- Mercredi 24 septembre 2025
- Proposition de loi relative aux formations en santé - Désignation d'un rapporteur pour avis
- Situation des festivals après la concertation nationale et la saison estivale 2025 - Audition de Mmes Alexandra Bobes, directrice de France Festivals, Aurélie Foucher, directrice déléguée aux politiques culturelles et aux relations institutionnelles de Scène Ensemble, et Sylvie Hugues, présidente du réseau LUX, M. Stéphane Krasniewski, président du Syndicat des musiques actuelles, et Mme Malika Séguineau, directrice générale d'Ekhoscènes
Mercredi 24 septembre 2025
- Présidence de M. Laurent Lafon, président -
La réunion est ouverte à 9 h 35.
Proposition de loi relative aux formations en santé - Désignation d'un rapporteur pour avis
M. Laurent Lafon, président. - Je vous propose de débuter cette réunion par la désignation d'un rapporteur pour avis sur la proposition de loi relative aux formations en santé et de confier la conduite de nos travaux sur le sujet à Sonia de La Provôté.
La commission désigne Mme Sonia de La Provôté rapporteure pour avis sur la proposition de loi n° 868 (2024-2025) relative aux formations en santé.
Situation des festivals après la concertation nationale et la saison estivale 2025 - Audition de Mmes Alexandra Bobes, directrice de France Festivals, Aurélie Foucher, directrice déléguée aux politiques culturelles et aux relations institutionnelles de Scène Ensemble, et Sylvie Hugues, présidente du réseau LUX, M. Stéphane Krasniewski, président du Syndicat des musiques actuelles, et Mme Malika Séguineau, directrice générale d'Ekhoscènes
M. Laurent Lafon, président. - Il m'a semblé important de profiter de la disponibilité de notre ordre du jour pour faire un point d'étape sur la situation des festivals, qui avait déjà retenu notre attention à la même période l'an dernier, alors que la concertation menée par le ministère de la culture autour de l'avenir de la filière s'est achevée en juin dernier et que l'édition estivale 2025 vient tout juste de se terminer.
Je sais que le groupe d'études sur les arts de la scène, arts de la rue et festivals en région, rattaché à notre commission et présidé par notre collègue Sonia de La Provôté, suit attentivement ce secteur et y a consacré une table ronde en mai dernier.
Pour dresser un état des lieux des festivals et aborder les défis auxquels ils sont confrontés, nous entendons aujourd'hui : Mme Alexandra Bobes, directrice de France Festivals ; Mme Malika Séguineau, directrice générale d'Ekhoscènes ; Mme Aurélie Foucher, directrice déléguée aux politiques culturelles et aux relations institutionnelles de Scène Ensemble ; Mme Sylvie Hugues, présidente du réseau LUX ; M. Stéphane Krasniewski, président du Syndicat des musiques actuelles (SMA).
Je souhaite, avant d'entamer nos échanges, mentionner quelques éléments de contexte importants.
Le Baromètre des festivals 2024, établi par le ministère de la culture, a mis en lumière la situation de fragilité financière du secteur : 48 % des festivals se sont ainsi déclarés déficitaires à l'issue de l'édition 2024. Même parmi ceux dont le taux de remplissage est supérieur à 90 %, 44 % sont en déficit.
Les difficultés économiques constituent ainsi la première cause d'annulation de manifestations festivalières. Malgré une fréquentation en hausse et de bons taux de remplissage, les recettes de billetterie - pourtant en progression pour 41 % des festivals - ne permettent en effet plus de couvrir l'augmentation continue et soutenue, depuis plusieurs années, des différents postes de coûts - artistiques, notamment les cachets des artistes, mais aussi techniques, logistiques et liés à la sécurité...
D'autres difficultés, non strictement financières, se posent également. Il en va ainsi des obligations réglementaires liées au fameux décret du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés, dit décret Son, sur lequel certains d'entre vous ont appelé à un moratoire. Sonia de La Provôté et moi-même avons cosigné, le 5 mai dernier, un courrier destiné aux quatre ministres concernés pour les alerter sur l'impasse dans laquelle les organisateurs de festivals se trouvent face à l'inapplicabilité de cette réglementation. Le Gouvernement semble avoir pris la mesure du problème puisqu'un groupe de travail a été mis en place pour « identifier des propositions alternatives » ; ses conclusions sont attendues pour le 31 octobre prochain.
L'incidence des aléas climatiques sur l'organisation des festivals et l'évolution des pratiques festivalières constituent autant d'enjeux qui réinterrogent en profondeur le modèle économique des festivals. Ce sujet avait déjà fait l'objet d'un examen l'an dernier par notre rapporteure des crédits de la création, Karine Daniel, dans le cadre de son avis budgétaire, et devrait être approfondi encore cette année. À ce propos, nous souhaiterons savoir comment s'est passée la concertation qui s'est déroulée de janvier à juin derniers et connaître votre appréciation sur les premières mesures annoncées par la ministre.
Je vous propose de procéder à une brève présentation liminaire, après quoi les sénateurs qui le souhaitent pourront vous poser des questions, à commencer par notre rapporteure Karine Daniel et la présidente de notre groupe d'études Sonia de La Provôté.
Mme Malika Séguineau, directrice générale d'Ekhoscènes. - Je vous remercie de nous donner à nouveau l'occasion d'échanger sur la situation des festivals.
Ekhoscènes est une organisation professionnelle et patronale du spectacle vivant privé. Première organisation représentative de ce champ, elle rassemble depuis le 1er janvier 2024 les acteurs de la musique, des musiques actuelles, du théâtre privé et des cabarets. Elle regroupe environ 500 producteurs de spectacles, diffuseurs installés en région, salles de concert - notamment le réseau des Zéniths -, salles privées, cabarets et théâtres, à Paris et en région.
S'agissant plus spécifiquement des festivals, Ekhoscènes représente 137 manifestations organisées sur tout le territoire par 99 entreprises adhérentes, dont le chiffre d'affaires cumulé s'élève à environ 830 millions d'euros.
Comme vous l'avez parfaitement rappelé, monsieur le président, les saisons des festivals se succèdent et mettent en exergue, année après année, les mêmes difficultés. Le constat d'une fragilisation globale des modèles économiques des festivals est désormais largement partagé. Nous progressons cependant dans la connaissance de la situation grâce aux études barométriques publiées chaque année, dont celle que vous évoquiez et qui sera prochainement actualisée avec le ministère de la culture, le Centre national de la musique (CNM), la contribution d'Ekhoscènes, de France Festivals et du SMA. Ses résultats seront rendus publics en octobre 2025.
Les tendances recueillies auprès de nos adhérents confirment ce que nous constatons depuis plusieurs années. Sur 105 retours, 83 % ont rencontré des difficultés financières lors de l'édition 2025, en dépit d'un remplissage plutôt positif, 48 % ont signalé des problèmes liés à la programmation artistique et 17 % ont subi des aléas climatiques. Sur la programmation artistique, les difficultés résultent également, et c'est sans doute la principale nouveauté, de pressions extérieures liées aux questions de liberté d'expression.
Les causes principales demeurent les mêmes et s'aggravent : les coûts augmentent de manière continue depuis cinq ans - salaires, matériels, prestations techniques, logistique, sécurité, assurance, restauration. Organiser une édition revient, comme on le dit, à « sortir une ville de terre » chaque année ! L'une des augmentations les plus significatives concerne le prix des contrats de cession des spectacles, notamment pour les têtes d'affiche, conséquence d'une hausse généralisée des cachets dans un écosystème international où les festivals se trouvent en bout de chaîne. Il est essentiel de souligner que les festivals ne sont qu'un maillon d'une tournée : une politique publique qui agirait uniquement sur ce dernier maillon pour réguler les cachets serait vouée à l'échec.
C'est un problème beaucoup plus global, qui mérite d'être analysé à l'échelle de la filière et non seulement du secteur du live. Depuis la crise du disque au début des années 2000, les pratiques et les revenus des artistes ont profondément évolué. Si la musique enregistrée a renoué avec sa croissance grâce aux abonnements sur les plateformes numériques, la grande majorité des artistes, français comme internationaux, n'ont jamais retrouvé le niveau de revenus antérieur à cette crise, à l'époque où les ventes de CD constituaient leur principale source de revenus.
Aujourd'hui, ils dépendent majoritairement du live, des tournées et donc des festivals, qui constituent un élément essentiel de leur équation économique, comme l'ont montré de multiples études publiées au niveau mondial par Goldman Sachs dès 2020. La situation des festivals doit donc être comprise dans le cadre plus large des tensions que subit le modèle de production en France, où les producteurs initiaux assurent l'existence même des dates de festival et favorisent la « découvrabilité » des artistes.
Les festivals adhérents d'Ekhoscènes sont très peu subventionnés et leurs recettes dépendent majoritairement de la billetterie. Si le public reste fidèle aux festivals, des études font apparaître la désaffection d'un certain public qui privilégie désormais des concerts en salle, en stade ou en aréna, afin d'être avec sa communauté et d'accéder au show intégral de son artiste. C'est ce que nous appelons un « signal faible », que nous analysons avec nos organisateurs de festivals : le public continue de venir, mais certaines évolutions doivent être prises en compte.
