Tarifs réglementés de l'électricité et du gaz (Suite)

Discussion des articles

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un consommateur final domestique d'électricité a exercé pour la consommation d'un site la faculté prévue au I de l'article 22 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, il peut à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés au premier alinéa du I de l'article 4 de la même loi, moyennant un délai minimum de trois mois avant résiliation du contrat aux tarifs non réglementés. Sous ces conditions, la résiliation de son contrat aux tarifs non réglementés n'implique aucune pénalité. »

M. Michel Sergent. - Nous voulons rappeler une fois encore notre opposition à l'ouverture à la concurrence pour la fourniture d'électricité aux particuliers. Il est fondamental de maintenir la tarification publique, alors que la part des dépenses consacrées à l'énergie croît vivement depuis dix ans. La libéralisation, pour les entreprises, a fait exploser les tarifs, 70 euros sur le marché libre contre 40 environ pour le tarif réglementé !

Des ménages risquent de basculer, sans en mesurer les conséquences, dans le tarif non réglementé ; ils seront alléchés par des prix d'appel et des offres à la limite de l'honnêteté. Il faut leur permettre de revenir au tarif réglementé.

M. Jean Desessard. - Très bien !

M. Daniel Raoul. - L'amendement n°5 trouverait mieux sa place au sein de l'article 1er.

M. le président. - J'en suis d'accord.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - C'est la logique.

M. le président. - Amendement n°15, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 66-3. - Par dérogation à l'article 66, tout consommateur final domestique d'électricité bénéficie des tarifs réglementés de vente d'électricité mentionnés au premier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 précitée pour la consommation d'un site, même s'il a fait usage pour ce site de la faculté prévue au I de l'article 22 de la même loi. »

M. Michel Billout. - Il y a un an, la loi relative au secteur de l'énergie mettait en oeuvre avec zèle les directives communautaires. L'expérience catastrophique vécue par les entreprises n'avait pas suffi alors pour vous convaincre du danger. Ainsi, la droite permettait au consommateur d'exercer son éligibilité et bientôt le contraignait à l'exercer de manière irréversible, tout en prévoyant une disposition transitoire...pour les seules entreprises !

Curieusement, des propositions envisagent la réversibilité quand les consommateurs domestiques, prudents, ont décidé dans leur grande majorité de ne pas quitter les tarifs réglementés. Qui, parmi les grands défenseurs des tarifs libres, a choisi effectivement d'en bénéficier ? Le rapport de M. Poniatowski dénonce très clairement le piège qui s'est refermé sur les entreprises, la marche forcée vers la libéralisation et la volonté constitutionnelle d'une « extinction progressive du nombre de clients bénéficiant d'un tarif réglementé afin de favoriser la concurrence et l'apparition d'opérateurs alternatifs ».

Hélas, le contenu de la proposition de loi n'est pas à la hauteur. Dans cette rédaction, on ne peut revenir au tarif réglementé que parce que l'on change de site de consommation. Le motif, et on en imagine mal d'autres, que l'un des tarifs est plus avantageux n'est pas admis. Où est votre respect d'une concurrence libre et non faussée ? Où est la protection du pouvoir d'achat du consommateur ? Le gouvernement semble porter un grand intérêt à cette question vitale ; nous ne doutons pas que sa majorité votera nos amendements. La part du budget des ménages consacrée aux frais de logement et d'énergie est aujourd'hui de 16,5 %, 23 % pour les plus modestes. Or, la libéralisation totale du secteur de l'énergie expose les ménages, notamment les plus modestes, aux risques d'une lourde augmentation de leur facture d'électricité et de gaz.

Et pourquoi cette date butoir de 2010 ? Quels arguments avez-vous en faveur de cette date énigmatique ? Vous ne croyez tout de même pas que cela influencera les discussions avec la commission européenne ? Nous souhaitons donc une réversibilité totale, sans limite dans le temps et quelles que soient les décisions antérieures prises par les consommateurs. Mais voulez-vous vraiment maintenir les tarifs réglementés ? Si la volonté politique existait, les obstacles juridiques pourraient être levés. Le rapport de notre mission commune d'information l'a bien expliqué, le maintien des tarifs réglementés n'est pas incompatible avec le droit communautaire, si ces tarifs couvrent bien les coûts exposés par les opérateurs.

Cette discussion sur la réversibilité n'a de sens que si l'Etat, soucieux du pouvoir d'achat de nos concitoyens, mène une politique nationale et européenne en faveur de la protection du service public de l'énergie.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - L'amendement n°3 prévoit des allers et retours à volonté entre les offres. Dans l'absolu, dans un monde parfait, vous avez raison ! Mais nous sommes dans un moment particulier : n'allons pas braquer Bruxelles contre nous. Montrons une certaine souplesse...

M. Daniel Raoul. - Mais oui : couchons-nous tout de suite !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Bruxelles ne conteste pas la réversibilité en elle-même mais ses conséquences lorsqu'existe un écart trop important entre les deux catégories de services. Or chez nous, le différentiel est très important...

M. Jean-Luc Mélenchon. - Ah ! Et dans quel sens ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - ...Nous sommes sous surveillance.

M. Jean-Luc Mélenchon. - Quelle tyrannie !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Ce n'est guère le moment de faire de la provocation : avis défavorable. Le projet est modeste, avec une date butoir, pour que le gouvernement puisse négocier avec Bruxelles dans de bonnes conditions. Je rappelle du reste que « réglementé » n'est pas « subventionné ». Il faudra en convaincre les autorités européennes. Grâce au nucléaire, la France a des prix beaucoup plus faibles -j'avoue ne pas comprendre les chiffres de M. Desessard.

Selon les auteurs de l'amendement n°15, la date butoir est une faiblesse. (M. Sergent renchérit.) Pour moi, elle est un élément stratégique, elle nous donne plus de force pour négocier.

M. Daniel Raoul. - Pour nous coucher, plutôt.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Ne nous lions pas les mains, soyons diplomates.

La Commission européenne vient de présenter le troisième paquet énergie. Nous allons donc entrer dans une phase de négociation. Ce n'est pas le moment d'affaiblir la position de la France, surtout à la veille de la présidence française de l'Union.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Défavorable aux amendements, qui remettent en cause la position de la France, constante depuis 2000, sous tous les gouvernements...

M. Daniel Raoul. - C'est faux !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - ...d'ouvrir les marchés et d'aller vers l'irréversibilité du choix. Leur adoption affaiblirait notre position par rapport aux instances européennes.

M. Michel Sergent. - Des contentieux sont ouverts ? Depuis quand est-ce une raison de tout arrêter ?

Les écarts sont importants, en France ? Nous parlons ici des tarifs domestiques, or le tarif bleu couvre les coûts. On peut discuter à propos des tarifs jaune et vert, pas du bleu.

M. Jean Desessard. - Il est malvenu de parler de tarif « vert » pour du nucléaire ! (Sourires)

M. Jean-Luc Mélenchon. - Qu'est-ce que ce marché où est censée s'exercer la loi de l'offre et de la demande, et dans lequel un des protagonistes a les mains ligotées dans le dos ? Qu'est-ce que cela a à voir avec la « concurrence libre et non faussée » du traité de Rome ?

Même de droite, un certain nombre de nos collègues sont attachés à l'héritage des efforts consentis par les générations précédentes. Cela va mal finir ! Vous devriez vous rendre compte des dégâts qui s'annoncent !

Je vous parle des braves gens qui se sont endettés pour acheter leur logement, puisque M. Sarkozy veut une nation de petits propriétaires et que l'hypothèque rechargeable est maintenant admise. On a pourtant vu ce que cela donne aux États-Unis ! Ces personnes entendent à la télévision que leur facture d'électricité peut baisser de dix ou vingt points ; comment pourraient-elles résister à la tentation ? Et après, quand leur facture d'électricité monte, monte, que peuvent-elles faire ? Aux États-Unis, ce sont trois ou quatre millions de personnes qui ont été ainsi chassées de chez elles.

