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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Nomination d'un sénateur en mission

Questions orales

Plan maladies rares

Permanenciers auxiliaires de régulation médicale

Enfants nés sans vie

Avenir de l'hôtellerie familiale

Association « Scènes et Territoires en Lorraine »

Services publics en zone rurale

Pollutions en Méditerranée

Donation gracieuse de terres agricoles

Enseignement public agricole

7ème bataillon de chasseurs alpins

Travailleurs en Esat

Gratification des stagiaires étudiants en travail social

Emplois spécifiques de la fonction publique territoriale

Numéros d'appel surtaxés des administrations

Modernisation du marché du travail (Urgence)

Discussion générale

Question préalable

Renvoi en commission

Discussion des articles

Article premier

Article additionnel

Article 2

Article 3

Article 4




SÉANCE

du mardi 6 mai 2008

76e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

La séance est ouverte à 10 heures 10.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Nomination d'un sénateur en mission

M. le président.  - M. le Premier ministre a informé le Sénat de sa décision de placer, en application de l'article LO 297 du code électoral, M. Hubert Haenel, sénateur du Haut-Rhin, en mission temporaire auprès de M. le secrétaire d'État chargé des transports. Cette mission portera sur l'organisation du système ferroviaire.

Acte est donné de cette communication.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à quatorze questions orales.

La question orale n°180 de M. Francis Grignon est, à la demande de son auteur, reportée à la séance du 20 mai. Les questions orales n°237 de M. José Balarello, n°239 de M. Jean Boyer et n°240 de M. Simon Sutour sont inscrites à l'ordre du jour de la séance du 20 mai et la question orale n°233 de M. Bernard Cazeau est retirée de l'ordre du jour de cette même séance.

Plan maladies rares

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Madame le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la fin prévue, cette année, du plan maladies rares.

Ce plan, bien que perfectible, a constitué une avancée importante pour les quatre millions de Français qui souffrent des huit mille maladies orphelines répertoriées. En dépit d'une grande hétérogénéité, les maladies rares ont en commun d'être souvent graves, chroniques, évolutives, de mettre parfois en jeu le pronostic vital ou d'impliquer une perte d'autonomie et des invalidités. Elles sont difficilement et tardivement identifiables et prévisibles, et génèrent chez les malades et leurs proches un sentiment d'exclusion et une souffrance morale liés à l'absence de traitement. Elles sont en outre délaissées par la recherche médicale. A l'époque du point ISA (Indice synthétique d'activité), ces maladies étaient comptabilisées dans les groupes homogènes de malades (GMH), ce qui est paradoxal pour des maladies orphelines.

Madame le ministre, vous m'avez récemment indiqué que le comité de suivi du plan se réunirait ce mois-ci et qu'un premier bilan devrait être disponible en septembre. Les représentants des associations de malades assisteront-ils à cette réunion ? Ces pathologies seront-elles traitées à part dans la nouvelle comptabilité hospitalière ? Insisterez-vous sur l'effort nécessaire à accomplir pour la recherche médicale, qui n'est pas sans rapport avec ma question de la semaine dernière sur le sang de cordon ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Les parlementaires sont nombreux à m'interroger sur l'avenir du plan « maladies rares », dédié aux sept à huit mille maladies rares et orphelines, qui a permis des avancées majeures dans le diagnostic et dans la prise en charge des patients et de leur famille. Certaines associations de malades ont d'ailleurs lancé une pétition pour le voir reconduit.

Doté de 108,5 millions d'euros, dont 40 millions destinés à améliorer l'accès aux soins et 43 millions pour la recherche, ce plan a permis la création d'une centaine de centres de référence qui permettent un diagnostic et une prise en charge plus précoce. Les patients atteints de maladies rares bénéficient également du plan « qualité de vie des patients atteints de maladie chronique », programmé de 2007 à 2011, qui prend en compte les aspects médico-sociaux de ces maladies.

La France est leader en Europe sur ce thème. La plupart des pays européens élaborent leur propre plan, à notre suite. La France va jouer un rôle moteur à l'occasion de sa présidence de l'Union européenne : la communication lancée par la Commission européenne devrait être adoptée par le Conseil des ministres pendant notre présidence. Nous soutenons par ailleurs les coopérations entre États membres en matière de recherche, mais également de partage des connaissances et de diffusion de l'expertise au travers de réseaux européens de centres de référence.

L'effort sera poursuivi au-delà de 2008 afin de consolider les acquis du premier plan. L'impulsion donnée à la recherche ne sera pas interrompue, d'autant que la recherche sur les maladies rares sert la recherche sur les maladies fréquentes.

J'ai confiée l'évaluation du plan 2005-2008 au Haut conseil de santé publique, mais les associations de malades seront entendues : l'écoute est au coeur de ma politique de santé. Enfin, la spécificité des maladies rares et orphelines sera reconnue dans le cadre des nouvelles règles de tarification de l'hôpital.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Merci de votre réponse. Je remercie également le Président du Sénat, qui va parrainer un colloque sur les maladies rares.

Les laboratoires pharmaceutiques ne s'intéressent pas aux maladies rares. Lors de la présidence de l'Union, ne pourrait-on mobiliser l'Agence européenne des médicaments, ainsi que quelques laboratoires, pour faire avancer la recherche en la matière ?

