Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dépôt d'un rapport

Organismes extraparlementaires

Commissions (Démission et candidatures)

Travail, emploi et pouvoir d'achat (Urgence)

Discussion générale

Commissions (Candidatures)

Travail, emploi et pouvoir d'achat (Urgence - Suite)

Motion tendant à opposer la question préalable

Articles additionnels

Article 1er

ORDRE DU JOUR

du jeudi 26 juillet 2007

Dépôts




SÉANCE

du mercredi 25 juillet 2007

11e séance de la session extraordinaire 2006-2007

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dépôt d'un rapport

M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu de M.  Dominique Maraninchi, Président du conseil d'administration de l'Institut national du cancer, le rapport d'activité pour l'année 2006 de cet organisme, établi en application de l'article L. 1415-2 du code de la santé publique.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Organismes extraparlementaires

M. le président. - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation :

- d'un sénateur appelé à siéger comme membre titulaire au sein du Conseil de surveillance du Fonds de financement de la protection complémentaire de la couverture universelle du risque maladie ;

- d'un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein du Conseil d'administration de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ;

- d'un sénateur appelé à siéger comme membre suppléant au sein de l'Observatoire national des zones sensibles.

J'invite la commission des affaires sociales à présenter une candidature pour chacun de ces organismes. Les nominations auront lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Commissions (Démission et candidatures)

M. le président. - M. le Président du Sénat a reçu avis de la démission de M. Alain Le Vern, comme membre de la commission des affaires économiques. Le groupe intéressé à fait connaître à la Présidence le nom du candidat proposé en remplacement.

Il a, en outre, communiqué à la Présidence le nom du candida proposé pour siéger à la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Jean-Marie Bockel, dont le mandat de sénateur a cessé.

Ces candidatures vont être affichées et les nominations auront lieu conformément à l'article 8 du Règlement.

Travail, emploi et pouvoir d'achat (Urgence)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat

Discussion générale

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. - (Applaudissements à droite) Un choc de confiance : voilà ce que doit provoquer ce projet de loi que je suis heureuse de venir défendre devant votre Haute Assemblée. La confiance, c'est d'abord celle que le pays doit retrouver dans la valeur travail. (M. Gournac applaudit. Protestations à gauche) La confiance, c'est aussi celle que la majorité de nos concitoyens a accordée à Nicolas Sarkozy, sur la foi de son programme. Ce que le Président de la République a promis, nous allons nous donner les moyens de le réaliser. Notre projet de loi n'est pas un simple « paquet fiscal », il constitue le premier wagon d'une véritable réforme économique et sociale, sans pour autant entraîner de modifications du Code du travail. Le Président de la République et le Premier ministre m'ont fixé les grandes lignes de mon action dans leur lettre de mission du 11 juillet. Mon objectif, c'est « le plein emploi et l'augmentation du pouvoir d'achat », ainsi que la mise en place d'une « stratégie économique globale pour notre pays dans la mondialisation ». Ce qui supposera de réviser les politiques publiques pour les rendre plus efficaces, de lever les blocages à la croissance, de moderniser notre marché du travail, de réformer notre fiscalité, et de revoir la gouvernance économique de l'Europe. En accrochant, dans les mois et les années qui viennent, tous ces wagons les uns aux autres, je suis convaincue que notre pays retrouvera le train de la croissance. Et qu'il pourra se lancer à pleine vitesse dans la course de la modernité.

Laissez-moi vous dire ma fierté d'avoir aujourd'hui une mission claire, une mission confiée par le Président de la République et le Premier ministre, une mission au service de la France. Remettre à l'honneur la valeur travail, c'est un impératif à la fois moral et économique.

Un impératif moral tout d'abord Trop de défiance pèse aujourd'hui sur le travail ; une défiance encouragée par les biais inacceptables qui faussent le marché de l'emploi. Quand d'un côté certains bénéficiaires des minima sociaux perdent de l'argent en retrouvant un travail, et que de l'autre certains dirigeants d'entreprise reçoivent des indemnités sans aucun rapport avec leurs performances, comment ne pas s'indigner ? (Applaudissements à droite) Nous voulons au contraire que le travail redevienne ce qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être : une valeur démocratique, un vecteur d'intégration, une vérité dans notre existence.

Oui, le travail est une valeur démocratique : il nous place tous sur un pied d'égalité. Victor Hugo, l'un des plus illustres de vos pairs ...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est facile !

Mme Christine Lagarde, ministre. - ...appelait les marins des « travailleurs de la mer ». La grande leçon de notre modernité, c'est que chacun, dans son domaine, est un travailleur, (marques d'ironie sur les bancs CRC) au sens fort du terme : le travailleur de la terre, le travailleur du virtuel, le travailleur indépendant comme celui qui est employé par une entreprise, tous savent ce que signifie, « une journée de boulot ».

Oui, le travail est un vecteur d'intégration, qui permet à chacun de trouver sa place dans la société. Oui, le travail est une vérité dans notre existence, car un travail, c'est souvent bien plus qu'un salaire, c'est une manière de se sentir bien dans sa vie. Cette loi est faite pour que le travail n'exclue personne, et nous rassemble tous.

Le travail est aussi un impératif économique. Plus que jamais, il est la clé de l'avenir de notre pays dans le jeu de la mondialisation. Nous sommes dans une société de services, une société d'innovation et de création, une société où la haute technologie s'accompagne d'un besoin grandissant de compétences et d'expériences. Nous sommes dans un monde hautement concurrentiel, où il nous faut faire le pari de l'excellence. Les femmes et les hommes de l'Inde, de la Chine, du Brésil ou de l'Afrique du Sud ne ménagent pas leur peine. La course est lancée. Allons-nous rester, les bras croisés, à observer leurs taux de croissance à deux chiffres, plus de 11 % pour la Chine ? (Murmures improbateurs sur les bancs socialistes) Pour la première fois en 2006, la diminution de la quantité d'heures travaillées en France n'est plus compensée par des gains de productivité horaire. Comment peut-on encore croire que travailler moins permet de travailler mieux ? A nous de prouver que travailler plus permet non seulement à chacun de gagner plus, mais aussi à la France de gagner le pari de la mondialisation. (Mme Assassi s'insurge)

Confiance, croissance, emploi : tels sont les trois principes qui guideront notre action et qui permettront à notre pays de retrouver le sens du travail. Ces principes concernent tout le monde. Pour les plus défavorisés, bénéficiaires des minima sociaux, nous allons mettre en place un Revenu de solidarité active (RSA), destiné à rendre attractif le retour au travail. Pour qu'un travailleur ne soit plus jamais traité de « travailleur pauvre ». Pour qu'une mère célibataire en situation difficile, qui parvient à se remettre au travail, voie ses revenus augmenter réellement. Mais bien au-delà du RSA, ce texte s'adresse à tous, et particulièrement aux classes moyennes, à ces quatre cinquièmes de la population qui ont vu leur niveau de vie stagner ces dernières années. Nos principales mesures sont destinées à tous ceux qui travaillent.

Le projet de loi couvre les différentes étapes du travail tout au long de la vie. Car travailler, c'est d'abord étudier, puis gagner de l'argent avec son travail, ensuite le dépenser et, enfin, transmettre les fruits d'une vie de travail.

Pour les étudiants, mes collègues de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur s'emploient déjà à faire du système éducatif un véritable vecteur de l'égalité des chances.

M. Guy Fischer. - Avec 17 000 suppressions de postes !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Mon ministère apporte sa contribution en améliorant la situation des étudiants qui travaillent pour financer leurs études. Voilà pourquoi l'article 2 étend l'exonération d'impôt sur le revenu, actuellement limitée aux « jobs d'été » exercés par des jeunes de moins de 22 ans, à tous les salaires perçus par les élèves ou étudiants âgés de moins de 26 ans. Cette exonération pourra aller jusqu'à 3 600 € de revenus par an, soit trois SMIC. Afin de préserver, le cas échéant, les droits à la prime pour l'emploi, les intéressés pourront choisir de ne pas profiter de cette exonération. Le coût de cette mesure est estimé à 40 millions.

Prenons l'exemple d'un étudiant qui gagne 250 euros par mois, en donnant des cours particuliers. S'il est à la charge de ses parents et que ceux-ci ont un revenu de 1 400 euros net -soit 1,4 SMIC- il leur fera économiser plus de 500 euros d'impôt.

Les étudiants sont déjà soumis à des épreuves de fin d'année. Nous allons leur alléger celles de la fin du mois. Car ces jeunes sont notre « capital humain », la matière première de cette « économie de l'intelligence » qui fera la réussite de la société de demain. (Applaudissements à droite)

J'en viens à la deuxième étape : gagner de l'argent avec son travail. L'article premier de la loi encourage le développement des heures supplémentaires, effectuées au-delà de la durée légale du travail de 35 heures. C'est notre mesure-phare : elle couvre près de 49 % du coût global de la loi.

Selon cet article premier, les employeurs bénéficieront d'une réduction de cotisations sociales, dont nous envisageons de fixer le niveau par décret à 50 centimes de l'heure pour les grandes entreprises, et à 1,50 euros de l'heure pour les entreprises de vingt salariés au plus. Par ailleurs, les heures supplémentaires n'entraîneront plus une diminution des allégements de charges sociales patronales pour les bas salaires.

Quant aux salariés, ils bénéficieront eux aussi d'une réduction de cotisations sociales, ainsi que d'une exonération d'impôt sur le revenu au titre des heures supplémentaires effectuées à compter du 1er octobre 2007. De plus, le taux de majoration des heures supplémentaires dans les petites entreprises sera porté de 10 % à 25 % à la même date.

Ce dispositif s'étendra à l'ensemble des entreprises, en englobant aussi bien le travail à temps plein que le travail à temps partiel. Pour éviter les abus, la réduction de cotisations patronales ne s'appliquera pas aux heures complémentaires.

Cette mesure développera la formule désormais célèbre, selon laquelle travailler peut permettre de gagner plus. (Marques d'ironie à gauche, d'approbation à droite)

Le coût de cette mesure est estimé à quelque six milliards d'euros. C'est le poste principal de notre investissement dans ce projet de loi. Ainsi, un salarié payé 1 400 euros net dans une petite entreprise, et réalisant 4 heures supplémentaires par semaine, verra ses revenus annuels augmentés de 2 500 euros. Soit près de deux mois de salaires supplémentaires sur l'année : ce n'est plus le treizième, c'est presque un quatorzième mois !

La troisième étape consiste à dépenser l'argent gagné, et tel est le sens du crédit d'impôt que nous mettons en place, correspondant à 20 % des intérêts d'emprunt souscrit par l'acquéreur d'une résidence principale. Car l'encourager, c'est une façon d'ancrer chacun de nos concitoyens dans une parcelle de France... (Protestations sur les bancs CRC et socialistes, applaudissements à droite)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très Bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. - A peine plus de la moitié de nos concitoyens sont propriétaires de leur résidence principale, et il convient de faire une plus grande place à l'accession à la propriété (marques d'approbation à droite ; protestations sur les bancs socialistes, où l'on fait valoir qu'il ne faudrait pas pénaliser les locataires) C'est dans cet esprit que l'article 3 de la loi institue un crédit d'impôt sur le revenu égal à 20 % des intérêts d'emprunts supportés pour l'acquisition ou la construction de l'habitation principale. Cette mesure concerne les emprunts à venir, mais aussi les emprunts en cours, ceux qui deviennent propriétaires pour la première fois, comme ceux qui changent de résidence principale et s'articulera avec le prêt à taux zéro.

L'Assemblée nationale a étendu cette mesure à la mobilité professionnelle : le crédit d'impôt s'applique à la nouvelle résidence, dans la mesure où la précédente est laissée vacante.

Ce crédit d'impôt concernera les cinq premières années du remboursement, car c'est la période la plus difficile pour les emprunteurs, où se concentrent 40 % des intérêts du prêt. Les intérêts pris en compte iront jusqu'à 7 500 euros par an pour un couple (3 750 euros pour une personne célibataire), et pourront être majorés de 500 euros par personne à charge.

Certains prétendent que cette mesure renforcera les tensions sur le marché de l'immobilier...

M. Gérard Delfau. - Ils n'ont pas tort ! (M. Thierry Repentin le confirme)

Mme Christine Lagarde, ministre. - Or, en l'état actuel des tensions sur les taux d'intérêt, et de la stagnation du marché immobilier dans la plupart des agglomérations, les professionnels nous assurent que ce crédit d'impôt ne devrait pas avoir d'effet sur les prix... 

M. Gérard Delfau. - Ben voyons !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Le coût de cette mesure est estimé à 3,7 milliards d'euros, soit 28 % du coût total de l'investissement.

Je citerai l'exemple d'un jeune ingénieur célibataire qui souscrit un emprunt de 100 000 euros sur 15 ans à un taux de 4 %, pour s'acheter un appartement en ville...

M. Guy Fischer. - C'est un cadre supérieur !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Il réalisera un gain de 3 500 euros, soit une réduction de plus de 10 % du coût total de son crédit.

Deuxième exemple : un couple avec deux enfants qui souscrit un emprunt de 200 000 euros sur 20 ans au même taux, pour acheter une maison familiale, réalisera -sur 5 ans- un gain de plus de 7 000 euros, soit une réduction de plus de 8 % du coût total de son crédit. Cette mesure concerne donc un grand nombre de nos concitoyens, qui acquièrent une résidence principale ou en changent.

La quatrième étape consiste à transmettre les fruits d'une vie de travail, comme il est bien naturel, à la génération suivante. L'article 4 du projet de la loi allège de manière significative les droits de succession et de donation.

Le premier exemple s'applique aux époux et partenaires liés par un PACS. Pour eux, les droits de succession sont purement et simplement supprimés. Nous voulons en finir avec ces situations où le conjoint survivant, souvent âgé, est contraint de vendre son logement pour payer les droits de succession.

L'Assemblée nationale a étendu cet avantage aux frères et soeurs vivant sous le même toit.

Pour les enfants, l'abattement personnel sur la succession est relevé de 50 000 à 150 000 euros, tandis que l'abattement global de 50 000 euros sur la succession est supprimé. 95 % des successions passeront ainsi aux héritiers sans que l'État en prélève un seul euro.

Ces abattements sont communs aux successions et aux donations.

Les donations en numéraire, au profit de tout descendant en ligne directe, seront exemptées d'impôt, entre un même donateur et un même bénéficiaire, dans la limite de 30 000 euros, seuil relevé à la suite de l'amendement de Louis Giscard d'Estaing. (Sourires et exclamations ironiques sur les bancs CRC et socialistes). Un autre amendement adopté par l'Assemblée nationale permettra de tripler l'abattement spécifique en faveur des personnes handicapées, en cas de succession comme de donation, qui passe de 50 000 à 150 000 euros.

Le coût de cette mesure est estimé à 2,2 milliards d'euros.

Soit une veuve avec deux enfants, qui possède un patrimoine de 300 000 euros. Après son décès, le frère et la soeur recevront chacun 150 000 euros, nets d'impôt. Aujourd'hui, ils auraient dû payer l'un et l'autre plus de 13 000 euros d'impôt, soit près de 10 % de leur héritage !

Ces quatre mesures représentent l'essentiel du coût de la loi -et je n'ai pas encore utilisé le mot de « bouclier fiscal » ! (Exclamations sur les bancs du groupe CRC), 93 % exactement, qui concernent 95 % de nos concitoyens pour les droits de succession, plus de 50 % d'entre eux pour la résidence principale, et de très nombreux salariés pour les heures supplémentaires. De l'argent que l'État va ainsi dépenser, neuf euros sur dix iront aux étudiants, aux employés, aux futurs propriétaires, et à tous ceux qui héritent (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame) Et n'oubliez pas que les plus grosses successions continueront d'être taxées... (une voix sur les bancs UMP : « C'est dommage ! »)

Revaloriser le travail suppose aussi de retrouver la confiance dans le succès. Cela sera l'objet d'une deuxième série de mesures, pour un coût bien moindre, soit seulement 7 % du total.

Retrouver la confiance dans le succès, c'est tout à la fois rendre notre territoire attractif pour les succès d'aujourd'hui et de demain ; rétablir aux yeux de nos compatriotes le lien entre réussite et mérite ; et faire profiter les autres de son succès, en mettant la richesse acquise au service de l'intérêt général.

Aujourd'hui, contrairement à la situation qui prévalait encore il y a un siècle, les plus riches ne le sont pas grâce à la rente, mais à leur travail et au succès qu'ils y ont rencontré. (On le conteste sur les bancs des groupes CRC et socialiste) Ce sont avant tout des gens qui ont gagné leur vie en travaillant, et souvent en travaillant dur...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très Bien !

M. Alain Gournac. - Bravo !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Je rappelle que les revenus des 10 % de Français les plus riches proviennent pour environ 80 % du travail et pour seulement 7 % du capital. (Protestations à gauche)

M. Guy Fischer - De l'exploitation du travail !

Mme Christine Lagarde, ministre. - La confiance suppose que chacun puisse voir son niveau de revenu continuer d'augmenter.

Nous souhaitons rendre le territoire attractif pour le succès.

On ne peut pas d'un côté encourager le travail, et de l'autre surtaxer l'argent gagné, ce qui provoque le triste phénomène de « l'exil fiscal ».

Nous avons besoin de conserver et d'attirer chez nous les créateurs de richesse. Aussi l'article 5 abaisse-t-il le bouclier fiscal de 60 % à 50 % des revenus. Nous y incluons toutes les impositions, y compris les prélèvements sociaux, car ce sont bien là des impôts qui pèsent directement sur le revenu. (On le conteste à gauche)

L'Assemblée nationale a voulu un mécanisme de refacturation aux collectivités territoriales pour tenir compte de ces nouvelles dispositions. Pourquoi 50 % ? C'est, bien sûr, une barre symbolique qui correspond aussi à ce qui se fait dans d'autres pays de l'Union européenne. Elle permettra d'instaurer un véritable partenariat, juste et équitable, entre l'individu et l'Etat : ce sera la formule de notre contrat fiscal. Il s'agit également de redonner confiance à nos concitoyens : c'est pourquoi j'ai accepté la proposition de l'Assemblée de porter l'abattement d'ISF sur la résidence principale de 20 à 30 %. Cette mesure permettra de corriger des injustices croissantes dues à l'augmentation des prix de l'immobilier, qui fait tomber de manière artificielle certains contribuables aux revenus modestes dans le champ de l'ISF. (Exclamations à gauche)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Le nombre de déclarations d'ISF s'établit à plus de 518 000, soit une augmentation de 17 % par rapport à l'an dernier. Cela signifie-t-il que les plus riches ont gagné 17 % de plus ? Non, bien sûr, mais que l'immobilier a augmenté de façon substantielle dans certaines régions.

Le bouclier fiscal n'est pas spécifiquement destiné aux Français les plus aisés (On le conteste à gauche). II prend aussi en compte, par exemple, les impôts locaux. Le principe des 50 % vaut pour tous. (M. Bret s'exclame) Ainsi, un entrepreneur aux revenus déficitaires, qu'il soit chef d'entreprise, artisan ou créateur de start-up, se verra intégralement remboursé le montant de ses impôts locaux. Faut-il qu'en contrepartie la loi prévoie un impôt minimal en fonction du revenu ? C'est une possibilité, déjà mise en oeuvre aux États-Unis. Elle mérite d'être étudiée dans notre pays : j'ai donné mon accord à l'Assemblée nationale pour soumettre au Parlement un rapport d'analyse et de prospective sur le sujet avant le 15 octobre.

Le coût de l'abaissement du bouclier fiscal est estimé à 600 millions, soit 4 % de l'investissement total que nous évoquions.

Prenons l'exemple d'un médecin gagnant 100 000 euros par an, et dont la femme ne travaille pas. En additionnant l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la taxe foncière, les contributions et prélèvements sociaux, ainsi q'un ISF de 40 000 euros, ce couple s'acquitterait de plus de 75 000 euros d'impôt ! Avec ce bouclier fiscal, toutes les sommes payées au-delà de 50 000 euros lui seront restituées.

Deuxième mesure qui permet de mieux affirmer le lien entre mérite et succès. S'il est entendu que tout travail mérite salaire, il est choquant pour tous nos compatriotes que certains dirigeants touchent des rémunérations sans rapport avec leur mérite. (Murmures réprobateurs à gauche) L'article 7 prévoit donc que les indemnités de départ seront soumises à des conditions de performances strictes, dont le respect sera contrôlé par le conseil d'administration de l'entreprise. (Mme Borvo Cohen-Seat se gausse)

De plus, l'assemblée générale des actionnaires pourra procéder à un vote spécifique sur l'attribution de ces indemnités. Toutes ces procédures se dérouleront dans la plus grande transparence, ce qui devrait mettre fin à la série de scandales qui a écorné dans l'opinion publique le prestige légitime des chefs d'entreprise, (exclamations sur bancs CRC) et restaurer la confiance nécessaire entre tous les acteurs de l'économie. Si le chiffre d'affaires d'une entreprise s'est dégradé durant le mandat du dirigeant, les actionnaires pourront ainsi décider de ne pas lui accorder de rémunération supplémentaire lorsqu'il sera mis fin à son mandat.

Troisième mesure : inciter ceux qui sont à juste titre rémunérés et qui payent l'ISF d'en faire profiter les autres. La confiance retrouvée permettra d'autant plus aisément de réorienter la richesse vers des investissements directement utiles. L'article 6 encourage ainsi nos concitoyens redevables de l'ISF à investir dans le capital des PME, ou à effectuer des dons au profit d'organismes d'intérêt général. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame). Ils bénéficieront à ce titre d'une réduction d'ISF égale à 75 % de l'argent versé, dans la limite de 50 000 euros par an, 25 % restant entièrement à la charge du contribuable afin qu'il soit incité à participer au risque qu'il prend.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Excellente mesure !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Merci, monsieur le rapporteur ! Certains se plaignent de payer un impôt confiscatoire, tandis que des PME extrêmement dynamiques cherchent de l'argent frais pour se moderniser et embaucher. Grâce à cet article, chacun des deux devient la solution de l'autre, d'autant qu'il ne manque souvent aux PME qu'un petit coup de pouce financier pour transformer leurs projets en réalité. Comme l'a dit Hervé Novelli (exclamations amusées à droite) : mieux vaut payer l'entrepreneur, plutôt que le percepteur.

Voix sur les bancs CRC. - Belle mentalité !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Parlez-en avec vos électeurs ! Prenons l'exemple d'un architecte qui effectue une souscription de 40 000 euros au capital d'une usine de biomatériaux. Il bénéficiera d'un avantage fiscal de 30 000 euros. Une telle somme suffit, dans bien des cas, à débloquer la situation d'une PME, en lui permettant d'effectuer les investissements dont elle a besoin. D'autre part, notre architecte est obligé de prendre un risque personnel de 10 000 euros, ce qui devrait renforcer son intérêt pour l'usine. Développer ainsi des liens directs entre l'entreprise et le citoyen, cela répond à une logique que les Anglo-Saxons appellent love money...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Tout est dit, alors !

Mme Christine Lagarde, ministre. - ...expression que je traduirais par « argent de proximité »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nous préférons le modèle français !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mais il est mort !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Bien sûr, la love money ne remplace pas l'amour du bien public. C'est pourquoi nous avons également prévu de plafonner les dons à 50 000 euros et qu'ils puissent également être faits à des fondations reconnues d'utilité publique ou à des entreprises d'insertion. Le coût de cette mesure est estimé à 410 millions.

J'ai essayé de vous présenter cette loi de la façon la plus concrète possible, pour vous montrer quel impact elle aura au quotidien sur la vie de nos concitoyens. Notre objectif est, vous l'avez compris, de restaurer la valeur travail.

(Une voix sur les bancs socialistes : « Et les déficits ? »)

Si je demandais à tous ceux que j'ai évoqués de former un cercle autour de nous, nous aurions un jeune étudiant qui donne des cours particuliers, un couple modeste qui veut s'acheter une maison, un salarié dans une PME cherchant à gagner un ou deux mois de salaires en plus, un créateur de start-up, un médecin pestant contre les impôts, une mère célibataire qui fait face à de grandes difficultés et qui veut s'en sortir, un jeune ingénieur, un frère et une soeur héritant d'un appartement dans une ville de province, et un architecte convaincu de l'avenir des biomatériaux.

M. Michel Charasse. - Et Sarkozy, aussi : il est partout ! (On s'amuse)

Mme Christine Lagarde, ministre. - Quel meilleur échantillon de la population française ? C'est à tous ceux-là que s'adresse notre loi. (Applaudissements à droite) L'ensemble de ce dispositif devrait coûter à l'Etat entre 10 et 11 milliards en 2008, et 13,8 milliards en régime de croisière. Je ne puis être plus précise car tous ces chiffres reposent sur des estimations.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est sûr, il n'y a pas de garanties !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Comme l'a dit Eric Woerth hier, nous allons, pour le financer, maîtriser la progression des dépenses publiques. La division par deux de leur rythme d'évolution devrait permettre de dégager 10 milliards d'économies dès 2008. En outre, nous espérons une augmentation des recettes fiscales grâce au choc de confiance. Pour 2008, j'espère 0,25 point de plus et je me plais à rêver à un demi point supplémentaire.

Ce projet de loi joue à la fois sur l'offre et sur la demande. Il est en effet tout à fait dépassé de privilégier l'une au détriment de l'autre. En 2007, on ne peut être keynésien ou friedmanien et il n'y a pas de fatalité à utiliser l'une ou l'autre de ces deux théories économiques. Leur panachage peut se révéler efficace.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Soyons lagardiens ! C'est-à-dire pragmatiques !

Mme Christine Lagarde, ministre. - L'investissement que la France fait aujourd'hui, vous ne le regretterez pas.

Mme Christine Lagarde, ministre. - En agissant sur la demande par le biais des heures supplémentaires, nous favoriserons la croissance, mais nous gagnerons aussi en compétitivité avec les abattements de cotisations patronales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Excellente initiative !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Confiance, croissance et emploi, tel est le credo de cette loi. Je l'ai entendue ici ou là qualifiée de « paquet fiscal ». Compte tenu de la répartition du coût des mesures proposées, 93 % d'un côté et 7% de l'autre, il ne s'agit pas d'un paquet cadeau pour les riches...

M. Guy Fischer. - J'en doute !

Mme Christine Lagarde, ministre. - ...ni d'un paquet piégé qui nuirait à la croissance, ni d'un paquet surprise dont on ne contrôlerait pas les conséquences, mais plutôt d'une boîte à outils dans laquelle celles et ceux de nos concitoyens qui veulent travailler pourront trouver le revenu qu'ils cherchent.

