- Lundi 20 octobre 2025
- Mercredi 22 octobre 2025
- Audition de Mme Catherine Deroche, préalable à sa nomination par le président du Sénat pour siéger au Haut Conseil des finances publiques, en application de l'article 1er de la loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Audition de M. Jean-René Lecerf, président, et Mme Aude Muscatelli, directrice adjointe, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Audition de Mme Isabelle Sancerni, présidente, et de M. Nicolas Grivel, directeur général, de la Caisse nationale des allocations familiales
- Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales - Désignation de rapporteurs
- Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie
- Jeudi 23 octobre 2025
Lundi 20 octobre 2025
- Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-président -
La réunion est ouverte à 16 h 00.
Proposition de loi relative aux formations en santé - Examen des amendements au texte de la commission
Mme Pascale Gruny, président. - Nous examinons les amendements au texte de la commission sur la proposition de loi relative aux formations en santé. Nous commençons par l'examen des amendements des rapporteurs.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DES RAPPORTEURS
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Cet amendement vise à procéder à une coordination juridique pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.
L'amendement n° 24 est adopté.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement n° 25 vise à réaliser une coordination légistique pour l'application du texte aux collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative : Wallis-et-Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.
L'amendement n° 25 est adopté.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement n° 26 vise à modifier l'intitulé du chapitre IV pour tenir compte de la création d'un article additionnel. Son titre deviendrait « Dispositions diverses », au lieu de « Gage financier ».
L'amendement n° 26 est adopté.
TABLEAU DES SORTS
EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION
Mme Pascale Gruny, président. - Nous passons à présent à l'examen des amendements déposés par les autres sénateurs. Je vous précise que 23 amendements ont été déposés mais que, d'une part, 2 ont été retirés par leur auteur et que, d'autre part, 5 ont été déclaré irrecevables au regard de l'article 40 de la Constitution. Il en reste donc 16 à examiner.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - L'amendement n° 5 vise à inclure, au sein de la première année de voie unique d'accès aux études de santé, des enseignements relatifs à la santé environnementale et à la transition écologique.
Nous ne contestons naturellement pas l'importance de la santé environnementale, mais notre rôle n'est pas de détailler les maquettes pédagogiques des universités. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - L'amendement n° 7 consiste en une demande de rapport au Gouvernement sur la mise en place d'écoles normales des métiers de la santé.
Conformément à la position habituelle de la commission sur les demandes de rapport, nous émettons un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
Article 2
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques de suppression nos 2, 12 rectifié et 13.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - L'amendement n° 1 rectifié vise à limiter l'expérimentation de l'accès direct aux études de pharmacie, en conditionnant la mise en oeuvre de cette procédure à l'existence de places non pourvues en premier cycle l'année précédente. On aboutirait à une expérimentation à géométrie variable, en fonction des effectifs. Ce n'est pas judicieux. Il semble préférable de laisser l'expérimentation se poursuivre pendant 5 ans, avant d'en faire le bilan.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1 rectifié.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - L'amendement n° 3 vise à retirer de Parcoursup les instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi). Nous sommes conscients des enjeux, mais il ne semble pas pertinent de procéder ainsi, par voie d'amendement, sans avoir expertisé les conséquences qu'aurait un tel retrait. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - L'amendement n° 16 vise à supprimer l'obligation de conclure des conventions avec les universités et les instituts de formation pour l'organisation des options santé dans les lycées. De telles conventions nous semblent utiles pour permettre la présentation aux lycéens des métiers de la santé par des étudiants, des professeurs et des professionnels des filières concernées. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - L'amendement n° 4 est une demande de rapport au Gouvernement sur les conditions de stage et de rémunération des externes et internes en médecine. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - L'amendement n° 9 consiste en une demande de rapport sur les violences sexistes et sexuelles dans les formations en santé. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement n° 17 vise à rendre obligatoire un stage en ambulatoire pour les étudiants du 2e cycle de médecine. Ce sujet mérite d'être davantage creusé, d'autant qu'il exige de disposer de suffisamment de maîtres de stage pour fournir un encadrement de qualité aux externes. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Les amendements identiques nos 11 et 23 visent à inclure un enseignement à la déontologie médicale dans la formation du troisième cycle de médecine. Nous ne souhaitons pas entrer dans la définition des maquettes. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 11 et 23.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement n° 20 vise à supprimer la possibilité de suivre en quatrième année de troisième cycle de médecine générale la formation nécessaire à l'agrément à la maîtrise de stage. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement n° 18 vise à permettre à des médecins en exercice titulaires d'un diplôme d'études spécialisées (DES) de se réorienter vers une autre spécialité via une validation partielle des acquis de formation et d'expérience. Nous souhaitons demander l'avis du Gouvernement.
La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 18.
M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n° 19 qui est une nouvelle demande de rapport au Gouvernement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.
Mme Pascale Gruny, président. - Nous examinerons ce texte en séance publique aujourd'hui en fin d'après-midi, après l'examen de la proposition de loi visant à permettre à une commune d'être intégrée, pour une partie de son territoire, à un parc naturel national (PNN) et, pour une autre partie, à un parc naturel régional (PNR), et de la proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République.
Mme Émilienne Poumirol. - Je regrette que les textes qui relèvent de notre commission soient systématiquement examinés en fin d'après-midi, voire en soirée, après l'examen de plusieurs autres textes. Cela avait déjà été le cas notamment pour la loi sur la profession d'infirmier ou pour la loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation. Il s'agit pourtant de sujets importants.
La réunion est close à 16 h 10.
TABLEAU DES AVIS
Mercredi 22 octobre 2025
- Présidence de M. Claude Raynal, président de la commission des finances, et Mme Pascale Gruny, vice-président de la commission des affaires sociales -
La réunion est ouverte à 9 heures.
Audition de Mme Catherine Deroche, préalable à sa nomination par le président du Sénat pour siéger au Haut Conseil des finances publiques, en application de l'article 1er de la loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques
M. Claude Raynal, président de la commission des finances. - Nous avons le plaisir d'entendre notre ancienne collègue Catherine Deroche, que le président du Sénat envisage de nommer au Haut Conseil des finances publiques (HCFP). En effet, cette nomination ne peut avoir lieu qu'après une « audition publique conjointe » par la commission des affaires sociales et la commission des finances de l'assemblée concernée, en application de l'article 1er de la loi du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au HCFP et à l'information du Parlement sur les finances publiques. Cette audition fait l'objet d'une captation vidéo et est retransmise sur le site internet du Sénat.
Le HCFP est un organisme indépendant chargé d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement et de se prononcer sur la cohérence de la trajectoire budgétaire gouvernementale avec les objectifs pluriannuels de finances publiques et les engagements européens de la France.
Ce Haut Conseil est composé de onze membres, dont deux sont nommés respectivement par le président du Sénat et le président de la commission des finances du Sénat ; j'ai ainsi procédé à la nomination de Sandrine Duchêne en mars 2023.
Le Haut Conseil est placé auprès de la Cour des comptes et présidé par le Premier président de celle-ci. La semaine dernière, nous avons d'ailleurs entendu Pierre Moscovici, venu nous présenter, pour la dernière fois, l'avis du Haut Conseil sur le projet de loi de finances (PLF) et le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026.
La loi organique prévoit désormais que, lors de chaque renouvellement, « le membre succédant à une femme est un homme et celui succédant à un homme est une femme ». Notre ancienne collègue Catherine Deroche est proposée pour remplacer notre ancien collègue Éric Doligé. Il va de soi que les membres du HCFP doivent faire preuve de la plus grande indépendance à l'égard du Gouvernement, dont il s'agit d'évaluer la sincérité des prévisions, mais également de la plus grande compétence, et je ne doute pas que ce soit le cas de Mme Deroche, médecin cancérologue qui fut, après un long parcours d'élue locale, présidente de la commission des affaires sociales du Sénat d'octobre 2020 à septembre 2023.
Mme Pascale Gruny, vice-président de la commission des affaires sociales. - Je me réjouis de l'organisation de cette audition commune et je salue la présence des deux rapporteurs généraux, Jean-François Husson et Élisabeth Doineau. Nous sommes également heureux de recevoir, à cette occasion, notre ancienne collègue Catherine Deroche.
Comme vous le savez, en matière de finances publiques, la commission des affaires sociales est attentive à ce que le sujet soit bien traité pour l'ensemble des « administrations publiques », et pas seulement pour l'État.
Au regard de votre parcours, au cours duquel vous avez notamment été rapporteure pour la branche maladie, puis présidente de la commission des affaires sociales, je ne doute pas que vous ferez preuve d'une vigilance toute particulière sur les questions relatives aux finances sociales.
Je serai donc heureuse de vous entendre développer les raisons qui ont motivé votre candidature pour siéger au sein du Haut Conseil des finances publiques.
Je n'ajouterai qu'une question à ce propos introductif : selon vous, l'absence de perspective de retour à l'équilibre de la sécurité sociale dans les prochaines années rend-elle illusoire l'objectif d'extinction du « trou de la sécu » par la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), un sujet dont vous avez souvent parlé lorsque vous étiez présidente de la commission des affaires sociales ?
Mme Catherine Deroche, proposée par le président du Sénat pour siéger au Haut Conseil des finances publiques. - Je tiens à vous dire le plaisir que j'ai de répondre à vos questions ce matin.
Je n'ai pas posé ma candidature : c'est en effet le président du Sénat qui m'a demandé, fin septembre, si j'acceptais sa proposition de siéger au sein du Haut Conseil des finances publiques en remplacement d'Éric Doligé.
Je pense que cette proposition a été motivée par mon expérience au sein de la Haute Assemblée, et plus particulièrement de la commission des affaires sociales, où j'ai siégé sans interruption depuis mon entrée au Sénat : j'ai été rapporteure de la branche maladie, puis présidente pendant trois ans avant de choisir de ne pas renouveler mon mandat. J'ai également réalisé plusieurs rapports à connotation financière, sur la fiscalité comportementale, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) - un sujet important dont vous allez discuter prochainement - et la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP). Surtout, dans le cadre d'une commission d'enquête présidée par Bernard Jomier, nous avons élaboré un rapport sur la situation de l'hôpital et le système de santé en France, dont j'étais rapporteure et qui traitait du volet financier et de la place de l'Ondam. Enfin, parmi les derniers textes examinés sous ma présidence figure la réforme des retraites, aujourd'hui suspendue.
Mon profil est donc davantage orienté vers les finances sociales que vers le budget général. J'aborde cette fonction avec intérêt. Même retirée dans ma « thébaïde », j'ai toujours été attentive au débat politique. Dans le contexte actuel, difficile et inédit, l'examen de ce budget illustre la particularité de la situation : instabilité politique, crise financière, aggravation de la situation de la France, dette colossale et sanctions des agences de notation. Il me semble donc pertinent de participer à ce débat, tout en respectant les limites fixées par les missions du Haut Conseil.
J'ai la volonté de consacrer mon énergie à cette mission, en toute indépendance et sans me soumettre à des instructions quelconques. Cette notion d'indépendance est essentielle. Je m'engage avec humilité, consciente que de nombreux membres du Haut Conseil sont des spécialistes. Néanmoins, il est important, au sein d'un tel conseil, d'avoir un regard différent.
J'aborde cette mission avec mon expérience de parlementaire. Au fil des années, au sein de la commission des affaires sociales comme de la commission des finances, nous avons veillé à accorder toute leur importance aux avis du Haut Conseil, tout en appelant à plus de transparence et de lisibilité. Pour les finances sociales, une approche plus appuyée me paraît également nécessaire.
Ma connaissance du fonctionnement interne du Haut Conseil est, pour l'instant, plus théorique que pratique. C'est au fil du temps que je la compléterai. Les réponses que je pourrai donner sur le fonctionnement du Conseil, ainsi que sur ses évolutions et ses limites seront, pour l'instant, fondées davantage sur mon ressenti que sur une expérience concrète.
Concernant la Cades et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) - aujourd'hui appelée Urssaf Caisse nationale, bien que l'acronyme Acoss me semble plus lisible... -, il convient de ramener la sécurité sociale à l'équilibre structurel. Le Gouvernement prévoit un retour à l'équilibre en 2029. Est-ce réalisable ? L'avenir le dira.
L'Acoss se trouve déjà dans une situation problématique, en zone à risque dès cette année. Il faudra probablement envisager un nouveau transfert de dette à la Cades, tout en poursuivant l'amortissement de son stock actuel. Les durées d'amortissement pourraient alors devenir très longues, ce qui risquerait de mettre en péril l'existence même de la Cades. Toute augmentation du transfert nécessitera une révision de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
Comme suggéré par Jean-Marie Vanlerenberghe lors de la révision en 2021 des dispositions organiques du code de la sécurité sociale, les commissions des affaires sociales doivent désormais être saisies des projets de décret relevant en cours d'année les plafonds d'endettement des organismes autorisés à recourir à ce type de financement, en particulier l'Urssaf Caisse nationale.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales. - J'ai quelques questions à vous poser en matière de finances sociales.
Vous avez rappelé le travail de Jean-Marie Vanlerenberghe. Rappelons aussi celui qui a été accompli dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf), qui prévoit, dans son article 61, que les membres nommés par les présidents des assemblées le sont « en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques ».
Vos compétences sont unanimement reconnues. Pouvez-vous nous préciser quels sont vos points forts en tant qu'ancienne parlementaire et ancienne présidente de la commission des affaires sociales ? Estimez-vous que le Haut Conseil pourrait mieux aborder les finances sociales et, si oui, comment ?
Ma deuxième question porte sur les lois de programmation des finances publiques, dont la dernière est devenue caduque à peine votée. Il n'existe pas de programmation spécifique des finances sociales, comme nous l'avons souvent évoqué avec Jean-François Husson. Contrairement aux anciens programmes de stabilité, le plan budgétaire et structurel à moyen terme (PSMT) ne comprend pas de programmation spécifique pour les administrations de sécurité sociale. Et les tableaux pluriannuels annexés aux LFSS ne sont que des prévisions à droit constant, en supposant le respect de l'Ondam, ce qui est rarement le cas - cet été, le Comité d'alerte a d'ailleurs signalé ce dépassement. Selon vous, faut-il adopter une programmation explicite pluriannuelle pour la sécurité sociale ou les administrations de sécurité sociale dans leur ensemble ? Et si oui, quel serait le bon véhicule pour la mettre en oeuvre ?
Ma dernière question porte sur l'état des finances publiques françaises. Depuis plusieurs années, on observe une déconnexion croissante entre la tentation des gouvernements d'adopter des hypothèses optimistes et les avis du Haut Conseil, forcément très critiques. Le Sénat souligne également régulièrement l'optimisme des prévisions. En pratique, les résultats ont confirmé ces écarts. Selon vous, faut-il renforcer les prérogatives du Haut Conseil, par exemple en lui permettant de fixer directement les hypothèses de croissance ?
Mme Catherine Deroche. - Mon point fort sera d'apporter ce regard de parlementaire qui, au fil des années, a examiné les budgets, notamment les PLFSS, en connaissant leurs travers : difficultés d'analyse, manque de transparence et de clarté. Vous avez évoqué, à juste titre, les prévisions parfois trop optimistes des gouvernements, même si la situation semble s'être légèrement améliorée pour 2025.
Mon expérience de parlementaire, atypique au sein du Haut Conseil, constituera, je l'espère, un atout. Je serai entourée de grands spécialistes - membres de la Cour des comptes, économistes ou experts financiers et bancaires - ; c'est sans doute en raison de cette complémentarité que le président Larcher m'a proposée, après Éric Doligé en 2020. Je ne serai pas la porte-parole du Sénat, mais je souhaite mettre en avant cette expérience.
S'agissant des finances sociales, il faut incontestablement améliorer la manière de les aborder. Comme on l'a encore vu lors de l'audition du président Moscovici, la part consacrée à ce sujet est réduite à la portion congrue : quelques mots sur l'Ondam, guère plus. Or le budget social représente des montants considérables et mérite une analyse approfondie et une plus grande visibilité, si l'on veut préserver notre modèle social tout en le faisant évoluer.
L'absence de véritable programmation des finances sociales est également problématique. Les tableaux annexés aux LFSS ne présentent que des prévisions à droit constant, supposant un Ondam respecté. J'ai consulté votre récent rapport « Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat », élaboré avec Raymonde Poncet Monge, qui met en avant l'idée d'une programmation à moyen terme des recettes, des dépenses et du solde de la sécurité sociale. Cette démarche me paraît pertinente : elle permettrait d'inscrire la trajectoire dans la durée. Le Comité d'alerte pourrait, comme l'a suggéré la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam), jouer un rôle de pilotage dans la construction de l'Ondam.
La question de la déconnexion entre les hypothèses souvent optimistes des gouvernements et les avis, très critiques, du Haut Conseil a de nouveau été soulevée par le rapporteur général de la commission des finances lors de la dernière audition du président Moscovici, bien que la situation se soit améliorée en 2025. Peut-on parler d'insincérité ? Il faudrait pour cela une intention manifeste de cacher les choses. Le Haut Conseil emploie souvent des adjectifs aux connotations variées, avec une gradation très différente selon les éléments analysés. La notion de réalisme, fréquemment utilisée par le Haut Conseil, est importante : elle s'approche parfois de la sincérité, sans toutefois impliquer une intention de tromper. Il est essentiel que les gouvernements tiennent compte des avis du Haut Conseil et ajustent rapidement la trajectoire, sans attendre la fin des lois de finances ou des lois de finances rectificatives. Un dialogue renforcé entre le gouvernement et le Haut Conseil est donc nécessaire.
Faut-il que le Haut Conseil fixe directement les hypothèses de croissance ? Cela se pratique dans certains pays disposant d'une institution budgétaire indépendante. Je reste partagée : le Gouvernement doit conserver cette responsabilité, mais il est important qu'il sache que le Haut Conseil exercera sa vigilance, et n'hésitera pas à être plus critique, plutôt que « sympa », comme l'a dit rétrospectivement le président Moscovici de l'avis sur le budget 2024.
Concernant les retraites, après quelques cafouillages, un projet de lettre rectificative a été soumis au Conseil d'État. La commission des affaires sociales, en particulier, pourrait auditionner le Haut Conseil à ce sujet.
M. Jean-François Husson, rapporteur général de la commission des finances. - Madame la présidente, à titre personnel, j'ai le plaisir de vous retrouver ici, à l'heure où vous vous apprêtez à exercer une fonction importante au Haut Conseil des finances publiques. J'aurai trois questions à vous poser.
Vous avez évoqué l'avis du HCFP sur le PLF pour 2024, et l'audition de la semaine dernière, au cours de laquelle le président Moscovici a parlé, dans un langage diplomatique, d'un avis « sympa »... J'ai noté ce terme avec intérêt : quand la prévision de croissance est de 1,4 % alors que le consensus est à 0,8 %, cela peut poser question. Pensez-vous qu'il soit important que le Gouvernement prenne des mesures correctives ou fournisse des explications publiques complémentaires ? Le Haut Conseil ne devrait-il pas pouvoir se prononcer sur le caractère sincère ou insincère d'un budget, ce qui emporterait des conséquences importantes ?
Deuxième question : une note du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de l'été 2025 comporte quatre axes d'évolution des missions du Haut Conseil : améliorer l'accès à l'information, développer ses capacités techniques internes, renforcer la portée de ses avis et accroître sa liberté d'action. Avez-vous des propositions pour renforcer le rôle du Haut Conseil ?
Enfin, depuis la nomination de votre prédécesseur, Éric Doligé, une révision des règles budgétaires est intervenue en avril 2024. Le nouvel indicateur de trajectoire de dépenses primaires nettes vous paraît-il pertinent ? Ne faudrait-il pas mieux articuler le PSMT avec la loi de programmation des finances publiques (LPFP) ? Les indicateurs qui figurent dans ces deux documents sont particulièrement utiles pour le Parlement, car ils permettent de donner des éléments consolidés sur les prévisions et les trajectoires.
Mme Catherine Deroche. - Le président du Haut Conseil n'a jamais utilisé le terme d'« insincérité », lui préférant les notions de budget « réaliste » ou « non réaliste ». Il s'agit d'ailleurs souvent moins d'une volonté de frauder que de prévisions trop optimistes. Le HCFP emploie des adjectifs qui ont une gradation assez subtile : crédible, réaliste, plausible, acceptable, atteignable, fragile, optimiste, ambitieux... Il faut évidemment se rapprocher de la notion de sincérité, car on demande à toutes nos collectivités locales d'avoir des budgets sincères, et les chambres régionales et territoriales des comptes sont parfois très dures avec certaines d'entre elles.
Le principe de sincérité a été ajouté aux principes plus anciens que sont l'annualité, l'unité et l'universalité. Il est devenu cardinal, au point parfois de prendre le pas sur les autres, même s'il n'a jamais servi de fondement à une décision de censure d'une loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. En revanche, c'est souvent pour ce motif d'insincérité que les oppositions contestent les textes financiers devant le Conseil constitutionnel. Cette notion d'insincérité porte en filigrane l'accusation d'une volonté délibérée de fausser les grandes lignes de l'équilibre budgétaire. De fait, les budgets ont souvent péché par excès d'optimisme, même si ce fut moins le cas en 2025. Toutefois, avant de brandir cette notion en vue d'une censure, il importe surtout de nouer un dialogue approfondi avec le Gouvernement pour réduire les écarts le plus en amont possible, afin que les parlementaires puissent discuter d'un budget crédible.
Une évolution des missions du Haut Conseil me semble possible. C'est d'ailleurs ce qu'a demandé le président Moscovici lors de son audition par la commission des finances de l'Assemblée nationale en avril 2025 : rôle accru dans l'élaboration des prévisions, délais de remise des avis plus raisonnables, pouvoir d'autosaisine et compétence d'analyse de la soutenabilité de la dette.
On peut envisager de redimensionner le Conseil. La note du CPO est également importante, notamment pour les comparaisons qu'elle établit avec les autres États européens.
Nous pouvons envisager de desserrer les délais de remise des avis, comme je l'ai déjà souligné, mais aussi de renforcer la capacité d'analyse propre du Haut Conseil. Il me semble important que le Haut Conseil ait une capacité d'influence sur les prévisions du Gouvernement, et ce dès la présentation des documents budgétaires. Dans certains pays, c'est même l'institut qui fixe les prévisions, mais il me semble important que le Gouvernement en assume in fine la responsabilité.
Quant à sa liberté d'action, le Haut Conseil n'a pas la capacité de s'autosaisir. Il pourrait toutefois émettre des avis hors du calendrier des lois de finances. À cet égard, toutes les pistes proposées par le CPO sont intéressantes, en particulier sur la question des délais et sur la mission d'alerte.
Le nouvel indicateur de trajectoire d'évolution des dépenses nettes semble en effet plus lisible et concret que le précédent ; il correspond mieux à la demande des parlementaires.
Concernant la coexistence des trajectoires du PSMT et de la LPFP, on peut déplorer en effet une forme de cloisonnement. Il faudrait parvenir à une trajectoire beaucoup plus claire et cohérente.
Mme Corinne Bourcier. - Madame Deroche, vous avez siégé à la commission des affaires sociales, que vous avez présidée pendant trois ans. Vous avez examiné de nombreux PLFSS et remis, en 2019, un rapport très remarqué qui invitait à piloter la dépense de santé pour redonner du sens à l'Ondam.
Quelles préconisations feriez-vous, six ans après, pour maîtriser nos dépenses de santé ?
M. Marc Laménie. - Je suis très heureux de revoir notre ancienne collègue Catherine Deroche. Outre sa modestie et son humilité, je veux aussi souligner sa compétence et sa passion pour les sujets de finances publiques.
L'opinion publique connaît la Cour des comptes, beaucoup moins le HCFP. Comment mieux faire connaître ses missions ? Quelles sont par ailleurs vos propositions pour mieux lutter contre la fraude fiscale et sociale ?
M. Olivier Henno. - Je m'interroge sur le devenir du Haut Conseil au regard de son rôle d'alerte. Lors du dérapage de 2024, il semblerait que l'alerte n'ait pas été assez rapide, et qu'elle n'ait pas été efficace. Il en va de même pour les dérapages de l'Ondam. Comment envisagez-vous l'évolution de ce devoir d'alerte, sachant qu'il exige aussi beaucoup de liberté ? Pour l'exprimer plus familièrement, impossible de l'exercer en restant « sympa »...
M. Grégory Blanc. - L'Angevin que je suis est heureux d'interroger Catherine Deroche, que j'ai plaisir à voir à Paris.
Nous avons parlé à plusieurs reprises de la nécessité de repositionner le HCFP, organisme jeune, créé par le législateur en 2012, pour améliorer la procédure budgétaire et permettre des débats éclairés, fondés sur des prévisions solides. Se pose aussi la question du regard que le HCFP porte sur l'exécution budgétaire. Envisagez-vous une évolution de la procédure en la matière ?
Le HCFP axe beaucoup ses travaux sur les aspects macroéconomiques, mais se prononce peu, voire pas du tout, sur les crédits budgétaires ministère par ministère. Souhaiteriez-vous une évolution sur ce point ?
Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je me réjouis de la nomination de Catherine Deroche au HCFP. Au-delà de ses grandes qualités personnelles, il me semble absolument décisif de faire siéger dans cette instance une personne ayant une connaissance fine des finances sociales et des déterminants de l'évolution des dépenses pour les différentes branches.
Je souligne aussi votre grande connaissance des tuyauteries complexes qui relient les finances sociales et les finances de l'État. Peu de gens sont spécialistes de ce domaine et il est très important de pouvoir apprécier le réalisme des prévisions d'évolution des dépenses.
J'apprécie également la façon dont vous avez décrit le rôle du Haut Conseil et les évolutions possibles. Vous possédez à la fois l'humilité et l'autorité nécessaire pour que chacun reste à sa place, en toute indépendance, dans le respect des institutions. À tous égards, votre nomination est très importante, madame Deroche.
Mme Catherine Deroche. - Je remercie Marie-Claire Carrère-Gée pour son indulgence et ses encouragements. J'ai l'habitude de dire les choses et d'être libre de parole. Cela tombe bien : au sein du Haut Conseil, nous sommes indépendants, nous ne recevons pas d'instructions.
Il est en effet important que siègent au sein du HCFP des profils différents des habituels profils technico-financiers, même s'ils sont évidemment très importants pour apprécier les notions budgétaires et financières. À la suite d'Éric Doligé, j'essaierai d'être un aiguillon au sein de cette instance et de mettre l'accent sur les finances sociales. En France, les dettes sociales et de l'État sont séparées, ce n'est pas le cas partout, et c'est important, même si, bien évidemment, les problématiques sont liées.
Sur l'Ondam, j'avais en effet rédigé en 2019 un rapport avec René-Paul Savary pour redonner du sens à son pilotage. En le relisant, je me suis rendu compte qu'il n'avait pas beaucoup vieilli et que peu de choses avaient bougé. Dans notre rapport sur les finances de l'hôpital, nous avions constaté combien il était difficile de respecter des Ondam trop faibles, comme ceux qui sont inscrits chaque année dans les lois de financement de la sécurité sociale. L'évolution tendancielle de l'Ondam est bien supérieure à 1,5 % ; elle tourne plutôt autour de 4 %. Nous ne pouvons certes pas laisser filer l'Ondam - ce serait insoutenable -, mais il faut aussi être raisonnable, ne pas se leurrer et établir des priorités. Ce n'est pas en réduisant de façon drastique l'Ondam que l'on changera les choses, car celui-ci n'est jamais respecté. Il faudrait discuter des besoins réels de santé, faire des choix politiques et caler l'Ondam sur ces derniers. Il est toujours difficile de trouver le bon équilibre entre les besoins médicaux et la rigueur financière, mais la situation actuelle n'est pas confortable, et la construction de l'Ondam doit incontestablement évoluer.
Pour répondre à Marc Laménie, on peut toujours mieux faire connaître les compétences et les travaux du HCFP, mais nous atteindrons vite les limites de ce qui est audible pour le grand public. Contrairement aux travaux de la Cour des comptes, ceux du Haut Conseil restent cantonnés à des sujets très techniques.
En revanche, comme l'a souligné Olivier Henno, il faut institutionnaliser son rôle d'alerte. C'est pourquoi le président Moscovici a demandé que le HCFP puisse s'autosaisir. On ne peut pas se contenter d'un avis du HCFP, qui plus est publié dans un délai extrêmement court, puis vogue la galère ! Le Haut Conseil doit pouvoir exercer cette fonction d'alerte, car le boomerang revient toujours à un moment, et il ne sert à rien de laisser traîner les choses.
