Mercredi 12 novembre 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 8 h 05.

Accueil d'un nouveau commissaire et désignation d'un rapporteur spécial

M. Claude Raynal, président. - Avant de commencer nos travaux, permettez-moi de souhaiter, en notre nom à tous, la bienvenue à notre collègue Sophie Primas, sénateur des Yvelines ; elle rejoint notre commission en remplacement de Jean-Baptiste Blanc, qui nous quitte pour la commission des lois.

Comme il est de tradition, Mme Primas aura la charge de suivre, au nom de notre commission, un budget attaché à une politique publique. Il vous est donc proposé de la nommer rapporteur spécial, au sein de la mission « Cohésion des territoires », sur les crédits du logement et de la politique de la ville, sujets sur lesquels elle a d'ailleurs déjà une certaine expertise, compte tenu de ses anciennes fonctions de présidente de la commission des affaires économiques.

Il en est ainsi décidé.

Projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales - Examen des amendements de séance aux articles délégués au fond au texte de la commission des affaires sociales

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements sur les articles qui nous ont été délégués au texte de la commission sur le projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales.

Je rappelle que la commission des affaires sociales nous a délégué l'examen au fond des articles 1er, 3, 9, 15, 18, 19, 20 et 23 de ce texte et qu'ont été introduit dans le texte de la commission, sur notre initiative, les articles 3 bis, 20 bis 20 ter et 20 quater.

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

La commission a donné les avis suivants sur les amendements dont elle est saisie, qui sont retracés dans le tableau ci-après :

TABLEAU DES AVIS

Article additionnel avant Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme SILVANI

229

Demande de rapport sur le coût et les mécanismes de l'évasion fiscale

Demande de retrait

Mme SILVANI

235

Demande de rapport sur l'évaluation du montant de la fraude fiscale

Demande de retrait

Article additionnel après Article 1er

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

1 rect. quater

Création d'un mécanisme prévoyant que la liquidation de la TVA soit réalisée par l'assujetti destinataire des biens ou preneur des services, dès lors que ces livraisons sont réalisées dans des secteurs identifiés comme exposés à des risques élevés de fraude à la TVA

Demande de retrait

M. IACOVELLI

139

Donner l'accès à certaines informations du fichier des comptes bancaires aux administrations dans le cadre du traitement de dossiers d'aides publiques

Favorable

Mme Nathalie GOULET

149

Donner l'accès à certaines informations du fichier des comptes bancaires aux administrations dans le cadre du traitement de dossiers d'aides publiques

Favorable

Mme Nathalie GOULET

6 rect. ter

Demande de rapport sur une réforme du conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

Demande de retrait

M. Grégory BLANC

251

Certification des actes de cession de parts de sociétés civiles immobilières (SCI) et sociétés civiles d'attribution (SCA) réalisés par un professionnel soumis aux obligations LCB-FT

Irrecevable

Article additionnel après Article 3

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. LUREL

17

Déclaration à l'administration fiscale des opérations de réorganisation transfrontalière d'entreprises

Demande de retrait

M. LUREL

18

Obligation de déclaration des prestations de conseil en fiscalité à la charge des conseils d'entreprise

Demande de retrait

M. LUREL

19

Obligation de déclaration des prestations de conseil en fiscalité à la charge des conseils d'entreprise

Demande de retrait

M. LUREL

21

Obligation de transmission à l'administration fiscale de la justification des prix de transfert pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 150 millions d'euros

Défavorable

M. LUREL

20

Consultation du comité social et économique sur la stratégie fiscale internationale de l'entreprise

Irrecevable

M. CANÉVET

262 rect.

Maintien en vigueur du principe d'information de l'ordre des experts-comptables s'agissant des contrôles effectués par l'administration fiscale auprès des clients ou adhérents des professionnels de l'expertise comptable

Avis du Gouvernement

M. IACOVELLI

145 rect.

Maintien en vigueur du principe d'information de l'ordre des experts-comptables s'agissant des contrôles effectués par l'administration fiscale auprès des clients ou adhérents des professionnels de l'expertise comptable

Avis du Gouvernement

M. CANÉVET

263 rect.

Renforcement du dispositif de levée du secret professionnel de l'administration fiscale à l'égard de l'Ordre national des experts-comptables

Favorable

M. IACOVELLI

144 rect.

Modification du dispositif de levée du secret professionnel de l'administration fiscale à l'égard de l'Ordre national des experts-comptables

Favorable

M. CANÉVET

70 rect.

Modification du dispositif de levée du secret professionnel de l'administration fiscale à l'égard de l'Ordre national des experts-comptables

Demande de retrait

M. IACOVELLI

246 rect.

Accès aux bases de données de la DGFiP des agents des services centraux du ministère de l'intérieur dans le cadre de leurs missions de contrôle des organismes sans but lucratif (OSBL)

Avis du Gouvernement

Article additionnel après Article 3 bis

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. IACOVELLI

141

Clarification de l'obligation déclarative en France sur les services sur crypto-actifs (PSCA)

Favorable

Mme Nathalie GOULET

148 rect.

Clarification de l'obligation déclarative en France sur les services sur crypto-actifs (PSCA)

Favorable

M. Grégory BLANC

256

Précision des conditions d'obtention de l'agrément préfectoral par les sociétés de domiciliation

Irrecevable

Article 9

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. CANÉVET

72

Modification des modalités de consultation du fichier destiné à lutter contre la fraude bancaire

Demande de retrait

Article additionnel après Article 9

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. NATUREL

214

Échanges d'informations entre les services fiscaux néo-calédoniens et l'Autorité des marchés financiers

Favorable

M. CANÉVET

261 rect.

Échanges d'informations entre les services fiscaux néo-calédoniens et l'Autorité des marchés financiers

Favorable

Mme SILVANI

231

Modification des dispositions encadrant le « verrou de Bercy » de manière à limiter la possibilité pour les contribuables de déposer une déclaration rectificative pour suspendre la transmission automatique au Parquet des faits présumés de fraude fiscale

Défavorable

M. CANÉVET

265

Rendre obligatoire la désignation d'un mandataire établi en France pour les entreprises étrangères dans le cadre de la Responsabilité Élargie du Producteur

Irrecevable

Article additionnel après Article 12

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme HAVET

192

Renforcer la vérification des compétences et des assurances lors de l'immatriculation au registre du commerce et des sociétés dans le secteur de l'artisanat et du bâtiment

Irrecevable

Article additionnel après Article 15

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

30 rect. bis

Limitation de la réduction d'impôt pour des dons aux associations aux organismes situés dans l'UE

Irrecevable

M. Grégory BLANC

253

Abaissement du seuil de déclaration de transport d'argent liquide aux frontières de l'Union européenne

Irrecevable

M. Grégory BLANC

254

Obligation pour toute cession, vente ou donation d'un objet d'art de faire l'objet d'un acte notarié

Irrecevable

Article additionnel après Article 17 ter 

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. CANÉVET

69

Encadrer l'accès aux aides publiques par une attestation d'expert-comptable

Irrecevable

Article 18

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. LEFÈVRE

36

Étendre la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine prévue à l'article 131-21 du code pénal à l'escroquerie aux finances publiques commise en bande organisée

Demande de retrait

M. LEFÈVRE

162

Application de la peine complémentaire de confiscation générale du patrimoine aux cas d'escroquerie aux finances publiques en bande organisée

Demande de retrait

M. LEFÈVRE

77

Harmonisation des régimes relatifs à la restitution des objets placés sous-main de justice

Irrecevable

M. LEFÈVRE

78

Créer une possibilité de vente avant jugement par l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis lorsqu'il s'agit de cryptoactifs

Irrecevable

Article additionnel après Article 18

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. SOL

174

Lutte contre les destructions, dégradations ou détériorations des compteurs de gaz et d'électricité

Irrecevable

M. LUREL

24

Possibilité pour les associations agréées de pouvoir exercer en tant que partie civile pour les infractions de fraude fiscale 

Sagesse

Mme SILVANI

233

Suppression du mécanisme de la convention judiciaire d'intérêt public

Défavorable

M. POINTEREAU

57

Doublement des peines en cas de récidive de contrebande, de détention en vue de la vente, de transport et de vente illicite de produits du tabac et introduction d'une peine plancher de 6 mois de prison ferme 

Irrecevable

M. POINTEREAU

60

Gel des avoirs en cas de flagrance douanière relative aux produits du tabac

Irrecevable

M. LUREL

22

Possibilité pour les agents de la DGFiP de concourir aux enquêtes sur des infractions de blanchiment 

Avis du Gouvernement

M. CANÉVET

71

Alourdissement des sanctions pénales en cas d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable

Irrecevable

M. LUREL

23

Demande de rapport sur les moyens de la DGCCRF, de la Douane et de la DGFiP en matière de lutte contre la fraude

Défavorable

M. POINTEREAU

58

Introduction de nouvelles circonstances aggravantes des délits douaniers relatifs aux produits du tabac

Irrecevable

Article additionnel après Article 19

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. RAVIER

266

Possibilité aux agents de police municipale de constater les infractions d'achat de tabac illicite

Irrecevable

M. RAVIER

267

Étendre la procédure d'amende forfaitaire délictuelle à l'achat illicite de tabac

Irrecevable

M. FARGEOT

168

Imposer une réponse aux réquisitions du procureur de la République dans un délai maximum fixé par décret

Irrecevable

M. POINTEREAU

59

Extension du droit de poursuite des douaniers à l'ensemble du territoire national

Irrecevable

Mme SILVANI

227 rect.

Déchéance fiscale de 5 années pour les personnes condamnées pour infraction fiscale

Défavorable

Mme SILVANI

244 rect.

Déchéance fiscale de 7 années pour les personnes condamnées pour infraction fiscale

Défavorable

M. LUREL

25

Renforcement des sanctions à l'encontre des intermédiaires impliqués dans des montages abusifs

Sagesse

Mme Nathalie GOULET

33 rect. quater

Renforcement des sanctions à l'encontre des intermédiaires impliqués dans des montages abusifs

Sagesse

Mme Maryse CARRÈRE

37

Privation pendant trois ans du bénéfice des aides publiques pour toute personne condamnée pour fraude fiscale ou sociale

Défavorable

Mme Nathalie GOULET

7 rect. bis

Garantie d'anonymat pour les agents de la DGFiP affectés à l'ONAF

Favorable si rectifié

M. Grégory BLANC

255

Élaboration d'un plan national de lutte contre la corruption

Irrecevable

Mme Nathalie GOULET

10 rect. ter

Demande de rapport sur la faisabilité de la création d'une plateforme automatisée d'obtention des données bancaires.

Demande de retrait

M. DUROX

158 rect.

Privation pendant cinq ans du bénéfice des aides publiques pour toute personne condamnée pour fraude fiscale ou sociale

Défavorable

Article additionnel après Article 20

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. LUREL

29

Rétablissement de l'exit taxe

Irrecevable

M. LUREL

26

Critères d'inscription sur la liste des États et territoires non coopératifs (ETNC) 

Irrecevable

M. LUREL

28

Conditionner le transfert, par les institutions financières françaises, des informations requises par la convention franco-américaine dite « FATCA »

Irrecevable

Mme SILVANI

232 rect.

Doublement du plancher de la sanction applicable en cas de non transmission d'informations relatives aux prix de transfert

Demande de retrait

Mme SILVANI

234 rect.

Rendre opposable la documentation relative aux prix de transfert

Demande de retrait

Mme SILVANI

228 rect.

Rendre systématique et obligatoire l'accord préalable de l'administration fiscale sur la politique de prix de transfert menée par une entreprise dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions d'euros

Demande de retrait

Mme SILVANI

226 rect.

