Mercredi 12 novembre 2025

- Présidence de M. Guillaume Chevrollier, vice-président -

La réunion est ouverte à 13 h 15.

Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales - Examen des amendements à l'article délégué au fond du texte de la commission des affaires sociales

M. Guillaume Chevrollier, président. - Mes chers collègues, nous débutons notre réunion par l'examen des amendements de séance sur l'article 8 du projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, qui nous a été délégué au fond.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 8

M. Guillaume Chevrollier, président. - Nous proposons d'émettre un avis défavorable aux amendements identiques nos  64, 73 et 224.

M. Olivier Jacquin. - Monsieur le rapporteur, comment intégrez-vous la transposition de la directive dite « Schmit » de 2024 sur les travailleurs des plateformes, qui doit intervenir avant la fin de l'année 2026 ? L'article 8 du projet de loi risque d'interférer avec le cadre européen... Son adoption nous mettra en situation de contradiction.

M. Alain Duffourg, rapporteur. -Il n'y aura pas de contradiction entre l'article 8 et la directive.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 64, 73 et 224.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos  55 rectifié ter et 190, de même qu'aux amendements identiques nos  54 rectifié bis et 191.

M. Alain Duffourg, rapporteur. - Je propose que l'amendement n°  44 fasse l'objet d'une demande de retrait.

Mme Jocelyne Antoine. - Je retirerai cet amendement, ainsi que l'amendement n°  43. Passer par la voie réglementaire paraît plus approprié.

Il me semble important que le citoyen puisse prendre sa part à la lutte contre la fraude. Quand on monte dans un taxi, le lumineux situé sur le toit du véhicule ne laisse aucun doute. Il n'en va pas de même pour les VTC : c'est potentiellement le copain du copain qui vient avec sa voiture... Si le consommateur a le droit de ne pas monter, encore faut-il qu'il soit informé qu'il a affaire à un faux professionnel.

La mesure que je propose est simple et de bon sens. Nul besoin de bâtir des usines à gaz pour que le citoyen puisse contribuer à sa mesure à la lutte contre la fraude !

La commission demande le retrait des amendements nos 44 et 43 et, à défaut, y sera défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  133. Elle émet un avis favorable à l'amendement n°  134. Elle émet un avis défavorable à l'amendement n°  41.

M. Jacques Fernique. - Lors de la réunion précédente, on m'a opposé que l'amendement n°  74 contreviendrait à la liberté contractuelle d'entreprendre, mais les chauffeurs pourraient toujours contracter avec d'autres plateformes qui ne seraient pas dans l'illégalité ! Cet amendement me semble donc pertinent.

M. Olivier Jacquin. - Tout à fait.

M. Alain Duffourg, rapporteur. - J'ai prévu d'interroger le Gouvernement sur l'opportunité d'une sanction plus importante et plus opérante que celle qui est proposée, notamment au regard de l'enjeu que constitue la liberté d'entreprendre.

M. Franck Dhersin. - Je suis favorable à l'amendement !

M. Jacques Fernique. - Je souscris à ce que nous interrogions le Gouvernement.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 74, de même qu'aux amendements nos  63 rectifié bis et  156.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°  42.

Après l'article 8

La commission propose à la commission des affaires sociales de déclarer l'amendement n°  66 irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Olivier Jacquin. - Je suis favorable à l'amendement n°  193 de Mme Goulet.

La commission demande l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 193.

Les avis de la commission sur les amendements de séance sont repris dans le tableau ci-après :

Auteur

Objet

Avis de la commission

Article 8

M. JACQUIN

64

Suppression

Défavorable

M. FERNIQUE

73

Suppression

Défavorable

M. SAVOLDELLI

224

Suppression de l'article 8

Défavorable

M. PELLEVAT

55 rect. sexies

Prise en compte des coopératives d'activité et d'emploi dans le code des transports

Défavorable

Mme HAVET

190 rect.

Prise en compte des coopératives d'activité et d'emploi dans le code des transports

Défavorable

M. PELLEVAT

54 rect. quinquies

Introduction d'une exception concernant les coopératives d'activité et d'emploi

Défavorable

Mme HAVET

191 rect.

Introduction d'une exception concernant les coopératives d'activité et d'emploi

Défavorable

Mme ANTOINE

44 rect. bis

Précisions sur les informations à fournir dans le registre des exploitants VTC

Demande de retrait

Mme ANTOINE

43 rect. bis

Obligation de vérification par les plateformes de la présence d'un macaron VTC inamovible sur le véhicule

Demande de retrait

Mme Nathalie GOULET

133

Obligation de vérification des conditions d'acquisition du véhicule

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

134

Précision sur la temporalité des vérifications opérées par les plateformes en matière de travail dissimulé

Favorable

Mme ANTOINE

41 rect. ter

Vérification de la cohérence des informations fournies par l'exploitant VTC 

Défavorable

M. FERNIQUE

74

Instauration d'une nouvelle sanction administrative pour les plateformes ne respectant pas leur devoir de vigilance

Défavorable

M. PILLEFER

63 rect. ter

Réduction du délai prévu pour l'entrée en vigueur du dispositif

Défavorable

M. DUROX

156

Suppression de la possibilité pour les forces de l'ordre de recourir à la technique du "client mystère"

Défavorable

Mme ANTOINE

42 rect. ter

Transmission d'informations par les plateformes à l'État 

Avis du Gouvernement

Article additionnel après Article 8

M. JACQUIN

66

Interdiction des prêts de compte pour les livreurs des plateformes d'intermédiation

Irrecevable art. 45, al. 1 C (cavalier)

Mme Nathalie GOULET

193 rect.

Assujettissement des plateformes d'intermédiation au dispositif TRACFIN 

Avis du Gouvernement

Audition de Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation

M. Guillaume Chevrollier, président. - Madame la ministre, chère Françoise, je pense que vous savez à la perfection ce qu'attendent les sénateurs d'une audition budgétaire et qu'il est superflu de vous présenter les modalités de l'exercice. J'irai donc à l'essentiel.

Le projet de budget qui est soumis à notre examen intervient dans un contexte particulier du point de vue de l'aménagement du territoire. En effet, la séquence 2026-2027 correspond au terme fixé pour les dispositifs emblématiques de contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales. Il s'agit également de l'échéance fixée pour la grande majorité des programmes pilotés par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Cette année constitue donc un jalon incontournable pour repenser collectivement l'aménagement du territoire. C'est donc avec un grand intérêt que nous attendons, sur ce sujet, les réponses que vous nous donnerez et les perspectives que vous dessinerez.

Avant de laisser place aux questions de mes collègues, je souhaite, au nom du président de la commission, vous interroger sur un point, sur lequel notre commission est particulièrement mobilisée. Il est désormais certain que les crédits alloués au Programme national Ponts ne suffiront pas pour amorcer la réparation de l'ensemble des ouvrages d'art qui avaient été diagnostiqués comme les plus en péril par le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Dans ce contexte, ne considérez-vous pas qu'il serait opportun de pérenniser ce dispositif en créant une ligne budgétaire dédiée afin de capitaliser sur l'expertise développée en la matière et répondre à l'enjeu, qui voit s'opposer la sécurité et les finances des communes ?

Je vais vous céder la parole pour un propos liminaire, à la suite duquel nos rapporteurs budgétaires interviendront - Louis-Jean de Nicolaÿ, sur les crédits relatifs à la cohésion des territoires, et Sébastien Fagnen, sur les crédits relatifs à l'aménagement numérique des territoires. Nous ouvrirons enfin une séquence de questions-réponses avec l'ensemble des commissaires.

En ce qui me concerne, je vais vous poser dès à présent ma question, qui fait écho à un sondage paru aujourd'hui sur l'accès aux soins dans les territoires, préoccupation majeure qui relève aussi - vous le savez, pour être d'un département voisin du mien - d'une logique d'aménagement du territoire. Ce sondage met en avant les préoccupations de nos concitoyens : ainsi, 85 % des habitants de mon département déclarent rencontrer des difficultés d'accès aux soins et aux urgences. La fracture territoriale est réelle. Le même sondage démontre que les citoyens considèrent que les élus locaux peuvent agir en la matière.

Comment abordez-vous l'accès aux soins dans les territoires ? Quel doit être, selon vous, le rôle des élus, et quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre sur cette thématique chère à nos compatriotes ?

Mme Françoise Gatel, ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation. - Je suis très heureuse de cet échange et vous remercie de votre invitation.