Quand nous avons décidé de faire l'effort du nucléaire, c'était de la planification à long terme. Où est le long terme avec ce texte ? Il ne planifie rien. M. Poniatowski est habile, quand il insiste sur la nécessité de préserver nos moyens de négociation. Mais négocier avec qui ? Les gens de la Commission ne sont élus ni mandatés par personne, et il faudrait se soucier avant tout de ne pas provoquer ces gens-là !

Quand les Français comprendront qu'ils ne pourront pas revenir à un tarif d'électricité normal, parce que quelqu'un, dans un bureau bruxellois, en a décidé ainsi, ça va chauffer dans les chaumières !

Mme Isabelle Debré. - Même sans électricité ! (Sourires)

M. Thierry Repentin. - Je n'ai pas la même vision de l'Europe que mon collègue Mélenchon mais, là, je dis que l'on fait jouer un mauvais rôle à l'Union européenne. Celle-ci n'est pas opposée à la réversibilité ! Je suis effaré qu'on veuille aller plus loin que ce qu'elle réclame, en adoptant cette date-butoir.

Pendant des années nous avons bataillé pour obtenir le taux réduit de TVA pour les réseaux de chaleur. Le service de Mme Kroes nous le refusait parce que la France était le seul pays intéressé. Et puis voici l'arrivée de la Pologne et des pays Baltes, que cela intéresse aussi.

L'Union nous conteste le livret A qui fonctionne depuis 1870 à la satisfaction générale : il offre des taux d'intérêt convenables et permet de financer le logement social. Seulement voilà, c'est une exception française, il faut donc la supprimer. Heureusement, le précédent Président de la République et l'actuel gouvernement se sont opposés à cette exigence. Nous les soutenons sur ce point.

Je ne veux pas que l'on dise que nous serions obligés de légiférer parce que la Commission l'impose. On fait déjà trop souvent de l'Union européenne la cause de tous les maux. Cela conforte les adversaires de l'Europe, dont je ne suis pas.

M. Jean Desessard. - Qu'en pense le FMI ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Le Conseil constitutionnel a créé deux injustices qu'il s'agit de réparer. Notre proposition de loi n'a pas d'autre objet.

M. Daniel Raoul. - Faute avouée est à moitié pardonnée : allez plus loin !

A demande de la commission, l'amendement n°3 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 128
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

A la demande de la commission, l'amendement n° 15 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 127
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. - Amendement n°4, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 66-1 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un consommateur final domestique de gaz naturel a exercé pour la consommation d'un site la faculté prévue au 2° de l'article 3 de la loi 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie, il peut à nouveau bénéficier des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la même loi, moyennant un délai minimum de trois mois avant résiliation du contrat aux tarifs non réglementés. Sous ces conditions, la résiliation de son contrat aux tarifs non réglementés n'implique aucune pénalité.

M. Michel Sergent. - L'argumentation est la même pour le gaz que pour l'électricité. Le gaz a augmenté de 40 %, ce qui n'est pas négligeable pour les ménages modestes. J'ajoute qu'un moindre écart entre prix règlementé et offres de marché fait tomber l'argument que le rapporteur nous avait opposé sur l'électricité. Raison supplémentaire d'adopter cet amendement.

M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. 66-4. - Par dérogation à l'article 66-1, tout consommateur final domestique de gaz bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation d'un site, même s'il a fait usage pour ce site de la faculté prévue au 5° de l'article 3 de la même loi. »

M. Michel Billout. - Il est déjà défendu.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - La différence entre tarifs règlementé et libre montre que le problème est moindre pour le gaz. Néanmoins la commission, qui a fait un pas vers vous, monsieur Sergent, ne peut être favorable à l'amendement n°4, non plus qu'au n°16.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Avis défavorable à ces deux amendements pour les raisons qu'a dites le rapporteur. Ne remettons pas en cause la position équilibrée défendue par le gouvernement.

L'amendement n°4 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°16.

M. le président. - Amendement n°17, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'attente d'un bilan sur les effets de l'ouverture à la concurrence du secteur énergétique en termes d'emplois, d'efficacité économique et de tarifications, la France, par l'intermédiaire du ministre chargé de l'énergie, demande, auprès des institutions européennes, un moratoire sur les directives européennes.

M. Michel Billout. - L'Union s'est engagée dans la création d'un marché de l'énergie libéralisé. Les circulaires se sont succédé et les lois de transposition se sont empilées au risque de se contredire. Or certains signes nous invitent à nous interroger. En Californie, le prix de l'électricité a quintuplé. Il a augmenté de 91,5 % au Danemark et de 81,71 % en Grande-Bretagne. Le gaz, quant à lui, a renchéri de 30 %, tandis que les dividendes de GDF ont progressé des deux tiers. Et demain ?

L'investissement à long terme s'accommode mal des contraintes boursières et la construction des réseaux d'énergie relève de l'aménagement du territoire. On sait bien l'importance d'un plan pluriannuel d'investissement mais la lutte contre les émissions à effet de serre pèse peu face à la loi du marché. Toute personne un tant soit peu consciente de ces enjeux sent l'urgence d'y réfléchir à deux fois. Le gaz et l'électricité, en effet, ne sont pas des marchandises comme les autres mais des produits de première nécessité.

Ce constat est partagé par la mission d'information, qui juge que le secteur de l'électricité ne saurait être tout entier laissé à la main invisible du marché, et que la puissance publique a une responsabilité particulière en matière de fourniture d'électricité.

Au rebours de l'objectif visé, la libéralisation du marché favorise de vastes mouvements de concentration dans le secteur de l'électricité et conduit paradoxalement à la constitution d'oligopoles privés.

Nous attirons une fois encore l'attention du gouvernement sur la nécessité de dresser un bilan de la libéralisation avant toute poursuite du processus.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Nous avons déjà longuement discuté, en 2004 et 2006, de l'hypothèse d'un tel moratoire. Sur la forme, vous adressez une injonction au gouvernement, ce qui n'est constitutionnellement pas acceptable. Sur le fond, le débat existe, tant au niveau national qu'européen, sur ces problèmes énergétique. Il a eu lieu à quatre reprises, en France, entre 2002 et 2006. Chaque année, la Commission européenne publie un rapport sur l'état d'avancement du marché intérieur du gaz naturel et de l'électricité.

Je ne serais pas hostile à voir notre commission conduire une audition annuelle sur la présentation de ce rapport, ou à défaut, envoyer une délégation à Bruxelles, comme elle le fait sur d'autres sujets. Défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Le gouvernement ne partage pas votre analyse sur le lien de cause à effet entre ouverture à la concurrence et hausse des tarifs. La France a souscrit un engagement et entend le tenir. Les directives ont été négociées et nos partenaires n'envisagent pas, alors que la Commission vient de soumettre un nouveau paquet énergétique, de les renégocier. Défavorable.

Mme Odette Terrade. - Cet amendement fait écho au débat de cet été sur le projet de loi pour le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat, au cours duquel Mme Lagarde avait reconnu que la question du tarif réglementé était source de nombreuses difficultés pour les Français, ajoutant que le gouvernement entendait proposer à la représentation nationale un dispositif robuste, juste et cohérent. Plusieurs sénateurs de la majorité, dont MM. Arthuis et Marini, s'étaient déclarés favorables à une nouvelle négociation. L'annexe de la loi d'orientation pour l'énergie précise que « la France vise à faire partager les principes de sa politique énergétique par les autres États membres de l'Union européenne afin que la législation communautaire lui permette de mener à bien sa propre politique » et qu'elle élabore à cette fin à l'intention de l'Union européenne, tous les deux ans, des propositions visant à promouvoir la notion de service public.