Passage de 750 millions à 250 millions d'euros de chiffre d'affaires pour le déclenchement des obligations de reporting 

Demande de retrait

Mme Nathalie GOULET

136 rect.

Extension des instruments de coopération administrative en matière fiscale 

Avis du Gouvernement

M. IACOVELLI

147 rect.

Extension des instruments de coopération administrative en matière fiscale 

Avis du Gouvernement

Mme Nathalie GOULET

8 rect. sexies

Anonymisation des huissiers et des agents du recouvrement de la DGFiP

Favorable

M. IACOVELLI

143 rect.

Anonymisation des huissiers et des agents du recouvrement de la DGFiP

Favorable

M. Grégory BLANC

258 rect.

Obligation pour les sociétés commerciales de déclarer leurs comptes bancaires à l'étranger

Demande de retrait

Article 20 ter 

Auteur

Objet

Avis de la commission

M. DELCROS

56

Amendement rédactionnel

Favorable

M. IACOVELLI

146

Transmission des données d'archivage des logiciels de caisse sous un format dématérialisé

Sagesse

Article additionnel après Article 20 ter 

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

75 rect. bis

Adaptation de la procédure en matière de perquisitions fiscales

Favorable

Mme Nathalie GOULET

9 rect. ter

Dématérialisation du procès-verbal relatant les modalités et le déroulement des opérations de visite et de saisie

Demande de retrait

Article additionnel avant Article 23

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

32 rect. ter

Délai de reprise de dix ans pour non déclaration d'actifs numériques

Demande de retrait

Article additionnel après Article 23

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme Nathalie GOULET

137

Suppression de l'option d'engagement en matière de déclaration des bénéficiaires de biens soumis à la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France et création d'un dispositif de représentation fiscal

Favorable

M. IACOVELLI

138 rect.

Suppression de l'option d'engagement en matière de déclaration des bénéficiaires de biens soumis à la taxe sur la valeur vénale des immeubles possédés en France et création d'un dispositif de représentation fiscal

Favorable

M. IACOVELLI

142

Porter d'un an à trois ans le délai de reprise en matière de taxe sur les logements vacants (TLV), de taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) et de taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV)

Favorable

Mme Nathalie GOULET

31 rect. bis

Possibilité pour l'administration de saisir les avoirs numériques dans le cadre d'une saisie à tiers détenteur

Avis du Gouvernement

Article additionnel après Article 25

Auteur

Objet

Avis de la commission

Mme SILVANI

237

Taxation des bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité réellement réalisée en France

Irrecevable

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » - Compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Dans le cadre de nos travaux relatifs au projet de loi de finances (PLF) pour 2026, nous examinons à présent le rapport spécial de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar).

M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Année après année, nous constatons que le contexte général du secteur agricole demeure particulièrement difficile : la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » doit concilier des enjeux toujours plus contraignants et des moyens qu'il faut optimiser. Vous le savez parfaitement, la situation que connaissent les agriculteurs français n'est pas réjouissante ; cela justifie que nous soyons proactifs à leur égard.

Le secteur agricole est d'abord touché par les fortes tensions internationales. Les conséquences de ces tensions sur les approvisionnements, sur nos exportations et sur les cours des matières premières sont multiples : entre la guerre en Ukraine, le conflit au Proche-Orient, les tensions entre le Cambodge et la Thaïlande, les tensions commerciales entre l'Europe et la Chine, le renforcement des droits de douane américains, ou encore l'entrée en vigueur, de plus en plus probable, de l'accord UE-Mercosur, nous voyons bien que le contexte n'est pas favorable.

Ensuite, les aléas climatiques et sanitaires ont durement frappé les milieux agricoles ces dernières années, même s'il faut reconnaître une relative amélioration, puisque l'année 2025 a globalement connu moins de crises que les années précédentes. Cependant, on regrette cette année quelques foyers contagieux et des abattages imposés ; je pense notamment à la propagation de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) des bovins.

Face à ce contexte difficile, le Parlement est au rendez-vous depuis deux ans. Nous avons adopté plusieurs dispositifs, bien au-delà des clivages partisans, pour aider les agriculteurs à traverser ces turbulences. Je pense à la facilitation du recours à la dotation pour épargne de précaution, à diverses mesures d'aides à l'installation et à plus de 740 millions d'euros d'aides exceptionnelles qui sont ou seront versées en 2025 et en 2026 : ainsi du fonds d'urgence pour le secteur viticole, du dispositif de réduction du potentiel de production viticole, des prêts bonifiés à l'attention du secteur vitivinicole, du fonds d'urgence visant à soutenir les exploitations d'élevage impactées par la maladie hémorragique épizootique, des aides à la filière biologique, des aides aux planteurs de banane, de la prise en charge d'une partie des pertes de production des éleveurs de volaille, de l'indemnisation pour la prise en charge de la surmortalité liée à la fièvre catarrhale ovine, des prêts garantis, du dispositif pour les fruits et légumes outre-mer, du fonds d'urgence de soutien aux exploitations en difficulté à la suite des inondations de 2024 en Ille-et-Vilaine, du fonds d'urgence au bénéficie des jeunes installés en viticulture, de l'aide aux pépiniéristes en viticulture, ou encore du fonds d'urgence pour soutenir les exploitations agricoles touchées par les incendies de l'Aude survenus à l'été 2025. Il est indéniable que les pouvoirs publics se préoccupent de la question agricole, et tant mieux !

Cet engagement se traduit par le fait que le total des concours publics consacrés à l'agriculture sera, de nouveau, maintenu en 2026. Si l'on totalise les crédits européens de la politique agricole commune (PAC), les dépenses sociales, les mesures fiscales, les crédits de la présente mission et du Casdar, ceux qui, comme l'enseignement technique agricole, relèvent d'autres missions, ce sont 25,3 milliards d'euros que nous consacrerons en 2026 à l'agriculture, à l'alimentation et à la forêt, soit à peu près l'équivalent de l'effort de 2025.

Au vu du contexte budgétaire, c'est un effort colossal que de maintenir le total des dépenses publiques pour l'agriculture.

De fait, la répartition de ce total évolue progressivement. Des crédits qui figuraient auparavant dans la présente mission sont mis ailleurs, et sous une autre forme, pour soutenir d'autres priorités. C'est aussi la conséquence des revendications des agriculteurs, qui ont abouti à 70 engagements gouvernementaux qui ne transitent pas forcément par cette mission.

Comme l'an dernier, nous avons donc fait le choix de regarder les crédits dévolus à l'agriculture dans leur ensemble et non pas seulement sous le seul prisme de la mission qui, historiquement, ne représente que 20 % du total des crédits agricoles.

Nous nous sommes donc posé une unique question, qui guide la plupart de nos travaux : les crédits pour l'agriculture, dans leur ensemble, vont-ils permettre de répondre aux principales attentes des professionnels du secteur, sans pour autant dégrader notre souveraineté ?

Cette question est légitime, puisque les autorisations d'engagement (AE) diminuent de 11,59 % et les crédits de paiement (CP) de presque 5 %, mais en plus de la traditionnelle comparaison avec l'exercice précédent de 2025, il nous a semblé pertinent de comparer le PLF pour 2026 avec la dernière année exécutée, c'est-à-dire 2024. Nous avons aussi examiné ce qui se faisait avant la parenthèse exceptionnelle 2022-2025 : quand on compare ce projet de budget avec le dernier budget non exceptionnel, exécuté en 2021, on constate que le niveau des crédits de paiement pour 2026 est supérieur de 1 milliard d'euros à celui de 2021.

J'estime donc, au-delà des apparences, que l'effort est globalement soutenu. Bien sûr, nous aimerions faire plus. Bien sûr, ce n'est pas suffisant, et je partage certaines des pistes d'amélioration que Victorin Lurel va détailler, mais je considère que ces crédits répondent à l'essentiel des attentes des professionnels dans un contexte budgétaire objectivement très difficile.

C'est pourquoi, pour ma part, je vous proposerai de voter en faveur des crédits de la mission et du compte d'affectation spéciale.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Si l'on accepte de prendre en compte tous les paramètres, comme l'a fait Christian Klinger à l'instant, je reconnais qu'un effort est consenti par les pouvoirs publics. On perçoit bien toute la difficulté de concilier la nécessité de redresser les finances publiques et le soutien à des politiques aussi transversales que celles dont nous parlons.

En revanche, il me semble difficile de faire abstraction de quelques caractéristiques des crédits de cette mission pour 2026 ; je dois dire qu'il y a encore, selon moi, une marge de progression. C'est pourquoi nous avons souligné dans notre rapport plusieurs points de vigilance.

D'abord, je regrette vivement que nous renoncions, à ce point, à la transition écologique dans ce budget. Notre mission n'est pas la seule concernée par ce renoncement, mais l'effort qui avait été fait en matière écologique n'est pas reconduit. Les données chiffrées sont éloquentes : en deux ans, les crédits de paiement consacrés à la planification écologique ont diminué de 67 %. Il faut bien voir que, concrètement, on renonce à accompagner les agriculteurs dans la transition écologique ; nous risquons ainsi de creuser le fossé entre les exploitants agricoles et la population.

Ce n'est pas le seul point inquiétant dans ce budget, loin de là. Ainsi, les moyens alloués à l'action n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole » du programme 149 diminuent quasiment de 50 %, tout comme les crédits consacrés aux mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), qui perdent la moitié de leurs autorisations d'engagement, soit 45 millions d'euros.

Sont également en baisse les crédits destinés à financer la part étatique de l'assurance récolte, les crédits alloués au fonds Avenir Bio, qui sont divisés par deux, soit une baisse de 9,2 millions d'euros, ainsi que les crédits pour le stage d'accompagnement à l'installation des agriculteurs, qui passent de 9,6 millions à 2,5 millions d'euros. Le transfert aux régions de la gestion de toutes les aides non surfaciques, dont les aides à l'installation, dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) 2023-2027, explique cette dernière diminution, mais on aurait pu espérer la sanctuarisation de quelques aspects essentiels au sein de l'action consacrée à l'appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles - je pense en particulier aux aides du programme d'accompagnement à l'installation et la transmission en agriculture (AITA), ainsi qu'aux stages d'accompagnement à l'installation.

Nous détaillons aussi dans le rapport le rôle crucial des dix opérateurs rattachés à cette mission ; or neuf d'entre eux voient les moyens qui leur sont alloués via la mission diminuer pour 2026. Cela ne signifie pas forcément que ces opérateurs perdent des moyens, puisqu'ils sont souvent financés au travers de plusieurs missions budgétaires. Seul l'Office national des forêts (ONF) voit ses crédits très légèrement progresser - tant mieux ! -, mais son schéma d'emploi laisse apparaître une diminution de 37 équivalents temps plein (ETP), ce qui ne me semble pas compatible avec les enjeux forestiers majeurs.

Que dire, enfin, de la baisse de 1 million d'euros des crédits destinés à la souveraineté alimentaire dans ce projet de budget ?

Tout cela ferait beaucoup s'il n'y avait pas, par ailleurs, quelques points positifs dans ce budget. Je me réjouis par exemple de la consolidation de certains dispositifs favorables aux travailleurs, comme la préservation des crédits consacrés aux fameux TO-DE (travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi) du programme 381, qui anticipe les conséquences de deux mesures très positives pour les agriculteurs : la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul des pensions de retraite, qui se met en place progressivement pour une entrée en vigueur au 1er janvier prochain, et le rehaussement de 1,2 à 1,25 Smic du seuil de dégressivité du dispositif des TO-DE.