En introduction, nous sommes, si je puis dire, dans une période « à deux temps ». Nous avons un temps budgétaire : nous savons l'enjeu, pour la France, de disposer d'un budget dans la situation budgétaire et financière particulière que nous connaissons bien. Mon propos n'est pas de chercher les responsabilités : il est de trouver des solutions et de rappeler que, alors que la France n'a pas connu de budget équilibré depuis maintenant plus de cinquante ans, il est nécessaire de redresser les finances publiques. Ce budget pour la France, c'est un budget à la fois pour les collectivités et pour l'État, parce que c'est un budget pour nos services publics en général. Ce temps budgétaire, dans lequel le Sénat s'apprête à entrer, est source de frustrations, parce que nous sommes dans une période de frugalité.

Toutefois, alors que le budget initial prévoyait une contribution des collectivités - auxquelles, soyons clairs, aucun membre du Gouvernement ne fait porter la responsabilité de la situation de la France - à hauteur de 5,3 milliards d'euros, la copie fournie par le Premier ministre Sébastien Lecornu a finalement retenu la somme de 4,6 milliards d'euros. Il appartient au Parlement de faire son travail de discussion, de rééquilibrage, dans un contexte général où notre objectif est le redressement. Je n'irai pas plus loin sur ce point ; nous aurons l'occasion d'en reparler.

Indépendamment de ce moment très difficile et de la fragilité du contexte politique, le Premier ministre a formulé, à raison, une ambition claire : les crises doivent nous amener à être plus stratégiques et, sans doute, à corriger nos erreurs. Le Premier ministre souhaite entreprendre une action que le Sénat appelle de ses voeux depuis longtemps : clarifier les compétences, dire qui est responsable de quoi, afin que nous sortions de la confusion au milieu de laquelle les différents échelons de collectivités territoriales et l'État travaillent chacun de leur côté en poursuivant pourtant le même objectif. Le Premier ministre souhaite ainsi une clarification des responsabilités.

L'enjeu est de retrouver la confiance de nos concitoyens et l'efficacité de l'action publique. Cependant, la situation n'est pas aussi simple qu'on pourrait le souhaiter : il n'y a pas toujours une seule entité qui intervient. Par exemple, est-il très efficace que les Ehpad soient sous la double tutelle de l'État et des départements ? Il nous appartiendra d'en discuter.

En tout état de cause, la volonté du Premier ministre est réelle. Il travaille avec l'ensemble des partenaires, puisque son premier acte a été d'écrire à l'ensemble des maires, afin de saluer leur engagement et leur proposer de participer à la réflexion. Il a fait de même avec les présidents des conseils départementaux et des conseils régionaux. Nous devons travailler ensemble sur ce sujet.

Ce que nous voulons faire, c'est mieux articuler l'action de l'État et celle des collectivités. Je rappelle que certains élus ont souhaité les réformes territoriales, mais que d'autres estiment les avoir subies - je songe à la réforme des régions ou à la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Aucune de ces réformes d'organisation territoriale n'a défini quel était précisément le rôle de l'État. Par conséquent, alors que nous allons travailler sur la décentralisation, afin de trouver le niveau le plus à même de traiter les sujets, dans une logique de « circuit court », il est indispensable que nous clarifiions le rôle de l'État. Quid des missions régaliennes de l'État, comme la justice, la sécurité ? L'État doit-il définir une politique de santé, qui a vocation, ensuite, à se décliner localement ?

L'État doit assumer une fonction de péréquation. En effet, puisque l'on parle d'aménagement du territoire, et même si nous devons différencier la mise en oeuvre de nos politiques en fonction des spécificités locales, il nous faut prendre en compte la capacité de chaque territoire à réaliser la « promesse républicaine d'égalité des droits », qui passe par une différenciation des moyens, mais aussi par un rôle péréquateur de l'État.

Il est souhaitable d'entreprendre cette action de clarification, en définissant les responsabilités respectives de chaque acteur. Il faudra bien, ensuite, que nous engagions une réforme sérieuse du financement des collectivités locales ; toutefois, cela ne pourra avoir lieu qu'une fois que les responsabilités de chaque entité auront été définies.

Cette annonce du Premier ministre correspond à un voeu du Sénat, qui est de transformer la relation entre l'État et les collectivités territoriales. Les collectivités ne sont ni des exécutants ni des commis de l'État. Or il faut reconnaître qu'au fil des réformes qui ont été mises en place jusqu'ici, ce ne sont pas les compétences qui ont été décentralisées, mais bel et bien l'exercice des compétences. C'est encore l'État et la loi qui définissent la manière dont les collectivités doivent organiser la mise en oeuvre de ces compétences. Par conséquent, les collectivités ne disposent pas de liberté d'action.

Il nous faut entrer dans une relation partenariale, d'adulte à adulte, une politique de contractualisation entre l'État et les collectivités. C'est ce que le Président de la République a appelé de ses voeux, et une mission a été confiée à la ministre Dominique Faure pour clarifier la forme que doit prendre cette relation contractuelle.

Au reste, la relation de contractualisation doit aussi être déclinée au niveau local, entre les préfets et les collectivités, afin de responsabiliser, de garantir une liberté d'agir et, surtout, de la lisibilité. De fait, il est impossible pour une collectivité de construire des projets robustes et cohérents tout en étant assujettie au principe d'annualité budgétaire.

Je rappelle toutefois que la contractualisation existe sous différentes formes. Vous avez, monsieur le président, parlé du Cerema. En complément, j'évoquerai l'ANCT, et je salue les rapporteurs, ici présents, de l'excellente mission d'information portant sur un programme piloté par l'ANCT ; le programme Petites villes de demain (PVD), Nicole Bonnefoy et Louis-Jean de Nicolaÿ. Je souhaite d'ailleurs que leur rapport d'information puisse m'être présenté en détail : en effet ses recommandations correspondent tout à fait à la relation de contractualisation qui doit exister entre l'État et les collectivités. Rappelons que l'État constitue lui aussi un partenaire en matière d'ingénierie.

La contractualisation intervient déjà pour soutenir des dispositifs qui font partie du quotidien et qui ont fait la preuve de leur efficacité. Je souhaite les évoquer ici, car on ne parle jamais de ce qui marche dans notre pays, alors que, lorsqu'on est élu local, on sait d'expérience que, si l'on n'entend jamais parler de quelque chose, c'est que cela marche formidablement !

Je veux, à cet égard, évoquer le réseau France Services, qui constitue un sujet structurant en matière d'aménagement du territoire et qui entre à ce titre pleinement dans le périmètre de votre commission. Aujourd'hui, le dispositif France Services, c'est 12 millions de demandes traitées chaque année, un taux de satisfaction qui oscille entre 90 % et 95 % et un taux de demandes traitées dès le premier rendez-vous - qu'il s'agisse d'un dossier de retraite, d'une demande d'allocations familiales ou de carte grise - de l'ordre de 94 % à 95 %.

Je sais l'attachement du Sénat à cette présence territoriale des services publics, qui, je le dis sans flagornerie, atteint un niveau de qualité que je n'ai jamais vu. Je me suis rendue dans 51 départements, et à l'occasion de chacun de mes déplacements, je demande à visiter des maisons France Services (MFS). Les agents qui y travaillent rendent de réels services, avec une performance assez remarquable. Vous savez que nous allons augmenter, en 2026, le nombre des MFS, comme nous l'avons fait en 2025. Nous augmentons également la contribution de l'État et des partenaires au fonctionnement de ces structures.

Je vais, monsieur le président, répondre à votre question, très importante et d'actualité, sur le dispositif France Santé. Nous savons - vous l'avez dit - que le premier souci de nos concitoyens, à la ville comme à la campagne, est l'accès aux soins, qui constitue aujourd'hui un parcours du combattant. Or, parfois, nos concitoyens restent sans réponse, ce qui suscite leur inquiétude. Nous devons, tous ensemble, améliorer la qualité de cette réponse.

Plusieurs actions existent en ce sens.

Tout d'abord, les collectivités locales n'ont pas attendu l'aggravation des difficultés pour lancer des initiatives.

Lors d'un déplacement auquel j'ai assisté à Carentan-les-Marais, dans la Manche, le Premier ministre a labellisé la première maison France Santé. Vous le savez, la création de ces lieux où est proposée une offre de soins relève d'une initiative des collectivités territoriales. Celles-ci se sont engagées pour financer le bâti, voire, dans certains cas, pour salarier des médecins, et, surtout, elles ont favorisé un dialogue très positif avec les professionnels de santé pour offrir, sur le terrain, des réponses de grande qualité. Chacun d'entre nous connaît une maison de ce type sur son territoire : y sont présents à la fois des infirmières, des kinésithérapeutes et du personnel formé dans la prévention, et le patient est au coeur du dispositif.

