Mercredi 11 juin 2025
Bilan des déplacements effectués par la commission des affaires européennes au mois de mai 2025 - Communication
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
Conférence des organes spécialisés dans les affaires de l'Union européenne (Cosac) à Varsovie du 8 au 10 juin 2025 - Communication
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
Examen de notes d'actualité
Le compte rendu sera publié ultérieurement.
Jeudi 12 juin 2025
- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -
La réunion est ouverte à 9 h 05.
Modification du statut de protection du loup - Communication
M. Jean-François Rapin, président. - Deux points sont inscrits à l'ordre du jour de notre commission ce matin.
Le premier est une communication de suivi que nous présente Cyril Pellevat sur le statut de protection du loup. Notre commission s'est fortement mobilisée sur ce sujet et a finalement obtenu gain de cause, les annexes de la convention de Berne ayant été modifiées, ce qui a ensuite ouvert la voie à la révision de la directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite « Habitats-Faune-Flore ».
Nous évoquerons ensuite un deuxième dossier, qui en est à ses débuts, mais dont l'enjeu est fondamental : celui du cadre financier pluriannuel.
M. Cyril Pellevat, rapporteur. - En juillet 2020, notre commission des affaires européennes adoptait une proposition de résolution européenne visant à assouplir le statut de protection du loup au sein de la convention de Berne. Cette initiative, dont j'étais à l'origine avec plusieurs de mes collègues et dont l'examen m'avait été confié, traitait d'un sujet toujours d'actualité, la situation du loup et le niveau de protection dont il bénéficie en application de deux textes européens qui sont liés : d'une part, la convention de Berne, qui - je le rappelle - est le traité international du Conseil de l'Europe sur la conservation de la nature, et d'autre part, la directive européenne « Habitats-Faune-Flore ».
Indéniablement, le niveau de protection très élevé accordé au loup en Europe, depuis plusieurs décennies, a été un élément déterminant dans la conservation de l'espèce, qui avait pourtant disparu du territoire national depuis les années 1930 et est réapparue naturellement au cours des années 1990.
La directive « Habitats-Faune-Flore » classe ainsi le loup parmi les espèces d'intérêt communautaire qui implique une protection stricte. La législation européenne interdit toute forme de capture intentionnelle, de détention ou de mise à mort intentionnelle. Elle prévoit cependant la possibilité de déroger à ce régime très protecteur dans des conditions strictement encadrées.
La progression de la présence du loup en Europe a ainsi été importante au cours des dix dernières années : la population est passée d'environ 11 200 individus en 2012 à 20 300 en 2023, soit une hausse de près de 45 %.
En France, selon l'Office français de la biodiversité (OFB), le nombre de loups à la fin de l'hiver 2020-2021 était estimé à environ 620 individus. Le seuil de viabilité démographique, fixé à 500 loups par le plan national d'actions (PNA) 2018-2023 sur le loup et les activités d'élevage, a donc été franchi avec beaucoup d'avance sur le cadre prévu. À la sortie de l'hiver 2022-2023, la population lupine française était comprise entre 750 et 1 344 individus, avec un effectif moyen estimé à 1 003 loups.
Les meutes restent principalement concentrées dans les Alpes, bien que l'espèce colonise progressivement de nouveaux territoires, avec un grand nombre de départements concernés par sa présence.
Cette progression s'accompagne d'une hausse des dommages subis par le bétail. On estime que 65 500 têtes de bétail sont tuées chaque année dans l'Union européenne (UE), dont environ 12 000 sur le territoire national.
Face à ces constats, la résolution européenne du Sénat, adoptée en août 2020, invitait donc la Commission européenne à proposer au Conseil de soutenir un texte adaptant le régime juridique de la protection du loup aux réalités de son expansion sur le territoire européen, et en particulier dans notre pays. C'est désormais chose faite ! Le Sénat a ainsi été entendu. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
Force est de reconnaître que cette position n'était pas propre au Sénat. Elle était défendue au plus haut niveau par le gouvernement français, ainsi que par d'autres pays européens.