Ce texte combine l'ambition de la réforme et l'exigence de la rigueur. Je vous propose, avec optimisme et foi, de monter dans le train de la confiance et de la croissance. Je compte sur la richesse de nos débats pour améliorer le projet de loi du gouvernement. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. - (Applaudissements à droite) Le sujet que je vais aborder, celui des minima sociaux et du retour à l'emploi, est familier à la Haute assemblée. Vous vous êtes à plusieurs reprises penchés sur ces questions, au travers de contributions essentielles, du rapport de M. Marini en 2002 à celui de M. Dassault sur les contrats aidés, en passant par ceux de M. Seillier, de MM. Mercier et de Raincourt ou celui de Mme Létard. Nous espérons que notre démarche d'aujourd'hui permettra de remédier aux dysfonctionnements que tous, parlementaires mais aussi responsables d'exécutifs locaux comme MM. Cazeau ou de Broissia, ont constatés. Ces travaux ont de nombreuses vertus ; ils ont permis d'en finir avec certains clichés, de sortir des sentiers battus grâce à une vision sociale et pragmatique de l'insertion. Et ils ont pour beaucoup, conformément à la tradition du Sénat, dépassé les clivages partisans.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - J'en dégage plusieurs lignes directrices qui sont aussi les nôtres. Les premières d'entre elles, la simplification et la lisibilité sous-tendent le revenu de solidarité active (RSA) ; mais on sait qu'il est difficile de passer d'un système complexe à un autre plus simple, qu'il est facile de simplifier sur le papier, plus ardu de le faire sur le terrain sans créer d'autres injustices et effets pervers, sans léser certains, sans laisser filer la dépense. C'est pourquoi nous procéderons concrètement et par étapes, pour ne pas oublier telle ou telle situation spécifique ; le système que nous entendons bâtir se construira de manière à ce que les mécanismes que nous mettons en place puissent être revus au fur et à mesure. Ce qui se conçoit bien pour les personnes en difficulté doit s'énoncer clairement dans les textes et les procédures ; les moyens viendront ainsi plus aisément.

Il importe ensuite de bien articuler les politiques décentralisées et la solidarité de la Nation. L'État doit rester le garant de celle-ci, mais les initiatives locales doivent avoir toute leur place. C'est pourquoi, afin de dépasser le déséquilibre actuel et de réduire l'enchevêtrement des compétences, nous avons choisi d'inscrire notre dispositif dans le cadre tracé par le gouvernement Raffarin et de permettre aux collectivités territoriales d'expérimenter à l'échelle de leur territoire des modifications de la loi générale, de façon transitoire et évaluée, de telle sorte que celles-ci puissent être généralisées si elles ont fait leurs preuves.

M. Guy Fischer. - De nouvelles inégalités !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - L'État doit pouvoir, de la même manière, expérimenter sur une partie du territoire national avant toute généralisation ; garant de la solidarité, il n'a pas à définir dans le moindre détail les règles qu'il impose aux autres acteurs, mais doit leur proposer un cadre clair. Les présidents de conseils généraux savent ce qu'ils ont réussi comme les obstacles qu'ils ont rencontrés. Les collectivités locales sont aujourd'hui des acteurs clé de la solidarité ; co-conceptrices de la réforme sur le fondement de leurs programmes expérimentaux, elles seront étroitement associées aux étapes suivantes, et in fine à la généralisation.

La troisième ligne directrice, c'est la réciprocité des droits et des devoirs, à condition qu'elle ne pèse pas sur les plus faibles, qu'elle ne soit pas déséquilibrée, qu'elle engage tout le monde, État, employeurs, collectivités locales, services publics, personnes en difficulté. Cette réciprocité est le fondement de la vie en société, celui de la cohésion sociale et économique. Mes années de militantisme au sein d'une association qui m'est à jamais chère m'ont appris le mot « estime » ; quelle plus belle marque d'estime envers les personnes dévalorisées dans notre société que de faire preuve de solidarité à leur égard tout en ayant des exigences adaptées à leurs capacités ! Et de hausser le niveau des premières quand les secondes elles-mêmes s'élèvent ! (Applaudissements à droite)

Nous sommes allés avec le Premier ministre à Argenteuil au début de cette semaine pour parler avec des personnes dont beaucoup percevaient le RMI ou l'allocation de parent isolé (API). La qualité de nos échanges n'étonnera que ceux qui n'ont jamais pris le temps, le plaisir même, de débattre avec ceux qu'on ne traite jamais en interlocuteurs valables.

M. Aymeri de Montesquiou. - C'est vrai !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Ils connaissent mieux que n'importe qui les défauts du système, les difficultés qu'ils rencontrent, leurs attentes, leurs besoins, les améliorations à apporter. Le gouvernement sera favorable à l'amendement qui les associe à la conduite des expérimentations.

Les échanges que nous avons eus illustrent la nécessité des dispositions qui vous sont soumises aujourd'hui. Nous avons rencontré une personne qui, employée dans l'hôtellerie, avait dû cesser son travail à la naissance de son premier enfant ; percevant l'API, elle avait souhaité reprendre un emploi compatible avec la charge de son enfant ; mais tous les emplois qu'on lui proposait débouchaient sur une perte de revenus. Si nous ne faisons rien, elle basculera inévitablement vers le RMI. Cela n'arrivera plus si vous votez le texte que nous vous proposons !

On avait proposé à une autre un contrat d'avenir : elle n'y gagnait pas un centime de plus ! Et il y a pire : de nombreuses personnes qui reprennent un emploi en contrat d'avenir, sans gagner plus qu'avant, se voient réclamer des centaines d'euros au titre des indus ; elles n'ont pas triché, mais elles ont perçu de bonne foi, pendant quelques mois, des aides auxquelles elles n'avaient plus droit du fait de leur reprise d'activité.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est absurde !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Veut-on qu'elles renoncent à travailler ? Si vous votez le texte, cela n'arrivera plus ! L'expérimentation permettra de vérifier si la proportion de ceux qui abandonnent un emploi dans ces circonstances diminue.

M. Ladislas Poniatowski. - Nous avons tous intérêt à ce que cela réussisse !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Troisième exemple, cette fois dans le secteur de l'aide à la personne : une femme, ayant perdu certains de ses employeurs, voit son nombre d'heures baisser et ses revenus passer en deçà du RMI. Les revenus du travail étant déduits du RMI, elle ne gagne donc pas un centime de plus que si elle ne travaillait pas du tout ! Si vous votez ce texte, son travail ne sera plus du travail gratuit.

M. Guy Fischer. - Combien va-t-elle toucher ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Chaque fois que les revenus augmentent de cent, nous garantissons que les ressources augmenteront de soixante. Aujourd'hui, elles peuvent diminuer de vingt !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absurde !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Les meilleurs avocats du RSA, ce sont les personnes directement concernées, celles qui chaque mois calculent leur « reste à vivre ».

M. Guy Fischer. - Voilà ! Pas besoin de calculette !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Comme l'a dit le Premier ministre, ce ne sont pas ces gens qu'il faut stigmatiser, c'est le système ! (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Vous en êtes responsables !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - On nous a reproché d'être trop timorés, de ne pas aller assez loin ni assez vite. C'est tout le contraire : le RSA est créé dès la session extraordinaire, dans l'un des tout premiers textes de la mandature ! Si ça marche, nous irons plus loin. Nous irons jusqu'au bout !

M. Guy Fischer. - Jusqu'au plein emploi ! (Mme Borvo Cohen-Seat s'esclaffe).

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - J'assume cette modestie.

M. Guy Fischer. - 25 millions !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Nous réformons un système d'une redoutable complexité. L'implication des acteurs, élus, travailleurs sociaux, entreprises et services publics, est décisive. Mieux vaut commencer par des programmes limités que des chambardements. Mais cette modestie va de pair avec une grande ambition : rendre les dépenses sociales réellement efficaces, le travail plus rémunérateur et plus accessible.

Nous oeuvrons sur deux fronts : d'abord les expérimentations, qui seront encouragées, accompagnées, évaluées. Les conseils généraux seront maîtres d'oeuvre pour le RMI, l'État pour l'API, mais cofinancera les actions et contribuera à leur évaluation, dans un esprit partenarial. Les programmes seront ajustés aux priorités locales -zones rurales, travaux saisonniers, problèmes de mobilité, etc- mais les enseignements seront mutualisés. Dès l'automne, nous pourrons constater les progrès ou les obstacles et corriger aussitôt le tir.

Deuxième front : dessiner l'architecture d'une réforme d'ensemble. Les travailleurs pauvres ne sont pas directement concernés par les expérimentations : dès septembre, nous entamerons des discussions sur les bas salaires (M. Vasselle, rapporteur pour avis, approuve). Il faut aussi réfléchir à l'articulation avec l'ensemble des minima sociaux : doivent-ils être intégrés ou non au RSA ? Les droits connexes ne doivent plus être fonction du statut mais du revenu (M. Vasselle, rapporteur pour avis, approuve) : cela relève-t-il des collectivités locales ou faut-il légiférer ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Non.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Il faut réfléchir à l'articulation avec les aides au logement et la CMU, qui sont à l'origine d'effets de seuil, lever les divers obstacles à l'emploi -surendettement, garde d'enfants, transport, etc.- faire le lien avec la réforme des contrats aidés expérimentés dans certains départements, répartir les compétences entre État et départements : ceux-ci souhaitent-ils porter le RSA ?

Ces chantiers doivent être coordonnés. Nous reviendrons devant vous tout au long de cette phase préparatoire.

Notre pays a les moyens de réduire la pauvreté et l'exclusion, de donner une place digne et utile à chacun. Un modèle social ne se mesure pas à l'aune des milliards dépensés mais à celle du taux de pauvreté. Ce taux, nous allons le réduire : même les ordinateurs de Bercy montrent que c'est possible !

J'ai connu l'époque où les associations étaient regardées de haut : c'est gentil, nous disait-on, mais vous n'influencerez jamais les politiques publiques ! J'ai connu ensuite l'époque des rapports condamnés à prendre la poussière sur une étagère...

Mme Raymonde Le Texier. - Ce n'est plus le cas ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - ..., puis celle du simple articulet permettant une expérimentation, avant d'être balayé... J'espère que nous connaîtrons bientôt l'époque où vous direz : les expérimentations marchent, généralisons-les ! Vous constaterez qu'à force de ténacité, d'opiniâtreté, ces idées -parce qu'elles sont justes et répondent à des situations concrètes- seront mises en oeuvre. Notre pays cessera de compter plus de travailleurs pauvres et de chômeurs que la moyenne européenne. C'est pour ça que nous sommes là ! (« Bravo » et applaudissements à droite et au centre ; plusieurs sénatrices socialistes applaudissent aussi)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. - Voici le troisième temps de la trilogie budgétaire de l'été. D'abord la loi de règlement, socle pour le nouveau mandat ; puis le débat d'orientation budgétaire, traçant les perspectives pluriannuelles qui balisent le retour à l'équilibre des comptes publics ; enfin, ce projet de loi, qui met en oeuvre les engagements du Président de la République en matière de politique fiscale.

Oui, ce projet de loi est une transcription fidèle des engagements pris devant les Français. Oui, chers collègues de la majorité, nous avons gagné les élections. Oui, chers collègues de l'opposition, vous avez perdu les élections. (Sourires et exclamations à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Jusque là, ça va !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Nul ne peut être surpris que l'on réalise ce que l'on a promis !

M. Roland Ries. - Pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant ?

M. François Marc. - Vous n'y croyez pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La majorité a été reconduite...

Mme Bariza Khiari. - La roue tournera...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pourquoi cette mauvaise humeur ? Souhaitez-vous m'interrompre ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - On le sait que vous avez gagné, abrégez !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Les trois rubriques essentielles de ce texte sont de revaloriser le travail...

M. Bernard Vera. - Le capital !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... de favoriser la constitution et la fluidité du patrimoine...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Du capital !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... -volet patrimonial que nous voulions et que nous revendiquons- et d'améliorer l'image de l'entreprise dans l'opinion publique. Il est important de bien comprendre qu'il n'est de richesse que d'hommes ... et que d'entreprises...

Mme Nicole Bricq. - Ce n'est pas dans le texte !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La compétitivité et l'attractivité d'une économie dépendent de la quantité de travail à l'oeuvre, de la qualité de l'initiative et de l'ambition de ceux qui font vivre les entreprises et l'économie de marché. Dans le monde d'aujourd'hui, il n'est d'autre économie que l'économie de marché, n'en déplaise à ceux qui ont la nostalgie du monde mort en 1989 avec la chute du mur de Berlin et des économies administrées, malgré leur dramatique échec.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Propagande !

M. André Dulait. - Vous êtes orfèvre...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Inviter les Français à travailler plus...

Mme Annie David. - Et à travailler tous ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous aurez l'occasion de présenter vos arguments, laissez-moi présenter les miens suivant les règles du débat démocratique.

M. Éric Doligé. - Ils ne savent pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - A la défiscalisation et à l'exonération de charges des heures supplémentaires, répond le revenu de solidarité active : il s'agit de revaloriser le travail. Je ne suis pas orfèvre en matière de droit du travail comme l'est l'excellent rapporteur de la commission des affaires sociales mais je constate que dans la principale entreprise de l'agglomération de Compiègne, des négociations ont été ouvertes avec les 1 200 salariés : la semaine de travail des agents postés passerait à quarante heures, leurs rémunérations seraient améliorées et 115 intérimaires seraient recrutés. Et cela dans un site dont la maison mère, à capitaux allemands, envisageait la fermeture parce que la situation sociale était bloquée. Et cela grâce à l'examen de ce projet et avec l'assentiment de vos amis de la CGT.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - A qui parle-t-il ?

M. Robert Bret. - Attendez donc le rendez-vous du 31 juillet !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La France montre ainsi qu'elle sait assouplir intelligemment la règle du jeu et en appelle à la négociation pour qu'on recherche avec bonne foi le bien commun au sein de l'entreprise. Si elle rencontre le succès que j'espère, cette mesure aggravera le coût des exonérations mais elle créera du travail supplémentaire, partant élargira l'assiette fiscale et sociale.

Voilà des années que nous réfléchissions à la difficile transition entre non-travail et travail, entre assistanat et retour à l'emploi. Je suis d'autant plus sensible à la démarche de M. Hirsch qu'avec M. Lambert, nous avions défendu en 2000, dans la même logique, une proposition de loi sur le RMA.

M. Pierre Laffitte. - Absolument.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Voces clamantes in deserto... Le gouvernement nous rejoint enfin sur cette ambition sociale. J'approuve votre démarche prudente et le choix d'une expérimentation mais je vois mal la prime pour l'emploi coexister avec un RMA pérenne et généralisé.

La majorité de la commission des finances est favorable à inciter les Français à acquérir leur résidence principale. C'est une nécessité sociale et un facteur de cohésion de la société. Les élus locaux savent bien que les propriétaires, parce qu'ils sont attachés à leur ville et à leur quartier, sont des citoyens actifs sur lesquels on peut compter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Faut-il chasser les autres ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le rapport publié en 2002 par notre commission sur les mutations et les successions a montré le caractère absurde d'un barème archaïque. Ministre d'Etat, ministre de l'économie des finances, M. Sarkozy avait commencé à y remédier mais dans les conditions de l'époque, il n'a pu apporter qu'une réponse limitée. Votre texte a une portée beaucoup plus large. J'en veux pour preuve l'exonération totale du conjoint survivant. Franchement, n'est-ce pas une proposition sociale que d'éviter le cumul de la douleur et d'une taxation ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - La double peine...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Prenez-nous par les sentiments.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pouvez-vous nier que nous allons réaliser un progrès social ? La commission proposera sur cet article quelques amendements de portée limitée.

Plusieurs de nos propositions relatives à l'imposition du patrimoine se retrouvent dans le projet, qu'il s'agisse de l'intégration de la CSG et de la CRDS dans le calcul du bouclier fiscal, du relèvement de 20 à 30 % de la déduction pour résidence principale, ou encore du l'impôt choisi. Nous sommes heureux de les voir ainsi en perspective et saluons l'affirmation d'un principe clair : pas de taxation cumulée au-delà de 50 % du revenu imposable.

C'est un principe qui devrait avoir une portée encore plus générale. La mise en oeuvre de projets d'entreprise se justifie aussi du point de vue de l'attractivité du territoire, de la compétitivité de la France. Trop de patrimoines se sont expatriés. Ce texte devrait interrompre l'hémorragie, sinon même susciter le retour de ceux qui comprendront que l'entreprise est désormais respectée en France, avec le dynamisme et l'esprit d'initiative.

La commission des finances est attachée à l'existence d'un lien direct entre les redevables de l'ISF et les entreprises dans lesquelles on les encourage à investir. Il ne s'agirait pas que ces 50 000 euros se traduisent par de nouveaux produits financiers qui mutualiseraient les risques et que les banques proposeraient ordinairement à leur clientèle. Nous voulons encourager les cercles d'investisseurs qui établiraient des relations directes entre les contributeurs à l'ISF et les responsables de projets d'entreprise. C'est aussi une affaire de cohésion sociale : au lieu de raisonner en termes de lutte des classes, conjuguer les complémentarités. Bénéficier d'un patrimoine important, cela crée des devoirs, qui doivent se manifester par l'impôt, bien sûr, mais aussi par des actions d'intérêt général comme la réussite de projets d'entreprise.

La commission n'a pas adopté d'amendement sur les dispositions relatives à l'image des entreprises, concernant les parachutes dorés et la taxation des gains d'acquisition liés à l'exercice d'options sur titres même en cas de donation.

Nous aurons dans les prochains mois d'autres occasions de traiter de nouveau ces questions d'attractivité et de compétitivité de la France ; nous voulons contribuer à votre réflexion en imaginant une réponse fiscale propre à attirer des universitaires ou des entrepreneurs de grand talent. Pour ce faire nous nous inspirons d'un dispositif qui a fait ses preuves en Grande-Bretagne. Il n'y a pas de raison de ne pas aller chercher là où elles marchent les solutions à des problèmes que nous connaissons comme nos voisins.

Nous aurons de grands débats sur les prélèvements obligatoires, et participerons peut-être à des évolutions décisives. Un système fiscal est le reflet d'une société et de ses valeurs.

Vous avez eu, Madame la Ministre, de belles citations. Permettez-moi de conclure avec ces mots de Vauban, à la fin de son Projet d'une dîme royale :

« Comme toutes les conditions de ce monde sont mêlées de gens de bien et d'autres qui ne le sont pas, il est aisé de concevoir que ce ne sont pas les premiers que ce livre attaque, mais bien ceux qui, sous de fausses apparences, n'affectionnent rien tant que leurs intérêts, sans se beaucoup soucier de celui du public, pour lequel ils ne voudraient pas faire un pas qui pût leur porter le moindre préjudice, quand même ils sauraient à n'en pouvoir douter que cela pourrait produire un très grand bien à l'État. » (Applaudissements à droite et au centre).

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales Tant dans son volet financier que dans ses dispositions sociales, ce projet de loi trouve largement son inspiration dans les travaux du Sénat. Le gouvernement n'aurait pu mieux faire pour rendre hommage au rôle éminent de l'institution sénatoriale et pour en faire sentir le caractère incontournable.

Ces dispositions, qui s'inscrivent dans le droit fil des engagements du Président de la République, doivent réhabiliter le travail, en desserrant les contraintes qui pèsent sur notre économie en raison de la législation sur les trente-cinq heures et en encourageant le retour à l'emploi des titulaires de minima sociaux. Ce projet de loi rompt avec la logique de partage du travail qui a longtemps servi de fil directeur à notre politique de l'emploi, avec les résultats que l'on sait. Il se justifie par une analyse économique simple : un plus grand nombre d'heures travaillées signifie plus de créations de richesses, donc davantage de consommation, d'investissements et, finalement, d'emplois. Autrement dit, le travail crée le travail.

Ce texte favorise le développement des heures supplémentaires en réduisant leur coût pour l'employeur et en les rendant plus rémunératrices pour les salariés. Il propose donc un dispositif équilibré, sur une base « gagnant-gagnant ». D'un côté, une déduction forfaitaire de cotisations patronales, majorée pour les plus petites entreprises pour compenser le tarif plus élevé des heures supplémentaires qui s'appliquera désormais. De l'autre, un surcroît de salaire pour les employés grâce â l'exonération d'impôt sur le revenu et de cotisations et contributions salariales sur ces heures, et grâce au tarif majoré de 25 % de l'heure supplémentaire pour tous. Des garde-fous éviteront un recours abusif au dispositif.

Nous attendons de ce dispositif un effet sensible. Un salarié payé 1,2 smic pour 35 heures percevra un revenu net en hausse de 4,5 % s'il fait une heure supplémentaire par semaine et de 17,8 % pour quatre heures. Pour les entreprises, l'impact sur le coût du travail sera d'autant plus net que l'employeur pourra combiner la réduction forfaitaire avec l'allégement Fillon. Ma seule réserve concerne peut-être, mais l'effet négatif ne sera que transitoire, les entreprises employant au plus vingt salariés lorsqu'ils sont rémunérés au-delà de 1,45 Smic, en raison de la revalorisation anticipée du taux de majoration applicable dans ces entreprises.

Ce dispositif aura un coût élevé : 6 milliards d'euros en année pleine, soit la moitié de la dépense publique résultant de ce projet de loi, et dont l'essentiel constitue un manque à gagner pour la sécurité sociale.

Encore s'agit-il d'un minimum calculé sur la base des heures supplémentaires aujourd'hui effectuées dans le privé, qui devraient -c'est l'objectif du dispositif- aller croissant. Le gouvernement a indiqué que l'Etat compenserait les exonérations de cotisations sociales. Espérons qu'il s'y emploie dans des délais rapides pour ne pas aggraver la situation financière de la sécurité sociale. En raison de l'insuffisance du panier de recettes fiscales censé compenser les allègements en vigueur, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale atteindra bientôt son plafond de découvert autorisé. M. Woerth, ministre du budget, s'est engagé hier à rembourser la dette de 5,1 milliards que l'Etat doit à la sécurité sociale, ce dont notre commission se réjouit, mais le problème reste entier pour 2008. Madame la ministre, pouvez-vous confirmer que les exonérations de charge seront compensées à l'euro près ?

J'en viens au RSA. Sept millions de personnes sont concernées en France, dont deux millions d'enfants et plus de trois millions et demi de bénéficiaires d'un minimum social : il y avait urgence à agir. Nous souscrivons pleinement à l'objectif que le gouvernement s'est fixé, celui de faire reculer de 30 % le niveau de pauvreté en France en cinq ans, et à la méthode de l'expérimentation, que nous avions d'ailleurs préconisée dans le cadre du groupe de travail sur les minima sociaux présidé par Mme Létard et dont j'avais l'honneur d'être le premier vice-président.

Des dispositifs innovants d'insertion pour les Rmistes sont déjà expérimentés : le contrat unique d'insertion dans la Côte d'Or et le RSA « en avant-première » dans l'Eure. Le président du conseil général de l'Eure, que nous avons auditionné, nous a convaincus de la pertinence de ce dispositif très pragmatique.

M. Ladislas Poniatowski. - Plus exactement, le RSA est expérimenté à Louviers !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - Le système du RSA, que la commission des affaires sociales et la Haute assemblée avait d'ailleurs déjà adopté, a montré ses vertus dans les pays voisins bien qu'il soit coûteux et ses résultats aléatoires. En effet, sa réussite dépend de la situation du marché du travail : sans offre d'emplois, on ne peut mettre en oeuvre le RSA.

En outre, plusieurs conditions doivent être réunies pour que le dispositif soit un succès. Tout d'abord, Etat et acteurs locaux devront accompagner les allocataires de minima sociaux. Notre commission y tient tout particulièrement car un supplément de revenu, le RSA, ne garantit en rien un retour à l'emploi pérenne, contrairement à la formation professionnelle dont tous les allocataires, notamment ceux de l'API...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ou ceux de l'ASS !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - ...ne peuvent bénéficier à moins qu'ils aient la chance d'habiter une région ou un département où cela est prévu.

Ensuite, le gouvernement doit « prendre le temps de l'expérimentation ». Il a annoncé que le dispositif sera généralisé dès 2008, soit deux ans avant l'échéance prévue dans le texte. Quelles sont ses intentions ?

Par ailleurs, le gouvernement, par la voix du Haut commissaire Hirsch, a annoncé que l'Etat prendrait en charge 50 % du coût estimé de l'expérimentation, soit 25millions par an. Le texte n'offre aucune garantie à ce sujet, ce dont s'inquiète l'Assemblée des départements de France. L'article 40, que la commission des finances invoque...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Lorsque cela est justifié !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - ...nous interdit de clarifier ce point par voie d'amendement. J'en appelle donc au gouvernement...

Enfin, les effets pervers ou les effets d'aubaine devront être contrôlés. Le texte laisse aux départements le soin de fixer le niveau du revenu garanti, qui servira à déterminer le RSA, et de définir les modalités de calcul de la prestation. L'Agence nouvelle des solidarités actives recommande de prendre en compte les droits connexes -la tarification sociale téléphonique ou d'électricité, l'exonération de taxe d'habitation ou de redevance audiovisuelle, la prise en charge des tarifs de cantine ou de transports par les collectivités- lesquels peuvent paradoxalement inciter à l'inactivité professionnelle. L'Eure a d'ailleurs retenu cette formule, ce qui l'a conduit à recenser les droits connexes en vigueur dans le département : on en dénombre pas moins de cinquante-et-un ! S'il est bon que les modalités du RSA varient d'un département à l'autre -c'est tout l'intérêt de l'expérimentation-, il serait bon que les droits connexes soient intégrés dans le calcul. Ce serait une mesure d'équité entre travailleurs pauvres non éligibles au RSA expérimental et bénéficiaires du RSA. Prenons l'exemple d'une caissière de supermarché employée à mi-temps.

M. Guy Fischer. - Vingt-neuf heures tout de même !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - Acceptera-t-elle que ses revenus soient inférieurs à ceux de sa voisine qui, occupant un emploi à quart-temps, est éligible au RSA ? (Mme Raymonde Le Texier approuve.) Bref, l'initiative qu'a prise l'Assemblée nationale de prévoir un rapport sur la question est intéressante.

Le RSA peut sembler un dispositif modeste qui laisse de côté travailleurs pauvres et bénéficiaires de certains minima sociaux, notamment l'AAH. Pour autant, ce premier pas prépare les esprits à une réforme d'ensemble de notre système de solidarité nationale. Nous y souscrivons pleinement, d'autant que les départements volontaires auront un rôle décisif à jouer. Par parenthèse, l'expérience doit être menée en conditions réelles dans les vingt-cinq départements, en prenant en compte la diversité la plus large des publics concernés, et non en mettant toutes les chances de son côté comme l'a fait le président du Conseil général de l'Eure en sélectionnant deux mille Rmistes sur huit mille, parmi ceux qui pouvaient espérer retrouver rapidement du travail, et un bassin d'emploi porteur. Il faut retenir des publics et des milieux divers -des territoires pauvres ou encore ruraux-, sinon cela faussera les résultats et, monsieur le haut commissaire, au lieu de créer l'espoir, nous susciterions la déception. L'amendement adopté à l'Assemblée nationale devrait éviter qu'une telle situation ne se produise.

Pour conclure, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à ce texte, sous réserve des amendements qu'elle présentera. Je remercie la commission des finances d'avoir accepté que nous mettions la main à la pâte en reconnaissant notre expertise en matière de droit du travail et de protection sociale ! (Applaudissements à droite et au centre).