La France compte un peu plus de 2 000 structures de ce type. Le Premier ministre souhaite renforcer ce service par la labellisation de nouvelles maisons France Santé, à l'image des maisons France Services. Seront ainsi labellisées, dans chaque département, entre quinze et vingt structures de santé - maisons de santé, centres de santé, pharmacies, voire des médicobus lorsqu'il n'existe plus d'offre fixe - avant la fin de l'année. Cette labellisation sera attribuée conjointement par les agences régionales de santé (ARS), les préfets - qui restent les chefs d'orchestre des politiques de l'État - et les associations d'élus. Quatre critères très simples ont été retenus pour pouvoir bénéficier de la labellisation : assurer des consultations sans dépassement d'honoraires une ouverture au moins cinq jours par semaine, une présence médicale et infirmière garantie et une permanence régulière afin d'éviter l'engorgement des urgences.

Cette offre relève souvent d'une initiative des collectivités territoriales, certes aidées par l'État dans leurs investissements au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). L'État reconnaît la qualité de ces structures et initiatives locales et s'engage à pérenniser les structures existantes ou à améliorer l'offre par une dotation de 50 000 euros en fonctionnement pour les maisons labellisées.

Le nombre de structures labellisées passera de 2 000 en 2026 à 5 000 en 2027. Le Gouvernement a présenté un amendement en ce sens dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), qui a été adopté par l'Assemblée nationale la semaine dernière.

Ensuite, il faut ajouter à cette première réponse le dispositif de médecins solidaires, annoncé par le Premier ministre François Bayrou.

Mentionnons également la généralisation de l'expérimentation de l'option santé proposée dans certains lycées.

Nous souhaitons aussi que soit développée, dans chaque département, une offre de formation en première année de médecine. Nous savons en effet que 41 % des médecins s'installent dans les territoires au sein desquels ils ont été formés. À Nevers, par exemple, a été créé un campus connecté de grande qualité : les résultats en première année de médecine y sont supérieurs à la moyenne nationale. Ainsi, les jeunes issus de la Nièvre peuvent réaliser leur ambition de devenir médecins, car ce dispositif leur évite de déménager à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux et d'assumer des frais de logement et de transport importants.

Rendons donc les études de médecine accessibles dans les territoires. Le numerus clausus a été revu et nous sommes aujourd'hui à mi-parcours : ainsi, dans cinq ans, la pénurie de médecins actuelle sera partiellement résolue. Il nous faut aussi encourager la formation des infirmiers en pratique avancée (IPA) et favoriser l'élargissement des tâches réalisées par les pharmaciens, qui jouent un rôle très précieux dans le maillage territorial de l'offre de soins.

Permettez-moi de revenir sur la simplification. Il est souvent question de décentralisation et de déconcentration, et donc du préfet. Le Premier ministre François Bayrou avait souhaité en faire l'interlocuteur de nos collectivités. Ceux qui ont été élus locaux le savent : il s'agit de l'acteur essentiel et indispensable. En faisant du préfet l'arbitre de toutes les politiques et des agences, nous pourrons bien plus aisément mobiliser les collectivités locales.

Cependant, pour que l'action publique soit correctement appréciée par chacun de nos concitoyens, la simplification est nécessaire. Nous avons beau le dire, cela reste toujours aussi difficile, car nous ne cessons de produire des normes - dans le but, certes, de protéger nos concitoyens, mais, à force, nous finissons par empêcher toute action publique.

J'ai donc proposé au Premier ministre que le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN), présidé par Gilles Carrez, entreprenne, avec les parlementaires, une évaluation du stock de normes, domaine par domaine, car il nous faut lever des contraintes normatives.

Par exemple, les piscines publiques ont l'obligation de procéder à une vidange à une certaine fréquence, ce qui coûte près de 30 millions d'euros par an. Toutefois, quel est le sens de cette obligation puisque, en parallèle, il est obligatoire d'analyser régulièrement la qualité de l'eau - et donc de procéder à une vidange lorsque celle-ci n'est pas satisfaisante ?

Nous devons nous attaquer au stock de normes, afin que l'argent que nous dépensons ait une réelle valeur ajoutée. Faisons preuve d'endurance en la matière ! Lorsque j'étais présidente de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, le Sénat a signé avec le Gouvernement une charte définissant des objectifs communs pour simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales.

En outre, il nous faut travailler sur le flux de normes et opérer un changement culturel, qui nous concerne tous. Avant qu'une nouvelle norme soit fixée, il est nécessaire de procéder à une étude d'options : est-il nécessaire de créer cette norme ? Relève-t-elle de la loi ou du règlement ? Et s'il faut passer par un nouveau texte, réalisons une véritable étude d'impact !

Ainsi, sur le zéro artificialisation nette (ZAN), si une véritable étude d'impact avait été réalisée, les défenseurs formels du ZAN comme ceux qui ne parviennent pas à le respecter seraient bien moins irrités aujourd'hui !

Le Gouvernement comme les parlementaires doivent faire preuve de plus de frugalité dans la création de normes et d'obligations - et je ne parle pas seulement de la surtransposition.

Pour ma part, je suis partisane de l'introduction des clauses « guillotine », très répandues dans le monde anglo-saxon. Il s'agit d'inscrire dans le droit des dispositions visant à définir la durée d'application d'une norme. Si, dans ce délai, aucune évaluation de la norme n'a été réalisée, cela entraîne sa disparition.

De même, nous devons encourager l'expérimentation. Dans la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS), nous avons voté une disposition qui permet à des collectivités d'expérimenter l'exercice d'une compétence, à condition, naturellement, que l'État leur en donne les moyens, dans un certain délai, au terme duquel elles peuvent la conserver ou la rendre à l'État.

Or cette disposition n'a toujours pas été mise en oeuvre. Pourtant, l'expérimentation est fondamentale. Avant de produire un service à la chaîne, un industriel doit bien réaliser un prototype ! De notre côté, nous produisons de la norme à grande échelle, vouée à s'appliquer de la même manière sur l'île d'Ouessant que dans la Creuse ou à Paris, et cela ne peut pas fonctionner : nos territoires sont différents, par leur géographie, leur histoire et leur culture. Les débats récents sur la compétence eau et assainissement l'ont bien montré.

Permettez-moi enfin de dire quelques mots du projet de budget pour 2026. Le principe qui a conduit à son élaboration est le maintien des dotations de fonctionnement. Considérant que les collectivités font face à une hausse de leurs dépenses de fonctionnement, nous maintenons la dotation globale de fonctionnement (DGF) à son niveau. Nous augmentons la dotation de solidarité rurale (DSR) de 150 millions d'euros et la dotation de solidarité urbaine (DSU) de 140 millions d'euros. Nous prévoyons une contribution exceptionnelle pour les départements, qui sont les collectivités les plus touchées, et cette contribution sera matérialisée par un abondement de 300 millions d'euros du fonds de sauvegarde.

Par ailleurs, vous le savez, la nécessaire diminution de notre endettement ne peut passer que par la baisse de nos dépenses. L'enveloppe consacrée aux investissements a ainsi un peu baissé. En raison des élections municipales, les investissements seront moins importants en 2026 : ce choix nous semblait donc rationnel.

Je ne reviens pas sur le dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), car je ne doute pas que vous m'interrogerez sur ce point.

- Présidence de M. Jean-François Longeot, président. -

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur la mission « Cohésion des territoires » et sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». - Madame la ministre, je me réjouis de la constance dans la nomination des ministres chargés de la cohésion des territoires !

Dans le cadre de mes travaux préparatoires sur les crédits dédiés à l'aménagement du territoire au sein du projet de loi de finances pour 2026, je souhaitais vous interroger sur trois points.

Premièrement, l'article 74 du PLF prévoit la fusion de trois dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales : la DETR, la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation politique de la ville (DPV). La politique de la ville et la politique de soutien aux territoires ruraux répondent pourtant à des enjeux différents en termes d'aménagement du territoire.

Pouvez-vous garantir que la répartition et les équilibres budgétaires qui caractériseront ce nouveau dispositif ne se feront pas au détriment de la ruralité ? Nous craignons fortement que ce ne soit le cas...

Deuxièmement, j'ai été informé par la direction générale des collectivités locales (DGCL) que l'ANCT avait consacré en 2024 plus de 18 millions d'euros au recours à des prestations privées externalisées en matière d'ingénierie territoriale. Cela correspond à près du quart du montant de sa subvention pour charge de service public.

Ne vous paraîtrait-il pas opportun de changer de paradigme, de mettre fin à ce soutien public à de grands cabinets de conseil privés et de consacrer les montants correspondants au soutien direct à l'ingénierie territoriale des collectivités, par la création d'une enveloppe entièrement décentralisée ?

