Questions d'actualité

M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses du gouvernement aux questions d'actualité.

J'appelle chacun au respect de son temps de parole de deux minutes trente.

Immigration et tests A.D.N.

Mme Éliane Assassi . - (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC) Ma question s'adresse à l'ensemble du gouvernement car il en va de l'image de la France dans le monde. Le Président de la République a convoqué le Parlement en session extraordinaire pour envoyer un signe à son électorat le plus à droite. La loi de M. Hortefeux, qui stigmatise à nouveau l'immigration, tombe à pic pour faire oublier la situation actuelle.

Toutes ses dispositions sont dirigées contre les populations immigrées, aussi ont-elle suscité l'émotion dans les pays d'immigration qui avaient subi le colonialisme. Le texte heurte des philosophes, des religieux et jusque dans les rangs de la majorité : un ancien ministre de l'intérieur déclarait : « les tests ADN ne sont pas acceptables. Cela rappelle de mauvais souvenirs. On sait l'utilisation que les nazis ont faite des tests génétiques ». (Murmures à droite) La commission des lois avait rejeté toute référence à ces tests mais M. Hortefeux a repris sa plume pour y revenir.

La génétique ne fonde pas le lien social. Cette affaire relève du droit international et non du droit intérieur. J'invite solennellement les cent trente huit sénateurs qui ont voté contre cette disposition à saisir le Conseil constitutionnel. Mais cela peut encore être évité : je demande au gouvernement d'entendre l'émotion en France et dans le monde. Irez-vous jusqu'à proposer après la CMP un amendement de suppression de l'article 5 bis dont vous êtes le véritable initiateur ? (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement . - La Haute assemblée ne terminera l'examen des deux cent dix amendements déposés que tard dans la nuit. Je salue la grande qualité de ses débats et j'espère que vous reconnaîtrez que j'ai écouté attentivement toutes les interventions, même si les vôtres ont surtout souligné nos divergences. Vingt-et-un amendements ont été adoptés, dont certains émanent de l'opposition et trois ou quatre l'ont été à l'unanimité.

Je ne laisserai pas caricaturer un projet clair dont l'objet est de rééquilibrer immigration familiale et immigration économique. Ce texte est aussi protecteur, qui instaure un test de langue suivi d'une formation ; quel est le meilleur vecteur d'intégration que la langue ? Comment trouver un logement, un travail, comment faire ses courses si on ne parle pas notre langue ? Nous voulons ainsi lutter contre toutes les formes de communautarisme.

M. le président. - Veuillez terminer.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Vous avez évoqué les tests de filiation que douze pays socialistes ou socio-démocrates pratiquent déjà. La loi est désormais bien encadrée. Volontariat, expérimentation, autorisation par le juge civil, gratuité, preuve de la filiation par la mère, absence de fichage génétique, le texte adopté cette nuit présente toutes les garanties. Si l'on veut réussir l'intégration, il faut commencer par maîtriser l'immigration. (Applaudissements à droite)

Pas d'école le samedi (I)

M. Gérard Delfau . - Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, vous venez d'annoncer la fin de l'école primaire le samedi matin. Cette décision, qui divise l'opinion et qui inquiète parce qu'elle aura un impact important sur la vie quotidienne, (Exclamations à droite) vous l'avez prise sans concertation aucune : cette brutalité s'explique-t-elle par des raisons financières cachées ? Quelle est votre stratégie pour l'organisation des rythmes scolaires ? Pourquoi a-t-on entendu que les activités du samedi seraient transférées le mercredi ? Puis que les moyens dégagés seraient consacrés aux élèves en difficulté ? N'assiste-t-on pas plutôt à un affaiblissement global du niveau, dont s'inquiète le collectif « Sauver les lettres » ? La suppression des cours le samedi matin ne creusera-t-elle pas l'écart entre les communes qui peuvent offrir en substitution des activités culturelles et de loisirs aux enfants, et celles qui ne le peuvent pas ?