M. Jean Arthuis. - Très bien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - C'est un texte admirable que vous nous proposez, Madame la ministre, parce qu'il agit sur l'ISF en même temps qu'il lutte contre la pauvreté, conformément aux engagements électoraux du Président de la République. Dans quelques temps, vous aurez la tâche délicate, mais exaltante, de nous présenter le projet de loi de finances pour 2008 et je ne doute pas que vous trouverez l'équilibre entre ces mesures, qui doivent créer le choc de la confiance, de la croissance ainsi sans doute que quelques plus-values fiscales, et les nécessités budgétaires. Mais je persiste à penser que quelques unes de ces mesures sont peut-être coûteuses par rapport à ce qu'on peut en attendre, notamment celles qui relèvent d'une politique de la demande, lesquelles, dans une économie mondialisée, peuvent créer davantage d'emplois hors de France que chez nous. Je leur préfère de beaucoup les mesures d'offres et c'est pourquoi j'apprécie celles qui ont trait aux heures supplémentaires, même si on aurait pu aller jusqu'à une rupture plus radicale avec le malthusianisme....

J'approuve également les mesures de soutien aux PME. Mais nous ne règlerons pas tout par la loi et les « gens de bien » détenteurs d'une fortune doivent avoir des exigences éthiques. Je ne suis donc pas sûr qu'avec l'article 7 le législateur ne se donne pas bonne conscience à bon compte...

M. Robert Bret. - Le gouvernement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - ...parce que, dans un contexte mondialisé, je doute que des dispositions franco-françaises soient d'un réel effet. Donc, ne nous payons pas de mots. Peut-être pouvez-vous inviter le Medef et les organisations professionnelles et patronales à insister sur les règles de bonne conduite. Il ne suffit plus de multiplier les rapports ; les autorités patronales doivent de temps en temps sortir le carton jaune, voire le carton rouge.

Il faut absolument développer les PME, potentiel de croissance et d'emploi. C'est donc une belle et bonne mesure que d'encourager les redevables de l'ISF à s'en libérer en investissant dans ces PME. Mais, de grâce, ne tombons pas dans une financiarisation anonyme qui romprait l'affectio societatis. Ce devra être l'occasion d'établir un lien direct entre souscripteurs et petites entreprises et, peut-être, de populariser davantage l'esprit d'entreprise. Nous serons assez exigeants car nous ne voulons pas manquer ce rendez-vous.

J'ai bien conscience qu'on crée ainsi une niche fiscale de plus. C'est parce que les barèmes de l'impôt français ont toujours été élevés que les gouvernements successifs, pour se faire pardonner, ont multiplié les niches. Avec le bouclier fiscal que vous proposez -qui existe chez nos voisins et est même constitutionnel en Allemagne-, on met un terme à une spoliation en ramenant le curseur à un niveau supportable mais on ne touche pas à ces niches ! Avez-vous l'intention de le faire, Madame la ministre ? Cela nous permettrait de voter ce bouclier avec un confort de conscience supplémentaire.

M. Michel Charasse. - Comme c'est bien dit !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous devons examiner 260 amendements dont 50 sur l'article premier et 40 sur l'article 6. Sur ces deux articles, la commission des finances, à l'unanimité, propose qu'on appelle en priorité les amendements de suppression, puis les amendements de rédaction globale et, enfin, les amendements spécifiques. (Assentiment) (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Nicole Bricq. - (Applaudissements sur les bancs socialistes)- Je vous rassure, Monsieur le rapporteur général, vous avez bien gagné les élections, et nous les avons perdues. Et à voir les textes que nous proposez, nous mesurons que c'était les élections à ne pas perdre.

Avec ce texte, indûment appelé projet de loi « en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat », nous soldons la séquence électorale ; nous ne sommes plus tout à fait dans le slogan, mais nous sommes encore dans la promesse. Il nous faudra attendre quelques mois pour entrer dans la dure réalité des faits et des chiffres. Mais après le débat d'hier, le voile se lève déjà, nous voyons bien, malheureusement, où nous allons et j'invite chacun à lire attentivement le rapport de M. Marini pour mesurer l'étendue des dégâts. Je n'aurai pas la cruauté de rappeler la continuité des dénonciations -tant du rapporteur général, que du président et des rapporteurs de notre commission- des mesures fiscales prises hors loi de finances, mesures qui relèvent -l'auteur se reconnaîtra- d' «une très mauvaise manière de légiférer ».

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ici, c'est une quasi-loi de finances ...

Mme Nicole Bricq. - Vous avez toujours dénoncé les niches, mais les mauvaises habitudes demeurent... Nous comprenons pourquoi. La facture sera lourde, elle se répercutera sur la grande majorité des Français et profitera à un petit nombre, qui n'en avait pas besoin, sans pour autant relever notre économie.

Le Président de la République a choisi, avec habileté et ambiguïté, la rupture. Avec habileté, parce que cela lui a réussi. Avec ambiguïté, parce qu'on ne sait pas bien avec qui ou avec quoi elle s'opère : avec l'ancienne majorité, dont vous étiez pourtant partie prenante ? Ou bien avec ce qui, depuis le Conseil national de la résistance, lie les Français entre eux ? Avec les deux sans doute. Il faut considérer ce texte comme les funestes prémices du quinquennat. On y trouve tout ce que la précédente majorité n'avait pas osé faire, mais qu'elle avait cependant commencé à faire : s'attaquer au temps de travail légal, accroître les privilèges de ceux qui en ont déjà beaucoup, contourner le « tabou » de l'ISF, encourager les hauts patrimoines avec la baisse des droits de succession et le bouclier fiscal, favoriser ce qu'on appelle pudiquement l' « optimisation fiscale » en faveur de ceux qui sont déjà les mieux conseillés en la matière, tout cela sur fond d'explosion des inégalités patrimoniales et salariales .La combinaison des deux nous oriente vers une croissance des inégalités à l'anglo-saxonne, où l'inégalité se crée à la racine, avec les revenus primaires, et qu'elle n'est même plus corrigée par la redistribution. Il s'agit, selon l'expression de Jean-Paul Fitoussi, « d'arriver à l'égalité réelle dans l'espace de biens publics ».

C'est le débat de la France, il ne vous intéresse peut-être pas, il intéresse la gauche qui doit se reconstruire face à votre offensive.

M. Alain Gournac. - Il y a du travail !

Mme Nicole Bricq. - Tout cela pour faire revenir quelques expatriés ! Comptez sur nous pour vous en demander le détail dès l'année prochaine. Ce sera cher payé pour une catégorie qui, voulant le beurre et l'argent du beurre, hésite à bénéficier du bouclier fiscal par peur de la curiosité de l'administration !

Le rapporteur général lui-même n'est pas convaincu, puisqu'il écrit dans son rapport qu'il est « difficile de distinguer les créations d'emplois de l'augmentation des heures supplémentaires ».

Pour créer le choc de confiance que vous appelez de vos voeux, pour renouer avec la croissance, nous ne contestons pas au président élu et à la majorité qui le soutient de tenter un pari économique, c'est normal en politique. Encore faudrait-il prendre des mesures qui ne soient pas hasardeuses. Le terme même de pari me paraît inapproprié, car il renvoie à la notion de jeu.

À l'heure de l'interpénétration des économies, où la mobilité des capitaux, les fonds d'investissement, les fonds de pension étendent leur emprise sans aucune régulation...

Mme Christine Lagarde, ministre et M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - Oh !

Mme Nicole Bricq. - ... Le terme de guerre économique, même galvaudé, me paraît plus approprié, pour désigner cet affrontement entre les continents, les États, les entreprises, qui risque de laisser de côté des millions d'hommes et de femmes qui, à la différence des capitaux et des machines, ne peuvent se déplacer, ni à la même vitesse, ni sur la même superficie.

Dans le cadre de cette guerre économique, vos propositions ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Votre paquet fiscal contient des éléments de politique de l'offre et des éléments de politique de la demande. Mais ces éléments fiscaux hétéroclites ne font pas une politique économique d'ensemble.

M. François Marc. - Clientélisme !

Mme Nicole Bricq. - Au moment où tous les indicateurs sont au rouge, et où les Français tirent sur leur épargne...

M. Guy Fischer. - Eh oui !

Mme Nicole Bricq. - ... On aurait pu penser que vous vous préoccupiez sans tarder des mesures propres à restaurer la compétitivité de notre appareil productif. Il est déjà bien tard pour ce faire... Ainsi la dégradation de notre solde des échanges extérieurs nous a coûté trois points de croissance depuis 2003. Le diagnostic est connu et tient notamment à la mauvaise orientation de nos exportations. Or vous ne nous proposez aucune mesure pour contrecarrer cette tendance. On nous dit qu'elles vont venir : mais avec quelles marges de manoeuvre, quand vous affaiblissez les capacités d'intervention publiques avec des exonérations fiscales et sociales qui se chiffrent en année pleine entre 15 et plus de 20 milliards d'euros ? S'agit-il d'aller chercher ces fameux points de croissance comme le promettait encore le Président de la République avant les élections législatives ? Le rapporteur général chiffre à un demi-point de croissance le coût du choc fiscal que vous proposez ; je pense qu'il sera plus proche de 0,7 %, pour un gain de croissance hypothétique d'un demi-point. À l'évidence le compte n'est pas bon.

À qui s'adresse le choc de confiance ? Certainement pas aux salariés qui ne croient déjà plus à votre slogan « travailler plus pour gagner plus » ! Je vous conseille à ce sujet de lire la très intéressante enquête de l'Observatoire des acteurs du travail qui montre que le pouvoir d'achat reste une préoccupation majeure des salariés -du public comme du privé- mais qu'ils ne croient guère à une évolution positive pour l'avenir. (M. Fischer approuve)

Il n'est même pas sûr que vos mesures s'adressent à nos entreprises, car vous ne prenez pas en compte le problème de l'impôt sur les sociétés au sein de l'Union européenne. Ce n'est certainement pas le fléchage de l'ISF vers les PME qui résoudra les problèmes de croissance auxquels elles sont confrontées. Il s'agit beaucoup plus de mesures d'optimisation fiscale.

En réalité, la voie dans laquelle vous vous engagez est celle qu'ont suivie naguère Ronald Reagan et Mme Thatcher...

M. François Marc. - Exactement !

Plusieurs voix sur les bancs communistes. - C'est ringard !

Mme Nicole Bricq. - ... Et qui a coûté si cher aux Américains et aux Anglais ! (M. Novelli, secrétaire d'État, lève les yeux au ciel)

Mme Nicole Bricq. - S'agit-il d'opérer une pression telle qu'elle justifierait des coupes fortes des dépenses publiques et particulièrement, comme l'a laissé entendre hier le ministre des comptes, dans les dépenses d'intervention ? On comprend mieux pourquoi, lors du débat sur l'autonomie des universités, vous n'avez pas voulu vous engager sur un collectif budgétaire...

Que n'a-t-on entendu sur vos bancs sur la nécessité de s'engager fermement pour revenir en-deçà de 3 % de déficit et ramener la dette en dessous de 60 % du PIB ?

L'habile communication du Président de la République, lors de sa participation à l'Eurogroupe, ne peut faire oublier qu'à l'issue de la négociation la France s'est engagée par écrit à revenir à l'équilibre budgétaire d'ici à 2010 et qu'elle ne pourra plus se prévaloir de la clause permettant à un pays qui engage des réformes structurelles pour renforcer sa croissance de bénéficier de dérogations.

De notre côté de l'hémicycle, on comprend trop bien ce que cela signifie : non seulement vous privez la puissance publique de toute marge de manoeuvre, mais d'ici peu, quand il faudra remettre la feuille de route à Bruxelles, nous saurons que la facture se paiera par une augmentation des prélèvements sociaux, et que vous les rebaptisiez « franchise » ne changera rien à l'affaire !

Nous n'oublions pas la promesse du candidat de l'UMP au début de la campagne de baisser les prélèvements obligatoires de quatre points : cela représente quatre fois le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche ou une réduction de 50 % des dépenses de santé (M. Gournac proteste). Aucun pays n'a atteint cet objectif, même pas l'Angleterre de Mme Thatcher !

Nous pressentons que les coupes dans les budgets se traduiront par une baisse des services publics qui sont la seule richesse des pauvres. Vous les pénaliserez encore plus ! Restent les ventes d'actifs que vous avez débutées et celle que vous voulez pas encore avouer... Reste le relèvement de la TVA, avec lequel je serais d'accord, à condition que vous preniez exemple sur nos partenaires européens. Mais vous ne vous inspirez ni de l'Allemagne qui a su prendre les moyens de restaurer la compétitivité, ni du Danemark qui a su conserver un haut niveau de protection sociale, et où les chômeurs reçoivent quatre fois plus d'aide que dans notre pays. En France, moins de 10 % de chômeurs bénéficient d'une formation professionnelle, selon une étude du ministère du travail...

M Jean Arthuis président de la commission des finances. - Au-delà des clivages politiques, il faut que nous sachions briser des tabous. La mondialisation est là. Elle est incontournable et assez largement irréversible. Quel enseignement saurons-nous en tirer, sans aucun a priori ? Telle est la question. La réforme de la TVA si elle doit se faire, ne financera pas le déficit, car elle se fera à prélèvement constant. Donc débattons-en sereinement entre nous...

Mme Nicole Bricq. - Ce débat a déjà commencé !

M Jean Arthuis président de la commission des finances. - Je souhaite que sans attendre nous créions les conditions pour que ce débat ait véritablement lieu.

M. Michel Charasse. - Il ne faut pas rêver !

Mme Nicole Bricq. - Votre pari est d'abord idéologique. Vous pouvez promettre un rapport sur un impôt forfaitaire pour les plus hauts revenus, pour satisfaire votre mauvaise conscience, mais au fur et à mesure que le voile se lève sur vos projets législatifs, nous sommes fixés sur vos véritables intentions !

Dans ce contexte, Monsieur le Haut-commissaire, le revenu social d'activité relève plus d'une concession obligée que d'une franche volonté de réinsérer dans l'emploi ceux qui en sont le plus éloignés.

J'ai lu dans votre lettre de mission que vous a été confiée une réforme en profondeur de la prime pour l'emploi. Le rapporteur général en a dit un mot tout à l'heure. J'ai bien compris, en lisant l'ensemble des débats sur cette loi que la majorité et le rapporteur général posent le problème de la coexistence de deux tutelles sur la prime pour l'emploi dont on sait le montant...

M Jean Arthuis président de la commission des finances et M. Philippe Marini, rapporteur général. - 4,2 milliards !

Mme Nicole Bricq. - C'est en effet considérable ! Rappelons-nous, Monsieur le Haut-commissaire, que cette prime fut créée sous le gouvernement Jospin, précisément pour permettre à ceux qui veulent retrouver un emploi de ne pas perdre le bénéfice de certains avantages. Dans le même esprit, vous créez le revenu de solidarité active, mais c'est la majorité sortante qui avait détourné la prime de son but ... Qui veut noyer son chien l'accuse de la rage !

M. Philippe Marini, rapporteur général. -  Nous ne voulons pas le tuer, mais le soigner !

Mme Nicole Bricq. - Compte tenu de la montée en puissance du revenu de solidarité active et du fait, rappelé par M. Vasselle, que la clef de répartition entre les départements et l'État n'est pas claire ...

M. Guy Fischer. - Pas claire du tout !

Mme Nicole Bricq. -  ... Vous voulez tuer la prime pour l'emploi, pour apporter une petite obole au département...

M. Guy Fischer. - Voilà !

Mme Nicole Bricq. - ... Et l'on sait très bien comment cela commence, et comment cela finit : toujours mal pour les collectivités locales ! (Applaudissements à gauche) C'est une pratique constante, quels que soient les gouvernements !

M. Michel Charasse. - De droite comme de gauche !

Mme Nicole Bricq. - Le revenu social d'activité ne fera pas oublier le cynisme qui sous-tend vos mesures à l'endroit de ceux qui sont déjà les mieux pourvus face à la globalisation et à la marchandisation qui l'accompagne.

Je veux terminer sur les propos hardis que vous avez tenus devant les députés. Vous êtes une femme très intelligente, et nous nous en étions aperçus lorsque vous étiez ministre du Commerce extérieur. Je ne trancherai pas le point de savoir si la lutte des classes doit être renvoyée aux livres d'histoire, mais ce que je sais, c'est qu'en France, en 2007,un ouvrier a cinq fois plus de risque de tomber gravement malade qu'un cadre supérieur ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Gournac. - Les ouvriers n'ont pas voté pour vous !

Mme Nicole Bricq. - Sans doute faut-il que nous, socialistes, révisions profondément notre compréhension du monde pour entrer dans le XXIe siècle...

M. Alain Gournac. - Oh oui !

Mme Nicole Bricq. - ... afin de permettre à ceux que nous prétendons représenter de mieux l'affronter, mais je dois vous dire que votre propre conception me paraît dater davantage du XIXe siècle que de notre temps. (Applaudissements à gauche) Attendez-vous donc à ce que nous combattions vigoureusement ce texte au titre trompeur, c'est notre droit d'opposition, c'est notre message, c'est notre devoir ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier. - Je veux vous dire, tout de go, notre perplexité devant ce projet de loi.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ah bon ?

M. Michel Mercier. - Nous avons écouté avec beaucoup d'attention les explications de Mme la ministre, de M. le président de la commission, et de M. le rapporteur général qui a, comme de coutume, été brillant mais qui a parlé de bien d'autres choses que du texte lui même. (Sourires)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'était la discussion générale ! Nous parlerons plus précisément lors de l'examen des articles.

M. Michel Mercier. - Nous voulons, Madame la ministre, que vous nous apportiez une réponse claire à même d'entraîner notre adhésion, car nous ne manquons pas de bonne volonté : ce texte sera-t-il efficace ?

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. - Ah !

M. Michel Mercier. - Lorsqu'on est aux affaires, Monsieur le ministre, c'est quand même ce qui compte ! Vos mesures seront-elles de nature à provoquer un sursaut de croissance ? Si tel est le cas, nous ne ferons pas la fine bouche. Mais s'il ne s'agit que de doper la consommation sans conséquences réelles sur la croissance, nous ne pourrons vous suivre.

Nous nous interrogeons donc sur le bien fondé de ce texte. Je ne vais pas reprendre en détail tout ce qui a déjà été dit, d'autant que nous ne sommes pas hostiles à certaines mesures. Lors de la campagne présidentielle, nous avons en effet développé des idées voisines, si ce n'est identiques. Ainsi en est-il des heures supplémentaires : il faut que ceux qui veulent travailler plus puissent le faire pour gagner plus d'argent. Si les modalités que vous avez choisies sont discutables, le principe ne l'est pas. Pourtant, au quotidien, ce dispositif ne sera-t-il pas un peu compliqué ? Ne va-t-il pas entraîner un certain nombre de difficultés et provoquer des arbitrages entre hausses de salaires ou créations d'emplois et heures supplémentaires ? L'idée de partage du travail a fait oublier la règle essentielle : pour que la croissance redémarre, il faut que plus de gens travaillent. Or il n'est pas sûr que votre mesure le permette. N'aurait-il pas été plus simple et plus efficace de supprimer les 35 heures plutôt que de tenter de les contourner ? (Applaudissements au centre)

M. Guy Fischer. - Cela aurait été moins hypocrite !

M. Michel Mercier. - Mieux vaut en effet dire les choses plutôt que de tourner autour du pot !

M. Guy Fischer. - Pour une fois, nous sommes d'accord ! (Sourires)

M. Michel Mercier. - Nous approuvons les mesures que vous préconisez pour l'ISF : les redevables doivent être incités à investir dans les PME. J'espère toutefois qu'à l'avenir nous n'en viendrons pas à augmenter les impôts pour permettre aux PME d'investir !

M. Gérard Delfau. - Cela arrivera !

M. Michel Mercier. - Ce serait le comble ! La suppression de l'ISF aurait eu, là encore, le mérite de la clarté. Sur la question du choix entre impôt et investissement, nous vous proposerons des amendements pour élargir le champ des bénéficiaires de cette mesure.

Sur les autres dispositions du texte, nous sommes plus dubitatifs, même si l'objectif d'augmenter le pouvoir d'achat de nos concitoyens est louable. La déduction des intérêts d'emprunt, pourquoi pas ? Mais de là à inclure ceux qui ont déjà emprunté, certainement pas ! Cela ne les incitera pas à acheter, puisqu'ils l'ont déjà fait !

D'accord avec l'exonération des droits de succession entre époux car il faut faire en sorte que le conjoint survivant puisse disposer de ce qui a été acquis ensemble. Nous sommes également plutôt favorables aux mesures relatives aux donations. Aider les jeunes générations à acheter leur appartement serait une bonne chose.

En ce qui concerne le bouclier fiscal, il ne faut pas que l'impôt soit confiscatoire, mais nous souhaiterions une mesure qui permette aux classes moyennes de s'y retrouver. Et pour l'ISF, plutôt que de prévoir un dégrèvement de 30 % pour la résidence principale, pourquoi ne pas envisager un abattement forfaitaire qui permettrait de mieux aider ces mêmes classes ?

Toutes ces mesures auront un coût important, de l'ordre de 15 milliards en 2010, et il y aura une montée en charge... Il faudra bien que vous nous expliquiez, Mme la ministre, comment vous compter économiser 80 milliards d'ici 2012 : ce ne sera ni évident, ni facile !

Nous estimons que la relance de la croissance passe par des investissements massifs dans la recherche et dans l'enseignement supérieur et la loi que nous avons récemment examinée nous a laissé, de ce point de vue, sur notre faim.

Nous devrons réviser notre fiscalité qui pèse trop sur la production : le président Arthuis en a parlé fort savamment.

Il est essentiel de stimuler la croissance et nous voudrions être sûrs que votre texte va dans le bon sens car sinon, le seul argument recevable serait celui que notre rapporteur général a rappelé au début de son intervention, à savoir le respect des promesses électorales : en votant, les Français ont approuvé ces mesures et ils y ont donc droit. J'aimerai qu'à ces arguments politiques puissent s'ajouter des justifications économiques afin que les satisfactions de nos concitoyens ne soient pas immédiates mais plus pérennes.

Un mot sur le revenu d'activité défendu par le Haut commissaire. Je suis d'accord avec sa proposition mais, en la matière, il faut se défier de tout angélisme. Lorsqu'on propose pareille mesure, on doit mettre les mains dans le cambouis afin que la décentralisation fonctionne. Le département que nous sommes heureux d'administrer, Mme Dini, M. Fischer et moi-même, a vu le nombre de Rmistes diminuer de 3 454 en un an, soit 10 % de moins, ce qui est loin d'être négligeable.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Bravo Monsieur Fischer !

M. Michel Mercier. - Or, durant cette même année, nous avons dû payer à la caisse d'allocation familiale 20 % de plus, sans que quiconque puisse nous expliquer pourquoi. Lorsque vous êtes élu local et que vous voulez acheter une livre de pointes pour que votre cantonnier puisse réparer un banc, il vous faut un ordre de service, une délibération du conseil municipal, trois certificats pour services rendus et, lorsque vous voulez payer, on vous dit que c'est impossible car la facture est mal rédigée. (Sourires) Dans le cas de la CAF, on reçoit une facture de 10 millions et lorsqu'on demande pour quelle raison il faut payer plus alors que le nombre d'allocataires du RMI a diminué, on nous répond qu'on n'en sait rien, et que les liaisons informatiques entre l'Unédic et la CAF sont interrompues depuis 2004...

M. Pierre Fauchon. - Quel département ! (Sourires)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Il y a encore des économies de gestion en perspective...

M. Michel Mercier. - Alors, je suis d'accord pour mener toutes les expérimentations qu'on voudra, mais je vous conjure, Monsieur le Haut commissaire, de vous préoccuper de ce genre de détails !

Je suis à tel point favorable au RSA que nous l'avons déjà mis en oeuvre dans notre département : pour que les gens travaillent, il faut bien évidemment qu'ils gagnent plus d'argent que lorsqu'ils ne travaillaient pas. Mais il faut aussi que, derrière, l'ingénierie fonctionne, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui : cela ruine les meilleures volontés.

Pour le RSA, nous serons candidats, mais nous aurons peu de chance d'être choisis car l'article 12 prévoit que pour l'expérimenter, il faudra avoir un revenu fiscal faible et beaucoup de Rmistes. Les premiers choisis seront donc des départements pauvres : je les plains, car ils devront payer la moitié des RSA ! Choisissez donc des départements pas trop pauvres, Monsieur le Haut commissaire !

Telles sont nos interrogations, madame le ministre. Montrez-nous que ce projet de loi, qui coûtera tout de même 15 milliards d'euros, sera efficace et permettra de relancer la croissance ! (Applaudissements au centre)

M. Jean-Pierre Fourcade. - Après les critiques de Mme Bricq et la perplexité de M. Mercier, je vous apporte, madame la ministre, le soutien du groupe UMP.

M. Alain Gournac. - Eh oui !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Ce projet est en effet la traduction législative des propositions et promesses du candidat que nous avons soutenu ; il fait aussi le constat, que nous partageons, que l'économie française souffre de blocages divers et de la défiance des chefs d'entreprise, des salariés, des professions intermédiaires, de nos partenaires aussi, qui tous craignent que nous ne parvenions pas à remettre de l'ordre dans nos finances publiques et peinent sous des formalités administratives de plus en plus lourdes -la nouvelle jurisprudence, fort malvenue, du Conseil d'État relative à la contestation des marchés publics n'arrangera rien ....

Le contexte international exigeait, après une longue et difficile période électorale, un véritable choc de confiance ; votre projet de loi y contribue, qui va redynamiser l'ensemble des acteurs socio-économiques de notre pays. Vous en avez fait, madame la ministre, une excellente présentation, concrète et pragmatique, loin des idéologies qui nourrissent les critiques qu'on vous fait. Je félicite aussi M. Hirsch, dont nous connaissons l'expertise et l'implication personnelle.

Ce texte donne toute sa place au travail dans notre société. La conjonction de la détaxation des heures supplémentaires et du RSA, qui peut faire revenir vers l'emploi des centaines de milliers de personnes, est à même de créer le choc de confiance dont nous avons besoin. Il faut en finir avec cette vieille idée selon laquelle la limitation des heures supplémentaires favorise l'emploi ! C'est bien mal connaître le fonctionnement des entreprises : quand on a du mal à recruter, parce que notre système de formation est inadapté, la seule solution pour honorer les commandes, c'est de recourir aux heures supplémentaires !

Mme Raymonde Le Texier. - Elles ne sont pas utilisées !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Débloquer notre système malthusien de taxation de celles-ci, c'est créer de l'activité, et ultérieurement, par capillarité, de l'emploi.

Si l'on veut remettre les gens au travail, monsieur Hirsch, je vous le dis : il ne faut pas hésiter à décentraliser, descendre jusqu'aux communautés urbaines, aux communautés de communes, aux communes même ; c'est au niveau du terrain qu'on connaît le mieux les problèmes des personnes en difficulté. En rester au niveau départemental peut être une source de blocages.