L'amendement ne fait que rappeler cette évidence : si un consensus existe entre les forces politiques françaises pour le maintien des tarifs réglementés alors le ministre représentant la France auprès des institutions européennes se doit de tout mettre en oeuvre pour que ce souhait trouve une traduction au niveau communautaire.

La décision du Conseil constitutionnel, réaffirme bien que le maintien des tarifs réglementés est contraire aux objectifs communautaires tels que définis dans les directives relatives au secteur de l'énergie. Il est donc vain de bricoler des mécanismes dérogatoires provisoires. Il est en revanche urgent d'adopter un moratoire sur l'application des directives européennes tant qu'un bilan sur les conséquences de la libéralisation n'aura pas été réalisé, qui devra servir de base de discussion pour la renégociation des directives du secteur énergétique. Le groupe CRC votera donc cet amendement.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°20, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi fixe un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale.

Les modalités d'application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d'État.

M. Jean Desessard. - Cet amendement permettrait de fixer un objectif de réduction de 2 % par an de la consommation d'énergie finale, soit une diminution de 60 % de notre consommation d'énergie finale à l'horizon 2050. 84 % de l'énergie mondiale provient des combustibles fossiles, le nucléaire en représentant 6 %, l'hydroélectricité et la biomasse 10 %.

Nous allons vers la pénurie. Il est donc temps, à l'heure où des pays émergents entrent dans la voie que nous avons ouverte, de remettre en cause le modèle de croissance qui est resté le nôtre, en bouleversant la répartition de notre consommation pour consacrer un tiers de notre effort de recherche à la maîtrise de l'énergie, un tiers aux énergies renouvelables, un tiers à la sûreté nucléaire et à l'amélioration des hydrocarbures. Aujourd'hui, 90 % des crédits de recherche sont affectés au nucléaire, et moins de 2 % aux renouvelables. Comment s'étonner que ces énergies ne décollent pas ! Elles auraient besoin d'un appui public massif, à l'image de celui dont ont bénéficié le charbon ou le nucléaire. Un service public du XXIème siècle doit permettre d'anticiper la crise énergétique et de la résoudre.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Nous sommes tous conscient de la nécessité de réduire la consommation, mais nous divergeons sur la méthode. La réduction ne se décrète pas : votre amendement reste incantatoire.

L'article 3 de la loi du 13 juillet 2005 prévoit déjà un objectif de réduction annuel de l'intensité énergétique finale de 2 % en 2015 et 2,5 % en 2030. Le critère retenu est plus pertinent que celui de la croissance de la consommation, qui dépend de l'activité économique. Défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Le gouvernement est sensible au principe, mais estime que ce type de réflexion, alors que s'engage la phase de consultation publique du Grenelle de l'environnement, mérite de s'inscrire dans le cadre de cette action globale.

M. Jean Desessard. - La réduction ne se décrète pas, dites-vous ? Mais elle est plus difficile à mettre en oeuvre dans un marché libéralisé.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°21, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions permettant une tarification progressive favorisant un accès équitable à l'électricité et prenant en compte les objectifs de maîtrise des consommations. Celle-ci peut comporter une première tranche de consommation à tarif réduit pour tous les consommateurs domestiques, et, au-delà de la consommation annuelle moyenne des ménages, un tarif progressif fixé en fonction des tranches de consommation d'électricité. »

M. Jean Desessard. - Le tarif réglementé est donc une ligne Maginot, digue appelée à céder sous les coups de boutoir de la libéralisation. Nous proposons la progressivité des prix de l'énergie, en particulier de l'électricité et du gaz, comme nous l'avons déjà fait pour la gratuité des premiers litres d'eau. Le système dégressif est dépassé, qui encourage le gaspillage. EDF n'a pas anticipé la nécessité de diminuer la consommation d'électricité. Cette surconsommation est venue justifier la poursuite de la filière nucléaire. En 1978, l'entreprise avait prévu une consommation de 1 000 térawatts/heure en 2000 : la consommation réelle a été de 478 térawatts/heure. Et c'est ainsi que l'on se retrouve aujourd'hui avec un parc nucléaire surdimensionné, qui a besoin de surconsommation pour s'auto-justifier ! Les campagnes publicitaires tous azimuts d'EDF en témoignent La surconsommation est à tel point devenue un objectif en soi qu'en 2003, l'entreprise a publié un communiqué de presse se glorifiant d'avoir « pulvérisé » le record de consommation d'électricité !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Vous proposez de remettre en cause le système tarifaire existant, pour lui substituer un système progressif qui serait très pénalisant pour les éléctrointensifs. J'ajoute qu'EDF a déjà l'obligation de fournir tout consommateur sur tout le territoire et qu'il existe un tarif social, dont le seuil d'éligibilité a été récemment relevé.

Vous êtes partiellement satisfait, même si votre système n'a pas été retenu.

Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Cette disposition remettrait en cause l'ensemble du dispositif tarifaire. Vous voulez éviter le gaspillage ? Le Grenelle de l'environnement permettra d'étudier cette question.

Avis défavorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°22, présenté par M. Desessard, Mme Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet et M. Muller.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Il est procédé à un audit permettant d'évaluer le coût de démantèlement des centrales nucléaires.

M. Jean Desessard. - Pour tenir compte des coûts de production de l'électricité dans l'établissement des tarifs réglementés et se conformer aux directives européennes, il faut chiffrer le coût du démantèlement des 58 réacteurs existants et du retraitement des déchets. La Cour des comptes dénonce chaque année l'opacité des estimations. Les chiffres publiés en Grande-Bretagne peuvent nous donner un ordre d'idée : le démantèlement des installations nucléaires y est officiellement chiffré à 103 milliards d'euros. Ce chiffre, provisoire, a déjà été réévalué à deux reprises, et l'industrie nucléaire française est cinq fois plus importante. On pourrait donc estimer le coût pour la France à 500 milliards d'euros, alors qu'EDF n'évoque que quelques dizaines de milliards.

Les montants prévus par EDF pour un fonds de provision dédié au démantèlement semblent très sous-estimés. Les dépenses y sont évaluées à 15 % du coût d'investissement initial des réacteurs. Ce choix, guidé par les intérêts économiques, n'a aucune réalité scientifique. Plusieurs commissaires aux comptes du groupe EDF reconnaissent que ces estimations recèlent « des éléments d'incertitude majeure ».

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - La Cour des comptes, dans un rapport particulier de 2005, qui est à votre disposition, a mis en évidence que le coût du démantèlement des installations et de la gestion des déchets devraient être pris en compte dans la fixation du prix de l'électricité. Les provisions correspondantes étaient de 14 milliards fin 2004 pour les fins de cycle et de 12 milliards pour la destruction des sites.

Nous avons légiféré sur ce point lors de l'examen de la loi relative à la gestion durable des matières et des déchets radioactifs, dont l'article 20 prévoit une provision pour ces charges. La loi a également créé une commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement et de gestion des déchets, dont le rapport doit être publié tous les trois ans. Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Vous rouvrez le débat tenu lors de l'examen de la loi sur la gestion durable des matières et des déchets radioactifs. Le financement de la sécurisation du démantèlement des centrales est bien prévu par son article 20. Le gouvernement étudie actuellement le rapport qui lui a été remis sur cette question. En outre, cet amendement n'a pas de lien direct avec la proposition de loi qui nous a été soumise. Avis défavorable.

M. Jean Desessard. - Je m'inscris en faux. Les tarifs réglementés ne sont admis par Bruxelles que s'ils prennent en compte les coûts réels, or les tarifs d'EDF n'intègrent pas le coût du démantèlement des centrales et de l'enfouissement des déchets. La Cour des comptes a indiqué en janvier 2005 que le coût du stockage profond des déchets, notamment, était incertain.

