Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Récidive (Candidatures à la CMP)

Organisme extraparlementaire (Candidature)

Dialogue social et continuité du service public de transport (Urgence - Suite)

Discussion des articles (suite)

Article 6

Article 7

Articles additionnels

Article 8

Organisme extraparlementaire (Nomination)

Commission mixte paritaire (Récidive - Nomination)

Dialogue social et continuité du service public de transport (Urgence - Suite)

Discussion des articles (suite)

Interventions sur l'ensemble




SÉANCE

du jeudi 19 juillet 2007

8e séance de la session extraordinaire 2006-2007

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Récidive (Candidatures à la CMP)

M. le président. - M. le président du Sénat a reçu la demande de constitution d'une CMP sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. La commission des Lois a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente. La liste a été affichée et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

Organisme extraparlementaire (Candidature)

M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein du comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. La commission des finances propose la candidature de M. Yves Fréville. Cette candidature a été affichée et sera ratifiée s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Dialogue social et continuité du service public de transport (Urgence - Suite)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion des articles du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Discussion des articles (suite)

Article 6

Au-delà de huit jours de grève, une consultation peut être organisée par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative. Elle est ouverte aux salariés qui sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis et porte sur la poursuite de la grève. Les conditions du vote sont définies, par l'entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'entreprise en informe l'inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.

M. Michel Teston. - L'article 6 autorise une consultation sur la poursuite ou non de la grève quand celle-ci dure déjà depuis 8 jours. Le droit de grève est un droit individuel ; son exercice serait en quelque sorte soumis à une décision collective. Certes, il en est déjà ainsi en pratique, et ce n'est pas choquant, surtout si cela permet de sortir du conflit. Mais est-ce à la loi de l'officialiser ? Les consultations en période de grève se font à main levée : certains en tirent la conclusion que les salariés ne se prononcent pas en toute liberté. Une consultation à bulletin secret ne garantit pas, cependant, que tout salarié sera vraiment maître de sa décision : le bulletin secret n'empêche pas les pressions mais peut compliquer le dialogue social. Les modalités de cette consultation sont très imprécises, chaque entreprise est laissée libre de définir les conditions du vote.

Mme le Rapporteur propose de désigner un médiateur dès le début de la grève. Mais si les salariés se sont mis en grève, c'est que les négociations n'ont pas abouti ; il est donc peu probable qu'ils acceptent immédiatement la désignation d'un médiateur. En revanche, la désignation de ce médiateur prend tout son sens lorsque le mouvement dure depuis 8 jours.

M. le président. - Amendement n°33, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Le recours au suffrage universel est considéré comme indiscutable en matière politique, même si la manière dont les choses sont présentées entraîne parfois des effets inattendus. Dans l'entreprise, s'il s'agit de demander au personnel de se prononcer à froid sur le contenu d'un accord, la démocratie directe s'exerce dans des conditions sereines. Le débat peut avoir lieu comme dans la démocratie politique et chacun se détermine finalement dans le secret de l'isoloir.

Mais le projet de loi propose en réalité strictement l'inverse ! La consultation sera organisée au plus fort de la crise. Or quand les salariés se mettent en grève, c'est que leur détermination est vive, c'est aussi que l'état des relations sociales dans l'entreprise était très dégradé...

Bien entendu, la consultation est une faculté, un pari. Mais dans un climat lourd, ce remède sera pire que le mal. Un résultat de la consultation très négatif pour l'employeur obèrera toute tentative de dialogue. Laissons une certaine latitude à l'employeur, évitons de le placer dans une situation intenable.

Et si un accord a été trouvé, une consultation est tout à fait superflue. La grève prend fin parce qu'une majorité se dessine très vite en assemblée générale en faveur de la reprise du travail. Les syndicats savent expliquer ce qu'ils ont pu obtenir et s'abstiennent de conduire les salariés dans des impasses.

Mais cet article parie sur les difficultés financières qui peuvent apparaître dans certaines familles, d'autant plus rapidement que les salaires dans les services de transport public ne sont pas élevés... Dans la plus pure tradition réactionnaire, vous cherchez à exploiter ces problèmes. La consultation a pour but essentiel de diviser et d'opposer les plus déterminés et les plus en difficulté. II s'agit de casser toute dynamique revendicative en pariant sur le découragement et la soumission. L'employeur pourra aussi jouer sur d'éventuelles divisions syndicales. Sinon, pourquoi préciser qu'une seule organisation peut demander une consultation ?

Au demeurant, quelle sera la portée juridique du vote ? La grève est un droit individuel. Il ne saurait être soumis à une décision collective. Votre rédaction précise, avec prudence, que « le résultat de la consultation n'affecte pas l'exercice du droit de grève ». C'est une évidence. La cour de cassation, dans ses arrêts de 1985 et 1987 a bien précisé que « malgré un vote en faveur de la reprise du travail, une fraction minoritaire peut poursuivre la grève ». La cour a également indiqué que, lorsque les revendications ont été considérées comme satisfaites par la majorité du personnel, la grève ne saurait être poursuivie par une minorité « sans revendications nouvelles ». Rien n'empêchera donc une minorité de poursuivre la grève au motif de revendications non satisfaites. Vous conduisez les entreprises dans une impasse juridique, le résultat du vote n'ayant pas de portée contraignante. La disposition proposée ici est donc inutile et démagogique. Sur le plan pratique, elle est un piège. Des réactions jusqu'auboutistes sont possibles. Les effets pervers sont nombreux.

Le respect et l'écoute des salariés sont un moyen beaucoup plus responsable et efficace de prévenir les conflits que ces mesures de contrainte qui interviennent trop tard, dans un climat dégradé. Pour les employeurs comme pour les syndicats et les salariés, elles ne feront que rendre les choses plus difficiles. L'intitulé du projet de loi apparaît comme une antiphrase : vous créez un obstacle au dialogue social et provoquerez de sévères interruptions du service public. Je demanderai un scrutin public.

M. le président. - Amendement identique n°72, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Michel Billout. - Votre nouvelle disposition n'a d'autre objet que de faire pression, d'intimider et de diviser les salariés. Le résultat du vote, on l'a dit, ne sera pas contraignant et la consultation est facultative. A quoi sert donc une telle mesure sinon à stigmatiser un peu plus les grévistes ?

S'il appartient à la direction de l'entreprise d'organiser et définir les modalités de cette consultation, l'accent sera mis sur l'aspect symbolique et la direction cherchera à faire pression sur chaque agent. Je doute beaucoup que l'entreprise puisse disposer d'une telle compétence : est-ce à elle de définir une modalité de l'exercice du droit de grève ?

L'objet de cette consultation ne nous paraît pas non plus satisfaisant. En effet, elle porte sur l'opportunité ou non de continuer le mouvement de grève et non sur les revendications portées par les grévistes.

Outre qu'elle est inutile, cette mesure détériorera le climat social dans l'entreprise, qui se transformera en suspicion généralisée. Les syndicats eux-mêmes organisent régulièrement un vote sur la reconduction ou non du mouvement. Cette mesure est donc redondante. Les consultations organisées par les syndicats sont plus légitimes, car il appartient aux grévistes et aux organisations syndicales qui soutiennent la grève de décider sa reconduction ou non.

M. le président. - Amendement n°11 rectifié, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

I. - Dès le début de la grève, les parties au conflit peuvent décider de désigner un médiateur, choisi d'un commun accord, aux fins de favoriser le règlement amiable de leurs différends. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail. Il veille à la loyauté et à la sincérité de la consultation éventuellement organisée en application du II du présent article.

II. - Au-delà de huit jours de grève, l'employeur, une organisation syndicale représentative ou le médiateur éventuellement désigné par les parties peut décider l'organisation par l'entreprise d'une consultation sur la poursuite de la grève, ouverte aux salariés concernés par les motifs mentionnés dans le préavis. Les conditions du vote sont définies, par l'entreprise, dans les vingt-quatre heures qui suivent la décision d'organiser la consultation. L'entreprise en informe l'inspecteur du travail. La consultation est assurée dans des conditions garantissant le secret du vote. Son résultat n'affecte pas l'exercice du droit de grève.

Mme Catherine Procaccia , rapporteur - Cet amendement est l'un des plus importants du texte. Il mentionne le médiateur qui ne figurait pas dans le projet du gouvernement. La médiation est déjà répandue dans le monde du travail. Nous proposons de l'introduire dans le dispositif, mais de façon plus souple que ce qui est prévu par le code. Ce sont les parties elles-mêmes qui vont désigner le médiateur. Les syndicats que nous avons entendus ont demandé un garant et ils ont trouvé cette idée du médiateur intéressante, d'autant qu'elle met à égalité les syndicats et les employeurs. Je sais que telle était bien l'intention du gouvernement, mais elle n'était pas formulée de façon aussi claire et précise. Nous avons modifié le dispositif de telle sorte que les employeurs et les syndicats représentatifs, ainsi que le médiateur, puissent demander cette consultation. Bien entendu, le vote doit avoir lieu à bulletin secret. Le médiateur est là pour apaiser, afin que très vite, l'on essaie de trouver un terrain d'entente.

M. le président. - Sous-amendement n°35 à l'amendement n°11 rectifié de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. Au début du I de l'amendement n° 11, remplacer les mots :

Dès le début de la grève

Par les mots :

Au delà de huit jours de grève

II. Dans le II du même amendement, remplacer les mots :

une organisation syndicale représentative ou le médiateur

par les mots :

les organisations syndicales représentatives et le médiateur

M. Michel Teston. - Ce sous-amendement propose de repousser au huitième jour de grève la désignation du médiateur. Il n'est pas logique de prévoir que les salariés qui ont eu la détermination de se mettre en grève, malgré les obstacles auxquels ils doivent faire face, puissent accepter, dès le premier jour de grève, de désigner un médiateur.

En revanche, si la situation est toujours bloquée, à l'issue de la première semaine, au point qu'il n'y ait plus de dialogue direct entre les employeurs et salariés, il est bon de permettre la consultation directe des salariés, dans la clarté et dans un climat apaisé. Il est souhaitable que l'ensemble des parties au conflit décident conjointement de l'organisation d'une telle consultation : l'employeur, les organisations syndicales représentatives dans l'entreprise -et non pas elles seules- ainsi que, le cas échéant, le médiateur. Ainsi, nous éviterons tout soupçon quant aux modalités de vote. Car la consultation ne doit pas ajouter un sujet de conflit de plus. Il importe que les salariés soient consultés sur un texte ou un projet d'accord, c'est-à-dire sur un contenu que les parties leur présentent. Une grève ne doit pas se terminer sur un sentiment de défaite, de rancoeur, d'amertume. Il faut savoir gérer un conflit dans un esprit où chacun obtienne quelque chose : c'est fondamental pour les salariés et pour l'entreprise. Hélas, les auteurs du projet de loi veulent ignorer ces aspects essentiels.

M. le président. - Sous-amendement n°86 à l'amendement n°11 rectifié de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. About et les membres du groupe UC-UDF.

Compléter le I de l'amendement n° 11 rect. par une phrase ainsi rédigée :

Il facilite la mise en oeuvre du plan de transport adapté en incitant les parties à maintenir le plus haut niveau de service compatible avec l'exercice du droit de grève.

M. Philippe Nogrix. - Après l'amendement n°6, l'amendement n°11 est un autre pilier du texte. Il confère au médiateur une prérogative supplémentaire, pour essayer d'encourager les salariés à la reprise du travail, tout en restant solidaires du mouvement. Dans une entreprise où se déroule un conflit, le médiateur joue un rôle de facilitateur, pour permettre aux parties de retrouver le chemin du dialogue pacifique, de telle sorte que le conflit cesse le plus rapidement possible.

M. le président. - Amendement n°34, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

Au delà de huit jours de grève, l'inspection du travail peut décider d'enclencher une procédure de médiation aux fins de favoriser le règlement amiable du conflit. Le médiateur dispose, pour exercer sa mission, des pouvoirs mentionnés à l'article L. 524-2 du code du travail.

Mme Gisèle Printz. - Notre amendement propose de revenir aux procédures prévues par le code du travail en matière de règlement des conflits collectifs. Le code du travail prévoit déjà une procédure de médiation. Pourquoi le projet de loi n'y fait-t-il pas référence ? En réalité, l'objectif du texte n'est pas tant de mettre fin au conflit que de contourner les partenaires sociaux, au risque que le conflit se termine en laissant des conséquences durablement négatives pour l'entreprise.

Nous proposons au contraire de faire en sorte que l'intervention de la médiation, conformément au code du travail, permette de remettre les parties en négociation. La médiation doit en effet permettre une approche et une écoute nouvelles. Mais notre amendement prend en compte le fait que la procédure de médiation telle qu'elle est prévue par le code du travail est trop lourde et complexe.

Permettre directement aux parties de désigner un médiateur risque de créer une nouvelle difficulté. Il faut trouver une solution efficace : nous proposons que le médiateur soit désigné par l'inspection du travail. Cela permet de préserver une approche neutre, locale, de la part de quelqu'un qui connaît déjà l'entreprise et les protagonistes du conflit. La désignation se fait sous la garantie que le médiateur soit choisi sur une liste prévue à cet effet.

M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Portelli et plusieurs de ses collègues.

Dans la première phrase de cet article, remplacer le mot :

peut

par le mot :

doit

M. Laurent Béteille. - La consultation est très utile : elle permet aux employeurs des services publics de transport et aux organisations de salariés de disposer d'une information capitale sur la poursuite du mouvement. Nous souhaitons la rendre obligatoire et non pas facultative.

M. le président. - Amendement n°36, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :

par l'employeur, de sa propre initiative ou à la demande d'une organisation syndicale représentative

par les mots :

conjointement par l'employeur et les organisations syndicales représentatives

M. Jean-Pierre Godefroy. - Il est défendu.

M. le président. - Amendement n°37, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la deuxième phrase de cet article, remplacer les mots :

sont concernés par les motifs mentionnés dans le préavis

par les mots :

ont été consultés sur leur intention de participer à la grève

M. Jean-Pierre Godefroy. - Cet amendement fait suite aux questions que je vous ai posées en commission et auxquelles vous n'avez pas répondu, monsieur le ministre. C'est un amendement technique qui doit permettre un échange. C'est un amendement d'équilibre et de précision. Il s'agit de faire en sorte que les salariés consultés sur la poursuite de la grève soient ceux à qui l'on aura précédemment demandé s'ils avaient l'intention de participer à la grève.

