre régulateurs vont se poursuivre dans une logique d'échange de bonnes pratiques et de retour d'expérience sur la manière dont cette transition se fait dans les différents pays de l'UE.

D'ici 2030, les opérateurs d'un tiers des pays membres de l'UE auront procédé à l'extinction à la fois des réseaux 2G et 3G. Et dès 2025, au moins un opérateur aura éteint son réseau 2G ou 3G dans la plupart des pays de l'UE.

En France, cette transition est facilitée par le New Deal Mobile, le plan qui a imposé aux opérateurs de généraliser le très haut débit mobile. Les autorisations d'utilisation de fréquences délivrées aux opérateurs mobiles sont neutres sur le plan technologique, d'où cette formulation de très haut débit mobile qui, en pratique, nécessite la 4G. Près de 99,9 % des sites mobiles des opérateurs sont équipés de la 4G. L'Arcep suit la bascule des tout derniers sites, de l'ordre d'une trentaine à une cinquantaine de sites par opérateur, sur un total de l'ordre de 30 000 sites pour chacun des quatre opérateurs.

Ces données sont publiées trimestriellement par l'Arcep, de même que des cartes de couverture du service voix et du service Internet mobile des opérateurs.
Les enjeux relatifs à l'arrêt des technologies 2G et 3G se situent davantage au niveau des parcs de terminaux qu'au niveau des réseaux eux-mêmes. L'Arcep considère que ces décisions relèvent de la stratégie des opérateurs. Néanmoins, l'Autorité estime que l'arrêt de ces technologies doit faire l'objet d'une information suffisante permettant aux utilisateurs de s'adapter et, le cas échéant, mettant en place un accompagnement des clients.

Nous sommes très attentifs aux inquiétudes exprimées, notamment par les utilisateurs professionnels dans plusieurs secteurs industriels. Les fédérations nous ont alertés sur les difficultés à suivre les calendriers annoncés, en raison du temps nécessaire au renouvellement des équipements ou de leurs coûts.

L'Arcep, avec la direction générale des entreprises, a organisé plusieurs réunions multilatérales pour contribuer à apporter des réponses, notamment sur les points techniques en suspens. Ces échanges ont permis d'identifier les besoins en communication des fédérations professionnelles. À la suite de ces échanges, nous avons publié des éléments de communication sur ces questions avec la DGE, et nous sommes prêts à continuer dans cette voie.

Je voudrais aborder les enjeux environnementaux, développés dans le rapport de la CSNP. L'Arcep a publié un rapport d'un comité d'experts en 2023 sur les enjeux environnementaux associés à l'arrêt des technologies 2G et 3G. Ce rapport démontre que l'arrêt de ces technologies permet de réaliser des gains énergétiques qui compensent le coût environnemental du remplacement des terminaux.

Le sujet de la durabilité des terminaux et de leur caractère recyclable est également évoqué dans le rapport de la CSNP. L'Arcep publie chaque année une « enquête annuelle pour un numérique soutenable », qui comporte un indicateur sur le volume de terminaux collectés par les opérateurs pour être recyclés ou reconditionnés. Nous suivrons l'évolution de cet indicateur dans la durée afin d'évaluer les impacts environnementaux de l'arrêt de la 2G et 3G.

M. Stéphane Demilly. - La France, comme de nombreux autres pays européens d'ici 2030, s'engage progressivement à abandonner les réseaux 2G et 3G au profit de technologies plus récentes et plus performantes, telles que la 4 G et la 5G. Cette transition vise à optimiser le développement de services plus rapides et plus efficaces.

Les opérateurs cherchent à améliorer la couverture et la qualité de leurs réseaux tout en réduisant les coûts d'exploitation. Cependant, cela soulève des inquiétudes pour certains utilisateurs dont les téléphones anciens utilisent encore les réseaux 2G ou 3G, notamment dans les zones rurales où la 2G est utilisée pour des services basiques comme les appels ou les SMS.

Il s'agit de moyens de communication primordiaux dans des régions où, vous le savez, les connexions Internet fixes sont parfois limitées et pour ne pas dire parfois également inexistantes. La fracture numérique continue d'être source de complexité pour un grand nombre de nos concitoyens, en particulier les personnes âgées et vulnérables qui vivent dans des zones reculées. Si elles ne sont pas en mesure de changer de téléphone facilement, elles se retrouveront rapidement déconnectées des réseaux mobiles à mesure que la 2G et la 3G disparaîtront, avec un risque réel de marginalisation.

Si le sens de l'histoire est d'évoluer vers des nouvelles technologies, c'est à condition d'emmener le plus grand nombre de personnes vers cette migration. Comment garantir la transition numérique pour les utilisateurs de la 2G et de la 3G, en particulier dans les zones rurales, afin de ne pas aggraver la fracture numérique, déjà flagrante ?

Par ailleurs, quels sont les impacts environnementaux de la fermeture des anciennes infrastructures de communication ? La mise au rebut d'appareils anciens et le renouvellement constant de la technologie vont générer des déchets électroniques importants.

Quelle sera la stratégie des opérateurs pour gérer l'impact écologique de l'obsolescence des équipements liés à la fermeture de ces réseaux 2G et 3G ?

M. Damien Michallet. - Je remercie le Président et le Rapporteur pour l'organisation de cette table ronde particulièrement opportune. Je remercie également Franck Tarrier, directeur « Mobile et Innovation » de l'ARCEP, pour ses mots à l'égard de la Commission supérieure du numérique et des postes : les membres de cette instance présents ce matin - et moi-même, en tant que Président - y sont particulièrement sensibles.

La fermeture des réseaux 2G et 3G ne semble pas être un sujet de débat sur le fond, mais plutôt sur la forme. En effet, pour des raisons environnementales, de cybersécurité, comme l'a souligné le directeur général de la FFT, et donc des questions de souveraineté, cette fermeture est logique et inscrite dans une temporalité industrielle. Comme vous l'avez dit, Madame Catz, le New Deal a accompagné nos territoires dans la transition numérique. Il faut également déployer, en termes de gestion de fréquences, les réseaux 4G et 5G, pour les objets connectés de demain. Ainsi, il n'y a pas vraiment de débats sur ce sujet d'un point de vue industriel.

Le débat porte peut-être d'abord sur la communication. Les opérateurs considèrent avoir correctement informé leurs clients, néanmoins, à ce jour, de nombreux utilisateurs, professionnels ou particuliers, n'ont pas encore conscience de l'arrêt prochain des technologies 2G et 3G et, en conséquence, de l'obsolescence programmée de leurs équipements, qu'il s'agisse de la carte SIM de leur téléphone ou d'équipements physiques. Je fais un parallèle avec la TNT, pour laquelle les modalités d'extinction retenues sont bien plus disruptives. Pour autant, cela n'a pas soulevé de véritables difficultés, car la communication a été suffisante.