On le sait bien, l'agriculture est un secteur très concurrentiel ; si nous n'adaptons pas nos règles, nous favoriserons une certaine précarisation. L'exonération de certaines charges ou cotisations, dont bénéficient 71 000 entreprises, soit à peu près la moitié des structures agricoles employant un salarié, permet de maintenir environ un tiers du volume global des heures salariées dans le secteur agricole, tout en donnant lieu à une compensation pour la Mutualité sociale agricole (MSA). C'est un moyen de lutter contre le travail illégal et les conséquences qu'il entraîne, en particulier pour des emplois à faible valeur ajoutée. C'est également un point auquel je prête une attention particulière dans les outre-mer, où le salariat agricole joue un rôle central.

À rebours des diminutions que j'ai citées, la hausse des crédits alloués à la lutte contre les maladies animales fait l'objet d'un satisfecit dans notre rapport. Alors qu'un choix inverse avait été fait l'an dernier, ce qui était difficilement compréhensible dans un contexte sanitaire mondial toujours plus incertain, il faut se réjouir de cette décision et espérer qu'elle puisse, à terme, avoir un effet positif sur la qualité et la sécurité de l'alimentation. C'est d'autant plus important que l'année 2025 a été marquée par quelques drames sanitaires liés à la vente de viande impropre à la consommation.

Enfin, nous exprimons notre pleine satisfaction à l'égard du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », puisque nous avons été pleinement entendus.

Le Casdar est financé exclusivement par une recette assise sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles. Les dépenses, pour leur part, étaient jusqu'à présent plafonnées à un niveau insuffisant, ce qui conduisait, année après année, compte tenu du différentiel avec les recettes, à la croissance du solde comptable. Cela devenait problématique, puisque cet argent ne servait pas à ce à quoi il était destiné, à savoir le soutien à la mise en oeuvre d'actions de recherche appliquée, d'études, d'expérimentations et de développement, dans le cadre du programme national de développement agricole et rural (PNDAR).

Nous avions franchi une première étape en 2024, avec une première revalorisation de 15 millions d'euros, qui se verra amplifiée en 2026. Avec un plafond porté à 171 millions d'euros, soit une hausse de 25 millions d'euros, l'argent collecté via la taxe pourra être intégralement utilisé pour les deux programmes que compte le Casdar. Pour la première fois depuis 2014, le solde comptable du Casdar devrait donc diminuer. Cette hausse permettra le financement de plusieurs appels à projets, par exemple celui intitulé « Investir pour élargir la palette des solutions mises à disposition des agriculteurs et développer les alternatives aux produits phytopharmaceutiques ». L'insistance des parlementaires pour obtenir ce rehaussement du plafond a donc payé.

Pour autant, au regard des marges de progression que j'ai mentionnées, vous aurez compris que je m'abstiendrai, à ce stade, sur les crédits de cette mission, tout en gardant espoir que des améliorations interviendront ; je suis en revanche d'ores et déjà favorable à l'adoption des crédits du Casdar.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La conclusion était presque inattendue après tant de critiques, mon cher collègue ! Mais même si les positions exprimées sont différentes, sinon opposées, elles sont toujours constructives.

Les moyens budgétaires consacrés à l'agriculture sont importants, plus importants même qu'à une époque récente, mais l'intervention de nombreux opérateurs complique la lisibilité de ces politiques. De nombreux secteurs de notre agriculture connaissent des difficultés, au-delà des épizooties. Il importe surtout que l'agriculture française redevienne la première en Europe, comme elle l'était encore il y a dix ans ; nous devons examiner les raisons de ce déclin et imaginer des voies nouvelles. Certes, le secteur agricole, qui faisait il y a quelques décennies la prospérité de nombre de nos territoires, a largement été supplanté par d'autres secteurs, mais la souveraineté alimentaire est un enjeu croissant dans le monde entier.

Je vous remercie tous deux pour la qualité de vos travaux. Il est impossible d'apporter une réponse seulement budgétaire aux mécontentements exprimés par nos agriculteurs. La colère dirigée contre l'accord UE-Mercosur cache mille et une situations différentes : nous avons aujourd'hui de multiples agricultures plutôt qu'un modèle unifié.

M. Marc Laménie. - Merci à nos rapporteurs pour ce travail de qualité. Oui, la situation du monde agricole s'est largement détériorée au fil des ans.

Les moyens alloués aux chambres d'agriculture, qui assistent les agriculteurs dans des démarches de plus en plus compliquées, restent-ils stables ?

La loi Duplomb a-t-elle des conséquences financières visibles dans le PLF 2026 ?

Enfin, qu'en est-il des moyens humains sur le terrain ? Les effectifs pourraient-ils augmenter si l'on puisait dans ceux de l'administration centrale ?

M. Albéric de Montgolfier. - Le programme 149 permettra-t-il, à lui seul, à nos agriculteurs de rester compétitifs si l'accord UE-Mercosur était définitivement approuvé ?

Le programme 206 finance-t-il les contrôles à l'importation de produits alimentaires, en particulier provenant du Mercosur, ou bien ces contrôles relèvent-ils d'autres programmes ? Cet accord devrait conduire à une hausse considérable des importations ; on nous promet des contrôles sanitaires, mais comment ceux-ci seront-ils financés ?

Mme Nathalie Goulet. - Les documents budgétaires détaillent-ils par programme les ETP du ministère de l'agriculture et de ses subdivisions ?

M. Michel Canévet. - Les actions mises en oeuvre en faveur de la viticulture répondent-elles aux enjeux actuels de la profession ? Notre commission des affaires économiques, dans un récent rapport d'information, appelle à des actions fortes pour relancer cette activité importante pour l'économie nationale.

Qu'est-ce qui explique la baisse significative des autorisations d'engagement de cette mission, alors que les crédits de paiement sont plus stables ? La répartition des moyens entre l'administration centrale et les territoires vous paraît-elle adaptée, ou bien faudrait-il consentir un effort de réduction de la première au profit d'une présence territoriale accrue ?

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Les points de vue ne sont pas aussi contradictoires qu'on pourrait le penser, monsieur le rapporteur général ; simplement, je me résous mal à accepter ce recul considérable, pour ne pas dire cet abandon des crédits consacrés à la planification écologique. Certes, on peut se satisfaire que les crédits de cette mission soient globalement maintenus, mais neuf des dix opérateurs concernés voient leurs crédits diminuer. L'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odéadom) perd 100 millions d'euros, près de la moitié de son budget ! La situation de l'ONF est plus satisfaisante, mais il perd tout de même 37 ETP.

Nous convenons qu'il y a aujourd'hui plusieurs types d'agriculture, qui exigent des politiques particulières. Nous sommes aussi bien conscients des craintes suscitées par l'accord UE-Mercosur. Les fluctuations politiques en la matière font peser une grande incertitude ; le Président de la République a beaucoup varié sur ce point. Cela dit, nous ne sommes pas excessivement pessimistes : si le budget diminue par rapport à la période exceptionnelle 2022-2025, les crédits restent supérieurs à la moyenne quinquennale.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Vous avez raison, monsieur le rapporteur général : pour l'agriculture, on ne peut pas se contenter d'une réponse budgétaire. Une alerte est lancée cette année : alors que notre agriculture, si vertueuse, était d'ordinaire notre deuxième ou troisième ligne exportatrice, elle risque d'être déficitaire en 2025, ce qui est absolument ahurissant.

Le budget de l'agriculture connaît une baisse globale de quelque 200 millions d'euros. Les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques proposent de modifier la ventilation de cette diminution, en ponctionnant l'administration centrale pour affecter ces sommes à des actions bénéficiant directement aux agriculteurs.

Madame Goulet, les effectifs du ministère de l'agriculture devraient passer de 11 734 à 11 546 ETPT, soit une baisse de presque 200 ETPT et nous disposons effectivement de la répartition par programme dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2026.

Monsieur Laménie, la loi Duplomb a indirectement un effet sur le Casdar : 25 millions d'euros supplémentaires iront à la recherche sur l'utilisation des produits phytosanitaires et la modification des pratiques culturales.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Monsieur Laménie, la dotation des chambres d'agriculture est maintenue à 334 720 915 euros et l'article 36 du projet de loi de finances prévoit en parallèle le déplafonnement du montant de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) qui finance le réseau des chambres.

Les moyens du ministère sont aussi globalement maintenus. Pour ce qui est de la répartition entre administration centrale et services déconcentrés, je n'ai pas de réponse précise à vous apporter. Peut-être faudrait-il déconcentrer davantage ; en tout cas, les services ne nous disent pas manquer de moyens.

Monsieur de Montgolfier, un contrôle sanitaire aux frontières est bien opéré, en particulier par l'Inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières. Certains estiment que le contrôle phytosanitaire est défaillant. Je ne saurais vous dire à cet instant quel programme en assure le financement, et à quelle hauteur.

Monsieur Canévet, beaucoup d'actions sont mobilisées pour la viticulture, notamment des fonds d'urgence. La politique d'arrachage continue : sont concernés 8 000 hectares dans le Bordelais, 10 000 hectares dans le sud-est.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Ce soutien à la viticulture via les fonds d'urgence est réel, mais il se révélera sûrement insuffisant face aux défaillances à prévoir. La crise économique est là, la crise sociale va arriver ; certains exploitants ne peuvent plus payer leurs fournisseurs, voire ne se rémunèrent plus eux-mêmes. Il faudra certainement des actions supplémentaires en 2026 et 2027.

Enfin, je précise que si les moyens déconcentrés diminuent au sein du programme 215, c'est la conséquence du transfert de certaines compétences de l'État aux régions.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Défense » (et article 68) - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport spécial de M. Dominique de Legge sur la mission « Défense » et l'article 68 du projet de loi de finances pour 2026 qui lui est rattaché.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial de la mission « Défense ». - Je structurerai mon propos sur les crédits de la mission « Défense » en trois parties : le contexte, les chiffres et les questions soulevées par ce budget.

S'agissant du contexte, nous le savons tous, le cadre stratégique se dégrade rapidement et profondément.

La revue nationale stratégique publiée en juillet 2025 parle d'une « nouvelle ère », marquée par un risque élevé de guerre majeure de haute intensité en Europe, pouvant impliquer la France et ses alliés à l'horizon 2030. La Russie demeurerait la principale menace, mais d'autres puissances - l'Iran, la Chine et, plus largement, les adversaires du modèle démocratique libéral européen - contribuent, selon elle, à un environnement instable et plus ou moins directement hostile.

Ainsi que l'ont souligné successivement les deux derniers chefs d'état-major des armées, nous devons désormais faire face à des crises qui s'additionnent et non plus à des crises qui se succèdent. Il faut, en outre, nous préparer à un éventuel choc stratégique d'ici à trois ou quatre ans.

En réponse, les nations de l'Otan ont décidé en juin dernier de porter leur effort de défense de 2 % à 3,5 % du PIB d'ici à 2035. Ce relèvement historique de l'objectif est le reflet d'une tendance mondiale à la hausse des dépenses militaires.

Pour ce qui concerne la France, le Président de la République a annoncé le 13 juillet dernier, devant les armées, un effort supplémentaire, par rapport à la loi de programmation militaire (LPM) 2024-2030, de 3,5 milliards d'euros en 2026 et de 3 milliards d'euros en 2027, ces « surmarches » s'ajoutant aux marches prévues de 3,2 milliards d'euros. La hausse totale des crédits serait ainsi de 6,7 milliards d'euros en 2026 et de 6,2 milliards d'euros en 2027.

J'en viens maintenant aux chiffres du budget proposé.