Avant d'engager la révision du régime de protection du loup, la présidente de la Commission européenne avait d'ailleurs déclaré, en septembre 2023 : « La concentration de meutes de loups dans certaines régions d'Europe est devenue un véritable danger pour le bétail et, potentiellement, pour l'homme ».
Finalement, le 6 décembre 2024, le comité permanent de la convention de Berne, auquel il revient le pouvoir d'évaluer l'état de conservation des espèces, a adopté une proposition, présentée par l'UE, visant à modifier le statut de protection du loup. Le loup est ainsi déplacé de l'annexe II, qui concerne les espèces de faune strictement protégées, à l'annexe III relative aux espèces de faune protégées, qui prévoit donc une protection plus faible.
Ce déclassement est conforme à la recommandation que nous avions formulée en 2020 dans notre proposition de résolution européenne. Seuls cinq pays sur un total de cinquante - la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie, Monaco, le Monténégro et le Royaume-Uni - s'y sont opposés, tandis que la Tunisie et la Turquie se sont abstenues.
Cette décision est entrée en vigueur le 7 mars 2025 dans les États parties à la convention, à l'exception de la République tchèque, de Monaco et du Royaume-Uni, qui ont notifié des objections.
Elle doit désormais être transposée dans la directive européenne « Habitats-Faune-Flore », qui met en oeuvre les exigences de la convention de Berne. En effet, il est nécessaire de modifier les annexes IV et V de cette directive pour faire figurer le loup dans la liste des espèces protégées, et non plus strictement protégées.
Tel est l'objet de la proposition de directive présentée le 7 mars dernier par la Commission européenne. Ce texte est spécifiquement consacré au statut de protection du loup. Le loup sera ainsi placé sous la protection définie à l'article 14, et non plus à l'article 12, de la directive « Habitats-Faune-Flore ». Cette mesure offre ainsi aux États membres une plus grande flexibilité dans la gestion de leurs populations locales s'ils l'estiment nécessaire.
Les États membres restent cependant tenus de maintenir un état de conservation favorable de l'espèce sur leur territoire, de surveiller cet état de conservation et d'en rendre compte à la Commission tous les six ans. Ils ne sont pas obligés d'abaisser le statut de protection du loup dans leur droit national et conservent donc la possibilité de maintenir un niveau de protection plus strict pour le loup sur leur territoire.
Enfin, je tiens à préciser que l'accès aux financements de l'UE pour soutenir les mesures de prévention, ainsi que les règles en matière d'aides d'État destinées à indemniser les éleveurs à la suite d'une attaque de loup, ne sont pas concernés par cette modification.
Ce texte a été adopté le 5 juin dernier lors du Conseil « Transports, télécommunications et énergie ». Compte tenu du caractère ciblé et restreint au loup de la révision, le Conseil a en effet repris telle quelle la proposition de la Commission européenne. Seuls trois États se sont abstenus : la Belgique, l'Espagne et la Pologne. Le Parlement européen l'a aussi adoptée sans modification au début du mois de mai. Dès lors, aucun trilogue n'a été nécessaire. Le texte devrait être publié au Journal officiel de l'UE dans les prochains jours et entrer ainsi en vigueur.
Ensuite, il reviendra à la France de transposer celui-ci dans son droit national. Selon les informations communiquées par le ministère de la transition écologique et de la biodiversité, la modification du statut de protection du loup ne deviendra effective qu'au 1er janvier 2026 afin de ne pas changer les conditions d'accès aux tirs de loup en cours de saison. Cette adaptation se traduira par la publication de plusieurs arrêtés. Ainsi, la mention du loup devra être retirée de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l'ensemble du territoire. Un nouvel arrêté encadrant les conditions de tirs de l'espèce devra aussi être publié. Par ailleurs, il est prévu d'introduire dans la loi une peine suffisamment dissuasive en cas de destruction irrégulière de loups.