La déductibilité des intérêts d'emprunt et la suppression des droits de succession pour 95 % des contribuables sont des mesures extrêmement importantes, non seulement parce qu'elles sont pérennes mais aussi parce qu'elles se traduiront par une baisse des prélèvements obligatoires et auront ainsi un effet accélérateur sur la demande. Il faudra sans doute privilégier les primo-accédants à la propriété, en jouant à la fois sur l'avantage fiscal et le prêt à taux zéro ; il n'est pas admissible que nous soyons, en cette matière, derrière l'Allemagne, l'Espagne ou l'Autriche.

Le bouclier fiscal ne mérite pas le battage qu'on fait autour de lui. On a dit autrefois que tel impôt était imbécile : vous avez essayé, madame la ministre, de rendre l'ISF un peu plus intelligent ; il a aujourd'hui pour vertu essentielle de pousser les grands patrimoines et les grands entrepreneurs à s'expatrier ... Il faut savoir que les pays nordiques ont tous renoncé à une fiscalité qu'ils jugeaient confiscatoire et sont en deçà des 50 %.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Certains n'ont plus d'impôt sur la fortune !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Je veux aussi souligner l'intérêt de la déductibilité de l'aide aux PME ; je me range à l'avis de la commission des finances : il ne faut pas faciliter les opérations de pur placement financier, mais stimuler la création d'entreprises moyennes ou faciliter leur survie. Cette faveur fiscale n'est cependant qu'un substitut à ce qui fut une des grandes erreurs du gouvernement Jospin et reste une de nos grandes faiblesses en Europe : l'interdiction des fonds de placement.

Je suis en revanche plus réservé, comme le président de la commission des finances, sur l'encadrement des pratiques salariales des entreprises. On ne peut à la fois accepter la mondialisation, plaider pour une meilleure compétitivité de notre économie et proposer un tel dispositif.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Qui sera de toute façon contourné !

M. Jean-Pierre Fourcade. - C'est ce type d'ambiguïté qui explique nos difficultés de croissance et notre manque d'attractivité ; confronté à un tel encadrement législatif, les entreprises qui ont le choix installeront leur siège aux Pays-Bas ou en Autriche ! Je ne suivrai donc pas l'Assemblée nationale et m'en tiendrai au texte initial du gouvernement ; ce souci moraliste franco-français n'est pas de mise.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Par son caractère global et ses orientations, ce texte correspond aux attentes du groupe UMP ; il permettra de stimuler notre économie et le pouvoir d'achat d'un grand nombre de nos concitoyens.

Il n'y a que la presse et les gens mal informés pour dire que ce texte ne concerne qu'un petit nombre de riches. (Rires à gauche)

Mme Nicole Bricq. - Ce n'est pas gentil pour les journalistes !

M. Jean-Pierre Fourcade. - Voyez les mesures concernant l'accession au logement, les droits de succession, les heures supplémentaires !

Reste la question du coût. Si, vers la fin de l'année prochaine, le taux de croissance se situe entre 2 et 3 %, si le chômage continue de reculer, si la balance commerciale cesse de se dégrader, preuve que la stimulation de la demande ne profite pas qu'aux importations, alors nous serons unanimes pour constater que le Président de la République a eu raison de faire confiance au dynamisme retrouvé de nos concitoyens. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Frimat. - Quel optimisme !

M. Aymeri de Montesquiou. - « Travailler plus pour gagner plus » : cette évidence sonnait comme une incongruité. C'était oublier que notre pays s'est bâti sur le travail. Aujourd'hui, notre fiscalité donne-t-elle envie de travailler ? Réhabiliter le travail comme moyen d'enrichissement, récompenser l'initiative, favoriser la constitution et la transmission des patrimoines, stimuler la compétitivité : voilà des objectifs auxquels nous ne pouvons que souscrire.

Plutôt que la rupture promise, c'est la méthode du contournement qui a souvent été choisie. Le Président de la République vient de s'engager devant l'Eurogroupe à ramener le déficit de la France à 2,4 % fin 2007 et 2,3 % fin 2008. A contrario, votre paquet fiscal alimente la spirale des dépenses de l'État. La défiscalisation des heures supplémentaires dans le secteur privé est estimée à 6 milliards. Mais si l'on comptabilise les heures supplémentaires du secteur public, les heures complémentaires et les effets induits, le coût global s'élève en réalité à 10 milliards...

Le gouvernement s'est engagé à faire disparaître en quatre ans le déficit de fonctionnement de l'État. Le présent texte n'en prend pas le chemin... M. Woerth l'a pourtant dit ici même lundi dernier : la rigueur budgétaire passe d'abord par la réduction des dépenses.

M. Gérard Delfau. - Et oui !

M. Aymeri de Montesquiou. - J'y ajouterais la compensation des dépenses nouvelles, que j'ai du mal à discerner dans votre texte... Économisons plutôt les 15 milliards payés aux entreprises pour qu'elles travaillent moins !

La comparaison internationale est édifiante : notre taux de prélèvement obligatoire sur les entreprises est le plus élevé de la zone euro, après la Suède, notre taux d'impôt sur les sociétés est le plus élevé de l'Union européenne, de même que le poids des cotisations sociales à la charge de nos entreprises. Nous devons totalement revoir notre fiscalité dans le cadre de la mondialisation :

Donnons aux investisseurs, aux chercheurs, aux entrepreneurs, envie de travailler en France ! L'envie est un moteur essentiel de l'activité.

Nos compatriotes vont désormais pouvoir transmettre leur patrimoine dans des conditions justes, sans que l'État vienne ponctionner le prix du deuil. Cette exonération concerne 93 % des successions, dont beaucoup de patrimoines construits à partir de rien, bien loin de l'image réductrice du rentier oisif.

L'article 6 tente d'atténuer les conséquences de l'ISF sans s'attaquer aux causes. Il n'y a pas rupture. Permettre à un contribuable d'affecter 75 % de son ISF à une PME ou à un organisme d'intérêt général est une idée attractive, preuve que nous savons trouver un antidote complexe à une pathologie que nous avons-nous-mêmes créée ! Plus les revenus sont élevés, plus le devoir d'impôt est grand. Mais l'État a le devoir d'être efficace : la suppression de l'ISF génèrerait deux fois plus de recettes fiscales que son maintien !

Sur 93 000 contribuables éligibles au bouclier fiscal, seules 1 750 restitutions ont été réalisées au 30 juin, pour un montant de 100 millions, alors que le gouvernement tablait sur 8 000 demandes ! Ce bouclier a-t-il fait et fera-t-il revenir les capitaux expatriés ? Endiguera-t-il les fuites? J'en doute. Ne serait-il pas plus simple d'éradiquer le mal à la source ?

La relance de la consommation est une politique de court terme qui ne dispense pas d'une réforme structurelle de l'État. Il faut du courage pour réaliser des économies vitales. Gageons que vous n'en manquerez pas.

Ce projet de loi va dans le sens d'une heureuse réhabilitation du travail, de l'envie d'entreprendre et du désir de consommer.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien.

M. Aymeri de Montesquiou. - J'espère qu'il ne s'agit que d'une première étape qui annonce une réforme en profondeur de notre économie. Vous proposez un nouvel esprit ; nous attendions un nouveau souffle qui s'appelle enthousiasme, esprit de conquête, confiance dans l'avenir. Dans cet espoir, la majorité du groupe RDSE vous apportera son soutien. (Applaudissements sur divers bancs à droite et au centre)

M. Philippe Adnot. - Le temps imparti aux non-inscrits étant très restreint, je vais aller droit au but. Monsieur le Haut Commissaire, en tant que président de conseil général, j'ai demandé à mes services pourquoi nous ne participions pas à l'expérimentation. (Sourires) On m'a répondu que cela coûterait plus cher au département, que les bénéficiaires du RMI auraient des revenus supérieurs aux salariés payés au SMIC, qu'il était assez délicat de lever un impôt sur des ménages modestes pour donner plus aux premiers qu'aux seconds...

Parmi les engagements du Président, il y avait certes le RSA, mais aussi l'idée qu'à des droits correspondent des devoirs. Plus personne n'en parle... Or on ne peut pas inciter à reprendre le travail si l'on n'exige rien de ceux qui ont des droits, sans contrepartie. Un de mes interlocuteurs qui avait proposé du travail à un Rmiste s'est ainsi vu répondre qu'il avait d'abord deux chantiers à finir !

Madame la ministre, je partage votre analyse. Il faut encourager le travail, en améliorer la rentabilité, redonner un espace de liberté. La mesure relative à l'ISF est intelligente. Il faut favoriser l'éclosion de nouvelles entreprises et faciliter leur transmission grâce à la suppression des droits de mutation.

S'agissant des heures supplémentaires, je vous avoue que je n'ai pas tout compris...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est assez complexe, en effet.

Mme Nicole Bricq. - Personne n'a tout compris !

M. Philippe Adnot. - Travailler plus pour gagner plus, d'accord. Mais quid des effets d'aubaine ? Il faudra tirer les enseignements de l'expérience, simplifier le dispositif, harmoniser le traitement entre les heures supplémentaires, les heures complémentaires, les heures régies par des accords d'entreprise, de filière, de branche, etc.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Une autre solution serait de revenir aux 39 ou aux 40 heures.

M. Philippe Adnot. - Toutes les explications seront bienvenues.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission des Affaires sociales a tout compris !

M. Philippe Adnot. - Booster l'économie, c'est ma spécialité. J'ai créé une technopole...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Une université technologique !

M. Philippe Adnot. - La possibilité pour les redevables de l'ISF d'investir dans les PME va dans le bon sens, mais ne suffit pas. La commission des finances souhaite aider les business angels groupés : c'est une excellente mesure, mais quid des start-up, des PME en croissance, en développement ? La commission a accepté de soutenir un amendement que je vous présenterai qui vise à compléter votre panoplie. Je propose de favoriser l'investissement dans la matière grise.

Il est bon d'aider les entreprises à se capitaliser mais il est excellent de financer la preuve du concept et, si nous savons y dédier une tranche de l'impôt sur la fortune, nous pourrons soutenir de nombreux projets.

Retenez, madame, que nous vous approuvons et que nous vous faisons confiance. Puis rendez-nous un peu de cette confiance en acceptant quelques-uns de nos amendements. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

Mme Marie-France Beaufils. - De la plus haute importance voire d'une portée inégalée, le paquet fiscal doit, à vous entendre, créer un choc de confiance et les dix milliards que vous y consacrez marquent votre volonté de rendre du pouvoir d'achat aux ménages tout en menant une politique de l'offre. « Nous tenons les promesses de Nicolas Sarkozy » ajoutez-vous comme si, avec les exonérations de charges, vous aviez miraculeusement découvert une panacée mais vous entonnez une vieille rengaine : trop élevé, le coût du travail -entendez les salaires et les charges- limite la compétitivité de nos entreprises... La Cour des comptes a déjà souligné que les nombreuses exonérations n'avaient pas d'effet. On travaillera donc peut-être plus mais il n'y aura pas de création d'emploi.

Pendant la campagne, on a régulièrement entendu des appels à la sagesse et le spectre de la dette a été agité pour refuser les exigences des électeurs confrontés à la misère. Et voici que faisant fi de cette réalité, vous proposez de dix à quinze milliards d'allègements ou d'exonérations de charges. Il est vrai que vous avez fait particulièrement fort dans la propagande allant jusqu'à dénoncer, au nom de la liberté et de la responsabilité, le carcan désuet des 35 heures qui empêche une entreprise de répondre à une grosse commande -en admettant toutefois qu'il ne fallait pas pour autant dépasser le maximum européen.

Le salut de notre pays passe-t-il par une flexibilité accrue ? Avec la loi Fillon de 2003, la précédente législature a déjà profondément modifié l'organisation du travail. Les 35 heures ne sont pas le lot commun dans les entreprises de moins de vingt salariés, ni dans la restauration et l'hôtellerie, non plus que pour les cadres moyens et supérieurs soumis au forfait-jour. Quant au manque de flexibilité du Code du travail, combien de CDI parmi les offres d'emploi ? Avez-vous oublié le CPE, que vous avez été obligé de retirer et ignorez-vous la jurisprudence sur le CNE ?

Faut-il le rappeler ? Le premier carcan est le chômage qui frappe quatre millions de Français. Votre vision du monde n'a décidément rien de moderne. Comment prétendre que le salut de la France passe par une plus grande flexibilité quand les PME ne la demandent que pour répondre aux exigences de donneurs d'ordres et où est la liberté quand une libre-concurrence forcenée n'offre d'autre alternative que de mettre la clef sous le paillasson ? Les risques imposés aux petites entreprises permettent aux grands groupes commanditaires de dégager une plus grande rentabilité et les banques savent mettre la situation à profit.

L'allègement de la fiscalité serait porteur d'espoir. Vous vous attaqueriez en effet à « une fiscalité confiscatoire » : le président de la République veut le retour des expatriés fiscaux. Mais en 2004, M. Sarkozy avait déjà proposé une loi de soutien à la consommation dans laquelle le Sénat avait vu un signe positif de nature à rétablir la confiance...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Merci de cette citation.

Mme Marie-France Beaufils. - Elle n'a pas eu l'effet espéré et la croissance n'a pas été au rendez-vous. N'est-il pas de bonne gestion de tirer les leçons de l'expérience ? Mais vous présentez surtout un habillage pour faire profiter les plus riches d'une énième loi contre l'ISF, comme si la solidarité nationale ne devait pas contribuer à l'intérêt général.

Vous obligez les salariés à travailler plus pour toucher une rémunération décente mais vous refusez de donnez un coup de pouce au SMIC. Vos choix ne sont pas les nôtres. S'agit-il de respecter le vote des Français ? Les législatives ont relativisé l'adhésion dont vous vous targuez. En fin de compte, votre projet aura pour victimes ceux qui ne trouvent pas d'emplois et qui souffriront de la réduction d'une intervention publique essentielle à leur vie car vous prendrez prétexte de l'affaiblissement des recettes publiques que vous allez provoquer. (Applaudissements à gauche)

Mme Raymonde Le Texier. - Vous n'avez pas été aussi explicite que devant l'Assemblée nationale, madame : on a gommé les aspérités de votre discours qui révélaient trop votre idéologie. Vous affirmez défendre la valeur travail mais celui-ci est le grand absent de ce projet consacré au bouclier fiscal ou autres exonérations ; la presse ne s'y est pas trompée, qui l'a baptisé « paquet fiscal ».

Le travail n'est encensé que pour stigmatiser le salarié dont la paresse crée les difficultés. (Applaudissements à gauche) Le slogan « travailler plus pour gagner plus » traduit cette vision.

À vous entendre, le monde du travail est un pays merveilleux où, par l'accomplissement de soi, on atteint à la réussite, un monde qui met l'ensemble des professions sur un pied d'égalité : le grand patron et le petit employé savent l'un et l'autre ce qu'est « une grosse journée de travail » avez-vous dit. Dommage que leur feuille de paye n'en tienne pas compte et que la journée du petit employé vaille 300 fois moins que celle du grand patron, sans tenir compte des stocks options.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelle démagogie ! Quel archaïsme ! Révisez vos conceptions économiques !

Mme Raymonde Le Texier. - L'égalité a ses limites ; le cynisme, lui, n'a pas de bornes.

À l'Assemblée nationale, vous avez déclaré : « J'entends dire parfois à propos du travail et de la concurrence qu'il engendre que c'est la guerre de tous contre tous. Voilà un contresens, car à la guerre le plus fort soumet le faible tandis que dans les rapports de travail, le plus fort communique sa force au plus faible. » On frôle le ridicule ! L'actualité oppose un démenti cruel à cette vision idyllique : le technocentre Renault à Guyancourt a connu trois suicides successifs ; un ouvrier s'est pendu sur son lieu de travail à l'usine Peugeot de Mulhouse ; c'est le sixième suicide dans le groupe. La centrale EDF de Chinon a vu quatre ouvriers mettre fin à leurs jours en deux ans.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Quelle démagogie !

Mme Raymonde Le Texier. - Bien sûr les causes d'un suicide sont multiples, mais la récurrence du phénomène est significative et traduit la violence du critère de rentabilité quand il devient l'unique référence pour organiser la vie au travail.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Que les entreprises fassent des pertes !

M. Gérard Delfau. - Un peu de respect !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Moi aussi, j'ai été interrompu.

M. Gérard Delfau. - Un peu de respect pour les victimes de ces drames !

Mme Raymonde Le Texier. - À Mulhouse, pour certaines activités, le nombre de salariés a été divisé par quatre avec une même productivité. Chez IBM, le rapport des médecins du travail livre « une photographie glaçante du mal être au travail » : course à la productivité, pression accrue aux résultats, harcèlement moral, individualisation des carrières, multiplication des objectifs parfois contradictoires. On est loin de votre utopie, madame la Ministre, mais sans doute plus prés du quotidien de millions de salariés.

Vous dites encore que « pendant que nous voguons sur nos vagues à l'âme, les hommes et les femmes de l'Inde, de la Chine, du Brésil ou de l'Afrique du Sud ne ménagent pas leur peine ». Ils la ménagent tellement peu, qu'ils font travailler les enfants dès l'âge de 4 ans.

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - N'importe quoi ! Du Zola !

Mme Raymonde Le Texier. - On pourrait croire que si les entreprises délocalisent dans ces pays, ce n'est pas uniquement parce que les salaires y sont dérisoires, la protection sociale inexistante et le droit du travail absent ; mais parce qu'au moins, là-bas, quand on est exploité, on dit encore merci.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - M. Jospin aurait dû fermer les frontières ! Pourquoi ne l'a-t-il pas fait ?

Mme Raymonde Le Texier. - «L'égalité des chances nous offre à tous les mêmes outils pour réussir, le travail nous départage et entre l'égalité de tous sur la ligne de départ et les performances de chacun à l'arrivée, le travail fait de l'individu le seul responsable de son propre parcours ». À bon entendeur salut ! Vous êtes pauvres, c'est parce que vous êtes fainéants ! Vous êtes chômeurs, c'est de votre faute ! Vous n'êtes pas millionnaire, il suffisait de décroiser les bras ! Vous ignorez qu'on ne peut parler d'égalité sur la ligne de départ quand certains font la course en moto tandis que les plus nombreux la font à pied et certains en traînant des boulets. Il vous a échappé que le mérite explique moins les résultats que l'origine sociale.

« La France est un pays qui pense, assez pensé, assez tergiversé : retroussons tout simplement nos manches ! » Si le destin du boeuf est de porter le joug, celui de l'homme est de penser sa condition. C'est le genre de détail qui nous distingue de l'animal. (Applaudissements à gauche)

D'après vous enfin, cette loi « valorise tout au long de leur vie, depuis leurs études jusqu'à l'organisation de leur succession, les femmes et les hommes de France les plus courageux et les plus entreprenants. » Quand vous prenez l'exemple d'un patrimoine de base, il s'élève à 800 000 euros, soit celui transmis par les 5 % des Français les plus riches. Un tel montant est-il le fruit d'une vie de labeur ou plutôt l'héritage de successions ou de donations passées ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Faites-les partir à l'étranger !

Mme Raymonde Le Texier. - Lorsque des parents sont deux fois plus riches que la moyenne de leur génération, leurs enfants sont en moyenne une fois et demie plus riches que leurs contemporains et on retrouvera les mêmes écarts à la génération suivante. Grâce à vous, le phénomène va encore s'accentuer. Quelle escroquerie que de faire croire qu'une telle loi vise à protéger le fruit de « toute une vie de labeur » quand elle ne sert que les plus privilégiés !

Vous justifiez vos mesures par la nécessaire revalorisation du travail, mais ne favorisez qu'une économie de rentiers et n'abordez le travail que par le biais des heures supplémentaires. Vouloir faire travailler plus ceux qui travaillent déjà, dans un pays qui compte des millions de chômeurs et de salariés à temps partiel est une aberration économique ! Ne penser l'augmentation du pouvoir d'achat que via les heures supplémentaires et abandonner toute politique de revalorisation des salaires est une aberration sociale ! Ce ne sont pas les besoins des salariés qui déterminent la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires, mais le carnet de commandes du patron, défiscalisation ou pas.

Si le salarié croit vraiment améliorer son pouvoir d'achat par ce biais, le retour à la réalité risque d'être cruel : il n'a aucune garantie dans la durée, ce complément de salaire est aléatoire, fluctuant et ne sera pas pris en compte pour le calcul de la retraite ou du chômage. Si cela devient la seule manière d'augmenter les salaires, les cadences deviendront de plus en plus infernales. Le tout, bien souvent, pour un salaire qui, heures supplémentaires comprises, ne vous ferait peut-être pas sortir de votre lit le matin. Si votre objectif est réellement de revaloriser le travail, commencez donc par le payer. (Vifs applaudissements à gauche)

Ne faites pas semblant d'ignorer que nombre de salariés ne touchent qu'une partie des heures supplémentaires effectuées.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Quand elles sont déclarées !

Mme Raymonde Le Texier. - Je vous invite moi aussi à vous rendre gare du Nord, non pas « à la sortie de l'Eurostar ou du Thalys, pour voir arriver tous ces exilés fiscaux, banquiers à la City » mais, deux étages plus bas à l'arrivée des trains de banlieue, ceux-là mêmes que j'ai empruntés pendant les quarante années de ma vie professionnelle. Vous apprendrez beaucoup plus des réalités de votre pays en voyant tous ces gens qui rentrent, épuisés, d'un travail qui ne leur permet souvent même pas de subvenir correctement aux besoins de leurs enfants.

Comme chacun ici j'aimerais que « le travail paie selon le mérite ». Cette loi est cependant à mille lieues d'en tracer le chemin. Votre paquet fiscal n'est pas un cadeau pour notre économie, il est coûteux, inégalitaire, dangereux pour les comptes publics et sans effet sur la croissance. Il faudrait donner du capital public à ceux qui n'ont pas de capital privé. Votre texte donne plus à ceux qui ont déjà tout ; notre devoir est de le combattre. (Applaudissements à gauche)

M. Ladislas Poniatowski. - En tant que sénateur de l'UMP, j'apporte un soutien total à tout ce texte. Je me contenterai d'aborder deux points qui concernent la commission des affaires économiques.

Le dispositif de soutien à l'accession à la propriété constitue l'un des engagements pris par le Président de la République. C'est une excellente nouvelle, car les Français ne sont que 56% à être propriétaires occupants contre 70% des Italiens, 78% des Belges et 84% des Espagnols. Ces différences ne sont pas le fruit du hasard mais d'une volonté politique : nombreux sont les États qui ont largement aidé l'accession à la propriété des ménages sous forme d'aides directes, de bonification de taux ou de mécanismes fiscaux. Les gouvernements néerlandais et britannique ont renforcé en 2006 leur politique d'aide à l'accession à la propriété afin de réduire la charge financière pesant sur les ménages. Je note au demeurant que cette disposition poursuit l'action engagée par notre majorité sous la législature précédente.

Il ne faut pas pour autant réduire notre politique du logement à l'objectif de 75 % de propriétaires. Le secteur locatif, privé ou social, doit aussi faire l'objet d'une attention particulière. Le logement est une chaîne : pour sortir de la crise, il convient d'en stimuler tous les maillons afin de fluidifier les parcours résidentiels. Nous n'avons pas oublié le locatif social, puisque, le Premier ministre a fixé un objectif de 120 000 logements locatifs sociaux par an pour la législature. Je rappelle que nous avons renoué, depuis 2002, avec des niveaux de construction du parc locatif social plus conformes à la réalité des besoins de nos concitoyens, plus de 80 000 par an, quand ce chiffre stagnait entre 40 000 et 50 000 entre 1997 et 2002.

Le locatif privé bénéficie lui aussi de mesures favorables, comme la mise en place d'une garantie contre les risques locatifs, qui permettront aux plus modestes d'accéder au parc privé et ainsi de fluidifier le marché du logement.

Nous nous heurtons toutefois à deux écueils majeurs : d'une part, la pénurie des ressources foncières. Il faudra libérer des terrains constructibles, à des prix compatibles avec les contraintes pesant sur les opérations destinées aux plus modestes.

D'autre part, l'insuffisance de la main-d'oeuvre dans le bâtiment explique que de nombreuses opérations immobilières prennent du retard. Il convient de rendre ce secteur plus attractif et de lutter contre le travail au noir, encore trop souvent de mise dans ce secteur.

Enfin, je veux évoquer l'injustice faite à certains consommateurs depuis l'ouverture du marché de l'énergie à la concurrence. Certes, la question paraît quelque peu hors sujet...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. - En effet !

M. Ladislas Poniatowski. - Mais elle a été longuement débattue à l'Assemblée nationale. Le Sénat peut donc faire de même...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est légitime !

M. Ladislas Poniatowski. - Depuis peu, 26 millions de consommateurs d'électricité et 11 millions de consommateurs de gaz ont la possibilité de quitter leur fournisseur historique pour un concurrent, ce qui est une bonne chose. Mais lorsqu'un locataire choisit le tarif libre, son propriétaire et le locataire successeur ne peuvent revenir au tarif régulé. En tant que rapporteur de la loi sur l'énergie de 2006, j'avais proposé un amendement, qui fut adopté, pour mettre fin à cette situation. Hélas ! Le Conseil constitutionnel l'a censuré : la mesure était contraire à la directive européenne relative à l'ouverture du secteur de l'énergie. Prenant acte des observations des juges constitutionnels, j'ai rédigé une proposition de loi, qui aurait pu être débattue lors d'une niche parlementaire en octobre, répondant aux inquiétudes des associations de consommateurs et des propriétaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

M. Ladislas Poniatowski. - Celle-ci proposait un dispositif transitoire jusqu'au 1er janvier 2010, date fixée pour le droit opposable au logement. Par parenthèse, les commissaires à l'énergie et à la concurrence mènent une réflexion sur ce sujet ces temps-ci, car ils se sont rendu compte que, depuis la libéralisation du marché de l'énergie, les prix avaient grimpé à cause de la hausse du pétrole.

Mme Marie-France Beaufils. - Pas seulement...

M. Ladislas Poniatowski. - J'espère que le gouvernement soutiendra l'amendement que j'ai déposé sur ce texte, qui reprend le contenu de ma proposition de loi. Madame Lagarde, vous vous étiez déclarée favorable à ma proposition à l'Assemblée nationale, à condition qu'elle soit conforme à la Constitution et à la directive européenne. Mon seul souci est de mettre fin à une double injustice ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Thierry Repentin. - Nous nous rejoignons !

M. Gérard Delfau. - Ce texte, intitulé par antiphrase « projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat », étonne par la brutalité des mesures qu'il comporte et inquiète par les risques qu'il fait courir à l'équilibre des finances publiques.

M. Bernard Cazeau. - Très juste !

M. Gérard Delfau. - Ce constat sévère a été formulé à demi-mots par une partie de la majorité à l'Assemblée nationale. Aucun économiste de renom ne n'a défendu cette politique s'inspirant à la fois de Reagan et Berlusconi. L'Europe ébahie nous regarde et désapprouve.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Que de certitudes !