Pour répondre à Grégory Blanc sur l'exécution budgétaire, le Haut Conseil revient en milieu d'année, vers le mois d'avril, pour faire le point sur le solde structurel des administrations publiques de l'année précédente, ce qui concerne notamment les comptes sociaux. Par ailleurs, la Cour des comptes est chargée d'une mission de certification des comptes sociaux. Souvent, elle ne peut certifier certains comptes. La situation s'est un peu améliorée l'an dernier, mais il est impensable que l'on ne puisse pas certifier les comptes sociaux. Il faut rester très vigilants sur ce point.
Quant à un regard du HCFP qui ne serait pas uniquement macroéconomique, mais qui porterait aussi plus en détail sur les crédits ministériels, les missions du Haut Conseil sont précisément encadrées par la loi organique. Si l'on veut les faire évoluer, il faut élargir ses compétences, ce qui me semble nécessaire.
M. Claude Raynal, président. - Merci, chère Catherine Deroche, d'avoir répondu à nos questions. Je vous souhaite la réussite dans vos fonctions, pour vous-même, mais aussi pour nous tous.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
- Présidence de M. Jean Sol, vice-président -
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Audition de M. Jean-René Lecerf, président, et Mme Aude Muscatelli, directrice adjointe, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie
M. Jean Sol, président. - Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, nous accueillons ce matin M. Jean-René Lecerf, président, et Mme Aude Muscatelli, directrice adjointe, de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Le PLFSS pour 2026, dans sa version initiale, compte plusieurs mesures qui concernent la branche autonomie, en particulier l'adaptation du financement des établissements et services accompagnant des enfants et des jeunes en situation de handicap dans le cadre de la réforme dite « services et établissements : réforme pour une adéquation des financements aux parcours des personnes handicapées (Serafin-PH) » ; la définition de la contribution de la CNSA à la prise en charge du coût de l'accord du 4 juin 2024 pour les départements sur les revalorisations du Ségur ; et la déduction des indemnisations versées par les assurances et les fonds d'indemnisation du montant de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH).
M. Jean-René Lecerf, président de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. - J'ai plaisir à retrouver le Sénat, où j'ai passé près de quinze ans. Je reconnais beaucoup de visages.
Le conseil de la CNSA s'est réuni jeudi dernier, soit deux jours après le dépôt du PLFSS. Compte tenu des délais, il ne pourra se prononcer que dans les prochains jours, mais il s'est largement exprimé sur les orientations du texte et s'est montré inquiet.
Commençons par les points positifs - ce sera bref. Les membres du conseil ont pris acte de la relative préservation de la branche autonomie par rapport aux autres branches, qui montre l'importance accordée à la protection des plus vulnérables. Les dépenses progressent de 3,5 % par rapport à l'an dernier, tandis que l'objectif global de dépenses (OGD) augmente de 2,5 %, contre 1,6 % pour l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). La hausse régulière des moyens financiers de la cinquième branche de sécurité sociale pourrait, par temps calme, apparaître comme satisfaisante. Mais nous sommes dans la tempête, face au défi démographique.
L'alignement de l'espérance de vie des personnes en situation de handicap sur celle de la population générale, qui est une excellente nouvelle, nous impose des responsabilités lourdes qui ne peuvent pas être assumées par une politique au fil de l'eau. De plus, cette progression financière s'avère bien légère par rapport à certaines prévisions. Alors que 50 000 postes équivalents temps plein (ETP) en Ehpad sont prévus pour 2030, seuls 4 500 postes pourront être financés en 2026. Ce n'est pas un renoncement, mais un ralentissement. Il en va de même pour l'objectif de 25 000 places de services de soins infirmiers à domicile (Ssiad) : 70 millions d'euros seulement sont prévus, à la fois pour les Ssiad et pour les centres de ressources territoriaux (CRT) autour des Ehpad et des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad). Or, nous y accordons beaucoup d'importance puisque ces centres territoriaux devraient, selon nous, être utilisés pour diffuser la logique domiciliaire. En outre, le fonds d'urgence n'est pas renouvelé. Nous l'avons souvent critiqué, car nous souhaitions des réformes structurelles, mais le supprimer sans avoir préalablement réglé les problèmes engendre un risque de détérioration des conditions de vie dans les Ehpad, voire d'effondrement d'un grand nombre de structures cette année. Certains membres du conseil appellent, en conséquence, à utiliser davantage les tarifs différenciés pour tenter de retrouver un équilibre compromis. Je suis favorable à cette différenciation, que j'avais mise en place dès 2015 lorsque j'étais président du département du Nord, après avoir quitté mes fonctions de sénateur, mais la différenciation en fonction des revenus ne peut s'envisager partout, et seulement avec tact et mesure.
Les membres du conseil pointent encore le manque de solutions en établissement pour les personnes en situation de handicap. Le président de l'Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei), vice-président de la CNSA, a déploré récemment, avec émotion, que dans de nombreux cas, il faille attendre un décès pour obtenir une place. Ce n'est pas une situation digne de notre pays. Conserver la dynamique du plan de création de « 50 000 solutions » prévu par la Conférence nationale du handicap (CNH) de 2023 apparaît comme un impératif.
La réforme Serafin-PH, vaste chantier qui dure depuis plus de dix ans, porte sur la tarification des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) intervenant auprès des personnes handicapées. Ses objectifs sont loués, qu'il s'agisse de renforcer l'équité de l'allocation des ressources, d'introduire, dans la tarification, des incitations très claires à transformer l'offre médico-sociale ou de garantir la stabilité du modèle de financement. Mais cette première étape de la réforme du financement des établissements pour enfants n'entrera en vigueur qu'en 2027. Nous sommes néanmoins satisfaits de l'annonce du déblocage de 360 millions d'euros sur quatre ans, soit 90 millions d'euros par an de 2027 à 2030.
Vous avez évoqué, monsieur le président, la volonté de mettre fin au double financement en prévoyant la déduction des indemnisations versées par les assurances et les fonds d'indemnisation de l'APA et de la PCH. Cela semble logique : on peut estimer qu'il faut rembourser le préjudice, tout le préjudice, rien que le préjudice. Néanmoins, un certain nombre de membres du conseil insistent sur la nécessité d'une plus grande concertation avec les personnes concernées, le sujet étant sensible et complexe.
Concernant les départements, les membres du conseil soutiennent la première étape de la réforme des concours, qui a conduit à un changement profond : le concours de la CNSA est désormais calculé à partir du taux de couverture des dépenses d'APA et de PCH et non à partir des recettes, ce qui apporte bien plus de sérénité aux départements. Désormais, ils sont assurés que si leurs dépenses augmentent, les contributions de la sécurité sociale augmenteront à due proportion. Nous sommes également heureux de la simplification engendrée par la fusion de quatre des concours. C'est un changement majeur que l'on doit à Paul Christophe, ministre météore.
La moyenne de financement de l'APA et de la PCH de la part de la CNSA est de 43 %. La discussion entre les pouvoirs publics et Départements de France porte sur un passage à 50 %. Reste un point sensible : est-ce 50 % pour tout le monde, aussi bien les Hauts-de-Seine que la Seine-Saint-Denis, la Haute-Savoie que la Lozère, ou pourrait-il y avoir une péréquation verticale qui transformerait ces 50 % en 40 % pour certains et en 70 % pour d'autres ? J'ajoute qu'il n'est pas question, avec cette réforme, de diminuer les participations de la CNSA au bloc APA-PCH pour les départements en réelle difficulté qui reçoivent actuellement un financement de plus de 50 %.
Les départements ont fait valoir leur désaccord quant au montant de la compensation du Ségur. Les 85 millions d'euros fléchés de manière pérenne ne couvrent pas les professionnels de la protection de l'enfance, ce qui, au regard du périmètre de la branche autonomie, est difficile à concevoir. Ce sera certainement débattu au Parlement.
Une large majorité des membres du conseil se sont, par ailleurs, fortement inquiétés de l'article 20 du PLFSS, qui vise à imposer la vaccination contre la grippe saisonnière aux résidents d'Ehpad. Sans remettre en cause l'intérêt de la vaccination, nous souhaitons que ces personnes conservent leur libre arbitre. Il s'agit d'un sujet éthique de préservation des droits. Il ne faut pas que le refus de vaccination des uns entraîne des risques pour les autres - des modalités techniques seront à rechercher -, mais nous sommes tous d'accord pour dire que le refus de la vaccination ne saurait entraîner une exclusion de l'Ehpad.
L'habitat intermédiaire, aussi dénommé habitat partagé ou habitat inclusif, offre aux personnes âgées ou en situation de handicap un domicile dans lequel elles se sentent chez elles, l'insécurité et l'isolement en moins - je vole cette formule à Denis Piveteau. Nous souhaitons son développement. Le PLFSS prévoit un investissement de 50 millions d'euros en faveur de l'habitat intermédiaire et autant pour renforcer la prévention et la coordination des soins en résidence autonomie. C'est une première étape bienvenue, mais insuffisante. Le conseil de la CNSA, qui a travaillé pendant plusieurs mois sur une contribution à un avis sur l'habitat intermédiaire, a identifié le besoin de créer 500 000 places en habitat intermédiaire d'ici à 2050. Mme El Khomri, en 2019, prônait, à raison, 350 000 postes supplémentaires dans l'accompagnement et le soin pour 2025 - nous en sommes loin.
L'offre en Ehpad évoluera peu. Certes, ils seront de plus en plus médicalisés et le taux d'encadrement s'améliorera. Lorsque M. de Villepin était premier ministre - il y en a eu onze depuis - la promesse était de 0,9 professionnel pour 1 résident, ce qui est encore loin d'être le cas. Mais le nombre de places ne s'accroîtra guère. J'aurais aimé une grande loi sur l'autonomie qui dispose clairement que les Ehpad n'accueillent que des personnes en extrême fin de vie ou en extrême dépendance, et qui, par conséquent, prenne en compte la nécessité de créer massivement des offres intermédiaires, qu'elles se nomment habitat inclusif, résidence autonomie, résidence service, habitat intergénérationnel ou accueil familial. Je vous recommande l'avis du Conseil d'État sur ce sujet. On ne peut cibler les crédits sur les seules résidences autonomie, comme c'est le cas. Elles comptent environ 100 000 places, soit autant que les résidences services seniors et, demain, l'accueil familial nouvelle version, c'est-à-dire des maisons nouvelles construites spécifiquement par de grands bailleurs. D'autres pratiques sont peu coûteuses pour la collectivité, comme l'habitat intergénérationnel, au sein duquel des personnes de plus de 60 ans en accueillent d'autres de moins de 30 ans. Le seul effort sera de former intelligemment les binômes et d'intervenir rapidement en cas de problème.
L'avis du Conseil d'État évoque aussi le big bang nécessaire des aides à l'habitat intermédiaire. L'aide à la vie partagée (AVP) ne concerne actuellement qu'une toute petite partie de l'habitat inclusif, inscrite dans les politiques départementales. Le Conseil d'État appelle à transformer l'AVP en dispositif national obligatoire dont la gestion serait confiée aux départements. Idem pour l'aide sociale à l'hébergement (ASH). Les présidents de département - mes anciens collègues - n'y sont pas toujours d'emblée favorables. L'aide sociale à l'hébergement porte sur les Ehpad, les résidences autonomie et l'accueil familial, mais pas sur les résidences services seniors. Pourquoi ? Ces dernières se sont fortement développées ces dernières années. Désormais, elles logent autant de personnes que les résidences autonomie. Les porteurs de projet sont volontaires pour accueillir de futurs locataires aux moyens financiers limités, si seulement les pouvoirs publics leur accordent la même aide qu'aux Ehpad et aux résidences autonomie. Sans volonté politique en faveur d'une prise en charge publique, ces 500 000 places ne seront pas créées.
Il n'y a pas de temps à perdre. Le dernier rapport des Petits Frères des Pauvres montre une explosion du nombre de personnes en situation de mort sociale. Même en Ehpad, la vie sociale n'est pas toujours riche. Je me souviens qu'une résidente que j'avais embrassée pour la fête des mères, lorsque j'étais maire, m'avait dit que personne ne l'avait embrassée depuis ma venue l'année d'avant. La vie sociale doit exister partout. Notre volonté n'est pas d'opposer les diverses formes d'accueil, mais de créer un partenariat intense entre elles.
Mme Chantal Deseyne, rapporteur pour la branche autonomie. - L'article 20 du PLFSS impose aux résidents d'Ehpad de se faire vacciner contre la grippe. J'entends l'importance du libre arbitre, mais la grippe entraîne très souvent des complications chez ces personnes fragiles, ce qui représente un coût.
Je suis interpellée par les écarts de prévisions entre la LFSS pour 2025 et le PLFSS pour 2026. L'an dernier, un déficit de 2,8 milliards d'euros était anticipé pour l'année 2028 ; cette année, il n'est plus que de 1,7 milliard d'euros pour 2028. D'où vient cette amélioration importante des perspectives financières de la branche ? Doit-on la relier aux mesures de maîtrise de dépenses d'APA et de PCH annoncées ?
L'article 36 porte sur la réforme dite Serafin-PH. Pouvez-vous préciser quels seront les éléments valorisés pour déterminer le montant de la part variable ? Quel sera l'impact sur les départements ?
Vous avez évoqué 4 500 recrutements en Ehpad. Pouvez-vous préciser où nous en sommes vis-à-vis de l'objectif fixé à 50 000 recrutements à horizon 2030 ? Pouvez-vous enfin revenir sur le plan « 50 000 solutions » pour le handicap ?
M. Jean-René Lecerf. - Je partage votre opinion sur l'article 20. Tout est dans la manière. Ceux qui ne se font pas vacciner, dans un environnement collectif, font courir un danger aux autres. Mais peut-on vacciner de force, sous peine d'exclusion ? Cela me paraît impossible. Pendant le covid, certains établissements avaient aménagé une aile pour y rassembler les personnes qui refusaient toute vaccination. Il faudra faire preuve de beaucoup de pédagogie.
Mme Aude Muscatelli, directrice adjointe de la CNSA. - La branche autonomie s'inscrit dans le contexte plus général de la sécurité sociale. Selon le PLFSS, sans réforme, son déficit atteint environ 40 milliards d'euros.
Les dépenses de la branche connaissent une progression non négligeable, de l'ordre d'un milliard d'euros, tandis que l'OGD progresse plus que l'Ondam, s'établissant à 3,5 % pour l'ensemble des dépenses de la branche et à 2,4 % pour le financement des ESSMS. Certes, c'est une progression deux fois moins importante que l'an dernier.
On constate en effet des modifications du solde. La branche est financée à 90 % par la contribution sociale généralisée (CSG), or celle-ci a évolué. La croissance assez faible des dépenses est liée à la réforme des cotisations des travailleurs indépendants, qui a entraîné une perte de recettes. Face à la progression affaiblie des recettes, nous avons mené des efforts de réduction des dépenses, ce qui permet d'atteindre un déficit stabilisé de 1,7 milliard d'euros pour 2028. Nous ne sommes pas pessimistes, mais précautionneux. Grâce à l'amélioration constatée, nous pouvons participer à l'effort global de réduction du déficit.
C'est un jeu d'équilibre entre recettes et dépenses.
M. Jean-René Lecerf. - Les départements attendent les mesures de la réforme Serafin-PH, qu'ils considèrent comme une avancée.
Mme Aude Muscatelli. - La réforme Serafin-PH entrera bien en vigueur à partir du 1er janvier 2027. Son inscription dans le PLFSS nous donne la possibilité de préciser le modèle, de prévoir sa montée en charge et ses effets sur les ESSMS. Nous souhaitons que les ESSMS gagnants soient ceux qui mettent en oeuvre une transformation de l'offre, c'est-à-dire qui modulent leur accueil, au fur et à mesure de la vie des enfants et qui s'inscrivent dans la prise en charge globale de ces derniers, au-delà du médico-social. Il faudra tenir compte des transports, dont le besoin augmente conjointement à la désinstitutionalisation.
M. Jean-René Lecerf. - Les crédits sont prévus en année pleine pour les 23 départements expérimentateurs de la fusion des sections au sein des Ehpad. Une très forte majorité souhaite aller vers une généralisation de l'expérimentation, mais aucune date n'est pas encore définie.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - J'ai bien pris connaissance de la stratégie nationale pour les maladies neurodégénératives. Répondra-t-elle aux attentes des familles ? Certaines nous alertent, après un appel de l'hôpital qui leur demande de trouver pour le lendemain un établissement qui accueille leur parent atteint de la maladie d'Alzheimer, alors que le seul choix est un établissement privé dont elles ne peuvent payer les frais. Notre rôle est d'étudier globalement le budget de la branche autonomie, mais aussi de trouver des solutions aux situations catastrophiques constatées sur le terrain.
La fin de vie de personnes atteintes de maladies neurodégénératives peut durer plusieurs années. Comment une famille peut-elle financer une telle prise en charge ? Certes, il existe des associations ou de l'aide à domicile, mais l'offre est en deçà des besoins. Quel est le rôle de la CNSA en la matière ? Il faut renforcer bien davantage l'accompagnement des familles. De plus en plus de personnes sont atteintes de ces maladies et le nombre de solutions n'a pas augmenté en conséquence.
M. Jean-René Lecerf. - Vous avez tout à fait raison. Des solutions existent, mais certaines coûtent très cher. Parfois, on prolonge l'hospitalisation d'une personne faute de savoir qu'en faire.
La recherche progresse. Je me rendrai bientôt dans le fameux Village Landais Alzheimer, dont les résultats seront bientôt évalués. Il semble que l'on puisse freiner, voire interrompre l'évolution de la maladie. Il existe des modes de soins vertueux, médicalement, et pas seulement en termes de conditions de vie.
On constate aussi la multiplication des habitats partagés pour les personnes souffrant de ce type de maladie, dont les résultats sont très convaincants, à des coûts bien moindres que ceux d'un établissement spécialisé. L'habitat intermédiaire concerne autant les personnes en situation de handicap que les personnes âgées. Son développement sera fondamental.
La recherche médicale révélera aussi si les modalités d'accueil, d'accompagnement, d'insertion dans la vie sociale que nous pratiquons actuellement sont les meilleures.
Le problème des maladies neurodégénératives sera de plus en plus crucial, car elles se développent parallèlement à l'augmentation de l'espérance de vie. Mais il existe aussi des cas de maladie d'Alzheimer dès 60 ans. Ces patients peuvent connaître le pire, dans des structures publiques de type Ehpad avec des centres d'activités naturelles tirées d'occupations utiles (Cantou) à l'ancienne, et le meilleur, dans des habitats partagés très fortement dotés en bénévoles. Le rôle de ces derniers, aux côtés des professionnels, est essentiel. Le Village Landais obéit à la règle des trois tiers : un tiers de personnes qui souffrent de cette dégénérescence, un tiers de soignants, un tiers de bénévoles. Le chantier relatif à la maladie d'Alzheimer n'est pas à la hauteur de notre grande nation.
Je regrette l'absence d'une grande loi sur l'autonomie qui soit un phare des politiques futures. Le travail de la CNSA sur l'habitat intermédiaire est un ersatz de grande loi, et surtout, nous n'avons pas de légitimité sur ce point. Cette grande loi manque terriblement, tant pour connaître les souhaits de la population française que pour sécuriser les porteurs de projet.
Mme Laurence Muller-Bronn. - La loi pour améliorer la prise en charge de la sclérose latérale amyotrophique et d'autres maladies évolutives graves, autrement dit la maladie de Charcot, a été promulguée en février 2025. Notre collègue Gilbert Bouchet, qui souffrait de cette maladie et qui était à l'origine de cette loi, s'est éteint lundi. En qualité de rapporteure sur ce texte, je souhaite appeler votre attention sur la compensation financière pour les départements, qui est estimée à 30 millions d'euros par an. Elle ne semble pas prévue dans les textes budgétaires pour 2026. Qu'en est-il ? Sans inscription budgétaire claire, les départements risquent de devoir supporter cette charge supplémentaire, contrairement à ce que la loi prévoit.
Mme Jocelyne Guidez. - L'article 38 du PLFSS instaure un principe de subsidiarité entre l'APA, la PCH et les indemnisations versées par les personnes responsables et les assureurs à la suite de dommages corporels. Cette mesure soulève une vraie question de bon sens. En effet, les indemnités et les prestations sociales ne sont pas de même nature. Les premières réparent un dommage tandis que les secondes compensent une perte d'autonomie. Confondre ces deux logiques revient à faire supporter aux victimes la charge d'un déséquilibre budgétaire. La CNSA a-t-elle été consultée sur cette disposition ?
La création de MaPrimeAdapt' avait pour but de simplifier les aides à l'adaptation du logement à la perte d'autonomie, mais ce dispositif concerne principalement les ménages modestes. Or, le crédit d'impôt autonomie, dont les classes moyennes bénéficiaient, arrive à échéance à la fin de cette année, sans que l'on sache s'il sera reconduit. Qu'en est-il ? La CNSA le défend-il ?
M. Olivier Henno. - Merci de vos propos francs. Vous n'avez pas évoqué le virage domiciliaire, et tant mieux ! Faute d'effort en faveur de l'habitat intermédiaire, de l'habitat inclusif ou des résidences services seniors, de plus en plus de personnes âgées sont isolées et vivent seules. C'est préoccupant. Qu'en pensez-vous ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - À l'inverse d'Olivier Henno, je voudrais évoquer le virage domiciliaire.
Je me félicite de l'article 37 du PLFSS, qui porte sur la compensation aux départements du coût de l'accord du 4 juin 2024 sur une des branches oubliées du Ségur, et qui traduit l'accord d'avril dernier entre les départements et l'État. Il prévoit le versement par la CNSA d'une aide forfaitaire de 85 millions d'euros aux départements, auxquels il incombera de verser la contribution aux établissements concernés. En 2025, seule une trentaine de départements verseraient intégralement les fonds prévus par le Ségur. Avez-vous la garantie que cet article assure ce paiement par l'ensemble des départements ? De plus, si le montant semble prendre en compte les manques de 2025, il oublie les sommes non versées en 2024. Un rattrapage est-il prévu ?
Une branche entière reste exclue du Ségur : la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD). En outre, on lui a récemment refusé l'agrément de l'avenant 68 à sa convention collective. Cet agrément représentait 67 millions d'euros. Comment comptez-vous déployer la nécessaire réforme des services autonomie à domicile (SAD), que nous soutenons, compte tenu des 20 % d'effectifs manquants dans cette branche ? Les patients restent trop longtemps à l'hôpital faute de personnel pour les accueillir à domicile.
L'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) s'étonne de l'absence de mention, dans le PLFSS, de la reconduction de l'aide à destination des établissements, qui n'était, il est vrai, qu'un mauvais substitut à des réformes de structures que l'on attend toujours.
Pour la troisième année consécutive, le PLFSS est également muet sur le secteur de l'aide à domicile, alors que la réforme entre en vigueur en 2026.
J'en viens à l'article 36 du PLFSS. Le collectif Handicaps, comme l'Uniopss, déplore un manque de concertation. Cette critique est-elle valide ? L'année 2026 ouvrira-t-elle une vaste période de concertation ?
On attend depuis vingt ans une grande loi sur l'autonomie, mais la loi relative au bien-vieillir impose l'obligation d'une loi pluriannuelle.
Dans notre rapport Sécurité sociale : la boîte à outils du Sénat, Élisabeth Doineau et moi-même avons montré qu'il fallait prendre des mesures nouvelles en recettes pour accompagner la transition démographique et se rapprocher des normes européennes de prise en charge des personnes en situation de handicap. Or il n'en est rien dans ce PLFSS. Pourtant, moult rapports formulent des propositions.
Mme Brigitte Bourguignon. - Même si les efforts restent insuffisants, on peut se satisfaire de la société du bien-vieillir qui se bâtit. Derrière ces mots, il y a des visages : une personne âgée qui veut continuer à vivre chez elle, un aidant qui s'épuise, un parent d'enfant handicapé qui attend des réponses rapides, et tous les professionnels qui travaillent.
J'aimerais pouvoir leur dire que le PLFSS répondra à leurs attentes, mais j'en doute, malgré des avancées réelles. Dans le Pas-de-Calais, les dépenses d'APA et de PCH progressent bien plus rapidement que les recettes. Les restes à charge pèsent sur les familles et les recrutements sont toujours aussi compliqués, malgré les efforts de revalorisation de ces dernières années.
Comment la CNSA entend-elle traduire cette promesse d'autonomie ? Je crois fortement à l'habitat intermédiaire, dans un continuum. Pourtant, sur le terrain, il manque toujours un acteur, une case à remplir. Quid des bailleurs sociaux ? Comment comptez-vous nous aider à réduire ces inégalités territoriales très importantes dans l'accès à l'aide à domicile ?
M. Jean-René Lecerf. - La logique domiciliaire est toujours extrêmement présente. La personne qui loge en habitat intermédiaire reçoit qui elle veut, conserve son animal favori, prépare ses repas si elle le souhaite... Quand on visite l'un de ces habitats, on est bien plus optimiste que quand on sort de beaucoup d'Ehpad.
L'habitat intermédiaire n'est pas un miracle, mais il peut améliorer considérablement le travail des professionnels des services à domicile, qui passent beaucoup de temps dans leur véhicule. Des mesures ont déjà été prises, comme les 75 millions d'euros en faveur de la mobilité. Ainsi, la Mayenne, par exemple, propose une flotte de véhicules, ce qui constitue une aide et une revalorisation du travail.
L'habitat intermédiaire est un petit habitat, accueillant généralement trois à neuf personnes, ce qui modifie considérablement le rapport de l'auxiliaire de vie à ceux qu'elle accompagne. Puisqu'elle s'occupe de l'ensemble des personnes présentes, des liens se créent, de personne à personne et non plus de soignant à soigné. L'habitat intermédiaire est un moyen de redonner du sens au travail des auxiliaires de vie.
En revanche, nous ne cherchons nullement à opposer les uns aux autres. Je sais que les grandes fédérations de services à domicile s'inquiètent du développement de l'habitat intermédiaire. Toutefois, les représentants des SAD sont très présents à la CNSA et si nous avons voté le rapport sur ce sujet à l'unanimité, c'est parce que nous avons réussi à nous réunir.
Notre volonté est de faire déteindre la conception domiciliaire sur les Ehpad. Certains, rarissimes, ont transformé les chambres en mini-appartements, le contrat en bail. Dès lors, la relation se transforme. Mais ce n'est pas possible partout.
L'Ehpad a un rôle essentiel à jouer. Il doit aller hors les murs, sortir de son territoire resserré pour entrer dans les habitats intermédiaires et au domicile. Nous tentons, dans le logement historique, de travailler sur la vie sociale et la prévention, avec la présence d'aides à domicile ou de travailleurs sociaux.
Certains ont évoqué l'inégalité entre les politiques des différents territoires. J'en viens à craindre que des personnes choisissent leur domicile en fonction des politiques départementales, ce qui n'est pas tolérable. Il ne s'agit pas d'exiger l'uniformité des politiques, mais la réponse aux besoins exprimés doit être étroitement comparable. On se heurte là au principe d'autonomie des collectivités. Certains présidents de départements rejettent l'AVP quand d'autres me demandent de leur verser davantage. Ce n'est pas sain.
Nous demandons un pilotage national de l'habitat intermédiaire, conforté à l'échelon territorial. Les départements n'ont pas tous les mêmes moyens financiers, mais ne sont pas non plus tous exposés aux mêmes difficultés liées au grand âge. Les projets financés par de l'argent public doivent tenir compte d'une programmation.
Un taux de financement de la part de la CNSA sur l'APA et la PCH de 50 % pour tout le monde ne me paraît pas la meilleure solution. Le principe d'égalité n'est-il pas de traiter de la même manière ceux qui se trouvent dans la même situation, et de manière différente ceux qui se trouvent dans des situations différentes ? Lorsque j'étais président de la commission des finances de l'Assemblée des départements de France (ADF), j'avais mis en place la mutualisation des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), ce qui avait été très compliqué. De nos jours, plus personne ne songerait à la remettre en cause. Je disais à mon collègue Patrick Devedjian - Dieu ait son âme - que ce n'est pas parce qu'il était génial qu'il percevait des DMTO considérables, mais parce qu'il profitait d'un effet d'aubaine.
Cette péréquation horizontale entre départements doit être confortée par une péréquation verticale de l'État vers les départements.
Mme Aude Muscatelli. - Soyez rassurée, la loi relative à la maladie de Charcot sera appliquée. Nous y travaillons. Nous nous interrogeons sur la pertinence d'un nouveau concours, mais la compensation intégrale sera bien assurée.
La mesure relative à la subsidiarité règle une anomalie. En effet, le mécanisme est déjà prévu pour toutes les prestations de sécurité sociale, sauf l'APA et la PCH. Des dépenses identiques sont couvertes deux fois par les assurances d'une part, et l'APA et la PCH d'autre part. Les départements demandent cette subsidiarité pour éviter les contentieux relatifs aux doubles financements. Le mécanisme de subrogation sera mis en place. Nous veillerons à ce que les départements n'aient pas à verser l'aide lorsque celle-ci est déjà apportée, dans le cadre d'un accident par un tiers par exemple, comme cela existe déjà pour d'autres prestations.