L'augmentation modérée des prix - de 4 % à 5 % pour le pass d'accès à un concert - ne compense pas la hausse des coûts, qui atteint 30 % à 40 %. C'est l'effet ciseaux : la courbe de dépenses augmente beaucoup plus vite que celle des recettes. À cela s'ajoutent la multiplication et la gravité croissante des aléas climatiques, qui fragilisent le modèle et soulèvent des interrogations sur la pérennité des festivals, ainsi qu'une forte incertitude sur la capacité à souscrire une assurance et sur les coûts associés.
Pour accompagner les festivals en cette période de tension, plusieurs leviers peuvent être actionnés par les pouvoirs publics.
Tout d'abord, le CNM dispose de recettes qui proviennent de la taxe sur la billetterie payée par les acteurs du spectacle vivant musical et de variétés. Or cette taxe, bien que croissante, reste plafonnée : l'an dernier, près de 5 millions d'euros ont été écrêtés au profit du budget général de l'État. Il s'agit d'une mesure illégitime et injuste, surtout lorsque l'on sait que d'autres établissements, comme le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), perçoivent des taxes équivalentes non plafonnées. Dans ce contexte, nous revendiquons le déplafonnement de cette taxe, a fortiori dans le contexte actuel de crise des festivals.
Nous dénonçons également le détournement des recettes issues de taxes sectorielles vers le budget général de l'État. À l'origine, cette surtaxe sur la billetterie avait été instaurée comme surtaxe par les professionnels et pour les professionnels.
Une attention particulière doit être portée au crédit d'impôt spectacle vivant (CISV), qui constitue un levier indirect, mais essentiel pour soutenir la production. Il permet aux producteurs de prendre des risques sur des artistes en développement, qui pourront ensuite se produire en festivals.
Par ailleurs, l'absorption de l'inflation des coûts, le réalignement avec les attentes des publics et le développement de nouveaux partenariats relèvent clairement de la stratégie économique et artistique des entreprises. Les pouvoirs publics ne doivent pas décider à leur place, mais il leur revient de fournir un cadre législatif et réglementaire adapté pour éviter des contraintes disproportionnées qui mettraient en péril les événements en plein air.
Je ne reviendrai pas en détail sur la problématique de la réglementation sonore : en dépit des réunions interministérielles, il semble difficile d'aboutir rapidement à une solution. Il est essentiel que l'édition 2026 des festivals ne se retrouve pas à nouveau sous l'épée de Damoclès...
La réglementation des ensembles démontables pose également un défi majeur. Ce texte extrêmement technique, issu d'un arrêté de juillet 2022, a été conçu sans concertation avec le secteur, qui en subit directement les effets. Nous participons au comité de suivi de ce texte au ministère de l'intérieur, mais il reste extrêmement difficile d'en faire évoluer les dispositions. Cette réglementation constitue une nouvelle contrainte qui pèse sur l'organisation des festivals.
M. Stéphane Krasniewski, président du Syndicat des musiques actuelles. - Je souhaite vous présenter les principaux enjeux pour nos adhérents au début de la saison 20252026 et à l'issue de la saison des festivals 2025.
Pour rappel, le SMA regroupe 600 entreprises oeuvrant dans le champ des musiques actuelles, et couvrant l'ensemble de la filière : salles, producteurs, festivals, labels phono, radios associatives, centres de formation, etc.
Je m'appuie sur la récente étude publiée par le CNM en juillet dernier, qui a analysé 107 festivals de musiques actuelles. Les chiffres y apparaissent plus alarmistes que ceux qui ont été diffusés initialement par le CNM : deux tiers des festivals affichant un taux de remplissage supérieur à 90 % sont en déficit, soit une augmentation de 26 points par rapport à l'année précédente. Deux conclusions s'imposent : le public est au rendez-vous, mais l'effet ciseaux que nous subissons depuis plusieurs années s'amplifie. Cette étude montre que, sur la période observée, les charges ont augmenté de 6 %, tandis que les recettes ne progressaient que de 4 %.
À ce contexte économique déjà tendu s'ajoutent des atteintes à la liberté de création et d'expression, ainsi qu'un cadre réglementaire faisant peser sur les organisateurs de nouvelles charges et un risque certain. C'est notamment le cas de la législation sonore, que nous contribuons à faire évoluer via des essais grandeur nature et une concertation continue. Ces travaux sont actuellement en discussion interministérielle, et nous espérons qu'ils porteront leurs fruits dès 2026.
Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les chiffres que nous présenterons à l'occasion du prochain MaMA, le marché des musiques actuelles, à la mi-octobre, devraient confirmer que cette dégradation s'est poursuivie en 2025. Comme une réponse à cette situation, la ministre de la culture a lancé voilà un an une concertation autour de la question des festivals. Cette concertation s'est achevée en juillet sur des propositions qui ne nous semblent pas à la hauteur des enjeux. Nous avions pourtant interpellé publiquement la ministre à l'issue de la concertation en juin, avant ses annonces, pour l'alerter sur les graves difficultés que traversent les structures. Vous pourrez trouver nos différentes pistes de travail sur le sujet dans le communiqué ad hoc qui date du 12 juin dernier.
La semaine prochaine, comme un aveu d'impuissance, le ministère de la culture nous proposera une nouvelle réunion sur l'observation des festivals. Nous sommes pour la concertation, mais l'urgence de la situation exige des actes et des moyens. Si cet effet ciseaux s'explique par des facteurs exogènes - révolution numérique et disque, changement climatique, contexte sécuritaire, crise énergétique -, il est accéléré par des phénomènes structurels dont les effets pourraient certainement être jugulés par une régulation adaptée. Ainsi, force est de constater que l'impact des grandes enceintes, tels que les stades et les arénas, est de plus en plus prégnant, sur les salles comme sur les festivals. Le risque d'un déséquilibre entre les territoires et d'un appauvrissement de l'offre est réel.
Du fait de leur précarité, les acteurs des musiques actuelles pourraient en être les premières victimes. À ce sujet, vous avez sans doute pris connaissance de l'étude sur les coupes budgétaires que nous avons publiée en avril dernier, mais aussi de la cartographie mettant en évidence le poids des dix principaux opérateurs dans la chaîne de valeur des musiques actuelles, publiée en mai 2025.
Dans ce contexte, le CNM est un outil précieux, dans la mesure où il assure une péréquation au sein du secteur. En effet, grâce à la collecte de deux taxes - sur la billetterie du spectacle et sur le streaming -, il assure une redistribution entre les structures de la filière, comme le CNC le fait pour le cinéma. Chez nos collègues du cinéma, la diffusion d'un blockbuster assure ainsi la création de futurs films « art et essai ». La billetterie des multiplex assure la diffusion du cinéma en milieu rural. Cette logique redistributive fonctionne à plein. Pourquoi ? Parce que le cinéma a la chance de bénéficier de taxes qui ne sont pas plafonnées.
Aussi, notre unique demande en vue du prochain projet de loi de finances (PLF) est que les taxes affectées au CNM soient, elles aussi, déplafonnées, afin que le secteur musical bénéficie de conditions aussi favorables que le cinéma. Même si les records de billetterie des concerts peuvent laisser penser que la filière est en bonne santé, la réalité est bien plus complexe et contrastée. Par conséquent, il est indispensable que, dès 2026, nous puissions obtenir ce déplafonnement, sans quoi une partie de la filière continuera à se précariser, au risque de réduire l'accès à la culture pour toutes et tous sur l'ensemble du territoire. Cette année encore, comme l'an dernier, nous savons malheureusement que le CNM devra reverser plusieurs millions d'euros à Bercy, puisque, sans aucun doute, les plafonds des deux taxes seront dépassés. Il y aura également un effet sur les aides sélectives de 2026, qui seront diminuées pour honorer le droit de tirage exigible.
Nous espérons pouvoir compter sur l'ensemble des parlementaires pour appuyer cette demande au nom de l'intérêt général.
Je souhaite aussi vous interpeller au sujet du Fonpeps, le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, dont les financements pour 2025 viennent à manquer, comme nous le craignions depuis le début de l'année. En effet, le besoin de financement s'élève à près de 55 millions d'euros, alors que le disponible n'est que de 32 millions d'euros pour cet exercice. La ministre de la culture s'est toujours montrée rassurante à ce sujet, nous garantissant que les moyens existaient pour financer ce dispositif. Le Fonpeps repose sur une logique de guichet : les sommes sont dues, mais de quelles lignes budgétaires vont-elles provenir ? Nous sommes particulièrement inquiets à ce sujet.
Pour terminer, je souhaite aussi attirer votre attention sur le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». En effet, année après année, ses crédits sont en baisse. Par ailleurs, dans les collectivités territoriales, les fonds dédiés à l'action culturelle font de plus en plus l'objet d'appels à projets. Mener à bien des projets d'éducation artistique et culturelle (EAC) nécessite ainsi de répondre à des dizaines d'appels à projets. Les chargés d'action culturelle passent finalement plus de temps à monter des dossiers administratifs qu'à mener des actions concrètes sur le terrain auprès de différents publics.
Mme Sylvie Hugues, présidente du réseau LUX. - Le réseau LUX est un jeune réseau très actif qui fédère 31 festivals et foires de photographie. Les festivals de photographie ont un modèle un peu différent de celui des festivals de musique et autres spectacles vivants. Ils constituent un levier de démocratisation culturelle et ont un rôle central dans la diffusion de la culture : 82 % des festivals de photographie sont gratuits, favorisant ainsi une large inclusion sociale. Chaque festival investit en moyenne huit lieux différents, souvent répartis sur un territoire étendu et 73 % des expositions ont lieu en plein air, garantissant ainsi une visibilité maximale et un accès élargi, au-delà des lieux culturels traditionnels.