M. Gérard Delfau. - Au sein de la classe politique le malaise est palpable. Le patronat, lui-même, se garde de triompher... Pourquoi tant d'acharnement contre les classes populaires et moyennes, à qui le Président de la République a promis des lendemains radieux ? (Marques d'approbation à gauche) Est-ce cela la rupture ? A vrai dire, il s'agit plutôt d'une accélération de la politique de M. Raffarin et, dans une moindre mesure, de M. de Villepin : on est passé du conservateur bon teint au franchement rétrograde,...

M. Jean Desessard. - Très bien !

M. Gérard Delfau. - ...le tout enrobé dans un discours idéologique ronflant qui ne trompe personne.

Le sens de l'effort, la valorisation du travail, le goût de la morale, ces valeurs ne sont ni de droite, ni de gauche. Comme Jean Jaurès, que le Président de la République cite si bien (Mme Marie-France Beaufils le conteste.), nous aimons à nous y référer, sans toutefois mettre le même contenu. Pour vous, augmenter le pouvoir d'achat, c'est concéder de nouveaux allègements d'impôt et des exonérations de cotisations sociales ; pour nous, cela passe par une augmentation régulière du SMIC (Vifs applaudissements à gauche). Avec les experts du droit du travail, nous craignons l'effet d'aubaine et la multiplication des fraudes que le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires va susciter au sein des entreprises.

La quasi-disparition des droits de succession et l'affaiblissement de l'impôt sur le revenu nous ramène au XIXe siècle ou, plus près de nous, à l'Amérique de Reagan et Bush. (Marques d'approbation à gauche) La mesure de défiscalisation des intérêts d'emprunt pour l'achat d'un logement destiné à l'habitation principale est moins critiquable.

M. Jean-Pierre Fourcade. - Quand même !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Attendons la suite...

M. Gérard Delfau. - Malheureusement, elle va relancer à la hausse le prix des logements...

M. Bernard Vera. - Bien sûr !

M. Gérard Delfau. - ...au moment même où le marché de l'immobilier commençait à baisser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - C'est fait exprès !

M. Gérard Delfau. - Le bouclier fiscal, que vous renforcez, privera les collectivités territoriales d'une partie de leurs ressources au mépris du principe d'autonomie financière que le Sénat a fait inscrire dans la Constitution.

Voix à gauche. - Juste !

Mme Nicole Bricq. - Nous avons déposé un amendement à ce sujet...

M. Gérard Delfau. - Pour atténuer le caractère de classe de ce texte, vous lui avez adjoint deux mesures. La première, qui vise à limiter les profits immoraux des grands patrons du « CAC40 », a été conçue pour ne pas chagriner le MEDEF qui, d'ailleurs, s'est gardé de manifester la moindre inquiétude. La seconde, le RSA, semble complexe, lourde à mettre en place, difficile à contrôler. Ce revenu, qui pourrait tirer vers le bas les petits salaires, est pour moitié à la charge des conseils généraux, ce qui pénalisera les départements pauvres, comme l'Hérault.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas si pauvre, l'Hérault !

M. Gérard Delfau. - Néanmoins, on s'occupe enfin de mettre un terme à l'augmentation continue du nombre des Rmistes. En 1997, ayant présidé pendant dix ans les comités de bassin d'emploi, je préconisais dans un ouvrage intitulé Droit au travail de transformer les aides à l'emploi en postes de travail à temps plein, rémunérés au moins au SMIC et bénéficiant d'un statut et d'une formation. Utopie, m'avait-t-on rétorqué à droite comme à gauche. Peut-être. Mais le mal s'est aggravé depuis et les 35 heures, malgré des résultats positifs en matière de création d'emplois -j'y insiste- n'ont pas inversé la tendance. Je suis donc prêt à essayer cette nouvelle piste du RSA.

Je reviens au noyau dur de ce texte : une panoplie de mesures en faveur des riches, des héritiers et des rentiers (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Bref, des suppôts de Satan !

M. Gérard Delfau. - Hier, le ministre du budget n'a pas nié qu'elle entraînerait une perte sèche de recettes pour l'Etat et prétend la compenser par une diminution équivalente des dépenses de l'État, autrement dit par le désengagement de l'Etat. Devant les mouvements sociaux et les demandes de nos partenaires européens effarés devant notre dette publique, le gouvernement n'aura d'autre choix que d'augmenter l'impôt inégalitaire par excellence, la TVA, pour renflouer les caisses de l'Etat. Et le Sénat qui a tant appelé à l'instauration d'une TVA sociale, laquelle ne verra pas le jour, monsieur le Président de la commission, sera tenu responsable de cette mesure impopulaire. Le même raisonnement vaut pour les comptes de la sécurité sociale : les franchises colmateront les déficits avant qu'un recours massif à l'assurance privée ne supprime l'objet du débat.

Bref, à une exception près -le RSA- ce texte est dangereux, immoral et idéologique. Dans un an, le mirage des présidentielles se sera dissipé. La majorité des Français aura perdu en pouvoir d'achat net et en services de proximité. Alors viendra le temps de l'alternative ! (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Dans ce cas, votre intérêt est de voter le projet de loi !

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

M. Bernard Cazeau. - La discussion du revenu de solidarité active aurait pu débuter sous de meilleurs auspices. Pour cela, il eût fallu que le gouvernement prenne le soin de la distinguer de l'importante ristourne fiscale qu'il opère en faveur des plus aisés de nos concitoyens. Comment, en effet, réfléchir sereinement aux moyens du retour à l'emploi des allocataires de minima sociaux, lorsqu'on procède parallèlement à une vaste opération de redistribution à l'envers ? Vous aurez beau le nier, il est bien contradictoire de donner quelques dizaines d'euros de plus par mois au plus grand nombre tandis qu'on s'apprête à rembourser plusieurs milliards à une infime fraction de notre population.

Nous tâcherons malgré tout d'aborder la question du RSA de façon constructive. Nous pouvons partager l'objectif de réduire la pauvreté par l'emploi puisque celui-ci est la condition de l'intégration sociale. Mais, du fait de la précarité croissante du marché du travail, bien des emplois ne garantissent plus un revenu décent et nous avons vu réapparaître des travailleurs pauvres qui, certes, travaillent, mais trop peu pour bénéficier d'un revenu suffisant : 20 % des actifs employés perçoivent un revenu inférieur à 75 % du Smic. Aux bas salaires désormais chroniques s'ajoutent d'autres obstacles à l'emploi, notamment certaines configurations familiales où l'emploi partiel n'améliore pas la situation du ménage.

Dès lors, l'idée qu'une rémunération de remplacement vienne compléter de trop faibles revenus du travail présente un intérêt. Le RSA réoriente la redistribution autour de deux variables : la quantité d'activité et la situation familiale. L'idée est intéressante parce qu'elle reconnaît le rôle des transferts sociaux dans la réduction de la pauvreté, ce qui est plutôt progressiste. Ensuite, le RSA se veut adaptable en fonction des situations vécues et non de grilles administratives uniformes, et il prend donc en compte la diversité des bénéficiaires des minima sociaux. Enfin, il donne la priorité aux emplois de droit commun dans le secteur marchand, loin des dispositifs parfois illusoires de contrats aidés, dont les plus récents n'ont d'avenir que le nom ou qui, tel le RMA, font effectivement le minimum.

Bref, les perspectives ouvertes par le RSA sont intéressantes. Mais d'un principe intéressant, encore faut-il faire une réussite pratique. Pour cela, il importe de lever quelques zones d'ombre : notamment comment construire un dispositif opérationnel sur la base de mécanismes complexes et parfois contradictoires entre eux ? Cette difficulté n'a pas échappé aux concepteurs du projet qui ont voulu l'expérimenter avant de l'adopter, tant nombre de ses aspects sont encore imprécis.

Les départements doivent s'investir sans réserve dans l'expérimentation pour qu'elle soit couronnée de succès. Cela suppose une relation de confiance avec l'État. Les conseils généraux ont été échaudés par la décentralisation du RMI, tous les comptes ne sont pas encore soldés, et les départements attendent encore le remboursement d'une part non-compensée des dépenses des années passées, de l'ordre d'un milliard ! Pour que cela ne se renouvelle pas lors de l'expérimentation du RSA, il faut être clair sur la participation de l'État qui doit être précise et pérenne. Nous présenterons un amendement en ce sens.

Il nous faut aussi une définition plus aboutie des mesures à mettre en oeuvre, l'expérimentation ne pouvant se résumer à un simple tâtonnement. Les conseils généraux doivent être aiguillés quant à la prestation qu'ils devront servir. Bien que le RSA soit autant une méthode qu'un barème d'aide, il faut néanmoins que les départements disposent d'un cadre pour bâtir leurs politiques. Il faudra donc préciser rapidement la notion de « revenu garanti » à laquelle fait allusion l'article 9 du texte et que l'on retrouve sous les mots « niveau de ressource garanti » à l'article 10. La variabilité de ce seuil selon les départements, invoquée par le rapporteur, paraît une échappatoire. N'est-on pas là, tout simplement, dans une refonte des dispositifs d'intéressement votés en mars 2006, c'est-à-dire une majoration des montants et un prolongement dans le temps ? Ou alors penchez-vous pour un rehaussement inavoué des barèmes des aides sociales aux travailleurs pauvres, en somme pour une forme d'impôt négatif à durée déterminée ? Si tel est le cas, la question de la durée de vie du RSA est posée. Car, si ce nouveau revenu complémentaire aide à passer le seuil de pauvreté, comment ne pas imaginer que sa cessation entraînera le retour à la pauvreté ?

Monsieur le Haut Commissaire, nous attendons des clarifications. Le RSA est socialement acceptable en ce qu'il est une politique ciblée de solidarité, orientée vers l'activité professionnelle. S'il devait se muer en une politique de l'emploi déguisée, il deviendrait problématique. La question de la précarité du marché du travail demeure primordiale. Le RSA ne doit pas être l'occasion d'entériner une des tendances préoccupantes de la mondialisation : la décrue de la part du salaire direct dans le revenu des moins qualifiés.

Le RSA n'est pas la révolution espérée, mais une évolution modérée. S'il peut, à terme, améliorer la vie de plusieurs milliers de travailleurs pauvres, il aura réussi. Partagés entre confiance et doute, nous nous abstiendrons sur les articles 8 à 13. (Applaudissements sur les bancs socialistes).

M. Serge Dassault. - Vous proposez de diminuer les charges sur les heures supplémentaires, patronales et salariales, ce qui en réduira le coût pour les entreprises et améliorera le pouvoir d'achat des salariés, ce qui est excellent. Mais, si le manque à gagner de la sécurité sociale est payé par l'État, cela aggravera le déficit budgétaire, ce qui est moins bien. C'est pourquoi je propose que l'État laisse les sommes correspondantes à la charge de la sécurité sociale. (Rires et exclamations sur les bancs socialistes)

Mme Bariza Khiari. - Et le déficit de la sécurité sociale !

M. Serge Dassault. - Cela aggravera ce déficit mais admettez que l'on ne se soucie pas tellement de le réduire. (Vifs applaudissements sur les bancs socialistes)

L'équilibre de la sécurité sociale est un autre problème et il faudrait le réaliser en dehors du budget de l'État. J'ai une solution à proposer pour cela, différente de la TVA sociale et qui pourrait régler bien des problèmes. Je suis à votre disposition pour vous la présenter.

Ainsi, le déficit budgétaire ne sera pas aggravé, et entreprises et salariés pourront profiter de cette mesure pour travailler plus et gagner plus.

La réduction des droits de succession ne concernant que 95 % des contribuables, je propose, pour les autres, de limiter le taux maximum d'imposition en ligne directe à 20 % comme avant 1983, au lieu des 40 % qui datent de Mauroy. C'est ainsi dans tous les autres pays européens, comme d'ailleurs dans le monde entier, et je ne vois pas pourquoi on se singularise ainsi sans se soucier des conséquences néfastes pour les intéressés et l'économie.

Vous cherchez à augmenter le pouvoir d'achat des salariés, ce qui est normal, mais il ne faut pas pour autant aggraver notre déficit budgétaire ni augmenter nos coûts de production. J'ai pour cela une solution facile à appliquer et qui aurait une grande portée sociale. Il s'agit simplement d'utiliser la loi sur la participation et d'augmenter la part réservée aux salariés. La formule actuelle, qui n'a pas varié depuis 1967, la limite à 10 %. Ma proposition, que j'ai déjà présentée à l'occasion de la loi sur la participation, consiste à répartir le bénéfice après impôts de toutes les entreprises de plus de 50 salariés en trois tiers : un pour les salariés, un pour les actionnaires et un pour l'autofinancement, avec un maximum de 2,5 mois de salaire. Cette formule, simple à calculer et à appliquer, peut éviter un grand nombre de conflits sociaux, car elle met à égalité les salariés et les actionnaires. Certes, elle n'augmente le pouvoir d'achat que des salariés travaillant dans des entreprises bénéficiaires, mais cela les motivera tous pour améliorer la rentabilité de leur entreprise. J'applique cette formule aux salariés de Dassault Aviation, et depuis quelques années nous leur distribuons 2,5 mois, ce qui, avec les 13 mois, leur permet de disposer d'un revenu de plus de 15 mois de salaire ! Leur pouvoir d'achat augmente bel et bien. Pourquoi ne pas généraliser cette formule qui ne vous coûte rien et qui a des conséquences sociales considérables ?

Pour compenser les pertes de recettes de l'État, consécutives à ces propositions, je suggère de réduire la compensation des charges sur salaires, jusqu'à 1,5 Smic au lieu de 1,6 aujourd'hui. Cela économisera plus de 2 milliards.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Excellente idée !

M. Serge Dassault. - Si vous commenciez à réduire la compensation des 35 heures aux entreprises, qu'il faudra bien arrêter un jour, vous pourriez économiser près de 15 milliards d'euros ! Cela vaut quand même la peine de s'en occuper ! Je ne comprends pas pourquoi l'on ne fait pas cette proposition, même si elle suscite des réserves de la part des entreprises ! Quand on n'a pas d'argent, on ne paie pas ! Et surtout on n'emprunte pas pour payer des dépenses de fonctionnement, ce qui est la règle d'or de la commission des finances...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Absolument ! Bravo !

M. Serge Dassault. - Voilà ce que je vous propose, et cela fera l'objet de quelques amendements. (Applaudissements à droite)

M. Rémy Pointereau. - Ce projet de loi traduit trois thèmes principaux de la campagne du Président de la République : la valeur travail, l'emploi et le pouvoir d'achat. Qu'on soit de droite, du centre ou de gauche, chacun aspire à plus d'équité, plus de liberté, plus de fraternité, mais surtout à l'amélioration du niveau de vie de tous.

Toutes les idéologies, tous les dogmatismes ont échoué, y compris l'ultralibéralisme !

Loin de tous ces écueils, il existe une voie, celle du pragmatisme, du volontarisme, de la détermination : celle d'un libéralisme social régulé. Avec l'émotion et l'humanité nécessaires en politique pour redonner de la dignité et de la confiance à ceux qui sont sans emploi, à condition qu'il y ait une contrepartie par un travail, une activité : tel est l'objectif du revenu de solidarité active (RSA).

Dans les départements volontaires pour en faire l'expérimentation, les allocataires de minima sociaux se verront ainsi garantir que toute heure travaillée leur apportera des ressources supplémentaires, avec toujours le même objectif : valoriser le travail, un vrai travail, et pas uniquement dans le monde associatif, comme cela se voit dans certaines collectivités. Trop de bénéficiaires du RMI renoncent à occuper un emploi à temps partiel qui les priverait de minima sociaux. Or c'est cet emploi qui peut leur ouvrir la porte vers l'emploi à temps plein et l'autonomie. Le système actuel n'est pas motivant. C'est cela que le RSA a vocation à modifier, en intégrant les moins favorisés et en les tirant vers le haut, dans un élan collectif. Telle est la vraie solidarité !

Je tiens à saluer le travail déterminé du Haut-commissaire sur ce dossier fondamental pour l'avenir de notre pays.

Réhabiliter le travail, c'est encourager les entreprises à proposer des heures supplémentaires à ceux qui le souhaitent, pour augmenter le pouvoir d'achat.

La France qui travaille doit être encouragée, récompensée, rémunérée, montrée en exemple (murmures désapprobateurs croissants à gauche) : les 35 heures ont affaibli notre pays ! (« Oh ! » sur les mêmes bancs) Elles reposent sur cette fausse idée démagogique, selon laquelle la réduction autoritaire du temps de travail serait un moyen de lutter efficacement contre le chômage et garantirait la croissance a vécu... (Vives protestations sur les mêmes bancs)

M. Guy Fischer. - Vous ne cessez de faire des cadeaux aux riches !

M. Rémy Pointereau. - Toutes les études montrent que la politique de réduction du coût du travail est infiniment plus efficace pour assurer la croissance. Elle montre aussi que ce sont les pays où le nombre d'heures travaillées et le plus important qui connaissent le taux de chômage le plus faible (Protestations croissantes à gauche). La France est en queue de peloton des pays de l'OCDE pour le nombre moyen d'heures travaillées, avec 1 546 heures par an, contre 1 699 heures en Allemagne, 1 758 heures au Royaume-Uni, 1 703 en Espagne...(Marques d'impatience sur les mêmes bancs)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Utile rappel !

M. Rémy Pointereau. - L'article premier du projet de loi est donc la traduction du fameux « travailler plus pour gagner plus », (« Oh ! » à gauche) qui présente ce double intérêt d'accroître la compétitivité de l'économie française et d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés...

Plusieurs voix à gauche. - C'est bidon !

M. Rémy Pointereau. - Il s'agit d'exonérer de charges et de défiscaliser les heures supplémentaires pour les salariés, afin de les encourager à travailler plus pour gagner plus. Travailler doit payer.

Mais pour cela, il faut être incitatif également pour les entreprises et je regrette que nous n'ayons pas été plus loin dans la baisse des charges patronales, l'objectif étant d'inciter les entreprises à fournir des heures supplémentaires de travail. Ce sont elles qui, par leur vitalité, leur créativité, leur courage, créent durablement des richesses et des emplois, et qui décideront ou non de proposer des heures supplémentaires. C'est dans cet esprit que j'ai déposé un amendement visant à éviter aux PME et aux TPE de voir leurs charges alourdies par la présente loi.

Selon des calculs assez compliqués -il conviendrait de simplifier le dispositif- les petites entreprises de 20 salariés et moins supporteraient en effet davantage de charges sur les salaires au-delà d'1,27 Smic et l'allégement dit « Fillon », applicable au 1er juillet 2007, ne suffirait pas, semble-t-il, pour compenser le passage de 10 % à 25 % des heures majorées.

Pouvez-vous, madame le ministre, me donner des assurances sur cette compensation pour les rémunérations d'au-delà de 1,27 Smic ? Je vous fournirai des éléments chiffrés lors de la discussion des amendements.

L'application du nouveau régime des heures supplémentaires aux employés du secteur public est une bonne mesure, qui contribue à combler ce fossé, dont on parle trop souvent peut-être, entre les salariés du public et ceux du privé. Ainsi les services publics auront la capacité de mieux s'organiser, dans l'intérêt de tous.

Ce texte supprimera des prélèvements anti-économiques. Le renforcement du bouclier fiscal cessera de dissuader ceux qui créent des richesses, et les font circuler dans l'économie, de le faire en France. C'est une excellente mesure. L'évasion fiscale doit être combattue, par des mesures attractives pour le contribuable français.

L'abattement de 30 % sur la résidence principale est une avancée, certes, mais on peut s'interroger sur l'intégration de la résidence principale dans le calcul de l'ISF. Un couple qui est propriétaire à Paris d'un appartement de 100 m2 dans lequel il vit est-il riche ? (Exclamations à gauche)

Et le paysan de l'île de Ré...

Plusieurs voix sur les bancs socialistes Oh !

M. Rémy Pointereau. - ... qui avait vu le prix du foncier augmenter fortement et avait été assujetti à l'ISF alors qu'il vivait chichement et n'avait pas de quoi payer cet impôt, était-il riche ?

M. Thierry Repentin. - Il suffit de rendre le terrain inconstructible.

M. Rémy Pointereau. - La défiscalisation du travail des étudiants est une autre mesure très positive, de même que la quasi-suppression des droits de succession, puisque 95 % des successions seront exonérées C'est une mesure utile et juste, surtout pour les classes moyennes qui se sont données tant de peine à constituer leur capital, et qui se voyaient déjà taxer de nombreuses fois...

M. Guy Fischer. - Oh là là !

M. Rémy Pointereau. - ...sur leur salaire...

Mme Annie David. - Quelle honte !

M. Rémy Pointereau. - ... avec l'impôt sur le revenu...

Plusieurs voix sur les bancs socialistes Oh !

M. Rémy Pointereau. - ...sur le foncier bâti et non bâti...

Mme Gisèle Printz et Mme Nicole Bricq. - Oh !

M. Rémy Pointereau. - ...avec la taxe d'habitation...

Plusieurs voix sur les bancs du groupe CRC. - Quelle injustice !

M. Rémy Pointereau. - ... et enfin au moment de la donation aux enfants ! (On s'indigne à gauche) Il faut pouvoir transmettre les fruits de son travail à son conjoint et à ses enfants. Il faut aider les plus faibles, en leur garantissant des minima sociaux sans les décourager de retrouver un emploi.

Le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt immobilier pour la résidence principale est destiné à encourager I'accession à la propriété. Encore une mesure annoncée, attendue, et réalisée, pour permettre à chacun de devenir propriétaire.

Une autre mesure allant dans le bon sens est la possibilité ouverte aux redevables de l'ISF de verser le montant de cet impôt, jusqu'à un plafond de 50 000 euros, non pas au percepteur, mais à une PME ou à une fondation reconnue d'utilité publique. Lorsqu'on connaît les difficultés qu'ont les PME, principales créatrices d'emplois, à obtenir des financements au regard de la frilosité de certains organismes bancaires, on ne peut que s'en féliciter !

On dit que la facture est lourde pour des finances publiques déjà contraintes. C'est indéniable, mais cette dépense dans l'immédiat est surtout un investissement pour l'avenir.

Dans un monde auquel il nous faut nous adapter, il ne s'agit pas seulement de travailler plus pour gagner plus, mais aussi de travailler plus pour plus de croissance et donc pour plus d'emploi. On ne répond pas à l'échec des uns en bloquant la réussite des autres. La réussite des uns doit au contraire faciliter la réussite des autres.

Le choc de confiance doit entraîner un choc de croissance. (Applaudissements des bancs du RDSE à la droite)

Mme Christine Lagarde, ministre. - J'ai écouté avec beaucoup d'attention toutes vos interventions et je me suis abstenue de faire des commentaires cyniques sur celles qui m'ont le plus surprise.

Je tiens à saluer le travail formidable des rapporteurs et en particulier du rapporteur général, dont le brillant exposé, si je ne l'étais pas déjà, m'aurait assurément convaincue du bien-fondé et de l'efficacité de ce texte, et je ne désespère pas de convaincre ceux d'entre vous qui ne le seraient pas encore.... Je tiens à rassurer M. le rapporteur général : je l'ai entendu, comme ont été lus ses rapports successifs, comme ont été prises en considération ses recommandations et ses prescriptions sur l'ensemble du projet qui vous est soumis. Je suis rassurée et heureuse de pouvoir compter sur le soutien sans faille de la majorité, majorité présidentielle, majorité à l'Assemblée nationale qui, comme vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur général, a été réélue, majorité sénatoriale.

Monsieur le président Arthuis, j'ai la joie de me rendre compte que je suis d'accord avec la plupart des points que vous avez évoqués, sur l'économie ouverte, sur vos craintes sur l'éventuelle aggravation du déficit de la balance commerciale.

Monsieur Mercier, je vous ai également entendu sur le fait que la consommation soit actuellement le moteur exclusif de la croissance et je partage votre point de vue jusqu'à un certain point.

L'objectif de ce projet de loi est de redonner de la compétitivité à nos entreprises et de l'attractivité au site France. L'exonération des charges sociales patronales, sous la forme d'un abattement forfaitaire, selon que les entreprises ont plus ou moins de 20 salariés, est de nature à améliorer leur compétitivité, et j'aurai l'occasion de m'en expliquer, le plus clairement possible -je m'y engage, monsieur Mercier- à propos de l'article premier et des amendements qui s'y rapportent.

Il s'agit d'améliorer la compétitivité de notre pays. La faculté donnée aux redevables de l'ISF de s'acquitter de leur impôt, « l'impôt choisi », par le biais de dons aux PME permettra de créer, j'en suis sûre, des emplois

Je vous rejoins, monsieur le président Arthuis, lorsque vous parlez de la nécessaire moralisation de la vie économique. Vous émettez des doutes sur l'article 7. Certes, il ne sera peut-être pas suffisant pour entraîner chez tous les dirigeants un comportement éthique, mais il préparera la réflexion de la Commission européenne sur la nécessité de mieux réguler la rémunération des mandataires sociaux.

Comme vous, je suis favorable au développement de codes de bonne conduite en matière de gouvernance d'entreprise, à l'instar de ce qui se fait aux États-Unis, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Mais ils ne sont pas incompatibles avec l'article 7. En outre, l'AMF joue un rôle important en ce domaine en contrôlant la bonne application de ces codes dans son rapport annuel.

Enfin, je suis comme vous réservée sur l'intermédiation. Il faut améliorer les liens entre l'entreprise et les investisseurs. Je partage tout à fait votre goût pour l'affectio societatis et je pense qu'il faut renforcer les liens entre l'entreprise et les investisseurs.

Quant au problème des niches fiscales, il sera traité dans le cadre du rapport que nous présenterons au Parlement avant le 15 octobre sur l'impôt minimum. De plus, come ma lettre de mission me le précise, nous examinerons un texte sur l'ensemble des prélèvements obligatoires.

J'en viens aux questions plus spécifiques. Le crédit d'impôt applicable sur les intérêts d'emprunt et le prêt à taux zéro sont complémentaires car ils visent deux cibles différentes. Le prêt à taux zéro s'adresse aux ménages à revenus modestes tandis que le crédit d'impôt sur les emprunts touchera tous les publics, sans condition de ressources. Certains d'entre vous estiment que ces mesures bénéficieront plus spécifiquement aux hauts revenus. Or, je l'ai dit tout à l'heure, 93 % du montant de cette loi s'adresse à une très large majorité de contribuables : les salariés, les héritiers de patrimoine modeste. La moitié du coût de ce texte va aux millions de salariés qui effectuent des heures supplémentaires. L'allègement du coût des intérêts d'emprunt et l'exonération des droits de succession pour 95 % des Français touchera également un public très large. Quant aux 7 % restants, ils visent à rétablir la confiance et je crains qu'en n'insistant que sur cette partie, on ne dissimule l'intérêt de cette loi.

M. Ladislas Poniatowski. - Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Sur la compensation à la sécurité sociale des exonérations de cotisations sociales, je vous confirme, monsieur Vasselle, les propos que M. Woerth vous a tenus hier : la compensation aux régimes spéciaux sera intégrale, et elle sera traité dans le cadre des projets de loi de finances et de financement pour 2008. (On en doute à gauche)

Comme l'a dit M. Fourcade, il s'agit, avec les heures supplémentaires, de lever un blocage malthusien.

