Rétention de sûreté (Urgence - Suite)

Discussion des articles

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, après déclaration d'urgence, sur la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - J'informe le Sénat que la commission des lois demande à ce que l'article 12 soit examiné après l'article additionnel après l'article premier, car les questions qu'il aborde sont en rapport avec cet article.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Favorable.

Acceptée par le Gouvernement, la priorité est de droit.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°40, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans le deuxième alinéa de l'article 2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, après le mot : « de sons » sont insérés les mots : « , de vidéogrammes ».

II. La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique est ainsi modifiée :

1° Dans le troisième alinéa du IV de l'article premier, après les mots : « de sons » sont insérés les mots : « , de vidéogrammes ».

2° Dans le deuxième alinéa (2) du I de l'article 6, après les mots : « de sons » sont insérés les mots : « , de vidéogrammes ».

3° Après le quatrième alinéa du 7 de l'article 6 sont insérés onze alinéas ainsi rédigés :

« Elles ont également l'obligation spécifique de mettre en place un dispositif accessible et visible d'information du public sur les peines encourues par leurs abonnés en cas de diffusion des infractions visées aux articles 227-23 et 227-24 du code pénal.

« Ce dispositif permettra une diffusion systématique et lisible par tout abonné de la mention suivante :

« Le fait, en vue de sa diffusion, de fixer, d'enregistrer ou de transmettre l'image ou la représentation d'un mineur lorsque cette image ou cette représentation présente un caractère pornographique est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

« Le fait d'offrir, de rendre disponible ou de diffuser une telle image ou représentation, par quelque moyen que ce soit, de l'importer ou de l'exporter, de la faire importer ou de la faire exporter, est puni des mêmes peines.

« Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende lorsqu'il a été utilisé, pour la diffusion de l'image ou de la représentation du mineur à destination d'un public non déterminé, un réseau de communications électroniques.

« La tentative des délits prévus aux alinéas précédents est punie des mêmes peines.

« Le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition une telle image ou représentation ou de détenir une telle image ou représentation par quelque moyen que ce soit est puni de deux ans d'emprisonnement et 30000 euros d'amende.

« Les infractions prévues au présent article sont punies de dix ans d'emprisonnement et de 500 000 Euros d'amende lorsqu'elles sont commises en bande organisée.

« Les dispositions du présent article sont également applicables aux images pornographiques d'une personne dont l'aspect physique est celui d'un mineur, sauf s'il est établi que cette personne était âgée de dix-huit ans au jour de la fixation ou de l'enregistrement de son image. (article 227-23 du code pénal)

« Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur (article 227-24 du code pénal).

« Les caractéristiques du dispositif visé aux alinéas précédents sont précisées par un décret pris après avis de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés ».

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement vise à permettre, à titre préventif, de lutter contre la circulation sur Internet de vidéos pédo-pornographiques, qui est alarmante à cause d'un vide technique et juridique.

Les conditions pour discuter de cette question, madame la ministre, semblent plus propices que lors du débat sur la loi relative à la confiance en l'économie numérique. Les lobbies des nouvelles technologies étant activement intervenus, le dispositif adopté à l'époque était incomplet. Il est impossible d'imposer aux sociétés responsables du stockage, mais non responsables de leur mise en ligne, un dispositif complet de lutte contre la circulation de vidéos illicites : elles n'ont ni les moyens humains ni les moyens techniques d'une action préventive dans ce domaine. Il existe en effet une carence dans les systèmes de pistage des contenus illicites, sauf en matière de reconnaissance automatique de l'identité des ayants droit -maisons de production ou chaînes de télévision. Par ailleurs, la loi sur l'économie numérique s'est bornée à répartir les responsabilités entre le fournisseur d'accès, l'hébergeur et l'abonné, préservant en réalité les intérêts des deux premiers : ainsi, l'hébergeur n'est pas responsable du contenu des vidéos qui circulent. Cet amendement ne cherche pas à accabler les hébergeurs, ni à les soumettre à des sujétions insurmontables, mais il les oblige à installer un dispositif préventif signalant à leurs abonnés les peines qu'ils encourent en cas de diffusion de vidéos illicites. Ce n'est pas grand-chose, mais cela peut aider à lutter contre la pédo-pornographie, et partant contre la pédophilie.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement propose une disposition utile, mais il n'a plus de rapport direct avec le texte, celui-ci ne visant plus spécifiquement, après son passage à l'Assemblée nationale, les crimes commis contre les mineurs de moins de 15 ans.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - C'est une proposition très intéressante, que je compte reprendre dans le texte sur les sites illicites dont les hébergeurs sont généralement étrangers. Je m'y engage. Par rapport à ce texte-ci, c'est clairement un cavalier.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vu votre engagement, je retire mon amendement.

Article premier

I. - Après l'article 706-53-12 du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« De la rétention de sûreté

« Art. 706-53-13. - Lorsque la juridiction a expressément prévu dans sa décision le réexamen de la situation de la personne qu'elle a condamnée à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans, pour l'un des crimes suivants commis sur un mineur :

« 1° Meurtre ou assassinat ;

« 2° Torture ou actes de barbarie ;

« 3° Viol ;

« 4° Enlèvement ou séquestration,

« cette personne peut, à compter du jour où la privation de liberté prend fin, faire l'objet d'une rétention de sûreté lorsqu'elle présente, en raison d'un trouble grave de la personnalité, une particulière dangerosité caractérisée par la probabilité très élevée de commettre à nouveau l'une de ces infractions.

« Cette mesure consiste dans le placement de la personne intéressée dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de la rétention.

« Le présent article est également applicable aux personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes, commis sur une victime majeure, d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé ou d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal.

« Art. 706-53-14. - La situation des personnes mentionnées à l'article 706-53-13 est examinée, au moins un an avant la date prévue pour leur libération, par la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l'article 763-10, afin d'évaluer leur dangerosité.

« À cette fin, cette commission rassemble tous les éléments d'information utiles et fait procéder à une expertise médicale, réalisée par deux experts, ainsi qu'aux enquêtes nécessaires.

« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l'objet d'une rétention de sûreté dans le cas où :

« 1° Les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, ainsi que les obligations résultant d'une injonction de soins ou d'un placement sous surveillance électronique mobile, susceptibles d'être prononcés dans le cadre d'un suivi socio-judiciaire ou d'une surveillance judiciaire, apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 ;

« 2° Et si cette rétention constitue ainsi l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions.

« Si la commission estime que les conditions de la rétention de sûreté ne sont pas remplies mais que le condamné paraît néanmoins dangereux, elle renvoie le dossier au juge de l'application des peines pour qu'il apprécie l'éventualité d'un placement sous surveillance judiciaire.

« Art. 706-53-15. - La décision de rétention de sûreté est prise par la commission régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente. Cette commission est composée d'un président de chambre et de deux conseillers de la cour d'appel, désignés par le premier président de cette cour pour une durée de trois ans.

« Cette commission est saisie à cette fin par le procureur général, sur proposition de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté prévue par l'article 763-10, au moins trois mois avant la date prévue pour la libération du condamné. Elle statue après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office. La contre-expertise sollicitée par le condamné est de droit.

« La décision de rétention de sûreté doit être spécialement motivée au regard des dispositions de l'article 706-53-14.

« Cette décision est exécutoire immédiatement à l'issue de la peine du condamné.

« Elle peut faire l'objet d'un recours devant la Commission nationale de la rétention de sûreté, composée de trois conseillers à la Cour de cassation désignés pour une durée de trois ans par le premier président de cette cour.

« La commission nationale statue par une décision motivée qui n'est pas susceptible de recours, à l'exception d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

« Art. 706-53-16. - La décision de rétention de sûreté est valable pour une durée d'un an.

« La rétention de sûreté peut être renouvelée selon les modalités prévues par l'article 706-53-15 et pour la même durée, dès lors que les conditions prévues par l'article 706-53-14 sont toujours remplies.

« Art. 706-53-17. - Supprimé......................................

« Art. 706-53-18. - La personne qui fait l'objet d'une rétention de sûreté peut demander à la commission régionale de la rétention de sûreté qu'il soit mis fin à cette mesure. Il est mis fin d'office à la rétention si cette commission n'a pas statué dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande. En cas de rejet de la demande, aucune autre demande ne peut être déposée avant l'expiration d'un délai de trois mois.

« La décision de cette commission peut faire l'objet du recours prévu à l'article 706-53-15.

« Art. 706-53-19. - La commission régionale de la rétention de sûreté ordonne d'office qu'il soit mis fin à la rétention de sûreté dès lors que les conditions prévues par l'article 706-53-14 ne sont plus remplies.

« Art. 706-53-20. - Si la rétention de sûreté n'est pas prolongée ou s'il y est mis fin en application des articles 706-53-18 ou 706-53-19 et si la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l'article 706-53-13, la commission régionale de la rétention de sûreté peut, par la même décision et après débat contradictoire, soumettre celle-ci pendant une durée d'un an aux obligations résultant du placement sous surveillance électronique mobile conformément aux articles 763-12 et 763-13 ainsi qu'à des obligations similaires à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnées à l'article 723-30, et notamment à une injonction de soins prévue par les articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique.

« À l'issue de ce délai, la commission régionale peut prolonger tout ou partie de ces obligations, pour une même durée, par une décision prise après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office. Cette décision peut faire l'objet du recours prévu à l'article 706-53-15. Ces obligations peuvent à nouveau être prolongées pour une même durée et selon les mêmes modalités.

« Si la méconnaissance par la personne des obligations qui lui sont imposées fait apparaître que celle-ci présente à nouveau une particulière dangerosité caractérisée par le risque particulièrement élevé de commission des infractions mentionnées à l'article 706-53-13, le président de la commission régionale peut ordonner en urgence son placement provisoire dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté. Ce placement doit être confirmé dans un délai maximal de trois mois par la commission régionale statuant conformément à l'article 706-53-15, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, à défaut de quoi il est mis fin d'office à la rétention.