Mme Mathilde Ollivier. - Le groupe écologiste s'inquiète du passage, tant au niveau européen qu'à l'échelon national, du statut du loup de « strictement protégé » à « protégé ». Le loup joue pourtant un rôle essentiel en tant que régulateur naturel de la faune. Les études scientifiques montrent qu'il régule les populations de proies, élimine les individus malades, participe à la régénération des forêts et à l'équilibre des milieux naturels.
Les tirs de régulation, en revanche, peuvent désorganiser les meutes, entraîner des comportements imprévisibles, et parfois accentuer les conflits. Ce changement de statut ne reflète pas non plus les attentes des citoyens : 75 % des ruraux français estiment que les loups ont leur place dans l'Union européenne, et 83 % considèrent la conservation des espèces comme une priorité.
Cyril Pellevat a évoqué les difficultés auxquelles les éleveurs sont confrontés. Il ne s'agit pas d'opposer éleveurs et protection du loup. Ces défis doivent être pleinement pris en compte, mais ils nécessitent un investissement humain et matériel important. Les moyens financiers restent insuffisants, à l'échelle aussi bien française qu'européenne, notamment en ce qui concerne l'Office français de la biodiversité (OFB).
Il ne faut pas non plus sous-estimer l'impact psychologique des attaques de loups sur les éleveurs. L'enjeu, aujourd'hui, est bien d'accompagner ces derniers, pas de déclasser le loup, d'autant qu'environ 200 loups sont déjà abattus chaque année en France. La réduction du niveau de protection des loups constitue donc pour nous une mauvaise nouvelle.
M. Jean-François Rapin, président. - J'avais entendu parler de croisements entre loups et chiens, donnant des espèces génétiquement hybrides. Où en est-on ?
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Je suis favorable à un assouplissement du statut, tel que proposé par la Commission européenne, en passant de « strictement protégé » à « protégé ».
M. Cyril Pellevat, rapporteur. - J'avais été rapporteur du plan national d'actions « Loup 2018-2023 ». À l'époque, on comptait 360 loups, avec une quarantaine de départements prédatés et près de 12 000 bêtes attaquées. L'objectif était de parvenir à une population de 500 individus à l'horizon 2023. Mais, aujourd'hui, le loup a largement dépassé ces seuils : on parle de 900 à 1 300 bêtes, probablement autour de 1 100. Il est désormais présent dans des départements où on ne l'attendait pas, comme la Charente-Maritime, et il s'approche même des abords de Paris.
Le loup n'est plus une espèce menacée. L'idée n'est pas de l'éradiquer, mais de dire que, scientifiquement, il ne mérite plus ce haut niveau de protection. Les tirs peuvent déstabiliser les meutes et augmenter les attaques, en renforçant paradoxalement la dynamique de reproduction. Un loup seul cause moins de dégâts qu'un groupe sur la faune, la flore, et aussi sur notre agropastoralisme.
Il faut agir intelligemment pour apaiser la détresse du monde agricole. Certains éleveurs n'osent plus monter leurs troupeaux en montagne, même avec les mesures de protection : bergers, patous, grillages. Il convient de réintroduire une forme de prédation humaine, car le loup, qui n'a plus de prédateurs, n'a plus peur de l'homme et s'approche des villes. La solution ne passe pas forcément par des tirs létaux. On peut envisager la « capture-relâcher » ou le « puçage », en apprenant à mieux connaître les déplacements du loup.
Concernant la génétique, il existait une divergence entre les laboratoires français et allemands quant à la définition du loup, la différence d'ADN avec le chien étant de l'ordre de 1 %. En cas de doute, les directions départementales des territoires (DDT) indemnisent les éleveurs même sans analyses, ce qui explique que les chiffres soient parfois revus à la baisse.
Quant à la modification des annexes de la convention de Berne, je rappelle que la Bosnie-Herzégovine, l'Albanie, Monaco, le Monténégro et le Royaume-Uni s'y sont opposés. Concernant la modification de la directive « Habitats-Faune-Flore », la Pologne, tenue à la neutralité, s'est abstenue lors du Conseil « Transports, télécommunications et énergie ».