Les crédits de paiement (CP) de la mission « Défense » atteignent 66,7 milliards d'euros en 2026, en hausse de 6,8 milliards, dont 6,7 milliards hors pensions.

Trois angles d'analyse de ces chiffres me paraissent nécessaires.

Premièrement, du point de vue des finances publiques, la défense est le budget qui augmente le plus en 2026, et de loin. Ce sera la deuxième politique publique de l'État en termes d'effort budgétaire en crédit de paiement, juste derrière l'enseignement scolaire. Cela en dit beaucoup, je le crains, sur l'assombrissement et le durcissement du monde.

Deuxièmement, la dépense militaire ne peut être appréciée qu'en comparaison avec ce que décident nos partenaires et nos compétiteurs. En effet, si la plupart de nos politiques publiques ne concernent que nous, la puissance militaire, elle, ne se mesure qu'à l'échelle du monde. Or, partout, l'effort de défense augmente nettement, souvent plus rapidement qu'en France.

Entre 2021 et 2024, selon les données de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), les dépenses militaires françaises ont augmenté de moins de 10 % en euros constants, alors qu'elles progressaient, dans le même temps, de 119 % en Russie, de 93 % en Pologne, de 47 % en Allemagne et de 14 % au Royaume-Uni.

Troisièmement, la hausse du budget doit également être appréciée à la lumière de la réalité opérationnelle de nos armées. Car derrière les milliards d'euros supplémentaires, les difficultés persistent. De nombreux matériels demeurent indisponibles et les taux d'activité restent inférieurs aux objectifs. L'armée de l'air et de l'espace ne peut, par exemple, pas exploiter pleinement tous ses avions, faute de crédits suffisants pour en assurer la mise en oeuvre. Les stocks de munitions et de pièces détachées demeurent limités, et certaines lacunes persistent dans des domaines essentiels, tels que la défense sol-air ou les drones.

Cette situation illustre la fameuse loi d'Augustine, selon laquelle le coût des matériels et de leur entretien progresse plus vite que les budgets, conduisant, paradoxalement, à un resserrement du format des armées malgré l'augmentation des moyens.

J'en viens aux questions soulevées par ce budget.

Premièrement, que finance-t-il ?

En 2026, la progression des crédits concernera les quatre programmes de la mission et quinze des seize opérations stratégiques. Les principaux postes en progression sont les équipements à effet majeur, en hausse de 3,4 milliards d'euros, l'entretien des matériels en hausse de 609 millions d'euros, la masse salariale hors pensions qui augmente de 552 millions d'euros, les fonctions supports et de logistique en hausse de 538 millions d'euros, la dissuasion nucléaire en hausse de 487 millions d'euros et les infrastructures, dont les dépenses augmentent de 152 millions d'euros.

Les livraisons prévues l'année prochaine sont par ailleurs relativement nombreuses : un sous-marin, des avions A400M, des hélicoptères, des chars Leclerc rénovés, des véhicules Scorpion, des missiles et des drones notamment.

Les effectifs augmenteront, quant à eux, de 800 équivalents temps plein (ETP), conformément à la LPM. Avec la surmarche, nous aurions pu nous attendre à un effort supplémentaire, d'autant que le schéma d'emplois avait été nettement sous-réalisé entre 2021 et 2023, mais il n'en est rien.

Par ailleurs, je dois souligner que la ventilation précise des dépenses associées à la surmarche de 3,5 milliards d'euros est insuffisamment documentée. Le ministère évoque certes un renforcement accéléré des capacités jugées critiques : munitions, drones, capacités spatiales, guerre électronique, connectivité, défense sol-air et moyens aériens. Néanmoins, il peine globalement à distinguer ce qui relève de la marche annuelle ou de la surmarche.

Si cette approche a pu offrir une certaine souplesse de conception du budget, nous avons besoin aujourd'hui de plus de transparence, compte tenu de l'ampleur des montants en cause et des économies opérées dans le même temps sur d'autres missions budgétaires.

J'ai été frappé d'entendre la réponse de la ministre Vautrin sur l'usage qui sera fait de la surmarche : elle ne pouvait pas le dire avec une précision suffisante. En réalité, il me semble qu'elle pourra servir à financer ce qui ne l'était sans doute pas dans la LPM initiale, ce qui pourrait contribuer, je l'espère, à limiter la hausse du report de charges. Elle devrait également servir à accélérer l'exécution de la LPM et à anticiper sa révision, ainsi qu'à, sur certains sujets, ajouter à la programmation des investissements non prévus initialement. Toutefois, je n'ai pas reçu de réponse précise de la part du ministère sur l'utilisation de la surmarche de 3,5 milliards d'euros, ce qui est révélateur de la manière dont le budget de la défense est géré depuis deux ans, avec une fuite en avant du report de charges. Quoi qu'il en soit, cet effort supplémentaire contribuera à nous remettre à niveau en matière d'acquisition de munitions.

La deuxième question que soulève un budget de la défense élevé, c'est celle de sa transparence et de la sincérité de l'exécution. Or la question de la transparence demeure préoccupante.

Outre le fait que la représentation nationale ne dispose pas de la ventilation précise de la surmarche cette année, depuis 2023, les indicateurs relatifs à la disponibilité des matériels et à l'activité des forces ne sont plus publiés. Je persiste et je signe en continuant à dire que c'est regrettable, car plus le budget augmente, plus l'information du Parlement doit être complète et sincère. Je doute, pour ma part, que nos compétiteurs - à commencer par la Russie - s'informent sur nos capacités à partir des annexes budgétaires. En revanche, le Parlement doit pouvoir exercer pleinement son contrôle. La transparence est en outre un gage de performance.

Concernant la sincérité de l'exécution des budgets de la défense, je souligne qu'il y a encore des progrès à faire.

Le stock de charges reportées, c'est-à-dire les factures non couvertes par les crédits de l'année et dont le paiement est renvoyé à l'année suivante, est passé de 3,9 milliards d'euros à la fin de 2022 à plus de 8 milliards d'euros à la fin de 2024, et pourrait atteindre 8,6 milliards d'euros à la fin de 2026. Dans le même temps, environ 1,8 milliard d'euros de crédits de paiement demeurait gelé début novembre - peut-être que la ministre chargée des comptes publics nous en dira plus lors de son audition. Enfin, le financement des opérations extérieures et du soutien à l'Ukraine a continué jusqu'à présent de reposer sur des ouvertures de crédits en fin de gestion, ce qui fragilise la lisibilité d'ensemble. Je n'ai d'ailleurs pas réussi à obtenir, cette année, la ventilation des surcoûts constatés à ce jour.

La troisième question que pose le présent budget est celle de l'avenir. La défense exige une visibilité longue, car les programmes d'armement engagent l'État pour plusieurs décennies. Le futur porte-avions de nouvelle génération que nous finançons aujourd'hui, par exemple, n'entrera en service qu'en 2038 et sera exploité au moins jusqu'en 2080.

C'est pourquoi une actualisation de la loi de programmation militaire s'impose, comme l'a d'ailleurs indiqué le Président de la République. Trois motifs principaux la justifient : corriger les déséquilibres et tensions budgétaires apparus dès le début de l'exécution de la LPM 2024-2030 ; inscrire les surmarches de 2026 et 2027 dans une trajectoire cohérente et soutenable ; garantir la soutenabilité et la crédibilité de l'effort de défense de la France dans le cadre général des finances publiques. Je précise qu'atteindre un effort de 3,5 % du PIB en 2035 supposerait un budget de l'ordre de 140 milliards d'euros à cet horizon, au regard des prévisions actuelles de croissance et d'inflation. Il faudrait donc que l'effort supplémentaire, de l'ordre de 0,15 % de PIB par an, soit reproduit chaque année jusqu'à cette échéance : de plus de 6 milliards d'euros aujourd'hui, jusqu'à environ 9 milliards d'euros par an en fin de période.

Je terminerai mon propos par la présentation de l'article 68, rattaché à la mission « Défense ». Il a pour objet de prévenir les conséquences budgétaires potentiellement lourdes d'une erreur de l'administration.

Il vise à valider rétroactivement les décisions administratives par lesquelles le ministère a rejeté les demandes indemnitaires de deux catégories d'agents réclamant le bénéfice cumulé d'anciennes primes et du régime indemnitaire unifié instauré en 2016 pour les remplacer. Cette situation résulte d'une omission juridique, les textes abrogeant formellement les anciens dispositifs n'ayant été pris qu'en 2023.

Une première décision de justice ayant donné raison à un agent, d'autres contentieux ont été engagés sur le même fondement, faisant peser sur le budget de l'État un risque financier évalué à environ 147 millions d'euros. Il s'agirait, pour les agents concernés, d'un effet d'aubaine. L'article 68 vise donc à sécuriser la situation juridique et à préserver les deniers publics.

En conclusion, le budget de la défense pour 2026 me semble à la fois lourd et nécessaire. Il traduit la gravité du contexte international. Mais il appelle aussi transparence et rigueur de la part du Gouvernement et incite à une actualisation de la LPM. La ministre Vautrin nous a annoncé qu'un texte en ce sens serait déposé à l'automne - nous verrons bien, car je rappelle que l'automne finit dans un mois.

Mes chers collègues, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Défense » ainsi que l'article 68 qui y est rattaché.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -Je souscris aux alertes formulées par le rapporteur spécial : la ministre des armées et des anciens combattants doit vous donner les éléments sur la surmarche pour que le budget de cette mission soit examiné en séance dans la plus grande transparence. Le Gouvernement ne peut pas prévoir un tel niveau de dépense dans le budget de la défense sans éclairer le Parlement sur cette décision, car notre rôle est de contrôler l'action du Gouvernement.

Nous relaierons donc la demande du rapporteur spécial auprès du Premier ministre et de la ministre.

Certes, j'entends que certains éléments ne doivent pas être rendus publics, mais ils doivent être transmis au Parlement pour qu'il en prenne connaissance. L'armée est la « Grande muette », mais ce mutisme ne peut pas porter sur les crédits inscrits par le Gouvernement.

M. Jean-Raymond Hugonet. - A-t-on une estimation exacte de la flotte de Rafale et de sa capacité opérationnelle compte tenu de la ventilation des crédits ?

Par ailleurs, pourriez-vous nous donner quelques éléments chiffrés et préciser les perspectives qui se dessinent concernant le système de combat aérien du futur (Scaf) ? Un bras de fer oppose la maison Dassault, qui est capable de le réaliser seule, à certains de nos alliés, notamment allemands, qui ne souhaitent pas qu'il en soit ainsi.

Mme Nathalie Goulet. - Entre 2007 et 2017, j'étais membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, où nous évoquions régulièrement les drones et notre incapacité à en avoir. J'aimerais que le rapporteur spécial nous en dise plus sur le processus décisionnel du ministère des armées et des anciens combattants, car il semble que le problème ne soit pas résolu.

Ma seconde question porte sur les guerres d'influence et d'ingérence. A-t-on prévu une coordination avec le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ? En effet, les travaux de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères ont montré que, face à cet enjeu, la communication dans le cadre de ce programme était importante. Le ministère des armées et des anciens combattants a-t-il prévu de se doter d'un programme réalisant le même type de travail, ou du moins de se coordonner avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères ?

M. Marc Laménie. - Concernant les effectifs et les moyens humains, des difficultés de recrutement ont pu apparaître, ainsi qu'un problème de fidélisation. Cela représente un coût. Où en est-on ?

De nombreux sites militaires ont disparu dans les territoires. Le patrimoine militaire immobilier reste un enjeu important. Pourriez-vous nous préciser ce qui n'a pas été vendu ou cédé aux collectivités territoriales ?