La rédaction actuelle, qui fait référence aux motifs du préavis, peut en effet permettre une consultation large, bien au-delà des grévistes. Les salariés qui n'auraient pas été concernés directement par le conflit -et n'auraient donc pas de raison de se mettre en grève- pourraient être interrogés sur la reprise du travail des salariés concernés par la grève. Cette imprécision pourrait être corrigée par une légère modification du texte.

Monsieur le ministre, je vous ai posé la question en commission et hier soir en séance et vous ne m'avez pas répondu... M'écoutez-vous ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Mais oui, je vous entends, j'essayais de convaincre le président de la commission !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Si vous le dites... Ce n'est pas la seule question que j'ai posée ! Il y en a en effet une autre : comment sait-on quels salariés participent ou non à la grève ? Sur la foi d'une déclaration verbale ou d'un document écrit ? On risque d'engager l'entreprise dans un processus difficile ! Existera-t-il un document, un procès-verbal, qui puisse engager la responsabilité personnelle des salariés ?

M. Philippe Nogrix. - On a déjà parlé hier soir !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Mais je répète que je n'ai pas eu de réponse ! C'est un problème important, qui nécessite qu'on y passe plus de cinq minutes et que le ministre m'écoute ! Procédera-t-on verbalement ou par écrit ? Il est d'autant plus important de le savoir qu'une sanction disciplinaire peut être encourue. Et pour l'entreprise, l'article 226-13 du code pénal s'applique. Chaque entreprise décidera-t-elle des sanctions disciplinaires applicables ? Dans ce cas, ce devrait être précisé dans la loi. Les sanctions peuvent aller du simple au quintuple ! Tout cela mérite d'être précisé, avant que le texte soit adopté !

M. Michel Teston. - S'il l'est !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Avec votre soutien ? (Sourires)

M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par M. Portelli et plusieurs de ses collègues.

Dans la dernière phrase de cet article, après le mot :

exercice

insérer le mot :

individuel

M. Laurent Béteille. - Il convient de rappeler que l'exercice du droit de grève est individuel.

M. le président. - Amendement n°23, présenté par M. Portelli.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Si une majorité de travailleurs concernés a voté la reprise du travail, le fait d'empêcher celle-ci tombe sous le coup de l'article 431-1 alinéas 1 et 2 du code pénal.

M. Laurent Béteille. - Cet alinéa rappelle que l'entrave à la reprise du travail tombe sous le coup du code pénal.

Mme Catherine Procaccia , rapporteur - Sur les amendements de suppression, avis naturellement défavorable. L'article 6 est un élément fort du projet, approuvé par les Français et par les salariés. Cette consultation a une portée indicative et elle est facultative, je ne vois donc pas pourquoi elle suscite l'ire de nos collègues...

Défavorable au sous-amendement n°35 : on est déjà en période de conflit, pourquoi en rajouter ? La commission n'a pas étudié le sous-amendement n°86 : sagesse. Défavorable à l'amendement n°34 : pourquoi laisser s'enliser un conflit ? Le choix du médiateur peut-être plus rapide et local.

L'amendement n°20 rectifié de M. Béteille est incompatible avec celui de la commission...

M. Laurent Béteille. - J'en fais un sous-amendement. Ainsi, j'aurai au moins des arguments !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Vous instaurez une obligation qui fait perdre une souplesse à laquelle nous tenons. Défavorable, comme au 36, qui est contraire à la logique de notre amendement. Sur le 37, nous nous en remettons à l'avis du gouvernement.

La précision apportée par le 21 rectifié ne nous paraît pas indispensable. Sagesse. Défavorable, en revanche au 23 rectifié qui est dangereux : il signifie a contrario que la liberté du travail n'est protégée que si la majorité des salariés sont contre la grève.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous sommes opposés aux amendements de suppression car nous tenons à ce que l'état d'esprit des salariés soit connu dans la transparence et la sérénité.

La première partie de l'amendement de la commission nous convient mais pas la seconde, qui instaure une compétence liée ; sagesse, donc. Défavorable à l'amendement n°35 pour les mêmes raisons que la commission.

Le médiateur a une fonction sociale, pas organisationnelle ; il ne s'agit pas d'exonérer l'entreprise de ses responsabilités, c'est à elle de faire le boulot ! Retrait du sous-amendement n°86 ?

Défavorable à tous les autres... À propos des amendements n°36 et 37, je dirai qu'il s'agit de l'ensemble du personnel concerné par le préavis de grève. À M. Béteille, je répondrai que rappeler le caractère individuel de la grève peut poser des problèmes juridiques sachant que la grève est nécessairement collective. L'entrave à la liberté du travail est déjà sanctionnée par les tribunaux ; la jurisprudence est abondante et claire.

A la demande du groupe socialiste, les amendements identiques n°33 et 72 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 123
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

Le sous-amendement n°35 n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°86 est retiré, ainsi que le sous-amendement n°20 rectifié bis.

L'amendement n°11 rectifié est adopté et devient l'article 6

Les autres amendements deviennent sans objet.

Article 7

Tout usager du service public de transport a le droit de disposer, en cas de perturbation du trafic, d'une information précise et fiable sur le service assuré, dans les conditions prévues par le plan d'information des usagers prévu à l'article 4. Lorsque la perturbation présente un caractère prévisible ou résulte d'une grève, cette information doit être assurée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation ou de la grève.

Il appartient à l'entreprise de transport de garantir, par tout moyen d'information, l'effectivité de ce droit.

M. Alain Gournac. - Ce matin, la commission des affaires sociales était réunie dès 9 h 30 pour étudier un dossier très important, et puis voilà que nous devons quitter cette réunion pour venir nous exprimer en séance publique. Il faudrait que l'on songe à mieux organiser notre travail ! La Conférence des Présidents devrait veiller à ne pas nous imposer de telles situations. Je pense exprimer une position générale. (Approbation sur la plupart des bancs)

M. le Président. - Hier soir, la Conférence des Présidents a évoqué cette question ; ce n'est évidemment pas la première fois qu'une telle concomitance se produit. Mais votre suggestion est fort opportune.

M. Alain Gournac. - J'ai évoqué dans la discussion générale, en présence de M. le ministre des transports, plusieurs incidents survenus sur notre réseau ferré ; je n'ai pas à cette occasion mis en cause la SNCF, mais souligné la nécessité d'une information des usagers, qui sont des clients ayant payé leur voyage. En cas de problème, le chef de gare se cache, car il ne sait pas quoi dire. Certes, en cas de panne électrique, les micros ne fonctionnent pas, mais les contrôleurs pourraient passer dans les wagons. Je sais que M. Bussereau a demandé une enquête à la SNCF sur les faits que j'ai mentionnés ; je l'en remercie. Quand les choses vont bien, il faut savoir le dire. (Marques d'approbation à droite et au centre)

M. Xavier Bertrand, ministre. - A aucun moment le gouvernement n'a souhaité jeter la pierre à qui que ce soit. L'amélioration du service public est un objectif qui doit tous nous rassembler. C'est notre culture de l'information qui est défaillante. La réaction spontanée des voyageurs est de s'en prendre à la première personne qu'ils rencontrent ; mais peut-on en vouloir à un contrôleur qui n'a pas été convenablement formé ?

Il faut faire passer le message, tant à l'opinion qu'aux agents, que nous entendons améliorer le service public. Les entreprises de transport doivent faire des efforts significatifs. Avec ce texte, nous voulons faire émerger un véritable droit à l'information des usagers, dans le domaine qui nous occupe comme dans d'autres. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Billout. - Pourquoi le champ d'application de l'article 7 est-il limité aux perturbations prévisibles ? Les usagers ne sont jamais si bien informés qu'en cas de grève ! Je n'ai pas entendu M. Bussereau demander des informations à Mme Idrac sur les pannes de matériels et les suppressions inopinées de trains qui sont pourtant nombreuses. Comment pourrait-il en être autrement alors que les agents sont toujours moins présents dans les gares et les voitures ? Et comment, faute d'informations officielles, « les salariés qui se lèvent tôt » peuvent-ils justifier auprès de leurs employeurs leurs retards répétés sans risquer la perte de leur emploi ? Un usager de la ligne Paris-Provins -la ligne d'Ile-de-France qui fonctionne le plus mal, ce n'est pas le député-maire de Provins qui me démentira, lui qui, en tant que ministre, n'a guère fait avancer le dossier- me faisait remarquer récemment qu'il faisait ses heures supplémentaires sur le quai de la gare ... sans « être payé plus », évidemment.

L'article 7 n'a qu'un but : retirer à la grève son caractère spontané ; il n'est pas de nature à calmer la colère des usagers. C'est une nouvelle occasion manquée : il eût fallu contraindre les entreprises de transport à informer de façon permanente et à investir. (Applaudissements à gauche)

Mme Bariza Khiari. - Sous couvert de laisser toute leur place à la concertation et à la médiation, vous voulez mettre en cause le droit de grève. D'importants progrès ont pourtant été réalisés avec le soutien des organisations syndicales pour anticiper les conflits, mieux prévoir le trafic et informer les usagers. La conflictualité a fortement baissé et les grands mouvements de grève sont moins souvent catégoriels que de protestation contre des décisions gouvernementales. L'instauration d'un service minimum prépare en réalité de mauvais coups contre les droits acquis, dont les régimes spéciaux de retraite. C'est oublier que la liberté ne se laisse jamais enfermer.

Mme Bernadette Dupont. - Je vous livre une information de première main : les clients d'un TGV Toulon-Paris ont été avertis du retard qu'ils subiraient dès le départ du train. Nos remarques ont porté.

M. le président. - L'idéal serait de pouvoir prévoir les incidents ... (Sourires)

M. Jean Desessard. - Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas déposé un texte général sur l'information des usagers ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Lisez le projet de loi !

M. Jean Desessard. - Les grèves représentent 3 % des dysfonctionnements ; et votre texte ne règle pas la question des grèves émotionnelles. Vous parler d'information, mais vous n'apportez pas de réponses !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Mais si !

M. Jean Desessard. - Votre objectif n'est pas l'amélioration du service public, mais la remise en cause du droit de grève.

M. Charles Revet, président de la commission. - M. Desessard a participé aux travaux de la commission spéciale ; a-t-il pour autant bien lu le texte, qui lui donne totale satisfaction ?

M. le président. - Amendement n°12, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

En cas de perturbation du trafic, tout usager a le droit de disposer d'une information précise et fiable sur le service assuré. Le plan d'information des usagers visé à l'article 4 doit permettre le plein exercice de ce droit.

En cas de perturbation prévisible, l'information aux usagers doit être délivrée au plus tard vingt-quatre heures avant le début de la perturbation.

L'entreprise informe immédiatement l'autorité organisatrice de toute perturbation ou risque de perturbation.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Nous entendons améliorer l'information des usagers en cas de perturbation du trafic, et non plus seulement en cas de grève. J'ai été responsable de la communication interne d'une entreprise, je sais l'efficacité des systèmes d'information, lorsqu'ils existent. Mais les autorités organisatrices ne peuvent en exiger la mise en place.

M. le président. - Sous-amendement n°50 rectifié à l'amendement n°12 de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par MM. Beaumont, Courtois, Houel, Pierre et Portelli et Mme Gousseau.

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 12 pour cet article, par une phrase ainsi rédigée :

Au cas des transports scolaires, cette information est délivrée au plus tard une heure avant l'horaire de passage.

M. René Beaumont. - L'excellent amendement du président Revet a fait prévaloir l'information en amont, mais j'avais prévenu hier soir que je reviendrais à la charge. En milieu rural, où les grèves sont rares...

M. René Beaumont. - ...une information des familles, en aval, est indispensable car, en cas de non-fonctionnement des transports scolaires, les enfants restent au bord de la route alors que leurs parents sont déjà partis au travail. Cet amendement d'appel est indispensable d'un point de vue sécuritaire même s'il subirait les foudres d'un article 40 protecteur des collectivités locales. Mais le Parlement peut-il se désintéresser du sort de ces enfants ?

M. Jean Desessard. - Non !

M. René Beaumont. - Un tiers des départements se sont déjà dotés d'un dispositif d'alerte particulièrement performant. Celui que j'avais moi-même expérimenté est relativement coûteux mais la vie d'un enfant n'a pas de prix.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Je partage vos préoccupations, mais on ne peut imposer aux collectivités locales et aux autorités organisatrices de transports une telle obligation. Je suis donc défavorable à cet amendement d'appel que vous expliquez si bien : vous devriez le défendre devant les élus locaux !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Avis favorable à l'amendement 12. Je suis un peu démuni pour répondre à M. Beaumont car si son sous-amendement, inspiré par un événement tragique, répond à un besoin de sécurisation, il aboutirait à diminuer le délai d'information que nous avions fixé à vingt-quatre heures. Comment alors saurais-je que ma fille n'a pas pu aller au collège ? Peut-être pourra-t-on le rectifier d'ici la commission mixte paritaire. En l'état, je suis contraint d'y donner un avis défavorable.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - M. Beaumont soulève un vrai problème. Lundi, les maires de petites communes avec lesquels je voyageais en TGV, ont reçu un message sur leur téléphone portable : le préfet les informait qu'une grave perturbation climatique menaçait, de manière qu'ils puissent prendre les dispositions nécessaires. L'entreprise de transport pourrait organiser l'information des maires qui feraient en sorte que les enfants ne soient pas livrés à eux-mêmes. Pouvons-nous réfléchir à une meilleure rédaction d'ici la commission mixte paritaire ?

M. Jean Desessard. - Et payer des portables aux enfants ?

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Ils en ont déjà. Je parle des maires car les parents sont déjà au travail.