Troisièmement, avec ma collègue Nicole Bonnefoy, nous aurons très prochainement l'occasion de vous présenter en détail les conclusions de nos travaux relatifs à l'évaluation du programme Petites villes de demain (PVD). Toutefois, je souhaitais, en amont, recueillir votre avis sur l'une de nos recommandations.

Nous proposons de capitaliser sur la réussite de l'expérience PVD pour les petites centralités et les anciens chefs-lieux de canton afin que cette vision globale, stratégique et prospective puisse essaimer à une échelle plus vaste, en s'appuyant sur les actions déjà amorcées. Cette démarche, qui succéderait au programme PVD, pourrait s'appeler Territoires de demain.

Mme Françoise Gatel, ministre. - Monsieur le sénateur, le fonds d'intervention territoriale (FIT) est un dispositif qui vise, sur proposition du Gouvernement, à réunir dans un fonds unique plusieurs dotations d'investissement - DETR, DSIL et DPV. Il s'agit tout d'abord de répondre à une demande de simplification.

Ensuite, l'objectif est de s'assurer que l'enveloppe allouée à chaque département est bien consommée, ce qui n'est pas forcément le cas. Or l'année suivante, c'est bien l'enveloppe consommée qui est prise en compte dans l'attribution des dotations. L'enjeu est donc d'élargir le principe, que ceux qui ont siégé à la commission de DETR connaissent bien, de porosité positive des enveloppes : quand il n'y a pas de DETR, on donne de la DSIL, et inversement, de façon à ce que les préfets, avec l'aide des élus de ces commissions, puissent en faire bénéficier le plus grand nombre possible de collectivités.

Enfin, au sein du FIT, il était prévu de sécuriser l'enveloppe de DETR, afin que son montant pour 2026 ne puisse être inférieur à son niveau de 2025, et que toutes les collectivités éligibles à la DETR en 2025 le restent en 2026.

Cependant, je constate que le FIT ne génère pas un enthousiasme débordant. C'est une proposition qui figure dans le budget. Comme le dit le Premier ministre, nous proposons, vous discutez, et vous disposez !

J'en viens à l'ANCT. J'ai lu avec attention les rapports sur le sujet, notamment celui de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, intitulé Agencification : une méthodologie repensée pour une action publique renforcée.

Le principal problème, selon moi, réside dans l'éparpillement de l'activité de l'État, qui donne le sentiment d'une absence de contrôle : nous avons créé des agences, qui cultivent la mise en oeuvre de politiques sous la forme d'une certaine indépendance d'esprit. Il est donc nécessaire que l'État reprenne le commandement de ses services et de ses opérateurs.

Vous avez récemment entendu au titre de l'article 13 de la Constitution le nouveau directeur général de l'ANCT, M. Henri Prévost. Je rappelle que le recours à cette agence ne peut être activé que par les préfets : aucune commune ne peut directement contractualiser avec elle. J'ai demandé à son nouveau directeur général de me présenter des propositions d'évolution du mode d'intervention de l'Agence.

Certes, la suppression de toutes les agences ferait facilement le titre des journaux. Nous serions ravis d'avoir simplifié au maximum - et nous le regretterions quelques semaines plus tard !

Il faut donc plutôt engager des évolutions, avec pour seul objectif de garantir l'efficacité des politiques afin qu'elles répondent à un besoin.

Par ailleurs, dans toutes les agences, le recours à des cabinets de conseil privés est assez répandu, pour des raisons qui peuvent se justifier mais qui méritent d'être évaluées. Cela doit notamment nous pousser à nous interroger sur l'ingénierie que l'État met à la disposition des collectivités. Le programme Villages d'avenir (VdA) repose ainsi sur des chefs de projet, salariés de l'ANCT ou du Cerema, qui sont mis à la disposition des communes. Le modèle du programme Petites Villes de demain, en revanche, est différent : les collectivités recrutent des chefs de projet et reçoivent un soutien de l'État ou de la Banque des Territoires.

Nous devons évaluer ces différents modèles et réfléchir à réarmer les préfectures de département en compétences en ingénierie. Comment le faire ? Je l'ignore. Il n'est pas question de reconstituer, dans l'ensemble des préfectures, un éventail complet de toutes les compétences techniques. Le Cerema, par exemple, est doté d'une expertise de très haut niveau sur les ponts, qui devrait rester, à mon sens, nationale, tout en étant laissée à disposition des collectivités lorsque cela est nécessaire.

Dans le projet de loi de finances pour 2025, vous avez maintenu l'enveloppe pour le programme Villages d'avenir. J'ai sollicité tous les préfets de département pour qu'ils m'indiquent s'il leur était possible d'accueillir des communes supplémentaires dans ce programme. Au total, ce sont 460 communes supplémentaires qui ont été intégrées au dispositif. L'objectif n'est donc pas qu'il n'y ait que quelques centralités qui soient bénéficiaires de ces programmes, mais bel et bien de donner un avenir à toutes les centralités de manière pérenne.

J'ignore si ces programmes doivent être reconduits - en ce qui concerne le programme PVD, celui-ci doit aller jusqu'au terme de l'année 2026.

Personnellement, j'y vois matière à m'interroger dans le cadre d'une réflexion plus globale sur la décentralisation. Cette initiative a été assez remarquable : elle a permis de réarmer la ruralité. Or ni la ruralité ni les villes n'auront d'avenir, si nous ne construisons pas une armature urbaine autour de centralités de diverses tailles. Les chefs-lieux de canton, par exemple, jouaient un rôle de centralité parce qu'on y trouvait des équipements structurants comme, par exemple, un collège.

Pendant des années, notre regard s'est concentré sur le fait urbain. Le monde devenait un village, et il fallait redonner de la puissance à nos territoires urbains. Aujourd'hui - cette commission est bien placée pour le savoir -, c'est bien grâce aux territoires que nous pourrons atteindre le développement durable. La souveraineté alimentaire, l'eau et les énergies renouvelables sont consubstantielles à la ruralité. Il nous faut donc une ruralité forte et vivante. Sans les services - le collège, l'hôpital - qu'offre la centralité, quel agriculteur acceptera de reprendre une ferme ?

Développons donc cette architecture urbaine afin de garantir à chacun, où qu'il habite, l'accès aux services. Nous l'avons fait avec France Services, nous allons le faire avec France Santé.

M. Sébastien Fagnen, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur le programme « France Très Haut Débit » de la mission « Économie ». - Un peu plus de dix ans après le lancement du plan France Très Haut Débit (THD), nous arrivons quasiment au terme du déploiement des infrastructures, bien que des problématiques subsistent - je pense notamment à la question des raccordements complexes. Le projet de loi de finances pour 2025 avait prévu de premiers crédits en ce sens. Les décrets sont parus il y a quelques semaines. Nous attendons donc avec impatience, dans le courant du premier semestre 2026, le premier bilan quant à leur utilisation pour finaliser ce plan, particulièrement important pour l'aménagement du territoire de manière générale.

Au-delà des infrastructures se pose aussi la question des usages. Dans le projet de loi de finances pour 2026, les crédits affectés aux conseillers numériques baissent de plus de 66 % pour atteindre 14 millions d'euros. Or un peu plus de 16 millions de nos concitoyens déclarent rencontrer des difficultés plus ou moins importantes dans l'usage quotidien du numérique, alors même que le recours à ces outils est croissant dans notre société. Au-delà de cette seule question, ces outils restent les principaux canaux d'influence étrangère, pendant que l'intelligence artificielle connaît un développement exponentiel.

Ce contexte, national comme international, nous impose d'accompagner au mieux nos concitoyens dans le bon usage des outils numériques. Ne relâchons pas l'effort, à un moment où ni les collectivités locales ni les acteurs associatifs ne pourront compenser la baisse des crédits. C'est toute une politique publique qui risque de s'éteindre si cette diminution était confirmée...

Mme Françoise Gatel, ministre. - Monsieur le sénateur Fagnen, pour la structuration de notre pays, le très haut débit est aujourd'hui aussi important que l'a été en son temps la construction du réseau ferroviaire ou des grandes routes. La couverture de notre territoire est essentielle : l'ordinateur sert aussi bien à un agriculteur pour demander des aides de la politique agricole commune (PAC) qu'à un artisan pour répondre à un appel d'offres.

Aujourd'hui, de nombreuses formalités nécessitent d'avoir accès au numérique, et de savoir l'utiliser. Je voudrais saluer l'ambition d'aménagement du territoire de l'État et des collectivités - départements et régions - en la matière. La France est le pays d'Europe qui a la meilleure couverture en très haut débit, même s'il reste des zones blanches.

Les maisons France Services, qui traitent plus de 12 millions de demandes par an, proposent un accompagnement humain, individualisé et de qualité. Ceux qui ont des difficultés de maîtrise de la technique ne sont pas que nos aînés ; les jeunes, bien que très à l'aise avec les réseaux sociaux, peuvent aussi parfois être paralysés devant la nécessité d'accomplir des formalités numériques. Les MFS accompagnent ces personnes, qui ont souvent des situations personnelles compliquées.