S'agissant des heures supplémentaires, à la suite de la suppression du taux dérogatoire, les petites entreprises bénéficieront en contrepartie d'une déduction forfaitaire majorée de cotisations sociales patronales, monsieur Vasselle. Le montant sera de 1,5 euro. La mesure que je vous propose permettra de faire baisser le coût du travail jusqu'à 1,45 smic. Quoi qu'il en soit, les salariés continueront à bénéficier de la déduction des cotisations sociales et des exonérations fiscales sur leur revenu imposable.

Monsieur Montesquiou, je vous confirme que notre chiffrage tient bien compte des heures supplémentaires effectués tant dans le privé que le public. Nos estimations tiennent compte des 70 millions d'heures supplémentaires effectuées en 2006. S'il apparaît que cette estimation était un peu faible, et je forme le voeu qu'il en sera ainsi, il en coûtera plus au budget de l'Etat, mais cette mesure s'autofinancera en partie, puisque une part de la consommation se trouvera recyclée dans le circuit grâce à la TVA.

La question de l'emploi me préoccupe aussi, monsieur Mercier, mais nous ne prétendons pas tout résoudre par une loi. Le texte relatif à la modernisation sera davantage consacré à l'emploi. Nous poursuivrons les réunions avec les partenaires sociaux afin de revenir au plein emploi.

Il faut aussi sortir d'une vision statique du marché du travail : aujourd'hui, l'Etat ne peut créer des emplois ex nihilo. C'est le travail qui engendre le travail. En dynamisant la croissance, dans le secteur marchand, on infléchit à terme les chiffres du chômage. (Exclamations à gauche)

Le financement des mesures suscite de légitimes interrogations : en 2008, le gouvernement y est tenu, les dépenses nouvelles seront compensées par la réduction des dépenses publiques ; je reconnais que cette politique repose sur un pari. Lors de l'Eurogroupe, à Bruxelles, le président de la République s'est clairement engagé à réduire les déficits publics. Si la croissance le permet, nous ramènerons l'endettement à 60 % du PIB en 2010, et je vous rassure, nos voisins n'ont pas été consternés. Nos partenaires, au contraire, ont exprimé leur soulagement, et leur satisfaction de voir la France sur la voie des réformes recommandées par l'Union européenne, la Banque mondiale, l'OCDE, engagées par le Royaume-Uni, le Danemark et les Etats-Unis, et qui devraient faire sauter les verrous qui nous coûtent 1 % de croissance et ajoutent 3 % de chômage.

Quels que soient les doutes que vous entretenez sur les études relatives au marché de l'immobilier, monsieur Delfau, je fais confiance aux chiffres que nous ont fournis la FNAIM, HSBC et Natixis : les avantages que nous proposons sont incitatifs, et de nature à favoriser la croissance et la consommation, mais ils ne seront pas inflationnistes.

J'espère vous avoir rassuré sur le financement de ces mesures, monsieur Vasselle. D'ailleurs, si nous en faisions basculer le financement sur la sécurité sociale, la question ne serait pas réglée pour autant puisque les critères de Maastricht prennent en compte tous les déficits.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Exactement !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Concernant les droits de succession, 95 % des Français en seront exonérés et les 5 % restants touchent les successions les plus importantes, qui continueront à être imposée en vertu du barème actuel.

Monsieur Fourcade, vous avez raison : le déficit des finances publiques est dû, en grande partie, à l'état de défiance actuelle. Le choc de confiance que j'appelle de mes voeux, nous l'observons déjà autour de nous, malgré vos insinuations, madame Bricq. L'indicateur synthétique du climat des affaires dans les services a atteint ce moi-ci son niveau le plus élevé depuis octobre 2000.

Mme Nicole Bricq. - Je les regarde de près !

Mme Christine Lagarde, ministre. - J'y vois là un signe précurseur qui n'est bien sûr pas lié au choc de confiance que nous voulons déclencher mais à une série d'améliorations déjà en cours. Si, d'ici douze à vingt-quatre mois, nous observons une augmentation régulière de la croissance, une baisse constante du chômage comme cela est déjà le cas depuis vingt-quatre mois, nous aurons gagné notre pari.

De même, si nous observons une augmentation significative de nos exportations et un fort développement des investissements étrangers, le pari aura été gagné.

Certains ont évoqué un discours que j'ai tenu la semaine dernière, devant une autre assemblée ; je le revendique, mais j'ai aussi le goût du renouveau. Je crois à une économie pragmatique et non idéologique, à une économie au service de l'individu et de son développement, à un capitalisme participatif et régulé où l'État joue son rôle, tout son rôle, mais rien que son rôle.

Ce texte privilégie la liberté. Nous n'avons pas modifié la loi sur les 35 heures : ceux qui souhaitent bénéficier des accords de modulation le pourront, mais ceux qui voudront faire des heures supplémentaires le pourront aussi et seront incités à le faire. Liberté encore de choisir entre la prime pour l'emploi et l'exonération fiscale pour les étudiants, entre le prêt à taux zéro et le crédit d'impôt, entre le paiement de l'ISF et l'investissement dans une PME ou le don à d'autres que soi. Ce projet de loi, comme les textes qui suivront sur la modernisation de l'économie, la réforme des prélèvements obligatoires ou la révision des politiques publiques, a pour objectifs la confiance, la croissance et l'emploi. Il doit permettre à notre pays de bien se placer dans la course économique mondiale. (Applaudissements à droite)

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Je remercie le président et le rapporteur général de la commission des finances du soutien qu'ils ont apporté au RSA. La discussion de ce dispositif au sein d'un texte plus large permet de dépasser le strict cadre social dans lequel on débat d'ordinaire des minima sociaux. Je veux aussi rassurer M. Vasselle : nous ne travaillons pas qu'avec des départements ou des territoires où tout va bien ; et l'évaluation des expérimentations est extrêmement rigoureuse, menée par des experts reconnus, appuyée sur des territoires témoins pour éviter les biais. Cette démarche est sans précédent. C'est dire qu'au moment de passer à l'étape suivante, nous disposerons de données fiables et contrôlables.

Je dis volontiers que je reviendrai devant le Parlement d'ici un an ; mais on relève que l'expérimentation est prévue sur trois ans. MM. Adnot et Cazeau, Mme Beaufils se sont inquiétés de possibles inégalités entre les territoires et les populations. C'est pour cela que j'entends aller vite. Les territoires peuvent en effet s'engager sur trois ans, cela donne de la visibilité à tous ; mais parallèlement on évalue, on voit si les données collectées la première année sont pertinentes, le processus n'est pas figé. Il faut à la fois imaginer rapidement les étapes suivantes et faire vivre les expérimentations.

Je veux rassurer Mme Bricq sur la prime pour l'emploi ; compte tenu de sa dilution, celle-ci se monte à 39 euros par mois et par personne.

Mme Nicole Bricq. - Elle a été détournée ! Elle est devenue un instrument de pouvoir d'achat !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Nous allons voir comment l'intégrer au RSA et lui faire retrouver sa vocation originelle.

Mme Nicole Bricq. - Il faut qu'elle vienne en plus !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - Comme l'a relevé la Cour des comptes, le rapport entre son coût budgétaire et son efficacité en termes de pouvoir d'achat est insupportable.

M. Guy Fischer. - Dites clairement que vous allez la supprimer !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. - M. Adnot a souligné la difficulté des relations avec les allocataires du RMI ; mais il faut parler des conditions de leur accompagnement. J'ai vu des gens qu'on n'avait pas rencontrés depuis trois ou quatre mois ! Comment voulez-vous que la logique droits-devoirs leur parle ? J'ai vu des gens auxquels on n'a expliqué cette logique qu'après des mois de versement de l'allocation, parce qu'entre-temps il avait fallu trier, vérifier, compter. On s'énerve une heure après que son portable est tombé en panne ; imaginez, après trois ou quatre mois de non-versement des allocations ! Le mécanisme du RSA est plus direct, plus fluide ; et surtout l'accompagnement est effectif au premier jour, on peut parler d'emploi et d'avenir tout de suite !

Je remercie M. Delfau ; l'expérience de « RMA plus » que mène son département m'intéresse beaucoup. C'est tout l'intérêt de l'expérimentation.

Le président Cazeau a émis des doutes, s'est interrogé, a évoqué des zones d'ombre et de lumière. Je le lui dis clairement : le gouvernement jouera franc jeu et tiendra ses engagements financiers. Chacun pourra le vérifier puisque les 25 millions prévus pour 2008 seront inscrits dans un programme spécifique. Nous ne tricherons pas, parce que nous pensons déjà aux étapes suivantes. La transparence est indispensable : elle sera au rendez-vous.

Nous avançons vite, non pas de façon artificielle mais en mobilisant tous les acteurs ; je peux vous dire que partout où nous avons commencé, tout le monde se retrouve sans difficulté autour de la table, parce que tout le monde y croit. Nous allons vite, parce que nous voulons vite franchir d'autres marches, afin que les minima sociaux ne soient pas des maxima pour le plus grand nombre. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission. - La commission des finances se réunira à 21 h 45 pour examiner de nouveaux amendements du gouvernement.

La séance est suspendue à 20 heures.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance est reprise à 22h10.

Commissions (Candidatures)

M. le président. - Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques et une candidature pour la commission des affaires culturelles. La Présidence n'ayant reçu aucune opposition, je proclame M. Alain Le Vern membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par M. Jean-Marie Bockel, dont le mandat de sénateur a cessé, et M. Jacques Muller membre de la commission des affaires économiques, en remplacement de M. Alain Le Vern, démissionnaire.

Travail, emploi et pouvoir d'achat (Urgence - Suite)

M. le président. - Nous reprenons la discussion du projet de loi adoptée par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence en faveur travail de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Motion tendant à opposer la question préalable

M. le président. - Motion n°58, présentée par M. Foucaud et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007).

Mme Annie David. - Peu après l'adoption de ce texte à l'Assemblée nationale, un sixième salarié de PSA Mulhouse, victime du stress professionnel, a mis fin à ses jours. Le lendemain, une salariée du siège social d'Areva se suicidait à son tour. Il y a quelques mois le suicide d'un autre salarié a été reconnu comme accident du travail.

La multiplication de ces évènements mériterait un instant de recueillement, parce qu'elle illustre à quel point certains discours portant sur l'insuffisant engagement des salariés dans leur vie professionnelle, sont frappés d'une méconnaissance des réalités !

Les libéraux bien-pensants voudraient aller plus loin dans la précarisation du travail et les allègements fiscaux. Nous sommes confrontés à un texte idéologique, à un texte de classe, destiné à satisfaire une infime minorité de partisans du président de la République. Cela se situe dans le droit fil de ce qui a été fait depuis cinq ans : où est la rupture ?

Les allègements d'impôts profiteront surtout aux plus gros contribuables : les cercles les plus rétrogrades de la bourgeoisie française seront contents.

M. Josselin de Rohan. - Quelle modération...

Mme Annie David. - Ils pourront optimiser leurs patrimoines.

M. Jean Desessard. - Bonne analyse.

Mme Annie David. - En 2005, les droits de succession ont atteint 7,4 milliards d'euros et les donations 1,4 milliard mais on a perçu 530 millions sur les donations en Ile-de-France : la région capitale fournit le tiers de ces droits. Paris, les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine, le Rhône, le Var, les Alpes-Maritimes et la Gironde comptent parmi les plus gros départements pour leur collecte. Les gros patrimoines sont clairement localisables et leur localisation recoupe celle de l'ISF. Encore leur concentration à Paris se réalise-t-elle plutôt au Palais-Royal qu'à la Goutte d'Or.

L'allègement de l'impôt va surtout profiter à des ménages qui n'ont pas besoin qu'avec sollicitude on leur offre une remise de 30 000 euros sur les droits de succession. Certes, la formulation choisie suggère que vous visez les couches moyennes mais les dynasties profiteront de substantielles réductions d'impôts. Il y aura plus de droits pour les petites successions et moins pour les grosses.

M. Henri de Raincourt. - Ce n'est pas vrai.

Mme Annie David. - Où est l'égalité devant l'impôt ? Vous réformez une nouvelle fois l'ISF dont la disparition est programmée sans qu'on le dise car cela ferait mauvais effet.

Mme Annie David. - L'ISF s'élève en moyenne à 8 000 euros. La mesure proposée équivaut à une liquidation pure et simple de l'ISF : pour atteindre 50 000 euros à ce titre, il faut un patrimoine de 5,7 millions d'euros. De nouveau, on feint de répondre aux angoisses des petits contribuables à l'ISF par une mesure qui profitera surtout aux plus riches. Dans l'hypothèse où les contribuables choisiraient de financer les PME, celles-ci ne recevraient que 3,2 milliards, bien loin de leurs besoins de financement. Pourquoi avancer masqué et ne pas proposer d'abroger l'ISF ?

M. Josselin de Rohan. - Déposez un amendement.

M. Henri de Raincourt. - Ne vous gênez pas.

Mme Annie David. - Avec un bouclier fiscal ramené à 50 %, ce sera le beurre et l'argent du beurre. L'examen des premiers dossiers est sans équivoque : le bouclier fiscal équivaut à une réduction de l'ISF car c'est cet impôt qui permet d'atteindre le seuil. L'impôt des multipropriétaires de Paris, Lyon ou Bordeaux baissera... mais pas les loyers. Avec un taux de 50 %, les plus riches seront en situation de se faire rembourser leur légitime contribution à la sécurité sociale. Quelle rupture de l'égalité devant l'impôt et du pacte républicain ! Le bouclier fiscal rétablit les privilèges abolis il y a plus de deux siècles.

Contrairement au revenu de solidarité active de M. Hirsch qui sera expérimenté, on ne dispose pas de la moindre évaluation et devant le faible nombre de contribuables qui ont sollicité son bénéfice, l'administration doit, effort surréaliste !, écrire à tous les assujettis pour les inviter à le faire.

Que pèsent, à côté, la déductibilité des intérêts d'emprunts immobiliers et la défiscalisation des heures supplémentaires, ces autres mesures phares ? Et je ne parle pas du revenu de solidarité active, raccroché au paquet fiscal pour des raisons d'affichage politique. Il fallait cacher l'indécente primauté accordée aux plus gros patrimoines et aux plus hauts revenus. A la stupéfaction générale, le gouvernement s'est en effet rendu compte qu'il n'y avait que 120 000 successions imposables l'an et 400 000 assujettis à l'ISF mais 20 millions de salariés, pour lesquels il faudrait peut-être faire quelque chose. On a donc mis en place d'une part un dispositif poussant à l'intensification du travail et aggravant sa pénibilité, d'autre part un mécanisme asservissant les ménages salariés aux établissements financiers. Vous ne distribuez pas du pouvoir d'achat aux salariés, vous renforcez leur exploitation.

De cette société qui allège l'impôt des plus riches et renforce les contraintes qui pèsent sur le plus grand nombre, nous ne voulons pas. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je pourrais reprendre chacun de vos arguments....

M. Charles Gautier. - Faites-le.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - ... mais la commission a correctement fait son travail, en examinant le texte article après article et en adoptant des amendements pour le parfaire. Elle souscrit à l'orientation du projet. Nous nous tenons loin des caricatures d'un autre temps que vous nous avez présentées et je ne veux pas tomber dans le piège d'une controverse idéologique. Je suis très impatient d'examiner concrètement les articles et, pour cela, il faut rejeter cette motion.

M. Charles Gautier. - Cela manque d'arguments.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis que la commission.

M. Bernard Vera. - Le choc fiscal que vous nous proposez serait destiné à rétablir la confiance pour relancer la croissance mais le doute est largement répandu sur la pertinence du dispositif.

Dans La Tribune, Patrick Artus écrit : « La défiscalisation des heures supplémentaires fait apparaître à la fois des effets d'aubaine et d'éviction. Des heures supplémentaires qui auraient été de toute manière effectuées vont être défiscalisées, ce qui est bien un effet d'aubaine. La substitution d'heures supplémentaires aux nouvelles embauches est bien un effet d'éviction. Dans le cas de la déductibilité des intérêts d'emprunt, il apparaît potentiellement un important effet d'aubaine pour tous les achats immobiliers qui auraient été réalisés sans cette mesure.

Quant à Thomas Piketty...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Que voilà un illustre économiste ! Le conseiller de Mme Royal ...

M. Bernard Vera. - ... il indique : « Le paquet fiscal coûte extrêmement cher, probablement 15 à 20 milliards, et ne se justifie pas du point de vue économique. On va dépenser 6 milliards, en pur effet d'aubaine sur les heures supplémentaires, tout en créant une énorme niche fiscale. Notre système fiscal, déjà injuste et opaque, n'en avait pas besoin. »

Jacques Le Cacheux précise que « ne pas taxer le patrimoine nuit à la mobilité sociale » et souligne le « caractère néfaste pour le dynamisme de l'économie de l'inertie des situations acquises et d'une économie de rentiers. »

Le gouvernement, au lieu de créer les conditions d'une croissance économique saine et durable, préfère répondre dans l'immédiat aux attentes d'une frange extrêmement limitée de la population, la plus fortunée. Ce paquet fiscal est à mille lieues d'une réforme qui ferait de la fiscalité un outil de la croissance.

Les allégements fiscaux ont un coût immédiat, celui de la réduction drastique de la dépense publique. Le rapport est sans équivoque là-dessus : les moins-values de recettes doivent être compensées par des réductions de dépenses à due concurrence !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - C'est leur grande vertu !

M. Robert Bret. - Pour qui ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pour réduire la dépense publique.

M. Bernard Vera. - Imaginez que l'effet d'éviction joue à plein et que les entreprises décident d'utiliser le plafond existant en matière d'heures supplémentaires. Ce ne serait pas 6 milliards d'euros de moins-values fiscales et sociales que nous aurions mais 12, 15, voire 20. Où trouver l'argent? Allez expliquer que, pour réduire l'impôt sur la fortune de quelques milliers de privilégiés et restaurer la rentabilité financière des entreprises, il faudra réduire les crédits pour rénover les cités HLM...

M. Josselin de Rohan. - Ça commence !

M. Bernard Vera. - ... fermer les écoles,

M. Henri de Raincourt. - Ça continue !

M. Bernard Vera. - ...dissoudre les juridictions d'instance dans un certain nombre de sous-préfectures, réduire les crédits destinés au financement des transports ferroviaires...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Pleurons ensemble !

M. Bernard Vera. - ... remettre en cause les aides directes à l'agriculture. Votez ce texte, mais ne venez pas ensuite vous plaindre amèrement de la réduction de la dépense publique au détriment de ceux qui n'auront pas fait jouer le bouclier fiscal ou la défiscalisation des heures supplémentaires parce que leur salaire est trop faible pour qu'ils soient concernés par ces dispositifs.

Demandez-vous seulement combien coûtera à la collectivité nationale de laisser 40 000 jeunes sans emploi.

M. Josselin de Rohan. - Ce n'est plus une explication de vote, c'est un discours !

M. Michel Charasse. - Une explication de vote à 15 milliards !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Treize !

M. Bernard Vera. - Hier, le président Arthuis « exprimait un doute sérieux » sur le « choc de confiance et de croissance » que le gouvernement attend de ce projet de loi ; dans un quotidien économique, il se dit « réservé » sur la déductibilité des intérêts d'emprunt, sur la défiscalisation massive des mutations, sur l'extension et le renforcement du bouclier fiscal.

Il vous reste donc à voter cette question préalable !

La motion n° 58 n'est pas adoptée.

Articles additionnels

M. le Président. - Amendement n°59, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Avant l'article premier, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » est abrogée.

Mme Annie David. - Un tel débat ne peut se dispenser de porter également sur la question essentielle de la qualité des relations contractuelles de travail.

Créé par ordonnance au milieu de l'été 2005, le contrat nouvelle embauche participe d'une entreprise de destruction sans précédent du code du travail. Il contrevient directement à la Charte sociale européenne et à la Convention 158 de l'Organisation internationale du travail. La Cour de cassation s'est estimée compétente pour apprécier cette convention et le récent jugement de la cour d'appel de Paris va dans le même sens.

De plus, ce contrat fait de la France le pays européen où le marché du travail devient le plus déréglementé et le moins protecteur pour ses salariés. Il n'a pas fait la preuve de son effectivité économique, puisqu'il s'est substitué à des embauches qui auraient été effectuées. Il n'a eu pour effet que d'augmenter les recours devant les prud'hommes. Les entreprises sont de plus en plus méfiantes comme le prouve la très sensible réduction du nombre de contrats signés. Le CNE méconnaît certains droits élémentaires du travailleur, allant même jusqu'à les mépriser.

En permettant un retour au contrat journalier qui dominait jusqu'au début du XXe siècle, le CNE balaie deux siècles de progrès en matière du droit du travail, deux siècles qui avaient d'abord vu disparaître le contrat de louage de services, puis reculer le contrat journalier au profit de contrats plus longs jusqu'à ce que le CDI soit instauré comme norme en 1979. Cette désorganisation sans précédent des rapports salariaux, au profit exclusif des entrepreneurs n'est pas acceptable.

M. le Président. - Amendement identique n°162, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail nouvelles embauches est abrogée.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Nous n'avons pas voulu risquer de décevoir le Sénat en omettant de saisir l'occasion qui nous est offerte de demander l'abrogation du contrat nouvelle embauche. Nous avions indiqué les raisons, juridiques et sociales, qui nous faisaient rejeter ce nouveau type de contrat. L'avenir nous a donné raison. Le gouvernement de M. de Villepin, puis celui de M. Fillon vont de déboire en déconvenue sur cette affaire. Personne -pas même le Medef- ne demandait officiellement l'introduction de cet Ovni juridique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Le patronat n'est pas toujours courageux...

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Le CNE n'a fait l'objet d'aucune concertation, il a suscité l'opposition des syndicats unanimes. Il a provoqué des recours devant les tribunaux, qui ont abouti aux décisions que chacun connaît. La ville de Longjumeau y a d'ailleurs gagné une nouvelle célébrité, après celle qu'elle devait à son postillon. Malgré les manoeuvres du précédent gouvernement pour donner compétence au juge administratif pour juger de CNE, le tribunal des conflits a donné compétence au juge judiciaire. La cour d'appel de Paris confirme que le CNE est contraire à la Convention 158 de l'OIT.

Voilà pour le droit. Disons aussi un mot des faits et de la brillante réussite de cette opération. En 2006, il y a eu dix-sept millions d'intentions d'embauche, dont 505 000 en CNE. Le CNE a représenté 7,3 % des embauches dans les petites entreprises l'an passé. Mais, sur ces 7,3 %, le CNE ne représente que 10 % des créations nettes de postes. De surcroît, 50 % des salariés embauchés en CNE ne sont plus dans l'entreprise un an après. Autrement dit, le CNE couvre 90 % des embauches de substitution de CDI ou même de CDD. Sur le plan de l'emploi, il n'a rien apporté. Il n'est qu'un contrat précaire, le plus précaire de toute la panoplie préexistante. II serait donc plus raisonnable de l'abroger purement et simplement. Si une réflexion doit avoir lieu sur le contrat de travail, elle doit passer par un vrai dialogue social, avec l'ensemble de syndicats.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce projet de loi est un texte fiscal.

M. Henri de Raincourt. - Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Par conséquent, tous les amendements qui visent à modifier le droit du travail seront rejetés par la commission. De surcroît, abroger brutalement le CNE comme vous le proposez reviendrait à laisser des dizaines de milliers de personnes sans travail.

M. Jean Desessard. - Sans contrat, pas sans travail !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Monsieur Desessard, être social, c'est d'abord donner du travail, et non créer de la précarité ! (Applaudissements à droite)

M. Charles Gautier. - Vous fabriquez des otages !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Je partage l'avis du rapporteur général. J'ajoute que, pour modifier le droit du travail, il faut désormais, selon la loi du 30  janvier 2007, procéder à une négociation préalable. En outre, on ne peut affirmer que le CNE est contraire à la Convention 158 de l'OIT tant que la décision de la Cour d'appel de Paris n'aura pas été confirmée et que le BIT ne se sera pas prononcé. Enfin, les partenaires sociaux, depuis le 4 juillet dernier, se penchent sur la sécurisation des parcours professionnels et auront le loisir de discuter des vertus et des inconvénients de chaque contrat de travail. Retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement n°59, identique à l'amendement n°162, n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°154, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le refus du salarié d'exécuter des heures supplémentaires à l'initiative de son employeur ne peut être considéré comme une faute ou un motif de licenciement. »

M. Jean Desessard. - Le régime des heures supplémentaires ne doit pas être contraignant pour le salarié. Avec cet amendement, nous proposons d'élargir une disposition du code du travail qui prévoit que le refus d'effectuer des heures supplémentaires, au-delà des limites fixées par le contrat, ne peut être considéré comme une faute grave ou un motif de licenciement. Je ne comprendrai pas que mon amendement soit rejeté : M. Sarkozy a focalisé sa campagne présidentielle sur la liberté de travailler, autrement dit le droit de travailler ou non !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. - Il ne faut pas confondre heures complémentaires et heures supplémentaires !

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Défavorable : cet amendement vise à modifier le droit du travail.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. De plus, l'organisation du travail et, partant, la fixation des heures supplémentaires relèvent des prérogatives du chef d'entreprise. (Exclamations à gauche) Si les heures supplémentaires prennent un caractère permanent, le salarié a déjà les moyens légaux de les refuser.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°165, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 212-6-1 du code du travail est abrogé.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Il faut supprimer cette bizarrerie juridique que sont les heures choisies. Pensez-vous que les salariés, surtout dans les PME, font la différence entre heures supplémentaires et heures choisies ? Au reste, pourquoi avoir créé ce dispositif quand le contingent annuel des heures supplémentaires avait été porté à 220 en 2004 et qu'un salarié effectue en moyenne 55 heures supplémentaires par an ? En définitive, n'a-t-il pas été conçu pour les secteurs du BTP, de la restauration et des transports qui peinent à recruter ? Ces heures choisies, limitées à 48 heures par semaine ou 44 heures en douze semaines sans être assorties d'un repos compensateur obligatoire, font courir de graves risques à la santé et à la sécurité des salariés et peuvent à terme creuser le déficit de la branche accident du travail-maladie professionnelle de l'assurance maladie alors que d'autres désespèrent de trouver un emploi. Ce système incohérent relève du bricolage idéologique précipité, et non d'une politique réfléchie de l'emploi.

L'amendement n°165, repoussé par la commission et le gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°163, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 220-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en jours au sens du III de l'article L. 212-15-3 du code du travail bénéficient d'un repos quotidien d'une durée de treize heures consécutives. »

Mme Patricia Schillinger. - Ce texte va aggraver la situation des travailleurs soumis au forfait annuel en jours. Au reste, le comité européen des droits sociaux a confirmé que ce système du forfait est contraire à la Charte sociale européenne que la France a ratifiée. Pour des conditions de travail tolérables, nous proposons de porter le repos quotidien à treize heures consécutives au lieu de onze.

M. Philippe Marini, rapporteur général - A mon grand regret, avis défavorable pour les mêmes raisons.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis.

L'amendement n°163 n'est pas adopté.