M. Michel Houel. - En Seine-et-Marne, le préfet nous prévenait par télécopie. Je suis arrivé à le persuader d'avertir les maires par portable et cela marche depuis deux ans sans incident.

M. René Beaumont. - Je savais bien que la rédaction avait des défauts et, en particulier celui de créer une charge pour les collectivités, mais il faut trouver une solution assez vite et apporter cette sécurité essentielle.

Le sous-amendement 50 rectifié est retiré.

L'amendement 12, adopté, devient l'article 7.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°47 rectifié bis, présenté par M. Haenel et plusieurs de ses collègues.

Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A l'issue de chaque période de grève ou de perturbation prévisible du trafic, l'entreprise de transport établit et communique à l'autorité organisatrice un bilan détaillé de l'exécution du plan de transport adapté, permettant d'apprécier sa conformité avec les moyens en personnel non grévistes ou disponibles.

M. François Gerbaud. - Nous voulons responsabiliser l'entreprise de transport et assurer la transparence de manière incontournable.

M. le président. - Amendement n°48 rectifié ter, présenté par M. Haenel et plusieurs de ses collègues.

Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La convention d'exploitation conclue entre l'entreprise de transport et l'autorité organisatrice définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice est indemnisée en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté ou du plan d'information des usagers.

M. François Gerbaud. - Même souci.

M. le président. - Amendement n°49 rectifié ter, présenté par M. Haenel et plusieurs de ses collègues.

Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La convention d'exploitation conclue entre l'entreprise de transport et l'autorité organisatrice définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice est exonérée du paiement du coût du service non effectué.

M. François Gerbaud. - Pourquoi la collectivité supporterait-elle un coût indu ? Mieux vaut réduire les conflits.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Les autorités organisatrices de transport exigeront un tel retour : je serais favorable au premier sous-amendement si vous le complétiez pour viser également le plan d'information.

M. François Gerbaud. - Accepté !

M. le président. - Ce sera le sous-amendement 47 rectifié ter.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Je demande le retrait des amendements n°s 48 rectifié ter et 49 rectifié ter car ce type de compensation est déjà prévu dans les plans actuels, par exemple en Ile-de-France.

De plus, ce projet de loi est centré sur les usagers : ce sont eux qui sont prioritaires et non les autorités organisatrices de transport.

M. François Gerbaud. - Je me rends aux arguments de notre rapporteur.

Les amendements n°s 48 rectifié ter et 49 rectifié ter sont retirés.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Je vous remercie, monsieur le sénateur : vous me facilitez la tâche. (Sourires)

Je suis favorable à l'amendement n°47 rectifié ter, sous réserve d'une autre rectification : plutôt qu'un bilan grève après grève, je préfèrerais un bilan annuel pour avoir une vraie lisibilité.

M. François Gerbaud. - Je souscris naturellement à cette rectification.

M. le président. - Il s'agit donc de l'amendement n°47 rectifié quater qui se lit ainsi :

L'entreprise de transport établit et communique à l'autorité organisatrice un bilan détaillé annuel de l'exécution du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers, permettant d'apprécier leur conformité avec les moyens en personnel non gréviste ou disponible.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Un bilan immédiat, qui pourrait être très court, aurait permis de tirer les enseignements de la perturbation et d'éviter qu'elle ne se reproduise à l'avenir. Un bilan annuel sera beaucoup plus lourd et nuira à la nécessaire réactivité. Peut-être faudra-t-il revenir sur ce point en commission mixte paritaire. Cela dit, avis favorable.

M. Alain Gournac. - Tout à fait d'accord avec vous, madame ! Un bilan annuel, c'est sympathique, mais une analyse immédiate permettrait d'empêcher que les dysfonctionnements se reproduisent mois après mois. Nous en reparlerons en commission mixte paritaire.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Qu'on me comprenne bien : nous sommes là dans le cadre d'une transmission officielle à l'autorité organisatrice. C'est pourquoi un bilan annuel me semble préférable. Mais cela n'empêche pas une évaluation permanente des perturbations, bien au contraire.

M. Alain Gournac. - Tout va bien, alors.

L'amendement n°47 rectifié quater est adopté et devient un article additionnel.

Article 8

Un décret en Conseil d'État définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice de transport peut imposer à l'entreprise de transport ou mettre à sa charge un remboursement total ou partiel des titres de transport aux usagers en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers prévus à l'article 4.

M. Michel Billout. - Cet article prévoit, en cas de grève, le remboursement du titre de transport si le plan de transport n'a pas été exécuté. Une interruption majeure de service due à une grève est-elle de nature à causer un préjudice plus important que des retards répétés extrêmement préjudiciables aux salariés et aux étudiants ? Sur ma ligne entre Paris et Provins, un tiers des trains sont arrivés en retard en novembre et décembre, et la situation ne s'est pas améliorée depuis. Pour autant, aucun remboursement n'a été accordé par la SNCF.

Bien que ces retards soient prévisibles du fait de la vétusté du matériel, ils ne donneront pas lieu à dédommagement : cet article remet en cause le droit de grève mais n'améliorera pas les conditions quotidiennes de transport des voyageurs, ce qui n'est pas, je vous le concède, le souci du gouvernement.

M. le président. - Amendement n°42, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Michel Teston. - Il convient de supprimer cet article qui s'immisce dans la politique commerciale des exploitants. Est-il normal qu'un décret fixe les termes d'une négociation et d'un accord contractuel ? L'autorité organisatrice et les entreprises doivent définir de concert les éventuels droits à remboursement dans le cadre d'une convention d'exploitation : la diversité des contrats et des politiques commerciales ne permet pas de fixer uniformément les modalités de remboursement des usagers. En outre, il peut parfois incomber à la collectivité de prendre ces frais en charge.

Et puis, quels seront les critères retenus ? S'il est relativement facile d'évaluer le remboursement d'un abonné qui n'a pu se rendre à son travail durant plusieurs journées, il est beaucoup plus délicat d'estimer le préjudice pour un voyageur occasionnel, ou pour une personne qui invoque un dommage dû à un rendez-vous ou un examen raté.

Est-il également normal d'indemniser les perturbations qui relèvent de cas de force majeure ? Ce serait faire peser sur les entreprises, et donc sur la collectivité nationale, les conséquences d'aléas sur lesquels elles n'ont aucune prise. D'ailleurs, la jurisprudence estime que les aléas ne peuvent donner lieu à indemnisation.

En fait, cet article nous met sur la voie d'une judiciarisation à l'américaine où tout est sujet à conflit et à indemnisation.

M. le président. - Amendement n°13, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

En cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté ou du plan d'information des usagers prévus à l'article 4, l'autorité organisatrice de transport impose à l'entreprise de transport, sauf cas de force majeure, un remboursement total des titres de transport aux usagers en fonction de la durée d'inexécution de ces plans.

L'autorité organisatrice de transport détermine par convention avec l'entreprise de transport, les modalités pratiques de ce remboursement selon les catégories d'usagers.

Lorsque des pénalités pour non-réalisation du plan de transport adapté sont par ailleurs prévues, l'autorité organisatrice de transport peut décider de les affecter au financement du remboursement des usagers.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Cet article prévoit que l'indemnisation des usagers sera fixée par décret. Or, comme l'a rappelé le gouvernement à divers reprises, l'usager doit être au coeur de nos préoccupations. Nous le réécrivons afin de conditionner le remboursement à l'usager de ses titres de transport au défaut d'exécution d'un seul des plans mentionnés à l'article 4. Il convient aussi de rendre obligatoire le remboursement des usagers ; et le remboursement du titre de transport sera total, mais calculé en fonction de la durée d'inexécution des plans.

Bien sûr, l'entreprise sera exonérée du remboursement des usagers en cas de force majeure. Nous résolvons également les difficultés touchant aux modalités du remboursement et à l'identification des usagers éligibles.

Enfin, nous prévoyons une participation facultative des autorités organisatrices de transport au financement du remboursement des usagers, grâce aux éventuelles pénalités versées par l'entreprise en cas de non-réalisation du plan de transport.

M. le président. - Sous-amendement n°87 à l'amendement n°13 de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Hérisson et plusieurs de ses collègues.

Au deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n°13 pour cet article, remplacer les mots :

sauf cas de force majeure

par les mots :

quand celle-ci est directement responsable du défaut d'exécution

M. Laurent Béteille. - Il est défendu.

M. le président. - Sous-amendement n°54 rectifié à l'amendement n°13 de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Revet.

Après le troisième alinéa de cet amendement, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

L'usager qui n'a pas pu utiliser le moyen de transport pour lequel il a contracté un abonnement ou acheté un billet a droit à la prolongation de validité de cet abonnement d'une durée équivalente à la période d'utilisation dont il a été privé, ou à l'échange ou au remboursement du billet non utilisé.

Le remboursement est effectué par l'autorité ou l'entreprise qui lui a délivré l'abonnement ou le billet dont il est le possesseur.

M. Charles Revet. - Il s'agit de préciser les modalités de remboursement aux usagers de leurs titres de transport afin que seuls ceux qui ont effectivement payé soient indemnisés.

M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Nogrix.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le même décret définit les conditions dans lesquelles l'autorité organisatrice de transport peut imposer à l'entreprise de transport un dédommagement des prestataires de service ayant subi un préjudice en cas de défaut d'exécution dans la mise en oeuvre du plan de transport adapté et du plan d'information des usagers prévus à l'article 4.

M. Philippe Nogrix. - Il ne faut pas oublier les prestataires de service, qui peuvent avoir engagé des frais.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°42 : l'indemnisation des usagers est au coeur du texte. Par ailleurs, bon nombre d'entreprises de transport n'ont aucun pouvoir tarifaire, à commencer par la RATP.

Avis favorable, à titre personnel, au sous-amendement n°87, ainsi qu'au sous-amendement n°54 rectifié, qui apporte une précision importante.

Je souhaiterais entendre l'avis du gouvernement sur l'amendement n°25 : lorsque j'étais chargée de l'enseignement scolaire, on commandait moins de repas les jours de perturbations et les surveillants des cantines sont presque tous payés mensuellement. Mais peut-être en va-t-il autrement dans d'autres régions.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Défavorable à l'amendement n°42 : je pensais que nous étions d'accord pour consacrer l'émergence d'un droit à l'information, avec ce qui en découle, c'est-à-dire un droit au remboursement.

Très favorable à l'amendement n°13, ainsi qu'aux deux sous-amendements. M. Nogrix, le texte du gouvernement va plus loin que votre amendement : nous proposons le remboursement plutôt que le dédommagement, et nous nous adressons directement au client plutôt qu'au prestataire de service. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°25 est retiré.

L'amendement n°42 n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°87 est adopté, ainsi que le sous-amendement n°54 rectifié et l'amendement n°13, sous-amendé, qui devient l'article 8.

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Je demande une brève suspension de séance pour permettre à la commission spéciale d'examiner un nouvel amendement du rapporteur.

La séance suspendue à midi cinq reprend à midi vingt.

M. Jean-Pierre Godefroy. - J'en appelle à notre Règlement ! Nous venons de vivre un épisode inacceptable. Mme le rapporteur vient de proposer en commission un amendement qui se substitue à un autre, pour l'aggraver. Or, les conditions dans lesquelles la commission a été amenée à se prononcer sont...

M. Jean Desessard. - ...spéciales !

M. Jean-Pierre Godefroy. - L'amendement n'aurait pas eu l'agrément de la commission si seuls les présents avaient voté. Mais, certains collègues de la majorité, pourtant censés ignorer cette réunion impromptue, avaient donné pouvoir. Nous souhaiterions voir vérifiée la légalité de cette procédure. (Applaudissements à gauche.)

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - La commission spéciale s'est réunie tout à fait normalement. Certains collègues, ne pouvant être présents ce matin, s'étaient enquis de savoir qui le serait, et avaient donné pouvoir. C'est là une pratique courante.

Vous me reprochez de n'avoir pas demandé qui était contre l'amendement, mais il a bien été enregistré que le groupe socialiste et le groupe CRC votaient contre et que M. Nogrix s'abstenait. Quant aux quatre pouvoirs que j'ai enregistrés, ils sont tout à fait réguliers.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Ces quatre collègues avaient été informés, pas nous.

M. Jean Desessard. - Certains ont bénéficié d'un préavis ! Une sorte de délit d'initié, en somme. (Exclamations à droite.) Monsieur le Président, pouvez-vous nous rappeler quels sont les règles en matière de délégation de pouvoir ? Peut-on donner mandat le jour même ? La procédure ne doit-elle pas passer devant le Bureau ?

M. le président. - J'ai été saisi, à midi, d'une demande de réunion de la commission. Il n'y a pas lieu de s'en émouvoir : il arrive régulièrement que la commission saisie au fond ait à examiner un amendement en cours de séance.

Le président de séance, vous le comprendrez, n'a pas à vérifier la façon dont les pouvoirs sont déposés, enregistrés, et dont est vérifiée leur validité. Selon les informations dont je dispose, ils ont été déposés régulièrement. Le reste relève du fonctionnement de la commission. Il n'y a rien là d'exceptionnel.

M. Michel Teston. - Ce que nous contestons, c'est la manière qu'a retenue la commission spéciale pour informer ses membres. L'égalité de traitement n'a pas été respectée. Certains, qui ne pouvaient être présents ce matin, ont été informés qu'ils pouvaient donner pouvoir aux présents. Par un malheureux hasard, tous étaient membres de la majorité. Ceux de l'opposition n'en ont rien su.

Mme Annie David. - Nous contestons la méthode. Il n'y a pas à s'émouvoir, soit, d'une réunion en cours de travaux. Mais le procédé témoigne tout de même d'une grande fébrilité.

Nous travaillons dans la précipitation. (Murmures désapprobateurs à droite)

En outre, la communication au sein de la commission est partielle, voire partiale, car nous n'avons pas été informés du dépôt de cet amendement, contrairement à d'autres groupes. La presse annonçait une possible surprise à l'article 9 : la voilà donc. Je regrette que les médias soient informés avant les parlementaires. (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Je m'étonne de cette réaction : Mme le rapporteur a souhaité soumettre son amendement rectifié à la commission, c'est tout à son honneur. Quant aux absents, chacun sait bien que l'on peut donner pouvoir à un collègue !