Permanenciers auxiliaires de régulation médicale

M. Jean-Paul Emorine.  - Les permanenciers auxiliaires de régulation médicale (Parm) sont les collaborateurs des médecins régulateurs et participent pleinement à l'aide médicale urgente. Ils réceptionnent tous les appels du centre 15, répondent aux demandes de secours à personnes en provenance du 18 et gèrent la permanence de soins du département. Chaque appel fait l'objet d'un dossier informatisé.

Éléments essentiels de la chaîne des secours, les Parm doivent localiser le problème, identifier les victimes, questionner l'appelant, envoyer les moyens de secours, suivre les interventions et assurer l'accueil du patient.

Les 1 600 permanenciers souhaitent aujourd'hui que leur profession soit revalorisée, avec une reconnaissance statutaire correspondant à la catégorie B de la fonction publique hospitalière et un reclassement systématique en catégorie B des agents en poste. Ils demandent également que soit dispensée une formation initiale au métier. Quelle réponse entendez-vous leur apporter ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Corps de catégorie C de la filière administrative, les Parm sont recrutés par concours sur épreuves ou sur une liste d'aptitude sur laquelle peuvent être inscrits les standardistes et les aides-soignants.

Le plan urgences 2004-2008 a prévu la création de six cents postes entre 2007 et 2008. Au-delà de cette reconnaissance démographique, une nouvelle bonification indiciaire de vingt points par agent a été octroyée, soit 60 euros nets chaque mois. La fonction de Parm a été ouverte aux professionnels paramédicaux et administratifs de catégorie B -ce sont le plus souvent des secrétaires médicales et des infirmières. Le plan prévoyait également un recrutement au niveau baccalauréat, avec une formation d'adaptation à l'emploi. Une formation obligatoire pour les nouvelles recrues a été mise en place en janvier 2005.

Ces avancées notables méritaient d'être rappelées. Les services du ministère étudient actuellement la possibilité d'une reconnaissance en catégorie B des Parm, et ont rencontré les organisations syndicales représentatives. Par ailleurs, l'actualisation du métier au sein du répertoire des métiers de la fonction publique sera présentée cet été.

Je souhaite que cette réflexion s'intègre dans celle sur le rapprochement des régulations des urgences et de la permanence des soins, conformément à ce qui a été annoncé par le Président de la République à Neufchâteau le 17 avril dernier.

Merci de m'avoir permis de rappeler le rôle indispensable de ces professionnels de santé.

M. Jean-Paul Emorine.  - Merci de votre réponse.

Enfants nés sans vie

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Depuis quelques temps, j'attire l'attention du Gouvernement sur la délicate question des enfants nés sans vie. Je souhaite aujourd'hui interroger le garde des sceaux sur les conséquences des trois arrêts rendus par la Cour de cassation le 6 février 2008. En supprimant le seuil requis pour l'établissement d'un acte d'enfant sans vie, fixé par la circulaire du 30 novembre 2001, conformément aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé, à vingt-deux semaines d'aménorrhée ou un poids de 500 grammes, la Cour de cassation bouleverse un système qui a déjà beaucoup évolué depuis la loi du 8 janvier 1993, prenant en compte la sensibilité accrue des individus, la meilleure connaissance du deuil pathologique, et l'évolution des pratiques en matière de devenir des corps.

Les arrêts de la Cour de cassation nous mettent au pied du mur. Les officiers de l'état civil ont besoin de règles sûres. Il faudrait nous interroger sur la fixation d'un seuil minimal, sur le caractère facultatif ou non de la déclaration ainsi que sur le contenu et la nature de l'acte d'enfant sans vie.

Notre régime juridique attribue une faible portée à l'acte d'enfant sans vie établi par les services de l'état civil. A contrario, d'autres législations européennes autorisent la reconnaissance légale d'un enfant né sans vie, ce qui permet de déterminer une filiation, d'attribuer un nom et d'inscrire l'enfant sans restriction dans le livret de famille. (Mme Hermange approuve).

Le Médiateur de la République préconise la constitution d'un groupe de travail piloté par le ministère de la justice sur ce sujet. Où en est la réflexion du Gouvernement, et quelles sont ses intentions pour faire face aux conséquences des arrêts de la Cour de cassation ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Mme le garde des sceaux est indisponible, mais ce sujet concerne tout autant mon ministère. Les arrêts de la Cour de cassation, qui ont supprimé tout critère pour établir un acte d'enfant sans vie, suscitent de nombreuses interrogations. Les praticiens et les officiers de l'état civil ont besoin d'un cadre clair pour établir de tels actes. Nous devons répondre à la souffrance des familles, mais il faut éviter de légiférer sous le coup de l'émotion et dans la précipitation.

Fixer des seuils de viabilité dans le code civil, fussent-ils ceux de l'OMS, serait source de discriminations : des familles seraient privées de toute possibilité d'établir un acte d'enfant sans vie pour une question de jours, ce qui ne ferait qu'accroître leur détresse.

De plus, inscrire dans une norme les critères de viabilité reviendrait à se priver de la souplesse qu'imposent les progrès quotidiens de la médecine.

C'est pourquoi est engagée une réflexion interministérielle associant le ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, le ministère de la justice, le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ainsi que celui du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. Ensemble, nous cherchons à répondre aux attentes soulevées par les arrêts de la Cour de cassation du 6 février dernier et à prendre en compte les propositions du Médiateur de la République, afin de dégager des solutions pragmatiques, équilibrées et globales.