Ma première question est la suivante : va-t-on tirer des enseignements de ce que nous sommes en train de vivre pour nous assurer que, demain, lorsque nous mettrons à l'arrêt les réseaux 5G, 6G, 12G... Appréhenderons-nous les choses correctement ? Il me paraît essentiel de disposer d'un retour d'expérience sur ce qui aura marché et moins bien marché quant à la communication et à l'information des utilisateurs, qu'il s'agisse des professionnels ou des particuliers.

Ensuite, puisque nous sommes au Sénat, et que la Commission supérieure du numérique et des postes avait rendu une recommandation sur ce sujet, j'aimerais aborder la question de l'impôt forfaitaire sur les entreprises et réseaux (IFER). Cet impôt alimente les ressources des collectivités territoriales, si bien que nous avons demandé à plusieurs reprises à la CSNP d'évaluer l'impact sur son produit d'un arrêt des réseaux 2G et 3G. Il est certain que cette extinction aura des incidences, mais sommes-nous en mesure de les évaluer de manière précise afin que les collectivités territoriale anticipent cette baisse dans leurs budgets à compter de 2026 et 2029 ?

Ensuite, au-delà de cet aspect financier, je souhaiterais évoquer les conséquences de cette extinction - et du remplacement de nombreux équipements qu'elle va engendrer - sur l'exercice des compétences des collectivités territoriales, en particulier en matière de distribution de l'eau et d'assainissement. On estime ce coût à plusieurs centaines de millions d'euros. La société d'aménagement urbain et rural (SAUR) a rendu un rapport intéressant, estimant le coût à 65 millions d'euros s'agissant de son patrimoine. Le groupe Veolia indique quant à lui que 98% de ses télétransmetteurs et datalogueurs, ce qui représente environ 30 000 équipements, ne sont pas compatibles avec la 4G et la 5G. Autrement dit, il ne suffit pas de changer la carte SIM, il faut renouveler le matériel. Or, in fine, c'est l'utilisateur qui va payer. Là aussi, pourra-t-on disposer d'un retour d'expérience, afin d'être en mesure, lors des prochains arrêts technologiques, d'anticiper les coûts afférents ?

Enfin, et je rejoins mon collègue Patrick Chaize sur ce point, lorsque j'utilise mon téléphone, il m'arrive de ne pas avoir accès à la 5G ni à la 4G et, ainsi, de devoir utiliser la 3G, voire, à Paris, la 2G. Dès lors, et bien que la nécessité d'assurer la migration vers la 4G et la 5G ne fasse aucun doute, ne risque-t-on pas de mettre à risque certains territoires qui utilisent aujourd'hui la 2G ou la 3G ? De même, si la couverture en 4G et 5G n'est pas parfaite, ne risque-t-on pas de fragiliser certains services pourtant essentiels, au détriment des administrés ?

Pour déployer les technologies 4G et 5G aujourd'hui, et 6G demain, il faut anticiper l'évolution des technologies, pour éviter des nouveaux démantèlements et des nouvelles reconstructions. L'installation d'un pylône de téléphonie a un coût financier et technique : il faut donc s'assurer que les nouveaux équipements installés aujourd'hui seront utilisables par les technologies de demain.

Que faire pour que les cartes SIM étrangères, qui représentent 70% des cartes SIM utilisées sur notre territoire en raison de leur faible coût, mais qui ne sont pas identifiées, ne soient pas affectées de manière unidirectionnelle ? Leurs utilisateurs travaillent parfois dans des services essentiels (la sécurité, le transport, la santé, l'industrie) : comment les informer et les sensibiliser à l'obsolescence de leur équipement ?

Mme Audrey Bélim. - La 2G a cessé son existence sur l'île de la Réunion le 31 décembre 2024. Les retours d'expérience des acteurs locaux sont globalement positifs sur le territoire, grâce à un travail de préparation mené en amont. Il a notamment fallu anticiper l'obsolescence des téléphones portables qui n'étaient compatibles avec la 4G et la 5G, pour éviter que leurs utilisateurs, qui étaient principalement des personnes âgées, se retrouvent isolés.

Mais que faire dans les territoires qui ne sont pas couverts par la 3G lorsque des catastrophes se produisent ? Après le passage du cyclone Garance, le 28 février dernier, et du cyclone Belal, le 15 janvier 2024, le quartier du Brûlé de Saint-Denis de la Réunion, où j'habite, s'est retrouvé isolé : les lignes téléphoniques étaient coupées et nous n'avions plus accès à Internet.

La Commission supérieure du numérique et des postes, présidée par notre collègue sénateur Damien Michallet, recommandait de soutenir les populations vulnérables dans son avis du 10 avril dernier sur les conséquences de la fermeture des technologies 2G et 3G. J'en parle en connaissance de cause : les deux-mille-cinq-cents habitants du quartier du Brûlé sont essentiellement des personnes âgées, complètement isolées sans ligne téléphonique. Il faut renforcer drastiquement les campagnes de communication afin de sensibiliser les utilisateurs de la fin programmée des réseaux 2G et 3G, ainsi que de la fin du réseau cuivre. Nombre de nos concitoyens ne sont pas informés et leurs équipements fixes et mobiles ne sont pas toujours adaptés.

L'avis du 10 avril dernier recommande également d'anticiper le recyclage des équipements obsolètes en mettant en place des programmes de collecte et de recyclage adaptés sur l'ensemble du territoire. Or l'île de la Réunion rencontre de nombreuses problématiques de gestion des déchets et, notamment, des nouveaux déchets. Quelles solutions pouvons-nous mettre en place pour gérer ces déchets sur les territoires insulaires ?

Mme Kristina Pluchet. - L'arrêt brutal de la 2G et de la 3G n'est pas sans conséquences sur le monde agricole. La 2G est utilisée quotidiennement par les agriculteurs : en dehors des grandes agglomérations, il s'agit du réseau privilégié pour appeler et transmettre les SMS, et les alertes des robots de traite ou des stations météo connectées sont bien souvent transmises grâce à la 2G. Le déploiement récent de nombreux objets connectés sur les exploitations, notamment pour le monitoring en élevage et le suivi de l'irrigation, a même accru cette dépendance à la 2G. Même en adaptant le détecteur de vêlage ou l'alarme anti-intrusion de la cuve GNR, ces outils ne pourront pas envoyer de SMS avec un réseau inexistant sur les exploitations agricoles.

Ainsi, de nombreux agriculteurs vont se retrouver encore une fois dans l'impasse. Mais c'est l'ensemble de la ruralité qui est touchée, puisque la téléassistance dépend aussi de du réseau 2G, qui a l'avantage de couvrir la quasi-totalité du territoire, contrairement aux réseaux récents.

Il est urgent de reporter cette suppression des réseaux 2G et 3G : nous devons couvrir l'ensemble de notre territoire français de réseaux avant d'envisager toute forme de fermeture.