Monsieur le ministre, combien de postes comptez-vous économiser lors des prochaines rentrées scolaires, grâce à la suppression de l'école le samedi matin ? (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre de l'Éducation nationale  . - Vous dites que cette décision est brutale et qu'elle sème la confusion, c'est bien plutôt la situation actuelle qui est confuse : telle école travaille le samedi, telle autre jamais, une autre encore un samedi sur deux, certaines pratiquent la semaine de quatre jours... La suppression de l'école le samedi serait impopulaire ? Deux sondages établissent que 82 % des parents l'approuvent ! (Vifs applaudissements à droite, exclamations à gauche) Vous prétendez que la mesure créera une demande d'ouverture d'écoles. Ce n'est pas certain, on ne le constate pas dans les communes où les écoles sont déjà fermées le samedi.

Le Gouvernement, ensuite, n'exerce aucune pression en faveur de la semaine de quatre jours : la question relève entièrement des communes. Dès la rentrée 2009 conformément à la demande du Premier ministre des études surveillées seront organisées dans toutes les écoles communales. Quant aux élèves en difficulté -15 %-, ils bénéficieront des heures d'enseignement dégagées par la fin de l'école le samedi, c'est une mesure sociale.

Où voulez-vous que j'économise des emplois, enfin, puisque les enseignants conserveront leur charge de travail de 27 heures de cours hebdomadaires ? Cette mesure est pédagogique, Monsieur le sénateur et les Français l'approuvent ! (Vifs applaudissements à droite, exclamations à gauche)

Pas d'école le samedi (II)

M. Pierre Martin . - Nous nous réjouissons de la suppression de l'école le samedi matin : l'emploi du temps scolaire des enfants sera allégé, au bénéfice du temps passé en famille. Toutefois, ne s'oriente-t-on pas vers la semaine de quatre jours ? Quid de la durée du travail des enseignants ? Vous dites qu'elle est maintenue à vingt-sept heures hebdomadaires : les enseignants auront-ils des obligations d'accompagnement scolaire, qui est aujourd'hui facultatif ? Après les collèges, l'accompagnement scolaire sera-t-il introduit à l'école primaire ? Quelles seront les conséquences sur le ramassage scolaire qui relève des départements ? Et sur les programmes ? (Applaudissements à droite)

M. Xavier Darcos, ministre . - Vous parlez en expert, ayant été directeur d'école. Le gouvernement n'exerce aucune pression en faveur de la semaine de quatre jours : il faut que les communes, les écoles, les familles s'organisent de manière simple. Le Président de la République a souhaité que chaque collégien puisse bénéficier de deux heures d'étude surveillée, quatre jours par semaine, car nous savons le poids de la famille dans la réussite scolaire de l'enfant, et le rôle que l'école peut jouer pour réduire les disparités. L'étude surveillée sera en place dès la rentrée de Toussaint pour les collèges en ZEP, dès septembre prochain pour tous les collèges, en septembre 2009 dans le primaire.

Le Premier ministre a rendu un arbitrage très important : les professeurs du premier degré bénéficieront de la défiscalisation et de la suppression des charges sociales sur leurs heures supplémentaires.

Le transport scolaire est une question difficile, qui relève effectivement des départements. La solution est du côté de l'uniformisation des horaires scolaires, afin que les bus scolaires n'aient qu'une tournée à faire ! (Applaudissements à droite). Enfin, s'agissant des programmes, nos enfants suivent neuf cent trente six heures de cours en moyenne par an en premier degré, la moyenne est de huit cents heures dans l'Union européenne. Nous avons donc de la marge pour resserrer les programmes : les petits Français ne sont pas plus bêtes que les autres enfants européens, ils continueront d'acquérir les savoirs fondamentaux ! (Applaudissements à droite et au centre)

Indépendance de la presse

M. Roland Courteau . - Les syndicats de journalistes se mobilisent aujourd'hui pour défendre l'indépendance des rédactions, menacée, à leurs yeux, par la mainmise du pouvoir sur les grands médias (Rires ironiques à droite). Ils estiment que « rarement l'indépendance des journalistes n'avait été autant bafouée et que rarement des droits fondamentaux du citoyen, à savoir l'accès à une information honnête, complète et indépendante des pressions politiques, n'avaient été autant menacés ».