L'éducation à l'usage du numérique doit être développée. Nous sommes dans un moment de frugalité budgétaire. Il ne s'agit pas d'austérité, mais il faut redresser notre pays, et donc consentir à des efforts. Je vous invite à échanger sur ce sujet avec ma collègue chargée du numérique, Anne Le Hénanff. L'école forme les élèves dans de nombreux domaines - je pense au permis vélo. Si elle leur permet de s'émanciper, elle doit également être le lieu où l'on s'assure qu'ils acquièrent les compétences nécessaires.

Mme Jocelyne Antoine. - Nous connaissons tous ici votre engagement pour la défense des collectivités locales. Je veux évoquer deux points qui chagrinent les élus des départements ruraux.

Le premier concerne l'ajustement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA). Jusqu'à présent, les intercommunalités avaient le droit de trimestrialiser, afin de ne pas percevoir le remboursement durant l'année n+ 1, mais pendant l'année de la dépense. Le changement envisagé risque de poser des problèmes budgétaires durant l'année de transition.

Dans mon département, de toutes petites intercommunalités, qui comptent de 5 000 à 10 000 habitants, avec une faible densité de population, réalisent des investissements importants, par exemple un groupe scolaire pour un coût de plusieurs millions d'euros. La commission d'attribution de la DETR partage les dotations entre les collectivités, et les investissements sont planifiés par tranches. Or l'équilibre financier veut que l'on attaque la deuxième tranche d'un projet lorsque l'on perçoit le FCTVA de la première tranche.

Vous l'avez dit, l'ajustement du FCTVA n'est qu'une proposition, dont il nous appartient, en tant que parlementaires, de discuter. Néanmoins, si cette mesure est adoptée, il faudra accompagner les collectivités qui n'arriveront pas à faire la jonction parce qu'elles ont des investissements en cours.

Le second point, plus technique, porte sur la baisse, dans le projet de loi de finances pour 2026, de certaines dotations, comme la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP), accordées aux collectivités pour compenser la diminution du produit de la fiscalité locale, notamment à la suite de la suppression de la taxe d'habitation.

Les intercommunalités qui sont en fiscalité professionnelle unique (FPU) ont compensé les communes à l'euro près dans le cadre de la commission locale d'évaluation des charges transférées (Clect). Si les montants collectés diminuent, comment évoluera la compensation des communes ? Les baisses associées seront-elles répercutées sur les compensations versées ? C'est une véritable interrogation à laquelle sont confrontés les présidents d'intercommunalités dans le cadre de leurs équilibres budgétaires.

Nous avions déjà connu une situation similaire avec les cotisations pour les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis). Quand la compétence incendie a été transférée aux intercommunalités, les Clect ont compensé à l'euro près. Les cotisations Sdis ont continué à augmenter, ce qui a provoqué un effet ciseau.

Je crains que cette succession d'effets ciseaux ne mette à mal les collectivités territoriales. À la veille des élections municipales et du renouvellement des élus du bloc communal, j'entends la grande inquiétude des maires et des présidents d'intercommunalité. Dans le cadre de ce projet de loi de finances, quel message souhaitez-vous adresser à nos élus locaux pour leur permettre de se projeter dans le mandat à venir ? Quelles sont les marges possibles ? Nous avons bien compris que c'était à nous qu'il revenait d'en discuter en notre qualité de parlementaires.

M. Stéphane Demilly. - Ma première question, à laquelle vous avez partiellement répondu, concerne le programme « Petites villes de demain », que certains élus considèrent chronophage et générateur de nombreuses obligations techniques. L'Association des petites villes de France (APVF) vous a déjà saisie du sujet.

Ma seconde question concerne le programme « Société numérique » de l'ANCT, qui est important, car de nombreux habitants rencontrent des difficultés pour accomplir leurs démarches administratives en ligne, accéder à leurs droits, à la santé ou à l'éducation. Au-delà de France Services, les mairies rurales et les associations locales manquent souvent de moyens pour recruter des conseillers numériques ou les fidéliser. Les fractures territoriales, même si elles se réduisent, persistent encore dans certains territoires.

Le projet de loi de finances pour 2026 prévoit-il un renforcement des crédits alloués au programme Société numérique, afin de pérenniser les postes de conseillers numériques et de financer des équipements, des formations et des lieux d'accompagnement de proximité ?

Mme Denise Saint-Pé. - Dans sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a appelé à un nouvel acte de décentralisation. Vos services auront donc à rédiger le texte de loi sur le sujet, ainsi que les textes d'application qui en découleront.

Pourriez-vous m'indiquer ce qui est envisagé pour les syndicats d'énergie ? J'exprimerai plus clairement ma crainte : il ne faut pas qu'ils soient sacrifiés sur l'autel de la simplification. Leur travail est essentiel car il correspond aux attentes et à la réalité des territoires de France.

Alors, oui à la décentralisation, mais sans casser ce qui fonctionne bien et que vous avez appelé, dans votre propos liminaire, « ce qui marche dans notre pays » !

M. Olivier Jacquin. - J'évoquerai d'abord un point qui est, pour moi, essentiel : serez-vous la ministre qui réussira la réforme de la redevance des mines versée par les industries du sel ?

Cette question concerne vingt communes de mon département où le sel est exploité dans les profondeurs. La fiscalité associée est tout à fait obsolète, puisque cette recette est versée aux communes dans lesquelles résidaient dix mineurs de fond. Or il n'y a plus de mineurs de fond, le sel étant exploité par saumurage. Les communes d'Einville-au-Jard et de Varangéville, qui ont d'importantes salines, ne touchent plus la redevance des mines alors même que leur sous-sol est exploité.

Je travaille sur la question depuis 2017 avec tous les ministres successifs ! Mais l'amendement qu'avait prévu Mme Vautrin est arrivé trop tard ; quant à M. Rebsamen, qui devait intégrer un article sur ce point dans le projet de loi de finances, il n'est plus là...

Ma seconde question porte sur La Poste. J'ai été interpellé par le président de la commission départementale de présence postale de mon département. Il serait question, et cela nous inquiète, d'un projet de réduction de 44 millions d'euros de la dotation budgétaire qui serait prévue pour la mission d'aménagement du territoire confiée à La Poste sur la période 2026-2030, qui passerait de 122 millions à 76 millions d'euros. Or le maillage postal est très important pour l'aménagement de nos territoires. Envisagez-vous de rétablir cette dotation à son niveau initial ?

M. Hervé Gillé. - Madame la ministre, vous avez indiqué que la France présentait depuis cinquante ans des budgets en déficit. C'est juste, mais reconnaissez que les exercices 2025 et 2026 sont des cas plutôt exceptionnels.

Il m'a semblé comprendre que votre ministre délégué n'était pas nécessairement très favorable à la mise en place du FIT. Le débat parlementaire va s'engager, mais seriez-vous favorable à un report de cette mesure, les élections municipales ayant lieu l'année prochaine ? Il n'est pas vraiment pertinent aujourd'hui de mettre en place ce fonds qui pose un certain nombre de questions.

Concernant la mise en oeuvre de la DETR, du fonds vert et de la DSIL, la remontée et le partage d'informations sont très différents selon les préfets. En effet, lorsque je dialogue avec mes collègues, je me rends compte que nous n'avons pas tous le même niveau d'échange et d'information. Je pense notamment au fonds vert, qui est l'un des fonds les moins transparents. Par exemple, combien de territoires ont fait une demande pour bénéficier, dans le cadre de ce fonds, d'une subvention pour les plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET) ? À l'heure actuelle, nous ne disposons pas de ce type d'information.

Enfin - et je me fais là le relais de mon collègue Simon Uzenat -, concernant le volet relatif à l'aménagement du territoire du projet de loi de finances, les coupes budgétaires dramatiques de l'année dernière, avec la baisse des crédits à hauteur de 100 millions d'euros du fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), ont fortement touché les contrats de plan État-région (CPER). Les collectivités ont été contraintes de suspendre le déploiement de certains projets qui avaient été inscrits dans ces contrats.

L'augmentation prévue de cette section du FNADT dans le projet de loi de finances pour 2026, de 5 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 43 millions en crédits de paiement, ne permettra pas de rattraper les retards accumulés dans le lancement des projets. Quelles suites le Gouvernement entend-il donner à cet outil de contractualisation important entre l'État et les régions ?