Un décret est en cours de préparation. Grâce à notre travail interministériel actif, nous trouverons la solution la plus appropriée à chaque situation de détresse. Vos préoccupations ne restent donc pas sans réponses.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je regrette la situation de vide dans laquelle nous nous trouvons. Certes, il est difficile de fixer un seuil minimal, mais tous les pays européens l'ont fait ! Aujourd'hui, en l'absence de seuil, l'inscription sur le livret de famille d'un enfant né sans vie peut avoir lieu dès le début de la grossesse. Le vide est également juridique. Nous ignorons quelle sera la décision de la Cour d'appel de Nîmes. D'autre part, l'inscription sur le livret de famille diffère selon les départements en fonction des décisions préfectorales.

Madame la ministre, nous sommes donc d'accord pour faire évoluer la législation. Dans un premier temps, nous pourrions revenir à la circulaire. Mais il conviendrait de légiférer très rapidement, car nous allons au devant de situations dramatiques de demandes d'inscription sur le livret de famille d'enfants qui ne sont pas viables. Nous risquons ainsi d'ouvrir un débat sur le statut de l'embryon, débat qui n'appartient pas au cadre du texte dont nous parlons.

Il nous faut donc nous décider très vite et, en attendant, revenir à la circulaire afin de sécuriser le parcours des officiers d'état civil.

Avenir de l'hôtellerie familiale

M. Jean-Paul Amoudry.  - L'hôtellerie familiale, qui représente un inestimable patrimoine culturel et touristique, régresse au profit de la vente par appartements et de la location de meublés. Cette situation est particulièrement dramatique en Haute-Savoie où le tourisme est important pour l'équilibre économique et social.

Un hôtel familial ferme chaque jour. Les conséquences de cet état de fait sont particulièrement préjudiciables à cette branche de notre économie : des emplois disparaissent et, avec eux, un savoir-faire culinaire, un art de vivre, ainsi qu'une irremplaçable convivialité et animation de nos villes, villages et stations.

Madame la ministre, nous avons le devoir de réagir vigoureusement pour éviter que notre patrimoine touristique soit amputé de l'un de ses fleurons, mais aussi pour assurer la pérennité de la formation professionnelle hôtelière, qui ne saurait se limiter à l'enseignement théorique. Seul un dispositif de mesures appropriées permettra d'inverser la tendance. Je pense particulièrement à l'allègement des droits de succession pour favoriser la transmission des entreprises et à la réduction de la TVA sur les services. Ces mesures ne seraient jamais que des dépenses d'investissement et de soutien à l'emploi.

Quelle est la position du Gouvernement sur ces deux dispositifs ? Veut-il obtenir de l'Union européenne les accords nécessaires concernant la TVA ? Quelle politique le Gouvernement envisage-t-il de pour assurer l'avenir de cette activité économique nécessaire à la bonne santé de notre économie et de nos emplois ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Votre question me donne le plaisir de vous répondre au nom de mon collègue Hervé Novelli. Que la ministre de la santé puisse parler d'art de vivre me semble un signe sympathique !

L'hôtellerie familiale constitue en effet à la fois un savoir-faire culinaire et un art de vivre qu'il nous faut préserver. Le dossier TVA pour le secteur des hôtels, café, restaurants mobilise le Gouvernement : le 13 novembre dernier, les ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne ont proposé une directive sur la réduction du taux de TVA dans les secteurs à forte intensité de main-d'oeuvre auquel appartient celui des hôtels familiaux. Les discussions sur ce sujet devraient avoir lieu sous la Présidence française de l'Union européenne, lors du second semestre 2008.

Votre question soulève également le problème de la transmission et de la reprise de ces hôtels. Les pouvoirs publics ont pris de nombreuses mesures destinées à réduire les droits de mutation à titre gratuit. En ligne directe, l'abattement par bénéficiaire a été porté par la loi d'août 2007 de 50 000 à 150????? 000 euros et, afin de faciliter la préparation en amont des successions, les donations sont encouragées par la réduction des droits de moitié lorsque le donateur a moins de 70 ans. De plus, les hôtels familiaux peuvent bénéficier des mesures du « pacte Dutreil » qui aboutissent, en cas de succession ou de donation, à ne taxer que 25 % de la valeur de l'entreprise lorsque les titres ont fait l'objet d'un pacte d'actionnaire. La durée de l'engagement de conservation a d'ailleurs été réduite dans la dernière loi de finances. Enfin, des dispositions fiscales ont été adoptées suite à la signature du contrat de croissance en faveur de l'emploi et de la modernisation du secteur des hôtels, cafés et restaurants. En particulier, a été créé un report d'imposition sur les plus-values réalisées par des personnes exerçant leur activité dans le secteur lors de la cession de leur actif immobilier à une société d'investissements immobiliers cotée (SIIC) ou à une société de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV).

Le projet de loi de modernisation de l'économie prévoit plusieurs mesures en faveur des transmissions bénéficiant également aux hôtels familiaux. Les droits de mutation à titre onéreux sont ainsi abaissés à 3 % pour les SARL et pour les fonds de commerce. Les transmissions familiales ou aux salariés sont exonérées de droits de mutation sous plafond. Les repreneurs pourront bénéficier d'une réduction d'impôt sur les intérêts de l'emprunt lié à l'acquisition d'une société deux fois plus importante qu'auparavant, et ils auront à acquérir seulement 25 % du capital pour en bénéficier. Enfin, le Gouvernement réfléchit aux moyens de favoriser le développement des outils de capital risque dans l'industrie touristique.