M. Jean-Pierre Godefroy. - Mme le rapporteur savait qu'elle soumettrait cette nouvelle rédaction et demanderait une réunion de la commission spéciale ; la majorité sénatoriale en a été informée, pas nous. Nous respectons les règles du Parlement, faites de même ! (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet, président de la commission spéciale Ces propos ne sont pas acceptables

M. Jean-Pierre Godefroy. - Je les assume !

Et j'en viens à l'article 9. Bien que relégué en fin de texte, il ne passe pas inaperçu tant il est inutile et provocateur ! Juridiquement, il est superfétatoire puisque le non paiement des jours de grève figure dans la loi de 1982 et dans le code du travail. Sur le plan de la morale, cet article est scandaleux, il tend à faire croire aux usagers que les grévistes sont payés normalement. Les directions de la RATP et de la SNCF ont été obligées de le démentir ! Elles ont rappelé que le contrat de travail est suspendu pendant la grève. Je ne nie pas que dans certains accords de fin de conflit, il peut arriver que les jours de grève soient partiellement pris en charge par l'entreprise : en décembre 1995, à la SNCF, un certain nombre de jours de grèves furent convertis en jours de congé, le reste faisant l'objet de retenues sur salaire étalées dans le temps.

Quoi qu'il en soit, cela relève de la négociation entre les partenaires sociaux. Comment un texte qui prétend l'encourager peut-il poser une telle interdiction ? Il y a là une posture provocatrice et démagogique, visant à dresser les usagers contre les salariés. Votre seul objectif est de stigmatiser, de discréditer le personnel des entreprises de transport. C'est un mépris du droit de grève et une insulte à tous ceux qui subissent des retenues sur leur salaire pour avoir débrayé ! Encore une fois, vous exploitez les rancoeurs de l'opinion et dressez les usagers contre les grévistes. Où est la modernisation du dialogue ? Nous revenons bien plutôt à des temps que l'on croyait révolus. Du reste, l'ensemble des organisations syndicales et le Medef lui-même demandent le retrait de cet article. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - La procédure de réunion de la commission a été régulière et les règles respectées. Il n'y a pas lieu de s'en émouvoir davantage.

Amendement n°38, présenté par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Gisèle Printz. - L'amendement n°14 rectifié dit clairement les intentions cachées du texte initial, lequel énonce une pure évidence. L'employeur est dispensé de payer le salaire, ainsi que ses compléments et accessoires aux salariés ayant cessé le travail. Il ne peut toutefois réduire ou supprimer les primes, l'intéressement et la participation restent dus, selon un arrêt de 2003 de la cour de cassation.

Cet article pervers visait à faire croire à nos concitoyens que le gouvernement allait mettre fin à une pratique scandaleuse, le paiement aux salariés des jours de grève. Allégation mensongère, diffamatoire.

L'article 9 n'a aucun intérêt juridique, mais il offre au rapporteur la possibilité d'interdire désormais l'échelonnement des retenues comme le paiement partiel des jours de grève. En 1995, les retenues avaient été échelonnées sur plusieurs mois. Cette limitation des termes de la négociation constitue une ingérence dans le dialogue entre les partenaires ; elle contredit la jurisprudence de la cour de cassation. Ceux qui, malgré les pressions, chantages, tentatives de divisions, auront persévéré subiront une sanction financière pleine et entière.

Ce texte mérite mal son intitulé, il obère le dialogue social et vise par toutes les manipulations possibles à empêcher l'exercice du droit de grève, sans que jamais soient formulées interdiction ni réquisition. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Amendement identique n°73, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Annie David. - Cet article est pernicieux, il se nourrit de l'idée répandue et entretenue selon laquelle les agents des services publics ne perdent pas un centime quand ils font grève. Le Président de la République clame que payer les grévistes, c'est ne pas respecter celui qui travaille. Méconnaissance incompréhensible, inacceptable de la part des plus hautes instances de l'Etat. Le non paiement des jours de grève figure dans le code du travail depuis la loi de 1982 défendue par M. Le Pors, ministre communiste, qui avait codifié l'exercice du droit de grève dans les services publics...ce qui montre que les communistes ne sont pas opposés à un encadrement du droit de grève pour assurer la continuité du service public. Quelle mauvaise foi ici ! Laisser sous entendre que les agents grévistes n'ont rien à perdre est une atteinte à l'honneur. Ils acceptent de lourdes pertes financières, non pour sauvegarder leur intérêt personnel mais souvent pour la défense du service public. Les revendications satisfaites lors de mouvements sociaux sont des progrès de société pour tous. Bref, nous demandons la suppression de cet article aux relents populistes détestables. Nous ne voterons pas l'amendement de la commission ! (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.

Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 521-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

"Les versements effectués par les entreprises aux salariés, visant à compenser directement ou indirectement la retenue du traitement ou du salaire prévue au premier alinéa, sont réputés sans cause."

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - J'ai tenu à communiquer à la commission l'amendement rectifié pour m'en expliquer, au lieu de me borner à le rectifier en séance...

M. Jean-Pierre Godefroy. - Non pas rectifié, mais falsifié !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - La rectification portait en outre sur la forme uniquement. Vous déplorez qu'on croie que les grévistes sont payés : nous précisons clairement qu'il n'en est rien.

Si je vous comprends bien, il faut forcément sortir d'une grève par un accord financier ! Je suis désolée, mais il y a des grèves qui portent sur les conditions de travail, sur bien d'autres sujets ! (Protestations sur les bancs des groupes CRC et socialiste)

M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Nogrix.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Cependant, la retenue appliquée à la rémunération en question doit être étalée dans le temps selon des modalités déterminées par accord ou convention collective.

M. Philippe Nogrix. - Il ne faudrait pas que notre débat se termine ainsi...

Plusieurs voix sur les bancs socialistes. - A qui la faute ?

M. Philippe Nogrix. - Les gens ne comprennent pas que les conflits qui ont perturbé leur vie quotidienne se terminent par le paiement des jours de grève ! Demandez aux salariés, aux clients, ils seront tous d'accord pour vous dire qu'il ne faut pas le faire. Certes, dans une majorité de cas, le paiement des jours de grève fait partie de la sortie du conflit. Ce n'est pas acceptable, parce que ce n'est pas correct.

Mme le rapporteur a raison : il ne faut pas que l'article L. 521-6 du code du travail soit détourné, comme il l'est trop souvent.

Mon amendement tend à faire en sorte que lorsqu'il y a retenue, celle-ci ne soit pas brutale, mais étalée dans le temps. Mes recherches, mais peut-être n'ont-elles pas été suffisantes, ne m'ont pas permis de trouver de référence réglementaire. Peut-être aurait-il fallu plus de temps pour affiner la rédaction, sans doute le concours de notre commission des lois eût été utile pour nous éclairer. Mais, ayant dit que mon groupe se satisfaisait de l'urgence, je ne voudrais pas retarder l'application de la loi. Je vous demande seulement, monsieur le ministre, de bien préciser, dans votre communication, les raisons pour lesquelles nous avons modifié cet article. Il serait dommage, qu'à l'issue de notre discussion, cet article, qui n'est pas, de loin, le plus important (protestations ironiques sur les bancs socialistes et CRC), obscurcisse l'apport, en particulier, de l'article 6, qui est bien plus important, en faisant passer au second plan le travail que nous avons accompli jusqu'à présent.

Je pensais retirer mes amendements restant en discussion, mais je préfère les maintenir, pour insister sur les avancées que nous avons obtenues et rappeler aux salariés, aux cadres, aux responsables des entreprises, que nous avons travaillé sérieusement.

M. le président. - Amendement n°57, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La rémunération des cadres dirigeants d'une entreprise de transport est réduite en fonction du nombre de jours de grève dans cette entreprise. Les modalités d'application de cette disposition seront précisées par un décret en Conseil d'Etat.

M. Jean Desessard. - Cet amendement devrait plaire au ministre, qui nous a si souvent parlé de culture du résultat ! Le texte en est très clair ! Il prévoit le non-paiement des jours de grève pour les dirigeants de l'entreprise. (Mme le rapporteur s'exclame vivement)

M. Xavier Bertrand, ministre. - Est-ce en fonction de leur participation à la grève ou de leur non-participation ?

M. Jean Desessard. - J'y viens ! Les cadres dirigeants de l'entreprise doivent être rémunérés, pour partie, au résultat. Or, le déclenchement d'une grève est le signe d'un échec de la négociation, dont les dirigeants de l'entreprise sont co-responsables. (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Le recours à la grève n'est pas un caprice de syndicaliste, comme vous l'avez dit ici, mais, souvent, le dernier recours pour les salariés en cas de carence du dialogue social...

M. Josselin de Rohan. - Nous savions que vous étiez un bon vivant, mais alors là !

M. Henri de Raincourt. - En effet !

M. Jean Desessard. - Attendez ! Je cite le président Nicolas Sarkozy : « une grève des services publics, c'est comme dans le privé, un conflit entre employeurs et salariés. Mais, ce ne sont ni les employeurs ni les salariés qui paient le plus, ce sont les usagers. » C'est injuste en effet ! Si les usagers paient en ayant des difficultés de transport, si les grévistes paient en perdant des journées de salaire, en revanche, en l'état actuel du dispositif, les employeurs, eux, ne perdent rien ! (On rit franchement sur les bancs UMP) Il est temps de rétablir la justice et l'égalité ! Je remercie le Président de la République de m'avoir inspiré cet amendement ! (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes et CRC ; protestations ironiques sur les bancs UMP)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur - Avis défavorable aux amendements de suppression. Avis favorable à l'amendement de M. Nogrix, qui répond à une question qu'il a lui-même posée en commission. Je le remercie de préciser les choses clairement. Avis défavorable à l'amendement n°57. Une question : en cas de grève interprofessionnelle ou nationale, quel dirigeant sanctionne-t-on ?

M. Jean Desessard. - Juppé a payé en 95 ! Et Villepin aussi !

M. le président. - Comme l'amendement n°14 rectifié réécrit l'article, il conviendrait de revoir la rédaction de l'amendement n°26, afin de le transformer en sous-amendement et de l'articuler avec la rédaction de l'amendement de la commission.

M. Philippe Nogrix. - Ai-je bien compris ? (Sourires) Soit ! Je vais voir comment le rectifier...

Mme Nicole Bricq. - Vous êtes piégé par l'UMP !

M. le président. - Vous pourrez le faire pendant que le ministre s'exprime...

M. Jean Desessard. - Êtes-vous sûr de n'avoir pas besoin de procuration ?

M. Xavier Bertrand, ministre. - Aux auteurs des amendements de suppression, je dirai que s'ils veulent mettre fin aux rumeurs qui se propagent sur cette question du paiement des jours de grève, il leur faut voter cet article ! Les jours de grève ne sont pas travaillés, et les jours non travaillés ne sont pas rémunérés, un point c'est tout : cela mettra fin à tous les fantasmes, à toutes les supputations sur ce sujet.

La nouvelle rédaction proposée par l'amendement n°14 rectifié est très pertinente, en ce qu'elle ne se contente pas de la réaffirmation d'un principe, mais qu'elle l'applique en droit.

Quant à l'amendement n°57, le gouvernement n'y est pas favorable ! (Marques d'ironie sur les bancs socialistes) S'agit-il de permettre aux dirigeants de faire grève, ce qui est leur droit constitutionnel le plus strict, ou de ne pas faire grève ?

Le gouvernement est défavorable à l'amendement n°26, qui renvoie à la distinction entre « peut » et « doit ». Le « doit » affaiblit la force de la réaffirmation du principe qui est au coeur de l'amendement de la commission. Il faut que les choses soient claires. J'ajoute que l'on n'est pas là dans le domaine de la loi, même s'il s'agit d'une loi-cadre, mais dans celui de l'accord d'entreprise.

Pour en finir avec toutes les rumeurs qui circulent depuis trop longtemps sur ce sujet, il faut s'en tenir à la rédaction de la commission, qui est très claire.

A la demande du groupe socialiste, les amendements n°s38 et 74 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 123
Contre 199

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. - Je vais mettre aux voix le sous-amendement n°26 rectifié, qui se lira ainsi :

Sous-amendement n°26 rectifié à l'amendement n°14 rectifié de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Nogrix.

Compléter l'amendement n°14 rect. par un alinéa ainsi rédigé :

"La retenue appliquée à la rémunération peut être étalée dans le temps selon des modalités déterminées par accord ou convention collective."

M. Xavier Bertrand, ministre. - Je reste défavorable à un texte qui altère le principe.

Mme Nicole Bricq. - Le désaccord entre la commission et le gouvernement prouve bien qu'on va trop vite. Pour une fois, le ministre a raison : le sous-amendement n°26, maintenant rectifié, est en contradiction totale avec l'amendement n°14 rectifié. On modifie le droit d'une manière qui n'a rien de marginale ni de formelle ; c'est bien au fond que l'on touche. Même les chefs d'entreprise pourront désormais être poursuivis ! Je ne comprends pas qu'on maintienne cet oxymore juridique en nous faisant voter contre le sous-amendement n°26 rectifié.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Mettre un accord d'entreprise dans la loi poserait un problème juridique. Que ce soit possible en fait est une chose, que ce soit dans la loi en est une autre. Le sous-amendement affaiblit nettement la portée de l'article.

M. Philippe Nogrix. - Les députés liront nos travaux... Il y a un trouble certain, je préfère soumettre mon sous-amendement au vote.

M. Christian Cointat. - Je comprends tout à fait la position de M. Nogrix : il est clair que les jours de grève n'ont pas à être rémunérés mais rien n'empêche de prévoir un étalement dans le temps, cela incite au dialogue, à la concertation. Je voterai son sous-amendement.