Mme Nadège Havet. - Je voudrais relayer l'inquiétude des élus ruraux quant à la mise en place du FIT. Vous avez parlé tout à l'heure de simplification. Il faut le rappeler, le dispositif France Simplification, qui permet aux élus de faire remonter des projets, doit continuer à être alimenté afin que vous puissiez oeuvrer dans le sens d'une réduction des normes.

Enfin, je citerai un exemple de différenciation : une région à laquelle vous êtes attachée demande à mettre en place la taxe de séjour additionnelle à la place du versement mobilité régional.

Mme Nicole Bonnefoy. - Avec Louis-Jean de Nicolaÿ, nous allons bientôt vous remettre notre rapport d'information sur le programme Petites villes de demain. Vous avez évoqué vous-même l'importance de ce type de dispositif et de l'ingénierie, car sans ingénierie il n'y a pas de programme ! Dans ce contexte, la baisse des crédits alloués à l'ANCT nous inquiète, tout comme les difficultés de collecte de la taxe d'aménagement, voire la réduction de son assiette. Avec le ZAN, les choses ne vont pas s'arranger. Il en résulte une fiscalité moindre et donc moins de crédits disponibles pour l'ingénierie locale que représentent les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), lesquels aident notamment les collectivités à faire face aux conséquences du changement climatique.

Vous évoquez une ruralité forte et vivante ; nous nous efforçons tous d'atteindre cet objectif. Toutefois, sans ingénierie, nous n'y parviendrons pas. D'où l'importance de réfléchir à cette question pour améliorer les choses.

La loi 3DS de 2022 a reconnu aux départements des compétences en matière d'accès aux soins de proximité. Cet échelon a beaucoup investi pour salarier les médecins et développer l'offre territoriale de santé. Les maisons qui vont être labellisées France Santé sont souvent des structures qui ont été ouvertes grâce au soutien des départements.

Puisque nous allons nous engager dans une nouvelle étape de la décentralisation, comptez-vous soutenir l'évolution des compétences du département en matière d'accès à la santé dans le futur projet de loi ?

M. Michaël Weber. - Je veux d'abord évoquer la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales (DSCAR), qui me semble être une bonne initiative. Qu'en pensez-vous ?

Ensuite, s'agissant de l'ANCT, j'étais membre de la commission d'enquête sur les missions des agences, qui s'est penchée sur l'avenir de ces organismes. Dans le projet de loi de finances pour 2026, il est proposé de réduire de manière conséquente le budget de l'Agence, ce qui interroge et met sans doute à mal sa capacité à atteindre ses objectifs, alors que, dans le même temps, nous parlons de l'importance de l'ingénierie.

Pour l'instant, je ne vois pas très bien la cohérence entre ces deux considérations, d'autant que je suis d'accord avec vous lorsque vous évoquez la possibilité de réinventer une ingénierie à destination des préfectures et des territoires. En effet, pour permettre aux territoires d'être réactifs, ce qui manque à l'heure actuelle, c'est précisément de l'ingénierie ! Je souhaiterais donc obtenir une clarification de votre part sur ce sujet. Parmi les 430 opérateurs sur lesquels la commission d'enquête s'est penchée, il y a beaucoup d'autres organismes qui ne sont pas opérants et que l'on pourrait tout à fait supprimer.

Vous avez eu un propos très intéressant sur la simplification. J'ai siégé au sein de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi de simplification de la vie économique : le texte, qui - je l'espère - sera rapidement examiné en commission mixte paritaire, est devenu touffu et difficilement lisible. Je m'interroge donc sur la méthode. Pourquoi ne commençons-nous pas par de l'expérimentation ? Il faudrait ensuite faire une évaluation - en la matière, notre pays ne va pas assez loin. Nous pourrions ainsi partir d'un constat partagé, plutôt que de dire, comme une évidence, qu'il faut de la simplification - une simplification que nous ne parvenons pas à mettre en oeuvre.

M. Ronan Dantec. - J'ai bien entendu votre propos sur la nécessité d'une relation d'adulte à adulte entre l'État et les collectivités territoriales. Je ne peux qu'aller dans le même sens, et pourtant c'est l'inverse que nous voyons arriver... Je m'interroge, moi aussi, sur la cohérence du projet dans son ensemble.

Je prendrai deux exemples sur lesquels nous avons besoin de vos éclaircissements.

D'abord, je m'interroge sur la façon dont seront gérés demain les fonds de la politique de cohésion européenne. Nous constatons un phénomène de renationalisation, mais comment l'État français va-t-il redéployer ces fonds ? Va-t-il en garder la gestion ou bien la déléguer à nouveau aux régions ?

Ensuite, je veux évoquer la suppression, dans le projet de loi de finances, du fonds territorial climat, que vous avez dû voter comme nous tous - nous avons dû l'adopter à l'unanimité au moins à sept ou huit reprises ici, au Sénat ! Cette suppression est justifiée par un argumentaire incompréhensible du ministère de l'économie, qui tient de l'intelligence artificielle en rodage...

Or ce fonds correspond à peu près à tous les critères que vous dites rechercher. Il traduit une confiance dans les territoires, puisqu'il fonctionne sur la base non pas d'appels à projets, comme le fonds vert, mais d'une dotation, et il a fait la preuve de son efficacité. Ainsi, les fonds ont été totalement consommés en Loire-Atlantique ; à La Rochelle, l'intercommunalité l'a redistribué à huit collectivités différentes, pour de l'investissement et de l'ingénierie territoriale.

Malgré tout, l'État veut supprimer ce fonds, ce qui serait un retour en arrière et traduirait un refus de traiter d'adulte à adulte avec les territoires. D'autant qu'il permet de financer de l'ingénierie territoriale, et que nous répétons en boucle à quel point l'ingénierie constitue un enjeu !

Nous aimerions donc comprendre la logique du raisonnement mis en oeuvre par l'État, dont toutes les décisions traduisent une infantilisation des collectivités territoriales. Je sais que le fonds territorial climat ne relève pas de votre compétence, mais si vous pouviez le soutenir, cela éviterait au Sénat d'être obligé de remettre le sujet sur la table une nouvelle fois.

M. Alexandre Ouizille. - Ma question porte sur le programme de l'ANCT « Nouveaux lieux, nouveaux liens », dont les crédits sont en très forte baisse en 2026, puisqu'ils passent de 13 millions d'euros en 2025 à environ 700 000 euros dans le projet de budget.

Vous disiez, à raison, que le pays souffre d'une épidémie de solitude, en évoquant la ruralité. Près de 40 % des tiers-lieux sont aujourd'hui en zone rurale et participent à la réalité vivante que vous évoquiez, avec plus de 13 millions de personnes qui bénéficient de leurs activités.

L'année dernière, le Sénat, dans sa sagesse, avait relevé les crédits alloués à ce programme. Nous parlons de structures dont les perspectives de développement économique sont parfois fragiles, et sur lesquelles les baisses de crédits envisagées peuvent avoir des conséquences financières très importantes.

Se pose aussi la question de la continuité de l'action publique : on ne peut pas promouvoir pendant des années ce type de structure et mettre fin aujourd'hui de manière brutale au soutien qui leur est apporté - car n'attribuer que 700 000 euros pour la mise en place d'un programme national représente une forme d'extinction de ce programme. Je souhaitais donc vous entendre sur ce sujet.

M. Alain Duffourg. - Le Sénat a adopté la proposition de loi visant à instaurer une trajectoire de réduction de l'artificialisation concertée avec les élus locaux, dite Trace. Sera-t-elle examinée prochainement par l'Assemblée nationale ?

Nous avons aussi voté la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local, qui prévoit une augmentation des indemnités des maires et des adjoints. La dotation sera-t-elle suffisante pour permettre ces rémunérations, notamment dans les petites communes ?

M. Jean-Yves Roux. - Vous avez évoqué le manque d'études d'impact, en citant des exemples. Le FNADT est versé via une enveloppe attribuée régionalement, qui est gérée par le préfet de région. Serait-il possible qu'elle relève plutôt de la compétence du préfet de département, qui est au plus près du terrain ? En effet, quand une collectivité veut réaliser une étude préalable, elle est obligée de demander au préfet de région si elle peut obtenir des fonds du FNADT. On ne simplifie pas les choses, on allonge les procédures, ce qui représente une véritable lourdeur administrative.

Par ailleurs, pouvez-vous nous confirmer que les crédits du FNADT seront rétablis en 2026 à leur niveau initial, faute de quoi les CPER risqueraient de disparaître ?

Mme Françoise Gatel, ministre. - Madame la sénatrice Antoine, vous évoquiez le FCTVA. L'idée est d'aligner les intercommunalités sur les communes. Aujourd'hui, les intercommunalités ont en quelque sorte un dispositif plus favorable que ces dernières. Dans la période actuelle, nous voulons harmoniser le dispositif entre ces deux types de bénéficiaires. J'ai bien entendu votre propos sur l'année de transition. Il s'agit d'un problème qui découle du principe de l'annualité budgétaire.

