Travail, emploi et pouvoir d'achat (Urgence)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat

Discussion générale

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. - (Applaudissements à droite) Un choc de confiance : voilà ce que doit provoquer ce projet de loi que je suis heureuse de venir défendre devant votre Haute Assemblée. La confiance, c'est d'abord celle que le pays doit retrouver dans la valeur travail. (M. Gournac applaudit. Protestations à gauche) La confiance, c'est aussi celle que la majorité de nos concitoyens a accordée à Nicolas Sarkozy, sur la foi de son programme. Ce que le Président de la République a promis, nous allons nous donner les moyens de le réaliser. Notre projet de loi n'est pas un simple « paquet fiscal », il constitue le premier wagon d'une véritable réforme économique et sociale, sans pour autant entraîner de modifications du Code du travail. Le Président de la République et le Premier ministre m'ont fixé les grandes lignes de mon action dans leur lettre de mission du 11 juillet. Mon objectif, c'est « le plein emploi et l'augmentation du pouvoir d'achat », ainsi que la mise en place d'une « stratégie économique globale pour notre pays dans la mondialisation ». Ce qui supposera de réviser les politiques publiques pour les rendre plus efficaces, de lever les blocages à la croissance, de moderniser notre marché du travail, de réformer notre fiscalité, et de revoir la gouvernance économique de l'Europe. En accrochant, dans les mois et les années qui viennent, tous ces wagons les uns aux autres, je suis convaincue que notre pays retrouvera le train de la croissance. Et qu'il pourra se lancer à pleine vitesse dans la course de la modernité.

Laissez-moi vous dire ma fierté d'avoir aujourd'hui une mission claire, une mission confiée par le Président de la République et le Premier ministre, une mission au service de la France. Remettre à l'honneur la valeur travail, c'est un impératif à la fois moral et économique.

Un impératif moral tout d'abord Trop de défiance pèse aujourd'hui sur le travail ; une défiance encouragée par les biais inacceptables qui faussent le marché de l'emploi. Quand d'un côté certains bénéficiaires des minima sociaux perdent de l'argent en retrouvant un travail, et que de l'autre certains dirigeants d'entreprise reçoivent des indemnités sans aucun rapport avec leurs performances, comment ne pas s'indigner ? (Applaudissements à droite) Nous voulons au contraire que le travail redevienne ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : une valeur démocratique, un vecteur d'intégration, une vérité dans notre existence.

Oui, le travail est une valeur démocratique : il nous place tous sur un pied d'égalité. Victor Hugo, l'un des plus illustres de vos pairs ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est facile !

Mme Christine Lagarde, ministre. - ...appelait les marins des « travailleurs de la mer ». La grande leçon de notre modernité, c'est que chacun, dans son domaine, est un travailleur, (marques d'ironie sur les bancs CRC) au sens fort du terme : le travailleur de la terre, le travailleur du virtuel, le travailleur indépendant comme celui qui est employé par une entreprise, tous savent ce que signifie, « une journée de boulot ».

Oui, le travail est un vecteur d'intégration, qui permet à chacun de trouver sa place dans la société. Oui, le travail est une vérité dans notre existence, car un travail, c'est souvent bien plus qu'un salaire, c'est une manière de se sentir bien dans sa vie. Cette loi est faite pour que le travail n'exclue personne, et nous rassemble tous.

Le travail est aussi un impératif économique. Plus que jamais, il est la clé de l'avenir de notre pays dans le jeu de la mondialisation. Nous sommes dans une société de services, une société d'innovation et de création, une société où la haute technologie s'accompagne d'un besoin grandissant de compétences et d'expériences. Nous sommes dans un monde hautement concurrentiel, où il nous faut faire le pari de l'excellence. Les femmes et les hommes de l'Inde, de la Chine, du Brésil ou de l'Afrique du Sud ne ménagent pas leur peine. La course est lancée. Allons-nous rester, les bras croisés, à observer leurs taux de croissance à deux chiffres, plus de 11 % pour la Chine ? (Murmures improbateurs sur les bancs socialistes) Pour la première fois en 2006, la diminution de la quantité d'heures travaillées en France n'est plus compensée par des gains de productivité horaire. Comment peut-on encore croire que travailler moins permet de travailler mieux ? A nous de prouver que travailler plus permet non seulement à chacun de gagner plus, mais aussi à la France de gagner le pari de la mondialisation. (Mme Assassi s'insurge)

Confiance, croissance, emploi : tels sont les trois principes qui guideront notre action et qui permettront à notre pays de retrouver le sens du travail. Ces principes concernent tout le monde. Pour les plus défavorisés, bénéficiaires des minima sociaux, nous allons mettre en place un Revenu de solidarité active (RSA), destiné à rendre attractif le retour au travail. Pour qu'un travailleur ne soit plus jamais traité de « travailleur pauvre ». Pour qu'une mère célibataire en situation difficile, qui parvient à se remettre au travail, voie ses revenus augmenter réellement. Mais bien au-delà du RSA, ce texte s'adresse à tous, et particulièrement aux classes moyennes, à ces quatre cinquièmes de la population qui ont vu leur niveau de vie stagner ces dernières années. Nos principales mesures sont destinées à tous ceux qui travaillent.

Le projet de loi couvre les différentes étapes du travail tout au long de la vie. Car travailler, c'est d'abord étudier, puis gagner de l'argent avec son travail, ensuite le dépenser et, enfin, transmettre les fruits d'une vie de travail.

Pour les étudiants, mes collègues de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur s'emploient déjà à faire du système éducatif un véritable vecteur de l'égalité des chances.

M. Guy Fischer. - Avec 17 000 suppressions de postes !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Mon ministère apporte sa contribution en améliorant la situation des étudiants qui travaillent pour financer leurs études. Voilà pourquoi l'article 2 étend l'exonération d'impôt sur le revenu, actuellement limitée aux « jobs d'été » exercés par des jeunes de moins de 22 ans, à tous les salaires perçus par les élèves ou étudiants âgés de moins de 26 ans. Cette exonération pourra aller jusqu'à 3 600 € de revenus par an, soit trois SMIC. Afin de préserver, le cas échéant, les droits à la prime pour l'emploi, les intéressés pourront choisir de ne pas profiter de cette exonération. Le coût de cette mesure est estimé à 40 millions.

Prenons l'exemple d'un étudiant qui gagne 250 euros par mois, en donnant des cours particuliers. S'il est à la charge de ses parents et que ceux-ci ont un revenu de 1 400 euros net -soit 1,4 SMIC- il leur fera économiser plus de 500 euros d'impôt.

Les étudiants sont déjà soumis à des épreuves de fin d'année. Nous allons leur alléger celles de la fin du mois. Car ces jeunes sont notre « capital humain », la matière première de cette « économie de l'intelligence » qui fera la réussite de la société de demain. (Applaudissements à droite)

J'en viens à la deuxième étape : gagner de l'argent avec son travail. L'article premier de la loi encourage le développement des heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale du travail de 35 heures. C'est notre mesure-phare : elle couvre près de 49 % du coût global de la loi.

Selon cet article premier, les employeurs bénéficieront d'une réduction de cotisations sociales, dont nous envisageons de fixer le niveau par décret à 50 centimes de l'heure pour les grandes entreprises, et à 1,50 euros de l'heure pour les entreprises de vingt salariés au plus. Par ailleurs, les heures supplémentaires n'entraîneront plus une diminution des allégements de charges sociales patronales pour les bas salaires.

Quant aux salariés, ils bénéficieront eux aussi d'une réduction de cotisations sociales, ainsi que d'une exonération d'impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007. De plus, le taux de majoration des heures supplémentaires dans les petites entreprises sera porté de 10 % à 25 % à la même date.

Ce dispositif s'étendra à l'ensemble des entreprises, en englobant aussi bien le travail à temps plein que le travail à temps partiel. Pour éviter les abus, la réduction de cotisations patronales ne s'appliquera pas aux heures complémentaires.

Cette mesure développera la formule désormais célèbre, selon laquelle travailler peut permettre de gagner plus. (Marques d'ironie à gauche, d'approbation à droite)

Le coût de cette mesure est estimé à quelque six milliards d'euros. C'est le poste principal de notre investissement dans ce projet de loi. Ainsi, un salarié payé 1 400 euros net dans une petite entreprise, et réalisant 4 heures supplémentaires par semaine, verra ses revenus annuels augmentés de 2 500 euros. Soit près de deux mois de salaires supplémentaires sur l'année : ce n'est plus le treizième, c'est presque un quatorzième mois !

La troisième étape consiste à dépenser l'argent gagné, et tel est le sens du crédit d'impôt que nous mettons en place, correspondant à 20 % des intérêts d'emprunt souscrit par l'acquéreur d'une résidence principale. Car l'encourager, c'est une façon d'ancrer chacun de nos concitoyens dans une parcelle de France... (Protestations sur les bancs CRC et socialistes, applaudissements à droite)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très Bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. - A peine plus de la moitié de nos concitoyens sont propriétaires de leur résidence principale, et il convient de faire une plus grande place à l'accession à la propriété (marques d'approbation à droite ; protestations sur les bancs socialistes, où l'on fait valoir qu'il ne faudrait pas pénaliser les locataires) C'est dans cet esprit que l'article 3 de la loi institue un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d'emprunts supportés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale. Cette mesure concerne les emprunts à venir, mais aussi les emprunts en cours, ceux qui deviennent propriétaires pour la première fois, comme ceux qui changent de résidence principale et s'articulera avec le prêt à taux zéro.

L'Assemblée nationale a étendu cette mesure à la mobilité professionnelle : le crédit d'impôt s'applique à la nouvelle résidence, dans la mesure où la précédente est laissée vacante.

Ce crédit d'impôt concernera les cinq premières années du remboursement, car c'est la période la plus difficile pour les emprunteurs, où se concentrent 40 % des intérêts du prêt. Les intérêts pris en compte iront jusqu'à 7 500 euros par an pour un couple (3 750 euros pour une personne célibataire), et pourront être majorés de 500 euros par personne à charge.

Certains prétendent que cette mesure renforcera les tensions sur le marché de l'immobilier...

M. Gérard Delfau. - Ils n'ont pas tort ! (M. Thierry Repentin le confirme)

Mme Christine Lagarde, ministre. - Or, en l'état actuel des tensions sur les taux d'intérêt, et de la stagnation du marché immobilier dans la plupart des agglomérations, les professionnels nous assurent que ce crédit d'impôt ne devrait pas avoir d'effet sur les prix... 

M. Gérard Delfau. - Ben voyons !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Le coût de cette mesure est estimé à 3,7 milliards d'euros, soit 28 % du coût total de l'investissement.

Je citerai l'exemple d'un jeune ingénieur célibataire qui souscrit un emprunt de 100 000 euros sur 15 ans à un taux de 4 %, pour s'acheter un appartement en ville...

M. Guy Fischer. - C'est un cadre supérieur !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Il réalisera un gain de 3 500 euros, soit une réduction de plus de 10 % du coût total de son crédit.

Deuxième exemple : un couple avec deux enfants qui souscrit un emprunt de 200 000 euros sur 20 ans au même taux, pour acheter une maison familiale, réalisera -sur 5 ans- un gain de plus de 7 000 euros, soit une réduction de plus de 8 % du coût total de son crédit. Cette mesure concerne donc un grand nombre de nos concitoyens, qui acquièrent une résidence principale ou en changent.

La quatrième étape consiste à transmettre les fruits d'une vie de travail, comme il est bien naturel, à la génération suivante. L'article 4 du projet de la loi allège de manière significative les droits de succession et de donation.

Le premier exemple s'applique aux époux et partenaires liés par un PACS. Pour eux, les droits de succession sont purement et simplement supprimés. Nous voulons en finir avec ces situations où le conjoint survivant, souvent âgé, est contraint de vendre son logement pour payer les droits de succession.

L'Assemblée nationale a étendu cet avantage aux frères et soeurs vivant sous le même toit.

Pour les enfants, l'abattement personnel sur la succession est relevé de 50 000 à 150 000 euros, tandis que l'abattement global de 50 000 euros sur la succession est supprimé. 95 % des successions passeront ainsi aux héritiers sans que l'État en prélève un seul euro.

Ces abattements sont communs aux successions et aux donations.

Les donations en numéraire, au profit de tout descendant en ligne directe, seront exemptées d'impôt, entre un même donateur et un même bénéficiaire, dans la limite de 30 000 euros, seuil relevé à la suite de l'amendement de Louis Giscard d'Estaing. (Sourires et exclamations ironiques sur les bancs CRC et socialistes). Un autre amendement adopté par l'Assemblée nationale permettra de tripler l'abattement spécifique en faveur des personnes handicapées, en cas de succession comme de donation, qui passe de 50 000 à 150 000 euros.

Le coût de cette mesure est estimé à 2,2 milliards d'euros.

Soit une veuve avec deux enfants, qui possède un patrimoine de 300 000 euros. Après son décès, le frère et la soeur recevront chacun 150 000 euros, nets d'impôt. Aujourd'hui, ils auraient dû payer l'un et l'autre plus de 13 000 euros d'impôt, soit près de 10 % de leur héritage !

Ces quatre mesures représentent l'essentiel du coût de la loi -et je n'ai pas encore utilisé le mot de « bouclier fiscal » ! (Exclamations sur les bancs du groupe CRC), 93 % exactement, qui concernent 95 % de nos concitoyens pour les droits de succession, plus de 50 % d'entre eux pour la résidence principale, et de très nombreux salariés pour les heures supplémentaires. De l'argent que l'État va ainsi dépenser, neuf euros sur dix iront aux étudiants, aux employés, aux futurs propriétaires, et à tous ceux qui héritent (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame) Et n'oubliez pas que les plus grosses successions continueront d'être taxées... (une voix sur les bancs UMP : « C'est dommage ! »)

Revaloriser le travail suppose aussi de retrouver la confiance dans le succès. Cela sera l'objet d'une deuxième série de mesures, pour un coût bien moindre, soit seulement 7 % du total.

Retrouver la confiance dans le succès, c'est tout à la fois rendre notre territoire attractif pour les succès d'aujourd'hui et de demain ; rétablir aux yeux de nos compatriotes le lien entre réussite et mérite ; et faire profiter les autres de son succès, en mettant la richesse acquise au service de l'intérêt général.

Aujourd'hui, contrairement à la situation qui prévalait encore il y a un siècle, les plus riches ne le sont pas grâce à la rente, mais à leur travail et au succès qu'ils y ont rencontré. (On le conteste sur les bancs des groupes CRC et socialiste) Ce sont avant tout des gens qui ont gagné leur vie en travaillant, et souvent en travaillant dur...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très Bien !

M. Alain Gournac. - Bravo !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Je rappelle que les revenus des 10 % de Français les plus riches proviennent pour environ 80 % du travail et pour seulement 7 % du capital. (Protestations à gauche)

M. Guy Fischer - De l'exploitation du travail !

Mme Christine Lagarde, ministre. - La confiance suppose que chacun puisse voir son niveau de revenu continuer d'augmenter.

Nous souhaitons rendre le territoire attractif pour le succès.

On ne peut pas d'un côté encourager le travail, et de l'autre surtaxer l'argent gagné, ce qui provoque le triste phénomène de « l'exil fiscal ».

Nous avons besoin de conserver et d'attirer chez nous les créateurs de richesse. Aussi l'article 5 abaisse-t-il le bouclier fiscal de 60 % à 50 % des revenus. Nous y incluons toutes les impositions, y compris les prélèvements sociaux, car ce sont bien là des impôts qui pèsent directement sur le revenu. (On le conteste à gauche)

L'Assemblée nationale a voulu un mécanisme de refacturation aux collectivités territoriales pour tenir compte de ces nouvelles dispositions. Pourquoi 50 % ? C'est, bien sûr, une barre symbolique qui correspond aussi à ce qui se fait dans d'autres pays de l'Union européenne. Elle permettra d'instaurer un véritable partenariat, juste et équitable, entre l'individu et l'Etat : ce sera la formule de notre contrat fiscal. Il s'agit également de redonner confiance à nos concitoyens : c'est pourquoi j'ai accepté la proposition de l'Assemblée de porter l'abattement d'ISF sur la résidence principale de 20 à 30 %. Cette mesure permettra de corriger des injustices croissantes dues à l'augmentation des prix de l'immobilier, qui fait tomber de manière artificielle certains contribuables aux revenus modestes dans le champ de l'ISF. (Exclamations à gauche)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Le nombre de déclarations d'ISF s'établit à plus de 518 000, soit une augmentation de 17 % par rapport à l'an dernier. Cela signifie-t-il que les plus riches ont gagné 17 % de plus ? Non, bien sûr, mais que l'immobilier a augmenté de façon substantielle dans certaines régions.

Le bouclier fiscal n'est pas spécifiquement destiné aux Français les plus aisés (On le conteste à gauche). II prend aussi en compte, par exemple, les impôts locaux. Le principe des 50 % vaut pour tous. (M. Bret s'exclame) Ainsi, un entrepreneur aux revenus déficitaires, qu'il soit chef d'entreprise, artisan ou créateur de start-up, se verra intégralement remboursé le montant de ses impôts locaux. Faut-il qu'en contrepartie la loi prévoie un impôt minimal en fonction du revenu ? C'est une possibilité, déjà mise en oeuvre aux États-Unis. Elle mérite d'être étudiée dans notre pays : j'ai donné mon accord à l'Assemblée nationale pour soumettre au Parlement un rapport d'analyse et de prospective sur le sujet avant le 15 octobre.

Le coût de l'abaissement du bouclier fiscal est estimé à 600 millions, soit 4 % de l'investissement total que nous évoquions.