Nous sommes incapables de chiffrer ces dépenses futures, comme le prix du nucléaire est très bas ; en fait, le nucléaire est loin d'être aussi rentable que certains le prétendent !

M. Michel Billout. - Je ne partage pas totalement le point de vue de M. Desessard, mais je crois que pour être acceptée, l'énergie nucléaire exige la transparence. Le groupe CRC soutient cet amendement.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°5 rectifié, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Au début de cet article, insérer un paragraphe I ainsi rédigé :

I. - Après l'article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un article 30-1-1 ainsi rédigé :

« Art. 30-1-1. - Tout consommateur final domestique d'électricité bénéficie pour le site pour lequel il en fait la demande à son fournisseur du dispositif relatif au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché prévu par l'article 30-1. Ce tarif ne peut être supérieur de plus de 3 % au tarif réglementé de vente hors taxes applicable à un site présentant les mêmes caractéristiques. »

M. Daniel Raoul. - Cet amendement est un amendement de repli par rapport à l'amendement n° 1. En cas de forte hausse du prix de l'électricité sur le marché, une clause de sécurité permettrait aux consommateurs domestiques ayant quitté le tarif régulé de bénéficier d'un dispositif semblable à celui destiné aux entreprises par le biais du Tartam. Le tarif proposé aux ménages ne pourra pas être supérieur de plus de 3 % au tarif réglementé. Cette mesure est destinée à préserver le pouvoir d'achat des ménages.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Les offres alternatives au tarif bleu ne dépassent pas de plus de 10 % les tarifs d'EDF. Les fournisseurs se sont engagés à la stabilité des prix proposés, et il ne serait pas dans leur intérêt de les augmenter excessivement. Avis défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Le tarif retour a été mis en place par la loi de 2006 pour les situations particulières touchant des professionnels ayant opté pour le marché libéré. Ce dispositif exceptionnel est transitoire puisque les entreprises doivent en avoir fait la demande avant le 1er juillet 2007. Avis défavorable.

L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.

Article premier

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Pintat.

Dans le texte proposé par cet article pour le IV de l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, après les mots :

Un consommateur final domestique d'électricité

insérer les mots :

ou un consommateur final non domestique souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA

M. Xavier Pintat. - Il faut élargir aux petits consommateurs professionnels les dispositions du projet de loi bénéficiant aux consommateurs domestiques. Ni EDF ni la commission de régulation de l'énergie n'ont contesté le tarif bleu, qui couvre les coûts de production correspondants. Il n'y aurait donc pas infraction à la réglementation européenne. La commission critique moins les subventions publiques que les écarts entre le tarif régulé et le marché.

Je rappelle que ce marché, très complexe, fonctionne de gré à gré. En outre, la directive du 26 mars 2003 autorise les États membres à étendre le service universel aux petites et moyennes entreprises. Il est donc légitime d'étendre aux consommateurs professionnels relevant du tarif bleu le bénéfice de la proposition de loi présentée par notre commission des affaires économiques.

M. le président. - Amendement n°19 rectifié, présenté par MM. Poniatowski, Emorine et Pintat. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé : « V. Le IV du présent article est applicable aux consommateurs finals non domestiques souscrivant une puissance électrique égale ou inférieure à 36 kVA. »

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Nous n'avons examiné que trois propositions de loi, mais nos collègues députés se sont également penchés sur les tarifs réglementés. Ainsi, le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier, a présenté le 2 août une proposition de loi autorisant les ménages et les petits consommateurs professionnels à revenir aux tarifs réglementés en cas de changement du lieu de consommation. À la réflexion, les petits consommateurs professionnels sont dans une situation analogue à celle des ménages : ne disposant pas de service des achats étoffés, ils sont perdus dans la complexité des offres. D'où l'amendement présenté par la commission, conforme à la loi de 2006 telle qu'elle a été votée, qui distinguait d'un côté les gros consommateurs professionnels et de l'autre les ménages et les petits consommateurs professionnels. L'amendement n°1 a exactement le même objet, mais la rédaction du 19 rectifié présente l'avantage de consacrer un paragraphe spécifique à chaque catégorie de clients. Je propose donc le retrait de l'amendement n°1.

M. Xavier Pintat. - Je me rallie bien volontiers à l'amendement n°19 rectifié. L'amendement n°1 est retiré.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Je profite de cet amendement pour saluer le travail de concertation effectué par le rapporteur entre les groupes de votre assemblée mais aussi avec le président de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

J'observe toutefois que l'amendement sort du cadre initial des conclusions, limitées à l'aménagement marginal, pour les clients domestiques, du dispositif issu de la censure constitutionnelle, afin de le rendre plus juste et plus cohérent. En effet, le marché des consommateurs professionnels est ouvert depuis 2004, quel que soit le niveau de leur consommation.

Le gouvernement comprend la préoccupation des auteurs de l'amendement ; il est sensible aux argumentations présentées à l'appui des amendements n°1 et 19 rectifié, car il est vrai que les petits consommateurs professionnels sont dans une situation proche de celle des ménages. Cependant, il convient de respecter les engagements européens quant à l'ouverture du marché. Vous savez que la commission européenne s'en préoccupe beaucoup. Les conditions proposées aux professionnels étant équilibrées, il convient de ne pas porter atteinte au dispositif concerné.

Pour ces raisons, je ne peux être favorable à l'amendement.

M. Daniel Raoul. - Nous soutenons bien sûr amendement n°19 rectifié, mais les explications de M. le ministre relèvent des TOC, les troubles obsessionnels compulsifs. (Mme Debré s'esclaffe)

L'amendement n°19 rectifié est adopté.

M. le président. - Amendement n°6, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Dans le texte proposé par cet article pour compléter l'article 66 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005, après les mots :

un consommateur final domestique d'électricité

supprimer les mots :

qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010

M. Daniel Raoul. - Tout consommateur domestique doit pouvoir bénéficier des tarifs réglementés, même s'il emménage dans un logement où ils ont été abandonnés par le précédent occupant. En effet, la directive fait de l'éligibilité une faculté, non une obligation.

Il n'y a aucune raison de fixer une date-butoir, qui cautionnerait la vision de la commission en programmant la fin des tarifs réglementés. La France ne doit pas s'affaiblir elle-même avant la négociation. Il est donc impératif de supprimer la date-butoir du 1er juillet 2010, véritable gage donné à la Commission européenne organisant la fin du tarif réglementé de l'électricité et du gaz en 2010. Le rapport de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France a souligné que la Cour de justice des communautés européennes était seule à même d'apprécier la compatibilité des tarifs réglementés avec la directive -qui ne s'oppose d'ailleurs pas à leur existence dès lors qu'ils couvrent le prix de revient. Avec son parc nucléaire, la France peut fournir de l'électricité à mon marché, même en tenant compte du traitement des déchets. L'abandon des tarifs réglementés se traduirait par une hausse des prix, préjudiciable à l'ensemble des consommateurs. Le Conseil de la concurrence vient de susciter une polémique en annonçant la fin des tarifs réglementés pour 2010. Simple coïncidence ou anticipation ?

S'agissant du gaz, les contrats à long terme enlèvent toute justification à la date-butoir.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - La date-butoir n'est nullement un gage donné à la commission de Bruxelles : à l'inverse, c'est une arme pour négocier.

Pour engager des discussions, il est indispensable de commencer par fixer une date. M. Chatel vient de le rappeler, Mme Lagarde l'a fait la semaine dernière, en précisant que les tarifs réglementés n'avaient pas vocation à disparaître le 1er juillet 2010, puisqu'ils expriment la réalité des coûts.

Les discussions sur le nouveau paquet énergie vont durer très longtemps. Alors que plusieurs directives seront négociées, ne partons pas en position de faiblesse.

La commission est défavorable aux amendements n° 6 et 7.