M. Jean-François Rapin, président. - Je précise que la Pologne préside le Conseil de l'Union européenne au cours du premier semestre 2025.
M. André Reichardt. - Mon département n'a pas encore de loups. Mais nous avons connu voilà une dizaine d'années la rigidité de la protection du grand hamster.
J'ai deux questions : la transposition de la directive européenne est-elle prévue pour 2026 ? Et faut-il s'attendre à une levée de boucliers des éleveurs ?
Mme Florence Blatrix Contat. - L'Italie, qui a des colonies de loups importantes, se heurte-t-elle aux mêmes difficultés que la France ? Il me semble que les attaques y sont moins importantes.
Mme Mathilde Ollivier. - Dans les pays où les colonies de loup sont importantes, à l'instar de l'Italie, de la Roumanie ou de la Pologne, des attaques du loup sur l'homme ont-elles été recensées ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Monsieur Reichardt, la transposition sera principalement d'ordre réglementaire. Notre collègue Sylviane Noël et moi-même avions présenté une proposition de résolution européenne à la suite de réunions avec les éleveurs des départements de la Savoie et de la Haute-Savoie. Ils attendent l'abaissement du niveau de protection et seront attentifs aux dispositions réglementaires ainsi qu'à leurs conséquences opérationnelles. En tout cas, ce changement est bien perçu par les acteurs du terrain. Les éleveurs ne peuvent plus amener leur troupeau dans certains espaces, ce qui nuit d'ailleurs à la biodiversité. Même si des mesures de protection existent, même si les éleveurs peuvent être indemnisés, ils attendent de pouvoir revenir. Les éleveurs ne veulent pas « tuer du loup » ; ils veulent maintenir leur appellation d'origine protégée (AOP) ou leur appellation d'origine contrôlée (AOC) ; ils veulent vivre de leur métier et ne pas voir mourir les bêtes auxquelles ils sont attachés ! Les éleveurs qui découvrent, au réveil, leurs bêtes éventrées peuvent être traumatisés - pour avoir vu de telles images, je peux vous l'assurer.
Madame Ollivier, je n'ai pas trouvé de documents officiels attestant d'attaques du loup sur l'homme. Cela dit, les éleveurs n'emmènent plus leurs bêtes dans les alpages ; ils préfèrent les laisser à proximité des fermes, qui sont des espaces plus sûrs ; les caprins fuient vers des espaces plus difficiles à atteindre pour les loups. Or on voit que le loup s'approche de plus en plus des routes et des maisons ; que se passera-t-il s'il est affamé ? On sait déjà que le loup a attaqué des ânes, des chevaux et des petits veaux. Le loup ne semble plus avoir peur : des personnes m'ont rapporté avoir vu un loup à cinquante mètres du restaurant où elles se trouvaient, à la frontière franco-suisse...
En Espagne, les loups sont concentrés dans les grands parcs naturels ; il y a donc plus de loups et moins d'attaques. Cela dit, ils ont mis en place d'autres techniques - la capture-relâche, le puçage. Dans mon rapport de 2018, j'ai essayé de comprendre pourquoi il y avait plus d'attaques en France qu'en Espagne ou en Italie, voire aux États-Unis ; l'une des raisons est le réapprentissage de la prédation de l'homme sur le loup, sans moyens létaux, en concentrant le loup dans certains espaces déterminés. Or, en France, les tirs déstabilisent les loups et les font fuir n'importe où : notre gestion n'est pas aussi efficace que celle d'autres pays où le loup est présent depuis plus longtemps. Nous réapprenons à vivre avec le loup depuis une vingtaine d'années, d'où notre retard.
M. Jean-François Rapin, président. - Quelle sera la prochaine étape ?
M. Cyril Pellevat, rapporteur. - Nous attendons les éléments des ministères.
Préparation du cadre financier pluriannuel 2028-2034 - Examen de la proposition d'avis politique
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