Pour les syndicats, cette situation est le symbole de la dérive actuelle : « une majorité des organes de presse est détenue par des industriels qui ont des liens étroits avec le pouvoir ». (Exclamations à droite) Ils demandent donc des mesures garantissant l'indépendance et le respect de l'éthique professionnelle. C'est une question de démocratie.

Il en est une autre, qui n'est pas moindre : un profond déséquilibre règne dans l'expression des grands courants après les interventions répétées du Président de la République, dans les médias. Certains ont même évoqué l'accaparement des médias puisque la règle du CSA, dite des trois tiers, pour décompter les temps de parole -un tiers au gouvernement, un tiers à la majorité et un tiers à l'opposition- se trouve de fait bafouée. Le temps d'expression médiatique du Président devrait donc être décompté par le CSA dans celui du gouvernement. (Rires à droite). L'évolution institutionnelle revendiquée par le Président de la République rend cette règle des trois tiers obsolète : aujourd'hui, le Président « conduit la politique de la Nation » qu'il commente, d'ailleurs, plus qu'abondamment. Aujourd'hui, c'est le Président « qui gouverne » selon les propres termes de M. Sarkozy. Aujourd'hui, il est omniprésent dans les médias. Dès lors, cette règle des trois tiers doit être modifiée par le CSA.

M. Ladislas Poniatowski. - Il faut un quatrième tiers ! (Sourires)

M. Roland Courteau. - Quel est l'avis du Premier ministre sur ces deux questions ? (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication . - Concernant l'indépendance des journalistes, il suffit de regarder et de lire les différents médias pour être pleinement rassuré : il n'est donc nul besoin de légiférer sur ce point (Exclamations indignées à gauche tandis qu'on applaudit à droite).

M. Jean-Pierre Sueur. - Paris Match est un modèle du genre !

Mme Christine Albanel, ministre. - S'agissant du temps de parole du Président de la République, comme vous l'avez dit et déploré, le CSA ne considère pas qu'il puisse être assimilé à l'une ou l'autre des catégories que vous avez citées, qu'il s'agisse du gouvernement, de la majorité ou de l'opposition. (On le regrette à gauche tandis qu'on s'en félicite à droite) Ce faisant, le CSA ne fait que se référer à la jurisprudence du Conseil d'État relative à la place du Chef de l'Etat dans nos institutions. (Nouvelles exclamations à gauche) : le Président de la République ne s'exprime pas au nom d'un parti ni d'un groupe politique (On ironise sur les mêmes bancs). Il est évident que le CSA ne peut s'affranchir de cette jurisprudence.

Je rappelle enfin que le CSA est une instance indépendante et qu'il n'appartient pas au gouvernement d'interférer dans les réglementations qu'il édicte. (Vifs applaudissements à droite)

Pas d'école le samedi (III)

Mme Catherine Morin-Desailly . - Comme une grande majorité des parents et des enseignants, je suis plutôt favorable à la suppression des cours dans le primaire le samedi matin (On s'en félicite à droite) Pour autant, la mise en oeuvre de cette disposition va poser quelques problèmes. Harmoniser les calendriers et les horaires des enfants permettra de répondre aux souhaits des parents en tenant compte de l'évolution des modes de vie des familles. Comme vous l'avez également évoqué, il faudra réfléchir à la suppression des cours du samedi matin au collège, afin que les fratries et les familles bénéficient pleinement de ce temps libéré.

Les élèves français font beaucoup plus d'heures que leurs petits voisins européens en primaire, mais beaucoup s'interrogent sur les conséquences de cette mesure sur les programmes. Que pouvez-vous nous dire en particulier sur les horaires aménagés des mercredis et des samedis matins ? Ne faudra-t-il pas prévoir une large concertation préalable, notamment avec les élus locaux, surtout les maires ? Nous souhaitons que vous réunissiez l'ensemble des acteurs concernés sur les rythmes d'apprentissage les mieux adaptés. Comment comptez-vous, monsieur le ministre, engager cette concertation avec les collectivités territoriales ?