Nous serons attentifs à éviter toute difficulté pour les personnes qui ne sont plus éligibles à MaPrimeAdapt', même si nous menons un travail de resserrement budgétaire.
La fusion des Ssiad et des Saad, réforme importante, arrivera à terme à la fin de l'année. Dans ce contexte, la question de l'attractivité des métiers se pose. Nous espérons déployer prochainement sur l'ensemble du territoire des plateformes qui visent la synergie de l'ensemble des acteurs, pour favoriser la recherche de personnes ayant vocation à rejoindre ces métiers. Nous souhaitons que France Travail participe activement, avec l'ensemble des fédérations du secteur, à pourvoir ces métiers. Les évolutions salariales récentes vont dans le même sens. La branche a financé des hausses de salaire en faveur des ESSMS, pour un montant de 5 milliards d'euros depuis 2020.
A-t-on la garantie que les départements verseront les 85 millions d'euros qui leur sont dédiés ? Plus on les aide à financer les revalorisations salariales, plus on a de chance qu'elles soient effectives.
L'agrément pose problème parce qu'il est coûteux pour les départements, en mauvaise santé financière.
Selon l'Insee et la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), il faudra prendre en charge 500 000 personnes âgées dépendantes supplémentaires à horizon 2030 et 2040. Le pic devrait être atteint en 2050. Même si l'espérance de vie en bonne santé augmente, jusqu'à 26 années à 60 ans, ce qui est un immense progrès depuis 2015, le nombre de personnes âgées en perte d'autonomie a vocation à s'accroître et nous devrons trouver des ressources supplémentaires.
La réforme Serafin-PH est mise en oeuvre dans la plus grande transparence et la plus grande concertation. Des groupes de travail sont régulièrement réunis, malgré les aléas politiques récents. C'est néanmoins une réforme lourde ; il est normal que certaines fédérations témoignent de leur inquiétude.
J'en viens à l'émergence des solutions d'habitat intermédiaire. Le directeur de la CNSA a été missionné, en lien avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), pour construire une gouvernance avec l'ensemble des acteurs. Il y a des moyens : nous prévoyons 100 millions d'euros supplémentaires. Le directeur de la CNSA et la CDC verront comment mettre en mouvement l'ensemble des acteurs, y compris les bailleurs sociaux. Cette question qui mêle logement, habitat et urbanisme mérite peut-être davantage de dynamisme.
Des inégalités territoriales demeurent. Il faudra mettre en oeuvre une planification de l'offre à horizon 2040-2050, en Ehpad, en habitat intermédiaire, en services à domicile. Nous appelons de nos voeux une loi de programmation.
M. Daniel Chasseing. - Alors que la dépendance augmente, en Ehpad, le taux d'encadrement est de 0,6 professionnel par pensionnaire. Il faudrait rapidement atteindre 0,8, soit 40 000 emplois supplémentaires, sur quatre ou cinq ans, et non dix ans. Ne faut-il pas, en outre, remettre en place des unités d'hébergement renforcé (UHR) pour les personnes atteintes de troubles cognitifs dans les Ehpad ?
Ne faut-il pas aussi inciter les employés à se faire vacciner contre la grippe saisonnière ? Ils ne sont que 25 % à l'être.
Le rapport Libault recommande l'habitat intermédiaire. Des personnes dépendantes pourraient en bénéficier. Mme Muscatelli a évoqué la fusion entre Ssiad et Saad, mais pourquoi ne pas conserver ce qui a été proposé, c'est-à-dire des conventions, dès lors que cela se passe bien ?
Enfin, pourquoi les Ehpad ne pourraient-ils pas intervenir dans l'habitat intermédiaire ?
Mme Florence Lassarade. - Pourquoi, dans un pays où l'on oblige les nourrissons à être vaccinés pour entrer en collectivité, ne pas faire de même pour les personnes âgées, qui ne subissent plus aucun effet secondaire des vaccins contre la grippe ?
Au Danemark, nous avons visité des clubs d'activités largement soutenus par les autorités, où tous les habitants se rassemblent. Pourquoi ne pas mettre l'accent sur ce qui rassemble les gens plutôt que d'agir en aval, lorsque la dépression s'est déclarée ?
Il existe un espoir de stabilisation de la maladie d'Alzheimer grâce au traitement par le lécanémab lorsqu'il sera autorisé en France. A-t-on espoir de voir cette pathologie disparaître ?
Mme Corinne Imbert. - Les résidences intermédiaires doivent-elles toutes relever du code de l'action sociale et des familles ? L'agrément des accueillants familiaux porte sur quatre personnes âgées lorsqu'il y a un couple. Êtes-vous favorable à l'extension de l'agrément à quatre personnes, qu'il y ait un couple ou non ?
Mme Annie Le Houérou. - Je vous rejoins sur la nécessité d'une grande loi. Ce ne sont pas les 3,5 % d'augmentation des dépenses de la branche qui nous permettront de répondre à toutes les questions posées ce matin.
Vous indiquez un ralentissement des créations de postes par rapport à la trajectoire prévue. Les projets se tarissent, car les départements et les associations à but non lucratif ne sont plus capables de les porter. Que pensez-vous de la situation critique de ces nombreux établissements qui fonctionnent, pour beaucoup, avec des crédits non reconductibles ? Le nombre important d'arrêts de travail est lié à l'incertitude des financements.
Quel est le bilan de la fusion des sections dépendance et soins réalisée par une vingtaine de départements à titre expérimental ?
Le manque d'attractivité des métiers de l'aide à domicile pose problème. La CNSA mène-t-elle une réflexion sur la formation initiale et continue, ainsi que sur la revalorisation de ces métiers auxquels les accords issus du Ségur ne s'appliquent pas ?
Mme Anne-Sophie Romagny. - Disposez-vous d'indicateurs de suivi précis sur le taux de maintien à domicile, sa qualité et la satisfaction induite ? Comment la CNSA évalue-t-elle la répartition territoriale des financements ? Existe-t-il des inégalités dans les services à domicile ou les Ehpad d'un département à un autre et si oui, se creusent-elles ? Comment la CNSA assure-t-elle la coordination entre l'État, les conseils départementaux et les agences régionales de santé (ARS), dont vous avez très peu parlé, pour la mise en oeuvre des schémas régionaux de santé ?
Mme Monique Lubin. - Je vous remercie pour vos propos sur le Village Landais Alzheimer, étant moi-même des Landes, ainsi que pour le soutien permanent de la CNSA à nos projets. J'espère que vous continuerez à jouer de votre influence pour que ces établissements - le Village Landais et la résidence de répit partagé que nous souhaitons implanter - jouissent d'un statut bien particulier, afin que leurs financements soient pérennisés !
Mme Anne Souyris. - Quel est le nombre actualisé d'Ehpad en difficulté susceptibles de fermer ? Pouvez-vous nous confirmer que l'APA et la PCH font partie de la liste des prestations sociales gelées en 2026 ? Vous avez évoqué la mort sociale des personnes en perte d'autonomie. Quelles sont vos préconisations pour le domicile ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Le sujet nous passionne, toutes et tous. Comme quelques-uns de mes collègues, je regrette que nous n'ayons jamais pu examiner la grande loi sur l'autonomie promise depuis des années. Les besoins explosent, mais pas les moyens. Le personnel manque de reconnaissance sociale et salariale. Monsieur Lecerf, vous avez évoqué 4 500 recrutements en Ehpad. Ceux-ci sont 7 500 en France. On atteint donc 0,5 recrutement par Ehpad. Cela ne suffit absolument pas.
J'aurais aimé parler des départements, mis en difficulté par l'APA et la PCH. L'État devait compenser le transfert de charges à l'euro près, ce qui est loin d'être le cas.
Mme Solanges Nadille. - Comment analysez-vous la prise en charge du vieillissement en outre-mer, qui souffre d'un manque de structures publiques tandis que les structures privées à but lucratif se développent ? Outre-mer, 30 % de la population a plus de 60 ans.
Vous avez regretté que les financements actuels soient fléchés presque uniquement vers les Ehpad. Nous sommes, dans les territoires ultramarins, davantage intéressés par le maintien à domicile. L'absence de prise en charge du vieillissement en outre-mer préfigure une autre problématique, celle de la santé mentale des aidants. Comment analysez-vous la situation ?
M. Jean-René Lecerf. - Je suis assez réticent vis-à-vis des unités d'hébergement renforcé dans les Ehpad. Je ne veux pas que l'on revienne aux centres d'activités naturelles tirées d'occupation utiles (Cantou).
Parmi les personnes qui souffrent de maladies neurodégénératives, certaines peuvent être convenablement accompagnées dans les Ehpad, mais mon expérience m'a montré qu'elles le sont désormais bien mieux en habitat partagé. Il faudrait simplement que les conditions financières soient identiques.
Vous avez raison, la vaccination des personnes âgées n'a de sens que si l'on oblige les personnes salariées à être elles aussi vaccinées. Lorsque les salariés sont au contact régulier de personnes en grande fragilité, il faudrait les forcer à choisir entre la poursuite de leur travail, à condition d'avoir été préalablement vaccinés, et le transfert vers une autre activité.
Le Danemark est à la pointe sur de très nombreux sujets, mais les approches qui s'y développent peuvent parfois heurter. Ainsi, au Danemark, lorsqu'une personne demande de l'aide, on commence par lui expliquer ce qu'il faut faire pour pouvoir s'en passer avant de lui offrir cette aide. Pourtant, la part de PIB que ce pays consacre aux personnes âgées est considérable. L'approche que je viens de décrire n'est pas dénuée de sens : soutenir les gens dans un premier temps pour qu'ils trouvent les moyens de s'aider eux-mêmes est dans l'intérêt de tous.
Pour ce qui est de la multiplication des statuts, la résidence intermédiaire relève du code de l'action sociale et des familles, tandis que les résidences seniors relèvent du code de la construction et de l'habitat. L'un des problèmes de l'habitat intermédiaire est l'anarchie qui règne au niveau juridique entre des structures qui rendent un service de même nature, la seule différence fondamentale étant que certains habitats sont accessibles à tous grâce à l'aide à la vie partagée ou à l'aide sociale à l'hébergement, tandis que d'autres ne le sont pas, car les entreprises se montrent très dynamiques dans ce secteur. Certes, certaines d'entre elles ont un esprit de service chevillé au corps, mais les tarifs ne sont pas les mêmes, surtout s'il n'y a pas d'aide de la part des pouvoirs publics. L'objectif serait donc d'avoir une appréhension et une programmation qui soient identiques d'un côté et de l'autre.
Parmi ceux qui agissent en tant que personnes morales de droit privé à but commercial, certains font très bien leur travail. C'est le cas, par exemple, d'entreprises comme CetteFamille ou MonSenior qui interviennent dans le développement de l'accueil familial. Elles construisent des structures neuves pour les personnes âgées ou en situation de handicap qui, parce qu'elles sont très peu consommatrices et dotées de toitures végétalisées, trouvent immédiatement et sans difficulté un bailleur social pour les reprendre.
De même, dans certains départements, la présence du bailleur social comme propriétaire vient conforter l'accessibilité de chacun à la structure d'habitat partagé.
Je ne suis pas favorable à ce que l'on modifie le nombre de personnes qui peuvent être accueillies dans le cadre d'un accueil familial. En général, les personnes morales, qu'elles soient de droit privé ou de droit public, ne construisent pas qu'une seule maison mais plusieurs, bâtissant ainsi une sorte de petit village avec un jardin partagé. La vie sociale s'y met en place plus facilement parce que les personnes, plus nombreuses, y vivent très largement en commun et entretiennent, en milieu rural et semi-rural, des relations idylliques avec les mairies.
En effet, ces structures sont souvent dotées d'une sorte d'orangerie, c'est-à-dire d'un lieu qui permet que les réunions familiales se tiennent ailleurs que dans une petite chambre où l'on se retrouve à dix, et qui permet aussi d'organiser des animations. Les maires peuvent ainsi y installer l'école de musique, ou bien y organiser des représentations théâtrales, dont les personnes âgées ou handicapées sont les premiers spectateurs.
De plus, ces structures embauchent des accueillants familiaux qui sont beaucoup mieux payés que les aides à domicile, leur salaire pouvant atteindre 2 700 euros, soit bien plus que les 800 euros que touchent, en moyenne, les aides à domicile dans le département du Nord.
Ces structures embauchent également des accueillants familiaux de remplacement, c'est-à-dire des personnes un peu plus âgées que les autres, qui ne souhaitent pas avoir un travail à temps complet mais faire des remplacements le week-end ou pendant les grandes vacances. On évite ainsi de faire déménager les personnes accueillies dans un Ehpad ou dans une autre structure collective, pendant cette période, alors qu'il s'agit de leur domicile et qu'elles ont le droit d'y rester. Cette pratique mérite d'être encouragée.
Au cours des auditions, j'ai été agréablement surpris de constater que de grandes structures appréciées de tous, y compris à l'Uniopss, se disaient prêtes à ouvrir un équipement par semaine à partir de janvier 2026, c'est-à-dire cinquante-deux équipements sur l'année. C'est le cas de MonSenior, mais aussi de plusieurs autres entreprises qui n'auront pas besoin de beaucoup d'aide de la part des collectivités publiques pour y parvenir.
Mme Aude Muscatelli. - Les difficultés que connaissent les Ehpad sont bien réelles. En 2023, la situation était très dégradée, le déficit atteignant plus d'un milliard d'euros pour les Ehpad publics. En 2024, la situation s'est légèrement améliorée. Nous n'avons pas reçu d'alerte concernant le cas d'Ehpad qui auraient été contraints de cesser leur activité par manque de trésorerie. L'absence de fonds d'urgence cette année peut être un sujet d'inquiétude, mais des crédits continuent d'être injectés dans les Ehpad, à travers la fusion des sections, notamment pour les établissements qui sont expérimentateurs et la perspective de sa généralisation.
Nous voulons également favoriser le regroupement des Ehpad via des groupements territoriaux afin qu'ils puissent mutualiser des fonctions aujourd'hui dispersées, par exemple les achats.
Certes, de nombreux Ehpad sont en difficulté, mais la situation s'améliore légèrement de même que leur taux d'occupation. Toutefois, vous avez raison, la perspective n'est pas non plus réjouissante.
Pour ce qui est de la fusion des sections, elle se passe bien, notamment entre les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux pour les opérations de tarification sur l'année. Cela a permis une dotation de 110 millions d'euros supplémentaires pour les Ehpad des vingt conseils départementaux expérimentateurs. Le bilan est donc positif, d'autant que le processus a abouti à uniformiser le forfait et le financement de la section dépendance, qui était très variable selon les départements. En effet, certains départements avaient sous-financé la section dépendance alors que la section soins était surfinancée et participait donc à éponger une partie du déficit des Ehpad.
Désormais, nous travaillons sur la généralisation de cette fusion. Combien cela va-t-il coûter à la branche ? Dans quelles conditions procéder à cette généralisation ? Devons-nous reproduire ce qui a été fait dans l'expérimentation ou procéder de manière différente ? Tels sont les sujets qui nous préoccupent.
Sur la formation initiale et continue, nous travaillons beaucoup avec les opérateurs de compétences (Opco). Nous versons plus de 300 millions d'euros chaque année pour renforcer les dispositifs qu'ils mettent en place. La difficulté reste toutefois de parvenir à flécher leurs financements sur les métiers qui concernent la prise en charge de la perte d'autonomie, notamment celui d'aide-soignant en Ehpad ou dans les services d'aide à domicile. En effet, les Opco sont de grosses structures qui ont du mal à orienter précisément leurs financements sur la validation des acquis de l'expérience (VAE) et sur les qualifications dans notre secteur.
Nous voudrions donc renforcer nos actions en ce sens, notamment au niveau local, par le biais des plateformes. Ainsi, plutôt que de fonctionner dans le cadre d'actions menées au niveau national par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) au travers des des structures Opco, nous souhaiterions faire en sorte que les plateformes des métiers puissent utiliser une partie des financements pour les flécher sur des actions concrètes de formation initiale et continue des professionnels.
La coordination des ARS et des conseils départementaux pose une vraie question. En effet, cette branche n'a pas de réseau propre et repose entièrement sur la coordination entre les départements et les ARS au niveau local, grâce au travail quotidien que mène la CNSA. Des rencontres territoriales sont organisées chaque année dans l'ensemble du territoire, dans toutes les régions et en choisissant un département différent chaque année. De plus, des conventions tripartites seront signées en 2026 dans l'ensemble des départements. Elles regrouperont l'ensemble des actions mises en oeuvre conjointement par les ARS, les départements et la CNSA dans un territoire.
Enfin, l'APA et la PCH ne sont pas concernées par le gel des prestations. Une seule prestation de la branche est concernée, à savoir l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). L'allocation aux adultes handicapés (AAH) l'est aussi, mais elle n'est pas une prestation de la branche.
M. Jean-René Lecerf. - S'agissant de l'outre-mer, des politiques spécifiques sont d'ores et déjà prévues pour combler un retard relativement important. Financièrement, nous avons davantage ciblé l'outre-mer que le territoire métropolitain. Certaines modalités pour les personnes âgées, comme l'accueil familial, semblent particulièrement prisées en outre-mer. Le département de La Réunion arrive d'ailleurs en première position pour l'accueil familial et nous envisageons de démultiplier cela en outre-mer.
Enfin, je suis en désaccord avec ceux d'entre vous qui souhaitent que l'État finance intégralement l'APA, la PCH et - pourquoi pas ? - le revenu de solidarité active (RSA), soit l'ensemble des allocations individuelles de solidarité. Même les départements ne le demandent pas. S'ils le demandaient et si on le leur accordait, ils auraient, à mon sens, signé leur acte de mort. Je rappelle que j'étais encore sénateur lorsque la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, a commencé à être examinée par le Parlement, ici au Sénat. Dans cette loi, étaient inscrits clairement non seulement la disparition du département, mais aussi la date de son enterrement, si je puis m'exprimer ainsi, fixée à 2020 ou 2021. Ce type de revendication ne peut qu'accélérer l'avènement du conseiller territorial.
M. Jean Sol, président. - Nous vous remercions pour cette audition.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Audition de Mme Isabelle Sancerni, présidente, et de M. Nicolas Grivel, directeur général, de la Caisse nationale des allocations familiales
M. Jean Sol, président. - Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, nous accueillons à présent Mme Isabelle Sancerni, présidente, et M. Nicolas Grivel, directeur général, de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).
Je vous précise que cette audition fait l'objet d'une captation vidéo. Elle est diffusée en direct sur le site internet du Sénat et sera consultable en vidéo à la demande.
Madame la présidente, monsieur le directeur général, le PLFSS pour 2026 prévoit que la branche famille reste la seule branche excédentaire au cours des prochaines années.
Pour ce qui est du contenu, deux mesures sont à mettre en avant dans la version initiale du texte : tout d'abord, la faculté donnée à l'Agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires (Aripa) de recouvrer les sommes dont le recouvrement est abandonné du fait du délai maximal de deux ans propre à la procédure de paiement direct et d'harmoniser les procédures de recouvrement avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) ; ensuite, la création d'un congé supplémentaire de naissance en donnant l'opportunité à chacun des deux parents de bénéficier, en plus du congé de maternité et de paternité, d'un congé pouvant durer jusqu'à deux mois, à hauteur de 70 % du salaire net pour le premier mois, et à hauteur de 60 % du salaire net antérieur pour le second mois.
Je vous laisserai, dans un propos liminaire, nous livrer votre vision de ce PLFSS 2026 et, plus largement, des grands enjeux qui concernent la branche famille. Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger.
Mme Isabelle Sancerni, présidente de la Caisse nationale des allocations familiales. - Tout d'abord, je tiens à rappeler que le conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales, lors de sa séance exceptionnelle du 21 octobre - hier matin -, a émis un vote majoritairement négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui lui a été présenté. Les représentants de l'ensemble des tendances ont signalé leur forte préoccupation relative à l'état des finances de la sécurité sociale et l'impérieuse nécessité de préserver cette dernière. Ils ont également fait part de leur désaccord sur plusieurs mesures, notamment celle qui est relative au décalage de la majoration des allocations familiales de 14 ans à 18 ans, ainsi que sur les transferts de recettes opérés au détriment de la branche famille.
Le conseil d'administration a cependant souhaité saluer l'instauration, à l'article 42, du congé de naissance, qu'il appelait de ses voeux. Si nous serons vigilants quant aux modalités de mise en oeuvre de ce dispositif, notamment sur les conditions d'indemnisation des parents, nous reconnaissons un premier pas en vue de l'accompagnement de la parentalité dans une période cruciale pour la construction de la famille. Il ne s'agit toutefois pas de la véritable réforme du congé parental qui nous semble nécessaire au regard de la faible mobilisation de cette dernière.
Nous regrettons que n'ait pas été portée dans ce PLFSS une mesure que nous demandons depuis 2023, qui vise à faciliter l'accès à l'allocation de soutien familial des personnes concernées par l'intermédiation des pensions alimentaires. Cette mesure serait une étape cruciale dans l'accès aux droits des familles monoparentales, dont nous savons qu'elles sont parmi les plus précaires.
Ensuite, je souhaite saluer le travail remarquable accompli tout au long de l'année 2025 par le conseil d'administration et les services de la Cnaf et, dans les territoires, par les caisses d'allocations familiales (CAF) afin de poursuivre le déploiement des mesures portées dans notre convention d'objectifs et de gestion (COG). Cette démarche volontariste a été développée alors même que, dans l'ensemble de notre périmètre, notre branche se heurte indirectement aux problématiques financières rencontrées par les cofinanceurs des projets, au premier titre desquels les collectivités territoriales, mais aussi le secteur associatif. Ce contexte a un impact sur le fort degré de mobilisation de nos aides financières. Je songe notamment aux dispositifs relatifs à l'enfance et à la jeunesse, sur lesquels il a fallu que nous adoptions des mesures de freinage, ou à la situation des structures d'animation de la vie sociale, cheville ouvrière du vivre-ensemble, pour lesquelles nous avons été amenés à reconduire le fonds d'aide d'urgence.
Malgré ces difficultés, nous avons su, cette année encore, améliorer le service que nous rendons aux familles et aux plus vulnérables. L'exhaustivité n'étant pas possible ici, tant la branche famille s'est mobilisée sur l'ensemble de son périmètre, je citerai simplement la mise en oeuvre du service public de la petite enfance depuis le 1er janvier dernier et le travail d'accompagnement de grande qualité réalisé par les CAF auprès des porteurs de projets. Je parlerai également de l'incroyable essor du bonus inclusion handicap dans les accueils de loisirs sans hébergement (ALSH) qui, fin 2024, avait déjà atteint - en termes de public touché et de fonds consommés - sa cible de 2027 et pour lequel les demandes demeurent à un niveau considérable.
Toute cette action sociale est déployée sans relâche alors que, parallèlement, la branche famille continue de mener les réformes dans lesquelles elle est engagée, que ces dernières soient prévues dans notre convention d'objectifs et de gestion ou non. À ce titre, 2025, année de mi-COG, apparaît comme une année très dense. Depuis le 1er mars dernier, nous avons généralisé la solidarité à la source, et ce, sans problème informatique majeur. Derrière cette réforme structurante, c'est bien l'objectif du versement du juste droit et de l'accès aux droits qui est visé. Depuis le mois de septembre, nous mettons en oeuvre la réforme du complément de mode de garde, une évolution qui vise à garantir une plus grande équité entre les familles, quel que soit le mode de garde choisi, en tenant compte des revenus des foyers.
Bien entendu, nous avons poursuivi le versement de l'aide aux victimes de violences conjugales, créée en décembre 2023 et allouée à près de 50 000 bénéficiaires depuis lors, et nous avons, avant le mois dernier, lancé l'extension du nombre de départements expérimentant le « pack nouveau départ » qui y est associé.
Cette année encore a donc été extrêmement chargée et la branche famille a su montrer sa capacité à bien faire et à faire dans les temps. Cela n'est qu'une brève synthèse des projets que notre branche soutient. Elle nous rappelle combien la branche famille agit quotidiennement comme un acteur majeur de la solidarité nationale. Je tiens ici à remercier les 35 000 collaborateurs de la branche famille qui, chaque jour, s'emploient à assurer les fondements de notre activité, tout en s'adaptant aux besoins de la société et aux réformes qui visent à mieux y répondre.
M. Olivier Henno, rapporteur pour la branche famille. - Sur le congé parental, mon avis est mitigé. En effet, il s'agit encore d'un dispositif supplémentaire, complexe à envisager pour les parents sur une durée extrêmement courte. Nous sommes loin du congé d'un an, rémunéré à hauteur de 75 % du revenu professionnel, qui se pratique dans les pays qui veulent relancer la natalité, comme le Portugal. Pourquoi donc, malgré le solde excédentaire de la branche famille, ne pas avoir engagé la refonte des congés parentaux tant attendue par les familles, avec notamment un congé parental unique ?
Ma deuxième question concerne l'Aripa et le recouvrement des pensions alimentaires dont le délai pourrait passer de deux à cinq ans. Comment ce nouveau dispositif va-t-il s'articuler ? Quels moyens seront déployés ? Combien de postes seront créés ? Utiliserez-vous l'intelligence artificielle ? Quelle sera l'articulation entre l'ancien et le nouveau régime ? Je n'aborde pas la question de l'intermédiation, puisque vous l'avez déjà traitée, mais c'est un sujet qui nous préoccupe également.
S'agissant de la fraude sociale, dont le montant est estimé à près de 3,9 milliards d'euros pour la branche famille, la Cnaf gère le régime de protection sociale le plus concerné. Comment expliquez-vous que, de manière assez contradictoire, il n'existe en réalité que peu de projets relatifs à la fraude concernant la Cnaf ? N'y a-t-il aucun obstacle juridique à la détection ou au recouvrement des indus que vous pourriez aider à lever, et ne faudrait-il pas aller plus loin pour lutter contre ce type de fraude ? Comment répondre, notamment, à la question de l'homogénéité des pratiques des CAF, celles-ci variant d'une caisse à une autre ?
Enfin, à l'horizon 2029, quel sera, selon vous, le solde de la branche famille ? D'après nos estimations, l'excédent pourrait dépasser les 2 milliards d'euros. Avez-vous le même chiffrage et, dans cette perspective, quelles politiques familiales envisagez-vous de développer, notamment pour relancer la natalité ?
M. Nicolas Grivel, directeur général de la Caisse nationale des allocations familiales. - Le congé de naissance ne s'inscrit pas dans une réforme globale du congé parental - ce sujet a été longuement discuté. Le dispositif est assez différent de celui de la prestation partagée d'éducation de l'enfant (PreParE), qui est plutôt longue et assez peu rémunérée, mais qui correspond aux besoins d'un certain public. À l'inverse, l'objectif d'un congé plus court et mieux rémunéré impliquait un coût pour les finances publiques dans un contexte difficile. Les arbitrages sont ceux du Gouvernement. Toutefois, il est certain qu'un congé pouvant aller jusqu'à quatre mois si les deux parents le prennent, au niveau de prise en charge annoncé - soit 70 % le premier mois et 60 % le deuxième mois -, est plus favorable que le dispositif qui avait été un temps envisagé, c'est-à-dire un congé un peu plus long pris en charge à 50 %. L'arbitrage à faire porte sur la longueur du congé et sur le taux d'indemnisation, compte tenu de la situation des finances publiques, car tout cela a forcément un coût. Tous les paramètres sont discutables et vous pourrez en débattre avec le Gouvernement.
Il paraît difficile de remettre en cause la PreParE, qui ne répond pas forcément aux mêmes besoins et ne cible pas les mêmes populations. Ce que le conseil d'administration de la Cnaf appelle de ses voeux, c'est une reprise de la réflexion dès lors que le congé de naissance aura été créé et mis en oeuvre. En effet, il faut un certain recul pour pouvoir estimer le taux de recours au nouveau dispositif. Mais plus le niveau d'indemnisation est important, plus le taux de recours sera élevé et plus le financement nécessaire sera important. Il faudra trouver le bon dosage.
Nous sommes montés en puissance sur le dispositif de l'intermédiation financière, ce qui est positif. Des leviers d'amélioration existent et l'un d'entre eux figure dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vous est soumis : il s'agit de ce que nous appelons le « paiement direct » qui consiste à solliciter auprès de l'employeur, ou des personnes qui versent de l'argent au débiteur, d'être payé directement. C'est donc une procédure forcée.