Au-delà de la simple exposition, les festivals de photographie développent une offre dense de médiation et d'éducation artistique : 91 % d'entre eux organisent des actions de médiation, avec une moyenne de dix-huit initiatives par édition ; 74 % mènent des actions spécifiques à destination des scolaires, s'inscrivant pleinement dans les objectifs de l'EAC. La photographie, par sa nature accessible et son langage universel, est un médium particulièrement pertinent pour sensibiliser les jeunes publics et encourager la pratique amateur. Les festivals répondent à des objectifs de politique publique clairs. Pourtant, ce secteur est très fragile. Un tiers des festivals ne disposent d'aucun poste pérenne et fonctionnent essentiellement grâce à des contrats précaires et à l'engagement bénévole. Des données issues du département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture, le Deps, montrent que le montant moyen des aides des directions régionales des affaires culturelles (Drac) est de 26 000 euros. Certes, nos modèles économiques ne sont pas du niveau de ceux des festivals de musique : en médiane, nous sommes à 10 000 euros et la photographie représente 3,1 % des festivals aidés. Les crédits alloués à la photographie représentent 7,2 % des crédits consacrés à la culture, soit une part proche de celle du cirque, et 6,5 % des arts visuels, sachant que ces chiffres sont un peu faussés par les grands festivals que sont « Visa pour l'image » et « Rencontres d'Arles ».
Nous avons déjà connu une baisse inquiétante des subventions entre 2024 et 2025. Ces baisses proviennent principalement des régions et des Drac, surtout en Île-de-France, région très sollicitée actuellement, et dans les Pays de la Loire. Ainsi, un festival a vu sa subvention passer de 12 000 euros en 2024 à zéro euro en 2025, pour un budget de 50 000 euros. C'est terrible !
Nos recommandations sont les suivantes : remonter les aides aux festivals de photographie pour les aligner sur leur poids réel, soit au minimum 10 % des crédits dédiés aux arts visuels ; faire de la gratuité un critère d'éligibilité ou d'évaluation dans l'attribution des aides et subventions, en particulier dans les territoires où l'accès à la culture est plus limité ; renforcer la reconnaissance des festivals en zone rurale, ainsi que de ceux qui prennent des risques esthétiques dans les formes contemporaines ou émergentes ; mettre en place un fonds dédié à l'emploi culturel inspiré du Fonpeps permettant à chaque festival de disposer d'au moins un poste pérenne et stable ; intégrer pleinement les festivals de photographie dans les politiques d'EAC existantes.
L'éducation à l'image est un enjeu démocratique fondamental. À l'heure de la multiplication des images, souvent manipulées ou générées par l'intelligence artificielle (IA), former les jeunes à l'analyse critique des images devient indispensable. Cela permettrait également de diversifier les sources de financement. Enfin, et c'est très important, la photographie doit être mieux représentée dans les instances de régulation de l'IA. À ce jour, la photographie est absente des discussions entre les développeurs d'IA générative et les ayants droit culturels. C'est une faille majeure, alors que l'IA bouleverse profondément la création, l'économie et la valeur symbolique des images.
En conclusion, je dirai que les festivals de photographie, qui sont des acteurs culturels stratégiques, accessibles, territorialisés, engagés dans l'éducation, sont fragiles financièrement et désormais confrontés à des bouleversements technologiques majeurs. Ils méritent un accompagnement à la hauteur de leur impact culturel. Le réseau LUX recommande une reconnaissance accrue et une intégration renforcée des festivals de photographie dans les politiques publiques afin de soutenir et protéger la création et la diffusion photographiques, alors que nous nous apprêtons à célébrer le bicentenaire de ce médium que la France a donné au monde.
Mme Aurélie Foucher, directrice déléguée aux politiques culturelles et aux relations institutionnelles de Scène Ensemble. - Mesdames, messieurs les sénateurs, au nom des coprésidents de Scène Ensemble, Céline Portes et Vincent Roche Lecca, je vous remercie de cette nouvelle réunion qui nous permet de rappeler l'importance des festivals dans le paysage culturel.
Scène Ensemble représente 500 adhérents sur l'ensemble du territoire hexagonal et outre-mer, un peu moins d'une centaine de festivals, de musique majoritairement, mais aussi pluridisciplinaires, implantés en métropole, en territoire périurbain, en zone rurale, et de montagne.
L'érosion économique des festivals persiste et leur fragilité est désormais structurelle. L'agilité déployée par nos adhérents empêche un effondrement et une disparition des festivals sur les territoires, mais au prix d'un risque constant de rupture humaine, économique, mais aussi artistique.
Notre collège « festivals » nous fait remonter qu'il y a de plus en plus de difficultés à accueillir de grands formats, de grands plateaux. C'est une menace pour la diversité. Par ailleurs, il apparaît que les cotisations sociales ne sont pas toujours réglées et qu'un certain nombre de contentieux commencent à être lancés. Enfin, notre cellule juridique nous alerte sur un nombre croissant de ruptures conventionnelles, de licenciements économiques, voire, ce que nous ne cautionnons pas, de cas de non-remplacement d'emplois au profit de prestations. Cela doit vraiment nous inquiéter.
Nous sommes dans une période d'incertitude prolongée et j'ai la sensation un peu désagréable de devoir rappeler que nous arrivons à un point de rupture. Il s'agit de garantir un avenir aux festivals dans leurs dimensions les plus diverses. Notre propos n'est pas d'opposer les grands festivals aux petits, ou les festivals de photographie à ceux de musique. Nous voulons simplement un écosystème robuste pour la pérennité de tous nos festivals.
Qu'est-ce à dire ? Je résumerai nos souhaits en trois points.
Le premier, c'est de réinstaller un partenariat durable basé sur un triple pilier : la confiance, la stabilité et la visibilité. La confiance, c'est reconnaître la capacité des acteurs à faire leur travail sans interventionnisme extérieur. La stabilité, c'est offrir un cadre juridique et financier stable. Nous sommes depuis cinq ans dans des cadres qui bougent en permanence et qui nous fragilisent. Nous réclamons, de plus, une visibilité pluriannuelle sur les dispositifs de soutien. Je le répète, il est insupportable de répondre à dix appels à projets par an pour pouvoir assurer nos missions de service public.
Ensuite, nous demandons une révision des modes d'observation et d'évaluation des festivals. Aujourd'hui, l'évaluation est essentiellement quantitative, économique ; or un festival, c'est aussi une manière d'habiter un territoire autrement, c'est créer une communauté éphémère qui partage des choses et c'est un temps un peu suspendu. Et dans cet « extraordinaire » naissent des coopérations, des impacts territoriaux, de l'engagement, de la cohésion.
Par ailleurs, et c'est peut-être le point le plus important, il faut réarticuler une vision et un cadre d'actions qui soient partagés. Nous sommes à un moment charnière pour repenser la place de chacun : l'État, les collectivités territoriales, les professionnels. Dans notre édifice de politiques publiques, il n'y a aucun endroit où nous rencontrer et nous dire quelle est notre vision politique, pour discuter de la place et du rôle de chacun. Après, il est plus aisé d'aborder le volet budgétaire. Néanmoins, ce budget 2026 ne laisse de nous inquiéter.
Les festivals permettent de recréer de la proximité. À un moment où une partie de notre population se sent éloignée du service public et éprouve un sentiment d'isolement, sinon de relégation, notamment dans certains territoires périurbains et ruraux, les festivals sont porteurs de ces missions de service public et de cet engagement à être ensemble. Ce sont des catalyseurs de participation citoyenne, d'engagement, de partage, de démocratie. Et si nous ne prenons pas politiquement la mesure de cela, si nous ne sommes pas capables de poser un agenda politique et budgétaire avec des intentions partagées, d'autres se chargeront de le faire pour nous, avec des visées peut-être plus identitaires. Ils sont déjà là !
Mme Alexandra Bobes, directrice de France Festivals. - France Festivals est une fédération de festivals de musique et du spectacle vivant qui contribue de manière active, depuis soixante ans, à la réflexion sur les politiques publiques à destination des festivals. Nous organisons aussi des temps de réflexion, d'échanges et de coopération, comme SoFEST, le Forum national des festivals, qui a connu sa première édition cette année, et qui sera reconduit en 2026 dans une autre région.
Nous représentons des festivals d'intérêt général dans tous les territoires, des festivals de musique actuelle, de musique de patrimoine, de théâtre, de danse et pluridisciplinaires, avec des tailles et des modèles économiques très différents. Les budgets vont de 100 000 euros à plus de 25 millions d'euros. Il y a non pas de petits et de grands festivals, mais des festivals de différentes échelles, et tous contribuent à l'aménagement culturel du territoire. Ils sont sans aucun doute l'outil de décentralisation culturelle le plus important.
J'en viens aux tendances de 2025, même si nous ne disposons pas encore des données consolidées. Après une année 2024 très contrastée, la fréquentation continue de progresser, avec une moyenne de presque 90 % de taux de remplissage, chiffre très élevé. Certaines progressions sont spectaculaires, jusqu'à plus de 25 %. Le public est présent. C'est une bonne nouvelle pour la vitalité culturelle de notre pays.