Voilà pourquoi je suis favorable à ce que chaque collectivité, de la commune à la région, puisse contractualiser avec l'État à partir d'un projet de territoire issu d'une campagne électorale. L'État indiquerait aux collectivités les projets qu'il soutiendra pendant une période de trois ans, afin de donner à ces dernières de la visibilité budgétaire.

Les Clect sont bouleversées par la modification de la législation. Il appartient aux territoires de revoir les conditions d'un pacte financier en fonction des dotations.

Stéphane Demilly a évoqué le programme « Société numérique ». L'État impulse, puis accompagne ; toutefois, pour que l'État puisse développer d'autres politiques, il faut également que d'autres acteurs puissent prendre le relais. C'est ce qui s'est passé pour la généralisation du très haut débit. Aujourd'hui, l'accompagnement au numérique doit être intégré dans l'organisation de l'ensemble des acteurs. Par exemple, dans une mairie, la personne qui est chargée de l'accueil aide les administrés à réaliser certaines opérations ; les métiers changent.

Sur les syndicats, madame Saint-Pé, je ne suis pas de ceux qui souhaitent couper des têtes. Certains trouvent la décentralisation magnifique parce qu'elle a permis de supprimer des entités administratives. Pour ma part, je souhaite surtout qu'elle fonctionne. S'il y a un syndicat d'énergie dans tel ou tel territoire, il faut le garder. Certains départements souhaitent pouvoir avoir la main sur les réseaux d'énergie, comme sur les réseaux d'eau et d'assainissement : permettons-leur de le faire ! Je ne m'inscris pas du tout dans l'esprit de la loi NOTRe, dès lors qu'il s'agit d'imposer à tout le monde de faire la même chose. Encore une fois, faisons nôtre l'obsession du Premier ministre pour ce qui est efficace et utile. Si l'organisation qui existe est parfaite, il n'y a pas de raison de la changer ; si les élus veulent en modifier le périmètre, il faut qu'ils puissent le faire.

Monsieur le sénateur Jacquin, j'ai bien noté votre question sur la redevance des mines. Je ne sais pas combien de temps j'exercerai la fonction que j'occupe, car vous avez pu constater que les gouvernements se succèdent rapidement. Toutefois, je souhaite que nous puissions étudier les réponses qu'il est possible d'apporter, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

J'ai également noté votre préoccupation relative à la réduction de la dotation budgétaire de 44 millions d'euros à la mission d'aménagement du territoire du groupe La Poste. Le ministère de l'économie s'est emparé du sujet qui émeut beaucoup d'élus locaux : le président de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité s'en est fait l'écho dans une lettre récente. Je reste attentive au problème même si aucune réponse n'est encore définie.

Monsieur le sénateur Gillé, on peut en effet considérer que d'un département à l'autre, le niveau d'intervention de l'État au titre de la DETR ou de la DSIL peut varier alors qu'il devrait être identique partout. Ce n'est pas ce que vous avez dit, mais cela me donne l'opportunité de rappeler que l'uniformité n'est pas l'égalité. D'ailleurs la commission d'attribution de la DETR a été instaurée précisément pour que les élus locaux et les parlementaires soient à même de choisir localement et de donner par exemple la priorité à la rénovation thermique des écoles en y consacrant une part de DETR en plus du fonds vert.

M. Hervé Gillé. - On peut les cumuler.

Mme Françoise Gatel, ministre. - Je le sais bien pour avoir siégé à la commission DETR.

Je fais confiance aux territoires et aux préfets, qui sont entourés d'élus locaux. Il me semble en effet que tout fonctionne mieux quand on est au plus près des territoires. L'État peut donner une orientation en indiquant une cible prioritaire - c'est le cas pour la DETR -, mais les territoires doivent ensuite avoir la liberté d'agir et de s'adapter. Je suis très attachée à cette approche souple.

Madame la sénatrice Havet, en anglais, on utilise le verbe to fit pour dire que « ça va bien ». J'ai bien compris que vous aviez un avis un peu différent sur le FIT.

Je suis favorable à l'idée d'alimenter France Simplification et souhaite que votre commission, et d'autres aussi, puissent faire des propositions en matière de simplification et de décentralisation. Nous disposons de tous les rapports qui ont été publiés sur la décentralisation, notamment ceux du Sénat. Le 15 novembre prochain, nous recevrons les retours des préfets sur la consultation lancée par le ministère et nous avons également les contributions des associations d'élus. Je n'ai pas la prétention de concevoir toute seule la décentralisation depuis mon ministère parisien- je ne saurais d'ailleurs pas comment faire. C'est un projet que nous allons construire ensemble et je serais heureuse de pouvoir échanger avec vous, par exemple dans le cadre d'une restitution des propositions que nous aurons reçues : nous pourrions en débattre et vous pourriez faire des propositions. Le calendrier est contraint car le Premier ministre souhaite disposer d'éléments dès le mois de décembre. Mais c'est une proposition que je fais spontanément au président Longeot.

Concernant les difficultés de collecte de la taxe d'aménagement, vous avez raison, madame la sénatrice Bonnefoy. Le premier problème est que nous avons transféré à la DGFiP une mission qui n'était pas mûre, de sorte que cela n'a pas fonctionné. Je vous invite donc à contacter vos directions départementales des finances publiques pour obtenir des informations par département, même si le ministère travaille déjà sur le sujet. Ensuite, il me semble que nous avons un problème d'assiette fiscale et je vous invite, en tant que législateur, à réexaminer cette question. Les gens doivent adresser au fisc leur déclaration à l'achèvement des travaux, mais certaines personnes oublient de la faire et d'autres ne la font tout simplement pas.

Sur la décentralisation et les compétences, je répète qu'il faut que nous sachions qui fait quoi ; il y aura des adaptations, mais il faut de la cohérence. Certaines régions qui sont compétentes en matière d'économie souhaitent avoir plus de compétences en matière d'emploi et d'orientation, et cela me semble cohérent. Certains départements souhaitent avoir une compétence sur les réseaux : nous la leur avons donnée en matière d'eau et d'assainissement et parfois en matière d'énergie ou en matière de routes.

Mme Nicole Bonnefoy. - Ou en matière de santé.

Mme Françoise Gatel, ministre. - En effet, il y a les ARS. De plus, de nombreuses communes ont été à l'initiative de la mise en oeuvre des maisons France Santé. La situation étant très variable d'un territoire à l'autre, je considère qu'il faut un acteur qui soit chef de file et que chaque territoire s'organisera ensuite.

Monsieur le sénateur Weber, je suis heureuse que vous ayez mentionné la DSCAR, dont le montant est passé de 40 millions à 110 millions d'euros. Si nous portons un autre regard sur l'apport de la ruralité à la société, notamment en matière de souveraineté alimentaire, d'eau et d'énergies renouvelables, lorsque nous retravaillerons sur la cohérence du système de dotations, il faudra savoir reconnaître que les aménités rurales ne concernent pas seulement les communes qui sont fer de lance. C'est, en tout cas, une réflexion que je souhaite ouvrir.

Concernant la réduction du budget de l'ANCT, je vous répondrai de manière un peu simpliste que supprimer quelque chose ne signifie pas forcément faire moins bien. Si investir des milliards d'euros pouvait garantir l'efficacité, notre pays serait des plus performants, parce que nous l'avons fait souvent à bon escient, même si nous ne sommes plus en capacité de le faire aujourd'hui. La frugalité budgétaire nous oblige à nous interroger : est-ce que cela fonctionne ou pas ? Ce n'est pas parce que l'on diminue des fonds spécifiques que l'on ne fait plus rien. En outre, je rappelle que la dette ne cesse d'augmenter - depuis une heure que nous sommes réunis, son montant s'est accru de 12 millions d'euros. Il faut donc que nous mettions fin à ce phénomène et que nous nous obligions à mieux dépenser l'argent public.

Vous avez eu raison de rappeler que des mesures telles que la suppression des ZFE ou la suppression du ZAN ont été inscrites dans le projet de loi de simplification de la vie économique. Mon idée n'est pas de présenter un projet de loi de simplification, mais d'examiner les mesures qui relèvent du réglementaire et de définir une méthode grâce à laquelle la loi et la norme que nous produisons - Gouvernement et Parlement - seront élaborées dans une démarche de qualité. Nous éviterons ainsi de créer une surcharge excessive avec des édifices normatifs qui nous coûtent une fortune et nous empêchent d'agir. Cela signifie que nous devons aussi opérer un changement culturel.