Pour l'instant, par une sorte de dichotomie des textes, nous sommes autorisés à le faire dans un délai de deux ans, alors que, dans le droit commun, le délai pour la prescription des créances est de cinq ans. Après notre intervention, nos collègues de la direction des finances publiques peuvent faire jouer les créances alimentaires, entre autres. Il y a donc moins de force et de cohérence dans le dispositif tel qu'il existe. Il nous paraît donc logique d'allonger le délai jusqu'à cinq ans pour que nous puissions intervenir d'emblée. Ce ne serait pas plus lourd ni plus embolisant pour nos services et nos collègues de la direction générale des finances publiques seraient déchargés d'une procédure complémentaire potentielle. Cette mesure serait simplificatrice et plus forte pour ce qui est de l'accès aux droits.
D'autres possibilités de facilitation, de simplification ou d'accélération existent dans le cadre de l'Aripa, que nous pourrons vous détailler.
En matière de fraude, nous ne sommes pas le régime social le plus concerné. En effet, la fraude aux prélèvements fiscaux et sociaux représente la masse financière la plus importante. Nos collègues de l'Urssaf sont en première ligne sur ces sujets.
Dans les prestations que nous allouons, que ce soit pour le compte de la sécurité sociale ou pour le compte de tiers, des situations de fraude existent, que nous connaissons et dont nous estimons le montant. L'arsenal juridique et opérationnel dont nous disposons pour traiter ce sujet a beaucoup progressé durant les dernières années, notamment pour ce qui est de la fraude organisée et de la fraude à enjeux. Nous avons créé un service national structuré dans le cadre duquel nous faisons appel à des compétences extérieures et internes pour renforcer notre capacité à détecter et à traiter ce type de fraude.
Pouvons-nous améliorer encore un certain nombre de supports juridiques ? C'est un sujet sur lequel nous travaillons. Parmi les obstacles que nous identifions, il y a ceux qui concernent la fraude à la résidence. En effet, pour lutter contre ce type de fraude, nous cherchons par tous les canaux possibles à connaître les lieux de séjour des personnes soupçonnées ; or l'accès aux informations des compagnies aériennes, par exemple, reste difficile. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. Quoi qu'il en soit, l'arsenal juridique dont nous disposons s'est déjà beaucoup renforcé par rapport aux moyens dont nous disposions il y a cinq ou dix ans.
Concernant l'homogénéité des pratiques entre les CAF, des initiatives existent qui sont très cohérentes et pilotées. Nous pouvons toujours progresser, mais le sujet n'a rien de massif.
Enfin, sur les questions financières, le solde prévisionnel annoncé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale est de 2,4 milliards d'euros, à l'échéance de la période, après le partage des ressources entre les branches de la sécurité sociale. Les débats d'ordre financier seront évidemment très politiques et renverront aussi à la préparation de la convention d'objectifs et de gestion suivante, à l'échéance 2029-2030, dans un environnement contraint et globalement très déficitaire.
Mme Isabelle Sancerni. - Le conseil d'administration de la Cnaf préconise de verser les allocations familiales dès le premier enfant, sachant que les dépenses engagées sont importantes dès ce moment. C'est un élément qui nous semble de nature à favoriser la politique familiale.
Pour les familles monoparentales, l'allocation de soutien familial (ASF) consiste en une avance sur pension alimentaire ou en un complément de celle-ci. Avec l'intermédiation financière des pensions alimentaires, les CAF peuvent détecter le droit à l'ASF ; il nous semblerait utile de verser de façon automatique cette allocation, sachant que, selon la situation du parent créancier, il peut aussi y avoir récupération.
Par ailleurs, il faut regarder ce que cela coûterait de manière plus globale. En effet, le versement de l'ASF pourrait justifier de diminuer d'autres prestations, que ce soit le revenu de solidarité active (RSA), la prime d'activité ou l'allocation logement. Cela permettrait de gagner en efficacité opérationnelle et en qualité de service vis-à-vis des familles monoparentales.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - Je souhaiterais vous interroger en ma qualité de rapporteur pour la branche vieillesse sur l'article 44 du PLFSS pour 2026, qui prévoit, d'une part, pour l'année 2026, de ne pas revaloriser sur l'inflation certaines prestations sociales ainsi que les plafonds de ressource conditionnant l'ouverture du droit à ces prestations, et d'autre part, pour les années 2027 à 2030, de minorer à 0,4 % le coefficient de revalorisation prévu à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Cette mesure concernerait notamment la prestation d'accueil du jeune enfant, les allocations familiales, le complément familial, l'allocation de soutien familial, l'allocation de rentrée scolaire et l'allocation forfaitaire versée en cas de décès d'un enfant. L'étude d'impact évalue l'économie produite en 2026 à 0,3 milliard d'euros, dont 0,1 milliard d'euros pour les seules allocations familiales. Confirmez-vous cet ordre de grandeur ? Quels éléments d'impact supplémentaires pouvez-vous nous apporter, notamment quant au nombre de foyers touchés ? Cette mesure appelle-t-elle des observations de votre part ?
Mme Laurence Rossignol. - Dans le cadre du congé de naissance, le taux de prise en charge est de 70 %, le premier mois, pour le premier parent, et de 60 % le second mois ; il est de 70 % le premier mois pour le deuxième parent et de 60 % le deuxième mois. Et cela sans plafond, quel que soit le salaire des parents. C'est du moins ce que j'ai entendu dire lors d'une communication sur le congé de naissance. Cela m'étonne et, si tel était réellement le cas, je ne serais pas loin d'être choquée, alors que je suis favorable à ce congé de naissance. Mais s'il y a un plafond, il faut le dire. J'aimerais avoir une réponse claire.
Le report de la majoration des allocations familiales de 14 ans à 18 ans est un autre sujet préoccupant. C'est une mesure comme seul Bercy en a le secret ! Et je le sais pour avoir « fait » 2015... L'impact sera très douloureux pour les familles, car ce n'est pas à 18 ans que les enfants coûtent cher. Déjà, 14 ans, c'est trop tard, car c'est plutôt à 12 ans ou 13 ans que le coût augmente. Une telle mesure n'est pas acceptable.
J'aimerais savoir s'il est toujours prévu que les indemnités journalières versées pour les congés de maternité soient imputées sur la branche famille ou si l'assurance maladie les reprend à sa charge. Sur ce sujet, ce budget rompra-t-il avec les précédents ? C'est une charge indue qui pèse sur la caisse d'allocations familiales.
Quant à l'ASF, ce n'est pas simplement une avance sur pension alimentaire ; c'est une allocation qui est due y compris aux femmes qui ne perçoivent pas de pension alimentaire. Il est important de le rappeler, car les femmes ne le savent pas toujours, l'ASF étant incluse dans le mécanisme Aripa.
Sur les pensions alimentaires, nous savons tous que la bonne solution technique, c'est le prélèvement direct sur salaire, comme le font les Québécois. Le montant est prélevé directement sur le salaire du père et versé directement sur le compte bancaire de la mère. Cela réduit considérablement le volume des contentieux. Je souhaiterais savoir si la Cnaf défend cette proposition ; pour ma part, j'y avais échoué. Cela permettrait de transmettre le problème à Bercy, ce qui serait une très bonne chose pour les intermédiations.
Enfin, comme exemple de l'hétérogénéité des pratiques des CAF, je citerai le versement de l'allocation de rentrée scolaire des enfants placés à l'aide sociale à l'enfance (ASE) sur les comptes de la Caisse des dépôts et consignations. En effet, certaines CAF refusent de le faire ! Cela dit, cette information est peut-être obsolète. Toutefois, travaillez-vous avec la Caisse des dépôts et consignations pour identifier les départements dans lesquels l'allocation de rentrée scolaire lui est bien versée et ceux où ce n'est pas le cas ? Quels sont les départements dans lesquels les enfants demandent à récupérer leur allocation, ou pécule ? Avez-vous lancé un travail de recensement et d'analyse sur ce sujet et pourriez-vous nous fournir, dans les quinze jours ou trois semaines à venir, un état des lieux précis sur les comportements des CAF et des départements ainsi que sur les problèmes de transmission d'informations.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je voudrais revenir sur la solidarité à la source, qui occasionne, selon vous, la juste prestation et qui permet des économies. La première année, le gain avait été estimé à 800 millions d'euros. Avez-vous pu évaluer, cette année encore, les économies permises par ce dispositif ? Dans le rapport d'information que nous avions rédigé en 2023, avec René-Paul Savary, nous avions précisé que les économies permises devaient être affectées à la lutte contre le non-recours. J'aimerais donc que vous nous disiez si cette recommandation a bien été suivie.
Par ailleurs, vous avez indiqué que le conseil d'administration était en désaccord avec l'article 12 sur les transferts. Que le produit de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus de retraite soit affecté à une branche plutôt qu'à une autre est tout aussi pertinent : il s'agit in fine de financer la protection sociale en général par cette fiscalité qui est universelle et qui a donc vocation à être répartie. Le problème reste qu'il n'y a pas de mesures nouvelles en recettes, mais uniquement des mesures de réduction de la dépense.
Le report de la majoration des allocations familiales de 14 ans à 18 ans est vraiment inacceptable. Le gain est estimé à 0,2 milliard d'euros. Pour le deuxième enfant d'une famille au revenu inférieur à 78 000 euros par an net imposable, c'est une perte de 906 euros chaque année ; pour le troisième enfant d'une famille percevant un revenu inférieur à 85 000 euros par an net imposable, c'est une perte de 2 700 euros.
Quant au gel des allocations pour 2026... Nous sommes dans une année où la pauvreté monétaire est au plus haut depuis trente ans. Je le rappelle, 10 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté et plus de 650 000 personnes ont basculé l'année dernière sous ce seuil. Il s'agit aussi d'un enfant sur cinq qui vit dans une famille pauvre et qui est donc un enfant pauvre. Je ne peux qu'être d'accord avec la position de votre conseil d'administration et nous agirons pour la défendre.
En ce qui concerne le congé de naissance, c'est une bonne chose que nous sortions d'un système de forfait en nous alignant sur ce que font les autres pays. Le forfait était une trappe pour les femmes, notamment dans les métiers féminisés du soin, où les femmes étaient les seules, en fin de compte, à prendre ce congé. Mais y aura-t-il un plafond, comme l'a demandé ma collègue ?
Mme Laurence Muller-Bronn. - Quels sont le calendrier et les modalités de mise en oeuvre de ce congé supplémentaire de naissance ? Comment s'articulera-t-il concrètement avec les congés de maternité, de paternité et parental qui existent déjà ?
En décalant l'âge d'ouverture des droits de 14 ans à 18 ans, on supprime de fait l'octroi de la majoration des allocations familiales. Or nous savons que le coût réel d'un adolescent pour une famille commence à être élevé à cet âge. La majoration des allocations familiales relève d'une logique de soutien continu à l'éducation des enfants. La mesure envisagée est un mauvais signal dans le contexte que connaît la natalité, qui reste un enjeu national. Ce sont surtout les familles de la classe moyenne qui seront touchées. Une famille qui a deux enfants au lycée sera privée de 300 euros par mois. La mesure ne peut qu'avoir un impact négatif sur notre pays.
Mme Marion Canalès. - Tout d'abord, concernant le pécule dont a parlé Mme Rossignol, une campagne devait être lancée et elle va l'être. Sera-t-elle suivie d'une coordination avec les départements ? Tout cela est-il bien organisé ? En effet, il ne s'agit pas seulement de lancer la campagne, mais aussi de mobiliser les caisses d'allocations familiales et l'ensemble des départements.
Ensuite, le crédit d'impôt famille semble créer un effet d'aubaine pour les plateformes d'intermédiation pour les crèches. On constate, en effet, que ces plateformes se rémunèrent en prélevant à leur profit une partie du prix de la réservation. Ces activités d'intermédiation posent question, dans la mesure où les marges dégagées sont financées à hauteur de 75 % par l'argent public. On constate une certaine opacité et il ne me paraît pas acceptable qu'elles se rémunèrent comme un service de commercialisation, car les familles ne sont plus informées du coût réel. Comment progresser sur ce sujet ?
Enfin, toujours au sujet du contrôle des crèches, vous semble-t-il opportun de permettre aux contrôleurs en action sociale des CAF de pouvoir qualifier directement de frauduleux les comportements constatés et de bénéficier d'une assermentation dans le cadre de leur contrôle ? Est-ce faisable ? En tout cas, c'est l'une des préconisations que nous avions formulées.
M. Daniel Chasseing. - Tout d'abord, je me réjouis du financement des crèches par la CAF, à des taux importants, notamment en milieu rural, qui ont permis leur réalisation. Pour le congé de maternité, le taux actuel de prise en charge des indemnités journalières me paraît satisfaisant. À quel niveau se situera-t-il ?
Ensuite, pour la récupération de la pension alimentaire, le délai de deux ans n'est en effet pas suffisant. L'avance de la CAF est très importante pour les familles, souvent monoparentales, et la Caisse apporte des sommes indispensables en attendant que le débiteur s'acquitte de son obligation. Le nouveau projet de dispositif pour faciliter la récupération, à savoir le prélèvement sur salaire, vous paraît-il efficace ?
M. Khalifé Khalifé. - Ma première question est d'ordre technique. Vous avez évoqué un travail sur les fraudes. Je mène une réflexion sur le sujet depuis quelques mois : l'arrivée de l'intelligence artificielle et l'usage du data streaming donnent lieu à des expériences plutôt positives à l'étranger. Cependant, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) semble être un frein important. Partagez-vous ce constat ?
Deuxièmement, quels sont les obstacles à la récupération des indus ou, plus précisément, quels problèmes rencontrez-vous pour les recouvrer ?
M. Nicolas Grivel. - Madame Gruny, votre question sur l'article 44 soulève en réalité le sujet de l'année blanche sur toutes les prestations que l'on retrouve dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme on les retrouvera dans le projet de loi de finances. L'impact est assez net : aucune prestation qui a vocation à être revalorisée ne le serait dans le cadre de cette année blanche, ce qui a un impact financier, prestation par prestation. Le montant que vous citiez est, à mon sens, un peu minoré par rapport à l'impact qu'une telle mesure pourrait avoir. Nous avons un chiffre global sur les prestations familiales, de 0,4 milliard ou 0,5 milliard d'euros, mais il faudrait que je vérifie ce point. Le chiffre figurera certainement dans l'étude d'impact.
Toutefois, cela concernera aussi les prestations que nous versons pour le compte de tiers, qu'il s'agisse des aides au logement, du RSA ou de la prime d'activité, etc. L'aspect global est évidemment important dans les sujets d'ajustement et d'économie qui sont posés.
Il ne devrait pas y avoir de problème d'articulation des dispositifs puisque, en réalité, nous continuerions de verser les prestations telles qu'elles le sont cette année. Ce type de problème aurait pu surgir s'il y avait eu des choix « de dentelle », consistant à calibrer différemment, à faire une année blanche pour une partie des bénéficiaires et pas pour d'autres, etc. Mais globalement, nous continuerons à verser les prestations de manière inchangée.
Sur le report de la majoration des allocations familiales de 14 ans à 18 ans, Isabelle Sancerni a donné l'avis assez net du conseil d'administration. C'est une mesure réglementaire qui est positionnée et annoncée au sein d'une trajectoire globale et qui n'est pas portée en tant que telle par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle s'inscrit aussi en contrepartie de la création du congé de naissance.
Toutefois, cette économie est discutée. Une étude menée il y a quelques années par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) a montré qu'il y avait un surcoût assez net à 18 ans, ou du moins qu'il n'y avait pas de caractérisation d'un surcoût particulier entre 13 ans et 14 ans. Le débat est évidemment plus large.
Je confirme que les modalités du congé de naissance seront précisées par voie réglementaire, y compris le taux de prise en charge. Je ne peux pas répondre à votre question sur le plafonnement. Vous pourrez poser la question au ministère sur ce qui est envisagé à ce stade.
Mme Laurence Rossignol. - On ne peut pas voter une mesure sans connaître le plafond.
M. Nicolas Grivel. - L'étude d'impact pose les modalités en indiquant que le taux de prise en charge sera de 70 % et 60 %. Elles seront précisées par voie réglementaire. En outre, l'étude d'impact mentionne l'existence d'un plafond sans préciser le montant, mais un plafond est bien prévu.
Je confirme qu'il n'y aura pas de changement sur la prise en charge des indemnités journalières de congé de maternité. Nous conserverons les modalités antérieures.
Sur le vaste sujet du recouvrement de la pension alimentaire, le choix de l'intermédiation plutôt que du prélèvement sur salaire a été fait il y a quelques années. Je ne reviendrai pas sur le sujet, mais je note que nous observons une montée en puissance très forte de l'intermédiation, compte tenu de sa systématisation dans tous les jugements de divorce qui sont prononcés. La situation du versement par intermédiation sans impayés est désormais majoritaire dans nos procédures. Nous continuons évidemment à gérer des impayés et à recouvrer des arriérés de pension, mais nous avons en quelque sorte banalisé l'intermédiation, qui fonctionne normalement sans difficulté et qui est ici placée dans une logique de prévention.
En effet, nous savons qu'il y a 30 % de situations d'impayés, mais nous ne savons pas à l'avance quelles sont les situations qui vont générer ce taux. Par conséquent, en plaçant un service public en intermédiation, nous obtenons un effet évidemment préventif.
De plus, nous constatons que les montants moyens d'impayés que nous avons à gérer et le nombre de mois qui génèrent ces impayés sont en chute constante. Nous intervenons donc de manière plus précoce sur ces situations et sur des cas moins problématiques, car il vaut mieux, même en cas d'impayé, intervenir plus tôt. Par l'intermédiation, nous pouvons donc faciliter les choses et limiter la conflictualité sur ces sujets. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a plus de problème, car il reste le « stock » des situations anciennes qui peuvent donner lieu à des impayés.
Ce dispositif permet d'obtenir des résultats. Nous avons considérablement amélioré le recouvrement des impayés, puisque nous sommes passés d'un taux de l'ordre de 55 % à 80 %. Notre efficacité s'est donc renforcée.
La mesure proposée vise à aller encore plus loin : si nous remontons le délai à cinq ans plutôt qu'à deux ans, nous aurons de meilleurs résultats sur les paiements directs et sur les recouvrements « forcés » que nous obtenons. Cela vient corroborer l'intérêt du dispositif d'intermédiation et la force qu'il a su trouver, même si des améliorations restent encore possibles.
Plusieurs questions ont porté sur le pécule d'allocation de rentrée scolaire versée aux enfants placés à l'ASE. Je n'ai pas connaissance de situations où les CAF ne verseraient pas les sommes dues, en tout cas récemment. En revanche, le problème est surtout de savoir ce que devient l'argent une fois qu'il a été versé à la Caisse des dépôts et consignations et comment il est restitué aux sortants de l'ASE. Autrement dit, la concentration collective de nos efforts consiste à savoir comment faire pour que des personnes qui ont de l'argent à la Caisse des dépôts et consignations récupèrent cet argent. En effet, la part de ceux qui le retrouvent est faible par rapport à ce que l'on pourrait souhaiter. La Caisse des dépôts et consignations a du mal à interagir avec les départements pour avoir des informations exactes sur les personnes concernées de sorte qu'elle ne les retrouve pas forcément.
Nous avons accepté de prêter notre concours à une opération qui consiste à systématiser une campagne de contact auprès de ces personnes, en croisant les informations de la Caisse des dépôts et consignations avec celles de l'assurance maladie et en adressant un courriel à l'ensemble des personnes dont nous avons le contact pour leur indiquer comment récupérer leur argent.
Cette campagne est en cours. Le taux de réception des courriels est plutôt satisfaisant à ce stade. Nous ferons le bilan de cette opération pour voir s'il faut la pérenniser, en lien avec les départements. En effet, cette campagne doit pouvoir déclencher un suivi plus fin des sorties de l'ASE.
Concernant la solidarité à la source, la réforme a pris son envol pleinement avec la généralisation du dispositif en mars dernier. Elle fonctionne globalement de manière satisfaisante, même s'il reste des points d'amélioration. Nous avons simplifié la vie de millions d'allocataires qui disposent désormais d'une déclaration préremplie pour déclarer leurs ressources au titre du RSA et de la prime d'activité. Les effets financiers peuvent jouer dans les deux sens. L'effet instantané est le plus fort ; il est évidemment plutôt à l'économie, puisque nous allons générer moins d'indus que nous ne parvenons pas forcément à détecter et à récupérer par la suite. Ce faisant, nous versons le juste droit d'emblée.
Cela représente aussi un intérêt très fort pour les personnes qui reçoivent les prestations, car nous sécurisons leurs droits. Lorsque nous discutons avec les allocataires, ils nous disent préférer recevoir la bonne somme dès le départ et savoir qu'ils peuvent compter sur ce montant, plutôt que de percevoir un peu plus et de devoir en restituer une partie après, ce qui est très déstabilisant. Il y a donc un intérêt collectif à cette démarche. C'est d'ailleurs pour cette raison que les associations de lutte contre la pauvreté soutiennent cette réforme et y trouvent un intérêt très fort.
L'effet est plus limité sur le RSA que sur la prime d'activité, car, très souvent, les bénéficiaires de cette prestation n'ont pas de ressources du tout et ne sont donc pas concernés par la réforme.
Ce qui est intéressant, c'est de mesurer l'effet sur l'accès aux droits. Cet effet peut être spontané, mais progressif, en raison d'un moindre découragement des personnes qui ont vécu des situations difficiles, notamment concernant la prime d'activité : parce que le système est plus simple, ces personnes accèdent plus facilement à leurs droits.
Mais il y a aussi un effet organisé qui consiste en des campagnes d'accès aux droits, notamment pour la prime d'activité, qui est la prestation sans doute la moins connue et pour laquelle le taux de non-recours est le plus net. Nous continuerons de mener ce type de campagne que nous pouvons désormais mieux cibler parce que nous connaissons les ressources des personnes concernées.
Nous avons également beaucoup progressé en matière de détection des fraudes grâce à l'utilisation du data mining : il ne s'agit pas d'intelligence artificielle, mais du ciblage statistique des situations qui se prêtent le plus à un indu. Il ne s'agit donc pas de fraude, mais d'indus dont une partie peut être frauduleuse, mais pas la totalité. La solidarité à la source a permis de réduire les indus résultant d'erreurs, de sorte que nous pouvons désormais nous concentrer sur la lutte contre la fraude.
Notre taux de récupération des indus est assez colossal puisque nous récupérons environ 80 % des indus de manière générale et près de 70 % des indus frauduleux. Cependant, plus nous nous heurtons à la fraude organisée, plus la récupération est difficile, car l'organisation va jusqu'à effacer les personnes auprès desquelles nous devons récupérer ces sommes. Néanmoins, nous avons globalement de bons résultats sur ce sujet.
Je ne considère pas la Cnil comme un frein, mais il s'agit de placer les bons curseurs entre le respect des droits, qui est fondamental, et l'intérêt général qui s'attache aussi à la lutte contre la fraude. De ce point de vue, nous avons des échanges toujours fructueux et intéressants avec la Cnil. Nous avons structuré en notre sein un comité d'éthique sur l'usage des données, qui était parfois contesté, notamment en matière de contrôle. Nous menons des débats très intéressants au sein de ce comité d'éthique avec des associations de lutte contre la pauvreté, des experts de ces sujets et nos administrateurs, et cela nous permet d'avancer dans la rénovation de nos modèles de data mining et de ciblage. Ces sujets devraient évoluer profondément avec la mise en oeuvre de la solidarité à la source, car nous aurons moins besoin de cibler les risques d'indus par erreur et nous pourrons nous concentrer sur d'autres problématiques, dont la fraude.
Nos financements ont été jugés décisifs pour le maintien et le développement de l'offre de crèches, dans un contexte compliqué. L'enjeu est pour nous de faire évoluer ce modèle en passant par tous les canaux financiers qui alimentent le secteur de la petite enfance. Alors que le crédit d'impôt est parfois remis en question, nous considérons qu'il joue un rôle important en incitant les entreprises à financer l'accueil des jeunes enfants. Si nous le supprimions sans rien prévoir d'autre pour garantir ce financement, nous aurions globalement moins de ressources pour la petite enfance. Nous préconisons donc une certaine prudence sur ce sujet en l'absence d'une réforme plus globale.
Nous pourrions sans doute envisager de nouvelles mesures sur le ciblage ou le plafonnement de certaines prises en charge financières, dans le cadre du débat parlementaire. L'Assemblée nationale se penche d'ailleurs sur ce sujet.
Le contrôle et la déclaration de la fraude sont des sujets que nous examinons. L'enjeu pour nous est d'être le plus efficace possible en la matière. Se pose la question de la caractérisation presque pénale du sujet, à savoir la capacité de proposer des sanctions d'ordre administratif qui soient plus directes. Nous faisons évoluer nos modèles en ce sens. Le dispositif montera en charge progressivement, au gré du renouvellement de nos conventions, l'objectif étant de pouvoir appliquer une sanction administrative directe dans des cas de fraude à l'action sociale, indépendamment des procédures pénales que nous pouvons diligenter pour les cas les plus significatifs. Cette voie nous paraît plus prometteuse que le recours systématique au pénal. Nous n'avons aucune difficulté à appliquer la sanction administrative prévue par les textes à des allocataires qui fraudent ; il n'y a pas de raison que ce ne soit pas le cas pour des structures qui fraudent.
M. Jean Sol, président. - Nous vous remercions pour votre participation.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo, disponible en ligne sur le site du Sénat.
Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales - Désignation de rapporteurs
La commission désigne M. Olivier Henno et Mme Frédérique Puissat rapporteurs sur le projet de loi n° 24 (2025-2026) relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.
La réunion est close à 12 h 50.
- Présidence de Mme Pascale Gruny, vice-présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 35.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Audition de M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie
Mme Pascale Gruny, présidente. - Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, nous accueillons M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam).
Monsieur le directeur général, nous soulignons depuis plusieurs années que la situation financière de la branche maladie est préoccupante, les déficits nés à l'occasion de la crise du covid-19 étant désormais devenus structurels. Le déficit prévu pour 2025 s'élève ainsi à 17,2 milliards d'euros, ce qui est évidemment considérable en dehors d'une période de crise.
Dans sa version initiale, le PLFSS pour 2026 prévoit de fortes mesures d'économies, dont le montant cumulé atteindrait 7,1 milliards d'euros. Ainsi, la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) serait limitée à 1,6 %, ce qui reste supérieur à l'inflation, mais correspond au niveau le plus faible depuis une dizaine d'années. J'observe que ces annonces ont déjà suscité de vives réactions de la part des publics concernés.
Je vais à présent vous laisser commencer cette audition par un propos liminaire dans lequel vous nous détaillerez ces mesures et nous donnerez la vision de la Cnam sur ce PLFSS.
Les membres de la commission pourront ensuite vous interroger, en commençant bien sûr par notre rapporteure de la branche maladie, Corinne Imbert.
M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'assurance maladie. - En guise d'introduction, je commencerai par évoquer le cadrage macroéconomique de ce PLFSS, pour souligner la gravité de la situation financière de l'assurance maladie. Le déficit pour 2025 serait même légèrement supérieur aux prévisions de la commission des comptes du printemps dernier, atteignant un peu plus de 17 milliards d'euros, un chiffre très important hors période de crise sanitaire ou financière.
Pour autant, ce PLFSS porte l'ambition d'une diminution significative de ce déficit, puisque l'objectif de déficit est fixé par le Gouvernement à 12,5 milliards d'euros pour 2026, alors même que la conjoncture économique, et donc les hypothèses de croissance et de recettes, ne sont pas favorables.
Si ce cadrage est respecté, cela marquera la fin de la dégradation post-covid et engagera une marche de redressement importante. Deux leviers y contribueront : un effort de maîtrise des dépenses, avec un Ondam pour 2026 en augmentation de 1,6 % et un quantum d'économies très significatif de 7 milliards d'euros, ainsi qu'une progression des recettes de l'assurance maladie de l'ordre de 10 milliards d'euros entre les prévisions pour 2025 et les objectifs pour 2026. L'article 12 du PLFSS, qui porte sur les affectations financières entre l'État et la sécurité sociale et sur la répartition des recettes entre les branches, opère des choix qui favorisent l'assurance maladie et contribuent ainsi à la réduction de son déficit, ce dont je ne peux que me féliciter.
Vous ne serez pas surpris que je reparte des propositions que nous avons formulées cet été dans le cadre du rapport Charges et produits, plusieurs articles de ce projet de loi les portent et vont, du point de vue de l'assurance maladie, dans le bon sens.
Ces propositions, au nombre de soixante, s'articulent autour de trois axes : la prévention, l'organisation du parcours de soins, et ce que nous avions appelé « le juste soin au juste prix ».
Sur la prévention, deux sujets sont mis en avant. D'une part, l'article 19 construit un dispositif en amont de l'entrée en affection de longue durée (ALD), que nous avions qualifié d'identification d'un risque chronique. Le texte de l'article évoque un parcours de prévention, mais l'idée est la même : identifier en amont des situations de risque, comme l'obésité ou l'hypertension artérielle, afin de déclencher un suivi rapproché par le médecin, la mise en place de programmes de prévention, voire d'un panier de soins dédié. Il s'agit d'une réforme structurelle qui nous paraît pertinente.