M. Cédric Chevalier. - Pauvres maires qui vont devoir faire face en 2026 à l'extinction de la 2G ou 3G ! Dans les petites communes rurales, c'est bien le maire qui est sollicité par les habitants lorsqu'on installe la fibre, lorsqu'on ne parvient pas à joindre les opérateurs téléphoniques. Dans les territoires ruraux, les collectivités territoriales et les maires sont en première ligne. Au-delà des efforts réalisés en matière de communication, il faudra, avant 2026, veiller à mettre en place un véritable accompagnement opérationnel des élus locaux, plus qu'un simple numéro de téléphone ou un site Internet. Quels sont les moyens qui seront mis en place pour accompagner les élus locaux, notamment en milieu rural ?

Pouvez-vous nous assurer, que l'intégralité du territoire couvert aujourd'hui par les réseaux 2G et 3G le sera également après l'extinction de ces réseaux, pas dans un délai de deux ans à trois ans, mais immédiatement ? Pouvez-vous nous garantir qu'il n'y aura pas de nouvelles zones blanches ?

Je reviens sur les propos de Mme Catz, de la DGE, sur le coût de la prolongation des réseaux 2G et 3G. Si je comprends bien, cette décision a été prise par les opérateurs, mais les coûts de la prolongation seraient assumés par l'État ?

M. Hervé Gillé. - Une démarche pour mettre en place un protocole d'accord a-t-elle été initiée, par l'Arcep ou par l'État ? Il eût été utile que l'ensemble des parties prenantes, avec les opérateurs, puissent dialoguer et négocier en vue de fixer des engagements réciproques, des échéanciers, pour avoir une vraie visibilité et une clarification sur ce sujet-là. Cela serait une grande erreur de que ne pas avoir entrepris une telle démarche : il est essentiel d'engager un dialogue avec l'ensemble des parties prenantes sur des sujets d'une telle importance pour nos concitoyens.

Je suis également surpris qu'il n'y ait pas une étude d'impact robuste qui ait été entreprise. Il s'agit d'une réelle faille dans la démarche. Je crois qu'on ne peut pas mesurer assez finement l'impact de ces démantèlements. Ce flou dans lequel nous sommes placés est préjudiciable : comment se positionner et prendre une décision éclairée ?

M. Fabien Genet. - Nous avons été sensibles aux arguments en faveur de la fin du réseau 2G en 2026 et du réseau 3G à l'horizon 2028-2029, tant en matière de sécurité que d'empreinte carbone du secteur, mais également sur les bénéfices escomptés pour l'aménagement du territoire grâce au redéploiement des fréquences. Toutefois, nous sommes également très sensibles, sur nos territoires, aux craintes que ces fermetures peut provoquer pour les utilisateurs, et notamment pour les plus âgés et les plus vulnérables, et aux risques d'interruption des services de téléassistance, de transport, d'eau, d'ascenseurs, que cette fermeture peut provoquer.

Notre collègue Audrey Bélim rappelait que l'île de la Réunion a été, comme souvent, très novatrice en anticipant la fermeture du réseau 2G. Le réseau 2G a-t-il été mis à l'arrêt dans d'autres départements ? Une réflexion est-elle en cours pour organiser mettre en place la fermeture progressive du réseau, avec des départements pilotes pour mesurer les effets induits de la fermeture et mieux anticiper ?

Je partage l'interrogation de mon collègue Cédric Chevalier : la décision et le calendrier ont été décidés par les opérateurs, et non par une obligation qui aurait été imposée par l'État. En France, on aime à dire que celui qui décide paye. Mais ici, il semblerait que celui qui a pris la décision réalise des économies et impose des coûts supplémentaires à ceux qui ne sont pas à l'origine de la décision. Une péréquation ou des soutiens financiers sont-ils envisagés pour que cette transition soit plus juste et plus cohérente ? Le rapport de la Commission supérieure du numérique et des postes, présidée par notre collègue Damien Michallet, mettait d'ailleurs en garde contre un effet d'aubaine pour les opérateurs : la tentation de facturer plus cher les nouvelles technologies que les anciennes. Comment anticipez-vous ce phénomène d'inflation ?

Comme beaucoup de mes collègues, je suis très sensible aux conséquences de la transition vers les réseaux 4G et 5Gsur les recettes des collectivités territoriales. Une étude d'impact a-t-elle été menée sur ce point ?

M. Jacques Fernique. - Je partage entièrement les soucis, les préoccupations, les exigences pour nos territoires de mes collègues. Manifestement, la trajectoire et la stratégie de transition ne sont pas fixées collectivement : ce sont les opérateurs qui déterminent le rythme et qui le modifient sans crier gare. La fermeture du réseau 2G était initialement envisagée pour 2030. Je ne reviendrai pas sur les impacts sociaux, économiques et industriels de cette transition, toutefois j'insisterai sur l'impact de cette transition sur l'économie circulaire, un sujet sur lequel je travaille avec ma collègue Marta de Cidrac. Des équipements modernes deviendront rapidement obsolètes et les collectivités devront assumer des surcoûts conséquents pour la gestion de ces déchets. En effet, nous savons que, lorsque les régies des éco-organismes ne peuvent supporter ces coûts, ce sont les collectivités en charge du service public des déchets qui payent. L'existence de ces risques nous impose de ralentir et d'accompagner la bascule, pour que cette transition ne soit pas brutale et que nous ne subissions pas ses impacts. Repousser de deux ans l'échéance de la fermeture des réseaux 2G et 3G, pour éviter de subir de plein fouet les impacts de cette transition et répartir plus équitablement et plus justement les surcoûts induits par le passage aux réseaux 4G et 5G, semble pertinent. Il est aussi essentiel de tirer les leçons pour l'avenir des difficultés que nous rencontrons ici : pouvez-vous nous garantir que la durée de vie des équipements des nouveaux réseaux sera satisfaisante, et que nous ne nous dirigeons pas vers une nouvelle obsolescence ?

M. Jean-Marc Delia. - On observe une discordance entre les opérateurs et leurs clients, qui n'obtiennent pas toujours le service pour lequel ils payent. Mon collègue rappelait que dans les territoires, le maire est bien souvent le lien de proximité entre l'opérateur et le client qui n'a pas le service dont il paie la fourniture.

Le déploiement des pylônes pour la 5G a été source de difficultés, notamment pour les élus. L'extinction des réseaux 2G et 3G permettra peut-être une couverture plus efficiente sur le territoire, mais sommes-nous réellement assurés que le déploiement sera achevé à temps pour assurer la transition vers cette nouvelle technologie ? Dans les territoires, des oppositions font obstacle aux implantations : il est donc difficile de déterminer avec certitude la date butoir pour la migration. Évoluer vers de nouvelles technologiques, oui, ne pas accompagner le client jusqu'au bout pour lui une continuité de service, non. Dans le Var ou ailleurs, les SMS envoyés par Vigicrues permettent de sauver des vies. Il est donc impératif de s'assurer que cette migration puisse se faire de manière cohérente, souple et efficace. Je suis rassuré de savoir que vous savez quels utilisateurs utilisent tels ou tels équipements, car les maires sont souvent amenés à répondre aux usagers à la place des opérateurs : pourtant, on s'adresse habituellement à celui à qui l'on paie le service pour obtenir satisfaction.