M. Daniel Raoul. - C'est une arme pour nous faire hara-kiri !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Non !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Ces amendements tendent à pérenniser un aménagement limité dans le temps destiné à corriger un dispositif dont la complexité freine l'ouverture du marché aux consommateurs domestiques.

Cette période transitoire donnera un peu de temps au marché pour se régler, et aux consommateurs pour connaître les offres alternatives. Le Conseil constitutionnel a reproché au dispositif de la loi de 2006, de ne pas être limité dans le temps. Enfin, la date de juillet 2010 est compatible avec la loi sur le droit au logement opposable. Je ne fais que me répéter : l'échéance de 2010 ne signifie en rien la disparition des tarifs réglementés. Avis défavorable.

M. Daniel Raoul. - Vous ne me rassurez guère, car vous ne dites rien de l'après 2010 : nos compatriotes sont protégés pour deux ans encore, mais après, rien ! Vos positions ont tellement changé sur la question, en comptant celles de M. Chirac, celle de Mme Fontaine juste avant qu'elle n'accepte la libéralisation, ou encore celle de M. Sarkozy quand il était ministre de l'économie, qu'on ne sait plus quelle promesse croire !

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Pintat.

Après les mots :

pour le consommation d'un site

supprimer la fin du second alinéa de cet article.

M. Xavier Pintat. - Je propose une réversibilité pour les tarifs bleus jusqu'en 2010. Ce texte la subordonne au fait que le consommateur n'ait pas exercé son éligibilité ; or, un couple l'ayant exercée au nom de l'un des conjoints ou concubins, pourrait obtenir la réversibilité au nom de l'autre... (Sourires à gauche). Qui pourrait contrôler de tels contournements ? La réversibilité pour les tarifs bleus serait un garde-fou contre l'emballement des prix, sans freiner le marché, elle encouragerait même l'éligibilité. Elle est parfaitement compatible avec la directive européenne de 2003 puisqu'elle va dans le sens du service universel de l'électricité : en cas de difficultés de paiement, le retour au tarif réglementé améliore la situation des ménages. Qui plus est, je propose une échéance à 2010.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Votre insistance m'embarrasse. Bruxelles risquerait d'interpréter la réversibilité comme une véritable déclaration de guerre ! (Exclamations à gauche) Je pèse mes mots ! Nous avons déjà des contentieux en matière électrique, il ne serait pas habile du tout d'en ajouter, cela nous mettrait en situation délicate pour la négociation qui commence. Personne ne doit se tromper : ce que nous accorderions aux ménages et aux petites entreprises, les plus grandes entreprises nous le demanderaient aussitôt : elles sont juste derrière la porte !

Vous regrettez qu'on ne soit pas allé plus loin, mais peut-être, dans la négociation, le gouvernement obtiendra-t-il plus de souplesse. Cependant, ne l'affaiblissons pas aujourd'hui !

Dans la discussion générale, vous avez cité des entreprises d'autres pays qui bénéficient de la réversibilité. Mais la situation n'est pas la même que chez nous, parce que l'écart entre tarifs libre et réglementé y est infime.

M. Daniel Raoul. - Et alors ?

M. Ladislas Poniatowski. - Comme l'écart est important chez nous, Bruxelles a les yeux rivés sur la France. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Je comprends votre souci, monsieur Pintat, mais ce texte apporte une solution appropriée. L'adoption d'une réversibilité large et permanente nous placerait dans une situation difficile au moment d'engager les négociations sur le troisième paquet énergétique. Retrait, sinon rejet.

M. Xavier Pintat. - Je propose seulement une réversibilité pour les tarifs bleus jusqu'en 2010. La commission européenne ne conteste pas l'existence des tarifs réglementés, mais leur application à tous les consommateurs sans distinction, et les tarifs subventionnés. La réversibilité va dans le sens du service universel de l'électricité, elle est un garde-fou utile, nécessaire ! Il faut faire jouer la concurrence, seulement 7 % des abonnés ont testé l'offre sur le marché. Aux Etats-Unis et au Canada même, les autorités n'ont pas fait autre chose que distinguer la situation du consommateur final, qui bénéficie d'un tarif réglementé, et celle des grandes entreprises, où c'est la concurrence qui joue. Ma proposition d'une réversibilité limitée est parfaitement euro-compatible.

M. le président. - Vous maintenez donc l'amendement ?

M. Xavier Pintat. - Oui !

M. Ladislas Poniatowski. - Le gouvernement devra utiliser vos arguments, qui valent au fond : très peu d'abonnés ont encore testé l'offre du marché, la libéralisation n'a pas encore apporté ses fruits, il faut de la souplesse ! Mais, de grâce, n'adoptons pas une réversibilité qui serait très mal prise par Bruxelles !

M. Xavier Pintat. - La France est le seul pays européen à ne pas autoriser la réversibilité. Et de même pour le gaz.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.- Pour le gaz, personne ne la demande.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Le gouvernement partage bien entendu votre souci de la fluidité du marché. Seuls quelques milliers de consommateurs iront vers la concurrence et le marché libre. La réponse que propose le Sénat dénouera la situation car le seul problème est celui du logement. Actuellement, l'offre du marché libre est environ 10 % moins chère. Donc, le verrou que fait sauter la proposition de loi est une réponse au problème posé depuis le 1er juillet. L'adoption de cet amendement fragiliserait la position française dans les négociations du troisième paquet énergétique.

M. Gérard Longuet. - Cet amendement risque de ne pas avoir beaucoup de conséquence. Comment imaginer que, d'ici 2010, de nombreux particuliers ou artisans bénéficiant du tarif bleu seront assez déraisonnables -alors que le thermique est plus couteux que le nucléaire- pour demander à payer plus cher ? D'autant que l'envolée du prix du baril, destinée à se prolonger, contribue à rendre le prix du marché supérieur au tarif règlementé. Cela dit, l'amendement a l'avantage d'éviter une ambiguïté : un consommateur pourrait souscrire un nouveau contrat sous le nom d'une autre personne pour bénéficier à nouveau du tarif règlementé.

Au plan européen, coexistent deux systèmes de production fondamentalement différents pour des raisons purement politiques. Pourquoi les Français devraient-ils accepter de ne pas bénéficier des investissements qu'ont consentis leurs aînés et de payer les prix allemands, au seul motif que l'Allemagne a décidé un moratoire nucléaire ? Le tarif régulé n'est pas subventionné : il est rendu possible par la compétitivité du système de production que nous avons choisi et que d'autres refusent pour des raisons politiques.

Donc, il y a peu de risque à voter cet amendement, qui ne concernera jamais beaucoup de consommateurs ; je ne vois pas en quoi il affaiblirait la position française vis-à-vis de Bruxelles : il n'y aura pas de marché s'il n'y a pas de réversibilité.

Monsieur Raoul, je vous rappelle que les entreprises qui ont abandonné le tarif règlementé l'ont souvent fait à la demande d'EDF. (M. Raoul approuve).

M. Daniel Raoul. - Seuls trois pays ont adopté l'irréversibilité : la France, la Slovaquie et l'Espagne. Pourquoi être plus royaliste que le roi ? L'irréversibilité n'est pas imposée par la directive. Nous voterons l'amendement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - J'approuve, monsieur Longuet, votre souci de réversibilité. Mais elle n'est pas acquise et le gouvernement doit aller la négocier avec Bruxelles. Or, cet amendement fragiliserait notre situation qui est déjà contentieuse.

Je vous incite à méditer l'avis que le Conseil de la concurrence a rendu il y a quelques semaines...

A la demande de la commission, l'amendement n°2 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 311
Nombre de suffrages exprimés 311
Majorité absolue des suffrages exprimés 156
Pour l'adoption 126
Contre 185

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Daniel Raoul. - Qui donc a pu voter au nom du groupe UC-UDF ? Nous ne sommes pourtant pas en Corse !