Ces mesures visent toutes à sauvegarder un pan très important de notre économie qui contribue à cet art de vivre dont vous êtes, monsieur le sénateur, un ardent défenseur.

M. Jean-Paul Amoudry.  - Je vous remercie pour cette réponse précise et complète. Je souhaite que la présidence française de l'Union européenne permette une avancée significative concernant la TVA.

Association « Scènes et Territoires en Lorraine »

M. le président.  - La parole est à notre collègue Daniel Reiner pour une question à Mme la ministre de la culture. Nous serons très heureux d'écouter la réponse de Mme la ministre Bachelot-Narquin qui nous honore de sa présence. Le Sénat apprécie toujours la présence d'un ministre important ! (Sourires)

M. Claude Domeizel.  - Ils le sont tous !

M. le président.  - Mais ils sont souvent absents ! Quand vous serez ministre, vous vous en souviendrez ! (Nouveaux sourires)

M. Daniel Reiner.  - Je souhaitais attirer l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la baisse drastique des financements accordés à l'association « Scènes et Territoires en Lorraine ».

Cette association unique en France, créée à l'initiative des fédérations d'éducation populaire de Lorraine, développe le spectacle vivant en milieu rural depuis une dizaine d'années. Il s'agit, avec cette initiative, d'assurer la diffusion de l'art du spectacle vivant dans ce milieu, et d'améliorer la connaissance que les élus ruraux ont des questions culturelles.

En décembre 2000, la Drac Lorraine reconnaissait en cette association une « scène multi sites » avec laquelle elle conventionnait une première fois pour trois ans, cette convention étant renouvelée en 2004. Cette reconnaissance de l'État s'est traduite par l'attribution de subventions qui sont allées jusqu'à 74 000 euros. Parallèlement, l'action de l'association a permis à l'État d'être présent jusque dans les confins de nos territoires ruraux.

Or, le soutien financier de l'État a baissé dès 2006 pour ne plus représenter, en 2008, que 30 000 euros. Comment, dans ces conditions, l'association peut-elle poursuivre son travail de diffusion culturelle en milieu rural à des tarifs attractifs pour tous ?

Les demandes réitérées de l'association pour renouveler le conventionnement sont restées sans réponse de la part du ministère, alors que la directive nationale d'orientation pour 2008 précise que la priorité des Drac est le renforcement des actions développant l'éducation artistique et culturelle. Compte tenu de la baisse des crédits alloués à cette association et de l'absence de nouveau conventionnement, peut-on encore parler de volonté de l'État de diffuser le spectacle vivant en milieu rural ?

Quelles sont les raisons de cette diminution des crédits alloués à l'association « Scènes et Territoires en Lorraine » ? Pourquoi aucune nouvelle convention n'a-t-elle été signée avec cette association ? Le ministère est-il prêt à réétudier une décision qui intervient alors même qu'aucune évaluation de ces six années de travail n'a été réalisée ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative.  - Je vous présente les excuses de Mme Christine Albanel. Son absence me donne le plaisir d'évoquer l'éducation populaire, qui est au coeur des responsabilités de mon ministère. J'ai à ma disposition une direction de la jeunesse et de l'éduction populaire et, trop de gens l'ignorent, l'acronyme Creps désigne les Centres Régionaux d'Éducation Populaire et de Sport.

L'association « Scènes et Territoires en Lorraine » est une fédération, regroupant des associations appartenant au réseau de l'éducation populaire dont l'activité est d'irriguer le milieu rural lorrain par la diffusion de spectacles, des résidences d'artistes et un important maillage d'action culturelle. Elle a bénéficié depuis 2000 d'une convention avec la Drac Lorraine renouvelée en 2004 et prolongée d'un an en 2007.

En dépit des contraintes du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sur lequel est inscrite l'association, celle-ci a fait l'objet d'une attention particulière auprès de la Drac Lorraine.

Le président de Scènes et Territoires, M. Pierre Charles, ainsi qu'une délégation de cette association ont été reçus le 11 avril par la Drac de Lorraine. Le dialogue a permis de réinscrire l'association au programme des Scènes conventionnées pour les années 2008 à 2010, avec une subvention revenue à 38 000 euros par an. Cela permettra à Scènes et Territoires de reprendre sereinement le dialogue avec les collectivités afin de mieux préparer son avenir.

M. Daniel Reiner.  - Merci de cette réponse. Il est vrai que la réunion en question a eu lieu le lendemain du dépôt de ma question. L'inquiétant, c'est que le ministère de la culture a supprimé sa direction de l'aménagement du territoire et la plupart des crédits qui y étaient affectés. Les moyens accordés par l'État diminuant, on attend sans doute que les collectivités locales le remplacent. Or elles contribuent déjà massivement...

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - C'est logique.

M. Daniel Reiner  - ...au financement de ces activités. La disparition de cette direction a une signification politique, et je voulais une réponse politique...

Services publics en zone rurale

M. Claude Domeizel.  - Monsieur le secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, les menaces ou fermetures effectives de services publics en milieu rural se multiplient dans de nombreux secteurs, la santé, l'éducation nationale, la justice, la gendarmerie, les finances, la perception, la poste, EDF...