M. Pierre Jean Rochette. - Si les zones urbaines seront également touchées par la fin du service, c'est plutôt la ruralité qui souffrira de l'extinction des réseaux 2G et 3G. Si nous avons décorrélé l'obligation de service public de la fourniture de réseau en laissant le déploiement des réseaux par les opérateurs se faire sans contrepartie aucune, nous sommes dans l'erreur la plus totale. En ruralité, nous payons pour déployer le réseau de fibre optique, alors qu'en zone urbaine, les opérateurs la déploient d'eux-mêmes, la densité de la ville en faisant un investissement rentable. Lorsque j'étais maire, j'étais toujours surpris de voir des opérateurs demander des permis de construire pour installer des antennes qui ne serviront qu'à eux-mêmes, et pas aux autres opérateurs, pour des raisons de libre concurrence, puis d'autres opérateurs, plusieurs mois plus tard, demander un permis pour une nouvelle antenne. Il me semble que nous avons laissé ce marché prospérer sans régulation. Je suis plutôt de tendance libérale, mais il me paraît juste de réguler plus fortement ce secteur, inciter les opérateurs à équiper les territoires et demander aux entreprises des contreparties.

Il n'est absolument pas normal que demain, des usagers n'aient plus accès au service et que l'État doive compenser financièrement cette bascule. Nous devrions, en contrepartie du développement de la 5G sur les territoires, demander en contrepartie aux entreprises une prise en charge et un maintien du réseau 2G.

M. Romain Bonenfant. - Merci pour ces questions que je vais essayer de traiter en bloc autant que possible.

Tout d'abord, sur la question de l'impact sur les zones rurales : dans le cadre de ce dispositif spécifique du New Deal Mobile, engagé depuis 2018 et qui est un grand succès, puisqu'il a permis de couvrir très largement le territoire en téléphonie mobile, il n'y a pas de 2G qui a été déployée. C'est bien la démonstration que la fin de la 2G est possible. Dans ces zones les plus rurales, on est passé tout de suite sur les meilleures technologies, c'est-à-dire la 4G. Toutes les surfaces qui étaient autrefois en zone blanche avant le New Deal Mobile et qui bénéficient depuis d'une technologie mobile n'ont pas été couvertes grâce à la 2G. En conséquence, sur ces zones, la transition n'aura pas d'impact.

Ceci étant, effectivement, lorsqu'il s'agit des particuliers qui utilisent de la 2G pour passer des communications interpersonnelles, la question n'est pas un enjeu de forfait. Aujourd'hui, les forfaits qui sont vendus couramment dans le commerce disposent au moins de la 4G. Il peut rester quelques forfaits historiques, mais c'est marginal et peut être migré facilement. Le véritable enjeu, ce sont les utilisateurs qui vont utiliser des vieux téléphones anciens qui ne sont compatibles qu'avec la 2G. Cette cible est recensée très précisément par les opérateurs. Aujourd'hui, il y a moins d'un million d'utilisateurs dans ce cas. C'est une baisse. Cette baisse ne va pas assez vite et nous devons redoubler d'efforts. Les opérateurs contactent individuellement leurs clients pour les faire migrer parce qu'effectivement, nous avons besoin de faire migrer aussi bien les particuliers que les professionnels pour réussir ce défi.

Un retour d'expérience est une bonne idée et nous allons l'entreprendre, ne serait-ce qu'afin de progresser en interne. Nous serions très heureux de le partager avec les autorités publiques en général et avec votre commission si vous le souhaitez. L'extinction des réseaux ne se réalise pas en une fois. Nous avons engagé en parallèle l'extinction du réseau de cuivre, laquelle a déjà plutôt bien commencé avec le premier lot industriel en début d'année. Nous savons que toute technologie a une durée de vie limitée.

S'agissant des migrations de technologies, la question a été posée de savoir si l'on pouvait s'assurer que les équipements puissent être compatibles pour les nouvelles technologies. Cela fait partie des réflexions des opérateurs, en particulier sur les équipements de réseau, pour ce qui les concerne plus directement. Avec la 5G, nous avons introduit dans sa version la plus aboutie, qu'on appelle « stand alone », la virtualisation des réseaux. Cette virtualisation des réseaux, qui consiste à découpler le logiciel et le matériel, peut permettre potentiellement que les futures générations de réseaux puissent fonctionner sur les mêmes équipements. Cette évolution n'est pas encore assurée, les débats sur la 6G sont en cours. Il s'agit en tout cas d'une position qui est portée par les opérateurs français et cela nous paraît souhaitable, notamment dans des perspectives de transition écologique.

S'agissant de la question de la couverture, le terme de fermeture de la 2G ou « fermeture » de réseaux mobile est impropre : il s'agit en réalité de réutiliser les fréquences de la 2G ou la 3G pour y déployer les technologies modernes 4G et 5G. Ainsi, la couverture ne va pas régresser ; au contraire, elle sera au moins tout aussi bonne qu'avant la bascule, et il sera même possible de bénéficier des fonctionnalités de cette nouvelle technologie, c'est-à-dire là où, avec la 2G, il était seulement possible d'envoyer des SMS et de passer des appels vocaux, il y aura de la donnée et tous les usages modernes. Cette transition constitue en réalité une chance pour l'aménagement numérique du territoire : en effet, nous allons réutiliser des fréquences qui sont très bonnes. Il s'agit de fréquences basses qui vont très loin avec les meilleures technologies. Nous allons donc apporter un meilleur service dans les zones les plus rurales du territoire.

J'aborde maintenant l'impact financier pour les ressources des collectivités, et plus particulièrement la question de l'impôt sur la couverture numérique, également appelé IFER mobile. Pour mémoire, l'IFER mobile a été créé en 2010-2011 afin de remplacer la taxe professionnelle. Depuis, il a connu une croissance assez extraordinaire : les montants qui sont payés aujourd'hui par les opérateurs, soit 369 millions d'euros en 2024, ont été multipliés par trois sur cette période. Nous sommes donc très au-delà d'une simple compensation. Les opérateurs ont versé, sur cette période, plus de 3 milliards d'euros ; c'est-à-dire qu'à chaque fois que les opérateurs résolvent des problématiques de zone blanche ou portent leur réseau plus loin, une taxe s'applique (à quelques exonérations près), ce qui est paradoxal. Nous avons réalisé des simulations en interne afin d'évaluer l'impact de la fermeture de la 2G et de la 3G sur l'IFER mobile. Selon un certain nombre d'hypothèses, susceptibles de varier en fonction de la trajectoire exacte de fermeture ainsi que des déploiements effectués par les opérateurs, nous n'identifions pas de risque de baisse du niveau de l'IFER mobile par rapport au niveau actuel. Il s'agit d'un scénario constant, c'est-à-dire tenant compte des obligations actuelles de couverture des opérateurs, sans inclure ce qui pourrait arriver avec la 6G, laquelle pourrait nécessiter le développement de nouveaux réseaux et nouveaux équipements.