M. Robert del Picchia. - L'Union centriste l'a demandé !

M. le président. - Des accords ont été passés avec le groupe UMP.

M. Daniel Raoul. - Mais aucun des sénateurs centristes n'était présent pendant le débat. S'ils avaient entendu MM. Pintat et Longuet, nos collègues auraient peut-être changé d'avis, comme certains membres du groupe UMP ? Je déplore cette OPA sauvage sur les voix des absents !

M. Robert del Picchia. - Nous sommes obligés de respecter la volonté que nous ont indiquée les collègues qui nous ont donné procuration !

M. Daniel Raoul. - Procuration écrite ?

M. Robert del Picchia. - Cela se fait entre d'autres groupes tout pareillement.

M. le président. - Il y a des accords entre groupes, mais M. Raoul a raison, le fonctionnement des scrutins n'est pas satisfaisant.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - En commission, le groupe UC a voté contre l'amendement, il a suivi le rapporteur sur l'ensemble des amendements.

M. le président. - Je ne cherche pas à interpréter la volonté de nos collègues, je relève seulement que notre façon de travailler mérite réflexion. (M. del Picchia applaudit)

M. Jean-Marc Pastor, vice-président de la commission. - Quoi que le groupe ait pu voter en commission, la loi est votée dans l'hémicycle et nous nous devons de montrer l'exemple dans la démocratie. Il est tout de même gênant de nous retrouver dans cette situation bancale. Ce vote particulier ne changera peut-être pas la face de la France, mais il est regrettable d'en arriver là.

M. le président. - Il y a des accords régulièrement avec le RDSE et les non-inscrits, mais nous devons nous interroger sur nos modes de scrutins. Ne serait-ce que pour éviter ce genre de discussion.

M. Thierry Repentin. - L'article 1er marque une avancée, car les prestataires auraient pu se mettre d'accord et proposer pour quelques mois des offres très attrayantes, exclusivement destinées aux locataires, afin de capter tout le parc immobilier locatif, avant de relever les prix. La rédaction prévient ce danger. Mais nous ne sommes pas complètement satisfaits, à cause de la date-butoir de 2010. L'essentiel étant préservé, nous ne voterons pas contre.

L'article 1er est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Pour éviter une séance de nuit, il faut en terminer avant 21 heures.

Amendement n°8, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A la fin de l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, les mots : « avant le 1er juillet 2010 » sont supprimés.

M. Roland Courteau. - Sur les nouveaux sites, immeubles neufs par exemple, les consommateurs ont accès aux tarifs réglementés... mais jusqu'en 2010 seulement.

C'est programmer la fin des tarifs réglementés. Cessons d'aller plus loin que ce que demande l'Union européenne ! Si vous voulez supprimer les tarifs réglementés, ayez le courage de le dire.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. Défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Pour l'équilibre du texte, il est nécessaire de maintenir cette date.

M. le Président. - La commission a demandé un scrutin public. (Vives protestations à gauche) J'applique le Règlement.

A la demande de la commission, l'amendement n°8 est mis aux voix

par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin

Nombre de votants 297
Nombre de suffrages exprimés 297
Majorité absolue des suffrages exprimés 149
Pour l'adoption 127
Contre 170

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 2

L'article 66-1 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 précitée est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« IV. - Un consommateur final domestique de gaz naturel qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010 bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel pour la consommation d'un site, à condition qu'il n'ait pas lui-même fait usage pour ce site de la faculté prévue à l'article 3 précité. »

M. Daniel Raoul. - J'espère que la discussion de cet article prendra une forme préférable à celle qui vient de prévaloir. Notre fonctionnement ce soir est indigne de la démocratie. À quoi sert de discuter si c'est pour entériner tout ce qu'a décidé la commission ? Pourquoi ne pas supprimer le Sénat, si c'est ainsi qu'il doit être traité ?

M. le Président. - Je respecte scrupuleusement le Règlement. Si celui-ci doit être modifié, qu'on en discute. Mais pas ce soir.

Amendement n°7, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Dans le second alinéa de cet article, après les mots :

de gaz naturel

supprimer les mots :

qui en fait la demande avant le 1er juillet 2010

L'amendement n°7 a été présenté et le rapporteur a dit son opposition.

M. Daniel Raoul. - Et si je déposais une demande de scrutin public ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Défavorable à l'amendement.

L'amendement n°7 n' est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Articles additionnels

M. le président. - Amendement n°14, présenté par M. Billout et les membres du groupe CRC.

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique est ainsi rédigé :

« Art. 66-2. - Les articles 66 et 66-1 sont également applicables aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport. »

Mme Odette Terrade - Considérant que la facture énergétique des ménages n'est pas une question étrangère à leur pouvoir d'achat, nous avions demandé, lors de nos débats sur le projet de loi travail, emploi et pouvoir d'achat, que les sites de consommation créés après le 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés du gaz. Lors de l'examen du texte sur le droit au logement opposable en mars 2007, la majorité parlementaire avait déjà compris les contradictions et les incohérences des positions qu'elle avait défendues quelques mois plus tôt. Ainsi des députés UMP avaient-ils déposé un amendement afin que les logements neufs créés après le 1er juillet 2007 puissent bénéficier des tarifs réglementés de l'électricité jusqu'en 2010. Cette disposition garde tout son intérêt.

M. le Président. - Amendement n°9, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :

« Art. ... - L'article 66-1 est également applicable, pour les consommateurs domestiques, aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution. »

M. Thierry Repentin. - L'essentiel du gaz vendu l'est sous forme de contrat à long terme. Les marchés de court terme demeurent marginaux, et leur volatilité est telle que l'on ne peut s'appuyer sur eux, pour fixer les prix de vente de gaz naturel à la consommation. Pour les ménages, il revient à l'État de s'assurer que les tarifs réglementés de vente de gaz naturel sont bien calés sur les prix obtenus dans le cadre des contrats à long terme signés par Gaz de France.

Il n'y a aucune raison pour ne pas étendre aux consommateurs domestiques de gaz le dispositif prévu par l'article 66-2.

M. le Président. - Sous-amendement n°23 à l'amendement n° 9 de M. Raoul et les membres du groupes socialiste et apparentés, présenté par M. Poniatowski.

A - Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 9, après le mot :

consommateurs

insérer le mot :

finals

B - Compléter ce même alinéa par les mots :

avant le 1er juillet 2010

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur - L'amendement n°9 nous convient, mais manque la date-butoir, que je propose d'ajouter, dans la logique du texte.

M. le Président. - Amendement n°11, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 66-2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :

« Art. ... - L'article 66-1 est également applicable, pour les consommateurs non domestiques, aux nouveaux sites de consommation raccordés aux réseaux de distribution ou de transport de gaz naturel. »

M. Thierry Repentin. - Nous avons tout à l'heure trouvé un compromis pour les consommateurs non domestiques ayant une faible consommation. Pensons maintenant aux SCI, pensons à la montée d'escalier dans laquelle un médecin, un avocat, voisinent avec des familles, pensons à la SEM quand il n'y a pas de compteur individuel. Ouvrons les possibles et la navette permettra de parfaire la solution.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements 14 et 11.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Ces deux amendements rompraient l'équilibre évoqué par le rapporteur. Et je m'en remets à la sagesse sur l'amendement n° 9 sous amendé par la commission.

L'amendement n° 14 n'est pas adopté.

Le sous-amendement n° 23 est adopté, ainsi que l'amendement n° 9, sous-amendé.

M. Thierry Repentin. - J'ai bien entendu le rapporteur mais mes questions restent sans réponse. Elles continueront à se poser dès demain pour le ménage qui construit sous SCI, et dans les montées d'escalier.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Lorsque j'étais président d'office HLM, j'ai remplacé les compteurs collectifs par des individuels, moins injustes. On ne doit pas légiférer pour deux ou trois cas, c'est à eux de se conformer à la loi.