M. Roland Courteau.  - Tout y passe...

M. Claude Domeizel.  - C'est l'une des principales inquiétudes des élus que je rencontre. Ce week-end encore, le maire de Saint-André-les-Alpes m'a parlé de la poste de sa commune, qui perd deux emplois sur trois, et de l'insuffisance d'effectifs dans l'administration de son collège.

La réforme de la carte judiciaire, appliquée de façon brutale et arbitraire, s'est traduite par des suppressions de tribunaux. La présence postale est fragilisée par des fermetures réelles ou programmées, par des réductions ou des adaptations d'horaires inappropriées.

Dans les Alpes-de-Haute-Provence, la presse a annoncé le regroupement éventuel, sans la moindre concertation, du Centre d'instruction et d'entraînement au combat de montagne de Barcelonnette avec le Centre national d'aguerrissement de Briançon. Dès cet été, Barcelonnette y perdra vingt-cinq emplois. Monsieur le ministre, pour bien connaitre la vallée de l'Ubaye, vous savez que la suppression de vingt-cinq emplois, imperceptible dans les bureaux ministériels, est catastrophique à Barcelonnette. Surtout si, comme on me l'a annoncé, la même unité militaire doit subir les effets, encore plus redoutables, de la révision générale des politiques publiques.

Pour les hôpitaux, les récentes déclarations gouvernementales et le rapport de notre collègue Larcher font redouter de nouvelles suppressions de services et d'emplois. Par exemple, les agents du centre hospitalier intercommunal des Alpes du Sud, issu de la fusion des hôpitaux de Sisteron et de Gap, s'inquiètent pour l'avenir de leur établissement et cette semaine, un hebdomadaire local titre « Hôpital de Digne... cinquante emplois en péril ».

En tant que membre du Gouvernement chargé de l'aménagement du territoire, quelle est votre position dans la réflexion sur la révision générale des politiques publiques et sur le non remplacement d'un départ à la retraite sur deux ? Au-delà d'une logique économique, tiendrez-vous compte des situations spécifiques pour mettre un frein au désengagement progressif des services publics en zone rurale et rassurer les populations ? Le Gouvernement compte-t-il conserver le caractère privilégié de l'humain et de la proximité ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Les réformes de la carte judiciaire ou des cartes militaire et hospitalière sont nécessaires pour adapter le service public aux enjeux d'aujourd'hui, dans le cadre de l'arc méditerranéen, de l'Europe et de la mondialisation. Mais je suis le secrétaire d'État du lien avec les territoires et avec les gens qui y vivent. Nous sommes tous des élus locaux, j'ai été maire d'une commune rurale pendant dix-huit ans, et deux tiers de nos communes sont en zone rurale. C'est pourquoi ma ligne de conduite sera de concilier les impératifs de chaque service public -dont les impératifs économiques- avec un maillage des territoires respectant leur qualité et leur identité. La recherche de cet équilibre ne se fera pas selon une approche uniforme décidée depuis Paris. Le Président de la République a rappelé à Cahors, le 8 avril dernier, que « l'unité n'est pas l'uniformité et que l'égalité, ce n'est pas l'uniformité ». Et le Premier ministre a souligné que le Gouvernement veillerait à ce que soit prise en compte la situation des territoires qui pourraient pâtir d'un cumul de restructurations de services publics.

J'approuve évidemment ces orientations. L'aménagement du territoire doit être au service des élus et je serai attentif à ce que les équilibres relatifs au service du public soient négociés sur le plan local. Ce travail de proximité redonnera confiance à chacun dans tous les territoires, y compris les plus fragiles, par la recherche de solutions innovantes : le recours à la mutualisation et aux technologies de l'information et de la communication en particulier.

Le Gouvernement entend mener une politique active en faveur des services publics, adaptée à la situation propre de chaque territoire et articulée avec le respect des grands équilibres nationaux. Je considère que les services publics doivent être effectifs sur l'ensemble des territoires ruraux et, à cet effet, je fais procéder à un audit qui nous aidera à y adapter ces services publics. Je veillerai à maintenir un maillage équilibré entre les zones rurales, les grandes métropoles et les villes moyennes.

M. Claude Domeizel.  - Merci de cette réponse pleine de bonnes intentions. Nous vous jugerons aux actes.

Pollutions en Méditerranée

M. Roland Courteau.  - En janvier 2003, lors de l'examen du projet de loi portant création d'une zone de protection écologique au large des côtes françaises, j'avais ici même rappelé quelques chiffres vertigineux sur les dégazages, déballastages sauvages et autres rejets de résidus d'hydrocarbures, auxquels se livraient, en Méditerranée, certains capitaines de navires qualifiés à l'époque de « voyous des mers ». J'avais indiqué alors que chaque année, un million de tonnes d'hydrocarbures y était rejeté par dégazage, ce qui représentait quinze fois la cargaison du Prestige -le mal nommé- ou cinquante fois le fioul lourd de l'Erika, et que la surface polluée était de 150 000 k2. De surcroît, ces déballastages, ne représentaient qu'une partie de l'ensemble des déversements de résidus de combustion fabriqués par tous les bateaux. J'avais relevé que chaque année, 1 700 déversements intentionnels étaient comptabilisés par l'Union européenne dans une mer fragile, quasiment fermée, qui, ne représentant que 1 % de la surface des mers, recevait 30 % du transport maritime. Si les marées noires occasionnées par Le Prestige ou L'Erika résultent d'accidents, en Méditerranée, il s'agit d'actes volontaires. Évidemment, de telles pollutions ne sont pas neutres pour le milieu marin et pour la chaîne alimentaire.