Prenons l'exemple d'un médecin gagnant 100 000 euros par an, et dont la femme ne travaille pas. En additionnant l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la taxe foncière, les contributions et prélèvements sociaux, ainsi q'un ISF de 40 000 euros, ce couple s'acquitterait de plus de 75 000 euros d'impôt ! Avec ce bouclier fiscal, toutes les sommes payées au-delà de 50 000 euros lui seront restituées.

Deuxième mesure qui permet de mieux affirmer le lien entre mérite et succès. S'il est entendu que tout travail mérite salaire, il est choquant pour tous nos compatriotes que certains dirigeants touchent des rémunérations sans rapport avec leur mérite. (Murmures réprobateurs à gauche) L'article 7 prévoit donc que les indemnités de départ seront soumises à des conditions de performances strictes, dont le respect sera contrôlé par le conseil d'administration de l'entreprise. (Mme Borvo Cohen-Seat se gausse)

De plus, l'assemblée générale des actionnaires pourra procéder à un vote spécifique sur l'attribution de ces indemnités. Toutes ces procédures se dérouleront dans la plus grande transparence, ce qui devrait mettre fin à la série de scandales qui a écorné dans l'opinion publique le prestige légitime des chefs d'entreprise, (exclamations sur bancs CRC) et restaurer la confiance nécessaire entre tous les acteurs de l'économie. Si le chiffre d'affaires d'une entreprise s'est dégradé durant le mandat du dirigeant, les actionnaires pourront ainsi décider de ne pas lui accorder de rémunération supplémentaire lorsqu'il sera mis fin à son mandat.

Troisième mesure : inciter ceux qui sont à juste titre rémunérés et qui payent l'ISF d'en faire profiter les autres. La confiance retrouvée permettra d'autant plus aisément de réorienter la richesse vers des investissements directement utiles. L'article 6 encourage ainsi nos concitoyens redevables de l'ISF à investir dans le capital des PME, ou à effectuer des dons au profit d'organismes d'intérêt général. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame). Ils bénéficieront à ce titre d'une réduction d'ISF égale à 75 % de l'argent versé, dans la limite de 50 000 euros par an, 25 % restant entièrement à la charge du contribuable afin qu'il soit incité à participer au risque qu'il prend.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Excellente mesure !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Merci, monsieur le rapporteur ! Certains se plaignent de payer un impôt confiscatoire, tandis que des PME extrêmement dynamiques cherchent de l'argent frais pour se moderniser et embaucher. Grâce à cet article, chacun des deux devient la solution de l'autre, d'autant qu'il ne manque souvent aux PME qu'un petit coup de pouce financier pour transformer leurs projets en réalité. Comme l'a dit Hervé Novelli (exclamations amusées à droite) : mieux vaut payer l'entrepreneur, plutôt que le percepteur.

Voix sur les bancs CRC. - Belle mentalité !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Parlez-en avec vos électeurs ! Prenons l'exemple d'un architecte qui effectue une souscription de 40 000 euros au capital d'une usine de biomatériaux. Il bénéficiera d'un avantage fiscal de 30 000 euros. Une telle somme suffit, dans bien des cas, à débloquer la situation d'une PME, en lui permettant d'effectuer les investissements dont elle a besoin. D'autre part, notre architecte est obligé de prendre un risque personnel de 10 000 euros, ce qui devrait renforcer son intérêt pour l'usine. Développer ainsi des liens directs entre l'entreprise et le citoyen, cela répond à une logique que les Anglo-Saxons appellent love money...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Tout est dit, alors !

Mme Christine Lagarde, ministre. - ...expression que je traduirais par « argent de proximité »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous préférons le modèle français !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mais il est mort !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Bien sûr, la love money ne remplace pas l'amour du bien public. C'est pourquoi nous avons également prévu de plafonner les dons à 50 000 euros et qu'ils puissent également être faits à des fondations reconnues d'utilité publique ou à des entreprises d'insertion. Le coût de cette mesure est estimé à 410 millions.

J'ai essayé de vous présenter cette loi de la façon la plus concrète possible, pour vous montrer quel impact elle aura au quotidien sur la vie de nos concitoyens. Notre objectif est, vous l'avez compris, de restaurer la valeur travail.

(Une voix sur les bancs socialistes : « Et les déficits ? »)

Si je demandais à tous ceux que j'ai évoqués de former un cercle autour de nous, nous aurions un jeune étudiant qui donne des cours particuliers, un couple modeste qui veut s'acheter une maison, un salarié dans une PME cherchant à gagner un ou deux mois de salaires en plus, un créateur de start-up, un médecin pestant contre les impôts, une mère célibataire qui fait face à de grandes difficultés et qui veut s'en sortir, un jeune ingénieur, un frère et une soeur héritant d'un appartement dans une ville de province, et un architecte convaincu de l'avenir des biomatériaux.

M. Michel Charasse. - Et Sarkozy, aussi : il est partout ! (On s'amuse)

Mme Christine Lagarde, ministre. - Quel meilleur échantillon de la population française ? C'est à tous ceux-là que s'adresse notre loi. (Applaudissements à droite) L'ensemble de ce dispositif devrait coûter à l'Etat entre 10 et 11 milliards en 2008, et 13,8 milliards en régime de croisière. Je ne puis être plus précise car tous ces chiffres reposent sur des estimations.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est sûr, il n'y a pas de garanties !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Comme l'a dit Eric Woerth hier, nous allons, pour le financer, maîtriser la progression des dépenses publiques. La division par deux de leur rythme d'évolution devrait permettre de dégager 10 milliards d'économies dès 2008. En outre, nous espérons une augmentation des recettes fiscales grâce au choc de confiance. Pour 2008, j'espère 0,25 point de plus et je me plais à rêver à un demi point supplémentaire.

Ce projet de loi joue à la fois sur l'offre et sur la demande. Il est en effet tout à fait dépassé de privilégier l'une au détriment de l'autre. En 2007, on ne peut être keynésien ou friedmanien et il n'y a pas de fatalité à utiliser l'une ou l'autre de ces deux théories économiques. Leur panachage peut se révéler efficace.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Soyons lagardiens ! C'est-à-dire pragmatiques !

Mme Christine Lagarde, ministre. - L'investissement que la France fait aujourd'hui, vous ne le regretterez pas.

Mme Christine Lagarde, ministre. - En agissant sur la demande par le biais des heures supplémentaires, nous favoriserons la croissance, mais nous gagnerons aussi en compétitivité avec les abattements de cotisations patronales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Excellente initiative !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Confiance, croissance et emploi, tel est le credo de cette loi. Je l'ai entendue ici ou là qualifiée de « paquet fiscal ». Compte tenu de la répartition du coût des mesures proposées, 93 % d'un côté et 7% de l'autre, il ne s'agit pas d'un paquet cadeau pour les riches...

M. Guy Fischer. - J'en doute !

Mme Christine Lagarde, ministre. - ...ni d'un paquet piégé qui nuirait à la croissance, ni d'un paquet surprise dont on ne contrôlerait pas les conséquences, mais plutôt d'une boîte à outils dans laquelle celles et ceux de nos concitoyens qui veulent travailler pourront trouver le revenu qu'ils cherchent.

Ce texte combine l'ambition de la réforme et l'exigence de la rigueur. Je vous propose, avec optimisme et foi, de monter dans le train de la confiance et de la croissance. Je compte sur la richesse de nos débats pour améliorer le projet de loi du gouvernement. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. - (Applaudissements à droite) Le sujet que je vais aborder, celui des minima sociaux et du retour à l'emploi, est familier à la Haute assemblée. Vous vous êtes à plusieurs reprises penchés sur ces questions, au travers de contributions essentielles, du rapport de M. Marini en 2002 à celui de M. Dassault sur les contrats aidés, en passant par ceux de M. Seillier, de MM. Mercier et de Raincourt ou celui de Mme Létard. Nous espérons que notre démarche d'aujourd'hui permettra de remédier aux dysfonctionnements que tous, parlementaires mais aussi responsables d'exécutifs locaux comme MM. Cazeau ou de Broissia, ont constatés. Ces travaux ont de nombreuses vertus ; ils ont permis d'en finir avec certains clichés, de sortir des sentiers battus grâce à une vision sociale et pragmatique de l'insertion. Et ils ont pour beaucoup, conformément à la tradition du Sénat, dépassé les clivages partisans.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - J'en dégage plusieurs lignes directrices qui sont aussi les nôtres. Les premières d'entre elles, la simplification et la lisibilité sous-tendent le revenu de solidarité active (RSA) ; mais on sait qu'il est difficile de passer d'un système complexe à un autre plus simple, qu'il est facile de simplifier sur le papier, plus ardu de le faire sur le terrain sans créer d'autres injustices et effets pervers, sans léser certains, sans laisser filer la dépense. C'est pourquoi nous procéderons concrètement et par étapes, pour ne pas oublier telle ou telle situation spécifique ; le système que nous entendons bâtir se construira de manière à ce que les mécanismes que nous mettons en place puissent être revus au fur et à mesure. Ce qui se conçoit bien pour les personnes en difficulté doit s'énoncer clairement dans les textes et les procédures ; les moyens viendront ainsi plus aisément.

Il importe ensuite de bien articuler les politiques décentralisées et la solidarité de la Nation. L'État doit rester le garant de celle-ci, mais les initiatives locales doivent avoir toute leur place. C'est pourquoi, afin de dépasser le déséquilibre actuel et de réduire l'enchevêtrement des compétences, nous avons choisi d'inscrire notre dispositif dans le cadre tracé par le gouvernement Raffarin et de permettre aux collectivités territoriales d'expérimenter à l'échelle de leur territoire des modifications de la loi générale, de façon transitoire et évaluée, de telle sorte que celles-ci puissent être généralisées si elles ont fait leurs preuves.

M. Guy Fischer. - De nouvelles inégalités !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - L'État doit pouvoir, de la même manière, expérimenter sur une partie du territoire national avant toute généralisation ; garant de la solidarité, il n'a pas à définir dans le moindre détail les règles qu'il impose aux autres acteurs, mais doit leur proposer un cadre clair. Les présidents de conseils généraux savent ce qu'ils ont réussi comme les obstacles qu'ils ont rencontrés. Les collectivités locales sont aujourd'hui des acteurs clé de la solidarité ; co-conceptrices de la réforme sur le fondement de leurs programmes expérimentaux, elles seront étroitement associées aux étapes suivantes, et in fine à la généralisation.

La troisième ligne directrice, c'est la réciprocité des droits et des devoirs, à condition qu'elle ne pèse pas sur les plus faibles, qu'elle ne soit pas déséquilibrée, qu'elle engage tout le monde, État, employeurs, collectivités locales, services publics, personnes en difficulté. Cette réciprocité est le fondement de la vie en société, celui de la cohésion sociale et économique. Mes années de militantisme au sein d'une association qui m'est à jamais chère m'ont appris le mot « estime » ; quelle plus belle marque d'estime envers les personnes dévalorisées dans notre société que de faire preuve de solidarité à leur égard tout en ayant des exigences adaptées à leurs capacités ! Et de hausser le niveau des premières quand les secondes elles-mêmes s'élèvent ! (Applaudissements à droite)

Nous sommes allés avec le Premier ministre à Argenteuil au début de cette semaine pour parler avec des personnes dont beaucoup percevaient le RMI ou l'allocation de parent isolé (API). La qualité de nos échanges n'étonnera que ceux qui n'ont jamais pris le temps, le plaisir même, de débattre avec ceux qu'on ne traite jamais en interlocuteurs valables.

M. Aymeri de Montesquiou. - C'est vrai !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Ils connaissent mieux que n'importe qui les défauts du système, les difficultés qu'ils rencontrent, leurs attentes, leurs besoins, les améliorations à apporter. Le gouvernement sera favorable à l'amendement qui les associe à la conduite des expérimentations.

Les échanges que nous avons eus illustrent la nécessité des dispositions qui vous sont soumises aujourd'hui. Nous avons rencontré une personne qui, employée dans l'hôtellerie, avait dû cesser son travail à la naissance de son premier enfant ; percevant l'API, elle avait souhaité reprendre un emploi compatible avec la charge de son enfant ; mais tous les emplois qu'on lui proposait débouchaient sur une perte de revenus. Si nous ne faisons rien, elle basculera inévitablement vers le RMI. Cela n'arrivera plus si vous votez le texte que nous vous proposons !

On avait proposé à une autre un contrat d'avenir : elle n'y gagnait pas un centime de plus ! Et il y a pire : de nombreuses personnes qui reprennent un emploi en contrat d'avenir, sans gagner plus qu'avant, se voient réclamer des centaines d'euros au titre des indus ; elles n'ont pas triché, mais elles ont perçu de bonne foi, pendant quelques mois, des aides auxquelles elles n'avaient plus droit du fait de leur reprise d'activité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est absurde !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Veut-on qu'elles renoncent à travailler ? Si vous votez le texte, cela n'arrivera plus ! L'expérimentation permettra de vérifier si la proportion de ceux qui abandonnent un emploi dans ces circonstances diminue.

M. Ladislas Poniatowski. - Nous avons tous intérêt à ce que cela réussisse !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Troisième exemple, cette fois dans le secteur de l'aide à la personne : une femme, ayant perdu certains de ses employeurs, voit son nombre d'heures baisser et ses revenus passer en deçà du RMI. Les revenus du travail étant déduits du RMI, elle ne gagne donc pas un centime de plus que si elle ne travaillait pas du tout ! Si vous votez ce texte, son travail ne sera plus du travail gratuit.

M. Guy Fischer. - Combien va-t-elle toucher ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Chaque fois que les revenus augmentent de cent, nous garantissons que les ressources augmenteront de soixante. Aujourd'hui, elles peuvent diminuer de vingt !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absurde !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Les meilleurs avocats du RSA, ce sont les personnes directement concernées, celles qui chaque mois calculent leur « reste à vivre ».

M. Guy Fischer. - Voilà ! Pas besoin de calculette !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Comme l'a dit le Premier ministre, ce ne sont pas ces gens qu'il faut stigmatiser, c'est le système ! (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous en êtes responsables !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - On nous a reproché d'être trop timorés, de ne pas aller assez loin ni assez vite. C'est tout le contraire : le RSA est créé dès la session extraordinaire, dans l'un des tout premiers textes de la mandature ! Si ça marche, nous irons plus loin. Nous irons jusqu'au bout !

M. Guy Fischer. - Jusqu'au plein emploi ! (Mme Borvo Cohen-Seat s'esclaffe).

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - J'assume cette modestie.

M. Guy Fischer. - 25 millions !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Nous réformons un système d'une redoutable complexité. L'implication des acteurs, élus, travailleurs sociaux, entreprises et services publics, est décisive. Mieux vaut commencer par des programmes limités que des chambardements. Mais cette modestie va de pair avec une grande ambition : rendre les dépenses sociales réellement efficaces, le travail plus rémunérateur et plus accessible.

Nous oeuvrons sur deux fronts : d'abord les expérimentations, qui seront encouragées, accompagnées, évaluées. Les conseils généraux seront maîtres d'oeuvre pour le RMI, l'État pour l'API, mais cofinancera les actions et contribuera à leur évaluation, dans un esprit partenarial. Les programmes seront ajustés aux priorités locales -zones rurales, travaux saisonniers, problèmes de mobilité, etc- mais les enseignements seront mutualisés. Dès l'automne, nous pourrons constater les progrès ou les obstacles et corriger aussitôt le tir.

Deuxième front : dessiner l'architecture d'une réforme d'ensemble. Les travailleurs pauvres ne sont pas directement concernés par les expérimentations : dès septembre, nous entamerons des discussions sur les bas salaires (M. Vasselle, rapporteur pour avis, approuve). Il faut aussi réfléchir à l'articulation avec l'ensemble des minima sociaux : doivent-ils être intégrés ou non au RSA ? Les droits connexes ne doivent plus être fonction du statut mais du revenu (M. Vasselle, rapporteur pour avis, approuve) : cela relève-t-il des collectivités locales ou faut-il légiférer ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Non.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Il faut réfléchir à l'articulation avec les aides au logement et la CMU, qui sont à l'origine d'effets de seuil, lever les divers obstacles à l'emploi -surendettement, garde d'enfants, transport, etc.- faire le lien avec la réforme des contrats aidés expérimentés dans certains départements, répartir les compétences entre État et départements : ceux-ci souhaitent-ils porter le RSA ?

Ces chantiers doivent être coordonnés. Nous reviendrons devant vous tout au long de cette phase préparatoire.

Notre pays a les moyens de réduire la pauvreté et l'exclusion, de donner une place digne et utile à chacun. Un modèle social ne se mesure pas à l'aune des milliards dépensés mais à celle du taux de pauvreté. Ce taux, nous allons le réduire : même les ordinateurs de Bercy montrent que c'est possible !

J'ai connu l'époque où les associations étaient regardées de haut : c'est gentil, nous disait-on, mais vous n'influencerez jamais les politiques publiques ! J'ai connu ensuite l'époque des rapports condamnés à prendre la poussière sur une étagère...

Mme Raymonde Le Texier. - Ce n'est plus le cas ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - ..., puis celle du simple articulet permettant une expérimentation, avant d'être balayé... J'espère que nous connaîtrons bientôt l'époque où vous direz : les expérimentations marchent, généralisons-les ! Vous constaterez qu'à force de ténacité, d'opiniâtreté, ces idées -parce qu'elles sont justes et répondent à des situations concrètes- seront mises en oeuvre. Notre pays cessera de compter plus de travailleurs pauvres et de chômeurs que la moyenne européenne. C'est pour ça que nous sommes là ! (« Bravo » et applaudissements à droite et au centre ; plusieurs sénatrices socialistes applaudissent aussi)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Voici le troisième temps de la trilogie budgétaire de l'été. D'abord la loi de règlement, socle pour le nouveau mandat ; puis le débat d'orientation budgétaire, traçant les perspectives pluriannuelles qui balisent le retour à l'équilibre des comptes publics ; enfin, ce projet de loi, qui met en oeuvre les engagements du Président de la République en matière de politique fiscale.