M. Pascal Savoldelli. - Le fait que le ministère ait fixé le plafond du report de charges à 7,5 milliards d'euros pour fin 2025 ne peut que nous interroger individuellement et collectivement, car cela délégitimise le vote du Parlement, d'autant que cela se répète d'une année sur l'autre. Le rapporteur spécial recommande de « corriger les déséquilibres apparus dès l'exécution de la LPM 2024-2030 » et mentionne d'« importantes tensions et rigidités budgétaires » , ce qui est une formulation diplomatique pour décrire la situation. Qu'en est-il précisément de ces « tensions et rigidités budgétaires » ou, autrement dit, quel est le problème ?

M. Michel Canévet. - Nous sommes tous conscients de la nécessité de doter nos armées des moyens d'exercer leur mission, mais nous devons tenir compte d'un contexte budgétaire qui est particulièrement difficile. L'effort demandé cette année est très significatif et notre inquiétude est renforcée par le fait que les demandes supplémentaires de crédits sont très mal documentées.

Le report de charges nous préoccupe également et nous partageons l'incompréhension que le rapporteur spécial exprime à ce sujet depuis plusieurs années.

L'absence de documentation doit-elle nous inciter à resserrer les moyens dédiés aux armées ? Faut-il prévoir une augmentation plus mesurée des crédits en tenant compte de la réalité des finances publiques ?

Mme Vanina Paoli-Gagin. - Il y a quelques mois, nous avons assisté à une conférence sur le financement de l'industrie de la défense, à Bercy.

La réorganisation au sein de la direction générale de l'armement (DGA) est-elle en lien avec le fait que le temps de latence entre les commandes qui sont faites auprès des industriels de la défense et le décaissement par le ministère est très important et en décalage avec ce qui avait été annoncé à Bercy ?

M. Vincent Capo-Canellas. - L'article 68 se justifie par le fait que le coût du risque de condamnation qui pèse sur le ministère est estimé à 147 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. Toutefois, n'est-il pas paradoxal de demander au Parlement de jouer le rôle que l'administration aurait dû jouer initialement ? Pourquoi avoir attendu la chaîne des contentieux pour finalement demander - ou presque - au Parlement d'inverser la décision de la juridiction administrative ? Nous pourrons sans doute le faire, mais cela nous place dans une position qui n'est pas la meilleure. Comment expliquer autant de légèreté ?

Quant au report de charges, il a des conséquences pour les entreprises, notamment les PME. D'autres administrations publiques font état de douze à vingt-quatre mois de retard dans les règlements. Disposons-nous d'un indicateur clair pour évaluer ces retards ? Comment améliorer la situation qui est très pénalisante pour la chaîne des producteurs de l'industrie de défense ?

M. Claude Raynal, président. - Vous avez mis l'accent sur la question de la transparence et, même si, en matière militaire, les mots n'ont pas toujours le même sens qu'ailleurs, l'information du Parlement reste un enjeu fondamental.

Il semble que nous soyons dans un système à contre-emploi, avec, d'un côté, la perspective d'une diminution de la dépense publique, ou du moins une réflexion sur le sujet, et, de l'autre, un effort marqué sur le budget de la défense. Les Français en restent pour l'instant au discours qu'on leur tient : il faut remettre l'armée à niveau, car nous n'avons pas fourni les efforts suffisants durant les années précédentes. Mais il peut aussi y avoir un retournement et ils finiront par se demander pourquoi l'État met autant d'argent dans la défense au détriment d'autres missions.

Par conséquent, il serait prudent que le Gouvernement mette en place une procédure permettant d'obtenir du Parlement un soutien d'autant plus clair qu'il sera bien informé.

Notre rapporteur spécial devrait être totalement informé de manière à pouvoir nous livrer une analyse claire des sujets, pas forcément entièrement détaillée, mais engageant sa responsabilité et sa compétence. Nous gagnerions à ce que le ministère accepte cela.

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Je suis intimement convaincu qu'il est impossible de continuer à demander aux Français de faire un effort en matière de défense si, à un moment donné, on ne leur donne pas l'information. Il faut justifier cette demande. Il est inacceptable que le Gouvernement cherche à faire des économies dans toutes les missions, mais annonce, au détour d'une conférence de presse, plus de 3,5 milliards d'euros de crédits supplémentaires pour la mission « Défense » sans nous expliquer précisément les dépenses associées ni proposer de trajectoire pour atteindre l'objectif de 3,5 % de dépenses militaires en proportion du PIB en 2035.

Je remercie le président de notre commission et le rapporteur général pour leur soutien concernant ma demande d'informations.

Pour être tout à fait transparent, j'ai accès à un certain nombre d'informations et je vous en ai donné quelques-unes. Il y a quelques années, nous avions des difficultés à en faire voler certains pour des raisons techniques. Cette fois cela a pu être pour des raisons budgétaires.

Le report de charges au ministère des armées n'est en soi pas choquant, car il s'agit du seul ministère ayant un véritable budget d'investissement avec des autorisations d'engagement qui, par définition, porteront sur plusieurs années. En revanche, il est préoccupant et choquant que le report de charges atteigne un tel niveau. En effet, jusqu'en 2022, le report de charges ne pouvait pas être supérieur à 10% du budget hors dépenses de personnel. Puis Mme Borne a autorisé le ministère à doubler la part du report de charges de 10 % à 20 %. Or, fin 2024, cette part atteignait 23,9 %. Les ministres temporisent en disant que ce taux augmente en début de LPM et qu'il baissera en fin d'exécution, une fois que les paiements auront été étalés, mais je constate que ce n'est pas le cas à ce jour.

Nous sommes donc confrontés à un problème de sincérité budgétaire et il est de notre responsabilité de dénoncer cette pratique. Certes, un léger report de charges est acceptable, mais il ne peut pas atteindre de telles proportions.

En outre, ce report de charges trouve en partie son origine dans le sous-financement initial de la LPM. Rappelez-vous les débats que nous avons eus il y a trois ans : le budget de la LPM avait été fixé à 400 milliards d'euros, puis abondé de 13 milliards d'euros de recettes seulement partiellement documentées. Avec mes collègues de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avions souligné dès le départ qu'il manquait 13 milliards d'euros, mais le Gouvernement avait rétorqué en évoquant le report de charges : déjà, l'on prévoyait ainsi de financer la dépense avec le report de charges. Il y avait notamment dans ces 13 milliards d'euros des recettes exceptionnelles, notamment des remboursements de la sécurité sociale vers le service de santé des armées, ainsi que des royalties pour des participations dans un certain nombre d'entreprises. Mais ces recettes n'ont pas toutes été au rendez-vous.

L'indicateur est simple : les intérêts moratoires, qui représentaient 13 millions d'euros en 2022, sont de 60 millions d'euros pour les seuls dix premiers mois de l'année.

Madame Paoli-Gagin, en ce qui concerne l'industrie de défense, la DGA est très consciente du temps de latence. Lorsqu'elle a une relation de payeur direct des sous-traitants, notamment pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les petites et moyennes industries (PMI), elle arrive à régler le problème. La situation devient plus compliquée lorsque cela n'est pas le cas et que leur paiement relève des grands donneurs d'ordre. En effet, dès lors que les grands donneurs d'ordre ne sont pas payés, ils peuvent être tentés de ne pas honorer leur propre paiement auprès de leurs sous-traitants. Quoi qu'il en soit, il n'est pas très sérieux de faire porter le financement d'une mission de souveraineté par des entreprises, quelle que soit leur importance.

Les militaires se sont mis d'accord sur la définition technique du Scaf, et c'est une bonne nouvelle. Cependant, les constructeurs sont favorables à la théorie du ruissellement, de sorte que Dassault et Airbus veulent tous les deux construire l'avion. Or comme nous l'avons vu avec l'A400M, la construction d'un avion avec plusieurs intervenants pose des problèmes de responsabilité.

Madame Goulet, les drones sont apparus comme un dispositif essentiel dans le cadre de la guerre en Ukraine. J'ai cru comprendre que Renault avait l'ambition d'investir dans ce domaine en Ukraine et il y a d'autres acteurs, français et étrangers, dans ce domaine devenu stratégique.

Nous avons eu l'occasion de travailler ensemble sur le sujet de la guerre d'influence. Les connexions que vous évoquez se font principalement au niveau du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Monsieur Laménie, il a en effet été très difficile d'atteindre les objectifs de recrutement en 2023, mais la situation s'est rétablie dans les années suivantes et nous n'avons plus de difficultés ni en matière de recrutement ni pour ce qui est de la fidélisation. Faut-il voir là les effets d'une amélioration de la rétribution des militaires ou bien ceux d'un contexte économique où l'offre d'emploi est moins importante ? Je dirais que c'est sans doute les deux.

Aujourd'hui, nous pourrions faire mieux si nous le souhaitions. En effet, la limite au recrutement est budgétaire et n'est pas liée à la difficulté de trouver les effectifs sur le marché du travail.

Sur la fermeture des sites et le devenir du patrimoine immobilier, il n'y a pas eu d'évolution nouvelle depuis deux ans. Le patrimoine qui est en bon état finit par se reconvertir. Cependant, certains casernements offrent peu de possibilités.

Monsieur Capo-Canellas, sur l'article 68, il apparaît que le ministère a pris un décret en 2023 pour régulariser la situation ; ce que l'on nous demande en réalité, c'est une sorte de validation législative pour conforter ce décret. Ce n'est pas glorieux, mais je suggère d'accéder à la demande de l'administration.

M. Vincent Capo-Canellas. - Comment évoluent les délais de paiement pour les PME ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - La situation ne semble pas empirer et aurait même tendance à s'améliorer, car le ministère et la DGA ont désormais conscience qu'il faut être vigilant. Néanmoins, le gel des crédits peut poser des difficultés supplémentaires en fin d'année.

M. Claude Raynal, président. - Avec le rapporteur général, nous vous proposons d'adresser une lettre au Premier ministre lui demandant de bien vouloir prendre les dispositions nécessaires pour disposer de l'ensemble des informations nécessaires à l'examen du projet de loi de finances. Nous lui demanderons de réfléchir à une solution qui permette de concilier la discrétion nécessaire et l'information la plus complète possible du Parlement.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Défense ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 68

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, l'article 68.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Économie » (et articles 70 et 71) - Compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Contrôle budgétaire - Les dysfonctionnements dans la collecte de la taxe d'aménagement et leurs conséquences financières pour les collectivités territoriales et les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) - Communication

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen du rapport sur les dysfonctionnements dans la collecte de la taxe d'aménagement et leurs conséquences financières pour les collectivités territoriales et les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE).

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Je vous prie d'excuser l'absence de mon collègue Stéphane Sautarel, retenu en circonscription par un engagement de longue date. Bien que nous ayons mené ensemble nos travaux, je serai seule à vous en restituer la teneur.

Le contrôle budgétaire flash que nous avons conduit en quelques semaines portait sur les dysfonctionnements dans la collecte de la taxe d'aménagement - je suis sûre que vous avez été alertés dans vos circonscriptions à ce sujet. La situation a paru suffisamment critique à nos collègues de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable pour que nous travaillions à la comprendre et à y apporter des réponses.

La taxe d'aménagement est instituée de plein droit dans les communes dotées d'un plan local d'urbanisme (PLU) ou d'un plan d'occupation des sols (POS). Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) compétents en matière de PLU, les départements et la région d'Île-de-France peuvent également la percevoir. Elle est assise sur les surfaces de construction des opérations assujetties et son taux est fixé par la collectivité.