En matière économique, les déficits en 2025 devraient être moins importants qu'en 2024. On passe de 49 % à 45 % pour les musiques actuelles et de 46 % à 30 % pour les autres disciplines. Ces résultats ont cependant un prix très élevé. Quand il n'y a pas de déficits, nous constatons une réduction de la marge artistique, moins de prise de risques, une programmation restreinte. Nous observons de manière systématique le non-remplacement des départs au sein des équipes, ce qui augmente la pression sur les personnels en poste, de fortes tensions sociales liées à l'absence de revalorisations salariales, tandis que les budgets sont en permanence sous tension ; la gestion des trésoreries devient impossible, les notifications d'aides étant bien trop tardives, voire négatives. Il faut toujours faire à l'économie, au détriment des conditions de travail comme de la qualité de la production.
La hausse des coûts s'est poursuivie en 2025. Au mieux, les recettes sont stables, souvent en baisse. Les coûts des postes techniques sécurité et VHR (voyage, hébergement et restauration) ont encore explosé - l'augmentation va de 10 % à 30 % -, tandis que les cachets artistiques sont toujours en hausse.
Concernant les recettes, 20 % des festivals ont subi des baisses de subventions, souvent des coupes brutales alors que les programmations étaient déjà élaborées. Souvent, une collectivité clef s'est retirée - région, département, etc. Les recettes de billetterie sont en hausse de 20 %, mais la moitié des festivals restent déficitaires ; de plus, les 10 % de festivals dont le mécénat diminue sont, eux, tous déficitaires. Souvent, comme les collectivités, un mécène peut se retirer au dernier moment. En 2025, les déficits sont très facilement explicables par l'un ou plusieurs des trois facteurs suivants : baisses des subventions, baisse du mécénat, événements climatiques.
Les festivals ont montré une résilience remarquable en 2025 et connu une fréquentation extraordinaire, mais tout cela s'est fait au prix d'un effort humain considérable qui n'est pas soutenable à long terme. Le modèle est sous tension et ne pourra se maintenir durablement sans un engagement fort et clair des pouvoirs publics.
Nous constatons, de manière générale, que la situation des festivals s'inscrit dans un phénomène de dégradation des politiques publiques de la culture.
Concernant la concertation sur l'avenir des festivals, nous saluons les travaux sur le décret Son et sur les structures démontables, mais nous attendons la traduction rapide et concrète des annonces, et surtout des moyens. Les festivals ne sauraient se contenter de promesses. Leur maillage est essentiel pour les territoires. Nous attendons un soutien tangible, à la hauteur des enjeux.
Pour le PLF, nous partageons le point de vue de nos collègues sur le déplafonnement de la taxe CNM ; nous souhaitons que le Fonpeps soit sécurisé, tout comme la part collective du pass Culture. Il nous faut être ambitieux : nous demandons une augmentation du fonds en faveur des festivals de 30 à 50 millions d'euros.
Nous ne pouvons parler d'un PLF sans interroger le projet de société qu'il sert : dans quelle société voulons-nous vivre ? Quelles valeurs voulons-nous défendre ? Quels droits fondamentaux voulons-nous garantir à nos concitoyens ? Or le contexte est lourd - inflation, instabilité économique et politique, fragilisation continue de la démocratie, entrave croissante à la liberté d'expression et de programmation. Dans un tel climat, le secteur culturel, qui devrait être un espace de respiration, de débat et d'ouverture est de plus en plus fragilisé. Le rôle du Parlement, notamment lors de l'examen du budget, est essentiel ; les festivals sont un outil de réparation de la société et de renforcement de la démocratie.
La question est simple : quelle est la politique culturelle partagée entre l'État et les collectivités territoriales ? Le principe de réalité nous oblige à prendre en compte les réalités budgétaires, mais aussi à être ambitieux et à rebâtir une politique culturelle forte et lisible, avec des moyens à la hauteur des enjeux. Un budget qui ne ferait pas de la culture un secteur essentiel, un budget qui manquerait encore une fois d'ambition, serait une erreur dans la période trouble que nous traversons.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des crédits de la création, de la transmission et de la démocratisation de la culture. - Nous partageons l'idée selon laquelle il faut définir des objectifs et une ambition pour la politique culturelle et politique dans laquelle s'inscrivent les festivals.
Le ministère a identifié certains leviers d'action à l'issue du cycle de concertations sur l'avenir des festivals. Dans son communiqué de presse, il dit avoir retenu votre demande « d'une adaptation des modalités de l'accompagnement apporté par l'État et d'un renforcement du dialogue avec les collectivités territoriales », annonçant l'inscription du sujet des festivals à l'ordre du jour d'un prochain Conseil national des territoires pour la culture (CNTC) et invitant les Drac à se saisir des conclusions de la concertation nationale dans le cadre des Conseils locaux des territoires pour la culture (CLTC). Que pensez-vous de cette méthode ? En cette rentrée, observez-vous d'ores et déjà une mobilisation des Drac sur ce dossier ? Sur le fond, l'adaptation que vous demandez ne passe-t-elle pas d'abord par une meilleure visibilité concernant les décisions d'attribution des subventions ? Les calendriers des subventions ne sont souvent pas en phase avec la réalité de l'organisation des festivals.
S'agissant de la question de l'inflation des coûts artistiques et de la concentration des budgets artistiques sur un nombre restreint d'artistes à forte notoriété, le ministère annonce un travail conjoint avec le CNM sur la rémunération des artistes et la promotion de la diversité artistique. Comment devraient, selon vous, évoluer les critères d'aides du CNM ? Ce travail de réflexion et de concertation fait-il déjà l'objet d'un calendrier, d'une feuille de route ?
Une autre annonce du ministère est la mise en place de conventions partenariales pass Culture avec des festivals dans les territoires. Les festivals n'ont évidemment pas attendu ces conventions pour s'adresser aux jeunes... Quel est l'état des lieux en matière de fréquentation par les jeunes ? Observez-vous des fractures territoriales - milieu urbain versus milieu rural ? Le pass Culture vous semble-t-il un bon outil pour attirer de nouveaux publics jeunes et les fidéliser ? Nous avons l'habitude de rappeler, au sein de cette commission, que le pass Culture est un outil, non une fin en soi.
J'évoquerai enfin le sujet de la liberté de création et de programmation, sur lequel notre commission avait alerté dans le cadre de son rapport d'information sur l'évaluation des dispositions de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dite LCAP. Comment jugez-vous la situation à ce jour ? Constatez-vous des améliorations depuis l'adoption, en novembre 2024, du plan ministériel en faveur de la liberté de la création ? Le guide juridique et pratique à destination des élus et des professionnels du secteur, publié en juillet dernier, vous satisfait-il ?
Mme Sonia de La Provôté, présidente du groupe d'études Arts de la scène, art de la rue et festivals en région. - Je souhaiterais revenir sur les contraintes réglementaires qui pèsent sur les festivals. Concernant le décret Son, pensez-vous qu'un cadre réglementaire réaliste sera trouvé avant l'échéance du 31 octobre, malgré les difficultés existantes pour les festivals en plein air ?
Une autre difficulté se pose à propos de la réglementation relative aux ensembles démontables. Où en est la discussion avec le ministère de l'intérieur ? Devons-nous réengager le même processus que pour le décret Son, ou des adaptations sont-elles d'ores et déjà envisageables ?
En matière d'adaptation de la filière au changement climatique, quels leviers ont été identifiés lors de la concertation ? Votre secteur parle-t-il d'une seule voix ? Avez-vous eu des précisions, en matière de contenu comme de calendrier, sur le plan d'actions annoncé par le ministère en juillet dernier ?
Avez-vous abordé, avec le ministère de la culture, le sujet du relèvement des plafonds des taxes billetterie et streaming collectées par le CNM ?
Enfin, les difficultés que vous avez pointées sont-elles territorialisées, des disciplines artistiques sont-elles particulièrement en difficulté ? Nous devons identifier les disciplines et les territoires à risques pour promouvoir une politique publique solide.
Mme Laurence Garnier. - Madame Foucher, vous avez évoqué le financement de la culture par des acteurs identitaires. Je souhaite vous interroger, de manière très factuelle, sur la polémique estivale concernant le label « Les plus belles fêtes de France », qui soutient des festivals sur tout le territoire métropolitain.
Ma question est sans malice, d'autant plus que je ne crois pas à un financement de la politique culturelle française exclusivement par des acteurs privés. J'ai été vice-présidente de la région Pays de la Loire chargée de la culture - j'ai entendu votre remarque sur la politique culturelle de cette région.
Je comprends les interrogations du monde culturel sur ces financements extérieurs aux partenaires publics et aux collectivités ; cependant, je reçois des témoignages des festivaliers qui m'indiquent n'avoir reçu aucune pression de la part de ce label concernant la programmation. Ma question est donc simple : avez-vous des témoignages précis sur des pressions exercées par ce label sur la programmation d'un festival ?
Mme Sylvie Robert. - Je rappelle l'attachement de tous les membres de la commission aux festivals. Nous vous auditionnons depuis plusieurs années, qui toutes apportent leur lot de fragilités supplémentaires. Le point de rupture semble approcher. Nous nous sommes élevés contre le plafonnement de la taxe CNM et mobilisés sur la question du crédit d'impôt. Nous le referons. Le danger est réel pour toute la filière.
Les festivals n'ont pas de visibilité pluriannuelle. Or cette vision pluriannuelle est nécessaire si nous voulons structurer une véritable politique culturelle.