M. Ladislas Poniatowski. - Il n'y en a que pour lui, aujourd'hui ! (Sourires)

M. Xavier Darcos, ministre . - La suppression des cours n'est pas un but en soi. Sil est bon d'alléger la charge scolaire, encore faut-il que nous soyons d'accord sur les objectifs pédagogiques que nous voulons assigner à l'école primaire. Les discussions nous permettront de nous mettre d'accord sur les fondamentaux de l'enseignement à l'école.

Je persiste à penser qu'il est anormal que les parents aient du mal à comprendre les programmes qui sont imposés à nos enfants. (Murmures désapprobateurs à gauche) Il faut des programmes simples, clairs, lisibles, afin de fixer des objectifs qui soient partagés. (Exclamations sur les mêmes bancs)

M. René-Pierre Signé. - Qu'a fait de Robien ?

M. Didier Boulaud. - Robien bon à rien !

M. Xavier Darcos, ministre. - La concertation a déjà commencé sur cette question et, dès la fin du mois, nous présenterons une première maquette qui servira de base aux discussions.

Concernant l'accompagnement éducatif, nous travaillerons avec les représentants des professeurs, mais aussi des associations culturelles et sportives car l'enfant est un tout.

Quant aux rythmes dans le primaire, il faudra que chaque année d'étude fixe des objectifs bien compris et partagés par tous afin que les élèves progressent suffisamment pour passer d'une classe à l'autre. (« Très bien ! » et applaudissements à droite) Nous n'accepterons plus que des enfants arrivent au collège sans avoir acquis les savoirs fondamentaux. C'est pourquoi deux heures supplémentaires d'enseignement seront dispensées aux élèves en grande difficulté afin qu'ils puissent réussir aussi bien que les autres. (Applaudissements à droite)

Dialogue social

M. Yannick Texier . - Monsieur le ministre du travail, vous avez présidé ce matin la première des trois conférences sociales promises par le Président de la République. Cette conférence tripartite, dont le rapporteur général est M. Larcher, fin connaisseur des questions sociales, réunit les partenaires sociaux et le Gouvernement autour de la question des conditions de travail. Le thème est d'actualité avec la volonté du Président de la République de réhabiliter la valeur travail et la réflexion engagée sur les nouvelles formes de pénibilité au travail à l'occasion de la réforme des régimes spéciaux. En effet, les conditions de travail peuvent être à l'origine de drames humains, ce dont témoigne la récente vague de suicides qu'a connue la France suite à une détérioration du climat dans certaines entreprises.

Aussi, je me félicite de la méthode que vous avez adoptée, celle d'une large concertation et d'un véritable dialogue social, avec l'organisation de sept réunions préparatoires en septembre.

Pouvez-vous dresser le bilan de cette conférence ? Êtes-vous parvenu à établir un diagnostic de la situation, à identifier les mesures à prendre et à définir un calendrier avec les partenaires sociaux ? (Applaudissements à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité . - Ce sujet d'importance, le Gouvernement et les partenaires sociaux l'ont abordé avec sérieux. La conférence s'est terminée ce matin, elle ne sera pas sans lendemain !

Précédée de soixante-dix heures de débat organisé par M. Larcher, rapporteur général et ancien ministre du travail (« Bravo ! » et applaudissements à droite), elle a été l'occasion pour le Gouvernement et les partenaires sociaux de se pencher sur la question de la pénibilité du travail. Pour travailler plus, et aller chercher la croissance, il faut travailler mieux, il faut que les Français se sentent bien au travail !

Nous avons décidé de mettre en place des indicateurs pour mesurer le stress, ces troubles psychosociaux dont nous ne parlions pas hier et, pour être franc, que nous avons du mal à appréhender aujourd'hui, afin d'y faire face, secteur par secteur, entreprise par entreprise. Pour aider les entreprises qui investissent dans l'amélioration des conditions de travail, le Gouvernement débloquera 50 millions, soit un effort supplémentaire de 25 %, et attribuera 4 millions au Fonds pour l'amélioration des conditions de travail. Si cela est nécessaire, nous ferons un effort supplémentaire dès 2009.

Ensuite, nous avons décidé de renforcer le dialogue social au sein des entreprises, afin que les huit millions de salariés des très petites entreprises en France aient la possibilité, eux aussi, de discuter de leurs conditions de travail.