D'autre part, l'article 20 traduit une ambition sur la vaccination, un sujet sensible. Il s'agit de renforcer son soutien, voire d'étendre son obligation, en lien avec les avis de la Haute Autorité de santé (HAS).
Le deuxième axe concerne l'organisation et le parcours de soins. Bien que ce domaine ne relève pas entièrement du domaine législatif, les mesures que nous avions préconisées dans notre rapport sur une meilleure organisation des soins de ville, notamment des soins non programmés, trouvent une réponse à l'article 21, lequel définit un cahier des charges pour les structures de soins non programmés, afin que celles-ci soient mieux reliées à l'organisation territoriale, à l'hôpital et au service d'accès aux soins (SAS). Elles s'inscriraient ainsi davantage dans une continuité de prise en charge, ce qui nous semble positif au regard du déploiement parfois chaotique de solutions qui, si elles répondent à des besoins localement, le font de manière peu coordonnée avec les autres acteurs du territoire qu'ils soient hospitaliers ou de la médecine de ville.
Le troisième axe est donc le juste soin au juste prix. Plusieurs articles rejoignent nos propositions à ce titre. L'article 24 vise ainsi à lutter contre les rentes dans le système de santé. Nous avions identifié des secteurs d'activité - imagerie, radiothérapie, dialyse - dans lesquels, sans les stigmatiser, car ces prises en charge sont nécessaires, les niveaux de tarifs et de rentabilité sont très élevés. Cet article met en place des outils pour répondre à ces situations, ce qui semble indispensable dans le contexte financier actuel, même si je rappelle combien nous sommes attachés au dialogue conventionnel.
Le deuxième volet de cet axe touche à l'utilisation du numérique en santé. Le PLFSS propose d'aller plus loin dans l'utilisation systématique du dossier médical partagé (DMP) et de « Mon espace santé », avec des sanctions possibles en cas de non-consultation ou de non-alimentation. Il s'agit de poser un cadre pour que, au regard des investissements réalisés et dans la mesure où près d'un tiers des assurés ont activé leur espace numérique et où un document de santé sur deux y est déposé, l'usage de ces outils devienne systématique, voire obligatoire, au bénéfice du juste soin.
Un troisième volet porte sur l'efficience des prescriptions hospitalières. Nous avions proposé la mise en place d'un dispositif simplifié d'intéressement de l'hôpital aux justes prescriptions ; c'est ce que vise l'article 27. Ce cadre nous semble intéressant à déployer avec les agences régionales de santé (ARS) et les hôpitaux.
Enfin, le dernier élément de cet axe a trait aux médicaments. Nous observons une rupture depuis la crise de la covid-19, avec une accélération de la dépense de médicaments remboursés, laquelle progresse plus vite que l'Ondam et a atteint 8 % en 2024 par rapport à 2023, un niveau inédit. Ce PLFSS apporte des outils de régulation plus transparents, notamment sur la clause de sauvegarde et sur les avances de trésorerie. J'insiste surtout, à ce titre, sur l'article 33 et sur le soutien au déploiement des médicaments biosimilaires, pour lesquels les marges de manoeuvre nous semblent importantes.
Un sujet important, qui peine à entrer dans ces trois catégories, concerne les arrêts de travail, lesquels représentent environ 16 milliards d'euros de dépenses et progressent de plus de 6 % par an en moyenne, soit 1 milliard d'euros supplémentaires chaque année.
Ce PLFSS reprend deux de nos propositions. L'article 28 vise ainsi à limiter la durée de prescription des arrêts de travail, souvent trop longue au regard des référentiels établis par les sociétés savantes. L'article 29, quant à lui, apporte une réponse à la problématique des arrêts de longue durée relevant des ALD non exonérantes, assortis d'un suivi médical souvent insuffisant. Il nous semble légitime de supprimer ce dispositif pour revenir à un système de droit commun, qui permettra de mieux prévenir la désinsertion professionnelle.
Je termine en précisant qu'un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales ayant été déposé par le Gouvernement, le présent PLFSS est assez peu fourni sur ce thème. Il convient donc de prendre en considération l'ensemble du tableau.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Le PLFSS pour 2026 prévoit de contenir la hausse de l'Ondam à 1,6 %. Cette prévision, qui repose sur 7,1 milliards d'euros d'économies, marquerait une rupture radicale avec la progression moyenne de 4,8 % observée hors covid entre 2019 et 2025.
La crédibilité de ce taux affiché est sujette à caution, l'Ondam étant systématiquement sous-évalué, même s'il a été exceptionnellement maintenu cette année grâce aux alertes formulées lors de sa construction. Dans ce contexte, estimez-vous crédibles les projections d'économies affichées ? Cette question ne porte pas sur le pilotage de l'Ondam, mais bien sur sa crédibilité.
L'article 24, qui suscite de vives réactions parmi les professionnels libéraux, prévoit un mécanisme de prévention des rentes applicable potentiellement à tous les secteurs. Ce dispositif vous autoriserait, en l'absence d'accord conventionnel, à décider unilatéralement de baisses de tarifs. Cet article prévoit également que les forfaits techniques en imagerie versés aux structures détentrices d'équipements en matériel lourd soient désormais fixés unilatéralement par le directeur de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie (Uncam).
Vous connaissez l'attachement de notre commission à la négociation conventionnelle ; bien que plus lourde, celle-ci ne doit-elle pas être préférée chaque fois que cela est possible ? Peut-on encore espérer la coopération des syndicats dans la maîtrise des dépenses, si la loi prévoit la possibilité de réduire les tarifs sans leur accord ? Enfin, si vous me permettez de vous taquiner, quelle est votre définition d'une rente, monsieur le directeur général ?
L'article 29 du PLFSS prévoit la suppression du régime des ALD non exonérantes. Toutefois, cette évolution ne s'accompagne d'aucun mécanisme de développement du temps partiel thérapeutique, d'aucun accroissement des garanties de prévoyance, ni d'aucune autre mesure d'accompagnement pour les assurés concernés. Ces derniers sont majoritairement touchés par des pathologies psychiques ou par des troubles musculosquelettiques qui répondent rarement aux critères d'invalidité. En l'état, la suppression de ce régime ne risque-t-elle pas de précariser des assurés déjà fragiles ? Si tel devait être le cas, envisagez-vous des mesures d'accompagnement de ces patients ? Lesquelles vous semblent prioritaires ?
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Le rapport Charges et produits, publié en juillet, préconisait de « programmer un nouveau partage de prise en charge de certains soins avec les organismes complémentaires et les patients à hauteur de 3 milliards d'euros » à l'horizon 2030. Or le PLFSS prévoit dès 2026 d'augmenter les franchises et les participations forfaitaires pour un montant de 2,3 milliards d'euros. Quelle appréciation portez-vous sur cette augmentation rapide ? Des mesures sur les dépenses autres que celles actuellement prévues vous semblent-elles envisageables pour 2026 ?
Dans ce même rapport, vous sembliez suggérer qu'il n'était pas possible de ramener la branche maladie à l'équilibre d'ici à 2030 sans une augmentation substantielle des recettes. Est-ce toujours votre analyse ? Quelle appréciation portez-vous sur la répartition de l'effort entre recettes et dépenses envisagée pour 2026 ?
Le rapport préconise également d'améliorer de 3 milliards d'euros le solde de la seule branche maladie d'ici à 2030 grâce à la lutte contre la fraude. Pourtant, le projet d'annexe à la LFSS indique que la projection pluriannuelle pour l'ensemble des branches n'anticipe qu'une hausse du rendement des efforts de lutte contre la fraude d'un peu plus de 1 milliard d'euros à l'horizon 2029. Comment expliquer cet écart ? Faudrait-il prendre des mesures supplémentaires pour lutter contre la fraude ? La Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) retient-elle une estimation du stock de fraude plus élevée que celle du Gouvernement ?
La réforme du service médical suscite toujours des inquiétudes. La suppression des échelons régionaux et la nouvelle organisation centrée sur les caisses départementales fait craindre une désorganisation, une perte de solidarité entre les différentes caisses et une atteinte à l'indépendance des médecins-conseils. Pouvez-vous nous préciser comment vous comptez garantir le maintien d'un service médical de qualité, équitable et indépendant, et nous indiquer où en sont vos travaux sur ce point ?
L'article 18 instaure un plafond dédié de franchise pour les transports sanitaires. Dans les territoires ruraux, où une offre de transport suffisante est nécessaire ; des protocoles expérimentaux, notamment dans le cadre de l'article 51, visent à inciter les taxis conventionnés à basculer vers le statut de véhicules sanitaires légers (VSL). Pouvez-vous nous en dire plus sur ces expérimentations, ainsi que sur l'avancement des travaux de la Caisse concernant les outils de facturation et de géolocalisation ? Cette offre semble se concrétiser sur certains territoires et je souhaite savoir où vous en êtes à ce sujet.
Enfin, ma dernière question porte sur les dispositifs médicaux reconditionnés. De nombreuses entreprises en mettent sur le marché - j'ai notamment à l'esprit une entreprise de Nantes spécialisé dans le matériel orthopédique -, mais ceux-ci ne sont pas remboursés, ce qui les rend plus coûteux pour l'hôpital que des produits à usage unique. Cette situation est paradoxale au regard de la vertu environnementale de ces dispositifs, qui permettent de réduire les déchets. Quelle est votre position sur ce sujet ?
M. Thomas Fatôme. - L'Ondam 2026 se situe à un niveau historiquement faible, en effet, mais il convient de lier cela au contexte de baisse de l'inflation. Le Gouvernement justifie ce taux dans l'annexe 5 par un ensemble d'économies de 7,1 milliards d'euros, dont une part importante, près de 3,4 milliards d'euros, provient de mesures paramétriques, notamment de l'augmentation des franchises et des participations forfaitaires. Cet élément contribue très significativement à la faiblesse du taux de l'Ondam. Si l'on neutralisait l'effet mécanique de ces mesures, ce taux serait beaucoup plus élevé. D'autres mesures ambitieuses concernent la maîtrise médicalisée des dépenses et le juste prix, mais ce premier facteur est déterminant.
Sur le sujet de la lutte contre les rentes, et de l'imagerie, je suis bien placé pour rappeler l'importance du dialogue conventionnel. Depuis 2020, j'ai signé des conventions ou des avenants avec la totalité des professions de santé : médecins, professions paramédicales comme transporteurs sanitaires. J'ai la conviction que cet outil est vertueux.
Toutefois, pour prendre l'exemple le plus récent, le Parlement nous a demandé de négocier avec les syndicats médicaux un protocole sur l'imagerie médicale, fixant un objectif de 300 millions d'euros d'économies. Nous nous sommes pleinement engagés dans cette négociation entre mars et juillet 2025, au travers de nombreuses réunions et propositions. Nous avons notamment tenté de construire avec les syndicats un cadre plus ambitieux et plus opérationnel sur la pertinence des examens d'imagerie, sujet complexe qui met en jeu la responsabilité du médecin prescripteur comme celle de l'imageur. En juillet, j'ai proposé un protocole pluriannuel mêlant des économies sur la pertinence et des baisses de tarifs. La réponse des syndicats médicaux a été : « pas un euro de baisse de tarif ! ». Je regrette cette position.
Deux rapports de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF), l'un sur la radiologie, l'autre sur la financiarisation, ont montré très clairement que le niveau de valorisation de ces activités et la rentabilité de la radiologie étaient élevés. Le ratio d'excédent brut d'exploitation sur chiffre d'affaires des sociétés de radiologie a est passée de 10 % à 13 % entre 2019 et 2023. Il est donc légitime que l'assurance maladie adapte ses tarifs pour ne pas laisser se développer ce que j'appelle des rentes, c'est-à-dire une rentabilité excessive au regard d'une situation économique normale.
Des ratios d'excédent brut d'exploitation sur chiffre d'affaires de 13 %, 15 %, voire 25 %, sont extrêmement rares dans l'économie, hormis dans des secteurs comme le luxe. Il est légitime d'adapter ces tarifs, a fortiori quand le financement provient de l'argent public.
Je privilégie toujours la négociation, mais lorsque le Parlement considère que, faute d'accord, la décision doit être unilatérale, je dois malheureusement procéder à des baisses de tarifs, que j'ai enclenchées la semaine dernière, non sans regret. Je les ai étalées afin que la discussion puisse être ouverte à nouveau au-delà des premières baisses qui interviendront le 5 novembre.
Certains affirment que ces décisions pourraient mettre en péril l'économie de la radiologie et de l'imagerie ; je n'y crois pas un instant. Nous avons besoin de technologies modernes et d'imagerie ; le nombre de machines a augmenté de 30 % en cinq ans, ce qui facilite l'accès aux soins ; notre parc est l'un des plus modernes d'Europe et l'intensité d'utilisation de nos équipements nous place parmi les trois premiers pays au monde. Nous pourrons continuer à financer une imagerie de qualité au bénéfice des patients. Je suis navré des commentaires qui ont pu être émis en dehors de cette commission sur cette décision, qui me paraît être parfaitement responsable.
L'article en question est très encadré : ces procédures ne se déclencheront que dans des situations particulières dans lesquelles des observatoires auront démontré l'existence de rentes. À titre d'exemple, les rapports de l'Igas et de l'IGF estiment que les forfaits techniques sont survalorisés de près de 70 %, ce qui représente 500 à 600 millions d'euros. Je propose quant à moi une baisse de 12 %, étalée sur trois ans.
La négociation conventionnelle, que nous avons fait aboutir dans de très nombreux cas, y compris avec les médecins, dans des conditions difficiles, doit toujours être privilégiée.
Sur le sujet des ALD non exonérantes, nous avons établi le diagnostic selon lequel ce régime expliquait en très grande partie la dynamique des arrêts de travail de longue durée, avec des situations souvent caractérisées par un recours aux soins et par un suivi médical limités. Il ne semble pas légitime de conserver un droit à un arrêt de travail analogue à l'ALD pour une personne qui n'est pas en ALD. Il est difficile de mieux réguler le système des arrêts de travail, ainsi qu'on nous le demande si nous n'abordons pas des sujets structurels comme celui-ci.
Lorsque nous effectuons des contrôles sur les arrêts de travail longs, nous observons un nombre important de cas dans lesquels la situation de l'intéressé relève soit de l'invalidité - la personne n'est plus en état de travailler et doit basculer dans ce régime -, soit d'une capacité à reprendre le travail.
Cette disposition, si elle est votée, justifiera un investissement renforcé sur la prévention de la désinsertion professionnelle, à laquelle nous travaillons avec les services de santé au travail. Nous avons d'ailleurs expérimenté, dans le cadre de la convention médicale, un dispositif appelé SOS IJ - pour indemnités journalières - consistant à mettre à la disposition des médecins des relais du service social, du service médical et des services administratifs de l'assurance maladie pour mieux accompagner praticiens et patients lors des arrêts longs. Nous entendons généraliser progressivement ce dispositif en 2026.
Nous ne régulerons pas les 10 millions d'arrêts de travail annuels par le seul contrôle. L'immense majorité d'entre eux sont justifiés, mais nous ne parviendrons pas à maîtriser une dépense qui augmente de plus de 1 milliard d'euros chaque année, et dont nous avons démontré que près de 40 % de la dynamique n'était pas justifiée, si nous ne mettons pas en oeuvre des réformes structurelles comme celles que le Gouvernement propose.
Dans le rapport Charges et produits, nous avons proposé de piloter dans la durée les dépenses d'assurance maladie au même rythme que le PIB, c'est-à-dire que la croissance de la richesse nationale, et de faire de même pour les recettes, qui progressent tendanciellement un peu moins vite.
Cet objectif est doublement difficile à atteindre : d'une part, il est complexe de contenir les dépenses au même rythme que la croissance générale, en raison de puissants facteurs structurels d'augmentation ; d'autre part, un effort sur les recettes est également nécessaire.
Si nous nous en tenions à cette seule mesure, nous ne ferions que stopper l'hémorragie en stabilisant le déficit à son niveau actuel. Or ce déficit est en grande partie conjoncturellement lié au Ségur de la santé, dont les 13 milliards d'euros de dépenses n'ont pas été financés, ce qui explique le solde négatif de 17 milliards d'euros. Maintenir la progression des dépenses et des recettes au niveau de celle du PIB reviendrait donc à reconduire ce déficit de 17 milliards d'euros chaque année.
Pour autant, l'assurance maladie a considéré que le débat sur la manière de faire plus pour résorber ce déficit - par des économies supplémentaires ou par de nouvelles recettes - relevait de la responsabilité du Parlement et du Gouvernement. Des arguments solides militent dans les deux sens : réaliser davantage d'économies est ardu, car les dépenses augmentent structurellement vite ; obtenir plus de recettes est également difficile, compte tenu du niveau élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays. Nous avons donc laissé cette question à la sagesse du Gouvernement et du Parlement, laquelle est particulièrement sollicitée en ce moment !
En l'espèce, le Gouvernement a fait les deux choix simultanément. Il propose un Ondam qui progresse moins vite que le PIB en valeur, ce qui est un choix ambitieux, mais il prévoit aussi une affectation de recettes favorable à l'assurance maladie, lui assurant ainsi une croissance plus rapide que le PIB. Je ne peux que me féliciter de ces deux orientations, lesquelles doivent conduire à une diminution significative et absolument nécessaire du déficit de l'assurance maladie. Le PLFSS porte le plafond de trésorerie de l'Urssaf Caisse nationale à un niveau inédit de 83 milliards d'euros. Si nous n'engageons pas ce redressement, nous nous trouverons donc en grande difficulté.
Concernant la fraude, je répondrai avec prudence, car les annexes au projet de loi de financement sont produites par les ministères de la santé et des comptes publics, et non par l'assurance maladie ; il revient donc à leurs services de vous apporter une réponse plus précise.
Le milliard d'euros que vous évoquez concerne des fraudes qui ne concernent pas l'assurance maladie. On distingue le préjudice subi et le préjudice évité, et seul le second emporte un effet sur l'Ondam. Ce milliard d'euros n'a donc rien à voir avec l'assurance maladie.
Nos évaluations, portées également par le Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), estiment le montant de la fraude entre 1,3 et 2 milliards d'euros, ce qui constitue sans doute une fourchette basse. Nous avons obtenu des résultats records en la matière en 2024, à hauteur de 640 millions d'euros, et nous avons bon espoir de faire mieux en 2025, grâce aux leviers supplémentaires que nous apportera le projet de loi du Gouvernement. Ces résultats proviennent avant tout du déploiement opérationnel des contrôles et des sanctions, ainsi que de réformes structurelles, comme le Cerfa sécurisé pour les arrêts de travail ou l'ordonnance numérique, qui visent à fermer les zones à risque.
La réforme du service médical avance, elle est même largement engagée. Depuis le 1er octobre, sur la base du décret en Conseil d'État du 30 juin 2025 relatif à l'organisation du service du contrôle médical, les 7 300 agents du service médical ont rejoint les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Un dialogue social très riche a conduit à l'organisation d'un référendum, à la demande de deux organisations syndicales, sur la validation de l'accord de transition définissant le cadre social du passage à la nouvelle organisation. Avec une participation de 87 %, 82 % des personnels ont répondu oui à la question posée.
Cette réforme, désormais très fortement lancée, se déploie dans le respect de la totale indépendance technique des praticiens-conseils et des infirmiers du service médical, garantie par la loi comme par le règlement. Des instructions ont été adressées à l'ensemble du réseau pour qu'elle soit pleinement préservée. Il ne s'agit aucunement de supprimer le service médical, mais bien de faire en sorte que ses agents rejoignent le réseau de l'assurance maladie au sein des caisses primaires. L'objectif est de former des équipes conjointes pour améliorer la prévention, l'accompagnement des professionnels de santé, le contrôle et la lutte contre la fraude. Les collectifs de travail qui se créent depuis le 1er octobre me donnent la conviction que cette réforme permettra de mettre en oeuvre efficacement les politiques publiques qui relèvent de notre responsabilité.
En ce qui concerne les transports sanitaires, l'article 51 permet la transformation de taxis en véhicules sanitaires légers (VSL). Les premières évaluations étant plutôt prometteuses, ce levier pourrait être mobilisé, y compris pour répondre à des besoins dans les territoires et rendre la dépense plus efficiente. Nous continuons donc à soutenir cette expérimentation.
Je signale également que nous avons récemment signé un protocole avec les transporteurs sanitaires afin de répondre à la demande du Parlement visant à réaliser des économies sur ce poste. De plus, la nouvelle convention avec les taxis sera mise en oeuvre à partir du 1er novembre. Ce texte a fait l'objet de nombreux travaux et de discussions, au niveau local, entre les caisses et les représentants locaux des taxis.
Je rejoins, madame la rapporteure, votre préoccupation relative aux dispositifs médicaux non utilisés. L'article 32 du PLFSS permet d'expérimenter la dispensation de médicaments non utilisés pour une durée de trois ans, et il me semble que devons encore prendre une série de textes d'application pour les dispositifs médicaux.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - Quel bilan faites-vous de la limitation à sept jours de la délivrance des prescriptions de sortie hospitalière, et qui concerne notamment des dispositifs médicaux ?
M. Thomas Fatôme. - Nous observons des résultats intermédiaires tout à fait intéressants : depuis la mise en oeuvre de cette mesure, notamment concernant les pansements, une chute des remboursements est intervenue, ce qui laisse penser que les comportements sont en train d'évoluer.
Ce type de mesures pourrait être envisagé dans d'autres domaines et nous pourrons vous communiquer les chiffres des six premiers mois de 2025, qui sont très encourageants.
M. Olivier Henno. - Je tiens à saluer vos efforts de régulation, le taux de rentabilité faisant office de juge de paix. À cet égard, et pour poursuivre le débat de ce matin, il faut accepter de ne plus être « sympathique » si l'on entend réguler sérieusement, notamment en matière d'arrêts de travail.
Quel est le coût de l'hyper-prescription, qui est liée aux plateformes de téléconsultation - mais pas uniquement ? Comment pourrions-nous mieux la réguler tout en respectant la liberté de prescription des professionnels de santé ? Quelles actions menez-vous dans ce domaine ?
S'agissant des taxis et des transports sanitaires, l'enjeu de la géolocalisation appelle des précisions : où en est la discussion avec les entreprises de taxis par rapport à cette obligation, qui avait été défendue par la rapporteure Corinne Imbert lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2025 ?
Pour ce qui est des fraudes à forts enjeux, quel montant espérez-vous recouvrer grâce au projet de loi ? Existe-t-il des freins juridiques que nous pourrions vous aider à lever ?
Toujours au sujet des fraudes, on s'aperçoit que des conventions entre la CPAM et les organismes complémentaires sont nécessaires afin de mener une lutte efficace. Avez-vous d'ores et déjà prévu des conventions de ce type, ainsi que des plans d'action communs pour travailler de concert contre la fraude aux prestations ?
J'ajoute, enfin, que les patients sont souvent absents de ce débat : comment pourrions-nous les sensibiliser et les inciter à vérifier les montants facturés, même en cas de tiers payant et de remboursement intégral ?
M. Alain Milon. - J'ai présidé la semaine dernière les journées de la Fédération hospitalière de France (FHF) de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca), et le PLFSS tel qu'il est présenté inquiète énormément les établissements hospitaliers publics.
Pourquoi avez-vous fait le choix de diminuer l'ensemble des forfaits techniques et pas uniquement les forfaits techniques réduits, en particulier pour les scanners et les imageries par résonnance magnétique (IRM) ? En faisant le choix d'une diminution globale de tous les forfaits, vous incitez à l'hyperactivité, avec le risque d'aboutir à un résultat inverse à celui que vous recherchez, à savoir une réduction des dépenses d'imagerie médicale. La diminution des seuls forfaits techniques réduits permettrait, au contraire, une régulation pertinente de l'activité.
Par ailleurs, pourquoi ne suspendez-vous pas la réforme des autorisations de scanner et d'IRM, qui permet aux sites comptant un ou deux équipements lourds en radiologie de passer à trois équipements, sans aucune contrainte administrative ? Il semblerait bien plus logique de délivrer des autorisations dans des territoires isolés qui connaissent des problèmes d'accès aux scanners et aux IRM.
Mme Chantal Deseyne. - La prise en charge intégrale des fauteuils roulants sera mise en place à partir du 1er décembre 2025 : quel sera son impact financier en 2026 ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Vous avez indiqué être attaché à une baisse des prix et à la pertinence des actes afin de lutter contre les rentes dans le système de santé. Quel est le rendement attendu de l'article 24 ? Si l'effet prix est plus facile à mettre en place et doit effectivement être utilisé, qu'avez-vous entrepris sur le second aspect, à savoir l'effet volume, concernant la pertinence des actes ?
Je souhaite surtout revenir sur l'Ondam, en remarquant que les prévisions macroéconomiques tablent sur une inflation de 1,3 % et sur une croissance de 1 %. Seul un Ondam d'au moins 2,3 % permettrait de maintenir la part des dépenses maladie dans le PIB : en le fixant à 1,6 %, sa part dans le PIB diminue, ce que je déplore.
Je rappelle que les tentatives de contenir l'Ondam autour de 2 % dans les années 2010 ont eu des effets différés, aboutissant au Ségur de la santé.
Par ailleurs, quelles sont les mesures prévues concernant la dette des hôpitaux, appelée à s'accroître avec un tel niveau d'Ondam ? D'après la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), ladite dette s'élève déjà à 30 milliards d'euros, sans oublier les interrogations sur le financement du Ségur.
Je tiens également à revenir sur l'article 28, qui rend facultatif, pour un salarié en arrêt pendant plus d'un mois ou une femme de retour de grossesse, l'examen par un médecin du travail avant une reprise d'activité. Vous avez évoqué une pénurie de médecins de travail, qui est incontestable, mais j'attire votre attention sur le fait que seuls ces professionnels peuvent évaluer la pertinence d'une reprise d'activité par rapport au poste de travail considéré. Il y a là un recul manifeste de la prévention !
Concernant la protection sociale complémentaire (PSC) des agents hospitaliers, la CFDT et la CGT critiquent une action dilatoire : une négociation rapide, en l'espace de deux ou trois mois, pourrait permettre de parvenir un accord, et il est bien malvenu que ce secteur soit le dernier à bénéficier de cette protection.
Pour en revenir aux mesures d'économies, le PLFSS exige un effort de 7 milliards d'euros, mais je tiens à souligner qu'il s'agit en réalité de transferts de charges sur les ménages et les complémentaires. L'augmentation des franchises n'est pas une économie, mais bien un transfert de charges sur les ménages, qui ne se penche pas sur la question de la qualité de la dépense. Concernant les complémentaires, la taxe prévue risque d'entraîner de nouveau une hausse des tarifs. Quelles sont donc les économies qui ont réellement un sens et un contenu ?
En conclusion, je juge la prévision d'Ondam insincère, sauf à envisager de voir se reproduire l'effet boomerang que j'évoquais précédemment à propos des tentatives de contenir cet objectif dans les années 2010.
Mme Anne Souyris. - Particulièrement attachée à la prévention et à la santé environnementale, je souhaiterais connaître les actions et mesures envisagées dans ces domaines. De telles mesures ont des répercussions sur les coûts supportés par la sécurité sociale : ainsi, des taxes comportementales telles que celles portant sur l'alcool ou les jeux permettent à la fois de rapporter de l'argent et d'encourager les comportements vertueux en matière de santé publique, débouchant in fine sur des économies de dépenses de santé.
Vous avez soulevé l'enjeu des rentes et de la baisse des taux de remboursement sur les secteurs très rentables. Si des professionnels abusent de certains actes, pourquoi ne pas tâcher de les cibler et plafonner les dépenses au lieu de baisser les remboursements ? Nos concitoyens sont confrontés à des restes à charge, et une diminution du remboursement des actes devra être assumée soit par les mutuelles, soit par les patients eux-mêmes, sans que nous soyons assurés de faire reculer les abus.
Très concrètement, la radiothérapie fait défaut dans un certain nombre de services, cette activité étant largement assumée par le secteur lucratif.
Cela m'amène à faire le lien avec la financiarisation du système de santé : les patients ne s'aperçoivent parfois pas de l'existence de certains actes et montants, qui peuvent être réglés directement par la sécurité sociale. Ne pourrions-nous pas imaginer des moyens numériques et interactifs de renforcer l'implication des patients dans la lutte contre les abus d'actes, pratiqués par les professionnels, que l'on évoque trop peu souvent par rapport à la fraude ? Cette autonomisation du patient a-t-il fait l'objet d'une réflexion ?