Monsieur le sénateur Dantec, j'ai le même avis que vous sur les fonds européens. Nous nous apprêtons à négocier les fonds de cohésion européens pour la période 2028-2034 et les États sont nombreux à vouloir conserver le principe d'une délégation de la gestion de ces fonds aux régions. Le Premier ministre s'est exprimé sans ambiguïté sur ce point devant l'association Régions de France. Mais il faut que les régions consomment effectivement tous les crédits. Certaines le font déjà mais ce n'est pas le cas de toutes, si bien que, en fin d'année, nous devrons rendre des crédits car les enveloppes correspondantes ne sont pas fongibles. La négociation de l'enveloppe 2028-2034 sera un exercice d'autant plus difficile. Il faut que dans le cadre des échanges qui ont lieu au niveau de l'association Régions de France, les régions se concentrent sur l'optimisation des enveloppes, car c'est d'elles que dépend leur gestion effective et pas de l'État.

Le sénateur Dantec laisse entendre que la diminution des crédits alloués au fonds vert signifie la fin de la transition écologique, mais il le fait non sans une certaine mauvaise foi. En effet, aujourd'hui, il n'est plus possible pour une commune de conduire une action locale ou de mettre en oeuvre des projets qui ne sont pas vertueux en matière de développement durable, dans la mesure où toute subvention est soumise à un critère d'évaluation relatif à la qualité environnementale du projet. Le mode d'attribution des dotations fait donc que l'on ne peut conduire aucun projet sans être dans une logique de développement durable. Par conséquent, ce n'est pas parce que l'on diminue les crédits d'un programme budgétaire que l'on sacrifie la transition écologique. D'autant que nous sommes obligés de diminuer les enveloppes, car l'effort financier auquel nous devons nous astreindre pour résorber le déficit s'élève tout de même à près de 3 400 milliards d'euros.

Monsieur Ouizille, la politique des tiers-lieux est très importante. Elle a été voulue par l'État pour recréer des espaces de convivialité culturelle ou économique. Les tiers-lieux sont créés localement par des collectivités, des associations ou des acteurs privés. Aujourd'hui, dans notre pays, toute initiative bénéficie d'un soutien initial de l'État, mais, à un moment donné, se pose inévitablement la question de la pérennité des subventions de fonctionnement, quand il s'agit de politiques et de projets qui sont portés et voulus par des territoires. Nous avons eu un débat sur ce sujet, l'année dernière. Toutefois, je veux rappeler que certains tiers-lieux - j'en connais, même si cela risque de vous horrifier - disposent d'un modèle économique. Le fait qu'un tiers-lieu ait un modèle économique ne veut pas dire qu'il sacrifie à la marchandisation ; c'est simplement que, pour garantir son activité, il doit trouver des solutions. Ainsi, dans une commune, certains habitants ont accompagné la création d'un tiers-lieu en apportant une aide financière parce qu'ils ont acheté à proximité une maison qu'ils ont transformée en appartements qu'ils louent en Airbnb. Grâce à ces recettes de fonctionnement, ils aident à pérenniser le tiers-lieu.

Il me semble que nous devrions vraiment privilégier la logique selon laquelle un projet voulu par un territoire et dont l'impulsion est soutenue par l'État, ne peut pas continuer à être financé en fonctionnement par ce dernier, quand nous avons 3 400 milliards d'euros de dette. En revanche, je comprends qu'une aide soit nécessaire dans la période de transition et pour l'aide à l'atterrissage. D'ailleurs, l'État accompagne largement la coordination de tous les tiers-lieux. Telle est la vision personnelle que je voulais vous livrer.

Monsieur Duffourg, la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local a reçu un vote conforme à celui du Sénat en commission des lois de l'Assemblée nationale. En fonction de l'avancement de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, le texte pourrait y être examiné la semaine prochaine ; nous faisons tout pour que l'issue soit celle d'un vote conforme. Nous le devons aux élus locaux, nous en sommes tous d'accord.

Concernant le ZAN, j'ai été interrogée par votre homologue, monsieur le président, à l'Assemblée nationale. Je sais que vous avez examiné au Sénat la proposition de loi Trace. Mais un autre état d'esprit règne à l'Assemblée nationale où vos collègues tiennent au zéro artificialisation nette et où deux députées - la présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire Sandrine Le Feur et Constance de Pélichy - ont mené un travail très intéressant sur le financement du ZAN.

Je vous le dis comme je le pense : tirons les leçons du ZAN, qui est l'exemple même d'une disposition des plus vertueuses : quand on sait que nous avons consommé en cinquante ans l'équivalent de la consommation de notre pays en terres en cinq cents ans, il est clair que nous ne pouvons pas continuer ainsi.

En même temps, si nous devons réindustrialiser notre pays, nous le ferons dans les territoires et il faudra pour cela créer des logements. De plus, la question du développement et de la réduction de la consommation, c'est-à-dire la frugalité foncière, n'est pas la même dans le nord de la France, où se développe le projet ambitieux de canal Seine-Nord, que dans un autre département. Par conséquent, je plaide une nouvelle fois pour la vertu, c'est-à-dire la frugalité foncière, tout en prévoyant la possibilité d'une souplesse responsable : nous l'avions fait, rappelez-vous, dans le cadre de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) en créant les contrats de mixité sociale.

En tout cas, j'aimerais que nous tirions les leçons de cet irritant que constitue le ZAN. Nous en avons déjà eu un autre pendant dix ans sur l'eau et l'assainissement. Quand un irritant perdure ainsi, cela signifie que la mise en oeuvre de la mesure concernée, aussi vertueuse soit-elle, n'a pas été bien évaluée ou conçue. Afin de trouver une issue, j'ai proposé que nous menions un travail sur le sujet, une fois l'examen du budget achevé. Si vous en êtes d'accord, monsieur le président, nous pourrions reparler de la proposition de loi Trace et je ferai un travail équivalent avec les députés, de manière à rapprocher les points de vue des commissions des deux assemblées.

Il nous faut absolument trouver une issue. J'ai été maire comme beaucoup d'entre vous et, dans ma modeste commune, pour garder constant le nombre d'habitants, il fallait construire davantage de logements de manière à faire face au phénomène de la décohabitation. En outre, pour ramener les habitants dans les centres-villes, il faut avoir les moyens de revitaliser les centres-bourgs, et cela ne relève pas uniquement de la performance énergétique ; il s'agit également de proposer des logements qui correspondent à de nouveaux usages, c'est-à-dire avec une terrasse ou un jardin. Voilà pourquoi je veux rapprocher les points de vue pour que nous essayions, avec intelligence, de sortir de cette situation, en faisant confiance aux élus locaux.

M. Jean-François Longeot, président. - Je vous remercie de nous avoir répondu sur des sujets qui me paraissent importants.

Il s'agit en effet de faire confiance aux territoires. En matière de simplification, voilà bien longtemps que nous parlons de simplification administrative et que nous tentons de la mettre en oeuvre, de sorte que je ne suis plus certain que nous aboutirons un jour. Lorsque nous légiférons, il arrive très souvent que nous importunions toute une population pour un seul cas qui ne fonctionne pas. D'où l'intérêt de remettre en avant le mot « confiance ».

Avec le président du Sénat, nous avons fait un travail sur la décentralisation que nous avons adressé au Premier ministre la semaine dernière, avec les contributions écrites des groupes d'opposition.

Sur le fonds vert, j'ai une observation à faire qui vaut également dans un champ plus général : nous devons faire preuve de prudence lorsque nous mettons en place des politiques nouvelles. En effet, ces politiques doivent être évaluées dans les cinq à dix ans suivant leur mise en oeuvre de manière à ce que nous puissions décider de les arrêter ou de les poursuivre. Ainsi, dans mon département, le fonds vert a été très bien utilisé, car le préfet qui l'a déployé a accompli un travail remarquable, puis à son départ le dispositif a brutalement cessé d'exister ou presque. Cela constitue un vrai problème dans la mesure où le fonds vert permettait de financer des travaux dans les petites collectivités et de réaliser des économies en matière d'énergie. Grâce à lui, certaines collectivités qui n'avaient pas d'autres solutions de financement parvenaient ainsi à diminuer leurs coûts de fonctionnement.

Cette réflexion ne vaut pas uniquement pour le fonds vert, mais pour toutes les politiques nouvelles : lorsque nous les mettons en place, nous devons nous assurer que les financements seront pérennisés. Si cela n'est pas possible, alors ne les mettons pas en place. Ce souhait vaut autant pour nous que pour le Gouvernement, car toute la responsabilité ne lui incombe pas, dans la mesure où c'est nous qui légiférons. Il faudrait que nous soyons capables de faire notre autocritique.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'un compte rendu disponible sur le site internet du Sénat.

La réunion est close à 15 h 05.