Mers el Kébir, 3 juillet 1940 Les cuirassés et contre-torpilleurs au mouillage, la veille de l'agression anglaiseLe journal de bord se clot sur ce que Monnerville nomme " l’agression anglaise " du 3 juillet 1940. L’armistice avait assigné Mers-el-Kebir à cette partie de la flotte, comme port d’attache.

Vingt-cinq photographies illustrent les huit feuillets de texte. Vers la fin, Monnerville note que le cuirassé " Provence " est touché, qu’il s’enfonce, s’échoue et flambe. Le bâtiment est évacué à partir de vingt-deux heures. Il écrit : " L’équipage crie : Vive la France ! Pour l’Amiral : hip, hip, hip, hourra ! ". Puis, c’est la liste des pertes dans les équipages et les photos des obsèques.

Dans ses mémoires, Gaston Monnerville reprendra le récit de

Mers-el-Kebir et en donnera une version beaucoup plus travaillée. Et nuancée. Sa hauteur de vues, sa prise en compte des intérêts légitimes de la Grande-Bretagne, ses observations sur les préjugés politiques de l’Etat-Major français, ne seront pas toujours appréciées de ses anciens compagnons d’armes.

Modernisée et fortement augmentée, la flotte avait une valeur militaire primordiale et représentait un enjeu capital. Hitler la redoutait à juste titre. La jonction de cette flotte à la Royal Navy aurait été, pour le Führer, une catastrophe qu’il fallait empêcher à tout prix. Le prix qu’il consentit fut la " zone libre ". Une clause de l’Armistice disposa que la flotte des armées ne serait pas livrée aux puissances de l’Axe. Par là, Hitler écartait toute tentation, pour le Gouvernement français, de rallier Londres, en emmenant la flotte.

En sens inverse, évidemment, la Grande-Bretagne craignait que l’Allemagne ne s’emparât finalement de ces précieux navires. Churchill prit les devants. Mers-el-Kebir fit la preuve de son inflexible détermination. Et le signal était peut-être aussi destiné à Hitler.

Il est probable que Churchill désirait beaucoup moins anéantir la flotte française, qu’obtenir son ralliement, car cet appoint eût été un atout de très grand poids, dans la maîtrise des mers.

Gaston Monnerville indique que, quelques heures avant l’attaque anglaise, le contre-amiral affecté à bord du " Provence " avait interrogé les officiers. Monnerville, ayant critiqué l’ultimatum anglais, mais approuvé l’idée de rejoindre la Grande-Bretagne, l’amiral répliqua " Mais vous ne voyez pas, Monsieur, que ce sont les Juifs et les francs-maçons de Londres qui veulent à tout prix détruire la flotte française ! ".