M. Bernard Jomier. - S'il est nécessaire de ramener les comptes de la sécurité sociale à l'équilibre, je rappelle que les versements à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ajoutés aux 5 milliards d'euros d'exonérations non compensées représentent chaque année un effort de 18 milliards d'euros : ce cadre, qui nous a été imposé, dégrade considérablement les comptes de la sécurité sociale.
Pour ce qui est de la prévention, le tabac, premier facteur de mortalité, est absent du texte. En revanche, l'article 23 du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit la mise en place d'une taxe sur le vapotage, qui risque de s'avérer contre-productif pour la santé. Quel est votre avis sur ce point ?
De la même manière, l'alcool, deuxième facteur de mortalité, est absent du PLFSS, tout comme l'alimentation. In fine, le virage de la prévention n'apparaît guère hormis l'article 19 qui comporte des dispositions relatives à l'activité physique, ce qui reste très timide.
Les parcours de soins, quant à eux, jouent un rôle important pour rationaliser les dépenses et éviter des hospitalisations inutiles. Si nous souhaitons les développer, ne faudrait-il pas les aborder de manière plus territorialisée, et donc dans un autre cadre que ce texte ?
Pour ce qui est de la recherche de l'équilibre budgétaire : des déremboursements sont prévus, qui devraient représenter 2,3 milliards d'euros ; des mesures réglementaires échappant au Parlement viendront-elles compléter ce PLFSS ?
Je tiens également à alerter sur un risque d'« effets secondaires » des mesures prévues en matière de médicaments. Prenons l'exemple de trois produits, disons un antihypertenseur, un antibiotique et un antidépresseur.
Dans le cas d'un antihypertenseur très utilisé, le prix de la boîte est de 4,77 euros, laquelle est remboursée actuellement à hauteur de 65 %, soit 3,10 euros : avec une franchise de 2 euros par boîte, vous ne rembourserez donc plus que 1,10 euro.
Passons à la paroxétine, un antidépresseur couramment utilisé : le prix de la boîte s'élève à 3,42 euros, avec un remboursement de 2,22 euros : après application de la même franchise, vous rembourserez seulement 22 centimes.
Je prendrai enfin l'exemple de l'amoxicilline, qui est encore plus parlant. Le prix de la boîte de six comprimés d'un gramme est de 3,03 euros, avec un remboursement de 1,97 euro. Si l'on retire 2 euros, le patient devra donc payer 3 centimes... Ce sont les médicaments matures les plus utilisés par les Français qui vont être totalement déremboursés.
Est-ce bien une stratégie soutenable et intelligente que de frapper des médicaments matures qui ont fait leurs preuves, qui sont très utilisés par les Français et dont il faudrait au contraire encourager la consommation ?
En contrepoint, je salue votre volonté de pourchasser les dépenses inutiles, qui sont notamment le fait d'acteurs financiers ou d'acteurs qui considèrent la sécurité sociale comme un open bar. Les leviers qui sont à votre disposition dans le cadre du PLFSS, qu'il s'agisse des baisses de tarifs ou des régulations de volumes, sont insuffisants pour mener cette lutte. Il faudra recourir à un ensemble de dispositifs plus large. Si le Gouvernement s'en tient aux outils du PLFSS, il risque de provoquer une levée de boucliers d'un certain nombre d'acteurs professionnels, sans arriver à atteindre complètement la cible.
Pour autant, je me félicite de la présence, pour la première fois dans un budget de la sécurité sociale, d'une véritable volonté de réduire les dépenses inutiles. C'est assurément le combat qu'il faut mener, en se gardant d'aller faire les poches des malades et des assurés sociaux.
Enfin, le report de l'accord sur la protection sociale complémentaire prévu à l'article 23 me semble grave, car il met en péril l'implication des organisations syndicales et professionnelles dans notre budget social.
Mme Nadia Sollogoub. - Vous avez parlé des parcours d'accompagnement préventif pour les personnes afin d'éviter les ALD, l'objectif étant de travailler en amont des ALD pour réaliser des économies. Lesdits parcours constituent-ils une mesure à la hauteur de l'enjeu ? Si l'objectif consiste à favoriser l'accès à ces prestations préventives, pourquoi leur prise en charge est-elle subordonnée à un accord préalable de l'assurance maladie, avec des démarches qui pourraient décourager certains usagers ?
Par ailleurs, ce dispositif est-il le premier volet d'un resserrement des critères d'entrée dans le régime des ALD ?
Pour en revenir à l'imagerie et à la lutte contre des rentes jugées choquantes, j'estime pour ma part que les aspects les plus choquants tiennent à l'hyper-prescription et aux actes redondants. N'y a-t-il pas plus d'économies à réaliser en luttant contre ces derniers, en s'attaquant aux prescripteurs qui renouvellent des examens d'images superfétatoires ? Cette piste d'action me semblerait plus pertinente.
Concernant la convention signée avec les taxis, il semblerait que les petits trajets ne soient plus pris en charge, les professionnels refusant désormais de réaliser les trajets de courte distance au motif qu'ils perdraient de l'argent. J'ai ainsi été alertée sur le cas d'un enfant ayant besoin de séances d'orthophonie et pour lequel on peine à trouver un taxi. Dans un territoire rural, ce point représente une réelle difficulté.
Enfin, j'ai été alertée sur le décret relatif à l'intérim médical, qui intègre désormais dans le plafond de rémunération tous les frais liés à la venue du praticien, y compris les frais de transport. Or il est très difficile d'attirer des praticiens de proximité dans la « diagonale du vide », et ce décret pénalise lourdement l'hôpital de Nevers.
Mme Annie Le Houerou. - Je souhaite évoquer les difficultés des pharmacies, en particulier dans les petites communes. Le rapport Charges et produits proposait un soutien financier à 100 % des pharmacies fragiles lorsqu'il ne restait plus qu'une officine dans la commune : cette proposition figure t-elle dans le PLFSS ?
Sur un autre point, les personnes souffrant d'ALD constituent une cible dans ce PLFSS, alors qu'elles ne bénéficient d'une meilleure prise en charge que pour les médicaments, actes ou prestations en lien avec leur affection. Organiser leur sortie de ce dispositif au prétexte qu'elles ne sont plus concernées par l'affection ne devrait pas réduire substantiellement les dépenses : disposez-vous d'ailleurs d'une évaluation précise de celle-ci ?
Le même rapport Charges et produits liste une série de gisements d'économies, notamment en matière de prévention, justement pour ces patients en ALD. Afin d'améliorer l'efficience de la prise en charge, vous avez ainsi proposé une prévention systématique et des dépistages réguliers de diverses pathologies, dans la mesure où ces personnes présentent souvent des polypathologies. Que prévoit le PLFSS dans ce champ de la prévention afin de mieux prendre en charge les personnes souffrant d'ALD ?
En matière de reste à charge, vous ciblez là aussi, selon moi, les plus fragiles. D'après les évaluations, le reste à charge des assurés hors ALD s'élève à 572 euros par an et celui d'un patient en ALD à 1 055 euros. Si les personnes les plus fragiles - enfants, femmes enceintes et bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) - ne devraient pas être concernées par la mesure sur l'augmentation des participations forfaitaires et des franchises, je rappelle que 32 % des personnes éligibles à la CMU-C n'y ont pas recours. Est-il prévu de travailler sur ce non-recours ?
M. Daniel Chasseing. - Le déficit élevé de la sécurité sociale nécessite d'adopter des mesures de contrôle, sans pour autant fragiliser les personnes en ALD. Cependant, certaines actions concernant les ALD non exonérantes sont justifiées, car la situation antérieure, anormale, a été l'une des causes de l'augmentation de plus de 6 % des arrêts de travail depuis 2019.
Avez-vous dialogué avec les pharmaciens, très défavorables à la diminution des plafonds de remises sur les médicaments génériques ?
Enfin, vous n'avez pas abordé l'enjeu de la santé mentale, alors que le rapport d'information rédigé par Céline Brulin, Jean Sol et moi-même - intitulé Santé mentale et psychiatrie : pas de « grande cause » sans grands moyens - montre une dégradation de la santé mentale des Français et des conditions de sa prise en charge extrêmement importante, qui se traduit notamment par une baisse du nombre de pédopsychiatres de 40 % par rapport à 2010.
Parmi les solutions à envisager, la formation d'infirmiers en pratique avancée (IPA) spécialisés en psychiatrie et santé mentale peut constituer un réel atout dans les centres médico-psychologiques (CMP), afin de venir en aide aux psychiatres. Un financement est-il prévu sur ce point ?
M. Martin Lévrier. - Je suis étonné de ne voir aucune disposition concernant l'alcool, le tabac et l'alimentation.
Je souhaite également évoquer un « serpent de mer », à savoir l'idée d'autoriser la vente de médicaments à l'unité par les pharmaciens. J'ai été confronté à cette situation l'année dernière, puisque l'on m'avait prescrit une boîte de médicaments coûtant un millier d'euros, et dont aucune pharmacie ne disposait. J'ai donc été hospitalisé pendant deux jours, uniquement pour prendre ce médicament, ce qui a coûté extrêmement cher à l'assurance maladie ; de surcroît, j'ai dû repasser à la pharmacie pour acheter une boîte pour deux jours de traitement, rendant ensuite à l'officine les médicaments pour les trois jours restants, ces derniers ayant ensuite été détruits.
Ne pourrions-nous pas organiser un système qui permettrait de récupérer des médicaments en très bon état qui ne sont plus dans leur boîte ? Je n'ai toujours pas compris pourquoi cette solution serait plus onéreuse.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Menez-vous des travaux en lien avec la Haute Autorité de santé afin de valider des méthodologies permettant de mieux prendre en compte les données médico-économiques des médicaments, et ainsi de promouvoir un référentiel des caractéristiques non cliniques ? Les données cliniques sont systématiquement évoquées lorsqu'il est question de remboursement, mais il faudrait sans doute les compléter par ces autres éléments.
Ma seconde question concerne les stratégies de contournement : des prolongations artificielles de certains brevets sont fréquemment observées, dans le but de continuer à bénéficier des remboursements de l'assurance maladie. Alors que 200 millions d'euros d'économies sont envisagées sur les médicaments matures, la lutte contre les stratégies de contournement - sur les biosimilaires, par exemple - pourrait générer une économie de 800 millions d'euros.
Un travail est-il en cours à ce sujet ? Comment pourrions-nous travailler avec l'industrie pharmaceutique à éviter cette prolongation artificielle des brevets ?
M. Thomas Fatôme. - Je suis convaincu, comme nous l'avons préconisé dans le rapport Charges et produits, qu'il faut agir sur tous les plans pour remettre l'assurance maladie sur le long et difficile chemin de la soutenabilité. Aussi, je ne tiens pas à opposer le travail sur la baisse des prix - sur des médicaments ou des actes - à celui sur les critères de la pertinence. Il faut garantir un juste soin au juste prix, en accompagnant les professionnels dans une prescription qui doit être conforme à des référentiels ; en faisant évoluer les tarifs qui doivent refléter les coûts, ou, à défaut, être compensés par des incitations financières, et en agissant davantage en matière de prévention.
À ce titre, le ministre a rappelé que le PLFSS pour 2026 est un objet qui peut encore être enrichi et je souligne qu'une série de propositions figurant dans le rapport Charges et produits n'ont pas encore trouvé leur traduction dans ce projet de loi, qu'il s'agisse de la nutrition, de l'hypertension artérielle ou des dépistages. L'ambition préventive du texte pourrait donc encore être améliorée, par exemple en s'accordant sur des mesures difficiles telles que l'obligation de se faire vacciner contre la grippe. Vous pourriez ainsi faire oeuvre utile pour la santé publique de nos assurés.
Je reste par ailleurs intimement persuadé que nous devons continuer à agir de manière plus efficace et systématique contre l'alcool et le tabac ; je ne suis en revanche pas en mesure de vous répondre sur le vapotage, dont les effets sur la santé sont scientifiquement discutés.
Concernant les forfaits techniques, je reviens à nouveau sur les rapports de l'IGF et de l'Igas qui ont identifié une survalorisation de 54 % pour les IRM et de 72 % pour les scanners. Les forfaits techniques représentent une dépense de 1,6 milliard d'euros, qui est très dynamique : il est donc logique que nous baissions progressivement ces tarifs.
S'agissant des autorisations d'équipement, je suis prudent, car vous n'êtes pas sans savoir que les délais d'attente peuvent être très longs dans les territoires. Il est probable que la réforme mise en place, en allégeant considérablement les procédures, rende possibles des installations, dont il faut espérer qu'elles soient pertinentes.
Nous allons assister à une augmentation très significative de cette dépense dans les prochaines années, et je souscris à la proposition des inspecteurs de lancer une réflexion collective à ce sujet.
Monsieur Henno, l'hyper-prescription fait partie de nos chantiers et nous avons notamment observé les prescriptions de médicaments délivrées via les plateformes de téléconsultation. Les référentiels ne sont en effet pas toujours respectés : par exemple, la prescription d'antibiotiques en téléconsultation est équivalente à celle en consultation physique, ce qui interroge puisqu'un examen clinique est nécessaire dans un bon nombre de cas avant de prescrire ces produits. Nous nous sommes rapprochés de la HAS sur ce sujet, que nous continuons à creuser.
S'agissant de la géolocalisation, qui existe déjà pour les transports sanitaires, elle sera également obligatoire pour les taxis à compter du 1er janvier 2027, tandis que le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales inclut aussi ce point. Cela nous aidera à vérifier la qualité de la facturation et à lutter contre les fraudes.
Pour ce qui est des fraudes à enjeux, nous avons constitué six pôles interrégionaux d'enquêteurs judiciaires spécialisés dans les fraudes complexes, les fraudes à enjeux et les fraudes cyber, pôles qui associeront des gendarmes, des policiers, des statisticiens et des juristes. Ces derniers nous aideront à identifier ces fraudes.
Quant à la coopération avec les complémentaires santé, l'un des articles du projet de loi devrait nous permettre de mieux partager nos informations. Nous avions déjà lancé des expérimentations communes, par exemple en matière de contrôle des arrêts de travail.
J'en viens à la place du patient, en vous informant d'une nouveauté : depuis environ trois semaines, nous avons déployé un dispositif très simple consistant à envoyer un courriel à tous les assurés bénéficiant d'un remboursement de soins ou d'un soin en tiers payant, afin de les informer de ce remboursement et de les inviter à consulter leur compte Ameli.
Au-delà de cette démarche de pédagogie et d'information, nous leur permettons également d'effectuer de signaler un éventuel acte fictif, ce qui peut malheureusement arriver. Nous disposons donc d'un système de notification que nous allons continuer à améliorer et qui fait partie de la panoplie que nous souhaitons mettre à la disposition de nos assurés.
Madame Deseyne, la première marche de l'impact de la prise en charge intégrale des fauteuils roulants est estimée par le Gouvernement à 100 millions d'euros. Nous nous sommes préparés à assurer la montée en charge de ce dispositif et j'estime que nous serons prêts au 1er décembre pour mettre en oeuvre cette réforme, qui facilitera l'accès à ces équipements.
Concernant l'Ondam, madame Poncet-Monge, je partage votre souhait de voir le niveau de dépenses évoluer en même temps que la richesse nationale, mais il faudrait alors accroître durablement - et de manière répétée - les recettes de l'assurance maladie pour réduire le déficit actuel, ce qui relève d'un choix collectif.
Je souhaite également que le déficit hospitalier puisse être réduit : l'activité redémarre et l'Ondam hospitalier, même s'il est jugé insuffisant par les acteurs, atteint 2,4 %, ce qui permet d'espérer que la situation financière des établissements cesse de se dégrader.
En matière d'arrêt de travail et de reprise de l'activité après une grossesse, je note que le projet de loi conserve la possibilité d'une visite facultative auprès de la médecine du travail. Repartons du constat : dans un certain nombre de cas, l'arrêt de travail est uniquement maintenu - avec donc une dépense pour l'assurance maladie - en raison de difficultés à organiser la visite de reprise.
Vous m'excuserez de botter en touche sur la PSC à l'hôpital, qui n'est pas de mon ressort : j'estime toutefois qu'il est uniquement question d'un décalage dans le temps, cette réforme ayant vocation à être déployée pour la fonction publique hospitalière.
Madame Souyris, nous nous sommes engagés en matière de transition écologique - même si cet également est relativement récent - et avons ainsi publié notre schéma de transition écologique pluriannuel. Nous souhaitons nous investir davantage sur l'aspect santé-environnement, sur lequel portent plusieurs propositions du rapport Charges et produits, dont l'instauration d'un Nutri-Score obligatoire pour tous les produits sous emballage.
En outre, l'assurance maladie se mobilise au sujet des perturbateurs endocriniens, avec des visites auprès des professionnels de santé visant à mieux faire connaître ces enjeux sanitaires.
S'agissant de la financiarisation, qui a été évoquée à plusieurs reprises, le secteur de l'imagerie reste relativement peu concerné, le phénomène n'en étant qu'à ses débuts. De manière générale, il me semble que la financiarisation naît d'abord de situations qui offrent des taux de rentabilité élevés, susceptibles d'attirer des investisseurs en quête de retours.
Or si nous abaissons un certain nombre de niveaux de rentabilité, je suis à peu près convaincu que nous écarterons ce risque de financiarisation. Nous sommes attachés à ce que les professionnels de santé restent maîtres de leur outil de production de soins et puissent agir en toute indépendance.
Concernant les franchises et les participations forfaitaires, qui sont toujours un sujet sensible, un certain nombre de mesures figurent dans le PLFSS, mais d'autres peuvent être de nature réglementaire. Néanmoins, je note que la franchise s'élève à 5 euros par boîte de médicaments en Allemagne et que le reste à charge en France reste l'un des plus faibles au monde.
Madame Sollogoub, la convention passée avec les taxis prévoit un forfait minimum de 13 euros qui couvre les quatre premiers kilomètres, auquel s'ajoute, pour tous les trajets vers les établissements de santé des douze grandes villes listées dans l'accord, un forfait de 15 euros. Ce dispositif concerne un grand nombre de courses et ce nouveau modèle est gagnant pour les taxis dans un nombre important de départements.
Dans d'autres territoires, il est cependant exact de constater que le niveau de valorisation des petites courses était extrêmement élevé, et même déraisonnable par rapport à ce qui peut se pratiquer dans le secteur commercial : l'assurance maladie n'a pas vocation à financer des petites courses dont le prix peut atteindre 28 euros, car nous n'en avons pas les moyens.
Vous m'avez également interrogé sur le parcours de prévention pour le risque chronique, qui reste largement à construire, le projet de loi posant simplement un cadre. Nous souhaitons bâtir ce parcours de concert avec les médecins, les patients et la HAS, afin de mettre en place un dispositif simple et efficace.
Pour ce qui est des pharmacies, le soutien aux officines en zone fragile commence à se déployer, plus d'une centaine d'établissements ayant déjà été identifiés. Nous souhaitons aller plus loin dans la lutte contre les déserts pharmaceutiques, et avons également salué la suspension de la baisse des plafonds sur les remises de médicaments génériques, car elle va nous permettre d'avancer sereinement.
J'en viens au difficile sujet de la vente de médicaments à l'unité, ou du conditionnement à l'unité. Selon la Cour des comptes, la démarche est complexe et risque d'être difficile à mettre en oeuvre. Si je vous rejoins sur la nécessité de continuer à travailler à un conditionnement strictement adapté à la prescription et aux besoins des patients, je constate que ce problème semble insoluble, car il implique de modifier à la fois des chaînes de production et des habitudes. Obliger les pharmaciens à déconditionner les produits, en leur faisant perdre du temps, ne me paraît pas pertinent, ou du moins ne me semble pas de nature à faire avancer la cause de la juste prescription.
Enfin, nous utilisons de plus en plus les études médico-économiques et je partage votre souci de lutter contre les stratégies de contournement. Il conviendrait peut-être de modifier les modalités de fixation du prix dans un certain nombre de situations, afin d'éviter de continuer à rembourser certaines molécules alors qu'il existe un biosimilaire ou un médicament générique. Ces éléments figurent également parmi les propositions de notre rapport annuel.
Mme Pascale Gruny, présidente. - Je vous remercie.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 18 h 15.
Jeudi 23 octobre 2025
- Présidence de M. Olivier Henno, vice-président -
La réunion est ouverte à 10 h 30.
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Audition de Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics
M. Olivier Henno, président. - Dans le cadre de nos travaux sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, nous accueillons ce matin Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics.
Madame la ministre, vous sortez tout juste de l'Élysée, où le conseil des ministres devait adopter la lettre rectificative du PLFSS pour 2026. Vous pourrez donc nous présenter le contenu définitif du texte.
Au-delà des modalités précises de la suspension de la réforme des retraites qu'avait annoncée le Premier ministre, vous pourrez également nous préciser les conséquences que le Gouvernement en tire, d'une part, pour les comptes de la sécurité sociale en 2026 et, d'autre part, sur la révision de la trajectoire financière jusqu'en 2029. Cette année 2029 constitue-t-elle encore un horizon réaliste pour un retour à l'équilibre des comptes sociaux, envisagé avec confiance par le précédent gouvernement ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics. - Nous sommes aujourd'hui dans un moment à la fois habituel et particulier. Habituel, puisqu'il s'agit du lancement des travaux sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Particulier, car il se tient alors que le Gouvernement n'a pas de majorité absolue et que le Premier ministre a annoncé ne pas souhaiter recourir à l'article 49, alinéa 3 de la Constitution.
Au fond, il s'agit d'un passage de relais entre une proposition du Gouvernement et ce qui deviendra le budget de la Nation. D'ailleurs, les mots ont un sens : nous parlons bien d'un projet de loi. À ce titre, nous avons matière à travailler ensemble, le Gouvernement jouant davantage le rôle d'un intermédiaire que celui d'un négociateur. Ce sont bien les parlementaires qui ont le pouvoir de définir les équilibres, avec des objectifs dépassant nos différences partisanes : donner de la stabilité à notre pays, sortir d'une forme d'incertitude et reprendre en main nos comptes publics, non pas par obsession des chiffres, mais parce qu'il y a là un enjeu de souveraineté et de durabilité de notre système social et économique, donc de nos équilibres nationaux.
Deux éléments sont centraux dans ma position. Le premier est l'humilité, puisque, comme je le disais, l'exercice de cette année différera des précédents. J'entends vous présenter nos propositions, et non vous convaincre : le Gouvernement a fait des choix, nous posons des options sur la table, mais il peut y en avoir d'autres. D'ailleurs, nous pourrions avancer à partir de nouvelles idées ou de nouveaux équilibres.
Le second élément est la responsabilité. La situation des comptes sociaux nous place dans une situation très fragile, avec un déficit de 23 milliards d'euros pour la sécurité sociale en 2025, c'est-à-dire plus que les 15 milliards d'euros de l'année dernière et que les 10 milliards d'euros de 2023. Or historiquement, nous n'avons jamais connu une telle dégradation des comptes sociaux, hors covid ou crise macroéconomique mondiale des années 2008 à 2010.
La part de la dette publique dans le PIB atteindrait 116 % en 2025, tandis que la charge de la dette, en 2026, devrait s'élever à 74 milliards d'euros, soit plus que les dépenses de la branche famille et de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) réunies.
S'agissant de la sécurité sociale, outre le déficit de 23 milliards d'euros que j'ai mentionné, nous avons déjà reconstitué une forme de dette sociale, malgré la reprise de dette effectuée après le covid, c'est-à-dire la « remise à zéro » des compteurs à la fin de l'année 2023. Aujourd'hui, Urssaf Caisse nationale - l'ancienne Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) - finira l'année avec près de 65 milliards d'euros de dette. Pour 2026 le plafond d'encours serait relevé à 83 milliards d'euros, corollaire du déficit que nous prévoyons, dans ce projet, à 17 milliards d'euros. Ainsi, à chaque fois que le déficit augmentera, il nous faudra revoir ce plafond à la hausse, et inversement en cas de baisse.
Néanmoins, je ne veux faire preuve ni de catastrophisme ni de fatalisme. D'abord, parce que nous avons beaucoup d'outils pour reprendre en main nos comptes. La première preuve en est que, en 2025, pour la première fois depuis la crise sanitaire, nous sommes en passe de tenir nos objectifs. Ainsi, un déficit public global de 5,4 % du PIB en 2025 n'était pas la cible du seul Gouvernement, mais de nous tous, collectivement, puisque le budget 2025 est le fruit d'un compromis parlementaire trouvé lors des commissions mixtes paritaires. Le Gouvernement a essayé d'être, avec vous, le garant de ces objectifs.
La sécurité sociale contribue à cette maîtrise des comptes. Ainsi, la cible de recettes serait réalisée cette année à 0,2 % près, tandis que la cible de dépenses devrait être tenue, et que les dépenses pourraient même lui être légèrement inférieures. La raison en est que, pour la première fois depuis la crise sanitaire, nous sommes en passe de tenir le niveau de dépenses de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). L'Ondam avait été dépassé de 3,5 milliards d'euros en 2023, et de 1,5 milliard d'euros en 2024. Je rappelle néanmoins que l'Ondam respecté cette année est dynamique, puisqu'il a été voté en hausse de 3,4 %, et que l'Ondam exécuté correspond à une augmentation de 3,6 %. Il n'en reste pas moins que nous avons tenu nos comptes et montré que, si les montants de déficit sont certes très élevés, il n'y a pas eu de dérive supplémentaire.
Quels sont nos objectifs pour 2026 ? Comme vous l'avez très bien dit, monsieur Henno, la France ne va pas s'arrêter de tourner au 31 décembre 2026. Nous devons positionner ce budget dans le temps de l'année prochaine, mais aussi dans le temps plus long d'un retour à une forme d'équilibre de la sécurité sociale et, plus généralement, des finances publiques. Cela signifie que le déficit doit être équivalent au maximum à 3 % du PIB en 2029. Pour cela, il nous faut une sécurité sociale à l'équilibre. En effet, la sécurité sociale représentant presque 50 % de la dépense publique, les collectivités et l'État ne pourraient pas, avec leurs contraintes, compenser un déficit majeur.
Selon certains, le déficit de la sécurité sociale viendrait d'un manque de recettes. Cependant, en 2026, le projet que nous vous présentons prévoit une évolution des recettes de 2,5 %, soit 16 milliards d'euros de hausse, pour 11 milliards d'euros de dépenses supplémentaires. On entend qu'il n'y aurait que des coupes : c'est faux. Ainsi, les dépenses augmentent de 4 milliards d'euros pour la branche santé, de 1,5 milliard d'euros pour l'autonomie, de 500 millions d'euros pour la branche AT-MP et d'à peu près 4 milliards d'euros pour la seule branche vieillesse. Les dépenses, dont nous entendons contenir la hausse, augmentent donc de 11 milliards d'euros supplémentaires pour les Français, pour notre modèle social, tout comme les recettes. Autrement dit, le retour à un déficit de 17,5 milliards d'euros est le fruit d'une limitation de la croissance des dépenses, mais aussi de recettes augmentant plus vite.
Pour arriver à remettre la sécurité sociale à l'équilibre en 2029, le paramètre clé est celui de la stabilisation de la part des dépenses de santé dans le PIB. L'Ondam 2024 représentait 8,8 % du PIB, contre 8,9 % en 2025. Ainsi les dépenses d'assurance maladie augmentent en 2025 deux fois plus vite que le PIB, à 3,6 %, contre une hausse du PIB de 1,8 %, avec 0,7 % de croissance et 1,1 % d'inflation.
Nous continuons donc à faire augmenter le poids de la santé dans le PIB, alors qu'en 2019, juste avant la covid, sa proportion s'élevait à 8,2 %. La clé est donc la stabilisation de la part de ces dépenses dans le PIB. Cela signifie, en creux, que plus de croissance, plus d'emplois, plus de richesses créées nous permettraient de dépenser plus pour la santé, dans un parallèle entre ce qu'était la sécurité sociale il y a quatre-vingts ans et ce que nous vivons aujourd'hui. Ainsi, c'est bien la richesse collective qui finance le modèle social. Stabiliser la dépense de santé à 8,8 % du PIB nous placerait toujours parmi les pays qui investissent le plus collectivement dans la santé.
En 2026, les collectivités, l'État et la sécurité sociale seront mis à contribution du rééquilibrage, mais leurs efforts seront différenciés. L'État, dans le projet que nous proposons, car c'est un projet, suivrait le principe du « zéro valeur », c'est-à-dire une stabilité des crédits en euros courants hors défense, avec une baisse des crédits des autres ministères de 1,5 milliard d'euros. Cela représente une baisse en valeur absolue. Pour les collectivités, nous proposons le « zéro volume », c'est-à-dire que les dépenses de fonctionnement des collectivités augmenteraient de 2,4 milliards d'euros l'année prochaine, donc au rythme de l'inflation. Pour la sécurité sociale, enfin, l'objectif serait celui de la stabilité en proportion du PIB, c'est-à-dire que ses dépenses augmenteraient à un rythme cumulant ceux de la croissance et de l'inflation. Ainsi, chacun contribue, mais de manière différenciée en ampleur et en taux d'effort.