« Art. 706-53-21. - Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables à la personne qui bénéficie d'une libération conditionnelle, sauf si cette mesure a fait l'objet d'une révocation.

« Lorsque la rétention de sûreté est ordonnée à l'égard d'une personne ayant été condamnée à un suivi socio-judiciaire, celui-ci s'applique, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la rétention prend fin.

« Art. 706-53-22. - Un décret en Conseil d'État précise les conditions et les modalités d'application du présent chapitre.

« Ce décret précise les conditions dans lesquelles s'exercent les droits des personnes retenues dans un centre socio-médico-judicaire de sûreté, en matière notamment de visites, de correspondances, d'exercice du culte et de permissions de sortie sous escorte ou sous surveillance électronique mobile. Il ne peut apporter à l'exercice de ces droits que les restrictions strictement nécessaires aux exigences de l'ordre public.

« La liste des cours d'appel dans lesquelles siègent les commissions régionales prévues au premier alinéa de l'article 706-53-15 et le ressort de leur compétence territoriale sont fixés par arrêté du garde des sceaux. »

I bis. - L'article 362 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les cas prévus par l'article 706-53-13, elle délibère aussi pour déterminer s'il y a lieu de se prononcer sur le réexamen de la situation du condamné avant l'exécution de la totalité de sa peine conformément à l'article 706-53-14. »

II. - L'article 717-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Deux ans avant la date prévue pour la libération d'un condamné susceptible de relever des dispositions de l'article 706-53-13, celui-ci est convoqué par le juge de l'application des peines auprès duquel il justifie des suites données au suivi médical et psychologique adapté qui a pu lui être proposé en application des deuxième et troisième alinéas du présent article. Au vu de ce bilan, le juge de l'application des peines lui propose, le cas échéant, de suivre un traitement dans un établissement pénitentiaire spécialisé.

« Les agents et collaborateurs du service public pénitentiaire transmettent aux personnels de santé chargés de dispenser des soins aux détenus les informations utiles à la mise en oeuvre des mesures de protection des personnes. »

III. - L'article 723-37 du même code devient l'article 723-39 et, après l'article 723-36 du même code, il est rétabli un article 723-37 et inséré un article 723-38 ainsi rédigés :

« Art. 723-37. - Lorsque le placement sous surveillance judiciaire a été prononcé à l'encontre d'une personne faisant l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 706-53-13, la commission régionale mentionnée à l'article 706-53-15 peut, selon les modalités prévues par cet article, décider d'en prolonger les effets, au-delà de la limite prévue à l'article 723-29, pour une durée d'un an.

« La commission régionale de la rétention de sûreté est saisie par le juge de l'application des peines ou le procureur de la République six mois avant la fin de la mesure.

« Cette prolongation ne peut être ordonnée, après expertise médicale constatant la persistance de la dangerosité, que dans le cas où :

« 1° Les obligations résultant de l'inscription dans le fichier judicaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes apparaissent insuffisantes pour prévenir la commission des crimes mentionnés à l'article 706-53-13 ;

« 2° Et si cette prolongation constitue l'unique moyen de prévenir la commission, dont la probabilité est très élevée, de ces infractions.

« Cette prolongation peut être renouvelée selon les mêmes modalités et pour la même durée si les conditions prévues par le présent article demeurent remplies. 

« Les articles 723-30, 723-33 et 723-34 sont applicables à la personne faisant l'objet de cette prolongation.

« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 706-53-20 sont applicables en cas de méconnaissance par la personne de ses obligations.

« Art. 723-38. - Lorsque le placement sous surveillance électronique mobile a été prononcé dans le cadre d'une surveillance judiciaire à l'encontre d'une personne faisant l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 706-53-13, il peut être renouvelé tant que la mesure de surveillance judiciaire est prolongée. »

IV. - L'article 763-8 du même code est ainsi rétabli :

« Art. 763-8. - Lorsqu'un suivi socio-judiciaire a été prononcé à l'encontre d'une personne faisant l'objet de l'une des condamnations visées à l'article 706-53-13, la commission régionale de la rétention de sûreté peut, selon les modalités prévues par l'article 706-53-15, décider d'en prolonger les effets, au-delà de la durée prononcée par la juridiction de jugement et des limites prévues à l'article 131-36-1 du code pénal, pour une durée d'un an.

« Les dispositions des deuxième à cinquième et septième alinéas de l'article 723-37 du présent code sont applicables, ainsi que celles de l'article 723-38. »

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La prise en compte de la fin de peine des détenus considérés comme particulièrement dangereux est une question trop importante pour être traitée dans l'urgence et pour faire l'objet d'un tel battage médiatique. Nous assistons depuis 2002 à une évolution très inquiétante de la législation pénale, avec une insistance à focaliser l'attention sur les victimes.

Qu'on se comprenne bien. Chacun de nous ressent profondément l'empathie avec les victimes, avec leur souffrance, leur attente de réponse et de sanction. Mais ce n'est pas en instrumentalisant cette souffrance à des fins politiques que l'on y remédiera. On n'y répondra qu'en étant efficaces pour prévenir les actes criminels et empêcher la récidive. Ce qui exige réflexion, évaluation et bilan critique de l'application des nombreux textes déjà votés, dont certains ne sont même pas encore en oeuvre.

Vous nous demandez d'accepter tout de suite une mesure qui bouscule des principes fondamentaux de notre droit, des principes construits pas à pas dans le souci à la fois de lutter contre la criminalité et de faire respecter des valeurs essentielles pour le fonctionnement et l'avenir de notre société. Vous nous demandez de permettre l'enfermement, qui plus est pour une durée illimitée, de criminels ayant purgé leur peine mais qui seraient potentiellement récidivistes. Vous nous demandez donc de valider des peines de prison sans qu'il y ait infraction. Vous nous demandez aussi d'intégrer dans notre droit la rétroactivité des lois que vous avez acceptée de l'Assemblée nationale, comme vous avez accepté une extension très importante des crimes visés par votre projet initial, ce qui montre bien le peu de garanties qui entourent ces dispositions.

Le montage juridique est tellement grossier que notre commission des lois a dû déposer une trentaine d'amendements pour tenter de donner au texte un minimum de fondements juridiques et le faire échapper à la censure du Conseil constitutionnel. Cela ne changera rien à la logique de ce texte d'affichage destiné à faire croire que la société serait désormais à l'abri des criminels. Il ne faut pas s'étonner qu'il ait mobilisé contre lui la grande majorité des professionnels du droit et de la santé, ainsi que les organisations de défense des droits de l'Homme. En matière de récidive comme de carte judiciaire, vous refusez de les entendre, préférant accorder votre attention aux gesticulations médiatiques du Président de la République, quelles qu'en soient les conséquences.

M. Robert Badinter.  - Je voudrais dissiper une confusion qu'a créée tout à l'heure la réponse de madame la ministre.

Nous sommes ici dans le domaine de la dangerosité criminologique. Les malades mentaux dangereux relèvent d'une dangerosité psychiatrique, ce qui n'a rien à voir. Si le malade mental a été condamné, une fois accomplie sa peine, il se retrouve dans les mêmes conditions que tous les malades mentaux et c'est au corps médical de décider s'il doit être en milieu ouvert ou fermé.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je répondais tout à l'heure qu'on peut détenir quelqu'un qui n'a pas commis d'infraction. C'est déjà le cas avec les prévenus, puisqu'ils sont présumés innocents. Ça l'est aussi avec l'hospitalisation d'office.

M. Robert Badinter.  - Non, on ne peut pas maintenir une hospitalisation d'office d'un détenu après qu'il a accompli sa peine. Il faut une décision médicale.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Si, on peut, dans le cas où les psychiatres considèrent qu'il y a un risque.

M. Robert Badinter.  - C'est le code de la santé publique, cela relève du droit administratif ! Cela n'a rien à voir !

M. le Président.  - Amendement n°52, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - L'article premier est le coeur du projet de loi ; demander sa suppression, c'est demander celle du texte.

Nous sommes opposés à la rétention de sûreté, telle que prévue dans cet article.

Première raison : nous n'avons pas les moyens d'appliquer dans des conditions acceptables les dispositifs de lutte contre la récidive existants, et encore moins ceux d'appliquer les nouvelles dispositions prévues par ce texte, qu'il s'agisse de la mesure de la dangerosité ou de son traitement.

Deuxième raison : ce texte tente, sans y parvenir, de concilier des logiques opposées -nous venons d'en avoir la démonstration-, la logique pénale, qui ne peut voir dans la rétention de sûreté qu'une peine, et la logique administrative de sûreté, qui en fait une mesure de police sanitaire. C'est la logique de l'hospitalisation d'office. Puisqu'on invoque les exemples étrangers, regardons-les. Ils sont sinon complètement satisfaisants, du moins cohérents.

En Allemagne, les peines sont beaucoup moins lourdes qu'en France et l'équivalent de la rétention de sûreté est à durée limitée. Vous voulez à la fois le système de pénalités le plus lourd du vieux continent et la rétention de sûreté à durée indéterminée des Anglo-Saxons ! Dans le système britannique et canadien, le jugement à l'origine de la rétention de sûreté est une condamnation à durée indéterminée. Qu'elle cesse ou soit poursuivie, la détention de sûreté est une modalité d'application de la peine. Les Néerlandais ne font pas de distinction entre le « malade mental pénalement irresponsable » et la personne atteinte de « trouble de la personnalité ou du comportement », pénalement responsable. Il y a, d'un côté, ceux qui suivent la voie psychiatrique, assimilable à notre hospitalisation d'office ; ils ne sont pas condamnés mais soignés, ce qui coûte très cher au contribuable. De l'autre, ceux qui suivent la voie judiciaire et qui font l'objet d'une condamnation.

Troisième raison : le dispositif proposé ne prend pas en compte le caractère insuffisamment fiable des méthodes d'évaluation de la dangerosité pour nous mettre à l'abri tant des remises en liberté fautives que des rétentions abusives. On ne peut, en effet, séparer les deux problèmes et durcir tous les six mois les conditions d'incarcération, et tous les ans se préoccuper de faire respecter les droits des personnes.

