Allocutions de M. Christian Poncelet, Président du Sénat à l’issue du déjeuner offert par le Baillif de Guernesey
Monsieur le Bailliff,
Messieurs les Élus,
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Si je ne craignais de vous blesser, je serais tenté de dire a l’issue de ce déjeuner, tout à la fois plantureux, délicieux et sympathique, que mes collègues et moi-même avons eu l’impression de nous sentir en France.
De nous sentir en France mais aussi d’être très proches de vous, car nous sommes, nous les sénateurs, comme vous, des représentants du terrain et, en tant que tels, très insérés dans la vie locale.
Des manifestations comme celle d’aujourd’hui, évoquent pour nous ces réunions de travail qui se concluent toujours par un déjeuner. La convivialité est, en effet, pour nous, comme pour vous je crois, une dimension essentielle de la politique.
Si Guernesey est proche de la France, sachez que le Sénat est, de son côté, un peu anglais… Aux grandes proclamations, nous préférons la réalité, le pragmatisme et le travail.
Notre Assemblée elle-même, beaucoup plus que l’Assemblée Nationale, fait une large place, à côté de son règlement, à la coutume et aux usages. C’est un lieu où les hommes et les femmes se respectent et où la tolérance, " ce commencement de fraternité ", selon Victor Hugo, est notre première valeur commune.
Notre délégation, qui représente tous les groupes politiques, en est le témoignage.
Notre Assemblée est aussi parfois, il faut le dire, dans cette atmosphère prestigieuse mais feutrée du Palais du Luxembourg, un lieu de non-dit. Les sénateurs pratiquent ainsi "l’understatement "…
Je voudrais surtout, Monsieur le Baillif, vous dire combien nous avons été séduits par votre île.
Nous qui sommes attachés à l’agriculture, nous sentons la richesse de cette terre " si hospitalière aux fleurs " et nous imaginons volontiers la profusion de sa nature au printemps.
Victor Hugo a chanté Guernesey, il lui a dit sa reconnaissance ; c’est en elle qu’il a puisé la force et l’inspiration pour écrire ou achever ses œuvres les plus marquantes. Comme il le disait " les vers sortent en quelque sorte d’eux-mêmes de cette splendide nature ".
C’est dans cet écrin que la légende du siècle a forgé sa philosophie politique et sociale.
Plus tôt qu’un autre, Victor Hugo a fait que français et anglais, ces deux peuples qui ont fait l’histoire, se connaissent mieux. C’est grâce à lui que nous sommes ici et que nous avons eu l’honneur et l’immense plaisir de faire votre connaissance.
Ne serait-ce que pour cette raison, Victor Hugo mérite d’être remercié. Mais c’est vous, vous qui avez su l’accueillir, qui méritez ces remerciements. Vous avez montré une fois de plus la générosité des habitants des îles. " Tous les archipels sont des pays libres. Mystérieux travail de la mer et du vent ". Merci d’avoir atténué l’exil de Victor Hugo, de lui avoir offert un cadre propice à l’expression de son génie littéraire et à la conception de sa philosophie politique.
Je n’oublie pas non plus qu’il a planté sur votre île, le 14 juillet 1870, le chêne des États-Unis d’Europe, image de l’avenir et, j’en suis sûr, de notre destin commun.
C’est donc au nom de cette patrie commune, l’Europe, que je lève à nouveau mon verre et souhaite à Guernesey de trouver dans le cadre des institutions britanniques et européennes la place qui concilie son désir du développement et le respect de son identité et de son originalité.