M. Jean Desessard. - Quel beau débat ! (Rires)

M. le président. - Amendement n°164, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le début du deuxième alinéa de l'article L. 221 4 du code du travail est rédigé comme suit :

« Les salariés ayant conclu une convention de forfait annuel en jours au sens du III de l'article L. 212 15 3 du code du travail,... (le reste sans changement)

Mme Patricia Schillinger. - Même logique : les salariés au forfait en jours doivent bénéficier de 48 heures de repos consécutifs, au lieu de 36 heures aujourd'hui.

Depuis 2003, sous l'impulsion de votre politique de flexibilité et du développement des nouvelles technologies, les forfaits, réservés aux cadres autonomes, ont été étendus à de nombreux salariés et le travail nomade s'est généralisé. Les salariés n'en peuvent plus, ce dont témoigne la sinistre actualité des usines automobiles. Faire miroiter une augmentation de revenu n'empêchera pas que les travailleurs, y compris les cadres, « décrochent ». Mais vous persistez à insinuer que nos compatriotes sont des fainéants et à mener une politique de régression sociale qui consister à faire travailler les salariés au-delà de leur capacités pour gagner une aumône tout en offrant 15 milliards de cadeaux fiscaux aux plus riches ! (M. Jean Desessard et Mme Gisèle Printz applaudissent.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. - L'opposition a tort d'oublier le mécontentement éprouvé par un grand nombre de personnes, en 2002, du fait de la perte de pouvoir d'achat consécutive aux 35 heures, ce qui a été pour beaucoup dans l'échec de Lionel Jospin à la présidentielle de 2002. Tout ce que vous dites va contre les principes que nous défendons, l'initiative et la responsabilité, tout ce que vous dites, en tentant de nous tirer les larmes des yeux avec des accents à la Zola -un Zola de bas étage- tout cela n'est pas de nature à favoriser un vrai débat. Notre intention n'est pas de réformer le code du travail, mais de créer un cadre économique et social propice à la croissance et à l'entreprise. Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. Cet amendement modifierait le code du travail et introduirait une discrimination entre les salariés au forfait et les autres.

M. Jean Desessard. - Pour une fois, je suis partiellement d'accord avec le rapporteur général : en 2002 le partage du travail a été mal accepté, mais uniquement parce qu'il n'était pas couplé avec un partage des richesses. C'est pourquoi toute amélioration du code par le partage du travail doit être liée à un partage des richesses par le biais d'une réforme fiscale.

L'amendement n°164 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°166 rectifié, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 % pour les huit premières heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire ou pour les trente quatre première heures de la durée mensuelle fixée au contrat. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 % ».

II. 1° La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

2° La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Bariza Khiari. - Je connais d'avance le sort de mon amendement mais aucun combat n'est gagné s'il n'est pas mené. D'autant que cet amendement se situe dans la logique du rapport de Mme Gautier, présidente de notre Délégation aux droits des femmes, relatif à l'égalité salariale.

Il n'existe aucune justification à ce que les heures complémentaires des salariés à temps partiel ne bénéficient pas de la même majoration que les heures supplémentaires des salariés à temps complet. Et cela d'autant plus que les salariés à temps partiel sont en majorité des femmes qui assument souvent des charges de famille et souhaitent allonger leur temps de travail pour gagner plus. (Applaudissements sur les bancs socialistes).

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable à cet amendement qui va contre les objectifs du projet de loi et modifie le code du travail.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis. Mais il serait faux de dire que ce régime des heures supplémentaires ne concerne pas les temps partiels. Au-delà des heures supplémentaires prises en compte par l'article L-212-4.4, le nouveau régime s'applique.

M. Gérard Delfau. - Merci, madame la ministre, de nous répondre, contrairement au rapporteur général qui ne veut pas entendre ce qui fait le fond du débat. Votre réponse illustre bien la complexité de cet article premier, qui est telle, que je suis bien incapable de savoir si votre argumentation est, ou non, pertinente. J'ai cependant le sentiment que la question est importante et qu'elle devra trouver une réponse, soit dans ce texte, soit dans le projet de loi auquel vous dites songer.

Mme Annie David. - Si je vous comprends bien, madame la ministre, les heures complémentaires effectuées au-delà de 10 % d'un contrat à temps partiel seront rémunérées à 125 % ?

Mme Christine Lagarde, ministre. - C'est cela : dans un contrat de 20 heures, dix pour cent, c'est-à-dire deux heures, seront rémunérées comme les autres mais, à partir de la 23 ème, les heures complémentaires seront majorées de 25 %.

L'amendement n°166 rectifié n'est pas adopté.

Article 1er

I. - Après l'article 81 ter du code général des impôts, il est inséré un article 81 quater ainsi rédigé :

« Art. 81 quater. - I. - Sont exonérés de l'impôt sur le revenu :

« 1° Les salaires versés aux salariés au titre des heures supplémentaires de travail définies au premier alinéa des articles L. 212-5 du code du travail et L. 713-6 du code rural, au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail, au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural et au I et au premier alinéa du II de l'article L. 212-9 du code du travail, des heures choisies mentionnées aux articles L. 212-6-1 du même code et L. 713-11-1 du code rural, des heures considérées comme des heures supplémentaires en application du cinquième alinéa de l'article L. 212-7-1 du code du travail et du cinquième alinéa de l'article L. 713-8 du code rural, et, pour les salariés relevant du II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, des heures effectuées au-delà de 1 607 heures, ainsi que des heures effectuées en application du troisième alinéa de l'article L. 212-4-7 du même code.

« L'exonération mentionnée au premier alinéa est également applicable à la majoration de salaire versée, dans le cadre des conventions de forfait annuel en jours mentionnées au III de l'article L. 212-15-3 du code du travail, en contrepartie de la renonciation par les salariés, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné au premier alinéa du même III, à des jours de repos dans les conditions prévues à ce même alinéa ; elle s'applique de même, dans les entreprises de vingt salariés au plus, aux salaires versés en application du II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, permettant aux salariés de renoncer à une partie des journées ou demi-journées de repos accordées en application de l'article L. 212-9 du code du travail ou du III de l'article L. 212-15-3 du même code ou d'effectuer des heures au-delà de la durée prévue par la convention de forfait conclue en application des I ou II de l'article L. 212-15-3 du même code ;

« 2° Les salaires versés aux salariés à temps partiel au titre des heures complémentaires de travail définies aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-4-3 et au premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail ou définies à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 212-4-3 du même code applicable à la date de publication de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail ;

« 3° Les salaires versés aux salariés par les particuliers employeurs au titre des heures supplémentaires qu'ils réalisent ;

« 4° Les salaires versés aux assistants maternels régis par les articles L. 421-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles et par les articles L. 773-1 et suivants du code du travail au titre des heures supplémentaires qu'ils accomplissent au-delà d'une durée hebdomadaire de quarante-cinq heures ou au titre des heures complémentaires, au sens de la convention collective qui leur est applicable, qu'ils accomplissent ; 

« 5° Les éléments de rémunération versés aux agents publics titulaires ou non titulaires au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires qu'ils réalisent ou du temps de travail additionnel effectif ;

« 6° Les salaires versés aux autres salariés dont la durée du travail ne relève pas des dispositions du chapitre II du titre Ier du livre II du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural au titre, selon des modalités prévues par décret, des heures supplémentaires ou complémentaires de travail qu'ils effectuent.

« II. - L'exonération prévue au premier alinéa du I s'applique :

« 1° Aux rémunérations mentionnées aux 1° à 4° et au 6° du I et, en ce qui concerne la majoration salariale correspondante, dans la limite :

« a) Des taux prévus par la convention collective ou l'accord professionnel ou interprofessionnel applicable ;

« b) À défaut d'une telle convention ou d'un tel accord :

« - pour les heures supplémentaires, des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus aux I de l'article L. 212-5 du code du travail et de l'article L. 713-6 du code rural ;

« - pour les heures complémentaires, du taux de 25 % ;

« - pour les heures effectuées au-delà de 1 607 heures dans le cadre de la convention de forfait prévue au II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, du taux de 25 % de la rémunération horaire déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle et le nombre d'heures de travail prévu dans le forfait ;

« - pour les forfaits mentionnés au second alinéa du 1° du I du présent article, de 25 % de la rémunération journalière déterminée à partir du rapport entre la rémunération annuelle et le nombre de jours de travail prévu dans le forfait ;

« 2° Aux rémunérations mentionnées au 5° du I dans la limite des dispositions applicables aux agents concernés.

« III. - Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l'employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail.

« Les I et II ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d'autres éléments de rémunération au sens de l'article 79, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités.

« De même, elles ne sont pas applicables :

« - à la rémunération des heures complémentaires lorsque ces heures sont accomplies de manière régulière au sens du septième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail et ne sont pas intégrées de manière définitive à l'horaire contractuel de travail ;

« - à la rémunération d'heures qui n'auraient pas été des heures supplémentaires sans abaissement, après le 27 juin 2007, de la durée maximale hebdomadaire ou du plafond mentionnés au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail et au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural ou du plafond mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 212-9 du code du travail ;

« - à la rémunération d'heures supplémentaires mentionnées au quatrième alinéa de l'article L. 212-8 du code du travail ou au dernier alinéa de l'article L. 713-15 du code rural et effectuées, le cas échéant, au-delà du plafond fixé par un accord d'entreprise ou d'établissement et en deçà de 1 607 heures dans des entreprises ou des établissements pour lesquels ces accords ont été conclus après le 27 juin 2007. 

« IV. - Supprimé.................................................................. »

II. - Dans le troisième alinéa du 1 de l'article 170 et dans le c du 1° du IV de l'article 1417 du même code, avant la référence : « 81 A », est insérée la référence : « 81 quater, ».

III. - Après le e du 3° du B du I de l'article 200 sexies du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les revenus exonérés en application de l'article 81 quater sont retenus pour l'appréciation du montant des revenus définis au a. »

IV. - Après l'article L. 241-16 du code de la sécurité sociale, sont insérés deux articles L. 241-17 et L. 241-18 ainsi rédigés :

« Art. L. 241-17. - I. - Toute heure supplémentaire ou complémentaire ou toute autre durée de travail effectuée, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit, dans les conditions et limites fixées par cet article, à une réduction de cotisations salariales de sécurité sociale proportionnelle à sa rémunération, dans la limite des cotisations et contributions d'origine légale ou conventionnelle rendues obligatoires par la loi dont le salarié est redevable au titre de cette heure. Un décret détermine le taux de cette réduction.

« Le premier alinéa est applicable aux heures supplémentaires ou complémentaires effectuées par les salariés relevant des régimes spéciaux mentionnés à l'article L. 711-1 du présent code dans des conditions fixées par décret compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les personnes relevant de ces régimes et dans la limite mentionnée au premier alinéa.

« II. - La réduction de cotisations salariales de sécurité sociale prévue au I est imputée sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale dues pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peut dépasser ce montant.

« III. - Le cumul de la réduction prévue au I avec l'application d'une exonération totale ou partielle de cotisations salariales de sécurité sociale ou avec l'application de taux réduits, d'assiettes forfaitaires ou de montants forfaitaires de cotisations ne peut être autorisé, dans la limite mentionnée au premier alinéa du I, que dans des conditions fixées par décret compte tenu du niveau des cotisations dont sont redevables les salariés concernés.

« IV. - Le bénéfice de la réduction prévue au I est subordonné à la mise à la disposition des agents du service des impôts compétent ou des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 du présent code et à l'article L. 724-7 du code rural, par l'employeur, d'un document en vue du contrôle de l'application des dispositions du présent article dans des conditions fixées par décret. Pour les salaires pour lesquels il est fait usage des dispositifs mentionnés aux articles L. 133-5-3, L. 133-5-5, L. 133-8, L. 133-8-3 et L. 531-8 du présent code et à l'article L. 812-1 du code du travail, les obligations déclaratives complémentaires sont prévues par décret.

« Art. L. 241-18. - I. - Toute heure supplémentaire ou toute autre durée de travail, à l'exception des heures complémentaires de travail définies aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 212-4-3 et au premier alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, effectuée par les salariés mentionnés au II de l'article L. 241-13 du présent code, lorsque sa rémunération entre dans le champ d'application du I de l'article 81 quater du code général des impôts, ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d'un montant fixé par décret. Ce montant peut être majoré dans les entreprises employant au plus vingt salariés.

« II. - Une déduction forfaitaire égale à sept fois le montant défini au I est également applicable pour chaque jour de repos auquel renonce un salarié dans les conditions prévues par le second alinéa du 1° du I de l'article 81 quater du code général des impôts.

« II bis. - Les déductions mentionnées aux I et II sont imputées sur les sommes dues par les employeurs aux organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 du présent code et L. 725-3 du code rural, pour chaque salarié concerné au titre de l'ensemble de sa rémunération versée au moment du paiement de cette durée de travail supplémentaire et ne peuvent dépasser ce montant.

« III. - Les déductions mentionnées aux I et II sont cumulables avec des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale dans la limite des cotisations patronales de sécurité sociale, ainsi que des contributions patronales recouvrées suivant les mêmes règles, restant dues par l'employeur au titre de l'ensemble de la rémunération du salarié concerné.

« Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II du présent article est subordonné au respect des conditions prévues au III de l'article 81 quater du code général des impôts.

« Le bénéfice de la majoration mentionnée au I du présent article est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission, du 15 décembre 2006, concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis.

« IV. - Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné au respect des obligations déclaratives prévues par le IV de l'article L. 241-17. »

V. - L'article L. 241-13 du même code est ainsi modifié :

1° La dernière phrase du premier alinéa du III est complétée par les mots : « les heures supplémentaires étant prises en compte en majorant leur nombre par le taux de la majoration qui est appliqué à leur rémunération, dans la limite des taux de 25 % ou 50 %, selon le cas, prévus au I de l'article L. 212-5 du code du travail et à l'article L. 713-6 du code rural » ;

2° Le V est ainsi modifié :

a) Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° Avec les déductions forfaitaires prévues à l'article L. 241-18 ; »

b) Le 4° est abrogé ;

c) Dans le dernier alinéa, le mot et la référence : « et 2° » sont remplacés par le mot et la référence : « à 3° ».

V bis. - 1. L'article L. 131-4-1 du code de la sécurité sociale, tel qu'il résulte de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail, devient l'article L. 131-4-2 du même code.

2. Le dernier alinéa du IV de l'article L. 131-4-2 du même code, tel qu'il résulte du 1, et la dernière phrase du III bis de l'article L. 241-10 du même code sont complétés par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».

3. Dans le dernier alinéa de l'article L. 241-6-4 du même code, après les mots : « à l'exception », sont insérés les mots : « de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 et ».

4. Le dernier alinéa de l'article L. 241-14 du même code est complété par les mots : « et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».

5. Le IV bis de l'article L. 752-3-1 du même code est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 ».

V ter. - Le sixième alinéa de l'article L. 981-6 du code du travail est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».

V quater. - 1. Le deuxième alinéa du VI de l'article 12 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et le VI de l'article 131 de la loi de finances pour 2004 (n° 2003-1311 du 30 décembre 2003) sont complétés par les mots : « , à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».

2. Le neuvième alinéa du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est complété par les mots : «, à l'exception de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale ».

VI. - Le livre VII du code rural est ainsi modifié :

1° Dans l'article L. 741-4, le mot et la référence : « et L. 241-13 » sont remplacés par les références : «, L. 241-13 et L. 241-18 » ;

1° bis  Le troisième alinéa de l'article L. 741-5 est complété par les mots : « et de la déduction forfaitaire prévue à l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale » ;

2° Dans l'article L. 741-15, les mots : « de l'article L. 241-13 » sont remplacés par les mots : « des articles L. 241-13, L. 241-17 et L. 241-18 » ;

3° Dans le dernier alinéa des articles L. 741-15-1 et L. 741-15-2, la référence : « L. 241-13 » est remplacée par la référence : « L. 241-18 ».

VI bis. -  Le comité d'entreprise ou à défaut les délégués du personnel sont informés par l'employeur de l'utilisation du volume d'heures supplémentaires effectuées par les salariés de l'entreprise ou de l'établissement. Un bilan annuel portant sur l'utilisation du contingent annuel d'heures supplémentaires et de son évolution est transmis à cet effet. 

VII. - Le I de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise est abrogé, ainsi que le III en tant qu'il s'applique au I.

VII bis. - Le décret mentionné au I de l'article L. 241-18 du code de la sécurité sociale peut prévoir une majoration, jusqu'au 31 décembre 2008, du montant de la déduction forfaitaire qu'il fixe pour les entreprises de plus de vingt salariés auxquelles est applicable le régime dérogatoire prévu au II de l'article 4 de la loi n° 2005-296 du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise.

VIII. - Les I à V et le VI sont applicables aux rémunérations perçues à raison des heures de travail accomplies à compter du 1er octobre 2007. Le VII entre en vigueur à la même date.

IX. - Le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur l'évaluation de l'application du présent article avant le 31 décembre 2008. Ce rapport rendra notamment compte :

- de l'évolution du nombre d'heures supplémentaires, complémentaires et choisies constatée à l'échelle nationale et par branche d'activité ;

- de l'impact sur l'économie nationale et les finances publiques de cette évolution ;

- de l'évolution des salaires dans les entreprises selon l'importance de leur recours aux heures supplémentaires, complémentaires et choisies ;

- des conséquences du présent article pour l'État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics en tant qu'employeurs.

X. - Les IV, V, VI, VII et VIII s'appliquent de façon identique à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Mme Annie David. - Cet article consacre le slogan des présidentielles « Travailler plus pour gagner plus » ! Mais quoi de plus normal qu'en travaillant plus, gagner plus ? En réalité, cet article n'est qu'un leurre -qui plus est hypocrite puisque vous prétendez ne pas toucher aux 35 heures- destiné à faire croire aux salariés les plus modestes que vous leur offrez un cadeau inespéré, un véritable pont d'or. En premier lieu, vous présentez la défiscalisation des heures supplémentaires comme juste alors qu'elle est, au contraire, profondément injuste : cette loi n'est pas « destinée à tous ceux qui travaillent, quels que soient leurs revenus » puisqu'elle écarte d'emblée tous les contrats précaires et les salariés qui, percevant un faible salaire, ne sont pas assujettis à l'impôt sur le revenu. Il est vrai qu'en commission, le rapporteur Alain Vasselle m'a assurée que ces salariés auraient aussi un gain, puisqu'ils n'auront pas à payer de cotisations sociales sur leurs heures supplémentaires ! Quel gain formidable ! Et les allégements seront d'autant plus faibles que les salaires seront bas, ce qui privilégiera les plus hauts salaires. Même la Cour des comptes ne vous suit pas : dans son rapport à la Commission des finances de l'Assemblée nationale, non publié mais révélé par la presse en août 2006, elle dénonce la surenchère des politiques d'allégements des charges patronales depuis 2005, très coûteuses et incontrôlées, et elle critique le manque d'évaluation de leur efficacité sur l'emploi.

De plus, le choix de « travailler plus pour gagner plus » n'appartient pas au salarié et, dans certains secteurs d'activités le quota d'heures supplémentaires prévu par la loi n'est même pas utilisé en totalité ! Le scénario KRONENBOURG ne devrait-il pas vous inciter à plus d'humilité ? S'agissant des salariés à temps partiel, je prends acte de l'information que vous venez de nous donner.

Vous affirmez ensuite favoriser l'emploi en faisant travailler plus ceux qui ont déjà un emploi. Autre tromperie et nombreux sont ceux qui vous l'ont dit : syndicats, membres du Conseil d'analyse économique, économistes. Ils jugent cet article contre-productif pour l'emploi, affirmant que vous encouragez les employeurs à avoir recours aux heures supplémentaires plutôt qu'à l'embauche. En commission, M. Vasselle nous a indiqué « que c'est en augmentant la durée moyenne de travail que l'on parviendra à une baisse durable du chômage et à un taux de croissance plus élevé », tout en prétendant qu'il ne s'agissait pas d'idéologie.

Si vous n'exprimez pas là la pensée des tenants du libéralisme le plus classique, cela y ressemble bigrement ! D'après l'INSEE, « le processus de RTT a conduit (...) à un rapide enrichissement de la croissance en emplois, de près de 350 000 postes sur la période 1998-2002, et (...) sans déséquilibre financier apparent pour les entreprises ». Même le Medef parle de 200 000 emplois créés par les 35 heures ! Autre tromperie, vous prétendez faire du salarié « le grand gagnant » mais vous savez que le gain de pouvoir d'achat de quelques-uns sera illusoire et de courte durée ! Les euros supplémentaires, gagnés en travaillant plus, seront aussitôt perdus, non seulement par le blocage du salaire de base, mais également par l'augmentation du coût de la vie, avec notamment de nouvelles franchises médicales : la mise en place d'un « bouclier sanitaire » n'est-elle pas évoquée ?

M. Thierry Repentin. - Eh oui !

Mme Annie David. - Vous nous l'avez dit, ces heures supplémentaires abonderont le revenu fiscal de référence. Avez-vous prévu une étude d'impact pour en vérifier les effets auprès des salariés, en termes d'augmentation du quotient familial ou encore d'exonération de taxe d'habitation ? Le pouvoir d'achat de nos concitoyens sera rogné par des augmentations fiscales inéluctables, car personne ne croit plus au retour de la croissance ! Or, avec une diminution des recettes de l'État, 6 milliards d'euros sur trois ans pour ce seul article en tablant sur un même volume de travail, et plus de 13 milliards d'euros par an sur l'ensemble du texte, ce n'est qu'en réduisant les dépenses ou en créant de nouvelles recettes que votre gouvernement parviendra à limiter les dégâts ! Malgré l'impopularité de votre projet de TVA sociale, nous ne sommes pas dupes du devenir que vous lui réservez, bien que vous soyez contrainte à avancer masquée... Et les réductions de personnel de la fonction publique ne sont pas étrangères à ce texte ! Inévitablement, celles et ceux qui auront cru en vos belles promesses paieront ces défiscalisations !

Mme Bariza Khiari. - La défiscalisation des heures supplémentaires que vous proposez traduit dans le droit du travail, ou plutôt, pardonnez-moi, dans le droit fiscal...

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Eh oui !

Mme Bariza Khiari. - ... votre leitmotiv simple, voire simpliste : « travailler plus pour gagner plus » ! Ce slogan cache un leurre grossier et un danger réel.

Vous ne redonnerez pas de pouvoir d'achat aux salariés et vous le savez. Les heures supplémentaires existent déjà et ne sont que peu utilisées. Votre majorité a déjà relevé le contingent légal d'heures supplémentaires. Pourtant, la durée hebdomadaire du travail est restée stable, et il y a fort à parier que les heures supplémentaires ne seront pas plus utilisées demain ! Si vous aviez voulu réellement donner du pouvoir d'achat aux Français, la mesure la plus simple et la plus juste eût été de donner un réel coup de pouce au SMIC...

M. Josselin de Rohan. - Jospin ne l'a pas fait !

Mme Bariza Khiari. - Votre objectif réel n'est donc pas l'augmentation du pouvoir d'achat des travailleurs, c'est de mettre fin aux 35 heures ! Cela ne créera pas d'emplois. Les employeurs ne seront pas incités à embaucher et les conditions de travail des employés des ouvriers, déjà difficiles, s'en trouveront encore dégradées.

Votre dispositif est également contraire aux principes d'égalité, puisque vous introduisez une discrimination flagrante entre les salariés, selon qu'ils auront ou non la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires. Votre texte est donc inégalitaire, inefficace et coûteux. Les économistes parlent de 6 milliards d'euros à volume constant d'heures supplémentaires. Vous ne pourrez pas continuer à ignorer les contraintes qui pèsent sur nos finances publiques. À terme, il ne fait aucun doute que vos cadeaux fiscaux d'aujourd'hui devront être compensés, soit par une hausse de la TVA, que vous avez déjà évoquée ; soit par de nouvelles restrictions de dépenses, au détriment des services publics.

Vous savez très bien qu'une politique de l'emploi digne de ce nom devrait être fondée sur des objectifs d'insertion dans le marché du travail des populations les plus fragiles : les jeunes, les seniors, les femmes. Cet article révèle la rhétorique simpliste de votre majorité. Nous ne pouvons y adhérer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard. - Vous tentez de justifier la défiscalisation des heures supplémentaires par l'amélioration de la compétitivité des entreprises, cela reste à vérifier ; par l'amélioration de la condition des salariés, et je m'inscris en faux contre cette assertion.

L'incitation aux heures supplémentaires aura pour effet de creuser le déficit budgétaire, ce qui se traduira, pour les salariés, par moins de service public, donc moins de pouvoir d'achat collectif, par le déficit des comptes sociaux, donc moins de prestations.

Votre incitation accroîtra aussi la pénibilité et la souffrance au travail et découragera l'embauche. Faire des heures supplémentaires dévalorise le travail, car cela signifie que les heures de travail normal ne suffisent pas à vivre. Faire des heures supplémentaires ne résoudra pas le problème du chômage, ce qui exigerait d'augmenter globalement le temps de travail effectué, alors que la durée réelle du travail est aujourd'hui de 38,8 heures, en moyenne, pour un emploi à plein temps.

C'est donc un « partage du travail » sauvage qui s'est mis en place : 3 millions de personnes font zéro heure par semaine -les chômeurs- 19 millions travaillent plein pot, et souvent trop, 4 millions sont à temps partiels.

Faire des heures supplémentaires peut être dangereux. L'état de santé au travail se dégrade du fait de l'intensification du travail, d'autant que les personnes qui ont le plus besoin d'une augmentation de salaire sont celles qui effectuent les métiers les plus difficiles.

Pour les écologistes, le travail n'est pas une fin en soi. (M. de Rohan s'exclame) le gouvernement ne veut pas voir que nous ne pouvons pas avoir une croissance exponentielle. Il faut tenir compte des limites de la planète. Vous avez d'un côté le discours du Grenelle et de l'autre le discours économique et social : il faut mettre les deux ensemble...

M. Josselin de Rohan. - Dites-le à vos camarades !

M. Jean Desessard. - Travailler plus pour gagner plus, c'est vivre moins ! Nos concitoyens ont besoin de vivre mieux ! Il y a des augmentations de salaire qui sont synonymes de stress, de dégradation des conditions de travail, des comptes publics, du trou de la Sécu, des services publics et des ressources naturelles...

M. Henri de Raincourt. - Ben voyons !

M. Jean Desessard. - Il doit être aussi question de la définition de la richesse. Notre rapporteur général nous a désigné le paradis européen : la Grèce et ses 2 053 heures de travail par an ! À quand la Chine ? À l'inverse, évitons ce repoussoir de l'Allemagne et de ses 1 437 heures ! La vraie richesse, le vrai confort, c'est quand même de travailler moins !

La première action à mettre en oeuvre, pour que le « travailler plus » aboutisse au « gagner plus », c'est de rémunérer les heures supplémentaires qui ne sont pas payées. Et ce n'est pas la loi qui peut intervenir, mais les inspecteurs du travail, sur le terrain. Or nous n'avons que 1 400 inspecteurs de travail pour 2,5 millions d'entreprises. Il faudrait doubler ou tripler ce nombre. Et les médecins comme les infirmiers des hôpitaux font tant d'heures supplémentaires non payées ! Là encore, il faudrait favoriser la formation, pour qu'il y ait davantage de praticiens de la santé.