Nous ne pouvons cautionner un système trop sensible à l'air du temps pour être juste. Il est vrai que la justice n'a plus, à vos yeux, pour fonction d'être juste mais de consoler et de donner ainsi l'illusion qu'elle protège.

M. le Président.  - Amendement identique n°64, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Les dispositifs existants sont nombreux : la loi du 27 juin 1990 qui permet d'interner par décision du préfet, en dehors de toute conduite délictueuse ; la loi de 1998 sur l'injonction de soins dès l'entrée en prison, le suivi socio-judiciaire sans limitation de durée, l'extension du fichier judiciaire avec obligation de se présenter à la police, l'extension de l'utilisation du bracelet électronique ; la loi de 2005 sur la surveillance judiciaire ; celle du 10 août dernier qui rend les soins obligatoires. Il faut enfin prendre les choses par le bon bout et commencer par évaluer l'efficacité de tout cela.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le débat a eu lieu sur la question préalable. Supprimer cet article reviendrait à supprimer le projet. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°52, identique à l'amendement n°64, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. - Rédiger comme suit le texte proposé par le troisième alinéa du I de cet article pour l'intitulé du chapitre III du titre XIX du livre IV du code de procédure pénale :

« De la surveillance de sûreté

II. - Rédiger ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du même code :

« Art. 706-53-13. - A titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent toujours une particulière dangerosité et une probabilité très élevée de récidive en raison d'un trouble grave de leur personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une surveillance de sûreté selon les modalités prévues par le présent chapitre, à la condition qu'elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal.

« La surveillance de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourrait faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle surveillance de sûreté.

« La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l'article 723-30, et en particulier une injonction de soins prévue par les articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, et le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues par les articles 763-12 et 763-13. Elle comprend également l'obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique prévu par l'article 132-26-2 du code pénal et l'obligation de déplacement surveillé sous le contrôle d'un agent de l'administration pénitentiaire. Le placement sous surveillance de sûreté peut faire l'objet des recours prévus à l'article 706-53-15.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Un amendement du rapporteur à l'article 12 exclut la rétroactivité de la rétention de sûreté. Je salue cette proposition que je voterai. Il n'est pas irresponsable d'étendre cette surveillance de sûreté, y compris aux personnes non encore condamnées. L'enfermement n'est pas une réponse à la dangerosité : le suivi pourrait suffire mais vous créez de nouvelles mesures sans mesurer l'effectivité des dispositifs existants : utilisez-les mieux.

Cette explication vaudra pour les amendements n°84, 85 et 87.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale :

« Art. 706-53-13. - Dès le premier mois qui suit leur condamnation, les personnes condamnées à une peine privative de liberté d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal sont placées pour six semaines au centre national d'évaluation. A l'issue de cette évaluation, un parcours individualisé d'exécution de la peine est déterminé sur la base d'une concertation entre l'administration pénitentiaire, l'autorité judiciaire et l'autorité sanitaire.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous attirons l'attention sur une aberration : attendre qu'un détenu ait accompli treize à trente ans de prison pour l'examiner est aberrant. Des expertises avaient été réalisées pendant l'instruction et la logique voudrait qu'on les poursuive pour élaborer des parcours personnalisés. La prison, chacun le sait, est un milieu criminogène et anxiogène ; tout le monde connaît la situation pour l'accès aux soins psychiatriques. L'univers carcéral n'est pas le cadre le plus propice pour traiter les pathologies a admis un rapport de la commission. Dans ces conditions, attendre le dernier moment pour procéder à l'évaluation, c'est rendre la rétention de sûreté systématique.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission.

 Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale :

« Art. 706-53-13. - A titre exceptionnel, les personnes dont il est établi, à l'issue d'un réexamen de leur situation intervenant à la fin de l'exécution de leur peine, qu'elles présentent toujours une particulière dangerosité et une probabilité très élevée de récidive en raison d'un trouble grave de leur personnalité, peuvent faire l'objet à l'issue de cette peine d'une rétention de sûreté selon les modalités prévues par le présent chapitre, à la condition qu'elles aient été condamnées à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour les crimes d'assassinat ou de meurtre aggravé, de torture ou actes de barbarie aggravés, de viol aggravé, d'enlèvement ou de séquestration aggravé, prévus par les articles 221-2, 221-3, 221-4, 222-2, 222-3, 222-4, 222-5, 222-6, 222-24, 222-25, 222-26, 224-2, 224-3 et 224-5-2 du code pénal.

« La rétention de sûreté ne peut toutefois être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourrait faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté.

« La rétention de sûreté consiste dans le placement de la personne intéressée en centre socio-médico-judiciaire de sûreté dans lequel lui est proposée, de façon permanente, une prise en charge médicale et sociale destinée à permettre la fin de cette mesure. 

 

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Notre amendement réécrit complètement l'article 706-53-13. Sans modifier les critères prévus par l'Assemblée nationale, il simplifie un dispositif rendu complexe et redondant par son élargissement progressif aux victimes mineures de 15 à 18 ans puis, en cas de circonstances aggravantes, à toutes les victimes. Or le fait que la victime soit un mineur de 15 ans constitue une circonstance aggravante. Il suffit donc de retenir la nature du crime qui doit être commis avec circonstance aggravante. Protectrice des mineurs de 15 ans, cette rédaction réunifie le régime des victimes âgées de 15 à 18 ans et des majeurs tout en étant plus cohérente avec l'objet du texte, qui vise les criminels les plus dangereux et pas seulement les pédophiles.

Nous préférons parler de peine de réclusion criminelle et préciser que la cour d'assises prévoira le réexamen de la situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté -mesure dont nous réaffirmons d'emblée qu'elle n'est possible qu'à titre exceptionnel.

M. le président.  - Sous-amendement n°81 rectifié à l'amendement n° 1 de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par M. Fauchon.

 

Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer le mot :

toujours

M. Pierre Fauchon.  - L'appréciation de la dangerosité se fait hic et nunc. Il y a eu un accord en commission sur cette petite correction rédactionnelle.

M. le président.  - Sous-amendement n°32 à l'amendement n° 1 de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le deuxième alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :

dangerosité

insérer le mot :

criminologique

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'article ne définit pas la notion de dangerosité, qui peut être criminologique ou psychiatrique. La première des vingt-quatre préconisations du rapport Santé, justice et dangerosité est de différencier les personnes qui souffrent de troubles mentaux de celles qui souffrent de troubles de la personnalité ne relevant pas de la psychiatrie. La dangerosité criminologique se définit par l'absence de pathologie psychiatrique et un risque de récidive. Le député UMP Jean-Paul Garraud a repris cette distinction dans un rapport. La dangerosité psychiatrique justifie une prise en charge médicale, la dangerosité criminologique, l'intervention de l'autorité judiciaire. Il convient donc d'éviter toute confusion.

M. le président.  - Sous-amendement n°67 à l'amendement n° 1 de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer les mots :

une particulière dangerosité et

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Sans cautionner la rétention de sûreté, ce sous-amendement de repli met le doigt sur la dangereuse notion de dangerosité. Qu'est-ce qu'une personne dangereuse, très dangereuse, inamendable ? Personne ne le sait mais il faut justifier une mesure exceptionnelle... qui ne le sera pas toujours. La confusion continue.

La multiplication des subdivisions de la maladie mentale -troubles mentaux, troubles de la personnalité, troubles du comportement, etc- ne nous aide pas. Les personnes atteintes de troubles de la personnalité relèvent-elles de la psychiatrie ? Disons plutôt qu'aujourd'hui, la psychiatrie ne sait pas les guérir. Elles peuvent néanmoins avoir de grandes difficultés à se contrôler et relèvent donc, quelque part, du trouble mental.

Vous proposez une expertise médicale. Mais comment évaluer la dangerosité future ? Les psychiatres se disent incompétents pour apprécier la dangerosité criminologique ou sociale. Qui prendra le risque de refuser un placement en rétention ? Comment prédire qu'un individu ne sera pas dangereux à l'avenir ? Cela repose sur des présupposés. Les expériences étrangères montrent que l'évaluation de la dangerosité exige du temps, des structures adaptées et des moyens importants. Le rapport Fauchon-Gautier estime d'ailleurs qu'il n'y a pas un modèle unique et optimal de traitement des personnes dangereuses.

M. le président.  - Sous-amendement n°80 à l'amendement n° 1 de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par M. Fauchon.

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 1 pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

M. Pierre Fauchon.  - Je me félicite de l'amendement de la commission, qui condense les premiers articles et rend le dispositif plus lisible. Mais que veut dire ce deuxième alinéa ? Au moment de la condamnation, la cour d'assises pourrait prévoir que la situation du condamné pourra être réexaminée quinze ans plus tard ? La décision de rétention reposerait donc d'une part sur les expertises et d'autre part sur cette prescription, faite quinze ans avant ? La formule deviendra sans doute obligatoire dans les décisions futures, mais quid des personnes déjà condamnées ? Cela pose un problème de rétroactivité. A la situation actuelle du prévenu, cause de la décision de rétention, on ajoute une deuxième cause, en germe dans la condamnation initiale. C'est incompréhensible et dangereux.

Le Conseil d'État dit qu'il faut craindre la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Nous faisons notre travail : pour ma part, j'ai envie de dire, avec Racine dans Athalie, « Je crains Dieu, cher Abner, et n'ai point d'autre crainte » (Sourires) Il n'y a pas de jurisprudence de la Cour de Strasbourg. Il y a une jurisprudence sur l'hypothèse de sanctions dissimulées : pour qu'il y ait peine, il faut qu'il y ait une décision juridictionnelle à l'origine.

Mais puisque par construction, et en dépit de la résistance de M. Badinter, nous voulons échapper à ce schéma de la double peine...