Oui, ce projet de loi est une transcription fidèle des engagements pris devant les Français. Oui, chers collègues de la majorité, nous avons gagné les élections. Oui, chers collègues de l'opposition, vous avez perdu les élections. (Sourires et exclamations à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Jusque là, ça va !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nul ne peut être surpris que l'on réalise ce que l'on a promis !

M. Roland Ries. - Pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant ?

M. François Marc. - Vous n'y croyez pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La majorité a été reconduite...

Mme Bariza Khiari. - La roue tournera...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pourquoi cette mauvaise humeur ? Souhaitez-vous m'interrompre ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On le sait que vous avez gagné, abrégez !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les trois rubriques essentielles de ce texte sont de revaloriser le travail...

M. Bernard Vera. - Le capital !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... de favoriser la constitution et la fluidité du patrimoine...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Du capital !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... -volet patrimonial que nous voulions et que nous revendiquons- et d'améliorer l'image de l'entreprise dans l'opinion publique. Il est important de bien comprendre qu'il n'est de richesse que d'hommes ... et que d'entreprises...

Mme Nicole Bricq. - Ce n'est pas dans le texte !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La compétitivité et l'attractivité d'une économie dépendent de la quantité de travail à l'oeuvre, de la qualité de l'initiative et de l'ambition de ceux qui font vivre les entreprises et l'économie de marché. Dans le monde d'aujourd'hui, il n'est d'autre économie que l'économie de marché, n'en déplaise à ceux qui ont la nostalgie du monde mort en 1989 avec la chute du mur de Berlin et des économies administrées, malgré leur dramatique échec.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Propagande !

M. André Dulait. - Vous êtes orfèvre...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Inviter les Français à travailler plus...

Mme Annie David. - Et à travailler tous ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous aurez l'occasion de présenter vos arguments, laissez-moi présenter les miens suivant les règles du débat démocratique.

M. Éric Doligé. - Ils ne savent pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - A la défiscalisation et à l'exonération de charges des heures supplémentaires, répond le revenu de solidarité active : il s'agit de revaloriser le travail. Je ne suis pas orfèvre en matière de droit du travail comme l'est l'excellent rapporteur de la commission des affaires sociales mais je constate que dans la principale entreprise de l'agglomération de Compiègne, des négociations ont été ouvertes avec les 1 200 salariés : la semaine de travail des agents postés passerait à quarante heures, leurs rémunérations seraient améliorées et 115 intérimaires seraient recrutés. Et cela dans un site dont la maison mère, à capitaux allemands, envisageait la fermeture parce que la situation sociale était bloquée. Et cela grâce à l'examen de ce projet et avec l'assentiment de vos amis de la CGT.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - A qui parle-t-il ?

M. Robert Bret. - Attendez donc le rendez-vous du 31 juillet !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La France montre ainsi qu'elle sait assouplir intelligemment la règle du jeu et en appelle à la négociation pour qu'on recherche avec bonne foi le bien commun au sein de l'entreprise. Si elle rencontre le succès que j'espère, cette mesure aggravera le coût des exonérations mais elle créera du travail supplémentaire, partant élargira l'assiette fiscale et sociale.

Voilà des années que nous réfléchissions à la difficile transition entre non-travail et travail, entre assistanat et retour à l'emploi. Je suis d'autant plus sensible à la démarche de M. Hirsch qu'avec M. Lambert, nous avions défendu en 2000, dans la même logique, une proposition de loi sur le RMA.

M. Pierre Laffitte. - Absolument.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Voces clamantes in deserto... Le gouvernement nous rejoint enfin sur cette ambition sociale. J'approuve votre démarche prudente et le choix d'une expérimentation mais je vois mal la prime pour l'emploi coexister avec un RMA pérenne et généralisé.

La majorité de la commission des finances est favorable à inciter les Français à acquérir leur résidence principale. C'est une nécessité sociale et un facteur de cohésion de la société. Les élus locaux savent bien que les propriétaires, parce qu'ils sont attachés à leur ville et à leur quartier, sont des citoyens actifs sur lesquels on peut compter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Faut-il chasser les autres ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le rapport publié en 2002 par notre commission sur les mutations et les successions a montré le caractère absurde d'un barème archaïque. Ministre d'Etat, ministre de l'économie des finances, M. Sarkozy avait commencé à y remédier mais dans les conditions de l'époque, il n'a pu apporter qu'une réponse limitée. Votre texte a une portée beaucoup plus large. J'en veux pour preuve l'exonération totale du conjoint survivant. Franchement, n'est-ce pas une proposition sociale que d'éviter le cumul de la douleur et d'une taxation ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La double peine...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Prenez-nous par les sentiments.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pouvez-vous nier que nous allons réaliser un progrès social ? La commission proposera sur cet article quelques amendements de portée limitée.

Plusieurs de nos propositions relatives à l'imposition du patrimoine se retrouvent dans le projet, qu'il s'agisse de l'intégration de la CSG et de la CRDS dans le calcul du bouclier fiscal, du relèvement de 20 à 30 % de la déduction pour résidence principale, ou encore du l'impôt choisi. Nous sommes heureux de les voir ainsi en perspective et saluons l'affirmation d'un principe clair : pas de taxation cumulée au-delà de 50 % du revenu imposable.

C'est un principe qui devrait avoir une portée encore plus générale. La mise en oeuvre de projets d'entreprise se justifie aussi du point de vue de l'attractivité du territoire, de la compétitivité de la France. Trop de patrimoines se sont expatriés. Ce texte devrait interrompre l'hémorragie, sinon même susciter le retour de ceux qui comprendront que l'entreprise est désormais respectée en France, avec le dynamisme et l'esprit d'initiative.

La commission des finances est attachée à l'existence d'un lien direct entre les redevables de l'ISF et les entreprises dans lesquelles on les encourage à investir. Il ne s'agirait pas que ces 50 000 euros se traduisent par de nouveaux produits financiers qui mutualiseraient les risques et que les banques proposeraient ordinairement à leur clientèle. Nous voulons encourager les cercles d'investisseurs qui établiraient des relations directes entre les contributeurs à l'ISF et les responsables de projets d'entreprise. C'est aussi une affaire de cohésion sociale : au lieu de raisonner en termes de lutte des classes, conjuguer les complémentarités. Bénéficier d'un patrimoine important, cela crée des devoirs, qui doivent se manifester par l'impôt, bien sûr, mais aussi par des actions d'intérêt général comme la réussite de projets d'entreprise.

La commission n'a pas adopté d'amendement sur les dispositions relatives à l'image des entreprises, concernant les parachutes dorés et la taxation des gains d'acquisition liés à l'exercice d'options sur titres même en cas de donation.

Nous aurons dans les prochains mois d'autres occasions de traiter de nouveau ces questions d'attractivité et de compétitivité de la France ; nous voulons contribuer à votre réflexion en imaginant une réponse fiscale propre à attirer des universitaires ou des entrepreneurs de grand talent. Pour ce faire nous nous inspirons d'un dispositif qui a fait ses preuves en Grande-Bretagne. Il n'y a pas de raison de ne pas aller chercher là où elles marchent les solutions à des problèmes que nous connaissons comme nos voisins.

Nous aurons de grands débats sur les prélèvements obligatoires, et participerons peut-être à des évolutions décisives. Un système fiscal est le reflet d'une société et de ses valeurs.

Vous avez eu, Madame la Ministre, de belles citations. Permettez-moi de conclure avec ces mots de Vauban, à la fin de son Projet d'une dîme royale :

« Comme toutes les conditions de ce monde sont mêlées de gens de bien et d'autres qui ne le sont pas, il est aisé de concevoir que ce ne sont pas les premiers que ce livre attaque, mais bien ceux qui, sous de fausses apparences, n'affectionnent rien tant que leurs intérêts, sans se beaucoup soucier de celui du public, pour lequel ils ne voudraient pas faire un pas qui pût leur porter le moindre préjudice, quand même ils sauraient à n'en pouvoir douter que cela pourrait produire un très grand bien à l'État. » (Applaudissements à droite et au centre).

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales Tant dans son volet financier que dans ses dispositions sociales, ce projet de loi trouve largement son inspiration dans les travaux du Sénat. Le gouvernement n'aurait pu mieux faire pour rendre hommage au rôle éminent de l'institution sénatoriale et pour en faire sentir le caractère incontournable.

Ces dispositions, qui s'inscrivent dans le droit fil des engagements du Président de la République, doivent réhabiliter le travail, en desserrant les contraintes qui pèsent sur notre économie en raison de la législation sur les trente-cinq heures et en encourageant le retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux. Ce projet de loi rompt avec la logique de partage du travail qui a longtemps servi de fil directeur à notre politique de l'emploi, avec les résultats que l'on sait. Il se justifie par une analyse économique simple : un plus grand nombre d'heures travaillées signifie plus de créations de richesses, donc davantage de consommation, d'investissements et, finalement, d'emplois. Autrement dit, le travail crée le travail.

Ce texte favorise le développement des heures supplémentaires en réduisant leur coût pour l'employeur et en les rendant plus rémunératrices pour les salariés. Il propose donc un dispositif équilibré, sur une base « gagnant-gagnant ». D'un côté, une déduction forfaitaire de cotisations patronales, majorée pour les plus petites entreprises pour compenser le tarif plus élevé des heures supplémentaires qui s'appliquera désormais. De l'autre, un surcroît de salaire pour les employés grâce â l'exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions salariales sur ces heures, et grâce au tarif majoré de 25 % de l'heure supplémentaire pour tous. Des garde-fous éviteront un recours abusif au dispositif.

Nous attendons de ce dispositif un effet sensible. Un salarié payé 1,2 smic pour 35 heures percevra un revenu net en hausse de 4,5 % s'il fait une heure supplémentaire par semaine et de 17,8 % pour quatre heures. Pour les entreprises, l'impact sur le coût du travail sera d'autant plus net que l'employeur pourra combiner la réduction forfaitaire avec l'allégement Fillon. Ma seule réserve concerne peut-être, mais l'effet négatif ne sera que transitoire, les entreprises employant au plus vingt salariés lorsqu'ils sont rémunérés au-delà de 1,45 Smic, en raison de la revalorisation anticipée du taux de majoration applicable dans ces entreprises.

Ce dispositif aura un coût élevé : 6 milliards d'euros en année pleine, soit la moitié de la dépense publique résultant de ce projet de loi, et dont l'essentiel constitue un manque à gagner pour la sécurité sociale.

Encore s'agit-il d'un minimum calculé sur la base des heures supplémentaires aujourd'hui effectuées dans le privé, qui devraient -c'est l'objectif du dispositif- aller croissant. Le gouvernement a indiqué que l'Etat compenserait les exonérations de cotisations sociales. Espérons qu'il s'y emploie dans des délais rapides pour ne pas aggraver la situation financière de la sécurité sociale. En raison de l'insuffisance du panier de recettes fiscales censé compenser les allègements en vigueur, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale atteindra bientôt son plafond de découvert autorisé. M. Woerth, ministre du budget, s'est engagé hier à rembourser la dette de 5,1 milliards que l'Etat doit à la sécurité sociale, ce dont notre commission se réjouit, mais le problème reste entier pour 2008. Madame la ministre, pouvez-vous confirmer que les exonérations de charge seront compensées à l'euro près ?

J'en viens au RSA. Sept millions de personnes sont concernées en France, dont deux millions d'enfants et plus de trois millions et demi de bénéficiaires d'un minimum social : il y avait urgence à agir. Nous souscrivons pleinement à l'objectif que le gouvernement s'est fixé, celui de faire reculer de 30 % le niveau de pauvreté en France en cinq ans, et à la méthode de l'expérimentation, que nous avions d'ailleurs préconisée dans le cadre du groupe de travail sur les minima sociaux présidé par Mme Létard et dont j'avais l'honneur d'être le premier vice-président.

Des dispositifs innovants d'insertion pour les Rmistes sont déjà expérimentés : le contrat unique d'insertion dans la Côte d'Or et le RSA « en avant-première » dans l'Eure. Le président du conseil général de l'Eure, que nous avons auditionné, nous a convaincus de la pertinence de ce dispositif très pragmatique.

M. Ladislas Poniatowski. - Plus exactement, le RSA est expérimenté à Louviers !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - Le système du RSA, que la commission des affaires sociales et la Haute assemblée avait d'ailleurs déjà adopté, a montré ses vertus dans les pays voisins bien qu'il soit coûteux et ses résultats aléatoires. En effet, sa réussite dépend de la situation du marché du travail : sans offre d'emplois, on ne peut mettre en oeuvre le RSA.

En outre, plusieurs conditions doivent être réunies pour que le dispositif soit un succès. Tout d'abord, Etat et acteurs locaux devront accompagner les allocataires de minima sociaux. Notre commission y tient tout particulièrement car un supplément de revenu, le RSA, ne garantit en rien un retour à l'emploi pérenne, contrairement à la formation professionnelle dont tous les allocataires, notamment ceux de l'API...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ou ceux de l'ASS !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - ...ne peuvent bénéficier à moins qu'ils aient la chance d'habiter une région ou un département où cela est prévu.

Ensuite, le gouvernement doit « prendre le temps de l'expérimentation ». Il a annoncé que le dispositif sera généralisé dès 2008, soit deux ans avant l'échéance prévue dans le texte. Quelles sont ses intentions ?

Par ailleurs, le gouvernement, par la voix du Haut commissaire Hirsch, a annoncé que l'Etat prendrait en charge 50 % du coût estimé de l'expérimentation, soit 25millions par an. Le texte n'offre aucune garantie à ce sujet, ce dont s'inquiète l'Assemblée des départements de France. L'article 40, que la commission des finances invoque...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Lorsque cela est justifié !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - ...nous interdit de clarifier ce point par voie d'amendement. J'en appelle donc au gouvernement...

Enfin, les effets pervers ou les effets d'aubaine devront être contrôlés. Le texte laisse aux départements le soin de fixer le niveau du revenu garanti, qui servira à déterminer le RSA, et de définir les modalités de calcul de la prestation. L'Agence nouvelle des solidarités actives recommande de prendre en compte les droits connexes -la tarification sociale téléphonique ou d'électricité, l'exonération de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle, la prise en charge des tarifs de cantine ou de transports par les collectivités- lesquels peuvent paradoxalement inciter à l'inactivité professionnelle. L'Eure a d'ailleurs retenu cette formule, ce qui l'a conduit à recenser les droits connexes en vigueur dans le département : on en dénombre pas moins de cinquante-et-un ! S'il est bon que les modalités du RSA varient d'un département à l'autre -c'est tout l'intérêt de l'expérimentation-, il serait bon que les droits connexes soient intégrés dans le calcul. Ce serait une mesure d'équité entre travailleurs pauvres non éligibles au RSA expérimental et bénéficiaires du RSA. Prenons l'exemple d'une caissière de supermarché employée à mi-temps.

M. Guy Fischer. - Vingt-neuf heures tout de même !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - Acceptera-t-elle que ses revenus soient inférieurs à ceux de sa voisine qui, occupant un emploi à quart-temps, est éligible au RSA ? (Mme Raymonde Le Texier approuve.) Bref, l'initiative qu'a prise l'Assemblée nationale de prévoir un rapport sur la question est intéressante.

Le RSA peut sembler un dispositif modeste qui laisse de côté travailleurs pauvres et bénéficiaires de certains minima sociaux, notamment l'AAH. Pour autant, ce premier pas prépare les esprits à une réforme d'ensemble de notre système de solidarité nationale. Nous y souscrivons pleinement, d'autant que les départements volontaires auront un rôle décisif à jouer. Par parenthèse, l'expérience doit être menée en conditions réelles dans les vingt-cinq départements, en prenant en compte la diversité la plus large des publics concernés, et non en mettant toutes les chances de son côté comme l'a fait le président du Conseil général de l'Eure en sélectionnant deux mille Rmistes sur huit mille, parmi ceux qui pouvaient espérer retrouver rapidement du travail, et un bassin d'emploi porteur. Il faut retenir des publics et des milieux divers -des territoires pauvres ou encore ruraux-, sinon cela faussera les résultats et, monsieur le haut commissaire, au lieu de créer l'espoir, nous susciterions la déception. L'amendement adopté à l'Assemblée nationale devrait éviter qu'une telle situation ne se produise.

Pour conclure, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à ce texte, sous réserve des amendements qu'elle présentera. Je remercie la commission des finances d'avoir accepté que nous mettions la main à la pâte en reconnaissant notre expertise en matière de droit du travail et de protection sociale ! (Applaudissements à droite et au centre).

M. Jean Arthuis. - Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est un texte admirable que vous nous proposez, Madame la ministre, parce qu'il agit sur l'ISF en même temps qu'il lutte contre la pauvreté, conformément aux engagements électoraux du Président de la République. Dans quelques temps, vous aurez la tâche délicate, mais exaltante, de nous présenter le projet de loi de finances pour 2008 et je ne doute pas que vous trouverez l'équilibre entre ces mesures, qui doivent créer le choc de la confiance, de la croissance ainsi sans doute que quelques plus-values fiscales, et les nécessités budgétaires. Mais je persiste à penser que quelques unes de ces mesures sont peut-être coûteuses par rapport à ce qu'on peut en attendre, notamment celles qui relèvent d'une politique de la demande, lesquelles, dans une économie mondialisée, peuvent créer davantage d'emplois hors de France que chez nous. Je leur préfère de beaucoup les mesures d'offres et c'est pourquoi j'apprécie celles qui ont trait aux heures supplémentaires, même si on aurait pu aller jusqu'à une rupture plus radicale avec le malthusianisme....