Enfin, nous avons abordé la question du renforcement des compétences des membres des comités d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail. Un accord sera négocié dès la semaine prochaine en ce sens dans le secteur de la découpe de la volaille, secteur pénible s'il en est.

Bref, le dialogue social fonctionne et va nous permettre d'avancer ! (Applaudissements à droite et au centre)

EADS

M. Pierre-Yves Collombat . - EADS, l'un des plus beaux fleurons de l'industrie européenne, traverse depuis mai 2005 une zone de turbulences. Résultat : un plan de suppression de 10 000 emplois et une chute de 35 % du titre. Seule l'oligarchie, qui sait et qui dirige, est sortie indemne de cette crise en faisant fructifier ses stock options avant de retirer ses billes à temps ! (On approuve à gauche) Au premier rang l'ex co-président, Noël Forgeard, et les groupes Lagardère et Daimler. Entre mai 2005 et juin 2006, 1 200 petits futés ont vendu 10 millions de titres et empoché 90 millions de plus-value !

Dans Le Figaro, on apprend que la note de l'AMF transmise au Parquet de Paris conclut à un délit d'initiés massif. On apprend aussi que Thierry Breton, alors ministre des finances, a été informé de la situation par l'Agence des participations de l'État, qui conseilla un désengagement rapide, ce qui ne sera pas fait.

Monsieur le Premier ministre, trouvez-vous normal que l'on confie la stratégie industrielle de la France à des boursicoteurs ? (Exclamations à droite) Trouvez-vous normal qu'un ministre de la République n'ouvre pas d'enquête, ce que les groupes socialistes de l'Assemblée nationale et du Sénat avaient réclamé, (On s'en souvient sur les bancs socialistes) sur des manoeuvres portant gravement atteinte à nos intérêts industriels ?

D'après les déclarations de M.  Breton, la procédure de revente des actions était parfaitement transparente... Si cela est vrai, cela signifie que l'on peut mettre en pièce notre industrie sous le regard impassible de l'État ! Hier soir, tard dans la nuit, le Gouvernement et sa majorité ont traqué les fraudeurs à l'immigration jusque dans l'ADN des enfants. (Protestations à droite) Ne pensez-vous pas qu'il est tout aussi urgent de vous préoccuper des émigrés de la finance qui menacent notre identité industrielle et nos emplois ? (Vifs applaudissements à gauche)

M. François Fillon, Premier ministre . - Les faits reprochés à certains dirigeants d'EADS sont très graves (« Certes ! » à gauche), il faut donc faire preuve de retenue dans ses commentaires (Rires à gauche) et attendre l'issue des procédures. L'AMF a ouvert une enquête et a fait savoir qu'elle rendrait ses conclusions définitives début 2008. La justice est saisie. Dans un État de droit (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.), on doit s'abstenir de tout commentaire sur la culpabilité de quiconque avant que la justice n'ait fait son travail, chacun devrait le comprendre au Sénat !

L'État ne s'est prêté en aucune façon à une manoeuvre supposée de liquidation d'actions par des porteurs privés pour la simple et bonne raison que toute intervention de l'État, français ou allemand, est interdite par le curieux pacte d'actionnaires qui, faut-il le rappeler, a été négocié par une autre majorité !

M. Charles Revet. - Eh oui !

M. François Fillon, Premier ministre. - D'où les efforts du Président de la République et de Mme Lagarde pour modifier la gouvernance d'EADS...

M. Yannick Bodin - Rien à voir !

M. François Fillon, Premier ministre. - Cette affaire est une affaire privée (Protestations à gauche) Gardons-nous de jeter l'opprobre sur un groupe industriel européen stratégique qui, après avoir connu une crise de croissance, renoue avec le succès.

Elle enregistre des commandes qui la ramènent au niveau de son concurrent américain. Le succès de l'A 380, le succès du lancement de l'A 350 montrent qu'elle est sur la bonne voie et mérite d'être accompagnée par les pouvoirs publics dans un succès qui devrait faire la fierté de la France et de l'Europe. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre.)