M. Robert Badinter.  - Vous ne pourrez pas.

M. Pierre Fauchon.  - ... et que nous passons du domaine moral de l'appréciation de la peine au domaine technique de l'appréciation de la dangerosité, nous sommes dans un concept nouveau. Et nous faisons comme si nous acceptions une jurisprudence applicable au concept de la peine ! C'est une erreur. Cet alinéa est inutile et dangereux du point de vue de la rétroactivité.

M. le président.  - Sous-amendement n°33 à l'amendement n° 1 rectifié de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans le dernier alinéa de l'amendement n° 1, après le mot :

médicale

insérer le mot :

, éducative

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Les missions et attributions des centres socio-médico-judiciaires, annoncés avec fracas, ne sont pas clairement définies. L'alinéa 35 ne fait aucune référence aux activités ludiques, pourtant fondamentales, auxquelles les retenus auront droit. II n'est pas question de les détailler dans la loi, mais simplement d'en assurer l'existence. La prise en charge éducative est une garantie importante dans l'amélioration de l'état du retenu, elle est au centre du processus de réadaptation sociale et psychologique.

Le centre médico-socio-judiciaire qui accueillera, à Fresnes, les premiers retenus disposera-t-il d'un terrain de jeu ? Quelles seront les activités prévues ? En prison, un détenu ne peut guère faire que du sport. Allez-vous retirer ce droit aux personnes retenues ?

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Dans le sixième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, supprimer les mots :

particulière dangerosité caractérisée par la

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Même objet que le sous-amendement n°67.

M. le président.  - Amendement n°63 rectifié, présenté par MM. Portelli, Béteille, Buffet et Courtois.

Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

une prise en charge médicale et sociale

par les mots :

une prise en charge médicale, psychologique et criminologique adaptée

M. Hugues Portelli.  - Je le transforme en sous-amendement à l'amendement de la commission. Nous pouvons également ajouter la prise en charge « éducative », comme le propose Mme Boumediene-Thiery.

M. le président.  - Ce sera donc le :

Sous-amendement n°63 rectifié bis à l'amendement n° 1 de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par MM. Portelli, Béteille, Buffet et Courtois.

Dans l'avant-dernier alinéa de l'amendement n°1, remplacer les mots :  

une prise en charge médicale et sociale

par les mots :

une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-13 du code de procédure pénale.

M. Robert Badinter.  - Cet amendement est lié à la position que prendra le Sénat sur l'amendement de la commission.

Les personnes déjà condamnées n'ont pas pu bénéficier de l'avertissement de la cour d'assises, or leur comportement dans le cadre de l'exécution de la peine aurait pu être différent dans le cas contraire. Il y a là une différence de situation radicale entre les personnes déjà condamnées et les autres qui pose le problème de la non-rétroactivité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement n°34 rectifié substitue à la rétention de sûreté la surveillance de sûreté, nouveau cadre juridique proposé par la commission pour couvrir les obligations auxquelles peut être soumise une personne qui reste libre. Mais pour nous, ce système intermédiaire entre la liberté et la rétention de sûreté peut intervenir soit après une rétention de sûreté, pour ménager une période probatoire avant la libération, soit avant une rétention de sûreté, celle-ci constituant alors la sanction d'un manquement grave aux obligations fixées dans le cadre de la surveillance de sûreté. Les deux régimes sont donc complémentaires alors que l'amendement escamote le premier. Avis défavorable.

L'amendement n°65 prévoit une évaluation du condamné dans le délai d'un mois à l'issue de la condamnation, ce qui paraît difficilement réalisable en pratique. Plus prudente, la commission a proposé que cette évaluation intervienne dans le délai d'un an après la condamnation. L'amendement n'envisage pas la possibilité d'un placement en rétention de sûreté : avis défavorable.

Favorable au sous-amendement n°81 rectifié, même s'il pourrait laisser supposer que l'on peut rentrer en prison sans être dangereux et le devenir au fil des années... (Sourires)

Il n'est pas nécessaire de qualifier la dangerosité de « criminologique », le texte distingue les troubles de la personnalité et les troubles mentaux, ces derniers n'étant pas concernés par la rétention de sûreté : retrait, sinon rejet de l'amendement n°32.

L'évaluation de la dangerosité, dans le cadre de la commission pluridisciplinaire, sera conduite de façon bien plus précise et professionnelle qu'aujourd'hui. Je crois, comme Mme Borvo Cohen-Seat, que l'expertise médicale peut être tronquée en milieu carcéral et que les médecins prendraient moins de risque en concluant à la dangerosité plutôt qu'en autorisant la remise en liberté. Mais c'est tout l'intérêt du suivi pluridisciplinaire : les médecins travailleront avec des psychologues, des personnels pénitentiaires, des travailleurs sociaux, il leur sera plus aisé de prendre des risques. Avis défavorable au sous-amendement n°67.

Une condamnation n'est certainement pas synonyme de dangerosité, mais M. Fauchon me paraît aller trop loin en faisant reposer la rétention de sûreté seulement sur la dangerosité présumée. J'ai retrouvé le raisonnement de la cour constitutionnelle de Karlsruhe validant la privation de liberté sur le seul diagnostic de dangerosité ; une telle disposition entre les mains d'un pouvoir qui n'aurait de démocratique que le nom ferait courir les plus grands risques aux libertés et rappellerait des pages bien noires de l'histoire européenne ! (M. Fauchon lève les bras au ciel) Je sais bien que telle n'est pas votre intention, mais je craindrais qu'une barrière ne saute... Avis défavorable au sous-amendement n°80.

Avis favorable au sous-amendement n°33, précisant que la prise en charge est également « éducative ».

Même avis au sous-amendement n°63 rectifié bis.

Avis défavorable à l'amendement n°66.

La commission s'est prononcée contre l'amendement n°53, qu'elle a lu comme une remise en cause de l'extension du champ de la loi, mais peut-être avons-nous mal compris M. Badinter...

M. Robert Badinter.  - J'évoquais plutôt un risque d'inégalité de traitement entre les condamnés qui auront été avertis par le président de la cour d'assises et ceux qui n'auront pas pu l'être puisqu'ils auront été condamnés avant la promulgation de cette loi.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement de la commission, cependant, fera tomber le vôtre...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ce texte comble le vide juridique concernant la prise en charge des criminels dangereux que nous ne voulons plus voir être remis en liberté. La surveillance de sûreté ne suffit pas, d'où la rétention de sûreté : avis défavorable à l'amendement n°34 rectifié.

L'amendement n°65 est satisfait par celui de la commission : retrait, sinon rejet.

Sagesse réservée, mais constructive, sur l'amendement n°1. La rédaction initiale visait les mineurs jusqu'à 15 ans, vos collègues députés ont étendu le texte à tous les mineurs en faisant de la minorité une circonstance aggravante. Vous souhaitez que les mineurs de plus de 15 ans relèvent du régime des majeurs, cela risque d'annuler le caractère aggravant de la circonstance de minorité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Les mineurs de plus de 15 ans relevant, au pénal, du régime applicable aux majeurs, le texte ne peut viser que les mineurs jusqu'à 15 ans.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Nous voulons que la rétention de sûreté vise les crimes sur tous les mineurs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La circonstance aggravante, en l'espèce, n'est pas liée à l'âge du mineur mais à l'acte même, c'est plus cohérent.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il faut que la dangerosité soit appréciée de la même façon pour les crimes commis sur tous les mineurs, qu'ils aient moins de 15 ans ou plus.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Notre amendement ne change par l'architecture du texte mais considère comme des majeurs les mineurs de plus de 15 ans, par cohérence avec le droit pénal. Cependant, nous comprenons votre souci de bien appliquer la rétention de sûreté. Je suggère que nous adoptions notre amendement, quitte à y revenir en CMP.

M. Christian Cointat.  - Pas trop ...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je préfèrerais le retrait du sous-amendement n°81. Il faut que la rétention soit exceptionnelle, c'est une garantie supplémentaire. L'adverbe « toujours » signale que la dangerosité s'apprécie au regard des faits et des risques de récidive.

M. Pierre Fauchon.  - Je me suis incliné sur la première partie, mais évitons ce mot de « toujours », lourd d'un sens qui dépasse sans nul doute vos intentions.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Soit.

M. Christian Cointat.  - Toujours et jamais ne se disent pas en politique. (Sourires)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable au sous-amendement n°32 : la «dangerosité criminologique » ne constitue pas un critère juridique. Même avis sur le sous-amendement n°67 : supprimer la notion de « particulière dangerosité » rendrait le dispositif trop flou, voire trop large. On ne crée pas l'expertise qui constate la dangerosité : elle était prévue par la loi de 2005. Je fais confiance aux experts et au pouvoir d'appréciation des magistrats.

Que la condamnation puisse prévoir un réexamen est une exigence, monsieur Fauchon, qui découle de la Convention européenne des droits de l'homme et peut de surcroît inciter dès le départ la personne condamnée à accepter les soins. C'est pourquoi je préfèrerais le retrait de votre sous-amendement n°80.

Défavorable au sous-amendement n°33 : les personnes placées en centre médico-judiciaire doivent pouvoir bénéficier d'une prise en charge éducative, mais ce n'est pas l'objectif premier du placement, qui est d'ordre médico-social.

Défavorable à l'amendement de repli n°66, par cohérence avec ma position sur le sous-amendement n°67.

Favorable au sous-amendement n°63 rectifié de M. Portelli. Défavorable, en revanche, au sous-amendement n°53 de Mme Boumediene-Thiery.

M. le président.  - J'avais cru à une fusion des deux sous-amendements de M. Portelli et de Mme Boumediene-Thierry sous l'impulsion de la commission ? (Les auteurs le confirment)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Le sous-amendement Portelli, complété par celui de Mme Boumediene-Thiery, aboutit en effet à la rédaction suivante : « une prise en charge médicale, éducative, sociale, psychologique et criminologique adaptée ».

M. le président.  - Ce sera donc le sous-amendement n°63 rectifié ter.

L'amendement n°34 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°65.

Le sous-amendement n°81 rectifié est adopté.

Le sous-amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°67.