En ce qui concerne les départements, le produit de la taxe d'aménagement permet de financer, d'une part, la politique en faveur des espaces naturels sensibles (ENS), d'autre part, les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement. Pour ces associations, qui rendent un service public et gratuit de qualité aux particuliers et aux collectivités, la taxe d'aménagement représente même environ 80 % de leurs ressources.

Or le produit de la taxe d'aménagement a fortement diminué ces dernières années : son rendement est passé de 2,3 milliards d'euros en 2023 à 1,5 milliard d'euros en 2024, soit une diminution de 31 %. Selon la direction générale des finances publiques (DGFiP), ce rendement devrait s'établir à environ 1 milliard d'euros en 2025, soit une baisse cumulée de plus de 56,2 % depuis 2023.

Pour les collectivités, cet effondrement du rendement n'est pas une bonne nouvelle, a fortiori dans la conjoncture que l'on connaît. Mais pour les CAUE, la situation est véritablement critique. Ces structures étant très dépendantes de la taxe d'aménagement, elles risquent tout bonnement de disparaître : 77 postes ont ainsi été supprimés dans le réseau des CAUE entre le début de 2024 et la mi-2025, et certaines structures ont d'ores et déjà disparu ; le CAUE de l'Orne est menacé de dissolution et celui de la Manche attend sa liquidation.

Nous avons relevé trois causes principales au ralentissement de la collecte de la taxe d'aménagement.

La première, sur laquelle nul n'a guère de prise, est l'atonie de la construction. La DGFiP a beaucoup mis en avant ce facteur, qui n'est d'ailleurs contesté par personne : la diminution du nombre d'autorisations d'urbanisme délivrées depuis 2021 - de 10,7 % en 2022, de 20,2 % en 2023 et de 14 % en 2024 - induit nécessairement une baisse du produit de la taxe.

La deuxième résulte du transfert de la liquidation de la taxe d'aménagement à la DGFiP, transfert qui a été accompagné d'un décalage de l'exigibilité de la taxe. Avant 2022, la taxe d'aménagement était en effet liquidée par les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), ce qui était à l'époque jugé baroque et inefficace. L'ordonnance du 14 juin 2022 a ainsi transféré la liquidation de la taxe à la DGFiP, qui en assurait déjà le recouvrement. Cette même ordonnance a également reporté l'exigibilité de la taxe d'aménagement - elle intervenait auparavant douze mois après la délivrance de l'autorisation d'urbanisme - à la date de l'achèvement des travaux.

Ce décalage, qui visait à éviter les remboursements d'éventuels trop-perçus en cas de révision à la baisse de la taille des projets, a pour conséquence de reporter les encaissements par la DGFiP et donc les reversements aux collectivités.

Enfin, la troisième cause de ralentissement de la collecte de la taxe d'aménagement est à rechercher du côté des dysfonctionnements dans la mise en oeuvre de la collecte des taxes d'urbanisme par la DGFiP. Celle-ci a d'ailleurs reconnu avoir rencontré des difficultés dans l'application du nouveau processus, conduisant à ralentir les encaissements qui ont donc été différés. Un récent rapport parlementaire relatif aux dysfonctionnements dans la gestion des impôts locaux, remis à l'Assemblée nationale par David Amiel et Christine Pirès Beaune, a également souligné des « insuffisances » de la DGFiP dans les nouveaux processus de gestion.

Outre des dysfonctionnements de l'outil informatique, la principale cause des difficultés de la DGFiP semble résider dans la faiblesse de ses moyens humains, le transfert de la gestion des taxes d'urbanisme ne s'étant pas accompagné de transferts de personnel suffisants.

Au terme de cette analyse, Stéphane Sautarel et moi-même avons souhaité émettre plusieurs recommandations. Il nous semble d'abord que revenir à l'ancienne date d'exigibilité - quelques mois après la délivrance de l'autorisation d'urbanisme - voire à l'ancien système de liquidation par les DDTM, serait une erreur. Certes, les travaux parlementaires sur le sujet tendent à montrer que le transfert à la DGFiP ne s'est pas passé comme prévu et qu'il a abouti à une désorganisation certaine. Toutefois, un peu d'ordre commence à revenir dans ces processus. Aussi, le législateur ferait oeuvre utile en donnant de la stabilité et de la visibilité, tout en évitant d'ajouter au désordre.

En revanche, cela n'exclut pas de réfléchir à des ajustements au sein de ce nouveau cadre. Par exemple, le décalage de l'exigibilité de la taxe d'aménagement est aujourd'hui tempéré par la mise en oeuvre d'un système d'acompte pour les projets dont la surface de construction est supérieure à 5 000 mètres carrés et qui, de ce fait, sont susceptibles de susciter un fort rendement. Nous proposons donc de travailler avec la DGFiP à un élargissement du nombre de projets concernés par un tel système.

Il nous semble également que le meilleur moyen d'accompagner les CAUE est d'apporter un soutien aux départements. En effet, nos échanges avec la DGFiP et la Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (FNCAUE) ont montré que, pour compenser les fluctuations parfois importantes de la taxe d'aménagement, les départements pouvaient soutenir temporairement les CAUE de diverses manières : certains leur versent une garantie de ressources ou des avances, d'autres leur passent commande et les rémunèrent pour des projets ponctuels. C'est ce genre de solidarité qu'il faut encourager en apportant un soutien financier significatif aux départements, dans le cadre du PLF. Cela leur permettra de mobiliser une partie de leurs ressources en faveur des CAUE.

Ces deux premières recommandations devraient être mises en oeuvre très rapidement, pour apporter en urgence, dans le cadre du PLF pour 2026, une première réponse aux collectivités et aux CAUE. La DGFiP, quant à elle, devrait continuer à traiter en priorité les dossiers en instance, en fonction de leur rendement et de leur date de prescription, quitte à taxer d'office les contribuables qui auraient omis de déclarer l'achèvement de leurs travaux.

À court et à moyen terme, il nous semble qu'il faut renforcer le partenariat entre la DGFiP et les élus. Ainsi, veillons à intégrer aux groupes de travail les associations d'élus et la FNCAUE. Par ailleurs, il faut assurer la liaison entre le fisc et les élus, dans le travail de simplification de la taxe d'aménagement, en particulier de son assiette.

Enfin, il est utile, à plus long terme, d'engager une réflexion d'ensemble sur la gouvernance et le financement des solutions d'ingénierie en faveur des collectivités territoriales - il faut notamment garantir l'articulation entre les CAUE et les agences départementales -, mais aussi sur le financement des services publics locaux, à l'heure de la sobriété foncière.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le Sénat s'était rapidement opposé à une modification des règles du jeu : force est de constater que cette réforme mal préparée a provoqué des perturbations regrettables pour des élus locaux déjà en difficulté. Dans ce contexte, je salue la qualité et l'objectivité de vos recommandations ; il convient en effet d'apporter une réponse urgente en soutenant les départements.

Vos auditions avec les représentants de la FNCAUE et de la DGFiP, mais aussi avec l'ensemble des élus du bloc local, ont révélé la nécessité de repenser le processus depuis son origine jusqu'à son point final. La nouvelle chaîne d'organisation a été mal conçue et a donc affecté les financements associés. Ainsi, la mise en oeuvre d'un système d'acompte devrait pouvoir satisfaire les élus, du moins à moyen terme.

La perception de la taxe d'aménagement et les questions d'urbanisme en général ne vont pas sans poser de problèmes. Le maire est toujours compétent en ce domaine, notamment pour la délivrance du permis de construire, mais les intercommunalités, selon leur taille, sont également amenées à intervenir. Cette observation vaut à la fois pour les zones rurales et les territoires urbains.

Bref, ouvrons ce chantier rapidement, afin d'éviter que les mêmes difficultés ne se reproduisent l'an prochain. Cela dépend de notre volonté à tous et suppose un peu de stabilité gouvernementale. Une question subsiste : quelle perception la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a-t-elle de ce sujet et de vos recommandations ?

M. Grégory Blanc. - Nous savons à quel point ce sujet met en tension un certain nombre de collectivités. Les départements, en particulier, sont dans une situation extrêmement difficile. Nombre d'entre eux ne sont pas en mesure d'absorber la baisse de rendement de la taxe d'aménagement, ce qui réduit nécessairement leur capacité à emprunter et à investir.

Afin d'éviter que des départements ne se retrouvent avec une épargne négative d'ici à la fin de l'année, je propose, dans le cadre du projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG), d'allouer en urgence aux départements une enveloppe de 100 millions d'euros. Cela permettra de consolider l'action des CAUE dans les territoires et de garantir l'accompagnement des petites communes en matière d'ingénierie.

M. Michel Canévet. - Ce sujet suscite de fortes préoccupations dans chacun de nos départements. Dans ce contexte, j'ai naturellement demandé au directeur général des finances publiques du Finistère pourquoi, entre 2023 et 2024, les recettes de la taxe d'aménagement avaient baissé de près de 50 %, passant de 12,8 millions à 8,5 millions d'euros.

Une fois de plus, nous regrettons ce désordre actuel, créé par le fait que ce sujet a été traité par ordonnances. Nous ne connaîtrions probablement pas les mêmes errements si nous avions procédé par la voie parlementaire habituelle : j'espère que cela amènera le Gouvernement à réfléchir sur sa façon de travailler.

L'un des changements majeurs opérés par la réforme est le fait, pour les collectivités, de ne plus percevoir la taxe d'aménagement avant la déclaration de fin d'achèvement des travaux. Or la date de cette déclaration est repoussée le plus longtemps possible, afin de ne pas s'acquitter de la taxe. C'est la raison pour laquelle je suis favorable à la mise en place d'un système d'acompte : il contraindra les promoteurs à payer ce qu'ils doivent et permettra de sécuriser les recettes pour les collectivités bénéficiaires.

Par ailleurs, le système d'information dorénavant utilisé par la DGFiP est différent de celui auquel la DDTM avait recours. Cela a conduit à un allongement significatif du délai de perception de la taxe d'aménagement. Avez-vous plus d'informations à ce sujet ?

Enfin, j'ai du mal à comprendre si une compensation par l'État est prévue. Il me semble que nous devons seulement permettre aux départements de soutenir, sur leurs ressources propres, les CAUE en difficulté.

M. Christian Bilhac. - J'avais fait part au Gouvernement de mon inquiétude face à cette réforme lors d'une séance de questions orales, le 14 décembre 2021. Le ministre présent au banc avait tenté de me rassurer en m'expliquant doctement que les délais seraient raccourcis : on voit ce qu'il en est aujourd'hui.

Comme je suis persévérant, j'ai déposé un amendement sur le projet de loi de finances, l'année suivante, visant à ce que la taxe d'aménagement soit acquittée lors du dépôt du permis de construire. En effet, au cours de mon mandat de maire, je me suis rendu compte que personne n'effectuait sa déclaration de fin de travaux - celle-ci n'existe que dans les livres ! Se pose également un problème financier : il arrive que certains ménages soient incapables de débourser le moindre centime lorsqu'ils reçoivent leur avis d'imposition, en raison des sommes déjà engagées pour leurs travaux.

Du reste, je suis favorable à l'idée d'informer les collectivités des taxes réellement perçues, car elles se trouvent aujourd'hui dans le brouillard le plus absolu.

M. Laurent Somon. - Je partage le constat de mes collègues : la perception rapide de la taxe d'aménagement est très importante pour les départements, surtout que les recettes ont vocation à financer la protection des espaces naturels sensibles (ENS). En revanche, je m'oppose aux recommandations des rapporteurs spéciaux concernant les CAUE. Cessons de soutenir ces structures luxueuses qui, malgré de très beaux rapports, sont inopérantes, les communes étant, de toute façon, ensuite contraintes de faire appel à des cabinets d'ingénierie pour leurs projets d'aménagement.