M. Didier Boulaud. - Encouragez les patrons voyous !

M. le président. - Je signale que la commission des finances, ainsi que son président pourra vous le confirmer, procèdera prochainement à une série d'auditions sur cette affaire.

M. Jacques Mahéas. - Il faut une commission d'enquête !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. - Nous avons en effet décidé d'entendre un certain nombre de responsables afin de dissiper tous les soupçons. (Applaudissements sur quelques bancs de l'UMP.)

Financement de l'école privée

M. Michel Houel . - La circulaire du 6 septembre 2007 qui, tient compte des motifs de forme soulevés par le Conseil d'État relatifs à la circulaire de décembre 2005 sur la participation des communes de résidence au financement des écoles privées extérieures suscite de vives réactions de la part de maires dont je me fais aujourd'hui l'interprète.

Les élus locaux et l'enseignement catholique étaient parvenus à un modus vivendi. Ils s'étaient entendus sur le fait qu'une commune de résidence ne pouvait se voir imposer une prise en charge de scolarité que dans le cas où elle ne possèderait pas d'école publique, où la capacité d'accueil serait insuffisante ou dans le cadre des règles classiques des dérogations qui s'appliquent au secteur public.

Il s'agit d'un simple principe d'équité et de justice. Il ne serait pas acceptable qu'un maire soit obligé de payer deux fois, pour sa propre école et pour l'école privée de la commune voisine.

M. Gérard Delfau. - Très bien !

M. Michel Houel. - Les maires de certaines communes rurales ont beaucoup de mal à maintenir leur école ouverte et supporteront donc mal de voir partir, aux frais de la commune, leurs élèves.

Président de l'Union des maires de mon département, je reçois les doléances des élus, qui pour la plupart, ne sont pas disposés à payer.

Loin de moi l'idée d'intervenir contre l'enseignement privé, dont je reconnais la qualité. Je comprends que certains parents choisissent de lui confier leurs enfants. Mais nous savons tous quels efforts consentent les maires pour offrir à leurs administrés des établissements scolaires de qualité.

Ne pourrions-nous, monsieur le ministre, faire de ce modus vivendi la règle ? ((Applaudissements à droite et sur la plupart des bancs au centre et à gauche.)

M. Xavier Darcos, ministre . - Le sujet est en effet difficile, d'autant que cette circulaire avait été prise sur proposition sénatoriale (Murmures.)

Nous souhaitons privilégier le dialogue entre les communes plutôt que la coercition. La circulaire n'est appelée à s'appliquer que lorsqu'un accord n'a pu être trouvé, et nous savons que le cas est rare. Il est alors fait appel à l'arbitrage du préfet.

C'est un dispositif d'équité, qui garantit aux familles la liberté de choix et aux communes qu'elles ne paieront pas deux fois.

L'accord national conclu avec l'enseignement catholique ne pouvait servir de base juridique solide. La circulaire du 6 septembre prend en compte les problèmes de forme soulevés par le Conseil d'État. Le nouveau texte a fait l'objet d'une lecture très attentive, en amont, de l'Association des maires de France, pour faire disparaître certaines dépenses obligatoires comme le contrôle des bâtiments, la rémunération des agents territoriaux de service des écoles maternelles, où les dépenses relatives aux activités extrascolaires. C'est donc un texte amélioré que nous vous présentons, dans une perspective d'harmonisation, de dialogue et d'apaisement. (Applaudissements sur quelques bancs de l'UMP.)

Conditions d'interpellation des sans-papiers

M. David Assouline . - On peut regarder ailleurs quand on passe devant une soupe populaire des Restos du coeur, que l'on voit des policiers interpeller, pour les expulser, de pauvres gens qui viennent avaler un bol de soupe. (Exclamations à droite)

On peut passer son chemin quand on voit un grand-père se faire arrêter devant son petit-fils qu'il est venu chercher à l'école.

On peut rester indifférent devant le nombre d'enfants, fréquentant les mêmes écoles que les nôtres, qui vont en classe tous les jours la trouille au ventre, sans savoir s'ils retrouveront leurs parents au retour, sans savoir si c'est le jour où leur vie va basculer. (Nouvelles exclamations sur les mêmes bancs)

On peut poursuivre ses vacances le coeur tranquille quand on apprend, le 9 août, qu'un enfant russe de 12 ans a chuté du 4ème étage d'un immeuble à Amiens en fuyant la police venue arrêter son père et sa mère...