J'en viens à la question relative au rythme de fermeture et de son déploiement à titre expérimental dans quelques départements pilotes. Cela est bien prévu par la communauté des opérateurs : en effet, selon le calendrier, la fermeture de la 2G, dans la grande majorité des cas, surviendra en fin 2026, avec une exception pour Orange qui fermera la 2G dans 9 départements. Vous pouvez trouver la liste de ces jalons dans la note que nous avons publiée sur notre site. La fermeture dans ces 9 départements sera effective en mars 2026. Il y aura donc bien une expérimentation au niveau local avant cette généralisation. Et bien évidemment, les opérateurs pourront échanger sur le bilan de ces expérimentations.

En ce qui concerne les questions de mutualisation des antennes mobiles, il s'agit effectivement d'une préoccupation que l'on rencontre assez fréquemment. Je souhaite préciser dans un premier temps que dans le cadre du New Deal mobile, la quasi-totalité des pylônes qui ont été déployés le sont par les quatre opérateurs. Ces pylônes sont mutualisés. Les opérateurs sont incités sur le plan économique à mutualiser les pylônes autant que possible : en effet, il est évident que multiplier les pylônes, c'est multiplier les coûts. Il peut toutefois arriver des situations où cela n'est pas possible pour des raisons d'intégration dans le paysage. Quand il est réalisé un pylône qui va intégrer quatre opérateurs, il y a parfois besoin de plus de hauteur qu'un pylône qui va permettre d'installer des équipements de deux ou de trois opérateurs, et cela, parfois, pour des raisons d'esthétique ou d'intégration dans l'urbanisme local, cela n'est pas possible. Le fait de mutualiser les équipements de quatre opérateurs sur une seule installation produit parfois des contraintes sur les fréquences que l'on peut attribuer. Cela peut entraîner l'installation de pylônes dont la portée est moins importante. Paradoxalement, en mutualisant un pylône, il est possible de devoir déployer des pylônes un peu plus loin, car nous avons alors une couverture moins forte que si l'on installait deux pylônes. Il existe en la matière une variété de situations. Les opérateurs sont sensibles à cet aspect en raison des importants avantages économiques impliqués par la mutualisation. Cependant, on peut avoir des situations où cela n'est pas tout à fait possible.

M. Brice Brandenburg. - En ce qui concerne la couverture numérique, nous avons évidemment des inquiétudes dans la mesure où nos équipements sont partout dans les territoires. Si l'on considère l'exemple de la téléassistance, cela concerne souvent des personnes isolées en milieu rural. Lorsque nous avons posé la question aux opérateurs, cela ne nous a pas rassurés Ceux-ci fournissent des explications relatives à une potentielle intégration de la 4G dans la fréquence de la 3G. Certains opérateurs nous ont précisé qu'il y aurait sûrement un besoin de densification, et d'installation de nouveaux pylônes en zone rurale. Vous voyez la difficulté que cela représente, d'autant plus que le New Deal mobile touche à sa fin. Pour notre fédération c'est une vraie problématique qui ne nous rassure pas aujourd'hui.

J'en viens à la question relative au pilotage de cette fermeture. Plusieurs intervenants s'interrogeaient sur les études d'impact. J'estime en ce qui me concerne qu'il n'y a rien eu. Il n'y a pas eu de pilotage, l'on pourrait même dire qu'il n'y a pas de pilote dans l'avion. Les seules initiatives qui ont été entreprises vers plus de multilatéralisme ont été provoquées par les alertes que nous avions formulées. Lors de ces réunions, la puissance publique a fait valoir à de nombreuses reprises son impuissance en la matière. Il en découle que, si la puissance publique ne veut pas activer un levier juridique, nous souhaitons au moins qu'ils nous placent dans de bonnes conditions pour négocier, sachant qu'en tant que simples professionnels, nous sommes dans une posture défavorable face aux opérateurs. À aucun moment les acteurs publics n'ont soulevé la question de l'intérêt général, de la sécurité, de la couverture des territoires, ni de la santé de nos concitoyens.

J'en viens à la question qui a été soulevée quant à d'éventuelles études d'impact : je vous confirme qu'aucune étude ne nous a été présentée. Nous n'avons jamais vu les chiffres des opérateurs. Je vous formule une alerte appuyée, formelle et officielle à ce sujet. Il est possible que la moitié du parc des équipements concernés n'ont pas été pris en compte dans le recensement qui a été entrepris. Nous sommes en train de réaliser ce travail de recensement de notre côté. Nous l'avons déjà fait une première fois en 2024. Nos fédérations se sont mobilisées pendant quatre mois. En cinq minutes, les chiffres ont été balayés d'un revers de la main par les opérateurs et la puissance publique, qui n'a rien fait. Ce travail que nous avions entrepris, et qui nous a mobilisés plusieurs fois n'a servi à rien et il n'en a pas été tenu compte. Nous sommes clairement face à un mur. M. Bonenfant ne l'a pas caché : les chiffres ne sont pas bons. Je peux même vous dire que, sur certains secteurs, ils sont catastrophiques, et que nous allons droit dans le mur. Nous estimons que l'accélération du calendrier coûtera 685 millions d'euros, uniquement sur nos secteurs d'activité. Par exemple, les collectivités locales, où les estimations évoquent de 400 à 500 millions d'euros pour assurer la continuité de leurs réseaux d'eau, ne sont pas prises en compte dans ce calcul. Par ailleurs, ces estimations de surcoûts n'évaluent que les renouvellements d'équipements, et non les interventions que nous allons devoir programmer pour le remplacement des équipements obsolètes. Il s'agit là encore d'un nouvel élément à prendre en compte.

À propos de ce qui a été évoqué par la FFT sur le retour d'expérience et l'expérimentation entreprise par la FFT, Orange a prévu d'entreprendre une expérimentation en avance de phase sur 9 départements pilotes. Nous avons appris cela par hasard sur Internet. Je ne sais pas si vous, sénateurs de ces départements, avez été prévenus ; en ce qui nous concerne, nous ne l'avons pas été, malgré nos nombreux échanges avec Orange et ses opérateurs, nous l'avons appris par hasard. Nous avons interrogé Orange immédiatement à ce sujet. Comment avez-vous choisi ces départements ? Peut-être que nous, qui avons de nombreux volets connectés, parfois en vide pour les ascenseurs, dans la ruralité pour la téléassistance, comment avez-vous pris en compte ces réalités ? Nous n'avons reçu aucune réponse. Nous n'avons pas été consultés.