Mme Nicole Bricq. - Tout à l'heure, en commission, M. Nogrix s'est abstenu sur l'amendement n°14 rectifié ; en acceptant son sous-amendement, on donne droit à l'amendement de la commission qui, encore une fois, ne modifie pas la loi à la marge mais de manière fondamentale. Ce qu'elle demande est très grave, c'est pourquoi le gouvernement l'approuve !

Le sous-amendement n°26 rectifié n'est pas adopté.

M. Alain Gournac. Je me suis abstenu.

M. Jean Desessard, M. Jean-Pierre Godefroy, Mme Gisèle Printz. - Nous aussi !

Mme Nicole Bricq. - Quand on compare la version initiale de l'amendement n°14 et sa version rectifiée, il nous est répondu que l'esprit est maintenu. Nous n'en doutons pas : cela reste une vraie provocation à l'endroit des salariés.

Mais ce changement de rédaction, tout de même ! Je suis parlementaire depuis assez longtemps pour trouver normal que la commission, le gouvernement, sa majorité discutent et s'accordent. Mais là, c'est tout autre chose : entre minuit et midi, il s'est passé quelque chose. Il est clair que la rectification a été, comme on dit, puisée à bonne source. Je voudrais qu'on en débatte en séance, qu'on nous dise ce que signifie exactement ce « indirectement ». Faut-il comprendre que des accords conclus pourront faire l'objet de poursuites ? Que n'importe quel requérant pourra en demander la nullité ?

Je doute que Mme Procaccia ait eu une inspiration dans son sommeil, je crois plutôt que cela s'est fait sous l'égide du gouvernement! (Exclamations à droite) La majorité a du mal à tout avaler de ce que propose le président de la République. Il vous faut un texte d'affichage, vous affichez.

M. Alain Gournac. - Nous sommes pour les ouvriers !

Mme Nicole Bricq. - Vous déclarez la guerre aux salariés, libre à vous !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - En commission, j'ai dit que mon amendement n'avait en aucune façon été demandé par le gouvernement. Étiez-vous là ?

Mme Nicole Bricq. - Bien sûr !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - J'ai fait allusion à ce que nous avons découvert au cours des auditions, ces accords de fin de conflit, ces primes qui reviennent à un paiement différé des jours de grève.

M. Michel Billout. - Nous avons été confrontés à un incident prévisible.

Tous les sénateurs auraient donc dû être informés (Marques d'approbation à gauche). Nous ne voulions pas que seule la direction de l'entreprise puisse organiser la consultation ; on voit bien ce qu'il en est ici lorsque la concertation est le fait d'une seule des parties...

L'amendement rectifié de la commission porte gravement atteinte à la liberté conventionnelle. Comment justifier une telle ingérence, sinon, encore une fois, pour faire pression sur les salariés et les dissuader de faire grève ? En privant les parties d'un élément de négociation qui permet parfois une sortie de conflit, l'amendement dégrade un peu plus les relations sociales. La chambre sociale de la Cour de cassation a jugé le 18 mai 2005...

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Justement !

M. Michel Billout. - ...que l'employeur n'était pas tenu de payer les jours de grève, sauf lorsque celle-ci était la conséquence d'un manquement grave et délibéré à ses obligations. Même à cela vous voulez mettre fin ! Nous avons bien compris que certains amendements de la commission ont été déposés à la demande des directions d'entreprise...

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Mais non !

M. Michel Billout. - Celui-ci complique inutilement le droit et porte atteinte au dialogue social. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard. - Les dirigeants des entreprises de transport admettent des compensations, parce qu'ils savent qu'après une grève longue, les salariés peuvent avoir du mal à joindre les deux bouts ; ces compensations sont finalement utiles à la bonne marche de l'entreprise, et le cas échéant, à celle du service public.

Vous présentez sans cesse la grève comme un fait négatif, mais la grève, c'est toujours un rapport de force avec un patronat parfois impitoyable. Il y a encore des pays où il impose 60 heures par semaine ou le travail des enfants, comme jadis en Europe. On peut résoudre les problèmes sociaux par le vote, on peut aussi n'y parvenir que par le mouvement social. Oui, des grèves peuvent être justes !

M. Alain Gournac. - On ne commence pas un mouvement par la grève !

M. Jean-Pierre Godefroy. - L'article 9 était déjà une provocation ; mais nous ne pensions pas que vous iriez jusque là ! Votre objectif est bien de vous attaquer au droit de grève ! Je m'étonne que le gouvernement soutienne une proposition qui interdit toute négociation après conflit sur la compensation ou l'étalement des pertes. Des sorties de grève, j'en ai connu beaucoup, du côté des travailleurs; dans les conflits durs, les entreprises ont parfois intérêt à les négocier lorsqu'un protocole a été signé. Avec l'adverbe « indirectement », on empêche tout ! On verra ce qu'en dira le Conseil constitutionnel !

C'est un retour au temps des maîtres de forge ! Une atteinte gravissime au droit de grève comme au dialogue social ! Tous les salariés et dirigeants d'entreprise doivent en être informés ! (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre. - Le texte est dans la droite ligne de la loi de 1982... (Vives protestations à gauche)

M. Alain Gournac. - La gauche était au pouvoir !

M. Philippe Nogrix. - Nous étions tombés d'accord en commission sur un amendement 14 initial clair et simple ; après la rectification, l'opinion risque de n'y plus rien comprendre.

Mme Nicole Bricq. - Nous, nous ne comprenons que trop bien !

M. Philippe Nogrix. - Je n'ai vu dans le texte aucune atteinte au droit de grève.

M. Alain Gournac. - Aucune !

M. Philippe Nogrix. - La grève, c'est la conséquence d'un échec ; on la fait en toute responsabilité, en sachant, conformément au code, que sans travail, pas de salaire !

Je me suis abstenu en commission sur le 14 rectifié ; mais après réflexion, et en souhaitant que le gouvernement fasse preuve de pédagogie sur le sujet, je le voterai. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Luc Mélenchon. - Cette terrible aggravation du texte nous conforte dans notre opposition résolue. Qu'après une victoire électorale et, pour nous, une défaite cruelle, vous veniez sacrifier à l'idée que vous vous faites des relations sociales, un pur rapport de force où les puissants sont toujours plus puissants, passe encore. Ce qui rend cette discussion pénible et par certains aspects odieuse, c'est que vous cherchez à en cacher la signification. C'est votre droit de lutter contre la grève mais cessez de dire que vous ne touchez à aucun moment au droit de grève !

M. Alain Gournac. - A aucun moment !

M. Jean-Luc Mélenchon. - Avec la grève, on est bien dans une situation ultime, après l'échec d'une négociation. Or votre texte préjuge que la faute est celle de l'ouvrier ; on lui dit tout de suite : « Si tu fais grève, tu ne seras pas payé !» On l'avertit d'emblée que son bon droit ne sera pas reconnu, qu'il ne pourra corriger la situation qui lui est faite grâce à cet acte extrême qu'est la grève.

Voilà ce que vous êtes en train de faire : assumez-le sans pousser l'hypocrisie jusqu'à invoquer les lois de 1982.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Relisez-les.

M. Jean-Luc Mélenchon. - La gauche n'a jamais travaillé contre les droits des ouvriers, des droits conquis par la lutte et reconnus par la loi. Si vous voulez faire revivre l'esprit de 1982, proposez-nous des lois Auroux, proposez-nous des nationalisations, proposez-nous une loi de modernisation sociale et alors nous accepterons. En 1982, on a simplement dit que les jours de grève n'étaient pas payés sauf si la négociation ne prévoyait le contraire.

Votre loi contre le droit de grève est aussi une loi de maintien de l'ordre, de l'ordre de votre classe... (Protestations à droite)

M. Christian Cointat. - C'est inacceptable.

M. Jean-Luc Mélenchon. -  ...de la classe dont vous êtes les représentants.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est le comité des forges !

MM. Christian Cointat et Alain Gournac. - Archaïque !

M. Jean-Luc Mélenchon. - Huit millions d'ouvriers et sept millions d'employés, archaïsme ? Sept millions de personnes touchées par la misère, archaïsme ? Tant que cet archaïsme durera, nous serons à ces bancs pour défendre les droits et les libertés que vous menacez, malgré vos airs de chattemite. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Avec cette loi-cadre, le gouvernement entendait favoriser le dialogue social. Nous avons dénoncé les atteintes portées au droit de grève mais voici que vous liez le dialogue social et la négociation qui en fait partie par un projet dont nous avons appris hier qu'il avait vocation à s'appliquer à tous les services publics, là où les salariés luttent pour le dialogue social et où ils ont commencé à l'instaurer. Encore faut-il que tous les termes de la négociation restent possibles, ce qu'interdira la loi. Vous en revenez à votre conception traditionnelle, celle du XIXe, lorsqu'une grève s'arrêtait quand les familles des ouvriers n'en pouvaient plus, celle du Comité des forges.

Vous allez donner l'illusion du dialogue social tout en l'interdisant parce que vous empêchez de négocier la sortie de grève. Chapeau, le prestidigitateur ! Qui plus est, vous portez cette attaque frontale dans les entreprises publiques dont les conquêtes sociales ont valeur d'exemple.

Le patron qui liquide une entreprise en mettant des centaines d'ouvriers à la rue touchera des primes et celui qui voudrait défendre ses droits ne pourrait que faire grève jusqu'à ce qu'il n'ait plus rien à manger ? C'est scandaleux ! (Vifs applaudissements à gauche)

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°14 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 324
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 198
Contre 123

Le Sénat a adopté.

L'amendement 14 rectifié devient l'article 9. L'amendement n°57 devient sans objet.

La séance est suspendue à 13h 40.

présidence de M. Philippe Richert,vice-président

La séance est reprise à 15 h 45.

Organisme extraparlementaire (Nomination)

M. le président. - La commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire. La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai prévu. En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Yves Fréville membre suppléant du comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

Commission mixte paritaire (Récidive - Nomination)

M. le président. - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. La liste des candidats a été affichée ; je n'ai reçu aucune opposition dans le délai prévu. En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette CMP : MM. Hyest, Zocchetto, Gélard, Lecerf, Portelli, Badinter et Mme Borvo Cohen-Seat ; leurs suppléants sont, successivement : MM. Alfonsi, Cointat, Détraigne, de Richemont, Sueur, Mme Troendle et M. Yung.

Dialogue social et continuité du service public de transport (Urgence - Suite)

Discussion des articles (suite)

M. le président. - Nous poursuivons la discussion en urgence du projet de loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs.

Amendement n°15 rectifié, présenté par Mme Procaccia au nom de la commission.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 1er octobre 2008, un rapport d'évaluation sur l'application de la présente loi est adressé par le Gouvernement au Parlement.

Ce rapport présente notamment le bilan :

- des accords cadre et accords de branche signés avant le 1er janvier 2008 ;

- des procédures de dialogue social mises en oeuvre et de leur impact au regard de l'objectif de prévention des conflits ;

- des actions de substitution du représentant de l'État éventuellement intervenues en application de l'article 4 de la présente loi ;

- des plans de transport adapté et des plans d'information des usagers élaborés par les entreprises de transport ;

- des accords collectifs de prévisibilité mis en place par ces entreprises ;

- du remboursement des titres de transport aux usagers, tel que prévu à l'article 8 de la présente loi.

Au vu de ce bilan, le rapport examine l'opportunité d'étendre le dispositif de la présente loi aux autres modes de transport et, le cas échéant, de le transposer à d'autres services publics.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Ce projet de loi encourage le dialogue social, il prévoit l'intervention du représentant de l'Etat, introduit des plans de transport adaptés, des accords de prévisibilité, le remboursement des titres de transport aux usagers : autant d'éléments à évaluer dans un an, en vue d'une éventuelle extension à d'autres modes de transports publics, maritimes et aériens, voire à d'autres services publics.

M. le président. - Sous-amendement n°78 à l'amendement n° 15 rectifié de Mme Procaccia au nom de la commission, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de l'amendement n°15 :

Au vu de ce bilan, si l'opportunité d'un tel dispositif n'est pas avérée, le rapport proposera dans ses conclusions l'abrogation de la présente loi.

Mme Annie David. - Nous sommes favorables à une évaluation qui devra vérifier si ce texte prévient effectivement des conflits sociaux et s'il ne provoque pas de nouveaux problèmes préjudiciables à la continuité des services publics. Cela est d'autant plus nécessaire qu'il porte atteinte au droit de grève des salariés : il faudrait l'abroger si ses effets étaient contraires à ses objectifs. L'exercice du bilan est l'occasion d'approfondir l'analyse sur des lois que la majorité gouvernementale adopte en urgence. La majorité et l'opposition peuvent même rapprocher leurs points de vue, comme dans le cadre de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France, où l'on a vu des sénateurs UMP s'inquiéter à son tour des dérives de la libéralisation du marché de l'énergie.

Cependant, la commission sort de la neutralité et oriente le résultat, en proposant d'examiner dans un an l'opportunité d'étendre la réglementation nouvelle à d'autres services publics. Elle dévoile ainsi le vrai projet de la majorité gouvernementale qui est de porter atteinte au droit de grève et, plus généralement, à l'ensemble des libertés collectives dans tous les secteurs publics. Nous proposons que le bilan porte sur l'application de la loi au regard des objectifs d'amélioration du dialogue social et de garantie de la continuité du service public.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Votre proposition revient à vouloir abroger les dispositions relatives au dialogue social : avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Même avis. L'amendement n°15 propose un bilan dans un an, le gouvernement y est d'autant plus favorable qu'il croit très utile cet exercice, comme le montre le secrétariat d'Etat qu'il consacre à l'évaluation. Cependant, je vous demanderai de bien vouloir rectifier l'amendement, en supprimant le dernier alinéa (« Ah ! » à droite) : juridiquement, un texte relatif aux transports publics terrestres ne peut pas comporter une disposition sur les autres modes de transports publics ni sur les autres services publics ; ensuite, si nous avons fait la preuve que la question du service minimum n'était pas pour nous taboue -nous en avons parlé alors que le sujet était évité depuis plus de vingt-cinq ans- je sais que vous êtes comme moi attachés à la concertation ; j'ai écrit à mon collègue M. Bussereau, pour faire suite à votre souci - relayé par MM. de Rohan, Alfonsi, Retailleau et Nogrix- d'inclure les autres modes de transports publics. Enfin, si une instance devait juger dans un an de l'opportunité d'étendre la loi, ce serait au Parlement et au gouvernement de prendre l'initiative, plutôt qu'aux évaluateurs !