M. Bruno Sido. - Démago !

M. David Assouline. - ... n'être en rien troublé, le 12 septembre, quand c'est un homme d'origine maghrébine qui tombe du quatrième étage d'un immeuble, à Roussillon-en-Isère, pour échapper aux gendarmes venus l'interpeller ; n'être pas bouleversé d'apprendre que, dans le quartier de Belleville, le 21 septembre, Mme Zhang, chinoise de 51 ans, est morte après s'être jetée du premier étage pour tenter d'échapper à ce qu'elle croyait être une rafle. (Protestations à droite)

On peut trouver normal qu'un ministre convoque les préfets pour les sommer de faire du chiffre, ce qu'un syndicat de policiers dénonce comme « de l'abattage ».

On peut accélérer le pas, quand on prend le métro, en voyant se multiplier les contrôles aux faciès destinés à remplir les objectifs du ministre. (« Assez ! » sur plusieurs bancs à droite)

On peut s'habituer à voir ce même ministre donner des instructions aux préfets, rappeler à l'ordre les élus qui parrainent des sans-papiers, ou même ceux qui accordent à leurs familles des aides sociales...

M. Dominique Braye. - Démago !

M. David Assouline. - ... et trouver normal qu'un élu soit incité à contrevenir au code pénal, qui enjoint de porter assistance à une personne en danger, et appelé à participer, comme délateur, aux basses oeuvres des services de police. (Protestations à droite)

On peut réduire à une mesure technique l'introduction des tests ADN dans une loi dont le but est de rendre la vie en famille impossible aux travailleurs immigrés régulièrement installés sur notre territoire, quand de toute évidence il s'agit d'une rupture éthique et philosophique profonde avec notre tradition républicaine et notre conception de la famille.

M. Alain Gournac. - Démago !

M. David Assouline. - On peut tout cela, monsieur le ministre, et se réveiller un jour dans une autre société, où l'indifférence aux autres, le repli sur soi et sa communauté, auront laissé s'installer un autre ordre en lieu et place d'une République fraternelle et métissée.

Quand cesserez-vous, monsieur le ministre, de sacrifier notre « vivre ensemble » et les immigrés sur l'autel de votre campagne électorale ininterrompue et démagogique ?

M. Dominique Braye. - Qui est démago ?

M. David Assouline. - Quand consacrerez-vous votre énergie et celle de la police à lutter contre les violences qui ne cessent d'augmenter, année après année, dans nos quartiers populaires, et dont les premières victimes sont les immigrés et leurs enfants, souvent Français, qui y vivent ? (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre . - Si j'ai bien compris votre question, posée sur un ton relativement modéré (rires à droite) vous m'interrogez sur les conditions d'interpellation des étrangers en situation irrégulière. Permettez-moi de préciser un fait, un principe, une exigence.

Commençons par le fait. Vous avez évoqué à juste titre l'accident mortel survenu à Mme Chulan Zhang. Je ne mets pas en doute votre honnêteté intellectuelle. (Marques de réprobation à droite) Comme vous, j'ai appris avec tristesse le décès de cette personne,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Elle a été tuée par la peur !

M. Brice Hortefeux, ministre. - ... qui se trouvait dans un immeuble où la police est entrée à la suite d'une décision du parquet, lui-même saisi d'une plainte déposée par un Chinois contre un autre Chinois. (Sur les bancs socialistes, on répète le mot « peur »)

Sur le plan des principes, étant ministre de la loi, je la ferai respecter. Par suite, sauf cas particulier -c'est peut-être ce qui nous différencie- j'estime que tout étranger en situation irrégulière a vocation à être reconduit dans son pays d'origine. (Applaudissements à droite) J'affirme simultanément que tout étranger en situation régulière (« et vivant » ajoute-t-on sur les bancs socialistes) doit bénéficier d'un effort d'intégration. Ce n'est pas l'un ou l'autre, c'est l'un et l'autre. Il ne s'agit pas de faire du chiffre. (On en doute très vivement à gauche) Simplement la France, comme tout pays, peut choisir ceux qu'elle accueille.