En outre, si cette fermeture devait entrainer des conséquences dommageables qui n'ont pas été anticipées en amont, est-ce qu'il existe une procédure d'urgence que l'on peut activer pour signaler qu'une catastrophe est en train d'arriver ? Ce n'est pas prévu. Aujourd'hui, cette expérimentation n'intègre pas les fédérations d'utilisateurs. Et d'ailleurs, Orange nous a dit qu'il ne s'agissait pas d'une expérimentation, mais d'un moyen pour eux de vérifier le bon fonctionnement de leurs procédures internes. Voilà le terme exact qui a été utilisé.

Enfin, il est possible que l'autre enjeu qui se profile lorsqu'on évoque ce sujet, sur lequel je souhaite réellement attirer votre attention, et je remercie M. Michallet qui l'a évoqué et plusieurs d'entre vous, c'est la 4G, 5G. À l'heure actuelle, la 2G et la 3G sont en train de migrer massivement sur la 4G ; toute une partie du RTC, des équipements vont aller sur la 4G. Nous allons par conséquent nous retrouver avec des enjeux encore plus massifs en termes d'objets connectés critiques sur ces réseaux. Qu'est-ce qui nous prémunit à l'heure actuelle de la perspective qu'une situation similaire ne se reproduise pas lorsqu'il sera question de mettre en extinction la 4G et la 5G ? Alors qu'on n'a pas encore mis en extinction la 2G ni la 3G, il est déjà question de la 6G : les cycles de vie de ces nouvelles technologies se réduisent, alors que nos produits et nos équipements ont une durée de vie moyenne de 15 ans à 20 ans. Comment, face à cette équation, est-il possible de définir des procédures et des modalités de fermeture ? Je souhaite attirer l'attention de la commission sur ce point, dans la mesure où c'est votre commission qui avez mis en avant ce sujet par vos travaux, dans un contexte d'absence de prise de conscience par le grand public. À moins d'un an de la fermeture, nous ne savons rien des modalités, ni de l'impact sur la couverture mobile ni sur nos concitoyens, ni des conséquences en ce qui concerne le niveau de l'IFER mobile, ni des nouvelles dépenses contraintes que cela va entrainer pour les collectivités Nous insistons sur ce point : il y a des acteurs du secteur qui ne vont pas survivre ; il y a déjà un impact économique et potentiellement un impact sur la santé des citoyens.

Vu le peu d'empressement de la puissance publique à se saisir de ce sujet, cette commission devrait s'en saisir et, sous sa bienveillance, mener des travaux de plus longue haleine afin de vérifier que l'État se saisit bien de ce sujet, en assure un suivi et mette en place un cadre de fermeture des fréquences mobiles.

M. Jean-François Longeot, président. - L'organisation de cette table ronde prouve que cette commission s'empare du sujet.

Mme Lénaïg Catz - Je vais passer en revue les différents sujets qui ont été évoqués et qui peuvent concerner le ministère. A propos de l'fer, l'État a fait réaliser des calculs prévisionnels sur l'évolution de cette taxe, et nous allons partager ces éléments. Nos anticipations restent des hypothèses basées sur les obligations réglementaires des opérateurs, car nous ne disposons pas de la vision des opérateurs sur leur projet de densification de réseau, que nous avons essayé de modéliser. Les projections ainsi obtenues ne nous font pas anticiper une baisse de la taxe sur la première étape de l'extinction de la 2G, à la fin de l'année 2026. En effet, cette extinction est compensée par un mouvement inverse de poursuite du déploiement de la 4G et de la 5G, qui, selon nous, maintiendra l'impôt à un niveau comparable.

Nous anticipons en revanche que l'extinction de la 3G à fin 2029 aura des répercussions sur les recettes de l'année 2030, toutefois avec une baisse peu importante et qui serait compensée dès les années suivantes par de nouvelles recettes liées au déploiement de la 5G. Les opérateurs sont soumis à une obligation de généralisation de la 5G à fin 2030 qui apportera des recettes différentes supplémentaires dans les années qui suivront. L'ensemble des chiffres vous seront communiqués.

En ce qui concerne la communication et notamment à l'égard des usagers en zone rurale, je mets ce sujet en parallèle avec la fermeture du réseau cuivre d'Orange. Lors de l'événement organisé par le sénateur Patrick Chaize la semaine dernière dans le cadre de l'Avicca, Orange a eu l'occasion de s'exprimer à ce sujet, en soulevant que les premiers communicants, ceux qui ont le plus d'effet pour les usagers, ceux qui sont en première ligne, ce sont bien les opérateurs commerciaux. Orange a tiré le bilan de la fermeture du cuivre sur la première phase de mise en oeuvre, en précisant que les actions commerciales des opérateurs avaient porté leurs fruits sur les migrations et que l'extinction s'était passée sans problème.

Si l'on dresse ce parallèle, la première ligne de communication est constituée des opérateurs Orange, SFR, Bouygues Télécom et la FFT. Ceux-ci sont dans une démarche d'accompagnement de leurs clients, notamment en zone rurale avec la problématique des téléphones d'ancienne génération, qui est bien connue. L'État vient en soutien de cette communication de première ligne. Nous avons élaboré des premiers outils à destination des professionnels pour la sensibilisation des usagers. Nous prendrons notre part dans la poursuite de ces outils pour accompagner les usagers.

Je ne vais pas revenir sur la couverture, car je vais laisser mon collègue de l'Arcep le développer. La couverture 4G est généralisée et meilleure que la 2G.

S'agissant de l'étude d'impact et du recensement des équipements concernés, l'État n'a pas balayé les chiffres et n'en a pas fait fi. Il existe une vision des opérateurs, qui porte sur l'ensemble des cartes SIM qu'ils ont en portefeuille direct ; et il y a la vision des professionnels qui inclut les fameuses cartes SIM étrangères. M. le sénateur Damien Michallet a rappelé que l'écart entre les chiffres est de l'ordre de 70 %. Il y aura donc toujours, par définition, un écart entre les chiffres : peu importe en réalité l'ampleur de cet écart, cela dépend de la perspective qui a été adoptée, il s'agit seulement de périmètres différents. Cette bataille de chiffres ne fait pas avancer le sujet. Il existe des cartes SIM étrangères, c'est un fait. La question, c'est de déterminer comment elles migrent et comment sont accompagnés les acteurs concernés. Effectivement, comme l'ont rappelé les différents intervenants, cela relève de la responsabilité du fournisseur de services de s'assurer que les cartes SIM migrent. Cela relève d'enjeux contractuels de chacun avec son opérateur, qui peut être un opérateur étranger. Cela renvoie donc à la répartition du coût de migration qui est prévu dans les contrats et relève donc des relations contractuelles.