Je souhaite conclure sur les principes nous ayant guidés dans la construction du PLFSS.
Le premier est qu'il n'y a pas de rabot généralisé, mais des efforts différenciés. Par exemple, le sous-objectif hospitalier de l'Ondam augmenterait de 2,4 %. Des débats auront lieu pour savoir s'il faut le rehausser davantage. En revanche, nous proposons 1,6 milliard d'euros de baisse de prix des médicaments et des dispositifs médicaux. De même, nous distinguons le champ médico-social - qui bénéficierait d'une hausse de 1 milliard d'euros, soit 2,4 % - de la régulation des arrêts de travail ou de lutte contre la fraude. Nous avons donc cherché à faire le choix des moyens pour les enjeux prioritaires et, inversement, à faire des économies sur d'autres éléments.
Le deuxième principe est de mieux cibler les incitations, par exemple pour les dépassements d'honoraires, que nous souhaitons réduire. De même, sur les ruptures conventionnelles, nous voulons reprendre une forme de contrôle sur des éléments très coûteux pour la puissance publique et pas forcément pertinents pour le marché du travail.
Le troisième principe est une contribution différenciée des acteurs de la santé, à commencer par les patients et citoyens que nous sommes, avec une hausse des forfaits de responsabilité. Je rappelle que 18 millions de Français en sont complètement exonérés, dont les mineurs, les femmes enceintes et les 8 millions de bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire, la C2S, dont de nombreux jeunes et personnes âgées, mais aussi les bénéficiaires des minima sociaux, comme le revenu de solidarité active (RSA) ou le minimum vieillesse. Nous proposons une hausse moyenne de 42 euros par Français de reste à payer pour leur santé, tout en prévoyant la protection absolue des 18 millions de Français exonérés. Faudrait-il augmenter le nombre de ces derniers ? C'est un sain débat. Cela étant, nous sommes nombreux, sur bien des bancs, à considérer que le tout gratuit est une illusion, voire un danger pour notre système.
Ensuite, même sans tenir compte de la lettre rectificative de ce jour, nous mettons à contribution les organismes complémentaires, ainsi que les professionnels et l'industrie du médicament. Pour ces derniers, l'effort, certes inédit, serait proportionné au regard de la hausse tendancielle de 7 % de croissance des dépenses en matière de médicament par an, bien plus que les 1 % de croissance et 1,3 % d'inflation prévus. Un tel rythme soulève un immense enjeu de soutenabilité.
Le dernier principe est celui de la prévention. Pendant des années, il m'a été dit que Bercy était contre la prévention, parce que cela coûtait cher et ne rapportait jamais. J'ai pris le parti inverse. Investir dans la prévention est utile au système, à court terme, par exemple avec la vaccination, mais surtout à moyen terme. Ainsi, la dynamique des affections de longue durée (ALD) reste forte, alors que, dans de très nombreux cas, des actions anticipées permettent d'éviter des maladies chroniques. Par conséquent, la prévention, de la préidentification de personnes à risque à l'accompagnement pour éviter la dégradation de situations chroniques, est pour moi un élément essentiel.
Je souhaite conclure sur les enjeux de fraude, qui préoccupent nombre d'entre vous. Voilà pourquoi, la semaine dernière, sur la table du Conseil des ministres, à côté du projet de loi de finances et du PLFSS, était présenté le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales. En effet, le Conseil constitutionnel, depuis quelques années, censure comme cavaliers législatifs de nombreux dispositifs, proposés dans les textes financiers, de lutte contre la fraude. Nous avons donc repris de multiples éléments ainsi censurés, dont certains avaient été adoptés par le Sénat, en ayant trois objectifs.
Premièrement, il s'agit de mieux repérer la fraude, notamment autour des données. Deuxièmement, il faut mieux sanctionner. Par exemple, s'agissant de fraudes très organisées dans le champ social par des professionnels de santé ou des réseaux organisés, les sanctions sont assez faibles. Troisièmement, et surtout, il faut mieux recouvrer les sommes dues. Nous devons mettre en place dans la sphère sociale les mêmes outils de gel, de saisie et de flagrance pour éviter que les entreprises éphémères qui participant à la fraude ou au blanchiment n'organisent leur propre insolvabilité. En effet, il arrive que, au moment où les Urssaf interviennent, l'argent lié à la fraude détectée soit déjà à l'étranger.
J'exerce la tutelle de Tracfin, qui suit les flux financiers. Or il est désespérant de comparer les montants détectés, par exemple 1,6 milliard d'euros l'année dernière sur le travail dissimulé, et recouvrés, qui se chiffrent en centaines de millions d'euros. En effet, la procédure actuelle laisse largement aux fraudeurs le temps de comprendre qu'ils ont été repérés et d'envoyer l'argent très loin. Ainsi, le contrôleur n'a plus d'argent à saisir. Vous aurez, bien évidemment, à étudier ce projet de loi, pour lequel le Premier ministre a souhaité un examen concomitant à celui des textes financiers.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Vous l'avez bien précisé, le PLFSS est un projet. De notre côté, nous ferons des propositions, nous amenderons, nous voterons.
Je voudrais rappeler l'existence du rapport que nous avons réalisé avec Raymonde Poncet Monge sur les évolutions envisageables du financement de la protection sociale. Sans chercher à imposer ou à empêcher des mesures envisagées par tel ou tel groupe politique, il était très intéressant de travailler sur l'histoire, le présent et le devenir de cette sécurité sociale. Nous avions alors mis en évidence la nécessité de beaucoup travailler, notamment, sur la prévention et sur l'efficience. Or je me dois de reconnaître dans votre projet de loi un certain nombre d'éléments en ce sens, particulièrement sur l'efficience. Tout comme pour la fraude, nous devrions accorder une grande attention à l'inefficience, à l'instar de nombreux autres pays. L'OCDE estime à 20 % les dépenses que l'on pourrait ainsi économiser.
Le texte comprend quelques articles sur la prévention, mais reste lacunaire. Il est vrai que, au Sénat, l'année dernière, nous avions présenté quelques amendements sur ce sujet, par exemple sur les boissons sucrées. Nous pourrions donc nous pencher sur l'alimentation, notamment les produits transformés, mais aussi sur les allégements généraux. En effet, ces derniers ne pourraient-ils pas être retirés à certaines entreprises, qui en bénéficient largement, car employant de nombreux salariés peu payés, à l'origine de produits nocifs à la santé ?
Pour en revenir aux comptes de la sécurité sociale, j'ai trois questions.
Premièrement, dans son avis sur le PLF et le PLFSS, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) considère que la prévision de croissance de 1 % du Gouvernement pour 2026 est optimiste, car il « retient une orientation plus restrictive des finances publiques, qui pèserait donc davantage à court terme sur l'activité ». Quelle appréciation portez-vous sur cette analyse ?
Deuxièmement, il ressortait de notre rapport l'impression d'une politique d'à-coups, qui rend plus nécessaire encore une programmation pluriannuelle. Or les lois de programmation des finances publiques étant dépassées à peine votées, il n'existe de fait pas de programmation des finances sociales. En particulier, contrairement aux anciens programmes de stabilité, le plan budgétaire et structurel de moyen terme (PSMT) ne comprend pas de programmation dans le cas des administrations de sécurité sociale, tandis que les tableaux pluriannuels annexés aux LFSS ne sont que des prévisions à droit constant, et en supposant que l'Ondam est respecté. Paradoxalement, l'objectif de retour de la sécurité sociale à l'équilibre n'est donc pas clairement affiché.
Faut-il, selon vous, se doter d'une programmation explicite pour la sécurité sociale, ou pour les administrations de sécurité sociale dans leur ensemble ? Si oui, quel serait le bon véhicule ? À tout le moins, pourrait-on par exemple, mentionner l'objectif de retour à l'équilibre de la sécurité sociale à moyen terme dans l'annexe à la LFSS pour 2026, le cas échéant en indiquant le montant des mesures de redressement prévu chaque année ?
Troisièmement, dans le cadre de la LFSS pour 2025, nous avions réduit les allégements généraux de cotisations sociales patronales de 2 milliards d'euros, les recettes supplémentaires ayant bénéficié pour 1,6 milliard d'euros à la sécurité sociale. Or le Gouvernement prévoirait de réduire ces allégements, par voie réglementaire, de 1,9 milliard d'euros de plus en 2026, tout en réduisant la TVA transférée à la sécurité sociale, à l'Agirc-Arrco et à l'Unédic de 3,5 milliards d'euros. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Notre prévision de croissance s'élève à 1 % pour 2026, quand le consensus est à 0,9 %. Néanmoins, sur l'inflation, nous prévoyons 1,3 %, alors que le consensus est à 1,5 %. Or c'est la somme des deux qui compte pour les finances publiques. Par conséquent, nous pouvons considérer que nous sommes globalement cohérents.
La principale observation du HCFP porte sur le coût de l'incertitude et sur les effets de ce budget sur un retour de la stabilité. Un élément majeur est le taux d'épargne, qui atteint 19 % dans notre pays, au plus haut depuis les années 1970. Cela veut dire que les Français doutent, donc que nous devons arriver à nous mettre d'accord, collectivement, car ce doute a des conséquences très concrètes sur l'économie.
Nous avons, dans ce projet, imaginé que le taux d'épargne pourrait descendre à 17,4 %. Or 1,5 point d'épargne de moins correspond à 1,5 point de plus de consommation. Le taux ainsi atteint resterait encore très élevé par rapport à une moyenne historique de 14 %. Il est donc évident que tous les économistes de France et d'Europe se demandent comment va évoluer l'épargne, elle-même très liée à l'incertitude. Ce facteur n'est donc pas seulement macroéconomique, puisqu'il se base sur les signaux que nous envoyons au pays, au-delà même des mesures que nous pourrions prendre.
À la page 160 du PLFSS pour 2026, les paragraphes 27, 28 et 29 sont très explicites quant à la nécessité du retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, en des termes assez inédits. Le tableau du paragraphe 26 détaille l'estimation de l'effort annuel supplémentaire nécessaire. Le chiffre à retenir est 18 milliards d'euros : d'ici à 2029, il nous faut prendre des mesures de cet ordre pour ramener la sécurité sociale à l'équilibre.
Je suis très favorable à des amendements au PLFSS prévoyant des mesures de résorption de cet écart dangereux. Nous pouvons y travailler ensemble. Même si ces mesures ne sont pas votées dans les prochaines semaines, il n'est pas inintéressant pour nos successeurs que nous ayons déjà réfléchi au type de décisions à prendre pour retrouver l'équilibre.
En 2025, une économie sur les allégements généraux de 2 milliards d'euros brut, soit 1,6 milliards d'euros net a été proposée, tout comme une modification de la courbe pour la rendre plus viable économiquement. C'est ce qui a été fait. En 2026, le Gouvernement propose une économie de 1,9 milliard d'euros brut, soit 1,5 milliard d'euros net. Cette année blanche sur les allégements généraux a pour but de stabiliser leur volume à 80 milliards d'euros. C'est un souhait émanant du Sénat. Certains demandent pourquoi cette économie ne revient pas à la sécurité sociale. Mais les allégements généraux sont compensés par un transfert de TVA de l'État vers la sécurité sociale. Par conséquent, s'il y a moins d'allégements généraux, il y a moins de compensation.
Ces soldes relèvent de normes comptables. Pour nos concitoyens, l'essentiel est bien de savoir ce que nous voulons dépenser. Les soldes des différents secteurs de la sécurité sociale dépendent d'éléments sur lesquels nous pouvons agir. Il est assez facile de rendre la branche famille déficitaire ou la branche AT-MP super-excédentaire.
Cessons de considérer la sécurité sociale comme totalement autonome financièrement. En effet, plus de 20 % de la branche maladie est actuellement financée par la TVA et la fiscalité.
Mme Corinne Imbert, rapporteure pour la branche assurance maladie. - La situation de la branche maladie est extrêmement préoccupante. Elle pèse, en 2025, plus de 260 milliards d'euros de dépenses contre 200 milliards d'euros en 2019. Elle représente l'essentiel du déficit des comptes de la sécurité sociale, à hauteur de 17,2 milliards d'euros en 2025. Elle assumera donc une large part des économies envisagées.
Vous prévoyez de maintenir la hausse de l'Ondam à 1,6 % en 2026, et faites reposer cette projection sur des économies significatives, évaluées à 7,1 milliards d'euros. Comment pouvez-vous vous engager sur la crédibilité de ces projections alors que depuis 2019 l'Ondam, hors covid, a augmenté de 4,8 % en moyenne chaque année ? D'autre part, l'atteinte d'un Ondam aussi contenu permettrait-elle de répondre aux besoins effectifs de notre système de santé, notamment aux besoins d'investissement des hôpitaux publics, dont la situation financière est très dégradée aujourd'hui ?
J'aimerais parler de la dette sociale et fiscale des hôpitaux que vous aviez évoquée, en juin dernier, lors de votre audition à la suite de l'avis du comité d'alerte sur les dépenses de l'assurance maladie. Vous aviez mentionné 2,2 milliards d'euros pour la dette sociale et 800 millions d'euros pour la dette fiscale. Disposez-vous désormais, comme vous l'avez demandé, d'un panorama plus précis et conforme à la réalité de l'état financier de nos hôpitaux sur cette question ? Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ?
Comme chaque année, l'Ondam est uniquement subdivisé en six sous-objectifs, dont les deux principaux - soins de ville et établissements de santé - représentent chacun plus de 110 milliards d'euros de dépenses. Comment pouvons-nous effectuer un réel contrôle de l'autorisation des dépenses publiques dans ces conditions ? Pourrions-nous disposer d'une vision plus fine des dépenses de santé ? Cela manque de lisibilité.
Nous nous rappelons tous que le montant des franchises et des participations forfaitaires a déjà doublé à la suite de la LFSS pour 2024, mais leur plafond était resté, au total, à 100 euros afin de préserver les assurés en affections de longue durée. Le Gouvernement entend maintenant, par décret, doubler à nouveau les montants concernés en 2026, mais également les plafonds et, par la loi, étendre le champ de ces contributions et créer un nouveau plafond spécifique au transport sanitaire.
À l'échelle collective, le rendement attendu quadruplerait en trois ans, passant de 1,2 milliard d'euros en 2023 à 4,9 milliards d'euros en 2026. Sur la période, près de 3 milliards d'euros de hausse proviendraient de mesures réglementaires. À cette enseigne, les participations et franchises sont-elles toujours, comme à leurs débuts, un mécanisme de responsabilisation des assurés ou bien ne seraient-elles pas en train de devenir un levier de rendement bien utile pour le Gouvernement ? Hier, on nous expliquait que la hausse de l'Ondam pouvait être limitée à 1,6 % en raison des transferts de charges, notamment la hausse des franchises et participations forfaitaires.
À l'échelle individuelle, le coût maximal supporté par un assuré pour les participations et franchises passerait de 100 euros à 250 euros voire 300 euros d'ici à 2027. Comment calculez-vous la hausse moyenne de 42 euros par personne ? Le coût, pour des patients en ALD parfois précaires, ne sera pas simple à assumer. Il devra pourtant l'être, parce que la loi exclut toute prise en charge par les complémentaires santé dans le cadre d'un contrat responsable. N'est-il pas temps de revenir sur cette interdiction ? Sans rendre obligatoire la prise en charge de ces montants, il pourrait être opportun de la rendre possible pour les complémentaires santé qui le souhaiteraient, le cas échéant sous conditions.
Mme Pascale Gruny, rapporteur pour la branche vieillesse. - Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 contient des mesures d'ampleur sur les retraites. Je me félicite de l'article 43 qui prévoit de réformer le cumul emploi-retraite selon certaines préconisations de la Cour des comptes, et de l'article 45 qui inclut les trimestres majorés pour enfants en tant que périodes cotisées pour réduire les inégalités de pension entre les hommes et les femmes, préoccupation de longue date. Je pense également qu'il est juste de ne pas revaloriser les pensions de retraite sur l'inflation au titre de l'année 2026 et de réduire le coefficient de revalorisation à 0,4 % au titre de l'année 2027, après que les pensions de retraite ont été revalorisées de 5,3 % au 1er janvier 2024, comme le permettrait l'article 44. Cette dernière mesure améliore nettement les prévisions d'évolution du solde de la branche vieillesse d'ici à 2028.
Disposez-vous du chiffrage de l'impact de la suspension des effets de la réforme des retraites, autres que ceux annoncés par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale ?
Sans mesures correctrices, le déficit de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) devait atteindre, selon le rapport de mai 2024 de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des finances (IGF), 11 milliards d'euros en 2030. La LFSS pour 2025 a entériné le principe d'une hausse de trois points par an pendant quatre ans du taux de cotisations vieillesse des employeurs à la CNRACL. L'annexe au PLFSS 2026 fait état des économies engendrées par la hausse du taux de cotisations employeur à la CNRACL à 40,65 % en 2027, et à 43,65 % en 2028. Pouvez-vous nous apporter des éléments complémentaires ?
Nous limitons actuellement les dépenses du système de retraites en utilisant des leviers conjoncturels, comme la non-revalorisation sur l'inflation et la hausse des taux de contribution employeur, mais comment réduire à long terme le déficit du système de retraites, qui devrait s'élever, selon la Cour des comptes, à 15 milliards d'euros en 2035 et à 30 milliards d'euros en 2045 ? Je précise que ces chiffres ne prennent pas en compte une éventuelle suspension de la réforme des retraites. Quid de la solidarité intergénérationnelle et du maintien de notre système par répartition ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - L'Ondam est une construction étrange au sein de laquelle tout est entremêlé.
Prenons l'exemple du médicament, sur lequel les dépenses croissent de 7 % : une part de la dépense est incluse dans le sous-Ondam ville et une autre dans le sous-Ondam hôpital, dans lequel la partie médicaments rassemble à la fois les médicaments utilisés à l'hôpital et les médicaments prescrits à la sortie.
Autre exemple : les arrêts maladie sont en très forte augmentation, sans corrélation avec les observations sanitaires - il n'y a pas d'épidémie qui les explique. Les enjeux sont potentiellement davantage liés au monde du travail qu'au monde de la santé, pourtant, ces dépenses sont incluses dans l'Ondam. La réduction du nombre d'arrêts maladie fait baisser l'Ondam.
Mon intuition est qu'il faudrait modifier la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (Lolfss) afin de mieux distinguer un sous-Ondam ville relatif aux consultations, un sous-Ondam hôpital davantage consacré aux coûts de ressources humaines et de gestion des hôpitaux, un sous-Ondam médicaments qui inclue les médicaments de ville, les médicaments à l'hôpital et les prescriptions en sortie d'hospitalisation, un sous-Ondam indemnités journalières des arrêts maladie pour les exclure du sous-Ondam ville, et un sous-Ondam transport sanitaire, là encore pour l'exclure du sous-Ondam ville, d'autant que le transport sanitaire est massivement prescrit par des établissements de santé. Bref, l'Ondam, cette espèce de moyenne pondérée d'éléments dissemblables, où dépenses d'investissement et de fonctionnement sont mêlées, est illisible et rend le pilotage ainsi que le suivi démocratique très difficiles. Ma proposition pourrait faire consensus. Nous cacher derrière des constructions statistiques qui ne veulent rien dire ne résorbera pas le déficit et n'aidera pas les soignants à mieux travailler.
Vous avez évoqué les forfaits de responsabilité : on aimerait les nommer ainsi, bien qu'il ne s'agisse nullement de culpabiliser les patients. Actuellement, une visite chez un professionnel de santé coûte 2 euros. Le Gouvernement pense qu'elle pourrait coûter 4 euros, le plafond étant fixé à 100 euros. Actuellement, la participation de 2 euros va de pair avec un plafond annuel de 50 euros, soit 25 consultations par an. Si l'on augmente uniquement la participation forfaitaire, on divise par deux le nombre annuel de consultations. En doublant le plafond, la proportion est donc conservée.
Il faut également songer à l'extension du périmètre des franchises. Si, comme avant le covid, la part des dépenses financées par les patients eux-mêmes, le reste à payer, était restée constante, à 10 % des dépenses de la sécurité sociale et non 7,5 % comme actuellement, la branche maladie disposerait de 9 milliards d'euros de plus. Même en tenant compte de notre proposition, nous restons le pays de l'OCDE dans lequel le reste à payer demeure le plus bas. Cette déformation du reste à payer en cinq à six ans est due aux ALD, mais aussi à une dynamique assez forte des dépenses hors franchises.
L'enjeu, pour nos concitoyens, est que nous nous assurions que ceux qui n'ont pas du tout les moyens de payer ces forfaits en soient exonérés. En moyenne, pour les personnes en ALD, la hausse du reste à payer représenterait 70 euros par an. Pour un patient moyen, hors enfant, femme enceinte et bénéficiaire de la complémentaire santé solidaire, la moyenne s'élèverait à 42 euros par an. Nous pouvons débattre des catégories de personnes à exonérer. Doit-on élargir l'accès à la C2S ? Peut-être. Actuellement, les bénéficiaires du RSA, de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et du minimum vieillesse y sont mécaniquement éligibles. À l'inverse, je suis parfois étonnée du haut niveau de remboursement proposé à des personnes aisées qui pourraient payer davantage.
Nous débattrons du niveau du sous-Ondam hôpital, dont la hausse est fixée à 2,4 %. Nous devons conserver un équilibre.
Je vous répondrai prochainement sur la dette fiscale et sociale.
Le Gouvernement s'est engagé à ce que le débat sur la branche vieillesse ait lieu, quelles que soient les conditions d'examen du PLFSS. Celui-ci traduit strictement la déclaration de politique générale du Premier ministre : nous stoppons les mesures d'âge et d'augmentation du nombre de trimestres requis pour obtenir le taux plein, jusqu'au 1er janvier 2028. Sont suspendues l'augmentation d'un trimestre par génération pour avoir le droit de partir à la retraite et la dynamique dite « Touraine ». Cela signifie que la génération 1964 pourra partir à la retraite à partir de 62 ans et 9 mois. Cet effet de décalage d'un trimestre touchera toutes les générations jusqu'à 1968 incluse, ce qui explique qu'il y ait 3,5 millions de bénéficiaires. La lettre rectificative propose de ralentir la progression vers l'âge de départ à 64 ans. C'est la génération 1966 qui sera concernée par les 172 trimestres et la génération 1969 qui le sera par les 64 ans, si, au 1er janvier 2028, il n'y a pas eu de réforme des retraites. En effet, on ne suspend pas pour suspendre. Ce n'est pas une pause, mais une occasion de discuter de ce sujet très profond, et c'est pourquoi le Premier ministre et le ministre Farandou ont annoncé une conférence sur le travail et les retraites. L'enjeu est d'aménager un système qui évite le déni démographique.
Pour la branche retraite, le coût s'élève à 100 millions d'euros pour 2026 et à 1,4 milliard d'euros pour 2027. L'effet annuel est d'environ 1,3 à 1,5 milliard d'euros net. Demeurent des éléments d'incertitude sur ce chiffrage, tels que les choix comportementaux des Français. Certains pourront choisir de partir un trimestre plus tôt que ce qu'ils avaient envisagé, quand d'autres préféreront travailler pendant ce trimestre pour obtenir une petite bonification de leur niveau de pension. Le coût pour la collectivité s'en trouverait renchéri, les chiffrages actuels étant basés sur des comportements inchangés.
Nous devons trouver la manière de financer cette nouvelle dépense. Le Gouvernement proposera une hausse marginale supplémentaire de la taxe sur les organismes complémentaires, et un renforcement de la proposition du conclave de sous-indexation des retraites sur l'inflation, c'est-à-dire de moindre revalorisation, à 0,4 % en 2027 au lieu de 1,3 %.
Comment résorber le déficit ? Le taux d'emploi des 55-64 ans est, au deuxième trimestre 2025, de 61,8 %. C'est un record absolu. On enregistre une augmentation de 1,7 point en un an, mais surtout de 30 points depuis l'an 2000. En 2000, moins de 30 % des 55-64 ans étaient actifs. En 25 ans, leur taux d'emploi a doublé. Nous voulons que les seniors soient plus nombreux à pouvoir rester en emploi, ce qui impose de mieux gérer les enjeux d'invalidité, d'usure au travail et de pénibilité. Plus il y a de cotisants, plus il y a de financements, dans un système par répartition. Le taux d'emploi des 55-64 ans doit pouvoir rejoindre celui de la population générale, qui est de 72 % environ.
De l'autre côté du spectre, malgré des progrès, le taux d'emploi des moins de 25 ans reste bien plus faible que chez nos voisins. L'insertion professionnelle est lente. Nous perdons une richesse collective : le financement d'un modèle social qui repose sur l'activité, c'est-à-dire les cotisations et les ressources fiscales.
La question clé est : comment créer des richesses, soutenir les entreprises et l'emploi et surtout permettre aux hommes et aux femmes qui le souhaitent de travailler en bonne santé ?
Mme Raymonde Poncet Monge. - Pour retrouver l'équilibre budgétaire, il faut combiner les mesures portant sur les recettes et sur les dépenses. Mais vos choix politiques ne sont pas les nôtres.
Il faut aussi augmenter la quantité de travail, mais plutôt en créant des emplois qu'en faisant travailler plus longtemps les actifs. En matière d'écologie, par exemple, si nous respections le périmètre de l'accord de Paris, nous pourrions créer beaucoup d'emplois, notamment pour les jeunes - s'ils ne travaillent pas, ce n'est pas pour toucher les prestations sociales, puisqu'ils n'ont pas droit au RSA.
En tant que spécialiste des finances publiques, j'aimerais que vous me disiez à combien vous estimez l'effet récessif des budgets de l'État, des collectivités et de la sécurité sociale, qui réduisent fortement les dépenses, et donc la consommation. L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime en général le multiplicateur budgétaire à 0,4 ou 0,5 - certains disent qu'il peut même aller jusqu'à 0,8.
Vous vous alarmez que les dépenses de santé passent de 8,8 % à 8,9 % du PIB. Mais ce même dynamisme existe partout en Europe. Ce qui nous différencie, c'est notre modèle de socialisation des dépenses.
En l'absence de mesures, on sait que l'Ondam augmente mécaniquement de 4 % à 4,5 % par an. Vous fixez son augmentation à 1,6 %, alors que vos prévisions de croissance sont de 1 % et celles d'inflation de 1,3 %. Volontairement, vous faites donc baisser la part de des dépenses d'assurance maladie dans le PIB, alors que la tendance mécanique est à l'augmentation. Avec un tel Ondam, on peut commencer à prendre les paris sur la date à laquelle le comité d'alerte se manifestera en 2026...
Concernant les mesures sur les dépenses, vous disposez de très bons rapports de l'Igas sur la financiarisation de la santé et les gains d'efficience possibles. Si l'on veut respecter les objectifs sociaux et de solidarité de la sécurité sociale, on ne peut pas proposer n'importe quelle économie budgétaire.
Avez-vous calculé combien de personnes allaient basculer sous le seuil de pauvreté à cause du gel des prestations sociales ? La pauvreté monétaire est déjà au plus haut depuis trente ans : près de 10 millions de personnes sont concernées, et plus d'un enfant sur cinq vit dans un ménage pauvre.
Vous semblez vouloir augmenter la taxe sur les complémentaires santé pour compenser le décalage dans le temps de la réforme des retraites, mais quel est le rapport entre ces deux mesures ?
Un autre gel dont vous parlez peu est celui des seuils de revenus ouvrant droit à l'application des taux réduits de CSG, qui touchera les foyers les plus modestes. Combien seront concernés ?
Il s'agit bien de mesures politiques, car d'autres solutions étaient possibles. Vous auriez pu, par exemple, pour le même rendement, augmenter d'un point la CSG sur le patrimoine ou augmenter la taxation des revenus de placement. Pourquoi avoir évacué ces solutions, qui me semblent plus justes ?
Sur la TVA, ne craignez-vous pas, de nouveau, une surestimation des recettes, et donc une sous-compensation pour la sécurité sociale ? Selon la Cour des comptes, elle a coûté 18 milliards d'euros à la sécurité sociale depuis 2019.
La Cour pointe aussi l'explosion des compléments de salaire : les niches fiscales les concernant nous coûtent 8 milliards d'euros. Votre décision de diminuer les forfaits sociaux sur l'intéressement et la participation de 20 % à 16 % a grevé les comptes de la sécurité sociale. Pourquoi ne revenez-vous pas sur ces avantages plutôt que de vous attaquer aux tickets-restaurant, dont vous avez au préalable déformé le sens en les étendant aux achats en supermarché.