J'approuve également les mesures de soutien aux PME. Mais nous ne règlerons pas tout par la loi et les « gens de bien » détenteurs d'une fortune doivent avoir des exigences éthiques. Je ne suis donc pas sûr qu'avec l'article 7 le législateur ne se donne pas bonne conscience à bon compte...

M. Robert Bret. - Le gouvernement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - ...parce que, dans un contexte mondialisé, je doute que des dispositions franco-françaises soient d'un réel effet. Donc, ne nous payons pas de mots. Peut-être pouvez-vous inviter le Medef et les organisations professionnelles et patronales à insister sur les règles de bonne conduite. Il ne suffit plus de multiplier les rapports ; les autorités patronales doivent de temps en temps sortir le carton jaune, voire le carton rouge.

Il faut absolument développer les PME, potentiel de croissance et d'emploi. C'est donc une belle et bonne mesure que d'encourager les redevables de l'ISF à s'en libérer en investissant dans ces PME. Mais, de grâce, ne tombons pas dans une financiarisation anonyme qui romprait l'affectio societatis. Ce devra être l'occasion d'établir un lien direct entre souscripteurs et petites entreprises et, peut-être, de populariser davantage l'esprit d'entreprise. Nous serons assez exigeants car nous ne voulons pas manquer ce rendez-vous.

J'ai bien conscience qu'on crée ainsi une niche fiscale de plus. C'est parce que les barèmes de l'impôt français ont toujours été élevés que les gouvernements successifs, pour se faire pardonner, ont multiplié les niches. Avec le bouclier fiscal que vous proposez -qui existe chez nos voisins et est même constitutionnel en Allemagne-, on met un terme à une spoliation en ramenant le curseur à un niveau supportable mais on ne touche pas à ces niches ! Avez-vous l'intention de le faire, Madame la ministre ? Cela nous permettrait de voter ce bouclier avec un confort de conscience supplémentaire.

M. Michel Charasse. - Comme c'est bien dit !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous devons examiner 260 amendements dont 50 sur l'article premier et 40 sur l'article 6. Sur ces deux articles, la commission des finances, à l'unanimité, propose qu'on appelle en priorité les amendements de suppression, puis les amendements de rédaction globale et, enfin, les amendements spécifiques. (Assentiment) (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nicole Bricq. - (Applaudissements sur les bancs socialistes)- Je vous rassure, Monsieur le rapporteur général, vous avez bien gagné les élections, et nous les avons perdues. Et à voir les textes que nous proposez, nous mesurons que c'était les élections à ne pas perdre.

Avec ce texte, indûment appelé projet de loi « en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat », nous soldons la séquence électorale ; nous ne sommes plus tout à fait dans le slogan, mais nous sommes encore dans la promesse. Il nous faudra attendre quelques mois pour entrer dans la dure réalité des faits et des chiffres. Mais après le débat d'hier, le voile se lève déjà, nous voyons bien, malheureusement, où nous allons et j'invite chacun à lire attentivement le rapport de M. Marini pour mesurer l'étendue des dégâts. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler la continuité des dénonciations -tant du rapporteur général, que du président et des rapporteurs de notre commission- des mesures fiscales prises hors loi de finances, mesures qui relèvent -l'auteur se reconnaîtra- d' «une très mauvaise manière de légiférer ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ici, c'est une quasi-loi de finances ...

Mme Nicole Bricq. - Vous avez toujours dénoncé les niches, mais les mauvaises habitudes demeurent... Nous comprenons pourquoi. La facture sera lourde, elle se répercutera sur la grande majorité des Français et profitera à un petit nombre, qui n'en avait pas besoin, sans pour autant relever notre économie.

Le Président de la République a choisi, avec habileté et ambiguïté, la rupture. Avec habileté, parce que cela lui a réussi. Avec ambiguïté, parce qu'on ne sait pas bien avec qui ou avec quoi elle s'opère : avec l'ancienne majorité, dont vous étiez pourtant partie prenante ? Ou bien avec ce qui, depuis le Conseil national de la résistance, lie les Français entre eux ? Avec les deux sans doute. Il faut considérer ce texte comme les funestes prémices du quinquennat. On y trouve tout ce que la précédente majorité n'avait pas osé faire, mais qu'elle avait cependant commencé à faire : s'attaquer au temps de travail légal, accroître les privilèges de ceux qui en ont déjà beaucoup, contourner le « tabou » de l'ISF, encourager les hauts patrimoines avec la baisse des droits de succession et le bouclier fiscal, favoriser ce qu'on appelle pudiquement l' « optimisation fiscale » en faveur de ceux qui sont déjà les mieux conseillés en la matière, tout cela sur fond d'explosion des inégalités patrimoniales et salariales .La combinaison des deux nous oriente vers une croissance des inégalités à l'anglo-saxonne, où l'inégalité se crée à la racine, avec les revenus primaires, et qu'elle n'est même plus corrigée par la redistribution. Il s'agit, selon l'expression de Jean-Paul Fitoussi, « d'arriver à l'égalité réelle dans l'espace de biens publics ».

C'est le débat de la France, il ne vous intéresse peut-être pas, il intéresse la gauche qui doit se reconstruire face à votre offensive.

M. Alain Gournac. - Il y a du travail !

Mme Nicole Bricq. - Tout cela pour faire revenir quelques expatriés ! Comptez sur nous pour vous en demander le détail dès l'année prochaine. Ce sera cher payé pour une catégorie qui, voulant le beurre et l'argent du beurre, hésite à bénéficier du bouclier fiscal par peur de la curiosité de l'administration !

Le rapporteur général lui-même n'est pas convaincu, puisqu'il écrit dans son rapport qu'il est « difficile de distinguer les créations d'emplois de l'augmentation des heures supplémentaires ».

Pour créer le choc de confiance que vous appelez de vos voeux, pour renouer avec la croissance, nous ne contestons pas au président élu et à la majorité qui le soutient de tenter un pari économique, c'est normal en politique. Encore faudrait-il prendre des mesures qui ne soient pas hasardeuses. Le terme même de pari me paraît inapproprié, car il renvoie à la notion de jeu.

À l'heure de l'interpénétration des économies, où la mobilité des capitaux, les fonds d'investissement, les fonds de pension étendent leur emprise sans aucune régulation...

Mme Christine Lagarde, ministre et M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Oh !

Mme Nicole Bricq. - ... Le terme de guerre économique, même galvaudé, me paraît plus approprié, pour désigner cet affrontement entre les continents, les États, les entreprises, qui risque de laisser de côté des millions d'hommes et de femmes qui, à la différence des capitaux et des machines, ne peuvent se déplacer, ni à la même vitesse, ni sur la même superficie.

Dans le cadre de cette guerre économique, vos propositions ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Votre paquet fiscal contient des éléments de politique de l'offre et des éléments de politique de la demande. Mais ces éléments fiscaux hétéroclites ne font pas une politique économique d'ensemble.

M. François Marc. - Clientélisme !

Mme Nicole Bricq. - Au moment où tous les indicateurs sont au rouge, et où les Français tirent sur leur épargne...

M. Guy Fischer. - Eh oui !

Mme Nicole Bricq. - ... On aurait pu penser que vous vous préoccupiez sans tarder des mesures propres à restaurer la compétitivité de notre appareil productif. Il est déjà bien tard pour ce faire... Ainsi la dégradation de notre solde des échanges extérieurs nous a coûté trois points de croissance depuis 2003. Le diagnostic est connu et tient notamment à la mauvaise orientation de nos exportations. Or vous ne nous proposez aucune mesure pour contrecarrer cette tendance. On nous dit qu'elles vont venir : mais avec quelles marges de manoeuvre, quand vous affaiblissez les capacités d'intervention publiques avec des exonérations fiscales et sociales qui se chiffrent en année pleine entre 15 et plus de 20 milliards d'euros ? S'agit-il d'aller chercher ces fameux points de croissance comme le promettait encore le Président de la République avant les élections législatives ? Le rapporteur général chiffre à un demi-point de croissance le coût du choc fiscal que vous proposez ; je pense qu'il sera plus proche de 0,7 %, pour un gain de croissance hypothétique d'un demi-point. À l'évidence le compte n'est pas bon.

À qui s'adresse le choc de confiance ? Certainement pas aux salariés qui ne croient déjà plus à votre slogan « travailler plus pour gagner plus » ! Je vous conseille à ce sujet de lire la très intéressante enquête de l'Observatoire des acteurs du travail qui montre que le pouvoir d'achat reste une préoccupation majeure des salariés -du public comme du privé- mais qu'ils ne croient guère à une évolution positive pour l'avenir. (M. Fischer approuve)

Il n'est même pas sûr que vos mesures s'adressent à nos entreprises, car vous ne prenez pas en compte le problème de l'impôt sur les sociétés au sein de l'Union européenne. Ce n'est certainement pas le fléchage de l'ISF vers les PME qui résoudra les problèmes de croissance auxquels elles sont confrontées. Il s'agit beaucoup plus de mesures d'optimisation fiscale.

En réalité, la voie dans laquelle vous vous engagez est celle qu'ont suivie naguère Ronald Reagan et Mme Thatcher...

M. François Marc. - Exactement !

Plusieurs voix sur les bancs communistes. - C'est ringard !

Mme Nicole Bricq. - ... Et qui a coûté si cher aux Américains et aux Anglais ! (M. Novelli, secrétaire d'État, lève les yeux au ciel)

Mme Nicole Bricq. - S'agit-il d'opérer une pression telle qu'elle justifierait des coupes fortes des dépenses publiques et particulièrement, comme l'a laissé entendre hier le ministre des comptes, dans les dépenses d'intervention ? On comprend mieux pourquoi, lors du débat sur l'autonomie des universités, vous n'avez pas voulu vous engager sur un collectif budgétaire...

Que n'a-t-on entendu sur vos bancs sur la nécessité de s'engager fermement pour revenir en-deçà de 3 % de déficit et ramener la dette en dessous de 60 % du PIB ?

L'habile communication du Président de la République, lors de sa participation à l'Eurogroupe, ne peut faire oublier qu'à l'issue de la négociation la France s'est engagée par écrit à revenir à l'équilibre budgétaire d'ici à 2010 et qu'elle ne pourra plus se prévaloir de la clause permettant à un pays qui engage des réformes structurelles pour renforcer sa croissance de bénéficier de dérogations.

De notre côté de l'hémicycle, on comprend trop bien ce que cela signifie : non seulement vous privez la puissance publique de toute marge de manoeuvre, mais d'ici peu, quand il faudra remettre la feuille de route à Bruxelles, nous saurons que la facture se paiera par une augmentation des prélèvements sociaux, et que vous les rebaptisiez « franchise » ne changera rien à l'affaire !

Nous n'oublions pas la promesse du candidat de l'UMP au début de la campagne de baisser les prélèvements obligatoires de quatre points : cela représente quatre fois le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche ou une réduction de 50 % des dépenses de santé (M. Gournac proteste). Aucun pays n'a atteint cet objectif, même pas l'Angleterre de Mme Thatcher !

Nous pressentons que les coupes dans les budgets se traduiront par une baisse des services publics qui sont la seule richesse des pauvres. Vous les pénaliserez encore plus ! Restent les ventes d'actifs que vous avez débutées et celle que vous voulez pas encore avouer... Reste le relèvement de la TVA, avec lequel je serais d'accord, à condition que vous preniez exemple sur nos partenaires européens. Mais vous ne vous inspirez ni de l'Allemagne qui a su prendre les moyens de restaurer la compétitivité, ni du Danemark qui a su conserver un haut niveau de protection sociale, et où les chômeurs reçoivent quatre fois plus d'aide que dans notre pays. En France, moins de 10 % de chômeurs bénéficient d'une formation professionnelle, selon une étude du ministère du travail...

M Jean Arthuis président de la commission des finances. - Au-delà des clivages politiques, il faut que nous sachions briser des tabous. La mondialisation est là. Elle est incontournable et assez largement irréversible. Quel enseignement saurons-nous en tirer, sans aucun a priori ? Telle est la question. La réforme de la TVA si elle doit se faire, ne financera pas le déficit, car elle se fera à prélèvement constant. Donc débattons-en sereinement entre nous...

Mme Nicole Bricq. - Ce débat a déjà commencé !

M Jean Arthuis président de la commission des finances. - Je souhaite que sans attendre nous créions les conditions pour que ce débat ait véritablement lieu.

M. Michel Charasse. - Il ne faut pas rêver !

Mme Nicole Bricq. - Votre pari est d'abord idéologique. Vous pouvez promettre un rapport sur un impôt forfaitaire pour les plus hauts revenus, pour satisfaire votre mauvaise conscience, mais au fur et à mesure que le voile se lève sur vos projets législatifs, nous sommes fixés sur vos véritables intentions !

Dans ce contexte, Monsieur le Haut-commissaire, le revenu social d'activité relève plus d'une concession obligée que d'une franche volonté de réinsérer dans l'emploi ceux qui en sont le plus éloignés.

J'ai lu dans votre lettre de mission que vous a été confiée une réforme en profondeur de la prime pour l'emploi. Le rapporteur général en a dit un mot tout à l'heure. J'ai bien compris, en lisant l'ensemble des débats sur cette loi que la majorité et le rapporteur général posent le problème de la coexistence de deux tutelles sur la prime pour l'emploi dont on sait le montant...

M Jean Arthuis président de la commission des finances et M. Philippe Marini, rapporteur général. - 4,2 milliards !

Mme Nicole Bricq. - C'est en effet considérable ! Rappelons-nous, Monsieur le Haut-commissaire, que cette prime fut créée sous le gouvernement Jospin, précisément pour permettre à ceux qui veulent retrouver un emploi de ne pas perdre le bénéfice de certains avantages. Dans le même esprit, vous créez le revenu de solidarité active, mais c'est la majorité sortante qui avait détourné la prime de son but ... Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage !

M. Philippe Marini, rapporteur général. -  Nous ne voulons pas le tuer, mais le soigner !

Mme Nicole Bricq. - Compte tenu de la montée en puissance du revenu de solidarité active et du fait, rappelé par M. Vasselle, que la clef de répartition entre les départements et l'État n'est pas claire ...

M. Guy Fischer. - Pas claire du tout !

Mme Nicole Bricq. -  ... Vous voulez tuer la prime pour l'emploi, pour apporter une petite obole au département...

M. Guy Fischer. - Voilà !

Mme Nicole Bricq. - ... Et l'on sait très bien comment cela commence, et comment cela finit : toujours mal pour les collectivités locales ! (Applaudissements à gauche) C'est une pratique constante, quels que soient les gouvernements !

M. Michel Charasse. - De droite comme de gauche !

Mme Nicole Bricq. - Le revenu social d'activité ne fera pas oublier le cynisme qui sous-tend vos mesures à l'endroit de ceux qui sont déjà les mieux pourvus face à la globalisation et à la marchandisation qui l'accompagne.

Je veux terminer sur les propos hardis que vous avez tenus devant les députés. Vous êtes une femme très intelligente, et nous nous en étions aperçus lorsque vous étiez ministre du Commerce extérieur. Je ne trancherai pas le point de savoir si la lutte des classes doit être renvoyée aux livres d'histoire, mais ce que je sais, c'est qu'en France, en 2007,un ouvrier a cinq fois plus de risque de tomber gravement malade qu'un cadre supérieur ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Gournac. - Les ouvriers n'ont pas voté pour vous !

Mme Nicole Bricq. - Sans doute faut-il que nous, socialistes, révisions profondément notre compréhension du monde pour entrer dans le XXIe siècle...

M. Alain Gournac. - Oh oui !

Mme Nicole Bricq. - ... afin de permettre à ceux que nous prétendons représenter de mieux l'affronter, mais je dois vous dire que votre propre conception me paraît dater davantage du XIXe siècle que de notre temps. (Applaudissements à gauche) Attendez-vous donc à ce que nous combattions vigoureusement ce texte au titre trompeur, c'est notre droit d'opposition, c'est notre message, c'est notre devoir ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier. - Je veux vous dire, tout de go, notre perplexité devant ce projet de loi.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ah bon ?

M. Michel Mercier. - Nous avons écouté avec beaucoup d'attention les explications de Mme la ministre, de M. le président de la commission, et de M. le rapporteur général qui a, comme de coutume, été brillant mais qui a parlé de bien d'autres choses que du texte lui même. (Sourires)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'était la discussion générale ! Nous parlerons plus précisément lors de l'examen des articles.

M. Michel Mercier. - Nous voulons, Madame la ministre, que vous nous apportiez une réponse claire à même d'entraîner notre adhésion, car nous ne manquons pas de bonne volonté : ce texte sera-t-il efficace ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ah !

M. Michel Mercier. - Lorsqu'on est aux affaires, Monsieur le ministre, c'est quand même ce qui compte ! Vos mesures seront-elles de nature à provoquer un sursaut de croissance ? Si tel est le cas, nous ne ferons pas la fine bouche. Mais s'il ne s'agit que de doper la consommation sans conséquences réelles sur la croissance, nous ne pourrons vous suivre.

Nous nous interrogeons donc sur le bien fondé de ce texte. Je ne vais pas reprendre en détail tout ce qui a déjà été dit, d'autant que nous ne sommes pas hostiles à certaines mesures. Lors de la campagne présidentielle, nous avons en effet développé des idées voisines, si ce n'est identiques. Ainsi en est-il des heures supplémentaires : il faut que ceux qui veulent travailler plus puissent le faire pour gagner plus d'argent. Si les modalités que vous avez choisies sont discutables, le principe ne l'est pas. Pourtant, au quotidien, ce dispositif ne sera-t-il pas un peu compliqué ? Ne va-t-il pas entraîner un certain nombre de difficultés et provoquer des arbitrages entre hausses de salaires ou créations d'emplois et heures supplémentaires ? L'idée de partage du travail a fait oublier la règle essentielle : pour que la croissance redémarre, il faut que plus de gens travaillent. Or il n'est pas sûr que votre mesure le permette. N'aurait-il pas été plus simple et plus efficace de supprimer les 35 heures plutôt que de tenter de les contourner ? (Applaudissements au centre)

M. Guy Fischer. - Cela aurait été moins hypocrite !

M. Michel Mercier. - Mieux vaut en effet dire les choses plutôt que de tourner autour du pot !

M. Guy Fischer. - Pour une fois, nous sommes d'accord ! (Sourires)

M. Michel Mercier. - Nous approuvons les mesures que vous préconisez pour l'ISF : les redevables doivent être incités à investir dans les PME. J'espère toutefois qu'à l'avenir nous n'en viendrons pas à augmenter les impôts pour permettre aux PME d'investir !