J'aurai deux questions. Je ne souhaite pas rebondir sur les propos de Laurence Garnier, mais je souhaiterais évoquer les questions de censure et d'autocensure. Le rapport que j'ai produit avec Else Joseph et Monique de Marco a montré que les alertes étaient de plus en plus fréquentes. Cet été, une grande région a retiré sa subvention à un festival plébiscité et très important pour des raisons que je qualifie d'idéologiques. Avez-vous été informés, au cours de l'été, d'autres phénomènes de cette nature ?
Je rappelle qu'en 2020 le Conseil d'État a consacré la liberté de création et d'accès aux oeuvres comme étant une liberté fondamentale. Ce n'est donc pas un acte anodin, puisque la justice administrative l'encadre et peut apprécier le caractère disproportionné de la décision prise par une collectivité territoriale. Avez-vous reçu des remontées de ce type ? C'est la première fois que je constate un retrait global de la subvention pour une telle raison... Vous avez compris que je ne parle pas de la région Pays de la Loire.
Le cachet des artistes et les contrats de cession sont un vrai sujet. Cette évolution est-elle la conséquence de la concentration de rachats par des grands groupes, qui peuvent désormais bénéficier d'une forme de distorsion de concurrence entre les différents acteurs ? Observez-vous ce type de phénomène ? Dans le monde du théâtre, on voit des rachats de salles, des rachats d'événements. Cela vous inquiète-t-il, ou non ? Quels peuvent être les impacts de cette tendance ?
J'étais hier au Congrès de la Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCL), qui se tient à Deauville : le représentant du CNC a pointé le retrait des collectivités territoriales d'un certain nombre d'événements liés au monde de l'image, de façon générale. En tant qu'administratrice du CNC, je veillerai à ce que des décisions soient prises pour alerter sur cette évolution, à défaut de pouvoir la compenser. Dans le contexte économique actuel, le CNM peut faire preuve de la même vigilance et suivre de façon très fine, dans la dentelle territoriale, ces phénomènes et ces évolutions dans les mois à venir, à la faveur de la loi de finances et du vote des budgets des collectivités territoriales.
Mme Annick Billon. - À mon tour de réaffirmer devant vous, mesdames, messieurs, notre attachement aux festivals et à la culture dans les territoires.
Élue, comme Laurence Garnier, de la région Pays de la Loire, je citerai deux exemples. Je suis sénatrice de Vendée. Nous avons vu cette année l'arrêt d'un festival, « Les Arts par Nature », dirigé par Sylvie Saint-Cyr. Ce festival se déroulait dans une commune d'environ 1 800 habitants et accueillait près de 5 000 personnes. La part de la subvention de la région représentait 30 %. À la suite de la suppression de cette subvention, la directrice a décidé d'arrêter le festival, pour différentes raisons.
Ce que j'ai pu constater au cours des derniers mois, c'est qu'à partir du moment où une collectivité territoriale se retire, les autres collectivités territoriales se retirent également. Donc, il y a un risque, sur le long terme, de voir disparaître un certain nombre de festivals, notamment dans les territoires ruraux. Les principales subventions proviennent de la Drac, du département, de la région, de l'intercommunalité, parfois de la commune. Il existe donc un risque réel pour l'ensemble des festivals, aujourd'hui, dans nos départements.
Pouvez-vous nous confirmer que, lorsqu'une région se désengage, le département, l'intercommunalité suivent ? Est-ce une réalité ? Dans le contexte actuel d'économies, quelles solutions proposez-vous ?
J'oppose à cela un deuxième exemple : le festival « Les Arts Florissants », consacré à la musique baroque, créé par William Christie, à Thiré, une minuscule commune de moins de 600 habitants, qui attire 10 000 personnes chaque année. Ce festival est exposé aux aléas climatiques, mais, jusqu'à présent, il tient bon. En réalité, il ne repose que sur la personnalité et le mécénat de William Christie.
Compte tenu du contexte actuel d'économies recherchées partout et de la préparation budgétaire, pensez-vous qu'il faille faciliter le mécénat, notamment par de nouvelles règles fiscales ? La question avait d'ailleurs déjà été posée par ma collègue Laurence Garnier, en particulier sur le label, le sujet du pluralisme et celui de la liberté d'expression.
Je constate que certains médias n'assurent plus la liberté d'expression ni le pluralisme des opinions. Cette tendance va-t-elle se propager aux festivals ?
M. Pierre Ouzoulias. - Pour ma part, j'ai passé trois jours à la Fête de l'Humanité : 680 000 visiteurs. C'est à la fois une fête et un festival qui affirme son projet politique. Je trouve cela sain.
Si d'autres, à droite, font la même chose, cela ne me pose aucun problème. Mais qu'ils l'assument aussi, et qu'ils ne nous disent pas qu'ils agissent dans la neutralité, la bienveillance et un soutien sans aucune visée idéologique. Les choses seront alors plus claires.
Le bilan que vous dressez est très préoccupant, très inquiétant même. Ce qui est terrible, c'est que le public est là, mais que, structurellement, les festivals sont désormais déficitaires. Autrement dit, il ne peut plus y avoir de festivals sans aides publiques, indispensables pour faire face aux difficultés financières que vous avez mentionnées. C'est un problème majeur.
Concernant le déplafonnement de la taxe, personnellement, je considère que le fonctionnement de la culture en France, fondé sur des agences financées par des taxes affectées, a montré ses limites et son extrême fragilité. Il est en effet très facile, pour démanteler des politiques publiques, de plafonner, voire de supprimer ces taxes affectées. C'est donc une réflexion générale qu'il faut mener.
J'ai été très préoccupé par ce que vous nous avez dit. On sent qu'il existe une forme de développement horizontal, mené par de grands groupes mondialisés, qui vont chercher partout les ressources là où elles se trouvent. On voit bien qu'il pourrait bientôt exister un modèle de festivals organisés par ces grands groupes, avec leurs propres artistes, une sorte de système mondialisé où l'on vendrait les mêmes spectacles au fin fond de la France comme en Chine, sans véritable différence. Et, à côté, subsisteraient les festivals que vous défendez, mais qui ne pourraient vivre que grâce à l'argent public. Je trouve cela très inquiétant.
J'ai également été très surpris par ce que vous nous avez dit sur le passage au numérique. Vous avez expliqué qu'il y avait eu une perte de ressources non compensée, et que seuls les artistes du haut du panier s'en étaient sortis, alors qu'il y a eu un appauvrissement général de toute la profession après le numérique. Comme nous vivons actuellement une nouvelle révolution numérique avec l'IA, je suppose que ce processus va encore s'accélérer.
Donc, bien évidemment, déplafonner la taxe me paraît tout à fait essentiel. Mais il faut aussi, à un moment donné, s'attaquer aux causes économiques de l'appauvrissement général du secteur au profit de quelques grands groupes qui, aujourd'hui, tirent parti de toute la révolution numérique.
Mme Monique de Marco. - Sénatrice de la Gironde, j'ai dressé un état des lieux des festivals à l'issue de cette saison : tous sont effectivement déficitaires et rencontrent des difficultés. Vous avez évoqué, dans votre présentation, les festivals en général. En interrogeant certains festivals plus modestes, avec un public plus local, il semble qu'ils résistent davantage. Est-ce le cas ? Bien sûr, ils restent exposés, peut-être plus encore que les autres, aux aléas financiers, climatiques ou logistiques. Vous avez parlé du mécénat d'entreprise. Certains organisateurs m'ont indiqué qu'ils se tournaient désormais vers des mécènes pour financer leurs festivals. Avez-vous des chiffres permettant d'évaluer, en pourcentage d'un budget, la part représentée par ce mécénat, qui fait parfois polémique ?
M. Jean-Gérard Paumier. - Plusieurs intervenants ont pointé la multiplication des appels à projets et le travail administratif lourd que cela demande, l'incertitude qui s'y attache et la vision ponctuelle et hachée des politiques que cette pratique induit. Cette approche n'est pas limitée au secteur culturel : les collectivités territoriales sont confrontées à cette pratique croissante de nombreux ministères, ce qui ne favorise pas la confiance, la stabilité et la visibilité évoquées par Mme Foucher. Dans la culture, si les appels à projets peuvent se justifier, à mon avis, pour de grands dossiers, je pense qu'il nous faut lutter ensemble contre cette dérive qui fragilise les acteurs culturels, notamment les plus petits. Par ailleurs, je souhaiterais connaître les interrogations que suscitent chez nos interlocuteurs certains problèmes de sécurité rencontrés par des festivals, comme celui d'Aurillac, car cela peut peser sur leur avenir.
Mme Else Joseph. - Je suis sénatrice des Ardennes, un département où se sont déroulés, et se déroulent encore, les deux plus importants festivals de la région Grand Est.
Je commencerai par celui qui concerne les musiques actuelles, « le Cabaret Vert », qui repose sur un modèle économique un peu particulier. De mémoire, il fonctionne à 75 % grâce au mécénat. Reste toutefois une interrogation, que Sylvie Robert et Pierre Ouzoulias ont soulevée, concernant la pression exercée par les majors de l'industrie musicale. Aujourd'hui, elles sollicitent fortement ce type de festivals, ce qui fait peser sur eux le risque de perdre leur identité. Or ce festival est un véritable modèle écoresponsable, qui promeut le territoire, un outil de marketing territorial valorisant des produits provenant de moins de 100 ou 150 kilomètres. La crainte est donc réelle. Ma question est la suivante : comment pérenniser et préserver l'indépendance de nos festivals, sachant qu'ils reposent sur un modèle économique particulier ? La région investit beaucoup, le département également, mais, vous l'avez compris, ce n'est pas l'essentiel du financement du festival.