Sur le retour d'expérience et les recommandations ou orientations qui pourraient en être conclues sur les prochaines extinctions de technologies : nous sommes favorables à ce que cette démarche soit entreprise. Nous avons eu l'occasion d'en parler avec l'IGNES il y a quelques semaines. Cela fait sens et il existe un consensus sur la nécessité de réaliser un retour d'expérience de ces premières expérimentations. Ce travail invite par nature à relever des pistes d'amélioration sur le caractère contraignant des axes d'amélioration qui pourraient en être retenus à l'égard des opérateurs. Il existe le levier des attributions de fréquence qui peut être mobilisé. Les prochaines attributions de fréquence interviendront à la fin de la décennie. Effectivement, nous pourrons regarder avec l'Arcep les conditions dans lesquelles ces obligations pourraient être imposées, sachant qu'il est ici question d'obligations sur le marché de détail. Le cadre réglementaire prévoit que ce seront plutôt des engagements volontaires qui seront proposés aux opérateurs dans les procédures.

M. Franck Tarrier - Je propose d'apporter quelques compléments concernant la question de la couverture des réseaux mobiles, un point qui a fait l'objet de plusieurs remarques.

Les obligations de couverture inscrites dans les autorisations d'utilisation de fréquence des opérateurs, qu'elles résultent du New Deal mobile ou d'autres autorisations, par exemple dans la bande 3,5 qui a permis de déployer les réseaux 5G, sont rédigées selon le principe de neutralité technologique. Cela signifie que l'obligation de couverture de 99,8 % de la population en bonne couverture « voix », qui figure dans les autorisations d'utilisation de fréquence des opérateurs aujourd'hui, avec différentes échéances d'ici 2031, s'appliqueront, quelles que soient les technologies utilisées par les opérateurs. Si la 2G et la 3G sont éteintes dans cet intervalle, cela signifie que les opérateurs devront remplir cette obligation en utilisant leur réseau 4G.

Au-delà de ce que prévoient les obligations, chaque opérateur peut se différencier et proposer un niveau de couverture plus ou moins étendu. Nous le savons aujourd'hui, tous les opérateurs n'ont pas exactement le même niveau de couverture. L'Arcep propose un outil, la publication trimestrielle de cartes de couverture, qui est un moyen pour le consommateur et les acteurs d'aménagement numérique du territoire de voir comment cette couverture évolue et comment les différents opérateurs se différencient. Cet outil peut également aider le consommateur à faire des choix en fonction des différences de couverture.

La couverture des opérateurs évolue. Elle croît globalement, notamment grâce aux obligations prévues dans les licences. Un réseau mobile est un système vivant qui peut faire l'objet de réglages. Très localement, il peut y avoir des écarts dans les niveaux de couverture. Nous nous attachons à retracer ces écarts, notamment dans des cartes départementales de couverture que nous publions régulièrement, et dans lesquelles nous faisons apparaître de façon transparente les rétractations de couverture lorsque cela arrive dans certains territoires.

D'un point de vue technique, nous sommes convaincus que la libération des fréquences utilisées en 2G et en 3G permettra de maintenir un niveau de couverture équivalent en 4G. Il n'y a pas de raison que la bascule de la technologie 2G, 3G vers la 4G introduise techniquement une rétractation de la couverture des réseaux mobiles telle qu'elle l'est. Je précise que cela aura lieu à sites constants, sachant que, par ailleurs, les réseaux des opérateurs en termes de nombre de sites ont également vocation à continuer à se déployer.

J'en viens maintenant au point de la mutualisation. C'est un sujet qui fait tout d'abord l'objet à la fois d'un encadrement réglementaire avec des incitations pour les opérateurs à mutualiser leurs infrastructures, notamment les infrastructures passives. Dans le cadre du New Deal mobile, et cela a été mentionné, il y a aussi des obligations de mutualisation, notamment dans les sites du dispositif de couverture ciblée. L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes a publié en 2016 des lignes directrices sur ce sujet pour préciser dans quel cas cette mutualisation doit trouver certaines limites, puisque la mutualisation trop poussée pourrait limiter le niveau de la concurrence sur le secteur. Ces lignes directrices ont été publiées en 2016 et aujourd'hui, au-delà de la mutualisation passive des réseaux, il y a aussi une mutualisation active de certains réseaux d'opérateurs, notamment deux d'entre eux, qui mutualisent leur réseau sur une large partie du territoire.

M. Jean-François Longeot, président. - Je voudrais revenir sur ce que vous venez de dire. Il est vrai qu'un certain nombre d'informations peuvent être publiées sur le site de l'Arcep, mais je ne suis pas sûr qu'un simple particulier, a fortiori dans une commune reculée, aille sur le site de l'Arcep pour effectivement regarder ce qui se passe et ce qui ne s'est pas passé.

Nous avons soulevé un certain nombre de problèmes, de difficultés, toutefois je ne suis pas sûr qu'on ait identifié beaucoup de solutions. Il est important que l'on puisse trouver des solutions pour les usagers mais aussi pour les collectivités. Cela a été soulevé : les collectivités. À titre individuel, je suis déjà alerté par un certain nombre de collectivités sur l'implantation des pylônes et de leur prise en charge financière.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur des crédits budgétaires « Aménagement numérique du territoire ». - En remerciant à nouveau l'ensemble des intervenants pour leur présence, nous venons, mon cher Damien, satisfaire au moins partiellement, et à notre façon, la première recommandation du rapport de la Commission supérieure du numérique et des postes sur la nécessité d'une concertation publique pour mettre en avant les difficultés inhérentes à la fermeture des réseaux 2G et 3G.

Nous avons pu mesurer les divergences de vues, voir les positions franchement antagonistes parfois qui ont pu s'exprimer, mais il est nécessaire que ce dialogue se noue. C'était le cas ce matin. Et à la suite de ce qu'évoquait le président à l'instant, cette table ronde n'est absolument pas une fin en soi, mais plutôt un commencement.

Nous verrons la façon dont les choses pourront s'articuler dans un horizon relativement proche au regard des échéances qui sont les nôtres quant à la fermeture du réseau 2G et 3G, pour que tout cela soit à la fois compréhensible par nos concitoyens et qu'il n'y ait pas de rupture opérationnelle. C'est ce qui a pu ressortir de l'essentiel des interventions qui ont été exprimées à de très nombreuses reprises par nos collègues ce matin.

Il serait utile d'approfondir l'exemple réunionnais exprimé par Madame Audrey Bélim tout à l'heure, pour savoir comment les choses concrètement se sont passées, car il est positif de concrétisation dont nous avons besoin aujourd'hui pour mesurer de façon extrêmement fine tous les impacts générés par la fermeture à venir des réseaux 2G et 3G. Je vous remercie.

M. Jean-François Longeot, président - Je remercie tous nos intervenants pour la qualité de ces débats. Nous continuerons à travailler avec engagement sur ce sujet. Je vous remercie.

Projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030 - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur pour avis

M. Jean-François Longeot, président. - Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2030.

Ce texte a été déposé le 15 mai dernier par le Gouvernement avec engagement de la procédure accélérée.