M. Christian Cointat.  - J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. Fauchon défendre son sous-amendement n°80. Son argumentation est d'autant plus séduisante que la solution qu'il préconise doit nous simplifier le travail pour la suite, notamment à l'article 12. Mais je ne peux le suivre, par souci de cohérence.

Il entend en effet supprimer l'alinéa pour moi capital, qui dispose que « La rétention de sûreté ne peut (...) être prononcée que si la cour d'assises a expressément prévu dans sa décision de condamnation que la personne pourra faire l'objet à la fin de sa peine d'un réexamen de sa situation en vue d'une éventuelle rétention de sûreté. ». Je ne pourrai voter ce texte si cet alinéa n'y figure pas car il est pour moi au coeur du dispositif dont il valide la force juridique.

Nous n'avons pas, monsieur Fauchon, la même approche. Il me semble essentiel que la condamnation précise ce qui se passera ensuite. L'excellent glossaire adjoint au rapport de notre commission distingue bien, d'ailleurs, entre suivi médico-judiciaire et surveillance judiciaire, le premier figurant dans une décision de condamnation, preuve qu'il existe des cas où l'on prévient, tandis que l'autre ne concerne que l'application de la peine.

Comme l'a rappelé Mme la ministre, une telle précision permet une prise en charge immédiate du condamné pour l'aider à surmonter ses difficultés.

Je reconnais que ma position m'obligera bientôt à une gymnastique intellectuelle pour rester à la fois solidaire avec mes amis et en phase avec mes valeurs, mais je suis prêt à en prendre le risque.

M. Pierre Fauchon.  - Il est clair, monsieur Cointat, que nous ne nous comprenons pas. Comme dirait Phileas Fogg, il suffit de constater notre différence... Mais je ne voudrais pas, madame la ministre, voir ma position caricaturée. Je n'ai jamais parlé d'un examen par une commission interdisciplinaire sans condamnation. Mais faut-il y ajouter un avertissement ? Je crois que ce serait dangereux et superflu. Vous m'objectez que ce peut être une incitation pour les condamnés refusant tout traitement.

Me sentant isolé, j'estime plus prudent de battre en retraite. Je fais cependant des réserves et je souhaite que notre texte ne soit pas atteint par ce germe de rétroactivité.

L'amendement n°80 est retiré.

(MM. del Picchia et Cointat applaudissent)

L'amendement n°63 rectifié ter est adopté.

M. Christian Cointat.  - Ce matin, lors de la réunion de la commission, le rapporteur avait annoncé qu'il remplacerait « pourrait » par « pourra ».

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il s'agit d'un oubli. Nous préférons effectivement le futur. Cela n'indique pas pour autant l'automaticité du réexamen de la situation car, si la personne a fait l'objet d'une libération conditionnelle, la rétention de sûreté est impossible.

M. Pierre Fauchon.  - « Pourra »est déjà mieux ! Pourrait : laissez-moi rire...

M. le président.  - Au deuxième alinéa, au lieu de« la personne pourrait faire l'objet » il faut donc lire « la personne pourra faire l'objet ».

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

Les amendements n°s66 et 53 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale :

« A cette fin, la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, au Centre national d'observation aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une expertise médicale réalisée par deux experts.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement vise à renforcer les conditions dans lesquelles la dangerosité de la personne susceptible de faire l'objet d'une rétention de sûreté est évaluée. Cette évaluation, cruciale, peut, à l'issue de la peine d'emprisonnement, déterminer l'enfermement de la personne pour une durée prolongée -même si la question se pose chaque année. Or le dispositif retenu par le projet de loi n'est pas satisfaisant car il repose sur l'appréciation de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, dont la composition est principalement administrative. L'Assemblée nationale a prévu que cette commission pourrait s'appuyer sur une expertise médicale réalisée par deux médecins et non par un seul, comme le prévoyait le projet de loi initial, mais cela demeure insuffisant.

La disposition proposée s'inspire des expériences étrangères -notamment du centre Pieterbaan d'Utrecht, aux Pays-Bas-, tout en s'appuyant sur une structure française : le Centre national d'observation de Fresnes. Elle combine deux garanties essentielles : une approche pluridisciplinaire et une durée d'observation de six semaines. Le principe d'une expertise médicale réalisée par deux experts est conservé.

Cet amendement consacrerait l'existence du Centre national d'observation et aiderait au renforcement de ses moyens et à l'adaptation de ses méthodes.

M. le président.  - Sous-amendement n°90 à l'amendement n° 2 rectifié de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.

Dans le second alinéa de l'amendement n° 2, remplacer les mots :

la commission demande le placement de la personne, pour une durée d'au moins six semaines, au Centre national d'observation aux fins d'une évaluation pluridisciplinaire de dangerosité assortie d'une

par deux membres de phrase ainsi rédigés :

la personne est placée en observation dans un service spécialisé déterminé par décret. La commission fait également procéder à une

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le Centre national d'observation ne relève pas de la loi, puisqu'il a été créé par décret simple.

L'introduction d'une nouvelle période d'observation proposée par la commission des lois est tout à fait judicieuse.

M. le président.  - Sous-amendement n°47 à l'amendement n° 2 rectifié de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. - Compléter l'amendement n° 2 par un alinéa ainsi rédigé :

« L'évaluation de la dangerosité du condamné devra se fonder sur une observation suivie et continue de celui-ci par une équipe pluridisciplinaire durant une période ne pouvant être inférieure à 6 semaines. »

II. - Dans le second alinéa de l'amendement n° 2, supprimer les mots :

pour une durée d'au moins six semaines.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'évaluation de la dangerosité du condamné doit être constatée à l'issue d'une observation continue et suivie. L'amendement de la commission permet une meilleure évaluation de la dangerosité du condamné, mais les modalités de sa mise en oeuvre doivent être précisées.

Dans les systèmes juridiques étrangers, la pluridisciplinarité est complétée par une observation poussée du condamné en milieu fermé. Aux Pays-Bas, l'évaluation se déroule sur sept semaines, et procède d'une observation pluridisciplinaire mobilisant douze personnes de champs différents. En Allemagne, il est procédé à deux entretiens d'une durée totale de cinq à six heures. Au Canada, la déclaration de délinquant dangereux permettant au tribunal de prononcer une peine indéterminée doit donner lieu à une évaluation psychiatrique de soixante jours.

L'évaluation de la dangerosité devrait non seulement durer six semaines, mais aussi être fondée sur une observation continue en milieu fermé par une équipe pluridisciplinaire. Ainsi serait garantie l'objectivité de l'évaluation de la dangerosité du condamné. Un simple examen psychiatrique est insuffisant.

M. le président.  - Sous-amendement n°69 à l'amendement n° 2 rectifié de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après le mot :

expertise

rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet amendement :

médico-psychologique et d'une enquête sociale.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'expertise médicale sera insuffisante pour évaluer la dangerosité de personnes souffrant de troubles de la personnalité, et non mentaux, qui se caractérisent par trois types de défaillance : une défaillance narcissique, un défaut de maîtrise comportementale et une défaillance du contrôle émotionnel. Le professeur Jean-Louis Senon a précisé que l'évaluation de la dangerosité criminologique relève de trois champs complémentaires : la clinique, la représentation de la loi et des interdits, et la prise en compte des données sociales et comportementales. Cette évaluation implique donc une approche pluridisciplinaire faisant intervenir des juristes, des psychologues, des psychiatres et des sociologues formés à la criminologie et donc une enquête sociale.

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC.

Après le mot :

Expertise

rédiger comme suit la fin du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale :

fait procéder à une expertise médico-psychologique, à une enquête sociale ainsi qu'à toute autre investigation qu'elle estime nécessaire.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Amendement de repli.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je souscris à ce qu'a dit Mme le ministre pour présenter le sous-amendement n°90, mais pas au texte qu'elle propose. Elle ne souhaite pas que soit fait référence au Centre national d'observation, qui relève du décret. Nous voulions aider le centre, mais je comprends la réserve du ministre. Nous proposons de remplacer le nom de celui-ci par une qualification générique désignant un « centre national chargé de l'observation des personnes détenues ».

En revanche, nous tenons au caractère pluridisciplinaire de l'évaluation et à la durée de six semaines, apport essentiel de la commission des lois. Nous pouvons ainsi répondre aux critiques sur une simple expertise médicale ; les médecins eux-mêmes ne désirent plus avoir le monopole de ce type d'expertise. Quant à la durée, elle nous a été recommandée par nos interlocuteurs des Pays-Bas et du Canada pour garantir la fiabilité de l'évaluation.

Je propose de remplacer « Centre national d'observation » par « service spécialisé chargé de l'observation des personnes détenues ».

M. le président.  - L'amendement n°2 est rectifié en ce sens.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis favorable. Nous retirons le sous-amendement n°90.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Le Gouvernement avait déposé un sous-amendement parce qu'il ne souhaitait pas que le centre national de l'observation soit expressément cité. Puisque nous avons modifié notre amendement, ce sous-amendement n'a plus lieu d'être.

Le sous-amendement n°47 est, de ce fait, satisfait par l'amendement de la commission.

Le sous-amendement n°47 est retiré.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le terme médico-psychologique dans le sous-amendement n°69 suscite des réserves. Lors de l'évaluation pluridisciplinaire, les psychologues auront toute leur place : inutile de prévoir une expertise complémentaire.

L'amendement n°68 est satisfait par celui de la commission : retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je suis favorable à l'amendement n°2 rectifié et, comme M. le rapporteur, je suis défavorable au sous-amendement n°69 et à l'amendement n°68.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il n'est pas inutile de préciser qu'il sera fait appel aux psychologues pour prendre en charge les personnes souffrant de graves troubles de la personnalité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je veux vous rassurer : le centre national d'observation n'est plus cité mais il reste la référence pour nous et la présence des psychologues y est précieuse. Il n'entre donc pas dans notre intention que les équipes pluridisciplinaires soient dépourvues de psychologues.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Vous parlez de commission pluridisciplinaire mais dans votre amendement, il n'est question que d'une évaluation pluridisciplinaire assortie d'une expertise médicale. Cette expertise ne doit pas être réalisée par un seul médecin mais aussi par un psychologue.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout le monde le demande !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission a décidé de conserver l'expertise médicale qui figurait dans le projet de loi initial et l'Assemblée nationale a même décidé de lui adjoindre un deuxième expert. Nous avons pourtant voulu aller au-delà avec l'évaluation pluridisciplinaire et nous aurions peut être dû supprimer cette expertise médicale. Vous voulez mentionner un psychologue, mais pourquoi pas aussi un sociologue ou un juriste ?