La deuxième manifestation, c'est le « Festival mondial des théâtres de marionnettes », que je vous invite d'ailleurs à venir découvrir, puisqu'il est en cours jusqu'au week-end prochain. C'est un festival qui propose plus de 80 spectacles en salles, mais aussi un festival de rue. Ici, le sujet est un peu différent : il ne correspond pas forcément à l'inquiétude exprimée par les organisateurs, mais il s'agit d'une question importante, celle des bénévoles. Ce festival existe depuis 1961, il a lieu tous les deux ans, et il repose également sur des bénévoles qui accueillent les troupes et participent à l'organisation dans la ville. Or, comme un peu partout, on constate le vieillissement de ces bénévoles et une moindre implication des nouvelles générations. Je voudrais donc avoir votre avis sur ce point : comment rendre à nouveau le bénévolat attractif, afin de garantir la pérennité de ces festivals ?
M. Jacques Grosperrin. - Merci pour cet état des lieux sur la situation des festivals. Je voudrais évoquer Besançon, où se tient en ce moment le « Festival international de musique » ainsi que le concours des jeunes chefs d'orchestre. Ces événements continuent, et les collectivités territoriales y sont très impliquées.
J'aurai deux questions, qui ont déjà été abordées, mais sur lesquelles je souhaiterais obtenir des compléments. D'abord, on comprend les prétentions financières de certains artistes, qui peuvent se justifier compte tenu de leur réputation. On comprend également que les organisateurs ne souhaitent pas réduire leurs cachets artistiques, car cela impliquerait de faire des compromis sur la programmation. Ma première question est donc la suivante : avez-vous réellement des leviers d'action pour coopérer avec les différentes parties prenantes, afin de contenir l'augmentation des cachets et d'éviter qu'un cloisonnement social et une diversité artistique limitée ne s'installent ?
Ma seconde question concerne le financement. On sent bien que vous souhaitez que le maintien des financements publics alloués aux festivals figure dans la prochaine loi de finances, afin d'équilibrer ces contraintes. Disposez-vous de chiffres précis sur la participation des mécènes et des partenaires extérieurs au budget des festivals ? Selon vous, cette participation ne constitue-t-elle pas une opportunité financière pour les festivals, afin de réduire leur dépendance au financement public ?
Mme Malika Séguineau. - Ce qui a été dit sur l'envolée des cachets et sur les groupes présents dans le secteur du live renvoie à ce que j'ai essayé d'évoquer tout à l'heure : il faut vraiment réussir à prendre du recul sur le sujet. On parle beaucoup des festivals, mais le festival n'est qu'un élément d'un écosystème plus large, à la fois national et mondialisé, dans un secteur ultra-concurrentiel où celui qui décide, c'est l'artiste, ainsi que son management et son entourage.
Tout cela est aussi lié à une économie de la musique qui s'est profondément transformée depuis vingt-cinq ans. Je ne vais pas vous refaire l'histoire, vous la connaissez sans doute mieux que moi : il y a vingt-cinq ans, l'acteur tout-puissant, c'était la maison de disques, avec des chiffres d'affaires colossaux, alors que le live était globalement peu visible, balbutiant, avec peu de tournées et peu de festivals. Tout a changé quand le disque a connu sa crise, avec l'arrivée des plateformes gratuites, puis la mise en place d'abonnements payants, et, peu à peu, le retour de la croissance pour le secteur de la musique enregistrée. C'est positif, car ces deux secteurs sont interdépendants : pour que la musique se porte bien, il faut que l'enregistré et le live se portent bien.
Mais on n'a absolument pas réinterrogé la composition des revenus des artistes. Résultat : aujourd'hui, on constate une tension extrêmement forte sur le modèle de la production, qui doit multiplier les dates, les tournées, avec des spectacles de plus en plus gigantesques. Ce n'est pas que nous soyons ravis de proposer des « super shows », mais ce sont les artistes, leur entourage et le public qui les réclament. Tout cela survient au moment même où l'on nous demande de lancer la transformation écologique du secteur : il y a là de nombreuses injonctions contradictoires.
Nous faisons donc face à des chantiers majeurs, dans un secteur qui a explosé en croissance en moins de vingt ans, mais où, je tiens à le rappeler, plus de 85 % des structures sont des petites entreprises, des PME. Essayons donc de dézoomer du seul sujet des festivals, et reposons le problème plus largement.
Et à ceux qui estiment que le CNM n'a plus beaucoup d'intérêt, nous, acteurs du spectacle vivant privé, répondons que nous y sommes très attachés, sans doute parce que c'est notre histoire. Il y a près de cinquante ans, un fonds de soutien a été créé grâce à une taxe sur la billetterie des spectacles, pour soutenir des projets fragiles et mettre en place un mécanisme de solidarité. Ce n'était pas une invention : le CNC l'avait fait bien avant nous. Pour nous, ce modèle reste indispensable et nous continuerons à le défendre.
Ce modèle a d'ailleurs permis au live de ne pas connaître la même situation que la musique enregistrée lors de sa crise. Il n'y a pas trois majors qui dominent tout : il existe encore une multitude d'acteurs très diversifiés. Oui, il y a de grands groupes, mais il y a aussi énormément d'entreprises indépendantes qui continuent à se battre pour développer des artistes et lancer des festivals. Tout cela est rendu possible grâce au crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants musicaux ou de variétés, dit crédit d'impôt spectacle, tourné principalement vers la production indépendante et, grâce au CNM, financé par une taxe dont le produit a beaucoup augmenté : 35 millions d'euros en 2019, et peut-être 58 millions en 2025, grâce notamment aux grands concerts.
N'oublions donc pas que ce modèle est interdépendant : si les grands concerts existent, il y a des recettes fiscales importantes, qui alimentent des dispositifs de soutien aux projets plus fragiles. C'est pourquoi nous considérons comme totalement illégitime que cette taxe, payée par les professionnels pour soutenir ces projets, soit plafonnée et que, chaque année désormais, l'État en détourne une partie vers le budget général. Cela n'a aucun fondement et va à l'encontre de ce que l'on nous demande de faire : accompagner les transformations sociales, écologiques et économiques, et faire en sorte que, dans dix ans, ce secteur ne soit pas dominé par une paire de majors.
Il existe effectivement des phénomènes de rachats et de constitution de groupes, comme on en observe dans l'ensemble des secteurs économiques. La particularité d'Ekhoscènes réside dans l'ampleur de son champ d'observation, qui s'étend de la très petite entreprise disposant d'un salarié permanent à la multinationale américaine. Nous avons ainsi une vision d'ensemble de la filière.
Nous sommes aujourd'hui extrêmement préoccupés par l'évolution du live. Les chiffres affichés paraissent impressionnants, mais ils reposent sur un équilibre d'une grande fragilité : pour la majorité de nos entreprises, les marges demeurent négatives. Certes, certains cachets atteignent des montants considérables, mais cela ne signifie pas que les producteurs de spectacles s'en mettent « plein les poches ». Le festival ne constitue qu'un élément de cet écosystème global.
Depuis des années, nous demandons que le CNM s'attache à analyser l'économie du spectacle live. Les résultats de cette étude devraient être publiés au début de l'année prochaine. Ce travail revêt pour nous un caractère essentiel. Il faudrait également que le CNM s'empare de la question de la composition du revenu des artistes. Je sais que l'ensemble des acteurs de la filière musicale n'y est pas favorable, mais il est temps de poser les choses clairement. Il n'est plus acceptable d'affirmer que le secteur du live ne parvient pas à réguler les cachets ou que les producteurs sont incapables de négocier avec les artistes. Je puis vous assurer qu'il s'agit d'un secteur ultra concurrentiel : refuser les conditions d'un artiste ou d'un groupe signifie le voir partir ailleurs.
La perte d'un artiste, même s'il n'est pas majeur, fragilise l'équilibre économique d'un producteur. Nos modèles reposent sur l'accompagnement d'artistes en développement, qui commencent à remplir des salles de jauge importante. Notre objectif ne se limite pas aux artistes capables de remplir des stades.
Je souhaite également revenir sur ce qui s'est passé cet été autour des questions de censure et de liberté de programmation, qui nous préoccupent particulièrement. Nous avions déjà alerté, l'année dernière, sur les difficultés rencontrées par certaines tournées théâtrales en région, certains sujets n'étant pas considérés comme acceptables. Nous recevons de plus en plus de témoignages concernant des programmations refusées, et donc censurées. Nous avons été informés, cet été, d'un cas dans une région voisine. Face à cela, nous avons mis en place un comité de pilotage, composé d'élus, qui s'est saisi de cette problématique.
Il convient de rappeler que la liberté de programmation et la liberté d'expression sont encadrées par la loi. Porter atteinte à ces principes revient à porter atteinte à la liberté d'entreprendre. C'est un sujet majeur, qui prend aujourd'hui une ampleur croissante. Il ne s'agit pas ici de polarisation politique : nous nous contentons de constater les faits. Nous voulons simplement continuer à programmer des artistes, car, au-delà, c'est la liberté de création ellemême qui se trouve menacée.