Les mesures que vous prenez par ailleurs sur les allégements généraux de charges sont minimales. Nous pourrions récupérer 8 milliards d'euros si nous les bloquions à deux Smic. Tout le monde s'accorde à dire qu'au-delà de ce seuil, ces allégements n'ont aucun effet sur l'emploi ou la compétitivité.
Mme Jocelyne Guidez. - Je souhaite vous poser deux questions.
Aujourd'hui, la psychanalyse est remboursée à 100 % pour traiter les troubles du neurodéveloppement, alors que la Haute Autorité de santé et le docteur Étienne Pot, délégué interministériel sur cette question, estiment qu'elle ne sert absolument à rien. Avez-vous des informations à ce sujet ?
Les congés de naissance supplémentaires qui ont été accordés ont coûté environ 300 millions d'euros. Or les expériences étrangères montrent que l'allongement des congés parentaux de naissance, même bien indemnisés - en Italie, ils sont désormais de cinq mois -, n'a pas enrayé le déclin de la natalité. Est-ce une bonne solution de dépenser plus pour ce type de mesures ?
M. Martin Lévrier. - Je souhaite vous poser trois questions rapides.
La première porte sur l'apprentissage et la fameuse réforme de 2017-2019, qui a été un énorme succès et a permis la création de près d'un million de contrats. Dans le rapport que j'ai rédigé avec mes collègues Corinne Imbert et Frédérique Puissat, nous notions une très forte augmentation des apprentis en post-bac, surtout au niveau master, mais une augmentation bien plus faible en pré-bac. Je ne voudrais surtout pas que l'apprentissage soit une variable d'ajustement, mais les aides accordées aux entreprises me semblent de plus en plus mal ciblées. Il serait plus pertinent de diminuer drastiquement les aides au-delà de bac+ 3, de les diminuer un peu pour les niveaux bac à bac+ 3, et de les augmenter significativement en pré-bac afin de développer des filières dont les entreprises françaises ont absolument besoin. Il me semble que nous pourrions ainsi réaliser d'importantes économies tout en réorientant cette réforme dans le bon sens. Je soumets cette question à votre sagacité.
La deuxième concerne les arrêts de travail. Ne pourrait-on pas imaginer un système de médecins agréés, qui auraient les mêmes responsabilités que les commissaires aux comptes ? Pénalement responsables selon un certain nombre de critères, ils pourraient être mandatés par les entreprises, là aussi selon certains critères, pour contrôler les arrêts lorsque la situation le justifie.
Enfin, la troisième porte sur l'Ondam. Pourriez-vous nous indiquer l'évolution en pourcentage et en volume de la masse salariale ?
Mme Anne Souyris. - Ma première question porte sur l'augmentation des complémentaires santé. On ne peut pas dire que l'on n'augmente pas les taxes pour les assurés et, dans le même temps, augmenter la taxation des organismes complémentaires d'assurance maladie, ce qui aboutit, de fait, au même résultat. La différence entre une cotisation de sécurité sociale et une cotisation de complémentaire santé, c'est que la première est indexée sur le salaire, tandis que la seconde ne l'est pas.
Ma deuxième question porte sur la financiarisation. Vous dites que les soins ne doivent pas être gratuits, afin que les gens réalisent qu'ils ont un coût. Mais, de fait, même sans les franchises, la maladie n'est pas gratuite. Il y a des choses que l'on ne peut plus faire et que l'on doit faire faire ; parfois l'on ne peut plus travailler. On sait en outre que les franchises constituent un frein à l'accès aux soins. Même si vous avez prêté attention aux plus bas salaires, c'est un mécanisme qui accentue le renoncement aux soins, bien au-delà des seuls bénéficiaires du RSA.
Avez-vous envisagé d'instaurer une taxe, sur le modèle de la clause de sauvegarde, sur les secteurs très rentables et financiarisés ? Car la baisse des remboursements des soins réalisés par les secteurs rentables ne garantit pas que des économies seront réalisées. La sécurité sociale en fera peut-être, mais certainement pas les patients, qui risquent simplement de voir leur reste à charge augmenter.
Ma dernière question concerne la prévention. Vous prétendez faire un effort en la matière, mais je ne vois rien sur l'alcool, le tabac, l'alimentation ou la réduction des risques. Par exemple, l'expérimentation sur les haltes soins addictions (HSA), qui se termine à la fin de l'année, disparaît de ce PLFSS. Pourquoi ?
Mme Nadia Sollogoub. - Est-il pertinent de maintenir les exonérations fiscales des professionnels de santé qui s'installent en zones de revitalisation rurale, désormais rebaptisées France Ruralités Revitalisation (FRR), sachant qu'un professionnel de santé qui s'installe n'importe où en France a son carnet de rendez-vous plein dès le premier jour ?
Aujourd'hui, ce système déséquilibre artificiellement les installations de professionnels de santé, car ils ne veulent plus s'installer qu'en FRR, et toute la France se bat pour être classée en FRR... Ne serait-il pas plus logique d'augmenter la tarification des actes en zones sous-dotées, mais de revenir sur les avantages fiscaux ? On demande des efforts à tout le monde, et le système est très injuste pour les médecins plus anciens qui n'en bénéficient pas.
Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale. - Je le signale depuis longtemps. C'est en effet aberrant !
Mme Nadia Sollogoub. - Je dépose un amendement chaque année sur le sujet, et Bercy m'avait parlé d'un coût de 700 millions d'euros. Ne faudrait-il pas exclure les professionnels de santé du dispositif FRR, au même titre que les assureurs ou les agences immobilières ?
M. Olivier Henno, président. - La commission a demandé un rapport à la Cour des comptes sur ce sujet ; il nous sera rendu le 12 novembre prochain.
Mme Annie Le Houerou. - Nous partageons l'objectif de maîtrise des déficits et le souhait de ramener la sécurité sociale à l'équilibre à l'horizon 2029-2030. Cela suppose de maîtriser la dynamique des dépenses et d'intervenir sur les recettes, où des efforts supplémentaires sont à accomplir.
Pour autant, ce PLFSS est absolument insupportable, car il met en péril le principe selon lequel chacun contribue selon ses moyens et bénéficie selon ses besoins. En l'occurrence, ce sont surtout les malades qui sont mis à contribution.
Nous nous interrogeons aussi sur la sincérité d'une progression de 1,6 % de l'Ondam. Même si cette moyenne cache de fortes disparités selon les secteurs, cet objectif nous semble irréaliste.
Au lieu de faire culpabiliser les malades, notamment ceux qui sont en affection de longue durée, pourquoi ne pas réduire plus franchement les allégements généraux de charges ? Ne serait-il pas possible non plus de rendre la CSG plus progressive par rapport aux revenus ?
Concernant la fiscalité comportementale, il n'y a rien en effet dans le PLFSS sur les sucres ajoutés ou les publicités alimentaires. Pourquoi faire l'impasse sur ce sujet important ?
Les tarifs des complémentaires santé ont déjà connu des augmentations significatives au cours des dernières années, au point que de nombreuses personnes, notamment les retraités, ont des difficultés à les payer. Et vous voulez encore en remettre une couche cette année...
Il existe pourtant des leviers de maîtrise des dépenses de santé, notamment la prévention, sur laquelle ce PLFSS fait en grande partie l'impasse. Vous avez cité la systématisation des dépistages pour certaines pathologies ou polypathologies, mais, sauf erreur de ma part, je n'ai rien vu dans le texte. De la même manière, les rendez-vous de prévention, qui ont été créés pour prévenir et anticiper le développement des maladies chroniques, sont finalement très peu mis en oeuvre, faute de médecins disponibles pour les assurer.
Comme vous l'avez souligné, ce projet va donner lieu à discussion. Pour notre part, nous serons très attentifs à ce que les plus vulnérables ne soient pas les seuls à contribuer au rétablissement des comptes. Nous devons répartir les efforts de la manière la plus équitable et la plus juste possible.
Mme Corinne Féret. - Nos interventions respectives montrent que le débat sur le PLFSS sera nourri, car nous avons des approches et des sensibilités différentes, pour ne pas dire divergentes. Ce texte sera discuté alors que nous célébrons les 80 ans de la sécurité sociale, fondement de notre modèle social, pour lequel nos aînés se sont battus.
Or, pour nous, ce PLFSS contrevient aux principes fondamentaux de notre modèle social, qui s'articulent autour de l'égalité d'accès aux soins, de la qualité des soins et de la solidarité.
Le « forfait responsabilité » me choque tout particulièrement, comme si les Français n'avaient pas conscience que notre système de santé est basé sur la solidarité et qu'il ne faut pas en abuser. Pour beaucoup de nos concitoyens, les franchises médicales ne sont pas négligeables. Passer de 1 à 2 euros sur une boîte de médicaments ou de 2 à 4 euros pour une consultation, ce n'est pas rien, d'autant que le montant du plafond n'est pour l'instant pas précisé. De même, la limitation des arrêts maladie s'apparente à une double peine pour les malades. Et je ne parle pas des patients en ALD, dont le reste à charge pourrait augmenter de 70 euros en moyenne par an selon vos déclarations.
Il me semble également totalement inacceptable de considérer que les pensions et les prestations sociales ne devraient pas progresser sous prétexte que l'inflation est moins élevée. On peut trouver des recettes ailleurs, et nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat sur le PLFSS.
Mme Émilienne Poumirol. - Ma question porte sur le prix des médicaments. Les pharmaciens ont récemment protesté contre l'idée, il est vrai paradoxale, de diminuer leurs marges sur les médicaments génériques, alors qu'on les incite depuis plusieurs années à en délivrer le plus possible...
Dans le même temps, on ne peut pas discuter du prix des médicaments, le Comité économique des produits de santé (CEPS) mettant systématiquement en avant le secret des affaires. Le prix de certains médicaments reste exorbitant. C'est le cas des médicaments « innovants », qui ne le sont pas tous, car il suffit parfois de modifier à la marge la formule d'un ancien médicament pour qu'il devienne innovant. C'est le cas aussi, dans certaines disciplines comme la cancérologie, de médicaments amortis depuis longtemps, mais dont le prix ne diminue pas. Certains laboratoires connaissent certainement des difficultés, mais le rendement des Big Pharma continue de tourner autour de 8 %.
J'aimerais que l'on puisse travailler sur ce sujet.
M. Olivier Henno, président. - Madame la ministre, vous attendez du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales un rendement de 1,5 milliard d'euros, ce que le Haut Conseil des finances publiques ne juge pas crédible. D'où vient cet optimisme ? Pourriez-vous également nous transmettre un chiffrage détaillé de chaque mesure du projet de loi ?
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - Je vais essayer de répondre par thème et d'être exhaustive.
Si nous construisions ce PLFSS uniquement pour faire rentrer de l'argent dans les caisses, cela n'aurait aucun sens. Nous cherchons en corollaire à déployer une offre de soins adaptée aux besoins des Français sur tout le territoire.
Notre système de santé était centré sur le traitement des pathologies aiguës, avec des centres hospitaliers universitaires (CHU) de pointe et de très grands centres d'excellence, mais notre réseau territorial n'est plus adapté au vieillissement de la population, aux maladies chroniques et aux nouveaux enjeux de déplacement.
Il faut donc des investissements et une réforme en profondeur. La question est bien de savoir quel système de santé nous voulons déployer. Le précédent gouvernement a agi pour que des médecins quittent les CHU et s'installent dans les territoires. Il existe des exemples probants d'exercice mi-hôpital, mi-ville. Dans beaucoup de territoires, on assiste au déploiement de réseaux de médecins qui se déplacent à domicile. Tous ces projets coûtent de l'argent. Or cet argent, de facto, nous ne l'avons pas. On peut donc aussi voir l'augmentation des forfaits comme une forme de compromis avec les Français, avec une participation supplémentaire moyenne de 42 euros par an, et 18 millions de nos concitoyens totalement exonérés.
L'idée de France Santé, c'est que chaque Français ait un premier accès aux soins à moins de trente minutes de chez lui. France Services, construit avec la même ambition, suscitait beaucoup de méfiance au départ, mais, aujourd'hui, le système fonctionne. C'est à peu près le même réseau qu'il nous faut déployer pour la santé. Ensuite, comment avoir un rendez-vous de suivi avec un médecin dans les 48 heures ? Nous devons travailler sur tous ces sujets. Évidemment, si nous tenons un discours exclusivement budgétaire, en oubliant de dire à quoi ces efforts peuvent servir, nous passons à côté de l'essentiel. Nous voulons continuer d'être le pays avec l'une des espérances de vie en bonne santé les plus longues au monde, et qui augmente encore, selon une enquête récente de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
Concernant l'Ondam, beaucoup d'entre vous ont évoqué sa progression fixée à 1,6 %. Sans la mesure du « forfait de responsabilité », l'Ondam serait à 2,3 %, soit précisément la somme de la croissance et de l'inflation. L'Ondam constitue certes un totem, mais il s'agit d'une moyenne pondérée d'éléments disparates qui nous apprend peu de choses en réalité sur ce que nous faisons pour l'hôpital, les parcours de soins, l'accès aux soins, les établissements médico-sociaux ou les transports sanitaires.
Madame Poncet Monge, vous avez évoqué l'impact du gel et les enjeux de pauvreté. Je vous le dis sans détour : geler les barèmes de l'impôt sur le revenu et de la CSG fonctionne moins bien si vous ne gelez pas dans le même temps les prestations et les retraites. Si vous avez une stabilité de revenus, la stabilité des barèmes de l'impôt n'emportera pas de conséquences négatives pour les gens. Il faut donc bien voir ces deux mesures comme étant corrélées.
Si l'on revalorise la première tranche de l'impôt sur le revenu tout en gelant les prestations et les pensions, la conséquence est qu'il y aura moins de Français qui paieront cet impôt. Il peut certes s'agir d'un choix politique, mais il faut l'expliquer clairement.
Concernant la CSG sur les revenus du patrimoine, elle ne touche pas que les hauts patrimoines. Il ne faut pas faire croire que l'augmentation de certains impôts serait sans impact sur la vie des classes moyennes ou populaires. On pourra vous communiquer la répartition du rendement d'une hausse d'un point de la CSG sur les revenus du capital. La fiscalité des plans d'épargne entreprise (PEE), des plans d'épargne logement (PEL), des plans d'épargne pour la retraite collectifs (Perco) et des comptes épargne logement (CEL), autant de dispositifs d'épargne plutôt sociaux, en serait affectée. En augmentant un impôt comme la CSG, dont la base est très large, on touche aussi les classes moyennes.
Sur la TVA, le Haut Conseil des finances publiques juge notre prévision cohérente avec notre estimation de croissance. Il n'en demeure pas moins que nous avons un vrai enjeu sur cet impôt, je ne vous le cache pas. Depuis plusieurs années, il y a un écart entre l'évolution des recettes de TVA et l'évolution du PIB. Il se passe quelque chose que nous n'arrivons pas à comprendre. Est-ce dû à une augmentation de l'économie parallèle, à une déformation de notre modèle économique entre les exportations et la production ? Rassurez-vous, nous ne parlons pas cette année de dizaines de milliards d'euros manquants, mais nous n'arrivons pas à obtenir les rentrées espérées. Ce n'est pas une question de surestimation des prévisions économiques, mais nous constatons que les rentrées de TVA ne sont plus parfaitement corrélées aux simulations faites par nos modèles à partir des observations économiques. Pour une consommation donnée, nous n'avons pas la TVA attendue. J'ai donc lancé une mission d'urgence, et je vous ferai bien entendu part de ses résultats, la TVA étant aussi devenue une ressource pour les collectivités et la sécurité sociale.
Un grand débat portera aussi sur les compléments de salaires, dont les tickets-restaurant font partie. Jean-Pierre Farandou dit souvent que tous les revenus devraient porter une part de cotisation et de fiscalité, quitte à moduler ensuite leur application. Créer des revenus sans aucune fiscalité ni charge sociale peut en effet poser question. Entre les tickets-restaurant, qui sont devenus des tickets « caddie », et les chèques culture ou les chèques vacances, qui sont devenus une quasi-monnaie, il y a sans doute des choses que l'on peut moduler.
Vous avez été nombreux également à m'interroger sur la fiscalité comportementale. C'est en effet un élément que le Gouvernement ne verse pas au débat, mais rien ne vous interdit de déposer des amendements en la matière.
Madame la sénatrice Guidez, votre question sur ce que l'on rembourse est intéressante. Je ne suis pas ministre de la santé, mais je constate que beaucoup de recommandations de la Haute Autorité de santé ne sont pas suivies. Par exemple, près de la moitié des arrêts maladie sont prescrits pour des durées atteignant parfois le double de ses préconisations. Quand la Haute Autorité de santé émet des recommandations, nous pourrions considérer que c'est sur cette base que le remboursement à 100 % s'applique.
Le fait que la durée des arrêts maladie ne corresponde pas aux préconisations pose problème. Les données de la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) montrent que des patients en arrêt ne voient aucun médecin. Par exemple, 30 % à 40 % des personnes en arrêt pour des troubles musculosquelettiques ne voient pas de kinésithérapeute...
Mme Annie Le Houerou. - Il faut parfois attendre trois mois pour voir un kiné !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - L'arrêt ne va donc pas résoudre le problème, il va simplement le mettre en pause. Les médecins n'assurent pas toujours le suivi que l'on pourrait attendre, d'où notre préconisation que les arrêts en première intention soient de quinze jours, afin de vérifier que le parcours de soins nécessaire a bien eu lieu.
Ensuite, bien entendu, il faut que l'offre de soins soit disponible, et l'on en revient aux enjeux d'installation et de répartition. Car dans certains territoires, l'offre de soins existe.
Sur la démographie, vous avez parlé de l'Italie, madame Guidez, et je voudrais préciser ce que cela signifie pour un pays d'avoir 1,2 enfant par femme. Cela veut dire que chaque femme a en moyenne 0,6 fille. Si ces filles ont à leur tour 0,6 fille, en deux générations, la population italienne aura baissé de 60 %. Présentés ainsi, ces chiffres prennent une tout autre signification. C'est donc un enjeu qui va bien au-delà des questions budgétaires, et qui intéresse tous les démographes et sociologues.
Nous investissons beaucoup de moyens pour créer des places de crèche. La convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales prévoit jusqu'à 20 000 euros de soutien par place de crèche construite. Pourtant, nous avons toujours un problème de mode de garde, alors même qu'il y a de moins en moins d'enfants. Aujourd'hui encore, plus de 30 % des familles n'ont pas de solution de garde. Le congé de naissance est proposé tel quel et sera débattu. Son coût dépendra bien évidemment du taux de recours.
Monsieur Lévrier, la politique d'apprentissage a été un succès en favorisant l'insertion. Elle a cependant entraîné des dépenses d'un montant total de 19 milliards d'euros - 15 milliards d'euros de dépenses budgétaires et 4 milliards d'euros de réductions de cotisations et de fiscalité - pour environ 900 000 jeunes en apprentissage. Il est vrai que 61 % des apprentis ont une qualification supérieure à bac+ 2, et je ne doute pas que Jean-Claude Farandou sera attentif à améliorer l'efficacité de cette politique.
Concernant les arrêts de travail, vous avez décrit un système qui existe déjà dans la mesure où des médecins agréés peuvent être mobilisés pour effectuer des contrôles à partir d'une certaine durée d'arrêt et décider si l'employeur doit continuer à octroyer un complément de salaire.
S'agissant de l'Ondam, une hausse de 2,3 % est prévue, avec un taux de chômage en légère hausse. Il convient de rappeler que 35 000 personnes entrent chaque trimestre sur le marché du travail du fait du baby-boom des années 2000.
Pour ce qui est d'une taxe sur les complémentaires santé, madame Souyris, je pense que Stéphanie Rist pourra mieux développer les enjeux liés à la répartition des remboursements et de l'accompagnement lors de son audition à venir.
Une remarque a aussi été formulée sur le coût de la maladie : c'est tout le sens du taux de CSG réduit qui s'applique aux revenus de remplacement, alors que le taux de CSG est de 9,2 % pour les revenus d'activité.
Pour ce qui concerne la financiarisation, le PLFSS contient des éléments qui, sans empêcher des secteurs utiles aux Français tels que la biologie et la radiothérapie de fonctionner, permettent d'instaurer une régulation, notamment en privilégiant des forfaits par rapport à la tarification à l'acte.
J'en viens au zonage et aux ZRR, débat qui, comme toute discussion portant sur les exonérations et les niches, est pertinent. Je n'ai pour ma part aucune opposition de principe aux niches, mais encore faut-il être certains de la manière dont nous voulons affecter les moyens publics. Le PLF et le PLFSS prévoient la suppression d'un certain nombre de niches fiscales et sociales, sur la base de différents rapports de la Cour des comptes ou du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO). Je souhaite que nous menions le débat sur tous ces points et que nous fassions des choix, en toute transparence.
Madame Le Houerou, j'ai tendance à avoir la main tremblante dès lors qu'il est question de faire contribuer davantage les entreprises, car cela risque d'entraîner une hausse du chômage, notamment des seniors. Les exonérations de cotisations sont devenues une composante du coût du travail et les 80 milliards d'euros engagés à ce titre ont permis de créer des emplois.
Le taux d'emploi a ainsi augmenté très sensiblement en France ces dernières années, atteignant des niveaux qui n'avaient pas été connus depuis les années 1970. Cela résulte d'une série de décisions qui ont permis à un certain nombre de secteurs de créer des emplois. D'aucuns se sont d'ailleurs interrogés sur cette capacité de notre pays à créer des emplois en ne connaissant qu'une faible croissance : c'est très certainement parce que nous avons créé les conditions le permettant.
Certes, l'État paie lesdits allégements généraux, mais ces derniers ont permis de réduire le chômage, qui n'est désormais plus la principale préoccupation des Français, avant tout soucieux de leur pouvoir d'achat. Ayons un regard juste sur les effets de ces exonérations, qui ont permis de sortir de décennies pendant lesquelles le chômage était vu comme une maladie incurable, même si nous n'avons certes pas tout résolu.
Concernant l'hypothèse d'une CSG plus progressive, je rappelle que le taux dépend des revenus du foyer de l'année n-2 : les revenus totaux et la composition du foyer sont pris en compte pour fixer le taux applicable aux retraités, qui est donc un taux différencié. La même méthode pourrait être appliquée aux actifs, mais cela reviendrait à figer la réalité de la situation familiale existant deux ans avant dans la fiscalité et la cotisation du travail de l'année donnée : il s'agit d'une tâche relativement complexe, mais non pas impossible, ni inconstitutionnelle.
En revanche, il serait inconstitutionnel de lier un taux réduit à la situation d'une personne seule : notre système se base sur une évaluation de la globalité des foyers dans un objectif de justice sociale, et il me semble qu'il faut se montrer très précautionneux si l'on envisage un changement.
J'en arrive à la prévention : l'article 19 porte sur la prise en charge de prestations d'accompagnement préventif à destination des assurés souffrant d'une pathologie à risque d'évolution vers une ALD, afin d'éviter que les personnes atteignent un tel niveau de gravité de leur maladie chronique. Nous aurons donc ce débat que vous appelez de vos voeux.
Je rappelle, par ailleurs, que la révision de la convention médicale prévoit une meilleure rémunération des médecins pour un certain nombre de consultations, à la condition qu'ils pratiquent ces rendez-vous de prévention avec leur patientèle.
Nous avons beaucoup d'outils à notre disposition, mais il reste à voir s'ils sont employés : chacun d'entre nous fait-il sa prise de sang annuellement, ainsi qu'un check-up général de manière régulière ?
Madame Féret, vous tablez sur un débat animé, et c'est tant mieux, car il est question d'une vision et d'une répartition de l'effort au sujet d'un actif qui est né il y a quatre-vingts ans grâce à un consensus historique entre les gaullistes et les communistes, dans le cadre du Conseil national de la Résistance (CNR). Nous devrions avoir le courage de nous montrer dignes de cet héritage, en parvenant à un compromis plus modeste en comparaison de nos prédécesseurs.
Pour en revenir aux forfaits, 16 000 patients ont vu plus de dix médecins généralistes différents l'année dernière. Je suis d'accord avec vous lorsque vous affirmez qu'il faut distinguer responsabilité et culpabilité...
Mme Annie Le Houerou. - Il faut alors cibler ces personnes, mais pas l'ensemble de la population !
Mme Amélie de Montchalin, ministre. - De la même manière, nous sommes le premier pays consommateur de paracétamol remboursé : vous savez très bien que de nombreux Français stockent des médicaments remboursés dans leurs armoires, sans forcément les utiliser, ce qui entraîne parfois des gaspillages.
Je fais le lien avec les pharmaciens, enfermés dans un modèle de rémunération « à la boîte », d'où l'impossibilité d'aller vers un modèle de délivrance des médicaments à l'unité, ce qui est un peu absurde compte tenu de la variété des boîtes, plus ou moins grandes et plus ou moins chères.
Des études d'économistes transparentes et indépendantes ont montré que la France est le deuxième pays au monde - après les États-Unis - en termes de soutien à l'innovation médicale. Néanmoins, nous, Européens, sommes très faibles sur le médicament, car nous nous faisons concurrence alors que nous devrions, compte tenu la taille de notre marché, d'abord songer à notre souveraineté médicamenteuse et pharmaceutique à l'échelle du continent.
Avec un marché ouvert tel que le nôtre, il n'y a aucun sens à ce que chacun des pays se batte pour obtenir une demi-usine qui n'est jamais rentable, alors que nous pourrions nous répartir les sujets, porter une vision du médicament et négocier collectivement avec les grands laboratoires. Cette mécanique de compétition entre pays européens est assez absurde, tant pour les patients que pour les industriels.
Monsieur Henno, la fraude représente un enjeu majeur. Si le HCFP a jugé notre copie optimiste, je rappelle que nous détectons 16 milliards d'euros de fraudes pour 11 milliards d'euros encaissés sur le plan fiscal ; sur le plan social, nous détectons 3 milliards d'euros à 4 milliards d'euros pour 1 milliard d'euros à 2 milliards d'euros encaissés : la marge de progression est donc considérable et s'explique par un cruel manque d'outils.
Les dispositions relatives aux gels, saisies et flagrances sont ainsi très précieuses, car elles fournissent aux agents publics - engagés pour faire respecter le pacte républicain - les outils adaptés pour agir immédiatement en cas de détection d'une fraude, en gelant le compte en banque, en menant l'enquête et en récupérant l'argent en cas de fraude avérée. Jusqu'à présent, les agents ne pouvaient qu'écrire une lettre, ce qui laissait toute latitude aux sociétés éphémères pour organiser leur insolvabilité et envoyer l'argent issu de la fraude à l'étranger, comme cela m'a été confirmé par Tracfin.
Dans le même ordre d'idées, le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales prévoit un renforcement de la coopération entre les administrations, afin d'accélérer les procédures et de réduire le laps de temps séparant la détection de la fraude du recouvrement. Je soutiens avec ardeur, en lien avec le garde des sceaux, la politique de saisies et de ventes portée par l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) : au lieu d'assumer des frais de gardiennage de biens - parfois de luxe -, nous procédons à la vente après la saisie.
En conclusion, la fraude est désormais très structurée, les mêmes réseaux de criminalité organisée étant à l'oeuvre derrière l'exportation de médicaments et d'ordonnances, avec des flux illicites d'argent en espèces provenant en grande partie du narcotrafic. Il faut donc que nous soyons très lucides et que nous écartions la « petite fraude des gens modestes » que certains évoquent parfois à l'Assemblée nationale.
Je suis résolument opposée à cette idée, car la fraude dont je vous parle est le fait de réseaux très organisés et internationalisés, qui ont déployé leurs activités tous azimuts et qui ont compris un élément essentiel : plus la politique publique considérée a l'air sociale, plus elle semble ciblée sur les classes populaires et moyennes, plus elle fait l'objet de fraudes.
La politique publique qui a connu le plus fort taux de fraude est ainsi MaPrimeAdapt', alors qu'elle porte l'aide à l'adaptation des logements des personnes en situation de handicap. Cela me révolte : plus nous déployons des outils publics qui ciblent des personnes fragiles que nous souhaitons accompagner, plus les réseaux criminels se disent qu'il existe, derrière le paravent de la solidarité, des failles permettant d'extorquer de l'argent public pour l'envoyer dans des pays exotiques où il n'est aucunement question de rénover des logements.
Il est donc nécessaire que nous tenions aux Français un discours de vérité au sujet de la fraude, en rappelant que nous ne ciblons pas les citoyens - c'est pourquoi nous avons instauré le droit à l'erreur -, mais l'extorsion, qui met à mal un système social et républicain auquel nous sommes tous attachés.
Dans le cadre des débats à venir, j'essaierai d'être la plus transparente possible sur les faits. Ensuite, vous, sénatrices et sénateurs, voterez aux côtés de vos collègues députés : le texte est entre vos mains.
M. Olivier Henno, président. - Merci, madame la ministre, de nous avoir consacré autant de temps.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 40.