J'avais donc soutenu le projet de loi portant création d'une zone de protection écologique en Méditerranée, qui avait été présenté en Conseil des ministres en février 2002 par M. Cochet.

Le Sénat fut unanime à estimer que cette loi constituerait une réelle avancée. Les mesures coercitives étaient étendues à toute la zone de protection, au-delà des douze milles des eaux territoriales.

Quel est le bilan après cinq ans ? Combien d'interpellations, de décisions d'éloignement des navires poubelles, de sanctions ? La pollution a-t-elle été réduite ? Les moyens de surveillance, légers et lourds, sont-ils suffisants ? Les équipements portuaires permettant aux navires d'éliminer proprement leurs déchets sont-ils à la hauteur ? En 2003, c'était la misère !

La Méditerranée reçoit 30 % du trafic maritime international ; dans ce « couloir à hydrocarbures », nous ne sommes pas à l'abri d'un sinistre majeur. Un nouveau navire anti-pollution avait été évoqué en 2003 : qu'en est-il ? Le paquet européen «Erika II » comporte l'obligation pour les navires d'être équipés de systèmes d'identification automatique. Les dégazages de nuit n'étant pas repérables, l'application de cette prescription est indispensable.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Vous évoquez une mer qui nous est chère, à nous, enfants de la Méditerranée...

M. Thierry Repentin.  - Nous nous y intéressons aussi !

M. Hubert Falco, secrétaire d'État.  - Grâce à la loi de 2003, la France a pu mener une action répressive contre les pollueurs au-delà de ses eaux territoriales. Depuis lors, quatorze poursuites ont été engagées par le parquet de Marseille et neuf condamnations ont été prononcées, pour un total de 3,72 millions d'euros d'amendes. Aujourd'hui, trois dossiers sont en instruction et deux jugements en attente de délibéré.

Auparavant, les procédures transmises à l'État du pavillon n'aboutissaient pas. Depuis 2003, le nombre des infractions constatées a été divisé par quatre, celui des pollutions signalées a diminué de 40 %. Un changement de comportement est intervenu dans les eaux sous juridiction française. La France est désormais citée en exemple par l'Agence européenne de sécurité maritime !

Notre dispositif a quatre composantes : spatiale, aérienne, navale et terrestre. Le service européen de détection des pollutions par satellite est mis à disposition des États membres depuis avril 2007 ; le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage en mer Méditerranée (Cross-Med) bénéficie du concours de l'avion de télédétection Polmar II, des avions de patrouille de la marine nationale basés à Nîmes et Lorient -au total ils assurent 2 000 heures de vol de surveillance par an- et des hélicoptères de la marine nationale, des douanes, de la gendarmerie et de la sécurité civile.

La composante navale a été renforcée par la marine nationale. Le remorqueur d'intervention Abeille Flandre et le bâtiment de dépollution Aillette sont affectés depuis 2005 à la surveillance du littoral, en remplacement du Mérou. Enfin, le Cross-Med et la préfecture maritime de la Méditerranée bénéficieront dès septembre 2008 du système d'identification automatique (AIS), conformément aux mesures comprises dans le paquet Erika II. Le système communautaire de suivi du trafic des navires contraint tout navire de commerce faisant escale dans un port d'un État membre à posséder un transpondeur qui fournit aux stations côtières, aux autres navires et aux aéronefs équipés l'identité du navire, son type, sa position, son cap, sa vitesse, ses conditions de navigation.

Vous le constatez, nous avons tous pris conscience des problèmes en Méditerranée, même s'il reste encore beaucoup à faire.

M. Roland Courteau.  - Charles Trenet et, après lui, la première adjointe au maire de Narbonne diraient : faisons en sorte que la Méditerranée continue à danser le long des golfes clairs...

Donation gracieuse de terres agricoles

Mme Catherine Procaccia.  - M. Philippe Richert, qui n'a pu être présent ce matin, voulait évoquer la réglementation des donations à titre gratuit de parcelles agricoles. Le code rural assure aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) un droit de préemption en cas d'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole. Le vendeur doit effectuer une déclaration préalable -sauf en cas de donation ou partage : la Safer n'a alors aucune prise sur l'opération.

Cela n'est pas scandaleux en soi, puisque ces donations se font le plus souvent au sein d'une même famille. En revanche, M. Richert a connaissance d'un exemple, dans le village de Lohr, de véritable détournement de la procédure. En effet, un agriculteur a fait dons de terrains agricoles constructibles à un autre exploitant dont les terres sont situées à vingt kilomètres ! Les deux personnes n'entretiennent en outre aucun lien. Imaginez la réaction de la Safer mais aussi du jeune agriculteur voisin, qui aurait pu agrandir son domaine...

Cette pratique n'est pas illégale ; elle trouve simplement son fondement dans les lacunes de notre législation. Seules devraient échapper à la faculté de préemption les cessions gratuites au sein d'une même famille.

Ici, le détournement est manifeste... et très étudié. Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour éviter de tels écarts et permettre la préemption des terres concernées ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - M. Barnier inaugure ce matin le salon de l'agriculture de l'Aquitaine.

Le droit de préemption conféré aux Safer suppose l'aliénation à titre onéreux de biens immobiliers à utilisation agricole, dont le propriétaire peut au demeurant retirer son bien de la vente lorsque la Safer assortit la préemption d'une contre-offre de prix inférieure.