Le sous-amendement n°69 n'est pas adopté.

L'amendement n°2 rectifié est adopté.

L'amendement n°68 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°84, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

I. -  Remplacer les troisième, quatrième et cinquième alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la commission conclut à la particulière dangerosité du condamné, elle peut proposer, par un avis motivé, que celui-ci fasse l'objet de l'une ou de plusieurs des mesures de surveillance de sûreté mentionnées à l'article 706-53-13.

II. -  Dans le sixième alinéa du même texte, remplacer le mot :

rétention

par le mot :

surveillance

III. - Procéder à la même substitution :

- dans le cinquième alinéa du texte proposé le I de par cet article pour l'article 706-53-15 du même code ;

- dans le premier et le deuxième alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-16 ;

- dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-18 (à trois reprises) ;

- dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-19.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°35, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Dans le troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale, après le mot :

commission

insérer les mots :

, sur la base des observations du centre national d'observation et de l'expertise médicale,

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Dans la mesure où la commission intervient après que le centre national d'observation a évalué la dangerosité du condamné et après l'expertise médicale, il convient de préciser qui fait quoi.

Le centre national d'observation produira-t-il un rapport d'évaluation, où sera-t-il entendu par la commission ? En outre, la commission pluridisciplinaire devra disposer d'une compétence liée dans l'évaluation de la dangerosité sinon l'intervention du centre national d'observation ne fera que compliquer une procédure déjà lourde.

Enfin, il convient que les conclusions du centre national d'observation et des experts médicaux servent de base à la décision de la commission pluridisciplinaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°84 qui avait déjà été présenté.

La précision apportée par l'amendement n°35 n'est pas indispensable : il va de soi que la commission pluridisciplinaire tiendra compte de l'évaluation des détenus et de l'expertise médicale. Nul n'est besoin de préciser dans la loi tous ces détails : les circulaires ministérielles s'en chargeront. Ce qui est sûr, c'est que les décisions seront prises en tenant compte des estimations faites par la commission d'évaluation complétées par l'expertise médicale. Je demande donc le retrait de l'amendement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Comme M. le rapporteur, je suis défavorable aux amendements n°s84 et 35

L'amendement n°84 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°35.

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-14 du code de procédure pénale par deux alinéas ainsi rédigés :

« La juridiction régionale de la rétention de sûreté peut ordonner, par décision motivée, l'hospitalisation d'office de la personne dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du code de la santé publique si l'avis motivé de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté constate l'absence de troubles de la personnalité mais une persistance de troubles mentaux qui nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l'ordre public. Le représentant de l'État dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les hospitalisations ordonnées en application de l'article L. 3213-1 du code de la santé publique. L'article L. 3213-8 du même code est applicable.

« La décision de la juridiction régionale de la rétention de sûreté est exécutoire immédiatement à l'issue de la peine du condamné.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ce projet de loi ne fait aucune différence entre les condamnés présentant des troubles mentaux, qu'il n'exclut donc pas du champ de la rétention de sûreté, et ceux n'ayant que des troubles de la personnalité.

Il ne faut pas confondre dangerosité criminologique et dangerosité psychiatrique : le criminel n'est pas forcément fou, et le fou n'est pas forcément criminel. L'accepter reviendrait à valider les théories positivistes de Lombroso et les conséquences qu'elles ont emportées à un certain moment de notre histoire. Cela reviendrait également à criminaliser les pathologies psychiatriques.

Le récent rapport du Comité européen de prévention de la torture dresse un constat terrifiant de l'absence de soins psychiatriques dans nos prisons. Le placement des personnes détenues atteintes de troubles mentaux dans les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) répondra en partie à ces carences mais, pour l'instant, les détenus présentant des troubles mentaux sont abandonnés à leur souffrance.

Une récente étude de l'Inserm, réalisée à la demande de votre ministère, montre que huit prisonniers sur dix présentent des pathologies psychiatriques, que 7 % des détenus souffrent de paranoïa et de psychose hallucinatoire, sans compter les nombreux suicides. Allez-vous envoyer ces détenus malades en rétention de sûreté ou dans des hôpitaux afin qu'ils puissent être soignés ?

Et ceux qui seront placés dans des établissements spécialisés, que deviendront-ils à l'issue de leur peine ? La réponse ne sera pas claire tant que la nature de la dangerosité des personnes visées ne sera pas précisée. L'amendement permet donc une prise en charge supplémentaire à la fin de la peine et exclut du dispositif les condamnés présentant des troubles mentaux distincts des troubles de la personnalité : ils n'ont en effet pas la même dangerosité que ces derniers.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement permet surtout à la juridiction régionale des mesures de sûreté d'ordonner une hospitalisation d'office si la personne présente, selon la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté, des troubles mentaux. La précision n'est pas utile car l'hospitalisation d'office est déjà possible si la juridiction régionale prévient le préfet. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il est clair qu'une personne atteinte de trouble mental ne relève pas des mesures de rétention. Il existe trois critères pour les personnes qui ne sont pas détenues et quatre - cumulatifs- pour une personne détenue, atteinte de troubles mentaux et présentant un risque d'atteinte à la sécurité d'autrui ou à soi-même. Cette précision n'ajouterait donc que de la confusion. Défavorable.

L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°49 rectifié bis, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. - Rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale :

« Le retrait de la réduction de peine dont a bénéficié le condamné et la décision de rétention de sûreté sont prises par la juridiction régionale de la rétention de sûreté territorialement compétente ».

II. - Compléter le texte proposé par le I cet article pour l'article 706-53-16 du même code par un alinéa ainsi rédigé :

« Elle ne peut toutefois excéder la durée correspondant au crédit de réduction de peine ou aux réductions de peines supplémentaires dont le détenu a bénéficié et qui ont fait l'objet d'une décision de retrait conformément au quatrième alinéa de l'article 721 du code de procédure pénale ».

III. - Rétablir ainsi le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-17 du même code :

« Art. 706-53-17. - Au moins trois mois avant la date d'expiration de la durée maximum de la rétention de sûreté mentionnée au troisième alinéa de l'article 706-53-16, la juridiction régionale de la rétention de sûreté prononce d'office la fin de la rétention de sûreté. Elle peut toutefois, si la personne présente des risques de commettre les infractions mentionnées à l'article 706-53-13, par la même décision et après débat contradictoire, au cours duquel la personne est assistée par un avocat choisi ou commis d'office, placer cette personne sous surveillance de sûreté pendant une durée d'un an.

« La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l'article 723-30, et en particulier une injonction de soins prévue par l'article L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, et le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues par les articles 763-12 et 763-13. Elle comprend également l'obligation d'assignation à domicile sous le régime du placement sous surveillance électronique prévu par l'article 132-26-2 du code pénal et l'obligation de déplacement surveillé sous le contrôle d'un agent de l'administration pénitentiaire.

« La surveillance de sûreté peut être renouvelée selon les modalités prévues par l'alinéa premier du présent article et pour la même durée. »

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement permet en quelque sorte de sauver la rétention de sûreté, dans sa finalité comme dans son application, en en assurant la constitutionnalité de la mesure. En l'état, votre texte est une violation totale des principes les plus élémentaires du droit pénal ainsi que de ceux garantis par la Constitution. C'est à se demander si vos services sont capables de rédiger un texte respectueux des droits constitutionnels ! La prétendue mesure de sûreté est en fait une peine ne pouvant être rattachée ni à la condamnation initiale ni à un fait commis après la libération : elle serait la sanction d'un crime qui n'a jamais eu lieu, fondée sur la « dangerosité » plus ou moins grande du condamné.

Madame la ministre, nous devons pouvoir trouver, comme lors du débat sur l'immigration, un compromis juridique sur l'applicabilité de ce texte. Bien que je sois opposée à celui-ci, je préfère, s'il devait être appliqué, qu'il le soit dans le respect de la Constitution et des valeurs de la République. D'où cet amendement de compromis, qui aménage le texte pour éviter qu'il soit censuré par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'homme : le dispositif demeure, mais il devient une mesure de sûreté, telle que la définit le Conseil constitutionnel. Votre refus signifierait qu'il ne s'agissait là que d'un énième coup médiatique profitant de l'émotion suscitée par un pauvre enfant dont vous vous permettez de citer le nom dans un débat parlementaire. Si cela ne s'appelle pas légiférer dans l'émotion ! Toutes les lois pénales que vous nous proposez reposent sur le même système.

M. le président.  - Amendement n°85, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

I. -  Rédiger ainsi le début du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale :

La décision de surveillance de sûreté est prise par la juridiction régionale...

II. - Supprimer le troisième alinéa du même texte.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission.

I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

commission régionale

par les mots :

juridiction régionale

et les mots :

Cette commission

par les mots :

Cette juridiction

II. - Procéder aux mêmes substitutions dans le texte proposé par le I de cet article pour les articles 706-53-18, 706-53-19 et 706-53-20, dans le texte proposé par le III de cet article pour l'article 723-37 du même code et dans le texte proposé par le IV de cet article pour l'article 763-8 du même code.

III. - En conséquence, dans le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-22 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

les commissions régionales

par les mots :

les juridictions régionales

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement lève toute ambiguïté quant à la nature de la commission chargée de prononcer la rétention. Cette commission possède tous les caractères d'une juridiction : elle est composée de magistrats, statuant après un débat contradictoire pendant lequel le prévenu est assisté d'un avocat, ses décisions sont soumises à l'appel et à un pourvoi en cassation, et elle peut prononcer une privation de liberté. Nous proposons donc de lui conférer explicitement le statut de juridiction. Certes, cela est indifférent quant à la nature des décisions prises, une juridiction peut parfaitement prendre des mesures de sûreté.