M. Stéphane Krasniewski. - Je m'exprime ici en tant que directeur de festival. Ce n'est pas un effet d'optique : les festivals traversent bel et bien une crise profonde. J'ai organisé cet été la trentième édition du festival « Les Suds », à Arles. Nous n'avions jamais connu une telle fréquentation, avec un taux de remplissage supérieur à 95 %. Le public nous plébiscite, la programmation ne repose pas sur des têtes d'affiche aux cachets à six zéros... et pourtant, nous allons perdre de l'argent.
Quelles solutions s'offrent à nous ? Deux options principales se dessinent. La première consiste à agir sur les dépenses, c'est-à-dire à faire des choix artistiques plus risqués, quitte à réduire nos recettes, car le public attend malgré tout des têtes d'affiche. La seconde repose sur le développement de nouvelles recettes.
Réduire les charges signifie souvent supprimer une scène, une journée de programmation ou même une édition entière. C'est la voie choisie par certaines manifestations : ainsi, le festival « Au Foin De La Rue », en Mayenne, se tiendra désormais tous les deux ans. D'autres, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, ont décidé de réduire leur durée ou leur nombre de scènes.
L'autre voie consiste à augmenter les recettes. Or nous ne pouvons plus compter sur les collectivités, qui traversent elles-mêmes une crise. Quant aux recettes propres, elles atteignent leurs limites. Nous tentons d'agir sur la billetterie, mais si nous voulons maintenir l'accessibilité des spectacles, l'exercice devient extrêmement difficile. Ce critère de prix constitue d'ailleurs un élément de différenciation face à l'offre privée - dans les arénas ou les stades -, où la question tarifaire ne se pose pas dans les mêmes termes.
Dans ce contexte, les festivals vont évoluer. Certains opteront pour une concentration verticale, en intégrant une agence de booking, la production et l'ensemble de la chaîne de valeur. D'autres privilégieront un développement horizontal, en multipliant les actions de diffusion tout au long de l'année sur l'ensemble du territoire. Ce sont là les principaux leviers dont nous disposons pour affronter cette crise.
Malgré ces efforts, les situations critiques se multiplient. Ainsi, à Lyon, le festival « Woodstower » a récemment annoncé sa liquidation. Nous faisons preuve de résilience et de robustesse, mais nous peinons à résister à la profonde transformation de l'environnement économique des festivals.
La hausse des cachets des têtes d'affiche soulève de réelles interrogations. Pour rejoindre ce qu'a dit Mme Séguineau, il n'entre probablement pas dans notre compétence de la réguler. Nous faisons face à une concurrence internationale, mais aussi à une concurrence entre opérateurs, entre régions et entre élus locaux, qui souhaitent attirer tel ou tel artiste sur leur territoire pour forger l'identité ou l'image de leur commune, de leur département ou de leur région.
La réflexion menée par le CNM sur la régulation des cachets est intéressante en ce qu'elle ne propose pas un écrêtement. Le soutien public du CNM n'est pas conditionné au respect d'un plafond, ce qui serait inopérant, mais il s'agit de travailler sur les écarts moyens. C'est un levier intéressant, car l'un des effets pervers de l'inflation des cachets réside dans l'impact direct sur les artistes intermédiaires. Nous constatons que l'écart se creuse ; nous attendons une étude du CNM sur ce sujet. Alors que jusqu'en 2017-2018 quatre artistes représentant 20 % de la programmation captaient environ 40 % du budget artistique, ils en absorbent aujourd'hui 60 % à 70 %. La marge artistique se réduit donc considérablement, au détriment de la diversité artistique et de l'« effet d'ascenseur » que les festivals devraient jouer.
S'agissant de la concertation sur les festivals et des questions relatives au CNTC et aux CLTC, les Drac ne disposent, à ma connaissance, d'aucune lettre de cadrage pour 2026. Autant dire que la priorité donnée aux festivals est loin d'être acquise. Je partage pleinement l'idée selon laquelle nous avons besoin d'une visibilité pluriannuelle.
Le mécénat, pour sa part, ne constitue pas une solution universelle. D'autres modalités pourraient être envisagées, à l'image de ce qui a été fait pour certaines candidatures au titre du dispositif « Capitale européenne de la culture » : une association y collectait les fonds de mécénat à l'échelle du territoire, puis les redistribuait via des appels à projets. Ces appels, souvent contraignants, pourraient ici contribuer à réduire les inégalités territoriales.
Ces inégalités sont en effet exacerbées par le mécénat. Elles dépendent du territoire et de la concurrence locale. À Arles, les « Rencontres de la photographie » disposent d'un pouvoir d'attraction bien supérieur au nôtre. Si cette concurrence n'existait pas, nous aurions sans doute accès à d'autres financements. Dans la musique actuelle, mieux vaut programmer Juliette Armanet que Seu Jorge si l'on veut attirer du mécénat.
S'agissant du bénévolat, nous n'avons pas constaté de crise dans nos organisations. Cela étant, il ne saurait constituer une solution miracle, tant s'en faut.
La concentration, en revanche, nous inquiète profondément. Elle accélère les inégalités existantes et fragilise fortement le secteur indépendant des festivals. L'arrivée d'opérateurs exogènes, parfois animés par une logique de conquête, sur un marché déjà affaibli, crée des distorsions de concurrence, alimente une bulle spéculative et risque d'entraîner une homogénéisation, voire une métropolisation de l'offre culturelle.
Le pass Culture, de son côté, n'a pas contribué à réguler l'offre sur l'ensemble du territoire. Il a même produit, selon nous, un effet d'aubaine qui renforce les disparités territoriales. Certaines régions sont plus touchées que d'autres. Dans les Pays de la Loire, par exemple, l'impact des coupes budgétaires est considérable. À l'échelle nationale, les collectivités locales ont réduit leurs dépenses culturelles de 67 millions d'euros en 2025. Cette coupe, massive, doit être réévaluée, car l'étude réalisée avec le SMA en début d'année l'a été avant l'adoption de tous les budgets. Le montant réel est probablement supérieur. L'impact ne se limite pas aux territoires concernés : il existe des effets indirects et différés sur l'ensemble de la filière. Ainsi, un producteur basé à Arles réalisait 30 % de son chiffre d'affaires avec des structures des Pays de la Loire.
Concernant la loi LCAP, les alertes se multiplient. Les atteintes à la liberté d'expression et de création se font de plus en plus nombreuses, ce qui est extrêmement préoccupant. La nomination d'une haute fonctionnaire chargée de ce domaine constitue une avancée. En revanche, s'agissant du guide destiné aux collectivités, force est de constater que tous ne l'ont pas lu.
Mme Aurélie Foucher. - S'agissant du pass Culture, la part individuelle ne nous est d'aucune utilité dans la bataille de l'attractivité des propositions culturelles. Sur ce que j'appelle le « Tinder de la culture », nous sommes les grands perdants. Cette part individuelle nous concerne très peu, car nous sommes sur des structures dont les politiques tarifaires sont particulièrement attractives. Son absence d'efficacité, pour nos adhérents, tient donc aussi à cet état de fait.
En revanche, la part collective peut représenter jusqu'à 10 % de la billetterie de certaines de nos scènes conventionnées. Ce n'est pas anodin. Elle constitue aujourd'hui l'un des principaux leviers de financement de l'EAC, même si la concentration des moyens sur cette part demeure insuffisante. Une étude menée avec un collectif de professionnels de l'EAC a montré son impact considérable : près de 800 projets n'ont pu voir le jour.
Nous avons donc accueilli avec un soulagement relatif le réenclenchement, à partir du 1er octobre, des 15,2 millions d'euros de financement dédiés à la part collective. Mais ce financement intervient trop tard pour les festivals organisés en septembre, qui se trouvent dès lors dans l'incapacité de mener des actions en lien avec les établissements scolaires.
Selon nos remontées de terrain, la prise en charge par élève est passée de 25 euros à 2,5 ou à 3 euros. Je citerai un exemple concret : le collège d'Étain, dans la Meuse, n'a bénéficié que de 1 400 euros, ce qui correspond à une seule sortie annuelle pour ses élèves.
Nous échangeons avec le cabinet de Mme Élisabeth Borne sur ce sujet depuis le printemps. Il nous a été indiqué qu'un plancher de 400 euros par établissement serait instauré. Nous sommes profondément attachés à une politique d'EAC ambitieuse, et la part collective du pass Culture représente un levier essentiel. Il faut toutefois revoir certains éléments, notamment en matière de priorisation territoriale, de typologie de projets et d'actions. Nous pourrons y travailler. Mais, à ce stade, ces 15,2 millions d'euros risquent d'être déjà intégralement consommés, puisque les projets sont pré-réservables depuis la semaine dernière. Et nous n'avons, à ce jour, aucune visibilité sur l'année 2026.
Dans ces conditions, il est impossible de prévoir des actions dans les établissements scolaires sur une année complète.
S'agissant de la censure et de l'autocensure, nous observons qu'elles concernent davantage les saisons culturelles que les saisons festivalières. Elles se traduisent souvent par des difficultés dans la relation avec certains élus locaux. De nombreux théâtres de ville ou scènes municipales, parfois en régie directe, se trouvent confrontés à ce type de pressions.
Nous travaillons avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) sur la création d'un véritable cadre d'emploi pour les directions de lieux culturels, qui n'existe pas actuellement dans la fonction publique. Une telle évolution offrirait une meilleure protection de la liberté de programmation et de création, à l'instar de ce qui a été mis en place pour les bibliothèques.