La transmission par donation n'entre pas dans le champ du dispositif. Même si l'on peut supposer qu'une donation opérée entre personnes sans lien de famille n'est pas totalement désintéressée, la Safer ne peut intervenir sauf en prouvant qu'il s'agit d'une vente déguisée, réalisée dans l'intention d'éluder le droit de préemption. Il n'est pas actuellement envisagé de modifier la législation sur ce point, qui touche directement le droit de propriété.

Mme Catherine Procaccia.  - J'aviserai M. Richert, mais à sa place je déposerais un amendement à une proposition de loi sur cette question.

Enseignement public agricole

Mme Marie-France Beaufils.  - La suppression de postes dans les lycées indigne les lycéens, leurs parents, les enseignants et les professionnels du monde agricole. Cinq fédérations de l'éducation nationale ont appelé à une journée de protestation -le 15 mai- contre la politique du Gouvernement.

La situation de l'enseignement agricole public, qui se dégrade depuis six ans, risque une chute brutale si vous ne prenez pas les mesures indispensables. Vous avez au demeurant renoncé à l'aggraver davantage, puisque 130 postes ne devraient pas être supprimés sur les 319 initialement prévus. Je souhaite que vous confirmiez ce rétablissement, en précisant les dotations concernées.

Même dans ce cas, des points noirs subsistent, notamment dans la région Centre.

Ainsi, alors que le lycée agricole de Bourges organise une formation d'analyse de conduite des systèmes d'exploitation (ACSE), au succès indéniable, pourquoi devrait-il fermer cette classe ? Comment concilier l'engagement du ministère en faveur des filières de production avec la suppression de cet enseignement ? La profession a besoin de cadres formés à la gestion des exploitations ! Le rétablissement que je demande est indispensable pour l'agriculture berrichonne et pour toute la région.

Par ailleurs, la direction régionale de l'agriculture et de la forêt (Draf) a fermé le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) gestion et maîtrise de l'eau (Gemeau) à Fondettes, alors que cette filière était ouverte à l'inscription sur le site du ministère depuis fin février, et bien que l'État et les collectivités territoriales aient formulé des avis favorables. D'où vient ce brusque revirement, opéré sans explication ? Le Grenelle de l'environnement a mis l'accent sur la gestion de l'eau. Les agriculteurs sont souvent montrés du doigt en ce domaine. On ne peut à la fois stigmatiser la profession et lui refuser les moyens de mieux préserver notre environnement !

Enfin, M. Bussereau avait fort médiatiquement promis en 2007 de créer une année de classe préparatoire « technologie et biologie » à Montargis. C'est aujourd'hui chose faite, mais il apparaît que cette classe, unique dans l'enseignement agricole, ne recevra aucun financement complémentaire de l'État.

Des situations analogues existent dans de nombreux lycées agricoles de notre pays. Ainsi, je viens d'apprendre que douze places seraient supprimées en Midi-Pyrénées.

Que comptez-vous faire pour que notre enseignement agricole public réponde aux besoins de l'agriculture, de l'environnement et assure l'avenir des jeunes qui souhaitent se former dans ses métiers ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire.  - Je suis très sensible à votre intérêt pour l'enseignement agricole, dont l'efficacité pédagogique se traduit par d'excellents résultats en matière d'insertion professionnelle, outre sa capacité à s'adapter aux mutations de l'agriculture et du monde rural ainsi qu'aux attentes de notre société. Comme je l'indiquais tout à l'heure à M. Domeizel nous devons tenir compte de l'ampleur des évolutions en cours et concilier le développement et la préservation des territoires.

M. Barnier entend réaffirmer les missions et les priorités de cet enseignement.

J'en viens plus précisément à votre question.

L'annonce de la fermeture du BTSA ACSE à Bourges est partiellement erronée. En effet, cette formation est actuellement dispensée en un ou deux ans. Désirant préparer au mieux les professionnels de l'agriculture, la Draf a proposé d'orienter tous les étudiants vers la filière en deux ans, ce que le ministère a validé.

A Tours-Fondettes, le principe du BTSA Gemeau est retenu, mais les installations techniques indispensables, que le conseil régional doit réaliser, ne seront pas achevées en septembre. Comme il n'aurait donc pas été raisonnable dans ces conditions d'accueillir des étudiants dès la prochaine rentrée, le report d'un an a été décidé.

Enfin, ne serait-ce que par respect pour les étudiants scolarisés en première année, je ne peux vous laisser dire que la deuxième année de classe préparatoire « technologie et biologie » du lycée agricole de Montargis ne serait pas financée. Afin que ces jeunes poursuivent leurs études dans des conditions sereines, je leur confirme que les autorités académiques disposent des moyens nécessaires au fonctionnement de la deuxième année pendant la prochaine année scolaire.

Attiser des craintes ne me semble pas la meilleure manière de convaincre les familles de scolariser leurs enfants dans l'enseignement agricole public, pour lequel j'ai une grande ambition. J'assure le personnel, les élèves, étudiants et apprentis de mon engagement et de mon soutien.

Certains sujets doivent être abordés de manière consensuelle et sereine, dans l'intérêt de notre pays. L'enseignement agricole en est un. Je sais pouvoir compter sur vous afin de préserver sa spécificité au sein du système éducatif, sa qualité et son ancrage rural.