Avis défavorable sur l'amendement n°85. L'amendement n°49 rectifié bis limite la durée de la rétention de sûreté à la durée de la réduction de peine. Elle permet en revanche que la surveillance de sûreté puisse s'appliquer au-delà de cette limite. L'idée est intelligente, mais elle se situe en deçà des mesures prévues par le projet de loi : on peut donc s'interroger sur son efficacité. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable sur l'amendement n°85. L'amendement n°49 rectifié bis reviendrait à revenir au dispositif existant. Défavorable. Avis favorable sur l'amendement n°3.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Très bien !

M. Robert Badinter.  - Substituer « juridiction » à « commission » ? Pourquoi pas, le terme est mieux venu. Mais je m'interroge : quel besoin avons-nous d'un nouvel ordre juridictionnel ? Nous avons déjà les commissions régionales, la commission nationale, la juridiction nationale d'appel, la cassation, le tribunal de l'exécution des peines. Le panorama judiciaire est déjà beaucoup trop chargé à mon sens. Ici, nous aurons de plus ce paradoxe singulier : une juridiction d'appel composée de magistrats de la Cour de cassation dont les décisions pourront faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation ! Pourquoi ne pas confier cette mission au tribunal de l'exécution des peines ? Je comprenais la précaution -en réalité, l'artifice- d'une commission administrative quand il s'agissait d'éviter l'inconstitutionnalité pour atteinte au principe de non-rétroactivité et de ne prévoir que des recours pour excès de pouvoir, mais ce risque a disparu : pourquoi persister dans cette volonté de créer une nouvelle juridiction ?

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le terme de juridiction est plus adéquat, mais le rapporteur nous dit qu'une juridiction peut prendre une mesure de sûreté. Certes, mais celle-ci n'a de sens que dans le cadre de la peine -sauf à considérer qu'il s'agit de mesures de police. Jusqu'à présent, interner quelqu'un par mesure de police était contraire à la Déclaration des droits de l'homme et à la Convention européenne des droits de l'homme. Vous jouez sur les mots, hésitant entre sûreté et peine, hospitalisation d'office et pénalité. Choisissez donc entre le modèle hollandais et le modèle anglo-saxon !

L'amendement n°49 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°85 n'est pas adopté.

L'amendement n°3 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°82, présenté par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, après les mots :

Elle statue après un débat contradictoire

insérer le mot :

public

M. Robert Badinter.  - Qui dit débat contradictoire et juridiction dit aussi publicité -principe fondamental, inscrit dans la Convention européenne des droits de l'homme. À partir du moment où le principe est posé, je suis d'accord pour qu'il soit précisé que certains criminels en matière sexuelle peuvent demander à ce que l'audience ne soit pas publique.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Sur le fond, la commission est d'accord, mais nous souhaitons que l'amendement soit formulé de façon un peu différente.

Je propose la rectification suivante :

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, après les mots :

Elle statue après un débat contradictoire

insérer les mots :

et si le condamné le demande, public

M. Robert Badinter.  - D'accord avec cette rectification. J'ajoute une autocritique : il faut aussi prévoir ce débat devant la commission nationale.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous verrons en commission mixte paritaire comment parfaire la rédaction.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Favorable après la rectification.

L'amendement n°82 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Dans l'avant-dernier alinéa et le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

Commission nationale

par les mots :

Juridiction nationale

L'amendement n°4, de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Après le mot :

qui

rédiger comme suit la fin du dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale :

est susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le dispositif proposé permet de conclure qu'existent trois degrés de contrôle de la décision de rétention de sûreté : la décision de la juridiction régionale peut faire l'objet d'un recours devant la juridiction nationale et cette décision peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation.

Du point de vue du droit à un recours effectif, le dispositif garantit la possibilité d'un contrôle efficace de la décision initiale de placement en rétention de sûreté. Mais il semble que la rédaction du dernier alinéa de l'article 706-53-15 porte encore les traces de la restriction imposée à l'origine par le texte au droit de recours du condamné, restriction qui a été supprimée par l'Assemblée nationale. La tournure négative de l'ancienne version a été maintenue, si bien qu'on a l'impression qu'il y aurait pu y avoir d'autres recours possibles en droit interne. Dans la mesure où la Cour de cassation statue en dernier ressort, et qu'il n'y a pas d'autre juridiction susceptible d'intervenir à ce stade de la procédure, la tournure négative de cette phrase ne sert plus à rien.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

A la fin du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-15 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

devant la Cour de cassation

par les mots :

en cassation

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Amendement de précision.

Mme Boumediene-Thiery a raison, à telle enseigne que la modification qu'elle souhaite est déjà faite !

L'amendement n°45 est retiré.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. - Favorable à l'amendement n°5.

L'amendement n°5 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 706-53-16, après les mots :

renouvelée

insérer les mots :

, après avis favorable de la commission pluridisciplinaire des mesures de sûreté

L'amendement de précision n°6, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission.

Rédiger ainsi le début de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-18 du code de procédure pénale :

Après un délai de trois mois à compter de la décision définitive de rétention de sûreté, la personne placée en rétention de sûreté...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le projet de loi laisse à la personne placée en rétention de sûreté la possibilité de demander à la commission régionale de mettre fin à la mesure dès que la décision de placement en rétention est devenue définitive, ce qui n'est pas très satisfaisant dans la mesure où, par hypothèse, l'intéressé aura été débouté des recours qui lui sont ouverts en vertu de l'article 706-53-15 nouveau et que la commission régionale des mesures de sûreté n'a pas lieu de reconsidérer la situation de la personne si aucun élément nouveau n'est intervenu dans sa situation.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Favorable.

L'amendement n°7 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Dans le second alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-18 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

du recours prévu

par les mots :

des recours prévus

L'amendement rédactionnel n°8, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Dans le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-19 du code de procédure pénale, après les mots :

 qu'il soit

insérer le mot :

immédiatement

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Dès lors que les conditions de la rétention de sûreté ne sont plus satisfaites, la commission régionale doit ordonner qu'il soit mis fin à la rétention. Ce doit être immédiatement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Favorable.

L'amendement n°9 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Supprimer le texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-20 du code de procédure pénale.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Dans sa décision du 8 décembre 2005, le Conseil constitutionnel a validé le dispositif de surveillance judiciaire, considérant qu'il s'agissait d'une mesure qui ne pouvait pas être assimilée à une peine ou en une sanction en raison de plusieurs caractères : elle est limitée à la durée des réductions de peines dont bénéficie le condamné ; elle constitue une modalité d'exécution de la peine prononcée par la juridiction de jugement ; elle est ordonnée par le juge d'application des peines ; elle repose sur la dangerosité du condamné et non sur sa culpabilité -elle a pour seul but de prévenir la récidive.

Dans la mesure où le système introduit par l'article 706-53-20 vise à étendre la surveillance judiciaire au-delà du délai d'exécution de la peine, il ne répond plus au premier critère de légalité posé par le Conseil constitutionnel. La surveillance judiciaire, ainsi que les obligations en découlant, ne sont plus des modalités d'exécution de la peine mais des peines en elles-mêmes. Non fondées sur la réalité d'un crime commis, elles sont contraires à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l'homme.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

I. - Après les mots :

débat contradictoire,

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-20 du code de procédure pénale :

au cours duquel elle est assistée par un avocat choisi ou commis d'office, placer cette personne sous surveillance de sûreté pendant une durée d'un an. La surveillance de sûreté comprend des obligations identiques à celles prévues dans le cadre de la surveillance judiciaire mentionnée à l'article 723-30, et en particulier une injonction de soins prévue par les articles L. 3711-1 à L. 3711-5 du code de la santé publique, et le placement sous surveillance électronique mobile dans les conditions prévues par les articles 763-12 et 763-13. Le placement sous surveillance de sûreté peut faire l'objet des recours prévus à l'article 706-53-15.

II. - Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour le même article :

A l'issue de ce délai, la surveillance de sûreté peut être renouvelée dans les mêmes conditions et pour la même durée.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le projet de loi prévoit que, lorsque la rétention de sûreté prend fin, la commission régionale peut soumettre la personne, pour une durée d'un an renouvelable, à des obligations telles que le placement sous surveillance électronique mobile et aux obligations de la surveillance judiciaire, notamment l'injonction de soins. Il s'agit en fait d'instituer un système intermédiaire entre la rétention de sûreté et la liberté. Par souci de clarté, il serait opportun de donner à ce dispositif de contrôle, qui ne se confond pas avec la surveillance judiciaire même s'il comporte des obligations similaires, une désignation qui lui soit propre. Ce pourrait être « surveillance de sûreté ».

Le projet de loi distingue le placement sous surveillance électronique mobile des obligations de la surveillance judiciaire, alors même que celles-ci comportent la possibilité d'un tel placement. Aussi l'amendement prévoit-il que la surveillance de sûreté comprend des obligations similaires à celles de la surveillance judiciaire, y compris l'injonction de soins et le placement sous surveillance électronique mobile.

L'amendement prévoit également que la décision de la commission régionale est prise après un débat contradictoire au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi par lui ou commis d'office et peut faire l'objet de recours, ce que le texte du projet de loi a omis de préciser.

Enfin, l'amendement simplifie beaucoup la rédaction du deuxième alinéa de l'article.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-20 du code de procédure pénale, après le mot :

contradictoire

insérer les mots :

au cours duquel le condamné est assisté par un avocat choisi ou commis d'office

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement vise une omission que je veux croire involontaire concernant le respect du droit de la défense et l'assistance d'un avocat dans la procédure prévue à l'article 706-53-20.

Il s'agit de la décision permettant à la commission régionale de la rétention de sûreté de soumettre un condamné aux obligations résultant du placement sous surveillance électronique ou aux autres mesures de sûretés mentionnées à l'article 729-30 du code de procédure pénale.