J'achèverai ma réponse avec l'exigence : nous devons protéger les personnes immigrées, premières victimes des réseaux de passeurs et des marchands de sommeil.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Ils ne se portent pas mal !

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je vous donne la primeur d'un chiffre : au cours des huit premiers mois de cette année, 2 366 passeurs ont été interpellés, soit 23 % de plus que pendant la même période l'an dernier. La hausse atteint 98 % par rapport à 2004.

Évitons la générosité en trompe-l'oeil et la fausse naïveté, qui suscitent des catastrophes. (Applaudissements au centre et à droite)

Maladie d'Alzheimer

Mme Christiane Kammermann . - Le Président de la République a déclaré la guerre à la maladie d'Alzheimer, dont les malades souffrent de troubles intellectuels, psychologiques et physiques.

Le vieillissement de la population a fait exploser le nombre de ses victimes : évaluée à 350 000 en 2000, elle serait quelque 850 000 aujourd'hui, atteintes par la maladie d'Alzheimer ou des troubles apparentés. Chaque année, 225 000 nouveaux cas sont repérés. On pourrait dénombrer 1,3 million de malades en 2020 et 2,1 millions en 2040. Frappant presque toutes les familles, cette maladie constitue l'une des principales causes de dépendance des personnes âgées.

En attendant la promesse d'un vaccin, seuls quelques médicaments pris dès le début et une prise en charge adaptée peuvent éventuellement ralentir un processus qui s'étale sur plusieurs années. La maladie d'Alzheimer requiert donc une assistance permanente et prolongée, extrêmement éprouvante pour les proches, et coûteuse si des professionnels doivent intervenir.

Le 3 septembre, le chef de l'État a créé une commission chargée d'élaborer contre cette pathologie un plan quinquennal d'action allant jusqu'en 2012, afin de diagnostiquer la maladie mieux et plus rapidement. Il est également prévu d'améliorer la prise en charge et de mieux respecter la préférence du maintien à domicile.

Ma question porte sur le sort de nos 2 400 000 compatriotes de l'étranger.

Comment pourront-ils bénéficier de ce plan ? Envisagez-vous de créer des structures d'accueil au mois en Europe ? Seront-ils aidés financièrement pour maintenir leurs parents à domicile ? Prendrez-vous des mesures spécifiques en faveur des Français de l'étranger subissant une perte progressive d'autonomie ? Enfin, ne faudrait-il pas envisager une campagne d'information spécifique ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports . - La maladie d'Alzheimer est source de drames sanitaires, sociaux et familiaux. C'est pourquoi le Président de la République lui a consacré un plan prioritaire. Le 3 septembre, il a installé une commission présidée par le professeur Joël Ménard pour étudier toutes les implications de la maladie : prise en charge, malades jeunes, traitement, recherche.

Lorsque la représentation nationale examinera le projet de loi de financement de sécurité sociale, des financements fléchés lui seront proposés.

Le 21 septembre, à l'occasion de la journée mondiale de la maladie d'Alzheimer -consacrée cette année aux patients jeunes- le Président de la République a annoncé que les propositions de la commission feraient l'objet d'un débat public piloté par M. Xavier Bertrand, Mme Valérie Pécresse et moi-même.

Bien sûr, les Français résidant à l'étranger bénéficieront du plan, même s'il appartient à chaque pays de créer les institutions d'accueil. Pour informer nos compatriotes, nous pourrions diffuser un télégramme diplomatique à nos représentations afin de faire connaître les conclusions de la commission présidée par le professeur Ménard. Je compte également réunir les attachés sociaux auprès de nos ambassades pour qu'ils puissent compléter les informations mises en ligne sur les sites des affaires sociales et du Quai d'Orsay.

Nous comptons faire de la maladie d'Alzheimer un des axes forts de la présidence française du Conseil européen, dans quelques mois, et plus particulièrement du conseil Santé que je présiderai. (Applaudissements à droite.)

La séance est suspendue à 16 heures.

La séance reprend à 16h 30.