M. Gérard Delfau. - Cela arrivera !

M. Michel Mercier. - Ce serait le comble ! La suppression de l'ISF aurait eu, là encore, le mérite de la clarté. Sur la question du choix entre impôt et investissement, nous vous proposerons des amendements pour élargir le champ des bénéficiaires de cette mesure.

Sur les autres dispositions du texte, nous sommes plus dubitatifs, même si l'objectif d'augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens est louable. La déduction des intérêts d'emprunt, pourquoi pas ? Mais de là à inclure ceux qui ont déjà emprunté, certainement pas ! Cela ne les incitera pas à acheter, puisqu'ils l'ont déjà fait !

D'accord avec l'exonération des droits de succession entre époux car il faut faire en sorte que le conjoint survivant puisse disposer de ce qui a été acquis ensemble. Nous sommes également plutôt favorables aux mesures relatives aux donations. Aider les jeunes générations à acheter leur appartement serait une bonne chose.

En ce qui concerne le bouclier fiscal, il ne faut pas que l'impôt soit confiscatoire, mais nous souhaiterions une mesure qui permette aux classes moyennes de s'y retrouver. Et pour l'ISF, plutôt que de prévoir un dégrèvement de 30 % pour la résidence principale, pourquoi ne pas envisager un abattement forfaitaire qui permettrait de mieux aider ces mêmes classes ?

Toutes ces mesures auront un coût important, de l'ordre de 15 milliards en 2010, et il y aura une montée en charge... Il faudra bien que vous nous expliquiez, Mme la ministre, comment vous compter économiser 80 milliards d'ici 2012 : ce ne sera ni évident, ni facile !

Nous estimons que la relance de la croissance passe par des investissements massifs dans la recherche et dans l'enseignement supérieur et la loi que nous avons récemment examinée nous a laissé, de ce point de vue, sur notre faim.

Nous devrons réviser notre fiscalité qui pèse trop sur la production : le président Arthuis en a parlé fort savamment.

Il est essentiel de stimuler la croissance et nous voudrions être sûrs que votre texte va dans le bon sens car sinon, le seul argument recevable serait celui que notre rapporteur général a rappelé au début de son intervention, à savoir le respect des promesses électorales : en votant, les Français ont approuvé ces mesures et ils y ont donc droit. J'aimerai qu'à ces arguments politiques puissent s'ajouter des justifications économiques afin que les satisfactions de nos concitoyens ne soient pas immédiates mais plus pérennes.

Un mot sur le revenu d'activité défendu par le Haut commissaire. Je suis d'accord avec sa proposition mais, en la matière, il faut se défier de tout angélisme. Lorsqu'on propose pareille mesure, on doit mettre les mains dans le cambouis afin que la décentralisation fonctionne. Le département que nous sommes heureux d'administrer, Mme Dini, M. Fischer et moi-même, a vu le nombre de Rmistes diminuer de 3 454 en un an, soit 10 % de moins, ce qui est loin d'être négligeable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Bravo Monsieur Fischer !

M. Michel Mercier. - Or, durant cette même année, nous avons dû payer à la caisse d'allocation familiale 20 % de plus, sans que quiconque puisse nous expliquer pourquoi. Lorsque vous êtes élu local et que vous voulez acheter une livre de pointes pour que votre cantonnier puisse réparer un banc, il vous faut un ordre de service, une délibération du conseil municipal, trois certificats pour services rendus et, lorsque vous voulez payer, on vous dit que c'est impossible car la facture est mal rédigée. (Sourires) Dans le cas de la CAF, on reçoit une facture de 10 millions et lorsqu'on demande pour quelle raison il faut payer plus alors que le nombre d'allocataires du RMI a diminué, on nous répond qu'on n'en sait rien, et que les liaisons informatiques entre l'Unédic et la CAF sont interrompues depuis 2004...

M. Pierre Fauchon. - Quel département ! (Sourires)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il y a encore des économies de gestion en perspective...

M. Michel Mercier. - Alors, je suis d'accord pour mener toutes les expérimentations qu'on voudra, mais je vous conjure, Monsieur le Haut commissaire, de vous préoccuper de ce genre de détails !

Je suis à tel point favorable au RSA que nous l'avons déjà mis en oeuvre dans notre département : pour que les gens travaillent, il faut bien évidemment qu'ils gagnent plus d'argent que lorsqu'ils ne travaillaient pas. Mais il faut aussi que, derrière, l'ingénierie fonctionne, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui : cela ruine les meilleures volontés.

Pour le RSA, nous serons candidats, mais nous aurons peu de chance d'être choisis car l'article 12 prévoit que pour l'expérimenter, il faudra avoir un revenu fiscal faible et beaucoup de Rmistes. Les premiers choisis seront donc des départements pauvres : je les plains, car ils devront payer la moitié des RSA ! Choisissez donc des départements pas trop pauvres, Monsieur le Haut commissaire !

Telles sont nos interrogations, madame le ministre. Montrez-nous que ce projet de loi, qui coûtera tout de même 15 milliards d'euros, sera efficace et permettra de relancer la croissance ! (Applaudissements au centre)

M. Jean-Pierre Fourcade. - Après les critiques de Mme Bricq et la perplexité de M. Mercier, je vous apporte, madame la ministre, le soutien du groupe UMP.

M. Alain Gournac. - Eh oui !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Ce projet est en effet la traduction législative des propositions et promesses du candidat que nous avons soutenu ; il fait aussi le constat, que nous partageons, que l'économie française souffre de blocages divers et de la défiance des chefs d'entreprise, des salariés, des professions intermédiaires, de nos partenaires aussi, qui tous craignent que nous ne parvenions pas à remettre de l'ordre dans nos finances publiques et peinent sous des formalités administratives de plus en plus lourdes -la nouvelle jurisprudence, fort malvenue, du Conseil d'État relative à la contestation des marchés publics n'arrangera rien ....

Le contexte international exigeait, après une longue et difficile période électorale, un véritable choc de confiance ; votre projet de loi y contribue, qui va redynamiser l'ensemble des acteurs socio-économiques de notre pays. Vous en avez fait, madame la ministre, une excellente présentation, concrète et pragmatique, loin des idéologies qui nourrissent les critiques qu'on vous fait. Je félicite aussi M. Hirsch, dont nous connaissons l'expertise et l'implication personnelle.

Ce texte donne toute sa place au travail dans notre société. La conjonction de la détaxation des heures supplémentaires et du RSA, qui peut faire revenir vers l'emploi des centaines de milliers de personnes, est à même de créer le choc de confiance dont nous avons besoin. Il faut en finir avec cette vieille idée selon laquelle la limitation des heures supplémentaires favorise l'emploi ! C'est bien mal connaître le fonctionnement des entreprises : quand on a du mal à recruter, parce que notre système de formation est inadapté, la seule solution pour honorer les commandes, c'est de recourir aux heures supplémentaires !

Mme Raymonde Le Texier. - Elles ne sont pas utilisées !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Débloquer notre système malthusien de taxation de celles-ci, c'est créer de l'activité, et ultérieurement, par capillarité, de l'emploi.

Si l'on veut remettre les gens au travail, monsieur Hirsch, je vous le dis : il ne faut pas hésiter à décentraliser, descendre jusqu'aux communautés urbaines, aux communautés de communes, aux communes même ; c'est au niveau du terrain qu'on connaît le mieux les problèmes des personnes en difficulté. En rester au niveau départemental peut être une source de blocages.

La déductibilité des intérêts d'emprunt et la suppression des droits de succession pour 95 % des contribuables sont des mesures extrêmement importantes, non seulement parce qu'elles sont pérennes mais aussi parce qu'elles se traduiront par une baisse des prélèvements obligatoires et auront ainsi un effet accélérateur sur la demande. Il faudra sans doute privilégier les primo-accédants à la propriété, en jouant à la fois sur l'avantage fiscal et le prêt à taux zéro ; il n'est pas admissible que nous soyons, en cette matière, derrière l'Allemagne, l'Espagne ou l'Autriche.

Le bouclier fiscal ne mérite pas le battage qu'on fait autour de lui. On a dit autrefois que tel impôt était imbécile : vous avez essayé, madame la ministre, de rendre l'ISF un peu plus intelligent ; il a aujourd'hui pour vertu essentielle de pousser les grands patrimoines et les grands entrepreneurs à s'expatrier ... Il faut savoir que les pays nordiques ont tous renoncé à une fiscalité qu'ils jugeaient confiscatoire et sont en deçà des 50 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Certains n'ont plus d'impôt sur la fortune !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Je veux aussi souligner l'intérêt de la déductibilité de l'aide aux PME ; je me range à l'avis de la commission des finances : il ne faut pas faciliter les opérations de pur placement financier, mais stimuler la création d'entreprises moyennes ou faciliter leur survie. Cette faveur fiscale n'est cependant qu'un substitut à ce qui fut une des grandes erreurs du gouvernement Jospin et reste une de nos grandes faiblesses en Europe : l'interdiction des fonds de placement.

Je suis en revanche plus réservé, comme le président de la commission des finances, sur l'encadrement des pratiques salariales des entreprises. On ne peut à la fois accepter la mondialisation, plaider pour une meilleure compétitivité de notre économie et proposer un tel dispositif.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Qui sera de toute façon contourné !

M. Jean-Pierre Fourcade. - C'est ce type d'ambiguïté qui explique nos difficultés de croissance et notre manque d'attractivité ; confronté à un tel encadrement législatif, les entreprises qui ont le choix installeront leur siège aux Pays-Bas ou en Autriche ! Je ne suivrai donc pas l'Assemblée nationale et m'en tiendrai au texte initial du gouvernement ; ce souci moraliste franco-français n'est pas de mise.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Par son caractère global et ses orientations, ce texte correspond aux attentes du groupe UMP ; il permettra de stimuler notre économie et le pouvoir d'achat d'un grand nombre de nos concitoyens.

Il n'y a que la presse et les gens mal informés pour dire que ce texte ne concerne qu'un petit nombre de riches. (Rires à gauche)

Mme Nicole Bricq. - Ce n'est pas gentil pour les journalistes !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Voyez les mesures concernant l'accession au logement, les droits de succession, les heures supplémentaires !

Reste la question du coût. Si, vers la fin de l'année prochaine, le taux de croissance se situe entre 2 et 3 %, si le chômage continue de reculer, si la balance commerciale cesse de se dégrader, preuve que la stimulation de la demande ne profite pas qu'aux importations, alors nous serons unanimes pour constater que le Président de la République a eu raison de faire confiance au dynamisme retrouvé de nos concitoyens. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Frimat. - Quel optimisme !

M. Aymeri de Montesquiou. - « Travailler plus pour gagner plus » : cette évidence sonnait comme une incongruité. C'était oublier que notre pays s'est bâti sur le travail. Aujourd'hui, notre fiscalité donne-t-elle envie de travailler ? Réhabiliter le travail comme moyen d'enrichissement, récompenser l'initiative, favoriser la constitution et la transmission des patrimoines, stimuler la compétitivité : voilà des objectifs auxquels nous ne pouvons que souscrire.

Plutôt que la rupture promise, c'est la méthode du contournement qui a souvent été choisie. Le Président de la République vient de s'engager devant l'Eurogroupe à ramener le déficit de la France à 2,4 % fin 2007 et 2,3 % fin 2008. A contrario, votre paquet fiscal alimente la spirale des dépenses de l'État. La défiscalisation des heures supplémentaires dans le secteur privé est estimée à 6 milliards. Mais si l'on comptabilise les heures supplémentaires du secteur public, les heures complémentaires et les effets induits, le coût global s'élève en réalité à 10 milliards...

Le gouvernement s'est engagé à faire disparaître en quatre ans le déficit de fonctionnement de l'État. Le présent texte n'en prend pas le chemin... M. Woerth l'a pourtant dit ici même lundi dernier : la rigueur budgétaire passe d'abord par la réduction des dépenses.

M. Gérard Delfau. - Et oui !

M. Aymeri de Montesquiou. - J'y ajouterais la compensation des dépenses nouvelles, que j'ai du mal à discerner dans votre texte... Économisons plutôt les 15 milliards payés aux entreprises pour qu'elles travaillent moins !

La comparaison internationale est édifiante : notre taux de prélèvement obligatoire sur les entreprises est le plus élevé de la zone euro, après la Suède, notre taux d'impôt sur les sociétés est le plus élevé de l'Union européenne, de même que le poids des cotisations sociales à la charge de nos entreprises. Nous devons totalement revoir notre fiscalité dans le cadre de la mondialisation :

Donnons aux investisseurs, aux chercheurs, aux entrepreneurs, envie de travailler en France ! L'envie est un moteur essentiel de l'activité.

Nos compatriotes vont désormais pouvoir transmettre leur patrimoine dans des conditions justes, sans que l'État vienne ponctionner le prix du deuil. Cette exonération concerne 93 % des successions, dont beaucoup de patrimoines construits à partir de rien, bien loin de l'image réductrice du rentier oisif.

L'article 6 tente d'atténuer les conséquences de l'ISF sans s'attaquer aux causes. Il n'y a pas rupture. Permettre à un contribuable d'affecter 75 % de son ISF à une PME ou à un organisme d'intérêt général est une idée attractive, preuve que nous savons trouver un antidote complexe à une pathologie que nous avons-nous-mêmes créée ! Plus les revenus sont élevés, plus le devoir d'impôt est grand. Mais l'État a le devoir d'être efficace : la suppression de l'ISF génèrerait deux fois plus de recettes fiscales que son maintien !

Sur 93 000 contribuables éligibles au bouclier fiscal, seules 1 750 restitutions ont été réalisées au 30 juin, pour un montant de 100 millions, alors que le gouvernement tablait sur 8 000 demandes ! Ce bouclier a-t-il fait et fera-t-il revenir les capitaux expatriés ? Endiguera-t-il les fuites? J'en doute. Ne serait-il pas plus simple d'éradiquer le mal à la source ?

La relance de la consommation est une politique de court terme qui ne dispense pas d'une réforme structurelle de l'État. Il faut du courage pour réaliser des économies vitales. Gageons que vous n'en manquerez pas.

Ce projet de loi va dans le sens d'une heureuse réhabilitation du travail, de l'envie d'entreprendre et du désir de consommer.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien.

M. Aymeri de Montesquiou. - J'espère qu'il ne s'agit que d'une première étape qui annonce une réforme en profondeur de notre économie. Vous proposez un nouvel esprit ; nous attendions un nouveau souffle qui s'appelle enthousiasme, esprit de conquête, confiance dans l'avenir. Dans cet espoir, la majorité du groupe RDSE vous apportera son soutien. (Applaudissements sur divers bancs à droite et au centre)

M. Philippe Adnot. - Le temps imparti aux non-inscrits étant très restreint, je vais aller droit au but. Monsieur le Haut Commissaire, en tant que président de conseil général, j'ai demandé à mes services pourquoi nous ne participions pas à l'expérimentation. (Sourires) On m'a répondu que cela coûterait plus cher au département, que les bénéficiaires du RMI auraient des revenus supérieurs aux salariés payés au SMIC, qu'il était assez délicat de lever un impôt sur des ménages modestes pour donner plus aux premiers qu'aux seconds...

Parmi les engagements du Président, il y avait certes le RSA, mais aussi l'idée qu'à des droits correspondent des devoirs. Plus personne n'en parle... Or on ne peut pas inciter à reprendre le travail si l'on n'exige rien de ceux qui ont des droits, sans contrepartie. Un de mes interlocuteurs qui avait proposé du travail à un Rmiste s'est ainsi vu répondre qu'il avait d'abord deux chantiers à finir !

Madame la ministre, je partage votre analyse. Il faut encourager le travail, en améliorer la rentabilité, redonner un espace de liberté. La mesure relative à l'ISF est intelligente. Il faut favoriser l'éclosion de nouvelles entreprises et faciliter leur transmission grâce à la suppression des droits de mutation.

S'agissant des heures supplémentaires, je vous avoue que je n'ai pas tout compris...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est assez complexe, en effet.

Mme Nicole Bricq. - Personne n'a tout compris !

M. Philippe Adnot. - Travailler plus pour gagner plus, d'accord. Mais quid des effets d'aubaine ? Il faudra tirer les enseignements de l'expérience, simplifier le dispositif, harmoniser le traitement entre les heures supplémentaires, les heures complémentaires, les heures régies par des accords d'entreprise, de filière, de branche, etc.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Une autre solution serait de revenir aux 39 ou aux 40 heures.

M. Philippe Adnot. - Toutes les explications seront bienvenues.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission des Affaires sociales a tout compris !

M. Philippe Adnot. - Booster l'économie, c'est ma spécialité. J'ai créé une technopole...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Une université technologique !

M. Philippe Adnot. - La possibilité pour les redevables de l'ISF d'investir dans les PME va dans le bon sens, mais ne suffit pas. La commission des finances souhaite aider les business angels groupés : c'est une excellente mesure, mais quid des start-up, des PME en croissance, en développement ? La commission a accepté de soutenir un amendement que je vous présenterai qui vise à compléter votre panoplie. Je propose de favoriser l'investissement dans la matière grise.