Mme Marie-Thérèse Hermange. - Très bien !

M. Charles Revet, Président de la commission spéciale. - Je comprends que l'extension aux autres services publics peut susciter des interrogations, mais le débat a bien montré que le transport public ne saurait se limiter au train et aux bus, qu'il faut compter aussi avec la continuité territoriale, par exemple, entre la Corse et le continent. Je propose que l'éventualité d'une extension porte sur « les autres modes de transport public ». Nos collègues veulent que soit apportée une réponse aux attentes des usagers.

M. Jean Desessard. - Pourquoi pas ne pas viser « tous les secteurs où les syndicats nous embêtent » ? (Sourires à gauche)

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Je propose de limiter le dernier alinéa aux modes de transport public de voyageurs.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Nous avons déjà eu ce débat hier : le rapport doit-il d'abord évaluer ce qui s'est passé, ou bien examiner la possibilité d'étendre le dispositif ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Les deux ! Nous le disons depuis le début !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Mais il faut mener la concertation avec les partenaires.

M. Jean Desessard. - Pourquoi faire ?

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Rien n'interdit de le faire !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Encore faut-il veiller à la cohérence.

En dépit des apparences, ce point n'est pas anecdotique : c'est une question qui doit être traitée en concertation, en pleine responsabilité politique. Soyez assurés que nous ne nous déroberons pas, le moment venu. Vous me connaissez : je ne suis pas du style à me cacher derrière mon petit doigt, mais nous parlons aujourd'hui du transport terrestre des voyageurs. Or cet amendement traite d'un autre problème.

M. Jean Desessard. - Vous êtes dépassé par vos troupes.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Nous ne disons pas que le Parlement votera un texte mais simplement que le rapport examinera l'opportunité d'étendre ce dispositif à d'autres secteurs.

M. Jean-Luc Mélenchon. - J'espère que ceux qui suivent nos débats ne se laisseront pas abuser par l'atmosphère courtoise qui prévaut : cela les priverait de tout le sel de nos échanges.

Vous déposez cette loi : après examen, il nous apparaît à nous, la gauche, que c'est une arme contre les grèves dans les services publics. Pas du tout, répondez-vous. C'est un texte qui traite uniquement des grèves dans les trains et le métro. Je rappelle, pour la petite histoire, que les grèves n'y représentent que 3 % des perturbations. Là-dessus, nous allumons notre télé et nous entendons notre Premier ministre annoncer que, si cette loi se révèle bonne, elle sera étendue à d'autres secteurs, comme l'éducation nationale. De retour dans l'hémicycle, nous interpellons M. le ministre qui nous dit : « mais pas du tout, le gouvernement n'est pas sur cette ligne ». Interloqués, nous lui faisons quand même confiance : c'est sa parole, ici, qui doit prévaloir contre celle de M. Fillon. Et puis, nos collègues de la majorité ne répètent-ils pas tous en coeur : on ne traite que des transports terrestres ?

Or, à la faveur de cet amendement, nous voyons surgir une éventuelle extension du champ de ce texte à d'autres modes de transport et à d'autres services publics. (Exclamations à droite) C'est bien la confirmation de ce que nous disions depuis le début ! Nous sommes en présence d'un texte qui, s'il passe, n'aura été que le prélude à une remise en cause générale du droit de grève.

Nous travaillons en plein juillet, alors que nos concitoyens sont loin de suivre l'actualité politique, mais quand ils reviendront de vacances, nous verrons bien comment les choses vont se passer, surtout avec la réforme des régimes spéciaux de retraite.

La commission présente un amendement qu'elle modifie en séance...

Mme Isabelle Debré. - Et alors ?

M. Jean-Luc Mélenchon. - Et nous voilà en plein paradoxe : face à la commission, ce malheureux ministre (Exclamations et rires à droite) est contraint de batailler pour ne s'en tenir qu'aux seuls transports terrestres.

M. Josselin de Rohan. - Soutenez-le, alors !

M. Jean-Luc Mélenchon. - Ce n'est pas que je le plaigne (nouvelles exclamations sur les mêmes bancs) car ce matin il m'a fait une mauvaise manière. (On le nie à droite)

M. Philippe Nogrix. - C'est pourtant un fin stratège !

M. Jean-Luc Mélenchon. - Alors que je m'élevais, au milieu des clameurs, contre l'interdiction de faire figurer au nombre des éléments de négociation le paiement des journées de grèves, que je disais que cela revenait à donner toujours tort aux salariés, M. le ministre, plutôt que de me répondre sur le fond, m'a dit que c'était la loi de 1982 qui avait instauré le non-paiement des journées de grève. Certains, dont M. Nogrix, se sont gaussés en estimant que c'était toujours la gauche qui frappe les travailleurs.

Je vous ai mis au défi de présenter des textes aussi favorables aux salariés que les lois Auroux ! Vous avez balayé d'un revers de main mes objections en prétendant que le gouvernement de gauche de l'époque avait prévu un dispositif qui pénalisait les travailleurs. Or, l'article L 521-6 du code du travail, introduit par la loi du 19 octobre 1982, prévoit que les personnels qui font grève ne sont pas payés en fonction des heures d'absence alors qu'auparavant, toute la journée était retenue. Il s'agit donc d'une avancée, d'autant plus qu'étaient exclus de cette retenue « les suppléments pour charges de famille ». Il s'agissait donc d'une loi progressiste, (M. Gournac rit) contrairement à ce que vous faites aujourd'hui.

M. le ministre m'a donc fait une mauvaise manière, mais ce n'est rien à côté du camouflet que la majorité du Sénat va lui infliger en votant cet amendement. En fait, vous voulez transformer une victoire électorale en revanche sociale (On le conteste avec véhémence à droite). Dans le confort d'une salle où l'on n'entend pas la clameur de la rue...

M. Alain Gournac. - Il nous embête !

M. Josselin de Rohan. - C'est Jaurès qui parle !

M. Jean-Luc Mélenchon. - ...vous vous apprêtez à mettre à mal le droit de grève dans les services publics. (Applaudissements à gauche)

Le sous-amendement n°78 n'est pas adopté.

M. Pierre Laffitte. - Les Corses ne peuvent pas être plus mal lotis que les Parisiens en ce qui concerne le droit à un service minimum.

En outre, des millions de salariés ne peuvent impunément être privés de leur droit au travail. D'ailleurs, une grande majorité de Français est attachée à cette liberté. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Alain Gournac. - Il y a un instant, j'ai cru que nous étions au prochain congrès socialiste ! (On s'indigne sur les bancs socialistes) Nous aussi, nous entendons ce qui se dit dans la rue ! Et nous faisons ce que nous voulons : c'est ça la démocratie ! (Nouvelles exclamations à gauche)

Nous avons beaucoup parlé de cet amendement en commission et il nous a paru indispensable de disposer d'une évaluation et d'un bilan de cette loi. Je remercie notre rapporteur d'avoir modifié la fin de son amendement car il traitait manifestement d'un autre problème. Il est bien évident que nous le voterons.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Pour éclairer la Haute assemblée avant son vote, je veux lui dire que, suite à nos débats, j'ai adressé hier une lettre à M. Bussereau dans laquelle je lui disais que la question de l'extension du dispositif aux transports maritimes avait été longuement évoquée au Sénat et que si les amendements avaient finalement été rejetés, il n'en restait pas moins qu'un certain nombre de dessertes, dont celles reliant la Corse au continent, devaient être considérées comme relevant du service public. Je souhaitais donc qu'il engage le plus rapidement possible des concertations avec les autorités organisatrices et avec les partenaires sociaux afin d'envisager l'extension de cette loi aux transports maritimes.

M. Charles Revet, président de la commission. - Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Je vous propose donc d'en rester là et d'engager des négociations préalables pour les autres secteurs : ce n'est pas un sujet tabou mais une simple question de méthode. Mon avis reste donc défavorable.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°15 rectifié bis, mis aux voix par assis et levé, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président. - Amendement n°58, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3261-2 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3261-2. - L'employeur situé à l'intérieur de la zone de compétence de l'autorité organisatrice des transports dans la région d'Ile-de-France prend en charge au moins 75 % du prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements accomplis au moyen de transports publics de personnes, entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail. »

M. Jean Desessard. - Cet amendement voulait répondre aux problèmes de l'organisation des transports en commun, du sous-investissement, de la sous-traitance, de l'intérim, des suppressions de postes, du manque de gares, des transports trop chers et insuffisants, focalisés sur le centre-ville, des contrats de plan État-région, notamment en Ile-de-France, de l'étalement urbain, etc. Manifestement, cet amendement est un cavalier qui n'emprunte pas le même chemin que votre projet de loi... Je le retire, car je ne vois pas l'intérêt d'amender une loi qui restreint le droit de grève.

L'amendement n°58 est retiré.

M. le président. - Amendement n°59, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. L'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« Art. L. 2531-2. - Dans la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social, sont assujetties à un versement de transport. »

II. L'article L. 2333-64 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2333-64. - En dehors de la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif dont l'activité est de caractère social, peuvent être assujetties à un versement destiné au financement des transports en commun :

« 1º Dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ;

« 2º Ou dans le ressort d'un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'organisation des transports urbains, lorsque la population de l'ensemble des communes membres de l'établissement atteint le seuil indiqué. »

M. Jean Desessard. - C'était aussi un amendement intelligent (Rires), visant à améliorer les transports collectifs. Mais comme on restreint le droit de grève, je suis contraint de le retirer...

L'amendement n°59 est retiré.

M. le président. - Amendement n°60, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans les articles L. 3261-4 et L. 3261-5 du code du travail, le mot : « peut » est remplacé par le mot : « doit ».

M. Jean Desessard. - Je le retire, mais je tiens à répondre au rapporteur sur mon amendement n°57, qui proposait que les dirigeants des entreprises soient rémunérés en fonction du nombre de jours de grève.

M. Josselin de Rohan. - Clownesque !

M. Jean Desessard. - Qui va payer en cas de grève générale ?, demandez-vous. Pour 1995, c'est Juppé, et les députés de la majorité qui ont payé avec la dissolution !

M. Alain Gournac. - C'est la démocratie.

M. Jean Desessard. - Puis il y a eu le CPE : c'est Villepin qui a payé, avec une chute spectaculaire dans les sondages !

M. Alain Gournac. - Et Jospin ? Et Royal ?

M. Jean Desessard. - M. le ministre, avec son art consommé de la communication politique, feint de ne pas comprendre : s'agirait-il de permettre aux dirigeants de faire grève ?, demande-t-il ! (Mme Borvo Cohen-Seat s'esclaffe) Mais chacun sait que quand un dirigeant est fatigué, il va faire du golf, aux frais de l'entreprise ! (Exclamations à droite) Quand il part sur un échec, c'est avec des indemnités qui représentent des années de salaire d'un cadre !

M. Josselin de Rohan. - Les chansonniers, c'est aux Deux Ânes !

M. Jean Desessard. - Si vous croyez à l'opposition entre capital et travail, je comprends que vous récompensiez un patron dur, antisocial, qui défend les intérêts du capital et dont l'attitude suscite des mouvements sociaux. Mais vous affirmez que tout va bien dans les entreprises, que les patrons sont gentils, et les ouvriers méchants, au point parfois de faire grève ! (Mme Printz pouffe) Pourquoi ces derniers seraient-ils obligatoirement responsables de la grève ?

M. Alain Gournac. - C'est reparti !

M. Jean Desessard. - S'il y a grève, c'est de la faute des dirigeants : pourquoi ne pas réduire leurs primes en fonction du nombre de jours de grève dans leur entreprise ? Je ne comprends pas que mon amendement n'ait pas été retenu. (Applaudissements à gauche)

L'amendement n°60 est retiré.

M. le président. - Amendement n°61, présenté par M. Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

En cas de perturbation du trafic causé par une grève, la préfecture est en droit de réquisitionner les services de mise à disposition de vélo en libre service.

M. Jean Desessard. - Je le retire : nous n'en arriverons pas à ce point de mobilisation générale !

L'amendement n°61 est retiré.

M. le président. - Amendement n°81, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :

Titre...

Organisation du service public des transports

par les autorités organisatrices des transports

M. Michel Billout. - L'État se désengage de plus en plus de la question des transports publics. Les autorités organisatrices de transport sont aujourd'hui les collectivités territoriales, tandis que les dotations étatiques ne sont pas à la hauteur. Ce sont les régions qui ont investi massivement dans les transports, notamment en Ile-de-France. La question du financement des transports publics relève pourtant du législateur : on pourrait envisager une augmentation du versement transport des entreprises, un réengagement massif de l'État, un retour au conseil régional du Fond d'aménagement de la région Ile-de-France, la taxation des plus-values immobilières, une contribution des secteurs routier et aérien...

Ce nouveau titre vise à définir quelques règles de nature à améliorer la qualité du service public des transports dans les régions, et donc à garantir une meilleure continuité du service public.

M. le président. - Amendement n°79, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les autorités organisatrices des transports doivent incorporer dans les contrats qu'elles passent avec les opérateurs des critères de qualité de services (sociaux et environnementaux), afin d'élever la fiabilité et la prévisibilité des services et par conséquent permettre une meilleure continuité du service public.

M. Michel Billout. - Le règlement européen « obligation de service public » permet d'intégrer de tels critères correspondant aux normes de qualité environnementale et sociale. Lorsque les conditions de travail sont satisfaisantes, la qualité du service s'en ressent et la conflictualité diminue ! L'impératif de développement durable impose également l'existence de critères environnementaux. Les autorités organisatrices des transports ne doivent pas être tentées de favoriser les moins-disant sociaux !