Il a été envoyé au fond à la commission des lois et devrait commencer son chemin parlementaire au Sénat, avec un passage en commission le mardi 10 juin dans l'après-midi et un examen en séance publique prévu à partir du 24 juin prochain.

Je vous propose que notre commission se saisisse pour avis de ce texte, et accepte une délégation au fond sur deux articles relevant de son champ d'expertise :

- l'article 3 qui porte sur les dérogations aux interdictions de publicité pendant la période des Jeux olympiques,

- et l'article 21 qui concerne l'accessibilité des transports publics dans les départements accueillant des sites olympiques. Notre commission a d'ailleurs, vous vous en souvenez sans doute, organisé une table ronde en janvier dernier sur ce sujet essentiel à l'occasion des 20 ans de la loi « Handicap » du 11 février 2005.

L'article 12, qui vise à simplifier les règles de participation du public pour accélérer la construction des ouvrages nécessaires à l'organisation de ces Jeux, et l'article 36, qui étend les obligations de raccordement au réseau d'évacuation des eaux usées pour les péniches franciliennes sont examinés au fond par la commission des lois. Je vous propose toutefois que notre commission se saisisse pour avis simple sur ces articles relatifs à la démocratie environnementale et à l'économie circulaire.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de notre collègue Damien Michallet et je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Proposition de loi élargissant la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports - Désignation d'un rapporteur

M. Jean-François Longeot, président. - J'en viens au troisième point de notre ordre du jour. Nous devons procéder à la désignation d'un rapporteur sur la proposition de loi visant à élargir la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports, déposée le 10 février dernier par notre collègue Nadège Havet ainsi que par Michel Canévet et Yves Bleunven, ses collègues du Finistère et du Morbihan, membres du groupe Union centriste.

En s'inspirant du modèle des sociétés aéroportuaires créées par l'article 7 de la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports, l'article 35 de la loi du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports a donné la possibilité aux collectivités territoriales et leurs groupements de prendre des participations dans des sociétés portuaires dont l'activité principale est d'assurer l'exploitation commerciale d'un ou plusieurs ports situés dans leur ressort géographique.

C'est suivant ce modèle « économique » que la Société Portuaire « Brest Bretagne » - renommée « Brest Port » -ou la société portuaire « Port de Bayonne » ont été créées avec des prises de participation des collectivités territoriales et des chambres de commerce et d'industrie (CCI) anciennement concessionnaires de ces ports. Ces sociétés portuaires sont ainsi dotées d'une assise financière large qui permet le financement des investissements d'infrastructures, de modernisation ou de transition que les CCI n'étaient pas en mesure de porter seules.

Plusieurs projets de création de ce type de structure sont à l'étude, notamment en Bretagne, en raison, d'une part, de l'arrivée à échéance de plusieurs délégations de service public et, d'autre part, du souhait de créer des entités regroupant plusieurs ports de pêche, pour gérer, par exemple, les ports de pêche de Roscoff à Saint-Brieuc ou la pêche en Cornouaille.

Toutefois, le droit en vigueur ne permet pas la création de sociétés portuaires dans ces cas d'espèce. En effet, l'article 35 de la loi de 2006 que j'ai citée ne concerne que les 18 ports (17 métropolitains et 1 en outre-mer) mentionnés à l'article 30 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales - c'est-à-dire les anciens ports non autonomes de l'État transférés aux collectivités territoriales, principalement les régions, en 2007. Or, depuis cette date, de nombreux autres ports ont été transférés aux collectivités territoriales, notamment en application de la loi NOTRe de 2015, sans pouvoir pour autant bénéficier de cette possibilité.

L'objectif principal de cette loi est donc de permettre à toutes les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire et, ainsi, d'avoir les capacités pour investir afin d'améliorer la performance économique, environnementale et sociale de leurs ports.

Cette proposition de loi s'inscrit et complète le travail « au long cours » de notre commission dont l'ambition est de contribuer à ce que la performance de nos ports soit en adéquation avec les atouts maritimes de la France. Les travaux de notre collègue Didier Mandelli en témoignent. Il avait en effet été rapporteur, en 2021, avec notre ancienne collègue Martine Filleul de la mission d'information sur la première stratégie nationale portuaire (SNP) et, la même année, rapporteur de la proposition de loi relative à la gouvernance et à la performance des ports maritimes français. Cette proposition de loi était la traduction législative des recommandations du rapport d'information de notre ancien collègue Michel Vaspart. Depuis son adoption par le Sénat, ce texte qui n'a pas connu de suite n'est toujours pas arrivé à bon port si j'ose dire.

Le Président du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants (RDPI) a demandé l'inscription de la proposition de loi élargissant la possibilité pour les collectivités territoriales et leurs groupements d'avoir recours au modèle de la société portuaire pour l'exploitation de leurs ports à l'ordre du jour du Sénat. Le Gouvernement a donné une suite favorable à cette demande en l'inscrivant à l'ordre du jour d'une semaine qui lui est réservée par priorité et, signal positif, en engageant la procédure accélérée le 14 mai dernier.

L'examen de ce texte en commission est prévu mercredi 11 juin prochain et en séance publique mercredi 18 juin.

En vue de cet examen, j'ai reçu la candidature de l'auteure de la PPL, notre excellente collègue Nadège Havet et je vous propose de la désigner en qualité de rapporteure.

Il n'y a pas d'opposition ?

Il en est ainsi décidé.

Communication

M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaiterais évoquer la suite de nos travaux sur la proposition de loi relative à l'impact environnemental de l'industrie textile un texte dont vous avez certainement beaucoup entendu parler ces jours derniers.

Certains médias ont pu relayer des accusations relatives à l'influence des lobbys sur les travaux de la commission, qui me paraissent largement infondées. Je regrette cette couverture médiatique biaisée du travail très rigoureux de la rapporteure Sylvie Valente Le Hir.

Je souhaite également insister sur la nécessité de veiller au bon fonctionnement de la navette parlementaire, qui implique d'examiner le texte en toute indépendance pour chaque assemblée, avant l'éventuelle convocation d'une commission mixte paritaire qui nécessitera un dialogue et un rapprochement des points de vue.

Mme Sylvie Valente Le Hir. - Je partage pleinement les propos du président de la commission Jean-François Longeot que je remercie pour son soutien sans faille. Je regrette que certains journalistes ne respectent pas pleinement le principe du contradictoire, en ne permettant pas à la commission d'expliciter sa position sur le texte adopté en commission, je le rappelle, à l'unanimité.

Vous le savez, j'ai mené mes travaux préparatoires dans la plus grande transparence en rencontrant, comme il est d'usage dans le cadre des travaux préparatoires, l'ensemble des acteurs de la filière textile et les parties prenantes. En dehors de ces auditions, ouvertes à l'ensemble des membres de la commission et dont la liste figure dans le rapport, je n'ai bien sûr pas eu le moindre contact avec les lobbys de la mode éphémère.

La réunion est close à 12 h 10.