Nous sommes satisfaits de la nomination d'une haute fonctionnaire chargée de la liberté de création. Il est toutefois trop tôt pour mesurer les effets concrets de cette nomination. Par ailleurs, cette personne ne saurait, à elle seule, porter l'ensemble de cet enjeu.
Nombre de nos adhérents oeuvrent dans le domaine de la musique classique. Certains festivals, que vous venez de citer, rencontrent des difficultés lorsqu'ils se déroulent dans des lieux de culte : les affectataires interviennent parfois avec insistance sur le choix des répertoires, estimant que certaines oeuvres ne sont pas assez sacrées pour être présentées dans ces espaces.
En matière de financement privé, et notamment de mécénat, nos acteurs ne sont pas égaux. Il est plus aisé de lever des fonds lorsque l'on s'appelle William Christie ou que l'on représente le Centre de musique baroque de Versailles que lorsque l'on dirige un ensemble de création contemporaine basé à Marseille. Dans le jazz ou la musique contemporaine, l'exercice s'avère particulièrement complexe. Je suis persuadé que les acteurs du théâtre de marionnettes tiendraient le même discours.
Le mécénat reste donc un levier relatif. Les grands ensembles de musique classique tirent en moyenne 10 % de leur budget de ce type de financement. C'est loin d'être négligeable, mais cela ne concerne qu'une partie des acteurs, principalement ceux spécialisés dans les musiques de patrimoine, pour des raisons historiques.
Il existe de très grands mécènes dans le domaine musical, et nous nous en réjouissons. Si leur soutien venait à s'interrompre, la question de la soutenabilité de nombreux projets se poserait de façon aiguë.
Pour répondre à l'interrogation de Mme la sénatrice Garnier, aucun de nos adhérents ne nous a signalé avoir été sollicité au sujet du label qu'elle a cité. Il est toutefois possible que cela soit arrivé sans que nous en ayons été informés.
Nous constatons, en revanche, un certain tiraillement éthique chez certaines structures. Celles-ci se retrouvent confrontées à des appels à projets portés par des fondations au service du bien commun, derrière lesquelles peuvent se dissimuler des projets politiques. Le risque est réel : lorsqu'un projet d'EAC portant sur des territoires avec des collèges situés en réseau d'éducation prioritaire (REP+) ne peut être mené faute de financement, nous devenons vulnérables à des propositions qui ne sont pas neutres. Il nous faut alors refuser ces financements, car nos projets, porteurs de principes et de valeurs, ne doivent être ni politisés ni instrumentalisés.
Comment faire face à cette situation, alors que certains de ces grands acteurs investissent massivement dans les domaines touchant au patrimoine, étroitement lié au secteur que je représente, lequel comprend, par exemple, l'ensemble des Centres culturels de rencontre ? De ce point de vue, le patrimoine constitue un élément de fragilité en raison du risque de récupération identitaire. Pour autant, il ne s'agit pas de distinguer entre de l'argent de droite et de l'argent de gauche, mais de l'évaluer au regard des valeurs que nous portons. Qu'implique l'acceptation d'un financement privé qui est, en réalité, sous-tendu par un projet politique ? Notre fragilité structurelle rend ces interrogations particulièrement prégnantes. Nous parvenons encore à les esquiver, mais à terme, certains projets finiront par s'arrêter faute de financement, lorsque leurs directions se refuseront à solliciter ces fonds. Même s'il existe une différence de projet entre les festivals et les fêtes de village, une grande partie des acteurs que je représente, notamment dans leur dimension patrimoniale, demeurent vulnérables à ce phénomène.
Mme Alexandra Bobes. - J'apporterai quelques précisions sur le mécénat. Parmi nos adhérents, sa part dans les budgets varie de 0 % à 30 %, avec une grande différence entre les grands festivals, au rayonnement international, et les plus petits. Cela ne signifie pas que ces derniers en soient dépourvus : ils bénéficient de ce que nous nommons des « constellations de mécénat ». Nous distinguons ainsi les grands mécénats du mécénat de proximité.
Le dispositif encadrant le mécénat de proximité mériterait d'être amélioré, car ce dernier concerne l'ensemble du tissu économique local - producteurs, commerces - qui gravite autour des festivals de petite et moyenne taille. Toutefois, cette solution n'est pas entièrement fiable : notre bilan révèle que 10 % des festivals ayant subi une baisse de mécénat sont aujourd'hui en déficit. Cette situation résulte parfois d'un simple changement de présidence au sein d'une entreprise mécène. Nous ne disposons donc pas de la « stabilité visibilitaire » espérée, en dépit d'une relative permanence dans le secteur des festivals.
Concernant le pass Culture, je rejoins l'analyse d'Aurélie Foucher, en y apportant une nuance : dans les festivals de musique actuelle, la part individuelle est bien mobilisée. Les chiffres ne sont pas astronomiques, mais son usage est réel, notamment pour des soirées dédiées aux jeunes. On commence ainsi à programmer spécifiquement pour les détenteurs de ce pass, ce qui présente des avantages comme des inconvénients.
Enfin, s'agissant du risque encouru par les festivals, les structures de petite et moyenne taille en milieu rural ne nous semblent pas être les plus en danger. Nous n'y observons pas de déficits particuliers, qui affectent davantage les grands festivals.
Mme Sylvie Hugues. - Bien que la photographie soit très appréciée du public, qui adore voir des expositions, les photographes ont connu en vingt-cinq ans une baisse de revenus considérable, en partie due au numérique. Nos festivals ont, dans une certaine mesure, compensé la perte des revenus issus de la presse, qui rémunère de moins en moins les photographes en droits d'auteur.
Le réseau LUX s'est constitué autour d'une charte de valeurs : tous nos membres s'engagent à payer les droits d'auteur, à faire preuve d'écoresponsabilité et de bienveillance envers les équipes et les bénévoles, sur lesquels nos festivals reposent largement, et qui sont de plus en plus âgés.
Ces deux dernières années, trois festivals de photographie ont fermé leurs portes, comme les « Promenades photographiques » de Blois l'an dernier, pour diverses raisons, parmi lesquelles la difficulté croissante à constituer des dossiers pour obtenir des subventions, lesquelles, lorsqu'elles sont accordées, arrivent souvent en retard. Entre 2024 et 2025, nous avons constaté une baisse globale de 178 000 euros de subventions, dont 97 000 euros sur les financements issus des régions et des Drac, manifestés soit par des refus purs et simples, soit par des retards de versement.
Les expériences de nos membres sont édifiantes : le festival « PhotoSaintGermain », qui se tient à Paris en novembre, est toujours dans l'attente de 30 000 euros accordés par téléphone, à un mois de l'événement ; « Les Mesnographies », dans les Yvelines, festival en plein air au succès croissant, a déposé son dossier auprès de la Drac en janvier et a reçu une réponse négative le 25 août, pour une édition qui s'est tenue en juin ; « Itinéraires des Photographes Voyageurs », à Bordeaux, n'a toujours pas de réponse de la Drac de Nouvelle-Aquitaine, alors que le festival est terminé depuis le 27 avril et risque un déficit de 4 700 euros si le soutien était refusé ; la « Quinzaine Photographique Nantaise », dans les Pays de la Loire, a vu l'aide de la Drac supprimée, ce qui lui a fait perdre 12 000 euros.
Pour répondre à la sénatrice Karine Daniel, il n'y a manifestement aucune prise en considération de nos calendriers par les Drac, ce qui nous pose un véritable problème.
Concernant la liberté de création, plusieurs de nos membres ont été victimes d'attaques, voire de saccages d'expositions. À Nîmes, lors du festival « Les Villes Invisibles » l'exposition de Kamille Lévêque Jégo présentée par la galerie Negpos a été saccagée. Notre réseau s'est mobilisé et nous avons invité Juliette Mant, la haute fonctionnaire chargée de la liberté de création, à intervenir lors des « Rencontres de la Photographie » d'Arles, qui est le plus important de nos festivals.
Cette hausse des attaques est très inquiétante, car elle engendre un risque d'autocensure. En tant que directrice de festival, je ne souhaite pas céder à ces intimidations, mais la question de la programmation se posera inévitablement au moment d'exposer certaines photographies.
Concernant le mécénat, il faut, bien sûr, encourager le recours à l'argent privé, mais toute incitation devrait s'accompagner d'une mesure de contrôle pour prévenir toute ingérence des mécènes dans la programmation.
Enfin, pour répondre à Mme de Marco, dans notre domaine, les petits festivals souffrent encore plus. Le secteur de la photographie est très hétéroclite et la plupart des festivals sont de petite taille, ce qui les rend très fragiles, car très dépendants des subventions et des bénévoles. Nous sommes tous pleins de bonne volonté, mais nous finissons par nous fatiguer. Ces petites structures, portées à bout de bras par des personnes qui y consacrent une énergie considérable, participent pourtant à un mouvement essentiel d'éducation au regard, notamment face aux enjeux de l'intelligence artificielle, de la manipulation d'images et des fake news. Il faut nous aider et ne pas nous laisser tomber !
M. Laurent Lafon, président. - Je vous remercie pour vos interventions et pour vos réponses à nos nombreuses questions. Il est important d'assurer un suivi régulier de la situation des festivals, par l'intermédiaire de la commission, du groupe d'études ou grâce au travail de la rapporteure. Nous sommes très attentifs et vigilants. Votre audition était d'autant plus importante qu'elle intervient à l'orée de la période budgétaire pour le Parlement.
Ce point à l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 11 h 25.