M. le président. - Amendement n°79, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les autorités organisatrices des transports doivent incorporer dans les contrats qu'elles passent avec les opérateurs des critères de qualité de services (sociaux et environnementaux), afin d'élever la fiabilité et la prévisibilité des services et par conséquent permettre une meilleure continuité du service public.

M. Michel Billout. - C'est un amendement d'appel : le développement de la sous-traitance nuit à la qualité de service, et peut être cause de discontinuité et de conflictualité. Les représentants du personnel doivent avoir connaissance des clauses de sous-traitance.

M. le président. - Amendement n°82, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Après l'article 9, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les groupes de transport public ne peuvent sous-traiter l'exercice des missions de service public qu'ils se voient confier sans avoir procédé auparavant à une négociation de nature à faire appliquer les conditions sociales les plus favorables. Les clauses de sous-traitance sont portées à la connaissance du comité d'entreprise de la maison mère du groupe et du comité de groupe et font l'objet d'une consultation de ces instances.

M. Michel Billout. - Il s'agit de créer un lieu de concertation et de dialogue direct entre les autorités organisatrices et les organisations syndicales, ce qui associerait pleinement les personnels aux objectifs visés et ainsi prévenir la conflictualité.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Défavorable à l'amendement n°81 : je ne vois pas l'utilité de cette division additionnelle. Les critères environnementaux et sociaux peuvent déjà être intégrés dans les cahiers des charges : l'amendement n°79 risque de perturber le cadre existant. Quel est l'avis du gouvernement ? L'amendement n°80 est-il conforme au principe de l'appel d'offre ? Là encore, qu'en pense le gouvernement ? Défavorable à l'amendement n°82 : c'est une vraie question, mais qui dépasse le champ des transports publics.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Défavorable aux amendements n°s81, 80 et 82. Je partage l'interrogation du rapporteur sur l'amendement n°79 : sagesse.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Même avis.

L'amendement n°81 n'est pas adopté.

L'amendement n°79 est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°80 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°82.

M. le président. - Amendement n°67, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :

Projet de loi relatif à l'instauration d'un service minimum dans les transports publics et portant atteinte au droit de grève

Mme Annie David. - Les objectifs affichés dans l'intitulé du projet de loi sont restés lettre morte...La question des financements à engager pour améliorer les services publics n'a pas été abordée et les mesures contenues dans le texte mettent en danger le bon déroulement du dialogue social ; elles affecteront considérablement l'exercice du droit de grève. La déclaration préalable altère ainsi la libre décision du salarié de participer au mouvement. Les nouvelles dispositions risquent de dégrader le climat social dans l'entreprise.

Des relations de confiance exigent un dialogue libre entre les partenaires ; et sans cette confiance, l'objectif de prévisibilité ne sera pas atteint et ce sont les usagers qui en feront les frais. Vos mesures sont contraires à la Constitution, aux engagements internationaux de notre pays, aux règles de l'OIT. Pour cette dernière, le droit de grève est un moyen essentiel pour les salariés et les syndicats qui veulent défendre leurs intérêts ; le service minimum ne peut être imposé, sauf lorsque les besoins essentiels l'exigent, c'est-à-dire lorsque la vie ou la santé des personnes est mise en péril. Nous sommes très loin de ces exigences. Il y a donc lieu de modifier l'intitulé du projet de loi. (M. Desessard applaudit)

L'amendement n°84 n'est pas soutenu.

M. le président. - Amendement n°24, présenté par M. Nogrix.

Compléter l'intitulé du projet de loi par les mots :

avant extension aux autres moyens de transport

M. Philippe Nogrix. - Nous en revenons au premier amendement défendu sur ce texte par des sénateurs corses, vendéens et bretons, dont j'étais. En Bretagne, de nombreuses personnes utilisent les transports maritimes pour se rendre au travail, à l'hôpital ou au collège...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ou en vacances !

M. Philippe Nogrix. - Il convient de prévoir une extension aux transports non terrestres, et cet amendement nous donnerait des assurances sur ce point. Votez mon amendement, démontrez ainsi que vous êtes aux côtés des Bretons qui dépendent tant de la mer. (Rires)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Les salariés sur les bateaux relèvent rarement du droit français !

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. - Avis bien sûr défavorable à l'amendement n°67 ; sagesse sur le n°24.

M. Xavier Bertrand, ministre. - Contre l'amendement n°67. S'agissant de l'amendement n°24, Mme le rapporteur a demandé un rapport pour évaluer l'opportunité d'étendre les dispositions aux autres secteurs du transport collectif : elle ne peut à présent cautionner une extension du présent projet de loi, ce serait modifier le champ de ce texte ! Défavorable, par cohérence.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Si ! Il y a une logique, puisque l'amendement a été adopté !

L'amendement n°67 n'est pas adopté, non plus que le n°24.

M. Philippe Nogrix. - Vous êtes invités en Bretagne, chers collègues ! (Rires) Vous vous rendrez sur les îles à la nage !

Interventions sur l'ensemble

M. Alain Gournac. - Nos débats ont permis d'aborder franchement tous les sujets, dans un esprit de dialogue dont nous vous savons gré, monsieur le ministre. Je salue le travail accompli par la commission spéciale, dans un temps relativement court...et dans un excellent climat. Les amendements de notre rapporteur ont amélioré substantiellement le projet.

Le groupe UMP a largement participé à la discussion générale, et de façon constructive, témoignant de la diversité des situations. A l'initiative de Mme Procaccia, nous avons renforcé l'incitation, pour les partenaires sociaux, à conclure un accord de branche ; nous avons défini dans la loi les « perturbations prévisibles », créé un poste de médiateur, défini le niveau du service en fonction des perturbations, clarifié l'information des usagers, prévu l'indemnisation des usagers, ainsi qu'un bilan d'évaluation.

Cette loi-cadre encourage le dialogue avant la grève sans la limiter et en améliorant les déplacements des usagers ; elle prévoit un service réduit mais organisé, ne porte aucune atteinte au droit de grève. Elle répond aux attentes des Français. Le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Laffitte applaudit également.)

M. Pierre Laffitte. - Chaque jour, plus de quinze millions de personnes empruntent les transports publics, des travailleurs pour la plupart, et les plus défavorisés, puisque les plus aisés disposent d'autres moyens, voiture, taxi, voiture avec chauffeur. (On s'esclaffe à gauche.) Les Français réclament un service minimum respectueux du droit de grève. La Haute Assemblée a cherché un équilibre délicat à trouver entre la liberté d'aller et venir et la liberté de faire grève ; et je crois qu'elle a amélioré le texte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Aggravé, plutôt !

M. Pierre Laffitte. - Après tant de tentatives infructueuses, enfin nous sommes parvenus à créer un service réduit mais connu à l'avance. Certains regrettent qu'il ne soit pas étendu au transport maritime, qui se développera de plus en plus en Méditerranée, pour éviter les encombrements de la route.

La majorité du groupe RDSE votera le texte. (Applaudissements sur quelques bancs à droite)

M. Michel Billout. - Nous ne pouvons que rejeter ce projet qui, loin de répondre aux attentes des usagers -un service public fiable et performant- entérine une atteinte sans précédent au droit de grève.

De continuité réelle du service public, il n'est pas question ici, faute de plan de financement ambitieux. Les perturbations ne pourront qu'augmenter alors même que le nombre de jours de grève décroît. Les grèves représentent seulement 2 % des perturbations à la SNCF.

Il n'est pas plus question de dialogue social. La loi impose une négociation, ainsi que le périmètre de celle-ci et sa durée ! Comble de ridicule, cette loi rend caducs les accords de prévisibilité qui avaient vu le jour à la SNCF et à la RATP. Ce texte est inutile, voire dangereux. Il mène une attaque en règle contre le droit de grève, constitutionnellement reconnu et garanti. Certains sénateurs de la majorité ont même été tentés d'aggraver ces atteintes condamnables : ils n'ont heureusement pas été suivis. Néanmoins le projet tel qu'amendé par la commission constitue toujours une atteinte caractérisée au droit de grève. Déclaration préalable, consultation sur la poursuite de la grève...

Le mécanisme de notification et de négociation préalable imposé à l'article 2 ne sert qu'à allonger la durée du préavis, en liaison avec l'article 3 qui interdit les « préavis glissants ». Il s'agit bien de rendre difficile l'exercice du droit de grève, en l'interdisant même durant certaines périodes.

Les notions de services essentiels et de dessertes prioritaires sont subjectives et laissent la porte ouverte à toutes les interprétations. En confiant aux régions la responsabilité de définir le service minimum et par conséquence les modalités d'exercice du droit de grève, il s'agit d'éclater la définition du droit de grève au niveau régional pour l'affaiblir. Une fois de plus, le gouvernement se décharge de sa responsabilité sur les régions.

Il est décidé, sous couvert de service minimum, à revenir sur le droit de grève pour lui retirer toute consistance.

A peine les débats avaient-ils commencé que le premier ministre prônait déjà l'élargissement du champ d'application de ces mesures à l'éducation nationale.

Il s'agit bien de revenir sur l'ensemble des acquis sociaux, par de nouvelles lois.

Quelles contradictions pour les libéraux qui prônent pourtant sans cesse les vertus de la liberté contractuelle ! Ces contradictions flagrantes devraient pousser les membres du gouvernement à un peu de pragmatisme, pour dresser un bilan de l'ensemble des lois de dérèglementation et de libéralisation.

Sur la forme, nous regrettons le caractère polémique et démagogique dont ont fait preuve le Président de la République et son gouvernement dans la présentation de ce texte.

L'article 9 sur le non paiement des jours de grève, aggravé dans des conditions plus que regrettables et que nous avons fortement dénoncées au cours des débats, est scandaleux : quel populisme ! Laisser entendre que les salariés des transports sont payés lorsqu'ils décident d'user de leur droit constitutionnel est inacceptable.

L'interdiction absolue de négocier les accords de fin de conflit est une déclaration de guerre du gouvernement et de sa majorité aux salariés.

La grève est un choix lourd, y compris financièrement, auquel les salariés, sont trop souvent contraints par la politique de votre gouvernement, directement inspirée par le MEDEF et mise en oeuvre par les directions d'entreprises.

Les sénateurs communistes, républicains et citoyens, mettent un point d'honneur à défendre ces acquis sociaux, quand les hommes politiques au pouvoir n'ont qu'un seul souhait, celui de faire de la loi du marché la règle absolue de vie de la cité, en privant les citoyens de toutes leurs libertés.

Quand l'intérêt général pèse si peu face aux intérêts des multinationales, le droit de grève est un droit indispensable pour que chaque salarié puisse exercer sa citoyenneté en tout lieu et notamment au sein de l'entreprise.

M. Jean-Pierre Godefroy. - Depuis trois ans, les gouvernements de droite utilisent les mots « dialogue social » en toutes circonstances. Cette formule a déjà servi à bien des manoeuvres, comme la suppression de la hiérarchie des normes en droit du travail, qui induit une fragmentation des accords et place l'employeur en position favorable dans la négociation d'accords d'entreprise disparates.

Comme les autres, ce projet de loi met en avant le dialogue social. Mais il suffit de le lire pour voir qu'en fait, tous les obstacles sont judicieusement posés pour que le dialogue n'aboutisse pas. Le délai, tout d'abord, ridiculement court, que vous prétendez imposer, non pas pour engager des négociations, mais pour aboutir à un accord cadre de prévention des conflits. Vous savez pourtant qu'il a fallu 18 mois à la RATP et à la SNCF pour aboutir à un tel accord.

Pour l'accord cadre comme pour le plan de transport et l'accord de prévisibilité, les conditions que vous imposez rendent vos intentions évidentes : qu'un décret en Conseil d'État fixe les règles de la négociation, que le représentant de l'État fixe le plan de transport adapté, que l'employeur seul définisse le plan de prévisibilité.

Le dialogue social n'est pour vous qu'une formule creuse, destinée à masquer l'autoritarisme de votre démarche.

Depuis plusieurs semaines, grâce à votre battage médiatique, nul ne peut ignorer que le Sénat examine un texte sur le service minimum. Le Sénat est sous les feux de la rampe, mais pour quoi faire ?

Alors que l'opinion publique croit que nous sommes en train de mettre en place un service minimum, vous proposez seulement un service restreint, contractuel dans l'entreprise et avec les collectivités territoriales, et surtout un service hypothétique.

La référence à des plans de transport à plusieurs niveaux en est l'illustration. Si dans une entreprise, le conflit est tellement dur qu'il y a 90 % de grévistes, il n'y aura plus de service du tout. Mais cela, vous vous gardez bien de l'annoncer. Nous sommes devant un non-sens digne du meilleur humour anglais.

L'usine à gaz que vous mettez en place ajoutera aux contraintes et aux contentieux : en fonction de quels critères les autorités organisatrices vont-elles définir les priorités de desserte ? Comment apprécier l'atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir ? Comment rembourser des titres de transport à des centaines de milliers de personnes et à quel coût ?

II manque une étude d'impact sur les coûts que subiront les collectivités territoriales et les entreprises.

Il a fallu attendre la fin du texte pour découvrir une attaque frontale contre le droit de grève dans les services publics.

Pression sur les salariés qui ont l'intention de se mettre en grève, consultation pour diviser les salariés, menace d'extension du dispositif aux autres services publics : tout est fait pour multiplier les entraves à l'exercice du droit de grève, au nom des usagers qui ne savent même pas ce qui se fait en leur nom.

Il est regrettable que le gouvernement se soucie moins des usagers, quand il démantèle les services publics indispensables comme la distribution d'énergie.

Ce projet de loi n'est qu'un nouveau pas dans la mise en place d'une société inégalitaire et autoritaire.

Au nom de l'intérêt de l'usager, vous lancez une attaque frontale contre le droit de grève, d'abord dans les transports, puis subrepticement dans l'ensemble des services publics.

Il est paradoxal et significatif que M. le Secrétaire d'État aux transports n'ait pas été auditionné et se soit si peu passionné pour ce texte...

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - C'est faux !

M. Jean-Pierre Godefroy. - ... Le gouvernement veut restreindre les libertés syndicales et le droit de grève ; nullement régler l'essentiel : les problèmes de fonctionnement quotidien des transports publics.