Les compétences en matière d'urbanisme existent déjà à l'échelon des intercommunalités et des pôles métropolitains, via les agences d'urbanisme, et n'ont donc pas besoin d'être exercées par les CAUE. D'ailleurs, le Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA) m'a confirmé qu'il suffisait aux intercommunalités de recourir à des vacataires pour résoudre les problèmes traités par les CAUE, lesquels, dans un département comme celui de la Somme, emploient dix ingénieurs à temps plein. Cela engendre forcément des coûts et pose une question d'efficience.

Vous l'aurez compris, je ne voterai pas la recommandation n° 2, car les CAUE, selon moi, devraient être supprimés. La taxe d'aménagement doit revenir aux départements et servir à l'entretien des ENS, point.

Mme Christine Lavarde. - Il existe aujourd'hui un problème de trésorerie pour les collectivités, en raison du décalage de l'encaissement mis en place au moment du transfert de la collecte par la direction départementale des finances publiques (DDFiP). En réalité, ce problème est uniquement ponctuel et devrait disparaître lorsque les choses avanceront à leur nouveau rythme de croisière.

Je me demande s'il ne faudrait pas réfléchir au calendrier d'exigibilité pour les grosses opérations, car il expose les collectivités à un lourd risque de remboursement. Aujourd'hui, n'importe quel permis de construire ou document d'urbanisme peut être attaqué devant un tribunal. Or, entre le moment où la collectivité a accordé son autorisation d'urbanisme et le premier coup de pioche, plusieurs années peuvent s'écouler.

Un montant de taxes est payé par les entreprises, ce qui met en difficulté la viabilité économique des projets, les recettes n'étant perçues que beaucoup plus tardivement. Quelquefois, la commune est contrainte de rembourser des sommes qu'elle a pu utiliser pour d'autres projets.

Mme Sophie Primas. - Dans l'ancien système, la taxe d'aménagement était acquittée au tout début des opérations de construction. C'était vrai pour les particuliers, comme pour les entreprises. Or cela pouvait nuire au développement économique de ces dernières. La taxe d'aménagement s'apparentait ainsi à un impôt de production perçu lors du dépôt du permis de construire, avant même que toute production n'ait pu voir le jour et que les recours aient été traités, ce qui prend parfois plusieurs années.

Lorsque j'étais maire, j'ai observé que ce système avait empêché la création de deux entreprises qui, n'ayant constitué aucun chiffre d'affaires au moment de la délivrance du permis de construire, n'avaient pu s'acquitter de la taxe d'aménagement.

Nous pourrions envisager, dans le cadre des commissions communales des impôts directs (CCID), un suivi plus serré pour vérifier que la taxe a bien été payée dans les délais.

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Je commencerai par répondre au rapporteur général. Cette réforme a été conduite en supprimant un maximum de postes parmi les personnels chargés de la liquidation, alors qu'il aurait été plus prudent de réduire les effectifs au fur et à mesure que ces personnels s'appropriaient leur nouvelle mission.

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est principalement focalisée sur la situation des CAUE, mais je lui ai fait part de nos recommandations. Stéphane Sautarel et moi-même avons tenu à agir sur le court et le moyen terme, pour répondre de manière urgente aux problèmes évoqués. Sachez que toutes les propositions sont les bienvenues, comme celle que vient de formuler à l'instant Sophie Primas.

La situation catastrophique des départements est connue de tous ; nous aurons à en discuter lors de l'examen du PLF. Monsieur Grégory Blanc nous suggère de voter une enveloppe de 100 millions d'euros dans le cadre du PLFG. Nous étudierons cette proposition, mais je ne suis pas certaine que le PLFG soit le bon véhicule.

La DGFiP a assuré à notre commission qu'elle liquiderait un certain nombre de taxes d'ici à la fin de l'année, mais cela me semble bien optimiste.

Le changement du système d'information est la principale cause de dysfonctionnement, Monsieur Canévet, comme l'ont particulièrement bien relevé nos collègues députés dans leur rapport. J'en profite pour vous dire que, d'après la DGFiP, les retards de perception de la taxe d'aménagement ne sont pas si alarmants que cela.

Nous ne sommes pas favorables à un retour à l'ancien système, Monsieur Bilhac, car la mise en oeuvre de la réforme est bien entamée. Faire et défaire, c'est toujours travailler, mais ce n'est pas avancer ! Ce qui pourrait paraître comme un retour au bon sens risque d'être source de difficultés. Je le reconnais, la réforme a été mal conçue, mais les choses sont en train d'être remises en ordre.

La situation des départements est très diverse, monsieur Somon. Ainsi, l'apport des CAUE dans certains territoires n'est pas à démontrer. Il convient peut-être de revoir la gouvernance locale de tous ceux qui oeuvrent aux côtés des collectivités territoriales et apportent à ces dernières leur conseil. On pourrait notamment améliorer l'articulation entre les CAUE et les agences techniques départementales, à l'heure de la sobriété foncière - c'est le sens de notre dernière recommandation.

M. Laurent Somon. - Les CAUE doivent être absorbés !

Mme Isabelle Briquet, rapporteure spéciale. - Je suis davantage favorable à l'articulation et à la mutualisation de certains moyens ; je ne vois pas pourquoi une entité devrait absorber l'autre.

Madame Lavarde, le système d'acompte doit permettre de lisser la perception de la taxe d'aménagement pour les contribuables et les collectivités. Si l'opération est annulée avant son terme, seule une partie du montant devra être remboursée. Cela n'apporte pas de solution totale, car les recours peuvent continuer à bloquer les projets. Aussi, je prends bonne note de votre remarque, d'autant que nous n'avons pas pris cette question en considération au cours de notre contrôle flash.

La commission adopte les recommandations des rapporteurs spéciaux et autorise la publication de leur communication sous la forme d'un rapport d'information.

La réunion est close à 11 h 15.

La réunion est ouverte à 11 h 30.

Projet de loi de finances de fin de gestion pour 2025 - Audition de Mme Amélie de Montchalin, ministre de l'action et des comptes publics (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

La réunion est close à 12 h 40.

Jeudi 13 novembre 2025

- Présidence de M. Michel Canévet, vice-président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi de finances pour 2026 - Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » - Examen du rapport spécial

M. Michel Canévet, président. - Nous commençons nos travaux avec l'examen du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État », pour lequel notre président de commission est rapporteur spécial. Je salue également la présence de notre collègue Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Le CAS « Participations financières de l'État » constitue un instrument dérogatoire du droit budgétaire classique. Il permet de retracer, d'une part, en recettes, les sommes versées à l'État lorsqu'il cède une participation ou qu'il réalise un retour sur investissement dans un fonds auquel il avait participé, et, d'autre part, en dépenses, les sommes versées par l'État pour l'ensemble de ses interventions en fonds propres, soit directement au travers de l'Agence des participations de l'État (APE), soit par le biais de divers fonds sectoriels.

Avant d'en venir à la description des recettes et des dépenses prévues sur le périmètre du compte spécial pour l'exercice 2026, je vais introduire mon propos en présentant deux opérations récentes de l'État actionnaire qui illustrent son rôle non seulement pour entrer au capital d'entreprises stratégiques, mais également pour les accompagner dans leur développement et leur croissance.

En premier lieu, je voudrais évoquer le rachat par IN Groupe en juillet 2025 de la société Idemia Smart Identity.

En finalisant ce rachat, l'ancienne Imprimerie nationale, devenue depuis 1994 une société de droit privé dont le capital est intégralement détenu par l'État, formera un groupe d'ampleur mondiale qui sera à la fois le deuxième fournisseur mondial de passeports et le premier fournisseur mondial de cartes d'identité.

Le nouveau groupe né de la fusion représente désormais plus de 4 000 collaborateurs et peut s'appuyer sur cinq sites de production associés à des relations de confiance avec les pouvoirs publics non seulement en France, mais également aux Pays-Bas, au Danemark, au Chili et en Colombie.

Cette fusion, qui va permettre de réaliser des économies d'échelle et de renforcer le positionnement d'IN Groupe non seulement sur le marché des titres physiques d'identité, mais également sur le marché de l'identité numérique, a été rendue possible par l'intervention directe de l'État actionnaire.

En effet, pour prendre le contrôle d'Idemia Smart Identity, l'Imprimerie nationale a dû recourir, en plus des financements bancaires qu'elle a mobilisés, à une augmentation de capital à hauteur de 625 millions d'euros, qui a été finalisée en juin 2025 et qui a consommé des crédits du CAS « Participations financières de l'État ».

Cette opération de consolidation au profit d'un champion français, dont l'histoire remonte à un privilège d'imprimeur accordé par François Ier, illustre le rôle de l'État actionnaire pour accompagner nos participations publiques dans leurs projets de croissance.

En second lieu, je voudrais évoquer une autre opération d'ampleur d'augmentation de capital qui a été annoncée en juin 2025 par l'opérateur satellitaire européen Eutelsat.

Cet opérateur de taille mondiale, dont le siège est situé à Issy-les-Moulineaux, a procédé en 2023 au rachat d'une entreprise pionnière dans les constellations de satellites en orbite terrestre basse : l'entreprise britannique OneWeb. Depuis ce rachat, Eutelsat dispose d'une perspective de croissance importante grâce à sa double présence sur l'orbite géostationnaire, avec une flotte de 34 satellites de télécommunication, et sur l'orbite basse grâce aux 600 satellites de la constellation OneWeb.

Eutelsat se trouvait toutefois, jusqu'à cet été, dans une situation financière complexe étant donné son niveau d'endettement élevé et les perspectives d'investissement de 4 milliards d'euros auxquelles elle fait face à l'horizon 2029 pour assurer le renouvellement des satellites de la constellation OneWeb. Pour répondre à cette situation, l'État a accompagné comme actionnaire le plan stratégique d'Eutelsat en participant à hauteur de 750 millions d'euros à une augmentation de capital atteignant un montant total de 1,5 milliard d'euros.

J'ai souhaité développer ces deux exemples en introduction de mon propos pour illustrer concrètement comment sont dépensés les crédits du compte spécial et pour attirer votre attention sur le fait que l'État actionnaire n'est pas seulement l'État qui achète de nouvelles participations, c'est aussi celui qui accompagne les entreprises de son portefeuille en « réinjectant » des liquidités lorsque cela est nécessaire et pertinent sur le plan stratégique.

Pour en venir aux crédits qui vous sont proposés pour l'exercice 2026, mes remarques porteront d'abord sur les recettes puis sur les dépenses prévisionnelles du compte.

Sur le volet « recettes » du compte d'affection spéciale, je formulerai deux remarques principales qui permettent d'expliquer la différence substantielle entre les crédits que nous examinons cette année et ceux qui nous étaient proposés l'année dernière.

Ma première remarque concerne le périmètre. Pendant plusieurs années, la commission des finances avait dénoncé le schéma d'isolement de la « dette covid » inventé par le gouvernement en 2022 comme un simple jeu d'écriture qui n'avait aucun effet réel, dès lors qu'aucune dette covid ne faisait l'objet d'un cantonnement effectif dans les comptes de l'État. Nous avons donc systématiquement demandé au Gouvernement de mettre fin à ce schéma artificiel et adopté des amendements en ce sens depuis plusieurs années et de manière coordonnée avec le sénateur de Montgolfier, rapporteur spécial des crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».