Il est bon d'aider les entreprises à se capitaliser mais il est excellent de financer la preuve du concept et, si nous savons y dédier une tranche de l'impôt sur la fortune, nous pourrons soutenir de nombreux projets.

Retenez, madame, que nous vous approuvons et que nous vous faisons confiance. Puis rendez-nous un peu de cette confiance en acceptant quelques-uns de nos amendements. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

Mme Marie-France Beaufils. - De la plus haute importance voire d'une portée inégalée, le paquet fiscal doit, à vous entendre, créer un choc de confiance et les dix milliards que vous y consacrez marquent votre volonté de rendre du pouvoir d'achat aux ménages tout en menant une politique de l'offre. « Nous tenons les promesses de Nicolas Sarkozy » ajoutez-vous comme si, avec les exonérations de charges, vous aviez miraculeusement découvert une panacée mais vous entonnez une vieille rengaine : trop élevé, le coût du travail -entendez les salaires et les charges- limite la compétitivité de nos entreprises... La Cour des comptes a déjà souligné que les nombreuses exonérations n'avaient pas d'effet. On travaillera donc peut-être plus mais il n'y aura pas de création d'emploi.

Pendant la campagne, on a régulièrement entendu des appels à la sagesse et le spectre de la dette a été agité pour refuser les exigences des électeurs confrontés à la misère. Et voici que faisant fi de cette réalité, vous proposez de dix à quinze milliards d'allègements ou d'exonérations de charges. Il est vrai que vous avez fait particulièrement fort dans la propagande allant jusqu'à dénoncer, au nom de la liberté et de la responsabilité, le carcan désuet des 35 heures qui empêche une entreprise de répondre à une grosse commande -en admettant toutefois qu'il ne fallait pas pour autant dépasser le maximum européen.

Le salut de notre pays passe-t-il par une flexibilité accrue ? Avec la loi Fillon de 2003, la précédente législature a déjà profondément modifié l'organisation du travail. Les 35 heures ne sont pas le lot commun dans les entreprises de moins de vingt salariés, ni dans la restauration et l'hôtellerie, non plus que pour les cadres moyens et supérieurs soumis au forfait-jour. Quant au manque de flexibilité du Code du travail, combien de CDI parmi les offres d'emploi ? Avez-vous oublié le CPE, que vous avez été obligé de retirer et ignorez-vous la jurisprudence sur le CNE ?

Faut-il le rappeler ? Le premier carcan est le chômage qui frappe quatre millions de Français. Votre vision du monde n'a décidément rien de moderne. Comment prétendre que le salut de la France passe par une plus grande flexibilité quand les PME ne la demandent que pour répondre aux exigences de donneurs d'ordres et où est la liberté quand une libre-concurrence forcenée n'offre d'autre alternative que de mettre la clef sous le paillasson ? Les risques imposés aux petites entreprises permettent aux grands groupes commanditaires de dégager une plus grande rentabilité et les banques savent mettre la situation à profit.

L'allègement de la fiscalité serait porteur d'espoir. Vous vous attaqueriez en effet à « une fiscalité confiscatoire » : le président de la République veut le retour des expatriés fiscaux. Mais en 2004, M. Sarkozy avait déjà proposé une loi de soutien à la consommation dans laquelle le Sénat avait vu un signe positif de nature à rétablir la confiance...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Merci de cette citation.

Mme Marie-France Beaufils. - Elle n'a pas eu l'effet espéré et la croissance n'a pas été au rendez-vous. N'est-il pas de bonne gestion de tirer les leçons de l'expérience ? Mais vous présentez surtout un habillage pour faire profiter les plus riches d'une énième loi contre l'ISF, comme si la solidarité nationale ne devait pas contribuer à l'intérêt général.

Vous obligez les salariés à travailler plus pour toucher une rémunération décente mais vous refusez de donnez un coup de pouce au SMIC. Vos choix ne sont pas les nôtres. S'agit-il de respecter le vote des Français ? Les législatives ont relativisé l'adhésion dont vous vous targuez. En fin de compte, votre projet aura pour victimes ceux qui ne trouvent pas d'emplois et qui souffriront de la réduction d'une intervention publique essentielle à leur vie car vous prendrez prétexte de l'affaiblissement des recettes publiques que vous allez provoquer. (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Le Texier. - Vous n'avez pas été aussi explicite que devant l'Assemblée nationale, madame : on a gommé les aspérités de votre discours qui révélaient trop votre idéologie. Vous affirmez défendre la valeur travail mais celui-ci est le grand absent de ce projet consacré au bouclier fiscal ou autres exonérations ; la presse ne s'y est pas trompée, qui l'a baptisé « paquet fiscal ».

Le travail n'est encensé que pour stigmatiser le salarié dont la paresse crée les difficultés. (Applaudissements à gauche) Le slogan « travailler plus pour gagner plus » traduit cette vision.

À vous entendre, le monde du travail est un pays merveilleux où, par l'accomplissement de soi, on atteint à la réussite, un monde qui met l'ensemble des professions sur un pied d'égalité : le grand patron et le petit employé savent l'un et l'autre ce qu'est « une grosse journée de travail » avez-vous dit. Dommage que leur feuille de paye n'en tienne pas compte et que la journée du petit employé vaille 300 fois moins que celle du grand patron, sans tenir compte des stocks options.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelle démagogie ! Quel archaïsme ! Révisez vos conceptions économiques !

Mme Raymonde Le Texier. - L'égalité a ses limites ; le cynisme, lui, n'a pas de bornes.

À l'Assemblée nationale, vous avez déclaré : « J'entends dire parfois à propos du travail et de la concurrence qu'il engendre que c'est la guerre de tous contre tous. Voilà un contresens, car à la guerre le plus fort soumet le faible tandis que dans les rapports de travail, le plus fort communique sa force au plus faible. » On frôle le ridicule ! L'actualité oppose un démenti cruel à cette vision idyllique : le technocentre Renault à Guyancourt a connu trois suicides successifs ; un ouvrier s'est pendu sur son lieu de travail à l'usine Peugeot de Mulhouse ; c'est le sixième suicide dans le groupe. La centrale EDF de Chinon a vu quatre ouvriers mettre fin à leurs jours en deux ans.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelle démagogie !

Mme Raymonde Le Texier. - Bien sûr les causes d'un suicide sont multiples, mais la récurrence du phénomène est significative et traduit la violence du critère de rentabilité quand il devient l'unique référence pour organiser la vie au travail.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Que les entreprises fassent des pertes !

M. Gérard Delfau. - Un peu de respect !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Moi aussi, j'ai été interrompu.

M. Gérard Delfau. - Un peu de respect pour les victimes de ces drames !

Mme Raymonde Le Texier. - À Mulhouse, pour certaines activités, le nombre de salariés a été divisé par quatre avec une même productivité. Chez IBM, le rapport des médecins du travail livre « une photographie glaçante du mal être au travail » : course à la productivité, pression accrue aux résultats, harcèlement moral, individualisation des carrières, multiplication des objectifs parfois contradictoires. On est loin de votre utopie, madame la Ministre, mais sans doute plus prés du quotidien de millions de salariés.

Vous dites encore que « pendant que nous voguons sur nos vagues à l'âme, les hommes et les femmes de l'Inde, de la Chine, du Brésil ou de l'Afrique du Sud ne ménagent pas leur peine ». Ils la ménagent tellement peu, qu'ils font travailler les enfants dès l'âge de 4 ans.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - N'importe quoi ! Du Zola !

Mme Raymonde Le Texier. - On pourrait croire que si les entreprises délocalisent dans ces pays, ce n'est pas uniquement parce que les salaires y sont dérisoires, la protection sociale inexistante et le droit du travail absent ; mais parce qu'au moins, là-bas, quand on est exploité, on dit encore merci.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - M. Jospin aurait dû fermer les frontières ! Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?

Mme Raymonde Le Texier. - «L'égalité des chances nous offre à tous les mêmes outils pour réussir, le travail nous départage et entre l'égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l'arrivée, le travail fait de l'individu le seul responsable de son propre parcours ». À bon entendeur salut ! Vous êtes pauvres, c'est parce que vous êtes fainéants ! Vous êtes chômeurs, c'est de votre faute ! Vous n'êtes pas millionnaire, il suffisait de décroiser les bras ! Vous ignorez qu'on ne peut parler d'égalité sur la ligne de départ quand certains font la course en moto tandis que les plus nombreux la font à pied et certains en traînant des boulets. Il vous a échappé que le mérite explique moins les résultats que l'origine sociale.

« La France est un pays qui pense, assez pensé, assez tergiversé : retroussons tout simplement nos manches ! » Si le destin du boeuf est de porter le joug, celui de l'homme est de penser sa condition. C'est le genre de détail qui nous distingue de l'animal. (Applaudissements à gauche)

D'après vous enfin, cette loi « valorise tout au long de leur vie, depuis leurs études jusqu'à l'organisation de leur succession, les femmes et les hommes de France les plus courageux et les plus entreprenants. » Quand vous prenez l'exemple d'un patrimoine de base, il s'élève à 800 000 euros, soit celui transmis par les 5 % des Français les plus riches. Un tel montant est-il le fruit d'une vie de labeur ou plutôt l'héritage de successions ou de donations passées ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Faites-les partir à l'étranger !

Mme Raymonde Le Texier. - Lorsque des parents sont deux fois plus riches que la moyenne de leur génération, leurs enfants sont en moyenne une fois et demie plus riches que leurs contemporains et on retrouvera les mêmes écarts à la génération suivante. Grâce à vous, le phénomène va encore s'accentuer. Quelle escroquerie que de faire croire qu'une telle loi vise à protéger le fruit de « toute une vie de labeur » quand elle ne sert que les plus privilégiés !

Vous justifiez vos mesures par la nécessaire revalorisation du travail, mais ne favorisez qu'une économie de rentiers et n'abordez le travail que par le biais des heures supplémentaires. Vouloir faire travailler plus ceux qui travaillent déjà, dans un pays qui compte des millions de chômeurs et de salariés à temps partiel est une aberration économique ! Ne penser l'augmentation du pouvoir d'achat que via les heures supplémentaires et abandonner toute politique de revalorisation des salaires est une aberration sociale ! Ce ne sont pas les besoins des salariés qui déterminent la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires, mais le carnet de commandes du patron, défiscalisation ou pas.

Si le salarié croit vraiment améliorer son pouvoir d'achat par ce biais, le retour à la réalité risque d'être cruel : il n'a aucune garantie dans la durée, ce complément de salaire est aléatoire, fluctuant et ne sera pas pris en compte pour le calcul de la retraite ou du chômage. Si cela devient la seule manière d'augmenter les salaires, les cadences deviendront de plus en plus infernales. Le tout, bien souvent, pour un salaire qui, heures supplémentaires comprises, ne vous ferait peut-être pas sortir de votre lit le matin. Si votre objectif est réellement de revaloriser le travail, commencez donc par le payer. (Vifs applaudissements à gauche)

Ne faites pas semblant d'ignorer que nombre de salariés ne touchent qu'une partie des heures supplémentaires effectuées.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quand elles sont déclarées !

Mme Raymonde Le Texier. - Je vous invite moi aussi à vous rendre gare du Nord, non pas « à la sortie de l'Eurostar ou du Thalys, pour voir arriver tous ces exilés fiscaux, banquiers à la City » mais, deux étages plus bas à l'arrivée des trains de banlieue, ceux-là mêmes que j'ai empruntés pendant les quarante années de ma vie professionnelle. Vous apprendrez beaucoup plus des réalités de votre pays en voyant tous ces gens qui rentrent, épuisés, d'un travail qui ne leur permet souvent même pas de subvenir correctement aux besoins de leurs enfants.

Comme chacun ici j'aimerais que « le travail paie selon le mérite ». Cette loi est cependant à mille lieues d'en tracer le chemin. Votre paquet fiscal n'est pas un cadeau pour notre économie, il est coûteux, inégalitaire, dangereux pour les comptes publics et sans effet sur la croissance. Il faudrait donner du capital public à ceux qui n'ont pas de capital privé. Votre texte donne plus à ceux qui ont déjà tout ; notre devoir est de le combattre. (Applaudissements à gauche)

M. Ladislas Poniatowski. - En tant que sénateur de l'UMP, j'apporte un soutien total à tout ce texte. Je me contenterai d'aborder deux points qui concernent la commission des affaires économiques.

Le dispositif de soutien à l'accession à la propriété constitue l'un des engagements pris par le Président de la République. C'est une excellente nouvelle, car les Français ne sont que 56% à être propriétaires occupants contre 70% des Italiens, 78% des Belges et 84% des Espagnols. Ces différences ne sont pas le fruit du hasard mais d'une volonté politique : nombreux sont les États qui ont largement aidé l'accession à la propriété des ménages sous forme d'aides directes, de bonification de taux ou de mécanismes fiscaux. Les gouvernements néerlandais et britannique ont renforcé en 2006 leur politique d'aide à l'accession à la propriété afin de réduire la charge financière pesant sur les ménages. Je note au demeurant que cette disposition poursuit l'action engagée par notre majorité sous la législature précédente.

Il ne faut pas pour autant réduire notre politique du logement à l'objectif de 75 % de propriétaires. Le secteur locatif, privé ou social, doit aussi faire l'objet d'une attention particulière. Le logement est une chaîne : pour sortir de la crise, il convient d'en stimuler tous les maillons afin de fluidifier les parcours résidentiels. Nous n'avons pas oublié le locatif social, puisque, le Premier ministre a fixé un objectif de 120 000 logements locatifs sociaux par an pour la législature. Je rappelle que nous avons renoué, depuis 2002, avec des niveaux de construction du parc locatif social plus conformes à la réalité des besoins de nos concitoyens, plus de 80 000 par an, quand ce chiffre stagnait entre 40 000 et 50 000 entre 1997 et 2002.

Le locatif privé bénéficie lui aussi de mesures favorables, comme la mise en place d'une garantie contre les risques locatifs, qui permettront aux plus modestes d'accéder au parc privé et ainsi de fluidifier le marché du logement.

Nous nous heurtons toutefois à deux écueils majeurs : d'une part, la pénurie des ressources foncières. Il faudra libérer des terrains constructibles, à des prix compatibles avec les contraintes pesant sur les opérations destinées aux plus modestes.

D'autre part, l'insuffisance de la main-d'oeuvre dans le bâtiment explique que de nombreuses opérations immobilières prennent du retard. Il convient de rendre ce secteur plus attractif et de lutter contre le travail au noir, encore trop souvent de mise dans ce secteur.

Enfin, je veux évoquer l'injustice faite à certains consommateurs depuis l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence. Certes, la question paraît quelque peu hors sujet...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - En effet !

M. Ladislas Poniatowski. - Mais elle a été longuement débattue à l'Assemblée nationale. Le Sénat peut donc faire de même...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est légitime !

M. Ladislas Poniatowski. - Depuis peu, 26 millions de consommateurs d'électricité et 11 millions de consommateurs de gaz ont la possibilité de quitter leur fournisseur historique pour un concurrent, ce qui est une bonne chose. Mais lorsqu'un locataire choisit le tarif libre, son propriétaire et le locataire successeur ne peuvent revenir au tarif régulé. En tant que rapporteur de la loi sur l'énergie de 2006, j'avais proposé un amendement, qui fut adopté, pour mettre fin à cette situation. Hélas ! Le Conseil constitutionnel l'a censuré : la mesure était contraire à la directive européenne relative à l'ouverture du secteur de l'énergie. Prenant acte des observations des juges constitutionnels, j'ai rédigé une proposition de loi, qui aurait pu être débattue lors d'une niche parlementaire en octobre, répondant aux inquiétudes des associations de consommateurs et des propriétaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. - Celle-ci proposait un dispositif transitoire jusqu'au 1er janvier 2010, date fixée pour le droit opposable au logement. Par parenthèse, les commissaires à l'énergie et à la concurrence mènent une réflexion sur ce sujet ces temps-ci, car ils se sont rendu compte que, depuis la libéralisation du marché de l'énergie, les prix avaient grimpé à cause de la hausse du pétrole.

Mme Marie-France Beaufils. - Pas seulement...

M. Ladislas Poniatowski. - J'espère que le gouvernement soutiendra l'amendement que j'ai déposé sur ce texte, qui reprend le contenu de ma proposition de loi. Madame Lagarde, vous vous étiez déclarée favorable à ma proposition à l'Assemblée nationale, à condition qu'elle soit conforme à la Constitution et à la directive européenne. Mon seul souci est de mettre fin à une double injustice ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Thierry Repentin. - Nous nous rejoignons !

M. Gérard Delfau. - Ce texte, intitulé par antiphrase « projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat », étonne par la brutalité des mesures qu'il comporte et inquiète par les risques qu'il fait courir à l'équilibre des finances publiques.

M. Bernard Cazeau. - Très juste !

M. Gérard Delfau. - Ce constat sévère a été formulé à demi-mots par une partie de la majorité à l'Assemblée nationale. Aucun économiste de renom ne n'a défendu cette politique s'inspirant à la fois de Reagan et Berlusconi. L'Europe ébahie nous regarde et désapprouve.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Que de certitudes !

M. Gérard Delfau. - Au sein de la classe politique le malaise est palpable. Le patronat, lui-même, se garde de triompher... Pourquoi tant d'acharnement contre les classes populaires et moyennes, à qui le Président de la République a promis des lendemains radieux ? (Marques d'approbation à gauche) Est-ce cela la rupture ? A vrai dire, il s'agit plutôt d'une accélération de la politique de M. Raffarin et, dans une moindre mesure, de M. de Villepin : on est passé du conservateur bon teint au franchement rétrograde,...