En réalité, vous voulez vous affranchir de la loi des 35 heures, les remettre en cause à la carte, selon le bon vouloir du chef d'entreprise.

Mme Nicole Bricq. - Dans votre intervention liminaire, madame la ministre, vous avez beaucoup insisté sur la valeur travail. Je ne refuse pas ce débat, mais je ne pose pas le diagnostic au même endroit que vous. Votre majorité est obnubilée par la « contrainte » des 35 heures. (M. César s'exclame) c'est un mauvais diagnostic. Le problème, nous le savons, c'est celui de la place du facteur travail dans notre appareil productif. C'est le volume global de travail qui est en cause et non pas le nombre d'heures travaillées. Nous savons très bien que c'est au début et à la fin de la vie active qu'il y a le plus de difficultés.

Les jeunes qui vont travailler en Angleterre ne sont pas tous traders. Nous connaissons tant de jeunes filles et des jeunes gens, pas forcément tous diplômés, à qui notre appareil productif français ne fait pas confiance, en particulier à ceux dont la peau est un peu moins blanche que la mienne !

Vous étiez déjà ministre, madame, lorsque vous avez mis en place le contrat senior. Ce fut un échec parce que les entreprises n'y ont pas eu recours : elles ne font pas confiance aux plus de 45 ans, elles ne les forment plus, je sais de quoi je parle ! Elles forcent au départ, parce qu'elles estiment qu'ils coûtent trop cher !

Le coût de la mesure que vous proposez, son périmètre, son impact budgétaire, ne sont pas connus. Nous n'avons pas à ce jour connaissance, dans le détail, de ce que vous allez prendre en compte, je pense notamment aux fonctionnaires. Comment comptabiliser toutes les heures supplémentaires réclamées en paiement par certains corps de la fonction publique d'État ou de la fonction publique hospitalière ?

Il faut dire aussi que les évaluations ont beaucoup varié. L'UMP, pendant la campagne électorale, parlait de 3 milliards. Vous annoncez maintenant 6 milliards sur trois ans. Bercy, plus circonspect, prend en compte les heures supplémentaires, les heures complémentaires et les forfaits en jours. Si le total augmente de 20 %, on arrivera à 7,2 milliards. Et si votre mesure remporte un triomphe avec 30 % d'heures supplémentaires, le coût sera porté à 8 milliards.

M. Jean Desessard. - C'est cher !

Mme Nicole Bricq. - Ceci sans compter les effets d'aubaine ni les risques de fraude, entrepreneurs et salariés pouvant s'entendre sur des volumes d'heures supplémentaires fictifs. L'ACOSS s'inquiète d'un manque à gagner pour la trésorerie de la sécurité sociale qui pourrait atteindre deux mois en raison du délai de mise en place de la compensation.

Dans le même temps, le ministre des comptes publics annonce que l'État payera sa dette de 5,1 milliards à la sécurité sociale d'ici la fin de l'année, ce dont on ne saurait trop le féliciter. Mais ne s'agit-il pas de boucher un trou en en creusant un autre encore plus profond ?

M. Henri de Raincourt. - Le Sapeur Camember ?

Mme Nicole Bricq. - En fait, vous nous présentez une véritable usine à gaz. Avec les 35 heures, vous nous avez reproché d'avoir créé quelque chose d'unique en Europe. Vous faites de même ici !

La plus grande perversité du slogan « Travailler plus pour gagner plus » réside dans la dissimulation des conséquences réelles de cette mesure. Mme la ministre a d'ailleurs déclaré en commission, à l'Assemblée nationale : « On peut parler d'incitation pour les employeurs à recourir aux heures supplémentaires, en particulier pour les bas salaires, dans la mesure où c'est jusqu'à 1,5 SMIC que l'avantage consenti sera supérieur à l'augmentation du coût salarial résultant de la majoration des heures supplémentaires ». En clair, l'employeur aura tout intérêt à recourir aux heures supplémentaires pour les salariés mal payés, plutôt que d'augmenter leurs salaires. Pour les mieux payés, il aura intérêt à maintenir la pression, dans le flou d'un temps de travail extensible et le plus possible forfaitisé.

Ce projet de loi s'inscrit dans la longue liste des mesures conçues pour réduire les salaires.

L'employeur aura tout intérêt à ce que des heures supplémentaires réelles ou fictives, remplacent des augmentations de salaires. Et ce sont les salariés les plus faibles, les plus précaires qui en seront les premières victimes. « Travailler plus pour gagner plus », c'est en fait : « Si votre employeur vous fait travailler plus, c'est qu'il en a besoin ou qu'il y trouve un profit : vous gagnerez peut-être autant, mais pas longtemps ». (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-France Beaufils. - Vous voulez valoriser le travail.

M. Henri de Raincourt. - Très bien !

Mme Marie-France Beaufils. - Pour vous, le bonheur n'est pas dans le pré mais à l'atelier, au bureau, sur le chantier. (On le confirme à droite) Comment expliquer alors la recrudescence du taux de suicides chez les salariés ? Certes, nous ne disposons pas de statistiques mais les exemples rapportés par la presse se multiplient. Individualisation des méthodes de travail, manque de dialogue dans l'entreprise, restructurations menées à la hussarde, précarisation des contrats, stress, concurrence entre les salariés, licenciements, harcèlements sous toutes ses formes expliquent ces suicides au travail.

Alors que les relations dans le travail sont fondées sur la concurrence, vous n'y voyez que relations harmonieuses et solidaires. Ainsi avez-vous déclaré : « J'entends dire, parfois, à propos du travail et de la concurrence qu'il engendre : c'est la guerre de tous contre tous. Voilà un véritable contresens. Car à la guerre, le plus fort soumet le plus faible tandis que, dans les rapports de travail, le plus fort communique de la force au plus faible ». Nous ne devons pas côtoyer les mêmes salariés ! Un habitant de ma commune me faisait récemment part de son expérience de travail à la chaîne. Je puis vous assurer qu'il ne souhaitait pas faire des heures supplémentaires : il n'attendait qu'une chose, que sa journée de travail s'arrête enfin. Savez-vous que le travail à la chaîne engendre de nombreuses maladies professionnelles, et qu'une fois licenciés, ces salariés ne peuvent retrouver un travail ? Les salariés d'une grande brasserie de l'Est se sont ainsi mis en grève lorsqu'on leur a demandé de faire des heures supplémentaires.

Vous dites que le temps moyen travaillé aux Etats-Unis et au Japon est d'environ 15 % supérieur à la France et qu'il nous est impossible de poursuivre ainsi, seuls contre tous. La réalité n'est pas aussi simple. Ainsi, trois cent trente Japonais sont morts ou sont tombés gravement malades à cause du surmenage en 2005. Le ministère de la santé japonais va lancer un programme de réflexion et une campagne d'information pour lutter contre le surmenage. Chez nous, le CNRS reconnaît que 300 à 400 salariés se suicident chaque année sur leur lieu de travail.

M. Novelli, qui connaît bien la centrale nucléaire de Chinon, ne me démentira pas : la demande incessante de productivité y a profondément dégradé les conditions de vie des salariés.

Comme vous, j'aimerais que les salariés s'épanouissent au travail. Malheureusement, la réalité est toute autre. Vous sonnez la charge contre les 35 heures mais vous oubliez de dire que ceux qui travaillent le plus sont souvent ceux qui sont le moins bien payés. Il aurait été plus simple d'augmenter le Smic de façon substantielle ainsi que l'ensemble des salaires qui ont pris beaucoup de retard ces dernières années.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce n'est pas Mme Royal qui a été élue !

Mme Annie David. - Une telle mesure eût été certainement plus efficace ! (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Sur proposition de la commission des finances, il a été décidé d'examiner séparément les amendements de suppression puis les amendements tendant à modifier l'article.

M. le président. - Amendement n°60, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Annie David. - Cet article n'aura aucune efficacité économique ou sociale. Vous dites, Madame la ministre, que votre projet est destiné à « encourager et à valoriser tout au long de leur vie les femmes et les hommes les plus courageux, les plus entreprenants ». Mais certains salariés ne peuvent pas travailler plus ! Ainsi en est-il des parents qui tentent de concilier leur vie professionnelle et familiale. Sont-ils pour autant moins courageux, moins entreprenants ?

Qu'en est il des salariés dont les conditions de travail sont exécrables et qui sont les premières victimes des accidents du travail ? Comment imaginer travailler plus, alors que l'aggravation des conditions de travail a été dénoncée dans un rapport de l'Organisation mondiale de la santé, selon lequel la France arrive au troisième rang mondial, derrière l'Ukraine et les Etats-Unis ?

Qu'en est-il aussi des salariés privés d'emploi ? Ce texte présuppose en effet que le travail est abondant, or nous en sommes loin. Les millions de chômeurs sont-ils « ni courageux, ni entreprenants », sont-ils privés d'emplois parce qu'ils le veulent bien ? Ce retour à l'idéologie du chômage volontaire a des relents nauséabonds insupportables, à l'heure où de nombreuses entreprises se livrent à des licenciements boursiers. Comment « travailler plus pour gagner plus », lorsqu'on est licencié au nom du profit ? L'Isère n'a malheureusement pas été épargnée par la multiplication des plans de licenciements alors que les salariés ne demandaient qu'à poursuivre leur travail.

Filiales du groupe Matussière et Forest, Lancey et Voiron sont actuellement en situation de dépôt de bilan. Un plan social prévoit soixante-et-onze suppressions de postes. Une convention Allocations spéciales du fonds national pour l'emploi (ASFNE) permettrait de sauver une quinzaine d'emplois. Or, cette demande a été rejetée par la Direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Je vous ai écrit et les salariés vous ont sollicitée afin que vous leur accordiez de manière dérogatoire cette convention ASFNE. Allez-vous les aider ?

Nos concitoyens ne veulent pas travailler plus, mais travailler pour vivre bien ! Les profits financiers, qui ont atteint des records en 2006, le permettraient. Or, cet article écarte toute une partie de nos concitoyens qui aspire à vivre dignement de son travail.

On sait enfin que le recours aux heures supplémentaires est de la seule responsabilité des employeurs. (Applaudissements à gauche)

M. le président. - Amendement identique n°102, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Gisèle Printz. - Outre que la réglementation du travail doit avant tout protéger les salariés contre les horaires abusifs, ce ne sont pas eux qui choisissent de travailler en heures supplémentaires. Faute d'activité suffisante, la durée moyenne hebdomadaire de travail est restée stable ces dernières années à 38 heures ; et le nombre d'heures supplémentaires faites est très inférieur au plafond de 220 heures.

Nous voulons supprimer un article qui ne répond pas au choix autonome des salariés, jouera contre l'embauche des chômeurs et ne renforcera pas la lutte contre l'emploi précaire ou le temps partiel contraint. Il n'améliorera pas plus le pouvoir d'achat des salariés, alors que le Smic n'a bénéficié au 1er juillet d'aucun coup de pouce.

Malgré quelques précautions, le risque existe de voir les entreprises substituer des heures supplémentaires fictives à des éléments de rémunération tels que les primes. De plus, la défiscalisation crée des disparités entre salariés dès lors que tous ne seront pas imposés pour un niveau de revenus identique. Et je ne parle pas des ménages non imposables ... Il y a là une atteinte au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt tel que défini par l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme, d'une manière que ne justifient ni la différence de situation des contribuables, ni l'intérêt général. L'article premier est enfin contraire à la notion de progressivité de l'impôt sur le revenu.

Il est ainsi préférable de supprimer un dispositif dont la constitutionnalité est douteuse et la justification économique incertaine.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - La commission adhère aux orientations de l'article premier ; elle ne peut qu'être défavorable aux amendements de suppression.

Je pourrai citer des économistes réputés à l'appui de mon propos, comme d'autres en ont cités à l'appui du leur ; M. Piketty a été évoqué : une de ses thèses constantes est que l'exil des contribuables imposés à l'ISF est une bonne chose ... Je ne le suivrai pas !

Deux approches s'opposent donc : seule la démocratie, donc le vote, peut les départager.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Je rejoins évidemment M. le rapporteur général.

L'objectif de l'article premier est d'encourager le travail afin que le slogan « travailler plus pour gagner plus » devienne réalité. Nous souhaitons relancer l'économie en augmentant les revenus des salariés tout en abaissant le coût, pour l'employeur, du recours aux heures supplémentaires. Notre dispositif, qui nécessite un financement public de 6,6 milliards, est fondé sur deux mécanismes simples. Le salarié bénéficiera d'une réduction de ses cotisations sociales sur toutes les heures supplémentaires effectuées au-delà des 35 heures légales et d'une défiscalisation des rémunérations correspondantes ; l'employeur bénéficiera, de son côté, d'une baisse des cotisations patronales, différenciée selon la taille de l'entreprise.

Aujourd'hui, les heures supplémentaires sont majorées de 10 % dans les entreprises de vingt salariés au plus -de 25 % à compter du 1er janvier 2009- et de 25 % dans les autres. Le texte prévoit que tout le monde passera à 25 % au 1er octobre 2007. Deux abattements forfaitaires de cotisation sont ainsi définis : 0,5 euro par heure supplémentaire dans les entreprises de plus de vingt salariés et 1,5 euro dans celles de moins de vingt salariés, qui devront passer à 25 % plus tôt que prévu. Pour ces dernières, le mécanisme sera pérennisé pour les inciter à grandir et à embaucher. D'ici le 1er janvier 2009, l'abattement compensera le coût supplémentaire jusqu'à 1,45 fois le Smic ; après cette date, l'avantage jouera à plein au-delà de ce seuil.

M. Jean Desessard. - Comme ils sont intelligents, à droite !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Deux éléments viennent compliquer un peu les choses. La prime pour l'emploi sera dégressive lorsque le salarié travaille plus et gagne plus ...

M. Jean Desessard. - Il gagne plus mais il y perd !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Il sera toujours gagnant. Et l'application du coefficient dit Fillon sera neutralisé.

En 2004, 37 % des salariés effectuaient des heures supplémentaires ; et la moyenne 2006 était de 58 heures annuelles. Ce n'est pas rien. Je rejoins toutefois Mme Bricq sur le retard français en termes de volume de travail tout au long de la vie. Le présent texte ne prétend pas régler ce problème. Les partenaires sociaux négocient sur le sujet ; s'ils n'aboutissent pas, nous trouverons une solution législative.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Très bien !

À la demande du groupe C.R.C., les amendements identiques n° 60 et n°102 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 318
Majorité absolue des suffrages exprimés 160
Pour l'adoption 118
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

Amendement n°69, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

Après l'article L. 242 4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L... Le taux de la cotisation est modulé pour chaque entreprise selon la variation de sa masse salariale dans la valeur ajoutée globale. Le ratio ainsi obtenu est affecté de coefficients fixés chaque année par décret. Ces coefficients sont fixés de telle manière que les comptes prévisionnels des organismes de sécurité sociale et de l'Unedic sont en équilibre.

« Un autre décret détermine les modalités selon lesquelles le rapport salaire/valeur ajoutée est pris en compte. Le comité d'entreprise ou à défaut, les délégués du personnel, sont associés au contrôle de ce ratio. »

M. Robert Bret. - Nous proposons, avec cet amendement, une réelle réforme de l'assiette des cotisations patronales. La charge budgétaire des allégements de cotisations sociales, qui n'a cessé de croître depuis quinze ans, s'élève aujourd'hui à 23 milliards, en partie non compensés. Plusieurs études ont montré que l'extension du champ de ces exonérations a encouragé les politiques de bas salaires. Il est plus que temps de changer de braquet. La réforme que nous proposons est faite pour favoriser les entreprises à fort taux de main-d'oeuvre et mettre un frein à la spéculation des entreprises hautement capitalistiques. Cessons donc de considérer les salariés comme un coût. Les déficits sociaux vont atteindre en 2007 un niveau inégalé. Certains ici n'hésitent pas à demander un relèvement de la CRDS. Qui ferait encore une fois les frais de cette fiscalisation renforcée des comptes sociaux ? Les salariés !

Quant à l'UNEDIC, son excédent de trésorerie de cette année, loin d'effacer le déficit cumulé, n'est que le résultat d'un système d'indemnisation qui exclut de toute allocation 60 % des sans emploi !

Nous proposons, au rebours, une modulation des cotisations sociales favorable à l'emploi et aux salariés.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Vous entendez alourdir les charges sociales d'une catégorie d'entreprises.

M. Robert Bret. - Les moduler.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce serait jouer contre la compétitivité des entreprises et pénaliser l'emploi. (On le conteste sur les bancs CRC.) Votre proposition va à l'opposé du raisonnement qu'avec le président Arthuis nous suivons depuis longtemps et qui nous conduit à souhaiter que le financement de la protection sociale soit rendu soutenable grâce au recours à une ressource fiscale qui reste sans effets pervers sur les délocalisations. Avis défavorable.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis, pour les mêmes raisons. La question a été évoquée dans un rapport conjoint du Conseil d'orientation des retraites et du Conseil d'analyse économique, dont la synthèse finale a été élaborée par le Conseil d'analyse stratégique. Ses conclusions ont été négatives.

Mme Marie-France Beaufils. - Nous ne proposons pas d'alourdir les charges des entreprises, dès lors qu'elles sont attentives à la question de l'emploi. Je ne souscris pas, madame la ministre, aux conclusions du rapport que vous évoquez. L'effort des entreprises en faveur des salariés doit être mieux pris en compte qu'en faveur des actionnaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Permettez-moi de répondre à Mme Beaufils, par souci du dialogue républicain. L'objectif de votre amendement est de mettre en équilibre les comptes des organismes de sécurité sociale et de l'UNEDIC. Mais comment augmenter la ressource sans alourdir les cotisations ?

Mme Marie-France Beaufils. - Nous ne les alourdissons que pour certains.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Ce serait leur faire perdre leurs positions de marché et courir le risque de délocalisations.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Plus l'entreprise verserait de salaire, moins elle paierait de charges ?

Mme Marie-France Beaufils. - Il est souhaitable qu'une plus grande part de la valeur ajoutée soit consacrée aux salaires.

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Mais taxer la valeur ajoutée, c'est recréer une taxe professionnelle, dont on sait qu'elle a accéléré les délocalisations.

L'amendement n°69 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°61, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 212-4 bis du code du travail est supprimée.

M. Bernard Vera. - Nous voulons clarifier le régime des astreintes qu'avait fixées la loi Aubry car en 2003 la majorité UMP a remis en cause une jurisprudence trop protectrice à ses yeux. La Cour de cassation avait en effet considéré qu'une astreinte ne pouvait être considérée comme un temps de repos. Décidément, tout est possible avec l'UMP, même d'être de repos quand on est mobilisable, fût-ce à distance. Faut-il rappeler la charte sociale du Conseil de l'Europe ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis défavorable à cet amendement qui réformerait le Code du travail.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Même avis.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°62 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

I. - Avant le I de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le deuxième alinéa de l'article L. 212-4-4 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque heure complémentaire donne lieu à une majoration de 25 % pour les heures effectuées au-delà du dixième de la durée hebdomadaire fixée au contrat ou du dixième de la durée mensuelle fixée au contrat. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %. »

II. - Les taux prévus aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale sont relevés à due concurrence.

III. - Les taux prévus à l'article 200 A du code général des impôts sont relevés à due concurrence.

Mme Annie David. - La ministre nous a dit qu'il y aurait bien majoration au-delà de 10 % mais cela vaut-il aussi pour les exonérations fiscales ? Les salariés à temps partiel sont parmi les plus pauvres : ne ratez pas la cible.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Avis du gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. - Si je reprends l'exemple des vingt heures, selon l'article L 212-4-4, la majoration de 25 % s'applique à compter de la vingt-troisième heure mais l'exonération dès la vingt et unième.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mme David doit pouvoir retirer son amendement.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. - Quid de l'article L 213-4-3 qui interdit de rejoindre la durée légale ou conventionnelle ?

Mme Christine Lagarde, ministre. - Une modification de la loi n'est pas nécessaire car l'article auquel vous faites référence dispose simplement que lorsqu'on rejoint la durée légale de travail, le contrat est requalifié en contrat à temps plein.

L'amendement n°62 rectifié est retiré.

M. le président. - Amendement n°63, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...Le troisième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque l'horaire moyen effectué par un salarié sur une période de douze semaines consécutives est porté au niveau de la durée légale du travail ou au-delà de la durée fixée conventionnellement à la demande du salarié, le contrat de travail à temps partiel est requalifié en contrat de travail à temps complet. »

Mme Annie David. - Vous avez déjà répondu sur la requalification du contrat mais, si je prends acte de votre assurance, je m'interroge sur la situation du salarié : perd-il la majoration et l'exonération lorsque son contrat est requalifié ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Mme David et le rapporteur de la commission des affaires sociales sont plus compétents que moi : avis défavorable à cette modification du Code du travail.

Mme Christine Lagarde, ministre. - Je pense que cet amendement peut être retiré. Dès que la durée travaillée atteint 35 heures, le contrat est requalifié en contrat à temps plein et le salarié bénéficie des mêmes droits que les autres salariés à temps plein.

Mme Annie David. - Nous avons satisfaction. Je rappelle que nous sommes favorables au temps plein car le vrai partage du travail, c'est celui qui permet à chacun de gagner suffisamment sa vie.

L'amendement n°63 est retiré.

M. le président. - Amendement n°64, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...Dans la première phrase du quatrième alinéa de l'article L. 212-4-3 du code du travail, les mots : « au-delà des limites fixées par le contrat » sont supprimés.

Mme Annie David. - Toujours le temps partiel. Le refus des heures supplémentaires ne doit pas constituer une faute ou un motif de licenciement. Il faut que le salarié ait la liberté de refuser. Pour cela, il faut le protéger contre toute forme de chantage parce qu'il est exposé à de fortes pressions et que les employeurs ont tendance à s'affranchir du délai de prévenance. Comment alors articuler activité professionnelle et vie privée ? Nous voulons lever toute ambiguïté.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - J'ai le sentiment que cet amendement modifie le code du travail...Défavorable

Mme Christine Lagarde, ministre. Même avis.

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°65, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...L'article L. 212-5 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le refus d'effectuer les heures supplémentaires conjoncturelles proposées par l'employeur ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »

M. Robert Bret. - Il est défendu.

Repoussé par la commission et le gouvernement, l'amendement n°65 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°66, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 212-6-1 du code du travail est abrogé.

Mme Annie David. - L'article L. 212-6-1 du code du travail a introduit dans notre législation sociale les heures choisies, singulier concept laissant croire qu'existerait un « nouveau monde » de parfaite égalité entre l'employeur et ses salariés. Cette liberté n'est qu'une fiction juridique, tout simplement parce que l'égalité des parties contractantes est une pure fiction. La fiction persiste, puisque chacun sait pertinemment que le discours sur la valeur travail masque une réalité beaucoup moins plaisante, celle de l'accentuation, par l'allongement de la durée du travail, de l'exploitation. Créées par la loi de mars 2005 votée à l'initiative des députés Ollier, Novelli et Morange, ces heures « choisies » présentent un fabuleux avantage pour l'employeur : elles échappent au régime de droit commun des heures supplémentaires. Ces heures travaillées au-delà du contingent d'heures supplémentaires contournent deux autres obstacles : l'autorisation de l'inspecteur du travail et le repos compensateur obligatoire. Le Medef rêvait de cette individualisation des relations de travail. Il s'est réjoui de la loi de 2005 et se félicite « que l'on aille à la vitesse de l'entreprise » : des heures quasiment gratuites pour les patrons et ouvrant droit à d'avantageuses exonérations de cotisations. Demain, vous défendrez avec ardeur la liquidation du SMIC, la fin de la durée légale fixée par la loi, que sais-je encore... Où est donc la modernité, me direz-vous ? Permettez-moi de vous rappeler ce que disait en 2005 le professeur Olivier Favereau : « Regardés de près, ces deux slogans, "travailler plus pour gagner plus" et "rétablir la liberté de choix", sous couvert de modernité et de flexibilité, trahissent une vision de l'économie qui fleure bon le dix-neuvième siècle ». On ne saurait mieux dire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. - Je regrette de ne pouvoir aller dans le même sens. J'ai le sentiment que cet amendement va à l'encontre de l'objectif du projet de loi puisqu'il empêche de travailler plus pour gagner plus. Vous êtes en contradiction avec les intentions du gouvernement, que la majorité approuve. Sur ce point du moins, nous serons d'accord !

Mme Christine Lagarde, ministre. - Défavorable à l'amendement : le temps choisi suppose à la fois une consultation des organisations syndicales et un accord personnel de l'intéressé.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

Prochaine séance, demain, jeudi 26 juillet à 9 h 45.

La séance est levée à minuit trente-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

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ORDRE DU JOUR

du jeudi 26 juillet 2007

Séance publique

A NEUF HEURES TRENTE, A QUINZE HEURES ET LE SOIR

Présidence : Mme Michèle andré, Vice-Présidente

1. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs.

Rapport fait MM. François Zocchetto, sénateur, et Guy Goeffroy, député, au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs (n° 410, 2006-2007)

Suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (n° 390, 2006-2007).

Rapport (n° 404, 2006-2007) de M. Philippe Marini fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Avis (n° 406, 2006-2007) de M. Alain Vasselle fait au nom de la commission des affaires sociales.

Dépôts

La présidence a reçu de :

- M. le Premier ministre un projet de loi relatif à la nationalité des équipages de navires.

- M. Jean-Pierre Plancade un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de l'acte constitutif de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (ensemble une annexe) (n° 243, 2006-2007).

- M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif à l'Ensemble de lancement Soyouz (ELS) au Centre spatial guyanais (CSG) et lié à la mise en oeuvre du programme facultatif de l'Agence spatiale européenne intitulé « Soyouz au CSG » et à l'exploitation de Soyouz à partir du CSG. (n° 273, 2006-2007).

- M. Jean-Pierre Plancade un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux transports routiers internationaux et au transit des voyageurs et des marchandises (n° 222, 2006-2007).

- M. Jean-Jacques Hyest un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté (n° 371, 2006-2007).

- M. Gérard César un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de résolution (n° 391) présentée, au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement par M. Gérard César sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole et modifiant certains règlements (n° E-3587).

- MM. Nicolas About, Paul Blanc, Mme Brigitte Bout, MM. Bernard Cazeau, Guy Fischer, Michel Esneu, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Valérie Létard, Catherine Procaccia et M. Bernard Seillier un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales, à la suite d'une mission effectuée du 15 au 25 mars 2007 par une délégation chargée d'étudier les conditions de travail et d'emploi en Inde.

- Mme Catherine Tasca, M. Jacques Pelletier et M. Bernard Barraux un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le co-développement et les relations entre politique de développement et politique de gestion des flux migratoires.

- M. Patrice Gélard et M. Jean-Claude Peyronnet un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale par la mission d'information sur les Parlements de pays européens.