Pour l'exercice 2025, les conditions inhabituelles d'adoption d'un budget à l'issue d'une commission mixte paritaire conclusive ont permis de supprimer ce prétendu schéma d'isolement. Le dépôt du projet de loi de finances (PLF) pour 2026 a permis de confirmer l'abandon définitif par le Gouvernement de ce schéma, ce dont nous nous réjouissons.

Ma deuxième remarque concerne les importantes recettes de cessions prévues dans le projet de loi déposé par le Gouvernement. Dans ce domaine, le PLF pour 2026 marque incontestablement une rupture avec les dernières années, en prévoyant des recettes de cessions pour le CAS à hauteur de 3,2 milliards d'euros en 2026, c'est-à-dire quatre fois plus que les recettes prévues pour cette année.

Alors que le déclenchement de la crise économique et sanitaire en 2020 a durablement suspendu le cycle de cessions d'actifs publics qu'avait engagé le gouvernement entre 2017 et 2019, l'année 2026 devrait marquer une inflexion avec l'intervention d'une ou plusieurs cessions d'ampleur.

Pour ne pas perturber les conditions dans lesquelles ces actifs seront cédés, l'Agence des participations de l'État ne souhaite pas communiquer sur les opérations qui correspondent à ces recettes. Nous serons en tout état de cause attentifs aux décisions qui seront effectivement prises dans le courant de l'exercice 2026, non seulement pour vérifier que le quantum de recettes atteint la cible de 3,2 milliards d'euros, mais également pour comprendre si cette inflexion est conjoncturelle ou si elle s'inscrit dans un nouveau cycle pluriannuel de cessions d'actifs publics.

Pour conclure, je formulerai également deux remarques sur le volet « dépenses » du CAS « Participations financières de l'État ».

Ma première remarque concerne les investissements en fonds propres réalisés dans le cadre du plan France 2030. Si ces investissements sont financés par les programmes de la mission « Investir pour la France de 2030 », ils transitent nécessairement par le programme 731 du compte spécial. Je relève à cet égard que, conformément au constat d'un ralentissement de déploiement du plan établi par les rapporteurs spéciaux Laurent Somon et Thomas Dossus, les aides en fonds propres du plan France 2030 connaissent également une réduction de 53 % entre 2025 et 2026.

Ma seconde remarque concerne l'une des rares opérations structurantes en dépenses que l'APE accepte de divulguer : le rachat par l'État du département Advanced Computing du groupe Atos. Alors qu'un contrat de cession a été finalisé en juillet 2025, l'opération interviendra au premier semestre 2026 et mobilisera 400 millions d'euros de crédits du compte spécial. Elle permettra à l'État de préserver un actionnariat souverain pour une activité hautement stratégique. En effet, je rappelle que l'activité rachetée par l'État correspond à la conception et à la fabrication des supercalculateurs dans l'usine d'Angers du groupe, la seule usine détenue par un groupe européen en mesure de manufacturer des supercalculateurs. Au regard de la mobilisation de ces supercalculateurs pour assurer la crédibilité de notre dissuasion nucléaire, je pense que je n'ai pas besoin d'insister sur le caractère stratégique de cette opération.

Pour conclure, je vous propose sans surprise de rendre un avis favorable à l'adoption des crédits du CAS « Participations financières de l'État », pour donner à l'État actionnaire les moyens de sa politique.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Je me félicite tout d'abord que le fonctionnement du compte d'affectation spéciale soit en voie de normalisation.

Compte tenu de la baisse des versements du budget général, l'APE devrait reprendre à compter de 2026 un rythme dynamique de cessions d'actifs. Elle se dit prête à se défaire de ses participations les moins stratégiques pour financer de nouvelles acquisitions, et je lui en fais volontiers crédit. Je m'interroge toutefois sur la viabilité de ce modèle de financement à long terme, les cessions devenant plus difficiles à mesure que le portefeuille de l'État se resserre autour des participations les plus stratégiques, alors même que l'environnement économique et géostratégique justifierait plutôt d'étendre le portefeuille.

Pour cette raison, je suggère, comme les années précédentes, de réfléchir à affecter à l'APE tout ou partie des dividendes versés au titre des participations financières de l'État, même si je n'imagine pas que, dans l'immédiat, l'État accepte de priver le budget général de ces recettes récurrentes.

Concernant la stratégie de l'État actionnaire, je salue la récente inflexion de l'APE vers le numérique, avec, en 2025, l'opération Eutelsat et, l'an prochain, la concrétisation de l'opération Atos, que le Sénat avait appelée de ses voeux. La maîtrise des infrastructures et des logiciels est indubitablement un enjeu de souveraineté, pour les activités tant civiles que militaires.

En revanche, j'émets quelques réserves sur la doctrine d'intervention de l'APE sur le secteur industriel. Il me semblerait utile que l'Agence développe une véritable grille d'analyse pour concentrer ses efforts sur les entreprises dont la disparition causerait un risque systémique et, au contraire, se désengager des autres.

Enfin, alors que nos moyens d'action nationaux s'amenuisent, ne serait-il pas possible de coordonner davantage les prises de participation publique avec nos partenaires européens ? Cela serait particulièrement pertinent pour des secteurs à forte intensité capitalistique et où les décisions politiques remontent de plus en plus au niveau européen, comme le spatial ou la défense.

Malgré ces légères réserves, qui excèdent le strict cadre budgétaire, il me paraît utile de soutenir l'action de l'État actionnaire en faveur de la souveraineté économique, car je ne peux que saluer la stratégie déployée ces dernières années.

C'est pourquoi la commission des affaires économiques s'est prononcée en faveur des crédits du CAS « PFE ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je me réjouis, comme le rapporteur spécial, que l'Agence des participations de l'État procède de nouveau à des cessions d'actifs. Il faut s'inscrire dans une dynamique au service de notre économie et de nos filières, et savoir valoriser nos investissements quand la situation est favorable. Cela me semble de bon aloi, a fortiori lorsque l'État connaît des difficultés budgétaires.

J'approuve également le soutien aux fonds sectoriels. Ceux qui sont dédiés aux industries agroalimentaires et à l'innovation dans la défense retiennent particulièrement mon attention.

S'agissant de la défense, les intervenants sont nombreux et le montant de 20 millions d'euros d'appel de fonds en 2026 peut paraître faible, ce qui pose un problème de lisibilité.

Sur le soutien aux industries agroalimentaires, je suis assez inquiet de voir la puissance agricole française, qui fut la première en Europe, fortement régresser et présenter probablement en 2025 une balance commerciale déficitaire, ce qui devrait être un vrai signal d'alarme. Ce fonds de soutien s'inscrit-il dans une dynamique de reconquête de notre agriculture et de nos industries agroalimentaires ?

M. Pierre Barros. - Qu'est-ce qui est stratégique et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Quels critères interviennent dans la décision de l'État de prendre des participations dans une entreprise ?

La défense est évidemment un secteur stratégique, mais l'industrie ou l'acier peuvent l'être également. Par exemple, est-il stratégiquement intéressant pour l'État d'entrer au capital d'ArcelorMittal ? Nous avons eu ce débat récemment, et il n'est pas toujours évident de savoir où placer le curseur.

Je peine à déchiffrer la stratégie de l'État. Existe-t-il une doctrine à peu près lisible ? Au contraire, les décisions se prennent-elles au fil de l'eau ?

M. Michel Canévet, président. - Je souhaite interroger le rapporteur spécial et le rapporteur pour avis sur la cohérence de la stratégie de l'État, compte tenu des interventions croisées de l'Agence des participations de l'État, de Bpifrance - qui intervient également en capital dans les entreprises - et de la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Selon vous, y a-t-il une stratégie clairement définie qui permette à ces différents intervenants de mener une action efficace ?

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - La question du rapporteur général porte sur la participation de l'État dans des fonds sectoriels. En réalité, cette participation est relativement faible - le Fonds « Innovation Défense » que vous citez représente un montant total de 220 millions d'euros dont 200 millions d'euros souscrits par l'État. L'État est surtout présent dans ces fonds pour observer et orienter les décisions si besoin. Pour accompagner le déploiement des investissements, il couvre chaque année les appels de fonds par des crédits du compte spécial, par exemple à hauteur de 20 millions d'euros en 2026 pour le Fonds « Innovation Défense ».

Quant à savoir si cette participation est de nature à redresser les industries alimentaires et notre commerce extérieur, notamment en matière agricole, je ne peux vous répondre avec certitude. Si l'on regarde les chiffres récents, on peut en effet considérer que ce n'est pas suffisant.

Monsieur Barros, nous aimerions effectivement disposer d'une doctrine claire. Certains objectifs semblent naturels, par exemple lorsqu'il s'agit de conserver une activité essentielle, comme dans le cas d'Atos : cette démarche permettra d'ailleurs d'éviter de reproduire des erreurs du passé, notamment lorsque nous avons été obligés de racheter des turbines pour l'industrie nucléaire. Il convient donc de faire preuve d'anticipation et de conserver des secteurs stratégiques et rentables.

Sur un autre versant, il peut être question d'apporter un soutien à des entreprises en difficulté afin de conserver des activités en France, comme dans le cas d'ArcelorMittal, qui a suscité un débat sur les modalités d'intervention de l'État. Si la piste de la nationalisation n'a pas été retenue en l'espèce, l'État peut, s'il le souhaite, intervenir via une participation au capital, avec l'idée d'aider l'entreprise ou l'industrie concernée à surmonter une mauvaise passe. La doctrine est donc assez souple, ce qui semble approprié en matière de politique industrielle, à la condition de bien évaluer les résultats obtenus.

Nous avons besoin que l'État détienne des parts dans des entreprises en bonne santé, car il perçoit ainsi des dividendes, d'autant plus qu'une remontée sensible de la valorisation des actions a eu lieu ces dernières années : procéder ainsi est utile afin de pouvoir déclencher quelques ventes le moment venu. Dans le même temps, vendre les actions les plus rentables conduit à appauvrir le patrimoine de l'État, et il faut donc rechercher un équilibre assez subtil, qui peut aussi passer par des participations plus faibles, mais avec des pouvoirs importants au sein des conseils d'administration.

En résumé, il n'existe pas de doctrine à ce point structurée qu'elle permettrait de décider d'acheter et de vendre en fonction de quelques critères, à la manière d'une intelligence artificielle (IA).

J'en viens aux enjeux de coordination : la coordination entre Bpifrance et la CDC est facilitée par le fait que la CDC possède 49 % de Bpifrance. Quant à la répartition des interventions entre Bpifrance et l'APE, je considère que la première doit se charger en priorité de l'innovation, avec une prise de risque sur des technologies nouvelles, tandis que l'APE se charge plutôt de la stratégie souveraine de l'État. La CDC, Bpifrance et l'APE se rencontrent d'ailleurs très régulièrement afin de coordonner leurs choix.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. - La doctrine est peu à peu améliorée et complétée par les valeurs de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), ainsi que par des notions telles que la résilience.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 heures.

Projet de loi de finances pour 2026 - Missions « Gestion des finances publiques », « Transformation et fonction publiques », « Crédits non répartis » - Compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Culture » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

- Présidence de M. Michel Canévet, vice-président -

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Travail, emploi et administration des ministères sociaux » (et articles 80 et 81) - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 11 h 15.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Administration générale et territoriale de l'État » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 11 h 15.

La réunion est ouverte à 14 heures.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Sport, jeunesse et vie associative » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Engagements financiers de l'État » - Comptes de concours financiers « Accords monétaires internationaux » et « Prêts et avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 15 h 40.

Vendredi 14 novembre 2025

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 10 h 00.

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2026 - Examen du rapport pour avis (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Santé » - Examen du rapport spécial (sera publié ultérieurement)

Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 11 h 35.