M. Jean Desessard. - Très bien !

M. Gérard Delfau. - ...le tout enrobé dans un discours idéologique ronflant qui ne trompe personne.

Le sens de l'effort, la valorisation du travail, le goût de la morale, ces valeurs ne sont ni de droite, ni de gauche. Comme Jean Jaurès, que le Président de la République cite si bien (Mme Marie-France Beaufils le conteste.), nous aimons à nous y référer, sans toutefois mettre le même contenu. Pour vous, augmenter le pouvoir d'achat, c'est concéder de nouveaux allègements d'impôt et des exonérations de cotisations sociales ; pour nous, cela passe par une augmentation régulière du SMIC (Vifs applaudissements à gauche). Avec les experts du droit du travail, nous craignons l'effet d'aubaine et la multiplication des fraudes que le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires va susciter au sein des entreprises.

La quasi-disparition des droits de succession et l'affaiblissement de l'impôt sur le revenu nous ramène au XIXe siècle ou, plus près de nous, à l'Amérique de Reagan et Bush. (Marques d'approbation à gauche) La mesure de défiscalisation des intérêts d'emprunt pour l'achat d'un logement destiné à l'habitation principale est moins critiquable.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Quand même !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Attendons la suite...

M. Gérard Delfau. - Malheureusement, elle va relancer à la hausse le prix des logements...

M. Bernard Vera. - Bien sûr !

M. Gérard Delfau. - ...au moment même où le marché de l'immobilier commençait à baisser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est fait exprès !

M. Gérard Delfau. - Le bouclier fiscal, que vous renforcez, privera les collectivités territoriales d'une partie de leurs ressources au mépris du principe d'autonomie financière que le Sénat a fait inscrire dans la Constitution.

Voix à gauche. - Juste !

Mme Nicole Bricq. - Nous avons déposé un amendement à ce sujet...

M. Gérard Delfau. - Pour atténuer le caractère de classe de ce texte, vous lui avez adjoint deux mesures. La première, qui vise à limiter les profits immoraux des grands patrons du « CAC40 », a été conçue pour ne pas chagriner le MEDEF qui, d'ailleurs, s'est gardé de manifester la moindre inquiétude. La seconde, le RSA, semble complexe, lourde à mettre en place, difficile à contrôler. Ce revenu, qui pourrait tirer vers le bas les petits salaires, est pour moitié à la charge des conseils généraux, ce qui pénalisera les départements pauvres, comme l'Hérault.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas si pauvre, l'Hérault !

M. Gérard Delfau. - Néanmoins, on s'occupe enfin de mettre un terme à l'augmentation continue du nombre des Rmistes. En 1997, ayant présidé pendant dix ans les comités de bassin d'emploi, je préconisais dans un ouvrage intitulé Droit au travail de transformer les aides à l'emploi en postes de travail à temps plein, rémunérés au moins au SMIC et bénéficiant d'un statut et d'une formation. Utopie, m'avait-t-on rétorqué à droite comme à gauche. Peut-être. Mais le mal s'est aggravé depuis et les 35 heures, malgré des résultats positifs en matière de création d'emplois -j'y insiste- n'ont pas inversé la tendance. Je suis donc prêt à essayer cette nouvelle piste du RSA.

Je reviens au noyau dur de ce texte : une panoplie de mesures en faveur des riches, des héritiers et des rentiers (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Bref, des suppôts de Satan !

M. Gérard Delfau. - Hier, le ministre du budget n'a pas nié qu'elle entraînerait une perte sèche de recettes pour l'Etat et prétend la compenser par une diminution équivalente des dépenses de l'État, autrement dit par le désengagement de l'Etat. Devant les mouvements sociaux et les demandes de nos partenaires européens effarés devant notre dette publique, le gouvernement n'aura d'autre choix que d'augmenter l'impôt inégalitaire par excellence, la TVA, pour renflouer les caisses de l'Etat. Et le Sénat qui a tant appelé à l'instauration d'une TVA sociale, laquelle ne verra pas le jour, monsieur le Président de la commission, sera tenu responsable de cette mesure impopulaire. Le même raisonnement vaut pour les comptes de la sécurité sociale : les franchises colmateront les déficits avant qu'un recours massif à l'assurance privée ne supprime l'objet du débat.

Bref, à une exception près -le RSA- ce texte est dangereux, immoral et idéologique. Dans un an, le mirage des présidentielles se sera dissipé. La majorité des Français aura perdu en pouvoir d'achat net et en services de proximité. Alors viendra le temps de l'alternative ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dans ce cas, votre intérêt est de voter le projet de loi !

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

M. Bernard Cazeau. - La discussion du revenu de solidarité active aurait pu débuter sous de meilleurs auspices. Pour cela, il eût fallu que le gouvernement prenne le soin de la distinguer de l'importante ristourne fiscale qu'il opère en faveur des plus aisés de nos concitoyens. Comment, en effet, réfléchir sereinement aux moyens du retour à l'emploi des allocataires de minima sociaux, lorsqu'on procède parallèlement à une vaste opération de redistribution à l'envers ? Vous aurez beau le nier, il est bien contradictoire de donner quelques dizaines d'euros de plus par mois au plus grand nombre tandis qu'on s'apprête à rembourser plusieurs milliards à une infime fraction de notre population.

Nous tâcherons malgré tout d'aborder la question du RSA de façon constructive. Nous pouvons partager l'objectif de réduire la pauvreté par l'emploi puisque celui-ci est la condition de l'intégration sociale. Mais, du fait de la précarité croissante du marché du travail, bien des emplois ne garantissent plus un revenu décent et nous avons vu réapparaître des travailleurs pauvres qui, certes, travaillent, mais trop peu pour bénéficier d'un revenu suffisant : 20 % des actifs employés perçoivent un revenu inférieur à 75 % du Smic. Aux bas salaires désormais chroniques s'ajoutent d'autres obstacles à l'emploi, notamment certaines configurations familiales où l'emploi partiel n'améliore pas la situation du ménage.

Dès lors, l'idée qu'une rémunération de remplacement vienne compléter de trop faibles revenus du travail présente un intérêt. Le RSA réoriente la redistribution autour de deux variables : la quantité d'activité et la situation familiale. L'idée est intéressante parce qu'elle reconnaît le rôle des transferts sociaux dans la réduction de la pauvreté, ce qui est plutôt progressiste. Ensuite, le RSA se veut adaptable en fonction des situations vécues et non de grilles administratives uniformes, et il prend donc en compte la diversité des bénéficiaires des minima sociaux. Enfin, il donne la priorité aux emplois de droit commun dans le secteur marchand, loin des dispositifs parfois illusoires de contrats aidés, dont les plus récents n'ont d'avenir que le nom ou qui, tel le RMA, font effectivement le minimum.

Bref, les perspectives ouvertes par le RSA sont intéressantes. Mais d'un principe intéressant, encore faut-il faire une réussite pratique. Pour cela, il importe de lever quelques zones d'ombre : notamment comment construire un dispositif opérationnel sur la base de mécanismes complexes et parfois contradictoires entre eux ? Cette difficulté n'a pas échappé aux concepteurs du projet qui ont voulu l'expérimenter avant de l'adopter, tant nombre de ses aspects sont encore imprécis.

Les départements doivent s'investir sans réserve dans l'expérimentation pour qu'elle soit couronnée de succès. Cela suppose une relation de confiance avec l'État. Les conseils généraux ont été échaudés par la décentralisation du RMI, tous les comptes ne sont pas encore soldés, et les départements attendent encore le remboursement d'une part non-compensée des dépenses des années passées, de l'ordre d'un milliard ! Pour que cela ne se renouvelle pas lors de l'expérimentation du RSA, il faut être clair sur la participation de l'État qui doit être précise et pérenne. Nous présenterons un amendement en ce sens.

Il nous faut aussi une définition plus aboutie des mesures à mettre en oeuvre, l'expérimentation ne pouvant se résumer à un simple tâtonnement. Les conseils généraux doivent être aiguillés quant à la prestation qu'ils devront servir. Bien que le RSA soit autant une méthode qu'un barème d'aide, il faut néanmoins que les départements disposent d'un cadre pour bâtir leurs politiques. Il faudra donc préciser rapidement la notion de « revenu garanti » à laquelle fait allusion l'article 9 du texte et que l'on retrouve sous les mots « niveau de ressource garanti » à l'article 10. La variabilité de ce seuil selon les départements, invoquée par le rapporteur, paraît une échappatoire. N'est-on pas là, tout simplement, dans une refonte des dispositifs d'intéressement votés en mars 2006, c'est-à-dire une majoration des montants et un prolongement dans le temps ? Ou alors penchez-vous pour un rehaussement inavoué des barèmes des aides sociales aux travailleurs pauvres, en somme pour une forme d'impôt négatif à durée déterminée ? Si tel est le cas, la question de la durée de vie du RSA est posée. Car, si ce nouveau revenu complémentaire aide à passer le seuil de pauvreté, comment ne pas imaginer que sa cessation entraînera le retour à la pauvreté ?

Monsieur le Haut Commissaire, nous attendons des clarifications. Le RSA est socialement acceptable en ce qu'il est une politique ciblée de solidarité, orientée vers l'activité professionnelle. S'il devait se muer en une politique de l'emploi déguisée, il deviendrait problématique. La question de la précarité du marché du travail demeure primordiale. Le RSA ne doit pas être l'occasion d'entériner une des tendances préoccupantes de la mondialisation : la décrue de la part du salaire direct dans le revenu des moins qualifiés.

Le RSA n'est pas la révolution espérée, mais une évolution modérée. S'il peut, à terme, améliorer la vie de plusieurs milliers de travailleurs pauvres, il aura réussi. Partagés entre confiance et doute, nous nous abstiendrons sur les articles 8 à 13. (Applaudissements sur les bancs socialistes).

M. Serge Dassault. - Vous proposez de diminuer les charges sur les heures supplémentaires, patronales et salariales, ce qui en réduira le coût pour les entreprises et améliorera le pouvoir d'achat des salariés, ce qui est excellent. Mais, si le manque à gagner de la sécurité sociale est payé par l'État, cela aggravera le déficit budgétaire, ce qui est moins bien. C'est pourquoi je propose que l'État laisse les sommes correspondantes à la charge de la sécurité sociale. (Rires et exclamations sur les bancs socialistes)

Mme Bariza Khiari. - Et le déficit de la sécurité sociale !

M. Serge Dassault. - Cela aggravera ce déficit mais admettez que l'on ne se soucie pas tellement de le réduire. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)

L'équilibre de la sécurité sociale est un autre problème et il faudrait le réaliser en dehors du budget de l'État. J'ai une solution à proposer pour cela, différente de la TVA sociale et qui pourrait régler bien des problèmes. Je suis à votre disposition pour vous la présenter.

Ainsi, le déficit budgétaire ne sera pas aggravé, et entreprises et salariés pourront profiter de cette mesure pour travailler plus et gagner plus.

La réduction des droits de succession ne concernant que 95 % des contribuables, je propose, pour les autres, de limiter le taux maximum d'imposition en ligne directe à 20 % comme avant 1983, au lieu des 40 % qui datent de Mauroy. C'est ainsi dans tous les autres pays européens, comme d'ailleurs dans le monde entier, et je ne vois pas pourquoi on se singularise ainsi sans se soucier des conséquences néfastes pour les intéressés et l'économie.

Vous cherchez à augmenter le pouvoir d'achat des salariés, ce qui est normal, mais il ne faut pas pour autant aggraver notre déficit budgétaire ni augmenter nos coûts de production. J'ai pour cela une solution facile à appliquer et qui aurait une grande portée sociale. Il s'agit simplement d'utiliser la loi sur la participation et d'augmenter la part réservée aux salariés. La formule actuelle, qui n'a pas varié depuis 1967, la limite à 10 %. Ma proposition, que j'ai déjà présentée à l'occasion de la loi sur la participation, consiste à répartir le bénéfice après impôts de toutes les entreprises de plus de 50 salariés en trois tiers : un pour les salariés, un pour les actionnaires et un pour l'autofinancement, avec un maximum de 2,5 mois de salaire. Cette formule, simple à calculer et à appliquer, peut éviter un grand nombre de conflits sociaux, car elle met à égalité les salariés et les actionnaires. Certes, elle n'augmente le pouvoir d'achat que des salariés travaillant dans des entreprises bénéficiaires, mais cela les motivera tous pour améliorer la rentabilité de leur entreprise. J'applique cette formule aux salariés de Dassault Aviation, et depuis quelques années nous leur distribuons 2,5 mois, ce qui, avec les 13 mois, leur permet de disposer d'un revenu de plus de 15 mois de salaire ! Leur pouvoir d'achat augmente bel et bien. Pourquoi ne pas généraliser cette formule qui ne vous coûte rien et qui a des conséquences sociales considérables ?

Pour compenser les pertes de recettes de l'État, consécutives à ces propositions, je suggère de réduire la compensation des charges sur salaires, jusqu'à 1,5 Smic au lieu de 1,6 aujourd'hui. Cela économisera plus de 2 milliards.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Excellente idée !

M. Serge Dassault. - Si vous commenciez à réduire la compensation des 35 heures aux entreprises, qu'il faudra bien arrêter un jour, vous pourriez économiser près de 15 milliards d'euros ! Cela vaut quand même la peine de s'en occuper ! Je ne comprends pas pourquoi l'on ne fait pas cette proposition, même si elle suscite des réserves de la part des entreprises ! Quand on n'a pas d'argent, on ne paie pas ! Et surtout on n'emprunte pas pour payer des dépenses de fonctionnement, ce qui est la règle d'or de la commission des finances...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument ! Bravo !

M. Serge Dassault. - Voilà ce que je vous propose, et cela fera l'objet de quelques amendements. (Applaudissements à droite)

M. Rémy Pointereau. - Ce projet de loi traduit trois thèmes principaux de la campagne du Président de la République : la valeur travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Qu'on soit de droite, du centre ou de gauche, chacun aspire à plus d'équité, plus de liberté, plus de fraternité, mais surtout à l'amélioration du niveau de vie de tous.

Toutes les idéologies, tous les dogmatismes ont échoué, y compris l'ultralibéralisme !

Loin de tous ces écueils, il existe une voie, celle du pragmatisme, du volontarisme, de la détermination : celle d'un libéralisme social régulé. Avec l'émotion et l'humanité nécessaires en politique pour redonner de la dignité et de la confiance à ceux qui sont sans emploi, à condition qu'il y ait une contrepartie par un travail, une activité : tel est l'objectif du revenu de solidarité active (RSA).

Dans les départements volontaires pour en faire l'expérimentation, les allocataires de minima sociaux se verront ainsi garantir que toute heure travaillée leur apportera des ressources supplémentaires, avec toujours le même objectif : valoriser le travail, un vrai travail, et pas uniquement dans le monde associatif, comme cela se voit dans certaines collectivités. Trop de bénéficiaires du RMI renoncent à occuper un emploi à temps partiel qui les priverait de minima sociaux. Or c'est cet emploi qui peut leur ouvrir la porte vers l'emploi à temps plein et l'autonomie. Le système actuel n'est pas motivant. C'est cela que le RSA a vocation à modifier, en intégrant les moins favorisés et en les tirant vers le haut, dans un élan collectif. Telle est la vraie solidarité !

Je tiens à saluer le travail déterminé du Haut-commissaire sur ce dossier fondamental pour l'avenir de notre pays.

Réhabiliter le travail, c'est encourager les entreprises à proposer des heures supplémentaires à ceux qui le souhaitent, pour augmenter le pouvoir d'achat.

La France qui travaille doit être encouragée, récompensée, rémunérée, montrée en exemple (murmures désapprobateurs croissants à gauche) : les 35 heures ont affaibli notre pays ! (« Oh ! » sur les mêmes bancs) Elles reposent sur cette fausse idée démagogique, selon laquelle la réduction autoritaire du temps de travail serait un moyen de lutter efficacement contre le chômage et garantirait la croissance a vécu... (Vives protestations sur les mêmes bancs)

M. Guy Fischer. - Vous ne cessez de faire des cadeaux aux riches !

M. Rémy Pointereau. - Toutes les études montrent que la politique de réduction du coût du travail est infiniment plus efficace pour assurer la croissance. Elle montre aussi que ce sont les pays où le nombre d'heures travaillées et le plus important qui connaissent le taux de chômage le plus faible (Protestations croissantes à gauche). La France est en queue de peloton des pays de l'OCDE pour le nombre moyen d'heures travaillées, avec 1 546 heures par an, contre 1 699 heures en Allemagne, 1 758 heures au Royaume-Uni, 1 703 en Espagne...(Marques d'impatience sur les mêmes bancs)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Utile rappel !

M. Rémy Pointereau. - L'article premier du projet de loi est donc la traduction du fameux « travailler plus pour gagner plus », (« Oh ! » à gauche) qui présente ce double intérêt d'accroître la compétitivité de l'économie française et d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés...

Plusieurs voix à gauche. - C'est bidon !

M. Rémy Pointereau. - Il s'agit d'exonérer de charges et de défiscaliser les heures supplémentaires pour les salariés, afin de les encourager à travailler plus pour gagner plus. Travailler doit payer.

Mais pour cela, il faut être incitatif également pour les entreprises et je regrette que nous n'ayons pas été plus loin dans la baisse des charges patronales, l'objectif étant d'inciter les entreprises à fournir des heures supplémentaires de travail. Ce sont elles qui, par leur vitalité, leur créativité, leur courage, créent durablement des richesses et des emplois, et qui décideront ou non de proposer des heures supplémentaires. C'est dans cet esprit que j'ai déposé un amendement visant à éviter aux PME et aux TPE de voir leurs charges alourdies par la présente loi.

Selon des calculs assez compliqués -il conviendrait de simplifier le dispositif- les petites entreprises de 20 salariés et moins supporteraient en effet davantage de charges sur les salaires au-delà d'1,27 Smic et l'allégement dit « Fillon », applicable au 1er juillet 2007, ne suffirait pas, semble-t-il, pour compenser le passage de 10 % à 25 % des heures majorées.