L'amendement n° 11 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n° 10, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Tout consommateur final domestique de gaz naturel bénéficie des tarifs réglementés de vente de gaz naturel mentionnés à l'article 7 de la loi n° 2003-8 du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l'électricité et au service public de l'énergie pour la consommation du ou des sites raccordés aux réseaux de distribution de gaz naturel entre le 1er juillet 2007 et la date de publication de la présente loi pour lesquels il en fait la demande.

Les tarifs mentionnés à l'alinéa précédent sont applicables de plein droit et sans pénalité aux contrats en cours à compter de la date à laquelle la demande est formulée.

M. Roland Courteau. - Le rattrapage ne doit pas être limité à l'électricité.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - En 2006, déjà, vous aviez retiré un amendement similaire. GDF s'est engagé à traiter les rares cas de manière à éviter que nous ayons à légiférer.

L'amendement n° 10 est retiré ainsi que l'amendement n° 12.

M. le président. - Amendement n° 13, présenté par M. Raoul et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Après l'article 2, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après le quatorzième alinéa de l'article 1er de la loi n° 2004-803 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, il est inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« De tels contrats comportant des obligations de service public sont également conclus entre l'État et tout producteur d'électricité exploitant des installations d'une puissance installée de plus de 2 000 mégawatts. »

M. Daniel Raoul. - L'amendement n° 13 rappelle les obligations de service public en matière de tarification. Celle-ci doit être abordable et péréquée, comme l'exigeait la loi de 2004 dont vous devriez, mes chers collègues relire les termes : ne l'avez-vous pas votée ? Elle invitait notamment EDF et GDF à contribuer à la cohésion sociale au travers de la péréquation. Avec la restructuration du secteur énergétique que vous souhaitez, il faut soumettre les opérateurs entrants à des obligations de service public. Comment le contrat de GDF qui arrive à expiration sera-t-il renouvelé ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - Cet amendement est légèrement en retrait par rapport à votre proposition de loi. Les obligations que vous évoquez s'appliquent déjà. Votre amendement ne s'appliquerait qu'à GDF-Suez et à l'ex- SNET. Les obligations de service public s'appliqueront à Suez après la fusion et un nouveau contrat sera passé avec GDF-Suez. Quant à la SNET, un contrat est-il opportun ? Pour toutes ces raisons, je demande le retrait de l'amendement, sinon j'y serais défavorable.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - L'amendement dépasse largement le sujet circonscrit par le rapporteur. Il concerne EDF et GDF-Suez avec lequel un contrait va être prochainement signé. Avis défavorable.

M. Daniel Raoul. - Un nouveau contrat va-t-il être signé avec GDF-Suez ?

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur. - C'est une obligation.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - C'est dans la loi de 2004.

L'amendement n°13 est retiré.

L'intitulé de la proposition de loi est adopté.

Explications de vote

M. Robert del Picchia. - Le groupe UMP soutient l'initiative de M. Poniatowski, qui propose la solution juridique la plus raisonnable à la difficulté née de la décision du Conseil constitutionnel, laquelle a pour conséquence de rendre irréversible le choix de la concurrence, pour les ménages comme pour les propriétaires. Un locataire pourrait ainsi faire le choix du tarif libre sans que le propriétaire en soit informé, et l'occupant suivant ne pourrait plus revenir au tarif réglementé. Les consommateurs professionnels qui ont opté pour le tarif du marché ont vu, à court terme, leur facture augmenter. Dès lors que l'on peut craindre le même effet pour les particuliers, la proposition de loi permet, comme cela existe déjà pour les très gros consommateurs industriels, un retour au tarif réglementé en cas de changement de site de consommation, pour l'électricité et le gaz.

C'est là une réponse prudente à une situation complexe. La France a plusieurs contentieux en cours au niveau européen et la question des tarifs n'est qu'une partie du débat qui s'engage en Europe sur la meilleure manière de garantir, à terme, l'approvisionnement et la sécurité énergétique.

Le groupe UMP restera vigilant sur ce sujet éminemment politique qui devra être traité avec nos partenaires européens. Dans cette perspective, le Sénat qui entend tenir toute sa place organisera, dès le 30 octobre prochain, un débat sur l'approvisionnement énergétique de la France, à l'initiative de M. Sido, président de la récente mission d'information sur ce sujet.

M. Daniel Raoul. - La récente fusion entre GDF et Suez fait peser un risque sur notre système tarifaire réglementé. Les sénateurs socialistes restent opposés à cette fusion annoncée par le Président de la République au mépris de ses engagements de naguère. Un tel groupe, dont les actionnaires veulent garder les mains libres, ne peut que souhaiter s'exonérer des contraintes tarifaires. Alors que les grands groupes bénéficient de tarifs préférentiels dans le cadre des contrats de long terme conclus avec les pays producteurs, l'alignement du tarif réglementé sur les prix du marché peut créer une rente au bénéfice des seuls actionnaires. Le cours de Suez de septembre -plus 8,62 %- montre assez que les actionnaires, qui sont loin d'être philanthropes, ont largement salué la fusion.

La création d'un pôle public EDF-GDF était pourtant le moyen d'assurer une maitrise publique sur le secteur, donc la sécurité de nos approvisionnements et notre indépendance énergétique.

Si nous sommes satisfaits d'avoir pu jouer les bons Samaritains en formulant avec persévérance, dès 2006, des propositions qui ont permis d'améliorer le projet, comme l'extension au gaz des dispositions applicables à l'électricité, nous regrettons que le texte n'aille pas plus loin, en garantissant le bénéfice du tarif réglementé sans limitation de durée. Vous considérez que fixer un délai à 2010 vous sera une arme dans la négociation, nous estimons qu'avec cette arme, vous vous faites hara-kiri. Qui plus est, la date retenue est bien proche. La suppression du délai limite, alors que le Président de la République s'engage à relever le pouvoir d'achat des Français, aurait été un acte concret.

M. Michel Billout. - Quelle pérennité auront les tarifs réglementés ? Ce texte constitue-t-il une garantie suffisante ? Nous restons pessimistes : elle ne peut, en l'état du droit communautaire, que rester une dérogation car tarifs réglementés et concurrence libre et non faussée sont antinomiques.

Si ce texte ne vaut pas que l'on s'y oppose, nous considérons qu'une véritable réorientation de la construction européenne et une remise en cause du dogme libéral de la concurrence libre et non faussée comme pierre angulaire de toute politique publique s'imposent. Nous demandons qu'un bilan soit dressé des politiques de libéralisation du secteur de l'énergie. L'ouverture à la concurrence n'a pas eu les effets escomptés. Bien au contraire, notre sécurité d'approvisionnement est menacée et les tarifs se sont envolés. La politique d'entreprise des opérateurs historiques, depuis l'ouverture de leur capital, a pris un tout autre cap. Augmenter la rentabilité pour les actionnaires est devenu un objectif mentionné dans les contrats de service public. Et le contrat de service public de GDF prévoit un alignement des tarifs réglementés sur le tarif libre.

Les anciens monopoles qui auraient dû être modernisés et démocratisés sont peu à peu remplacés par des oligopoles privés. Pourtant, l'énergie est une denrée exceptionnelle et non une simple marchandise. Ce constat, partagé par la plupart d'entre nous, ne peut conduire qu'à une conclusion : la maîtrise doit rester publique, comme le recommande le rapport de notre mission commune d'information, et ne peut être laissée à la main invisible du marché. Cette maîtrise, pour les sénateurs de mon groupe, passe par une condition stricte : l'exclusion des capitaux privés, qui pervertissent irrémédiablement la politique d'entreprise.