M. Mazeaud, que je n'ai pas l'habitude de citer, lors de la cérémonie des voeux du président du Conseil constitutionnel au Président de la République, en janvier 2006, évoquait le thème de l'intérêt général en des termes qui s'appliquent parfaitement à la situation actuelle : « La griserie de l'annonce l'emporte bien souvent sur les contraintes austères de l'arbitrage et de la prévision. La protestation d'intention supplante bien souvent l'étude de l'impact réel, la pesée des inconvénients et des avantages, l'anticipation des conséquences indirectes ou des effets pervers. D'où ces lois d'affichage dont on mesure après coup les conséquences décevantes ou inopportunes ». J'ajouterai : catastrophiques pour celle-ci. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard. - Je tiens à remercier la présidence pour la bonne tenue de nos débats, même si je regrette l'interruption un peu longue d'hier, due à des raisons d'organisation. Je remercie également Mme le rapporteur et M. le président de la commission, même si je regrette cet usage des procurations ou d'une information partiale et partielle que nous avons vu ce matin...

M, Charles Revet, président de la commission. - Allons donc !

M. Jean Desessard. - Je remercie aussi le ministre qui a pris le temps de nous répondre, et j'admire son habileté, son sens de la communication.

Il n'est pas facile d'aborder un tel texte lorsqu'on est un écologiste social...

M. Josselin de Rohan. - ça existe ?

M. Jean Desessard. - Eh oui ! Attaché aux droits sociaux, au service public, à l'usage des transports publics pour préserver notre environnement... Pourtant, je ne voterai pas en faveur de ce texte que je qualifierai de démagogique, d'inefficace, et de vaniteux. Démagogique, parce qu'on fait croire qu'il instaure un service minimum, ce qui n'est pas le cas et qu'il met fin au paiement des jours de grève, ce qui se produit très rarement. Inefficace, car, au lieu de partir des deux acquis, que sont les contrats passés à la RATP et à la SNCF, au lieu de partir de ce qui se passe sur le terrain, avec les grévistes et non grévistes, vous imaginer toute une série de plans B, C, D, E ou F, selon le pourcentage de grévistes ! Mais vous n'allez jamais vous en sortir ! Ce texte est vaniteux, parce qu'il prétend régler tous les problèmes, alors qu'il méconnaît celui des grèves émotionnelles consécutives, par exemple, aux agressions de salariés.

Mais la majorité préfère bâtir des châteaux de sable, comme les Français actuellement à la plage ! En réalité, vous allez plus loin : vous vous livrez à une attaque en règle du droit de grève. Aussi ce texte est-il non seulement inefficace, démagogique et vaniteux, mais en plus sournois et hypocrite ! (Protestations indignées à droite) Vous envisagez en effet, comme cela a été dit en dehors de cet hémicycle, de l'étendre à l'enseignement, mais aussi, comme vous l'avez dit ici même, aux transports maritimes, aux transports aériens, et aussi, à la poste et aux autres services publics. Pourquoi ? Parce que Sarkozy a décomplexé la droite. Et la droite décomplexée, au Sénat, s'est dit : « il faut y aller tout de suite ! » (Nouvelles protestations sur les mêmes bancs) Vous avez eu bien du mal, M. le ministre, à calmer tout le monde ! Et vous verrez, la semaine prochaine, ce sera pire ! Parce que c'est un texte idéologique : vous êtes convaincus que, dans la compétition actuelle, les syndicats vous gênent ! (Même mouvement) Ayez le courage de le reconnaître ! Vous voulez que les riches s'enrichissent et que la main d'oeuvre soit docile. Vous êtes dans cette logique libérale, comme dirait notre collègue Mélenchon Vous êtes pour la compétition et la concurrence, je suis pour l'harmonie du monde, pour des rapports de collaboration.

Contre une tendance à ne plus supporter le moindre grain de sable, il faut revenir à une autre mentalité.

Avec le préavis individuel de la grève, on accentue encore l'individualisme alors même que les services publics tirent leur force de l'esprit de solidarité qui anime leurs salariés et les aide, en particulier, à combattre les incivilités. Vous risquez de démobiliser les corps constitués. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Luc Mélenchon. - Nous voici devant un exercice devenu classique en cas d'alternance : la droite cherche une revanche sociale et s'en prend aux syndicats.

Pour une raison que je ne m'explique pas, peut-être pour adoucir une politique déjà très anguleuse, ou dans un but de mithridatisation, vous avez voulu ne traiter que des transports terrestres, alors que le Premier ministre annonce lui-même une extension du dispositif. La commission dit une chose, le ministre est d'un autre avis. Comment s'y retrouver ? Écoutons le Président de la République, ses intentions sont parfaitement claires. Dans son discours d'Agen, le 22 juin 2006, il a dit : « À celui qui est contre la grève obligatoire imposée par une minorité, je propose la démocratie par l'organisation obligatoire d'un vote à bulletin secret dans les huit jours qui suivront tout déclenchement d'un mouvement social ».

M. Christian Cointat. - Très bien !

M. Jean-Luc Mélenchon. - Donc, on n'en restera pas aux transports terrestres. Quant à M. Bertrand, voici ce qu'il a dit en janvier, en tant que porte-parole de celui qui n'était encore que le candidat Sarkozy : « Ces nouvelles règles s'appliqueront d'abord dans les entreprises en charge d'un service public, dans les universités et dans les administrations. »

M. Xavier Bertrand, ministre. - Où, quand ? Avez-vous une référence précise ?

M. Jean-Luc Mélenchon. - Dans la Tribune, le 29 janvier.

M. Jean-Luc Mélenchon. - Quant à l'autre porte-parole du candidat Sarkozy, Mme Dati, elle déclarait le 1er février : « Le vote à bulletin secret commencerait par le service public et pourrait être élargi au privé d'une manière générale. »

Doit-on comprendre que ce n'étaient qu'emportements de campagne électorale et que vous êtes revenus dessus ? S'il en va ainsi, dites-le. Mais ce n'est pas une idée passagère que vous auriez eue, c'est un grand thème de la droite. L'idée vous est venue du Trade-union act de 1984 et des Employment acts de 1988, 1990 et 1993, en vigueur en Grande-Bretagne, par la volonté de Margaret Thatcher et de John Major pour faire plier les syndicats de mineurs. Depuis cette série de lois, les salariés des entreprises privées doivent voter à bulletin secret pour entamer ou poursuivre une grève.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - Et qu'en a fait M. Blair ?

M. Jean-Luc Mélenchon. - Vous touchez là une matière dont vous pensez vous être débarrassés rapidement : vous opposez un droit collectif, la grève, à un droit individuel que vous assimilez à celui d'aller et venir, alors que le droit de grève est individuel. Avec votre scrutin secret, ce n'est plus la République une et indivisible, ce n'est plus la loi, c'est du droit fragmenté. Vous allez radicaliser les relations sociales, en décidant que le paiement des jours de grève, qui n'était pas la norme, ne pourrait même plus faire l'objet de négociations. Un conflit ne peut cesser que lorsqu'une des deux parties cède ; ce sera nécessairement celle qui a besoin de manger.

La grève a eu un rôle progressiste et libérateur que nous n'oublions pas. (Exclamations à droite) Il n'y a pas d'autres limites à l'exploitation que celles qu'impose la résistance à l'exploitation. Souvenez-vous de Jaurès, que le Président de la République aime à citer. Il disait que si « la République a rendu les Français rois de la cité, ils sont restés les serfs de l'entreprise ». Nous voulons les libérer, vous voulez resserrer leurs chaînes. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Nogrix. - Cette loi était attendue, elle est responsabilisante. La grève est un constat d'échec. Cette loi est de solidarité. (Exclamations à gauche) Elle est de bon sens : les jours de grève ne sont pas et n'ont pas à être payés. Cette loi est respectueuse du droit de chacun à se déplacer, à travailler, à se soigner, à passer des examens, à chercher un emploi.

Mais cette loi est trop restrictive. Pourquoi faire une exception pour les Français qui habitent dans des îles ? Eux aussi ont le droit de se déplacer ! Vivement l'extension de cette loi à tous les transports, que notre pays soit enfin un pays où il fait bon vivre !

Comment opposer la droite à la gauche, alors que ceux qui nous intéressent tous, ce sont les Français, qui ne sont ni de droite ni de gauche ? (Applaudissements à droite) Le ministre est clair et se tient sur ses positions, avec une obstination digne d'un Breton.

M. Jean-Luc Mélenchon. - On caricature les Bretons ? (Rires)

M. Philippe Nogrix. - Je n'étais pas favorable à la création d'une commission spéciale mais je constate que nous avons eu un extraordinaire moment de réflexion collective - grâces en soient rendues à M. Revet à Mme Procaccia. (Applaudissements au centre et à droite) Je tire mon chapeau au Sénat, pour avoir aussi bien mené un tel débat qui aurait pu ramener les vieilles lunes. Je compte sur les députés pour combler les lacunes de ce texte en convaincant le ministre.

Le groupe UC-UDF votera ce projet de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - En bon élève de la majorité sénatoriale, M. Nogrix a dit son compliment. Il a, comme ses collègues, une conception toute patronale de la grève : les syndicats appuient sur un bouton, et les salariés s'exécutent, la majorité cesse le travail sur ordre de la minorité. La droite est pour le droit de grève, pour le droit au logement, pour d'autres droits encore, pourvu qu'ils ne soient pas exercés. Cette conception n'est évidemment pas la nôtre.

La majorité sénatoriale aura réussi, dans l'autosatisfaction, à aggraver le projet présidentiel ; ce faisant, elle a ôté toute crédibilité au discours constant du Président de la République sur le dialogue social, discours d'ailleurs repris de celui que développe Mme Parisot dans l'ouvrage du Medef Besoin d'air et auquel, bien sûr, nous n'avons jamais cru, aux termes duquel « l'organisation des relations dans l'entreprise relève des partenaires sociaux ». Votre conception, c'est celle-ci : il y aura dialogue si les syndicats sont d'accord avec le patronat ; il n'y en aura pas dans le cas contraire.

Tout cela augure mal de la suite. Après ce ballon d'essai estival, après le paquet fiscal viendront à la rentrée le paquet social et la généralisation à tous les services publics, puis à toutes les entreprises, de dispositions aussi régressives que celle que le Sénat s'apprête à adopter. J'invite ceux qui prônent la privatisation des services publics à voir l'excellent film The Navigators, de Ken Loach, qui décrit les conséquences désastreuses du passage au privé des chemins de fer britanniques.

Il est de notre devoir de dire aux organisations syndicales, aux salariés, aux citoyens, aux usagers, la terrible remise en cause de leurs droits qui les attend. (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet, président de la commission spéciale. - Je veux dire très simplement ma satisfaction devant la manière dont nos débats se sont déroulés, alors que je m'étais quelque peu inquiété à la suite de ma nomination à la présidence de la commission spéciale. Signe de l'importance du sujet et de l'attente de nos concitoyens, un grand nombre de collègues de tous bords ont participé à nos discussions. Je remercie les membres de la commission spéciale, qui ont beaucoup travaillé, le ministre et la présidence, et j'aurai une pensée particulière pour Mme Procaccia, dont chacun connaît la volonté et la ténacité. (Applaudissements au centre et à droite)

Le texte de la CMP viendra devant le Sénat le 2 août ; je suis convaincu qu'alors nos objectifs de privilégier le dialogue social et de répondre aux attentes des usagers seront atteints (On en doute à gauche). Perdre une journée de travail, ce n'est pas rien, dit-on ; soit, mais a-t-on pensé au jeune ou au moins jeune qui ne peut se rendre à un entretien d'embauche ?

Nous reparlerons de ces questions lorsque le rapport souhaité par Mme le rapporteur nous aura été remis. En attendant, nous faisons confiance au dialogue social, avec en tête le droit de nos concitoyens de se déplacer et de travailler. (Applaudissements au centre et à droite)

A la demande du groupe socialiste, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 199
Contre 123

Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Xavier Bertrand, ministre. - Le Sénat vient d'approuver un texte important : depuis vingt ans qu'on en parlait, cela va devenir une réalité avec ce projet qu'examinera l'Assemblée nationale dans huit jours. Il nous restera, après la commission mixte paritaire, à veiller à ce qu'il soit applicable le 1er janvier 2008.

Je remercie le président et le rapporteur de la commission spéciale. Je remercie aussi l'ensemble des sénateurs qui ont participé à nos débats depuis quarante-huit heures. Chacun a pu aller au fond des choses et exprimer ses positions sur une mesure approuvée par 71 % des Français -j'aurais aimé pouvoir dire ses propositions mais les échanges ont parfois senti la naphtaline...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Le XIXe siècle !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Depuis le début, nous avons recherché l'équilibre. Le gouvernement, s'il n'a pas déposé d'amendements, en a accepté du Sénat, y compris de membres de l'opposition.

M. Roland Ries. - Seul !

M. Xavier Bertrand, ministre. - Le projet améliore notablement la prévention des conflits et organise le service minimum lorsque ceux-ci n'auront pas pu être évités. Il faudra assurer son effectivité partout en métropole, jusqu'en Corse, mais aussi outre-mer -je sais que les liaisons maritimes ne sont pas concernées.

Enfin reconnu, le droit à l'information change tout en plaçant le client au coeur du dispositif. Reste, pour paraphraser Jaurès, qu'une grève finit toujours là où on aurait dû commencer, autour de la table de négociation. Tout le monde était d'accord pour dire qu'on ne doit pas payer les jours de grève mais nos derniers échanges montrent qu'il était justifié de réaffirmer ce principe sans exclure un étalement des retenues.

Permettez-moi de me référer encore à Jaurès pour souligner que l'idée de dialogue est profondément moderne. Beaucoup de choses ont déjà changé dans la vie politique française et si leur quotidien est amélioré par ce texte, les Français le devront d'abord aux sénateurs. Qu'ils en soient remerciés (Applaudissements à droite et au centre).

Prochaine séance, lundi 23 juillet 2007 à 15 heures.

La séance est levée à 17 h 40.