Pouvez-vous, madame le ministre, me donner des assurances sur cette compensation pour les rémunérations d'au-delà de 1,27 Smic ? Je vous fournirai des éléments chiffrés lors de la discussion des amendements.

L'application du nouveau régime des heures supplémentaires aux employés du secteur public est une bonne mesure, qui contribue à combler ce fossé, dont on parle trop souvent peut-être, entre les salariés du public et ceux du privé. Ainsi les services publics auront la capacité de mieux s'organiser, dans l'intérêt de tous.

Ce texte supprimera des prélèvements anti-économiques. Le renforcement du bouclier fiscal cessera de dissuader ceux qui créent des richesses, et les font circuler dans l'économie, de le faire en France. C'est une excellente mesure. L'évasion fiscale doit être combattue, par des mesures attractives pour le contribuable français.

L'abattement de 30 % sur la résidence principale est une avancée, certes, mais on peut s'interroger sur l'intégration de la résidence principale dans le calcul de l'ISF. Un couple qui est propriétaire à Paris d'un appartement de 100 m2 dans lequel il vit est-il riche ? (Exclamations à gauche)

Et le paysan de l'île de Ré...

Plusieurs voix sur les bancs socialistes Oh !

M. Rémy Pointereau. - ... qui avait vu le prix du foncier augmenter fortement et avait été assujetti à l'ISF alors qu'il vivait chichement et n'avait pas de quoi payer cet impôt, était-il riche ?

M. Thierry Repentin. - Il suffit de rendre le terrain inconstructible.

M. Rémy Pointereau. - La défiscalisation du travail des étudiants est une autre mesure très positive, de même que la quasi-suppression des droits de succession, puisque 95 % des successions seront exonérées C'est une mesure utile et juste, surtout pour les classes moyennes qui se sont données tant de peine à constituer leur capital, et qui se voyaient déjà taxer de nombreuses fois...

M. Guy Fischer. - Oh là là !

M. Rémy Pointereau. - ...sur leur salaire...

Mme Annie David. - Quelle honte !

M. Rémy Pointereau. - ... avec l'impôt sur le revenu...

Plusieurs voix sur les bancs socialistes Oh !

M. Rémy Pointereau. - ...sur le foncier bâti et non bâti...

Mme Gisèle Printz et Mme Nicole Bricq. - Oh !

M. Rémy Pointereau. - ...avec la taxe d'habitation...

Plusieurs voix sur les bancs du groupe CRC. - Quelle injustice !

M. Rémy Pointereau. - ... et enfin au moment de la donation aux enfants ! (On s'indigne à gauche) Il faut pouvoir transmettre les fruits de son travail à son conjoint et à ses enfants. Il faut aider les plus faibles, en leur garantissant des minima sociaux sans les décourager de retrouver un emploi.

Le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier pour la résidence principale est destiné à encourager I'accession à la propriété. Encore une mesure annoncée, attendue, et réalisée, pour permettre à chacun de devenir propriétaire.

Une autre mesure allant dans le bon sens est la possibilité ouverte aux redevables de l'ISF de verser le montant de cet impôt, jusqu'à un plafond de 50 000 euros, non pas au percepteur, mais à une PME ou à une fondation reconnue d'utilité publique. Lorsqu'on connaît les difficultés qu'ont les PME, principales créatrices d'emplois, à obtenir des financements au regard de la frilosité de certains organismes bancaires, on ne peut que s'en féliciter !

On dit que la facture est lourde pour des finances publiques déjà contraintes. C'est indéniable, mais cette dépense dans l'immédiat est surtout un investissement pour l'avenir.

Dans un monde auquel il nous faut nous adapter, il ne s'agit pas seulement de travailler plus pour gagner plus, mais aussi de travailler plus pour plus de croissance et donc pour plus d'emploi. On ne répond pas à l'échec des uns en bloquant la réussite des autres. La réussite des uns doit au contraire faciliter la réussite des autres.

Le choc de confiance doit entraîner un choc de croissance. (Applaudissements des bancs du RDSE à la droite)

Mme Christine Lagarde, ministre. - J'ai écouté avec beaucoup d'attention toutes vos interventions et je me suis abstenue de faire des commentaires cyniques sur celles qui m'ont le plus surprise.

Je tiens à saluer le travail formidable des rapporteurs et en particulier du rapporteur général, dont le brillant exposé, si je ne l'étais pas déjà, m'aurait assurément convaincue du bien-fondé et de l'efficacité de ce texte, et je ne désespère pas de convaincre ceux d'entre vous qui ne le seraient pas encore.... Je tiens à rassurer M. le rapporteur général : je l'ai entendu, comme ont été lus ses rapports successifs, comme ont été prises en considération ses recommandations et ses prescriptions sur l'ensemble du projet qui vous est soumis. Je suis rassurée et heureuse de pouvoir compter sur le soutien sans faille de la majorité, majorité présidentielle, majorité à l'Assemblée nationale qui, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général, a été réélue, majorité sénatoriale.

Monsieur le président Arthuis, j'ai la joie de me rendre compte que je suis d'accord avec la plupart des points que vous avez évoqués, sur l'économie ouverte, sur vos craintes sur l'éventuelle aggravation du déficit de la balance commerciale.

Monsieur Mercier, je vous ai également entendu sur le fait que la consommation soit actuellement le moteur exclusif de la croissance et je partage votre point de vue jusqu'à un certain point.

L'objectif de ce projet de loi est de redonner de la compétitivité à nos entreprises et de l'attractivité au site France. L'exonération des charges sociales patronales, sous la forme d'un abattement forfaitaire, selon que les entreprises ont plus ou moins de 20 salariés, est de nature à améliorer leur compétitivité, et j'aurai l'occasion de m'en expliquer, le plus clairement possible -je m'y engage, monsieur Mercier- à propos de l'article premier et des amendements qui s'y rapportent.

Il s'agit d'améliorer la compétitivité de notre pays. La faculté donnée aux redevables de l'ISF de s'acquitter de leur impôt, « l'impôt choisi », par le biais de dons aux PME permettra de créer, j'en suis sûre, des emplois

Je vous rejoins, monsieur le président Arthuis, lorsque vous parlez de la nécessaire moralisation de la vie économique. Vous émettez des doutes sur l'article 7. Certes, il ne sera peut-être pas suffisant pour entraîner chez tous les dirigeants un comportement éthique, mais il préparera la réflexion de la Commission européenne sur la nécessité de mieux réguler la rémunération des mandataires sociaux.

Comme vous, je suis favorable au développement de codes de bonne conduite en matière de gouvernance d'entreprise, à l'instar de ce qui se fait aux États-Unis, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Mais ils ne sont pas incompatibles avec l'article 7. En outre, l'AMF joue un rôle important en ce domaine en contrôlant la bonne application de ces codes dans son rapport annuel.

Enfin, je suis comme vous réservée sur l'intermédiation. Il faut améliorer les liens entre l'entreprise et les investisseurs. Je partage tout à fait votre goût pour l'affectio societatis et je pense qu'il faut renforcer les liens entre l'entreprise et les investisseurs.

Quant au problème des niches fiscales, il sera traité dans le cadre du rapport que nous présenterons au Parlement avant le 15 octobre sur l'impôt minimum. De plus, come ma lettre de mission me le précise, nous examinerons un texte sur l'ensemble des prélèvements obligatoires.

J'en viens aux questions plus spécifiques. Le crédit d'impôt applicable sur les intérêts d'emprunt et le prêt à taux zéro sont complémentaires car ils visent deux cibles différentes. Le prêt à taux zéro s'adresse aux ménages à revenus modestes tandis que le crédit d'impôt sur les emprunts touchera tous les publics, sans condition de ressources. Certains d'entre vous estiment que ces mesures bénéficieront plus spécifiquement aux hauts revenus. Or, je l'ai dit tout à l'heure, 93 % du montant de cette loi s'adresse à une très large majorité de contribuables : les salariés, les héritiers de patrimoine modeste. La moitié du coût de ce texte va aux millions de salariés qui effectuent des heures supplémentaires. L'allègement du coût des intérêts d'emprunt et l'exonération des droits de succession pour 95 % des Français touchera également un public très large. Quant aux 7 % restants, ils visent à rétablir la confiance et je crains qu'en n'insistant que sur cette partie, on ne dissimule l'intérêt de cette loi.

M. Ladislas Poniatowski. - Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Sur la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales, je vous confirme, monsieur Vasselle, les propos que M. Woerth vous a tenus hier : la compensation aux régimes spéciaux sera intégrale, et elle sera traité dans le cadre des projets de loi de finances et de financement pour 2008. (On en doute à gauche)

Comme l'a dit M. Fourcade, il s'agit, avec les heures supplémentaires, de lever un blocage malthusien.

S'agissant des heures supplémentaires, à la suite de la suppression du taux dérogatoire, les petites entreprises bénéficieront en contrepartie d'une déduction forfaitaire majorée de cotisations sociales patronales, monsieur Vasselle. Le montant sera de 1,5 euro. La mesure que je vous propose permettra de faire baisser le coût du travail jusqu'à 1,45 smic. Quoi qu'il en soit, les salariés continueront à bénéficier de la déduction des cotisations sociales et des exonérations fiscales sur leur revenu imposable.

Monsieur Montesquiou, je vous confirme que notre chiffrage tient bien compte des heures supplémentaires effectués tant dans le privé que le public. Nos estimations tiennent compte des 70 millions d'heures supplémentaires effectuées en 2006. S'il apparaît que cette estimation était un peu faible, et je forme le voeu qu'il en sera ainsi, il en coûtera plus au budget de l'Etat, mais cette mesure s'autofinancera en partie, puisque une part de la consommation se trouvera recyclée dans le circuit grâce à la TVA.

La question de l'emploi me préoccupe aussi, monsieur Mercier, mais nous ne prétendons pas tout résoudre par une loi. Le texte relatif à la modernisation sera davantage consacré à l'emploi. Nous poursuivrons les réunions avec les partenaires sociaux afin de revenir au plein emploi.

Il faut aussi sortir d'une vision statique du marché du travail : aujourd'hui, l'Etat ne peut créer des emplois ex nihilo. C'est le travail qui engendre le travail. En dynamisant la croissance, dans le secteur marchand, on infléchit à terme les chiffres du chômage. (Exclamations à gauche)

Le financement des mesures suscite de légitimes interrogations : en 2008, le gouvernement y est tenu, les dépenses nouvelles seront compensées par la réduction des dépenses publiques ; je reconnais que cette politique repose sur un pari. Lors de l'Eurogroupe, à Bruxelles, le président de la République s'est clairement engagé à réduire les déficits publics. Si la croissance le permet, nous ramènerons l'endettement à 60 % du PIB en 2010, et je vous rassure, nos voisins n'ont pas été consternés. Nos partenaires, au contraire, ont exprimé leur soulagement, et leur satisfaction de voir la France sur la voie des réformes recommandées par l'Union européenne, la Banque mondiale, l'OCDE, engagées par le Royaume-Uni, le Danemark et les Etats-Unis, et qui devraient faire sauter les verrous qui nous coûtent 1 % de croissance et ajoutent 3 % de chômage.

Quels que soient les doutes que vous entretenez sur les études relatives au marché de l'immobilier, monsieur Delfau, je fais confiance aux chiffres que nous ont fournis la FNAIM, HSBC et Natixis : les avantages que nous proposons sont incitatifs, et de nature à favoriser la croissance et la consommation, mais ils ne seront pas inflationnistes.

J'espère vous avoir rassuré sur le financement de ces mesures, monsieur Vasselle. D'ailleurs, si nous en faisions basculer le financement sur la sécurité sociale, la question ne serait pas réglée pour autant puisque les critères de Maastricht prennent en compte tous les déficits.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Exactement !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Concernant les droits de succession, 95 % des Français en seront exonérés et les 5 % restants touchent les successions les plus importantes, qui continueront à être imposée en vertu du barème actuel.

Monsieur Fourcade, vous avez raison : le déficit des finances publiques est dû, en grande partie, à l'état de défiance actuelle. Le choc de confiance que j'appelle de mes voeux, nous l'observons déjà autour de nous, malgré vos insinuations, madame Bricq. L'indicateur synthétique du climat des affaires dans les services a atteint ce moi-ci son niveau le plus élevé depuis octobre 2000.

Mme Nicole Bricq. - Je les regarde de près !

Mme Christine Lagarde, ministre. - J'y vois là un signe précurseur qui n'est bien sûr pas lié au choc de confiance que nous voulons déclencher mais à une série d'améliorations déjà en cours. Si, d'ici douze à vingt-quatre mois, nous observons une augmentation régulière de la croissance, une baisse constante du chômage comme cela est déjà le cas depuis vingt-quatre mois, nous aurons gagné notre pari.

De même, si nous observons une augmentation significative de nos exportations et un fort développement des investissements étrangers, le pari aura été gagné.

Certains ont évoqué un discours que j'ai tenu la semaine dernière, devant une autre assemblée ; je le revendique, mais j'ai aussi le goût du renouveau. Je crois à une économie pragmatique et non idéologique, à une économie au service de l'individu et de son développement, à un capitalisme participatif et régulé où l'État joue son rôle, tout son rôle, mais rien que son rôle.

Ce texte privilégie la liberté. Nous n'avons pas modifié la loi sur les 35 heures : ceux qui souhaitent bénéficier des accords de modulation le pourront, mais ceux qui voudront faire des heures supplémentaires le pourront aussi et seront incités à le faire. Liberté encore de choisir entre la prime pour l'emploi et l'exonération fiscale pour les étudiants, entre le prêt à taux zéro et le crédit d'impôt, entre le paiement de l'ISF et l'investissement dans une PME ou le don à d'autres que soi. Ce projet de loi, comme les textes qui suivront sur la modernisation de l'économie, la réforme des prélèvements obligatoires ou la révision des politiques publiques, a pour objectifs la confiance, la croissance et l'emploi. Il doit permettre à notre pays de bien se placer dans la course économique mondiale. (Applaudissements à droite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Je remercie le président et le rapporteur général de la commission des finances du soutien qu'ils ont apporté au RSA. La discussion de ce dispositif au sein d'un texte plus large permet de dépasser le strict cadre social dans lequel on débat d'ordinaire des minima sociaux. Je veux aussi rassurer M. Vasselle : nous ne travaillons pas qu'avec des départements ou des territoires où tout va bien ; et l'évaluation des expérimentations est extrêmement rigoureuse, menée par des experts reconnus, appuyée sur des territoires témoins pour éviter les biais. Cette démarche est sans précédent. C'est dire qu'au moment de passer à l'étape suivante, nous disposerons de données fiables et contrôlables.

Je dis volontiers que je reviendrai devant le Parlement d'ici un an ; mais on relève que l'expérimentation est prévue sur trois ans. MM. Adnot et Cazeau, Mme Beaufils se sont inquiétés de possibles inégalités entre les territoires et les populations. C'est pour cela que j'entends aller vite. Les territoires peuvent en effet s'engager sur trois ans, cela donne de la visibilité à tous ; mais parallèlement on évalue, on voit si les données collectées la première année sont pertinentes, le processus n'est pas figé. Il faut à la fois imaginer rapidement les étapes suivantes et faire vivre les expérimentations.

Je veux rassurer Mme Bricq sur la prime pour l'emploi ; compte tenu de sa dilution, celle-ci se monte à 39 euros par mois et par personne.

Mme Nicole Bricq. - Elle a été détournée ! Elle est devenue un instrument de pouvoir d'achat !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Nous allons voir comment l'intégrer au RSA et lui faire retrouver sa vocation originelle.

Mme Nicole Bricq. - Il faut qu'elle vienne en plus !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Comme l'a relevé la Cour des comptes, le rapport entre son coût budgétaire et son efficacité en termes de pouvoir d'achat est insupportable.

M. Guy Fischer. - Dites clairement que vous allez la supprimer !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - M. Adnot a souligné la difficulté des relations avec les allocataires du RMI ; mais il faut parler des conditions de leur accompagnement. J'ai vu des gens qu'on n'avait pas rencontrés depuis trois ou quatre mois ! Comment voulez-vous que la logique droits-devoirs leur parle ? J'ai vu des gens auxquels on n'a expliqué cette logique qu'après des mois de versement de l'allocation, parce qu'entre-temps il avait fallu trier, vérifier, compter. On s'énerve une heure après que son portable est tombé en panne ; imaginez, après trois ou quatre mois de non-versement des allocations ! Le mécanisme du RSA est plus direct, plus fluide ; et surtout l'accompagnement est effectif au premier jour, on peut parler d'emploi et d'avenir tout de suite !

Je remercie M. Delfau ; l'expérience de « RMA plus » que mène son département m'intéresse beaucoup. C'est tout l'intérêt de l'expérimentation.

Le président Cazeau a émis des doutes, s'est interrogé, a évoqué des zones d'ombre et de lumière. Je le lui dis clairement : le gouvernement jouera franc jeu et tiendra ses engagements financiers. Chacun pourra le vérifier puisque les 25 millions prévus pour 2008 seront inscrits dans un programme spécifique. Nous ne tricherons pas, parce que nous pensons déjà aux étapes suivantes. La transparence est indispensable : elle sera au rendez-vous.

Nous avançons vite, non pas de façon artificielle mais en mobilisant tous les acteurs ; je peux vous dire que partout où nous avons commencé, tout le monde se retrouve sans difficulté autour de la table, parce que tout le monde y croit. Nous allons vite, parce que nous voulons vite franchir d'autres marches, afin que les minima sociaux ne soient pas des maxima pour le plus grand nombre. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission. - La commission des finances se réunira à 21 h 45 pour examiner de nouveaux amendements du gouvernement.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance est reprise à 22h10.