Nous avions déposé un amendement demandant la fusion de EDF et GDF. Une fois encore, vous nous auriez opposé une fin de non recevoir, au motif des contreparties qu'imposerait Bruxelles. Pourtant, la création du géant Suez GDF impose aussi des contreparties et pas des moindres : cession de contrats de long terme pour GDF, séparation du pôle environnement pour Suez, fin du monopole de production nucléaire pour EDF. Et ceci, sans les bénéfices d'une vraie maîtrise publique. Mais nous n'avons pu avoir cette discussion, notre amendement ayant été déclaré irrecevable par la commission des finances. Nous pouvons donc voter des lois, à l'unique condition qu'elles n'engagent aucune dépense. Où sont les pouvoirs du Parlement ? L'initiative parlementaire n'est qu'une vaste plaisanterie : les lieux de décision sont ailleurs. Ainsi, nous allons nous prononcer sur ce texte alors même que le gouvernement prône l'ouverture totale à Bruxelles et que le Président Sarkozy annonce déjà la privatisation du nucléaire civil. Les tarifs réglementés seront évidemment sacrifiés car incompatibles avec les objectifs de marché.

Les sénateurs communistes refusent la marchandisation de l'ensemble des activités humaines. Estimant que la puissance publique doit se doter des instruments industriels nécessaires pour répondre aux enjeux énergétiques du XXIème siècle, ils s'abstiendront sur ce texte. ((Applaudissements sur les bancs du groupe CRC ; M. Desessard applaudit aussi.)

M. Jean-Marc Pastor. - Si l'indépendance énergétique de le France n'était pas en jeu, l'attitude de la majorité, habituellement chantre du libéralisme économique, serait savoureuse.

C'est le gouvernement Raffarin qui a voulu l'ouverture du marché de l'énergie aux particuliers. C'est sous le gouvernement Villepin que la convergence entre le tarif réglementé et le prix du marché a été prévue et c'est encore ce gouvernement qui a engagé la privatisation de GDF, que Bruxelles ne pouvait exiger puisque la Commission n'a pas à connaître de la nature publique ou privée d'une entreprise.

Or, c'est la même majorité qui nous vante aujourd'hui les mérites du tarif réglementé et le caractère stratégique des activités de transport de l'électricité, qui justifierait l'intervention de l'État.

Ne serait-il pas plus responsable, au lieu de mener une politique idéologique qui contraint sans cesse à des retours arrière, de s'inscrire dans le long terme ? L'ouverture à la concurrence a entrainé une hausse des prix dans le secteur dérégulé. Vous proposez aujourd'hui d'ouvrir aux particuliers le retour accordé aux entreprises.

M. Gadonneix s'est engagé à ce que les tarifs administrés n'augmentent pas davantage que l'inflation jusqu'en 2010. Nous espérons que cela ira au-delà. La France doit convaincre l'Europe que la nécessité de préserver notre indépendance énergétique impose une refonte de la politique énergétique communautaire. A défaut, les consommateurs finals risquent de regretter le monopole.

Il y a seulement trois mois, nous avons voté le rapport sur l'indépendance énergétique de la France, qui prévoit de garantir le libre choix du consommateur et d'éviter qu'il ne bascule contre son gré sur le marché. Nous y rappelions que la production électro-nucléaire permet le prix régulé, nous prônions la mise en place d'un pôle public européen de l'énergie et nous réclamions la réversibilité, comme en Allemagne et la maîtrise publique de la production énergétique, sans fixer de date butoir. Nous étions alors unanimes, mais de nouveaux points de divergence sont apparus depuis. Comme en octobre 2006, le spectre du libéralisme est présent.

J'étais à Bruxelles, avec les membres de la mission : on nous a plus parlé de transparence des coûts des tarifs réglementés que de date butoir, mais nous avons constaté l'incapacité de l'Europe à mener une véritable politique énergétique, sauf à considérer que seul le marché pourrait réguler le secteur, ce qui ne laisse pas d'être inquiétant. Aujourd'hui on nous demande de faire profil bas face à une hypothétique opposition à venir de Bruxelles alors qu' en matière d'énergie, la France est en avant, et que notre mission, au sein de l'Europe, est de donner le ton.

Pour ces raisons, nous nous abstiendrons. (Applaudissements à gauche.)

M. Jean Desessard. - Je remercie le rapporteur pour ses explications et la précision de son argumentation.

Sur la forme de ce débat, je ferai deux remarques. Tout d'abord, en ce premier jour de session ordinaire, devons-nous toujours appliquer un règlement intérieur qui permet à une personne de voter pour deux cents collègues ? N'y a-t-il pas là une atteinte au régime parlementaire et ne faudrait-il pas revoir ce système, à l'image de l'Assemblée nationale où les députés ne peuvent détenir qu'un seul mandat d'un collègue ? Ensuite, si, au début de mon mandat de sénateur, je me réjouissais du respect des horaires, alors qu'au Conseil de Paris les séances se prolongent souvent tardivement, je regrette aujourd'hui, pour la qualité des débats, qu'au-delà d'une certaine heure on nous pousse à aller plus vite. Je crois qu'il serait plus convenable d'arrêter à une certaine heure, 20 h 15 par exemple.

Sur le fond, quant à la libéralisation du marché de l'énergie, l'UMP et le rapporteur ont beau s'évertuer à maintenir le prix régulé, la tendance lourde est à la dérégulation. Il serait utile que notre Assemblée s'accorde sur une idée forte et porte le débat au niveau européen. Au lieu de quoi, on craint que « Bruxelles », sa « technocratie », n'interprètent mal nos positions. Ce n'est pas une bonne méthode, et la démocratie européenne souffre de l'insuffisance des pouvoirs de son parlement.

Je regrette également que l'estimation de l'impact sur les coûts de production du démantèlement des centrales et du traitement des déchets soit insuffisante, et surtout que l'on ne prenne pas en compte la nécessaire baisse de la consommation énergétique. Cela justifierait d'instituer un tarif progressif une première tranche, au prix faible, pour couvrir les besoins de première nécessité, puis une tranche moyenne et élevée, selon les quantités consommées. Au lieu de quoi on pratique toujours un tarif dégressif.

Nous ne pouvons pas voter en faveur de cette proposition de loi, ni contre parce qu'elle propose de maintenir les tarifs régulés. Nous nous abstiendrons donc.

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance, mardi 2 octobre à 9 heures.

La séance est levée à 21 h 10.

Le Directeur du service du compte rendu analytique

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mardi 2 octobre 2007

Séance publique

A NEUF HEURES

1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les régimes spéciaux de retraite.

À 16 heures et le soir

2. Discussion du projet de loi (n° 461, 2006-2007) adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Rapport (n° 470 rect., 2006-2007) de M. François-Noël BUFFET, fait au nom de la commission des Lois Constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu :

- de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'acte portant révision de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 473, distribué et renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.

- de M. le Premier ministre un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord sur l'application de l'article 65 de la convention sur la délivrance de brevets européens.

Ce projet de loi sera imprimé sous le n° 474, distribué et renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.

- un rapport sur la prise en charge précoce des accidents vasculaires cérébraux, établi par M. Jean Bardet, député, au nom de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.

Ce rapport sera imprimé sous le n° 475 et distribué.

- un rapport sur la politique vaccinale de la France, établi par M. Paul BLANC, sénateur, au nom de l'office parlementaire d'évaluation des politiques de santé.

Ce rapport sera imprimé sous le n°  476 et distribué.

- de M. Jean-Pierre BEL et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur les conditions de la libération des infirmières bulgares en Libye et sur les accords franco-libyens.

Cette proposition de résolution sera imprimée sous le n° 477, distribuée et renvoyée à la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées et, pour avis, à la commission des Lois Constitutionnelles, de Législation, du Suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale en application de l'article 11, alinéa 1 du Règlement.