Il n'est pas fait mention, dans cet article, du droit de se faire représenter par un avocat. En revanche, la représentation est prévue en cas de renouvellement de cette mesure. Pourquoi cette omission ?

La représentation de l'avocat est implicitement contenue dans cet alinéa. Mais, dans ce cas, la référence au débat contradictoire dans cet alinéa est superfétatoire, ce qui me semble improbable au regard de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. Comment peut-il y avoir de débat contradictoire sans présence de l'avocat ? Et si le condamné n'était pas, en raison de son état, susceptible de se présenter pour se défendre ? Le principe du contradictoire ne serait pas respecté !

M. le président. - Amendement n°11, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Compléter le dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-20 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée :

La décision de confirmation peut faire l'objet des recours prévus par l'article 706-53-15.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La méconnaissance par la personne condamnée de l'une des obligations susceptibles d'être imposées après la levée d'une rétention de sûreté peut, si elle fait apparaître une particulière dangerosité, conduire de nouveau à une rétention de sûreté ordonnée en urgence par le président de la commission régionale. Le placement doit alors être confirmé trois mois après par la commission régionale. Cette décision de confirmation doit pouvoir faire l'objet d'un appel et d'un pourvoi en cassation.

L'amendement n°37 supprime le régime intermédiaire qui sert de sas avant la libération complète, sas que nous jugeons utile.

L'amendement n°48 est satisfait par le nôtre.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement n°37 obligerait à garder plus longtemps le détenu en centre de sûreté puisqu'il n'y aurait plus de transition possible. Défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°10, défavorable au n°48 et favorable à l'amendement n°11.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

L'amendement n°10 est adopté et l'amendement n°48 devient sans objet.

L'amendement n°11 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet, MM. Desessard et Muller.

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-22 du code de procédure pénale.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 706-53-22 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

en matière notamment

par les mots :

y compris en matière d'emploi, d'éducation et de formation,

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il faut garantir ces droits, si importants pour la personne en rétention de sûreté. Avis défavorable à l'amendement n°87.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable à l'amendement n°87, je suis favorable à l'amendement n°12.

L'amendement n°87 n'est pas adopté.

L'amendement n°12 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Dans le second alinéa du I bis de cet article, après le mot :

peine

insérer les mots :

en vue d'une éventuelle rétention de sûreté

L'amendement de coordination n°13, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Après le I bis, insérer un paragraphe I ter ainsi rédigé :

I. ter - Avant l'article 717-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 717-1-A ainsi rédigé :

« Art. 717-1-A.- Dans l'année qui suit sa condamnation définitive, la personne condamnée à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 est placée pour une durée d'au moins six semaines au Centre national d'observation permettant de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine. Au vu du bilan, le juge de l'application des peines définit un parcours d'exécution de la peine individualisé et décide, si l'état de santé de la personne condamnée le nécessite, le transfert au sein d'une unité hospitalière spécialement aménagée. »

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission partage l'idée qu'il n'est pas satisfaisant d'attendre un an avant la sortie pour évaluer la dangerosité de la personne détenue et qu'il faut le faire dans l'année de la condamnation, afin de déterminer un parcours individualisé, ce qui n'exclut pas d'envisager un transfert en unité hospitalière spécialement aménagée en cas de troubles psychiques.

M. le président.  - Sous-amendement n°91 à l'amendement n°14 de M. Lecerf, au nom de la commission, présenté par le Gouvernement.

Après la référence à l'article 706-53-13,

rédiger comme suit la fin du texte proposé par l'amendement n° 14 pour l'article 717-1-A du code de procédure pénale :

et pour laquelle il a été fait application des dispositions du deuxième alinéa de cet article, fait l'objet d'une évaluation pluridisciplinaire réalisée au cours d'une période d'observation d'au moins six semaines dans un service spécialisé déterminé par décret, afin de déterminer les modalités de sa prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine dans un établissement adapté à sa personnalité.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'examen au Centre national de Fresnes n'était en effet que facultatif. Le systématiser parait justifié mais il faut préciser que ne sont concernés que les condamnés dont la cour d'assises a expressément envisagé le placement en rétention de sûreté. La détermination du service spécialisé ne relève pas de la loi et le placement en unité hospitalière spécialement aménagée dépend d'un médecin.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je vais rectifier mon amendement afin de tenir compte, en grande partie, de vos remarques.

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Lecerf au nom de la commission.

Après le I bis, insérer un paragraphe I ter ainsi rédigé :

I. ter - Avant l'article 717-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 717-1-A ainsi rédigé :

« Art. 717-1-A.- Dans l'année qui suit sa condamnation définitive, la personne condamnée à une peine de réclusion criminelle d'une durée égale ou supérieure à quinze ans pour l'une des infractions visées à l'article 706-53-13 est placée pour une durée d'au moins six semaines dans un service spécialisé permettant de déterminer les modalités de la prise en charge sociale et sanitaire au cours de l'exécution de sa peine. Au vu du bilan, le juge de l'application des peines définit un parcours d'exécution de la peine individualisé. Si la personne souffre de troubles psychiatriques sérieux et durables, elle fait l'objet d'une prise en charge spécifique dans une structure aménagée à cette fin. »

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous souhaitons que l'évaluation ne soit pas réservée à ceux pour lesquels les assises ont prévu la rétention de sûreté mais, dans la perspective de la prochaine loi pénitentiaire, qu'elle bénéficie à toutes les personnes condamnées à plus de quinze ans de réclusion, en attendant une extension plus large.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Favorable à l'amendement rectifié, je retire le sous-amendement n°91.

Le sous-amendement n°91 est retiré.

M. Robert Badinter.  - Cet amendement est très important dans la perspective de la prochaine loi pénitentiaire : il faut aller dans cette voie car il est essentiel de procéder à l'évaluation de la personne dès le départ, dès même l'instruction, ce temps mort qui peut s'étaler sur des années. Ainsi, on pourra établir au plus tôt après la condamnation un parcours individualisé. Peut-on mesure et traiter la dangerosité après quinze années de détention. Que s'est-il passé durant tout ce temps ? On ne sait... Voilà pourquoi nous devrons absolument tenir bon sur la loi pénitentiaire : il faut une prise en charge dès le départ, comme on le voit aux Pays-Bas. C'est ainsi qu'on évitera la récidive, et non avec la rétention de sûreté qui masque l'état déplorable des prisons depuis des décennies.

M. le président.  - Vous rendez hommage au travail de la commission des lois.

M. Pierre Fauchon.  - Le texte n'est donc pas si mauvais, que vous vouliez supprimer !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'amendement est en effet important : j'avais fait la même proposition avec mon amendement n°67, que vous avez repoussé. J'avais tenu à l'inscrire en premier parce qu'ainsi, on n'aurait pas commencé par dire qu'une personne ferait quinze ou vingt ans de prison avant qu'on évalue sa personnalité, qu'on mesure sa dangerosité et qu'on se demande comment les traiter. C'est par là qu'il faut commencer !

Mais une telle approche irait à l'encontre de la philosophie du texte. C'est une autre vision : une évaluation, éventuellement dès l'instruction, un parcours individualisé, qui permet de constater si le détenu progresse et risque ou non de récidiver. Si oui, on peut alors envisager des mesures administratives, afin de protéger la société.

Je voterai cet amendement, mais le mien, à l'article premier, avait une portée différente.

L'amendement n°14 rectifié est adopté.

M. le président.  - Cette belle unanimité honore notre maison.

Amendement n°15, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission.

Après le I bis, insérer un paragraphe I quater ainsi rédigé :

I quater - L'article 712-22 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Ce décret précise les conditions dans lesquelles l'expertise prévue par l'article 712-21 peut ne pas être ordonnée, avec l'accord du procureur de la République, soit en raison de l'existence dans le dossier du condamné d'une précédente expertise, soit, pour les personnes condamnées pour des infractions dont il fixe la liste, en cas de permission de sortir ou en raison de la personnalité de l'intéressé. »

M. Jean-René Lecerf.  - Nous prévoyons dans la loi des exceptions à l'expertise, unanimement reconnues comme utiles.

L'amendement n°15, accepté par le Gouvernement, est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 31 janvier, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit vingt.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 31 janvier 2008

Séance publique

À 9 HEURES 30,

Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.

Rapport (n° , 2007-2008) de Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour le Sénat.

Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour le pouvoir d'achat.

Rapport (n° 180, 2007-2008) de M. Nicolas About, rapporteur pour le Sénat.

Discussion du projet de loi (n° 153, 2007-2008) autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale Iter pour l'énergie de fusion relatif au siège de l'Organisation Iter et aux privilèges et immunités de l'Organisation Iter sur le territoire français.

Rapport (n° 173, 2007-2008) de M. Xavier Pintat, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

À 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi (n° 158, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Rapport (n° 174, 2007-2008) de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.

- M. Jean François-Poncet un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le traité de Lisbonne.

- MM. Jean-Paul Emorine, Gérard Cornu, François Fortassin, Bernard Dussaut, René Beaumont, Mme Yolande Boyer, M. Philippe Darniche, Mme Evelyne Didier et M. Yannick Texier, un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques à la suite d'une mission effectuée au Brésil du 11 au 17 septembre 2007.

- Mme Catherine Procaccia, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la réforme de l'organisation du service public de l'emploi.

- M. Jean-Patrick Courtois un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 110, 2007-2008).

- MM. Jean-Pierre Bel, Serge Lagauche, Mme Catherine Tasca, M. David Assouline, Mme Bariza Khiari et M. Yannick Bodin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, une proposition de loi tendant à prendre en compte les interventions du Président de la République dans les médias.

- M. Dominique Braye, un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, renforçant les mesures de prévention et de protection des personnes contre les chiens dangereux (n° 110, 2007-2008).

- M. Jacques Blanc un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc (n° 84, 2007-2008).

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ERRATUM

A la séance du 29 janvier 2008 : à la page 7, dans l'intervention de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, bien lire « de 1 million à 123 000 euros ».