Mme Marie-France Beaufils.  - Mon attachement à l'enseignement public agricole est solidement établi.

En revanche, vos réponses ne correspondent pas à ce que j'ai constaté sur le terrain. Ainsi, il manque toujours à Montargis les 2 200 heures nécessaires à la poursuite de la formation. La région Centre ayant attribué 250 000 euros pour les équipements nécessaires au BTSA Gemeau, rien ne justifie de suspendre son ouverture, d'autant que des étudiants sont déjà inscrits. Si le ministère maintenait sa position, que leur proposeriez-vous ? Je rappelle que le Grenelle de l'environnement a mis l'accent sur ce sujet. De surcroît, la région débat actuellement de son schéma d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage)... Tout n'est pas aussi clair que vous le pensez.

Je verrai comment les choses se passent sur le terrain, quitte à vous réinterroger.

7ème bataillon de chasseurs alpins

M. Thierry Repentin.  - C'est par des fuites dans la presse nationale que nous avons appris avec surprise et incompréhension la perspective de l'abandon de Bourg-Saint-Maurice par le 7ème bataillon de chasseurs alpins à l'horizon 2010. Malgré les demandes répétées des parlementaires, la commission du Livre blanc a laissé de côté les fermetures éventuelles de caserne mais la révision générale des politiques publiques semble bien avancée alors qu'aucune concertation n'a eu lieu. Une telle fermeture aurait des conséquences irréversibles et fragiliserait la Tarentaise. Certes, le tourisme y a pris le relais du développement économique mais les familles de militaires contribuent à la vie des communes dans lesquelles elles scolarisent leurs enfants, fréquentent les commerces et participent aux événements sportifs. Elles entrent aussi dans le calcul des dotations publiques, avec 2 200 des 7 700 habitants pris en compte pour la DGF de Bourg-Saint-Maurice. Enfin, le bataillon intervient en cas d'événements graves. Certes, l'insuffisance d'habitations à loyer modéré a pu pénaliser les familles de militaires mais il appartient à l'État de contribuer à susciter une offre plus forte.

Plus généralement, alors que la France se propose d'envoyer de nouvelles troupes en Afghanistan, il serait paradoxal de se priver de troupes à l'excellence reconnue pour un théâtre d'opérations de montagne -le chef d'état-major afghan me disait, il y a quelques semaines, combien elles y sont appréciées. Elles le sont également en Afrique.

Quelques mois après la réforme imposée de la carte judiciaire, va-t-on fermer des bases sans débat avec les élus nationaux et locaux ? Auprès de qui faudra-t-il intervenir, le ministre ou le Président de la République ? J'espère enfin que des contreparties seront offertes préalablement à toute fermeture.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - C'est vrai, la défense comme l'ensemble des politiques publiques, est soumise à la révision générale mais elle doit surtout s'adapter à de nouvelles menaces et c'est là la première raison de la réforme. De plus, un contexte budgétaire contraint nous oblige à en trouver nous-mêmes les moyens. La défense doit être en capacité de remplir ses missions ; nous sommes d'ailleurs dans la situation unique de mener la réforme à budget constant.

Nous avons trop tardé à tirer les conséquences de la professionnalisation et notre dispositif reste trop dispersé et cloisonné pour être efficace. Il nous faut mieux orienter les flux financiers. Le Livre blanc n'avait pas vocation à traiter des implantations. Le dialogue s'engagera bientôt mais nous ne pouvions l'ouvrir auparavant : vous y serez associé. La réforme s'articulera autour de trois axes : densification, mutualisation, interarmisation.

Je suis d'autant plus conscient de l'attachement pour les chasseurs alpins que j'ai servi pendant mon service militaire dans le treizième bataillon. Nous partageons le point de vue que les troupes alpines sont très appréciées sur les théâtres d'opérations. Cependant, aucune région ne sera épargnée par la réforme et Bourg-Saint-Maurice est dans une situation isolée, peu propice au recrutement et à la fidélisation, qui sont des défis permanents. Le transfert du 7ème bataillon est donc envisagé mais aucune décision n'est arrêtée à ce jour.

Les conclusions du Livre blanc ne seront rendues que dans quelques jours et feront l'objet d'un débat devant la représentation nationale. Le Président de la République rendra ensuite ses arbitrages et le ministre annoncera les mesures nouvelles dans la deuxième quinzaine de juin.

Pour chaque réduction ou fermeture, des mesures d'accompagnement seront discutées avec les élus. Nous avons la volonté d'associer le Parlement à cette réforme essentielle.

M. Thierry Repentin.  - Je m'attendais à ce que votre réponse honore le saint du jour : sainte Prudence... (Sourires) J'ai confirmation qu'il se prépare une réforme et que les arbitrages seront rendus vers le 15 juin par le chef des armées et non par le ministre -nous savons où se trouve la clef de l'avenir du 7ème bataillon de chasseurs alpins. Nul doute que les conversations iront bon train dans deux jours, autour des monuments aux morts de la vallée de la Tarentaise.

J'ai noté que nos armées doivent faire face à des menaces nouvelles. Or les chasseurs alpins sont particulièrement mobilisés sur des théâtres d'opération pour lesquels leur environnement les prépare bien. Nous ne manquerons pas de plaider cet argument mais j'ai également relevé que la densification sera l'un des axes de la réorganisation et je vous indique que Bourg-Saint-Maurice est candidate à la densification.

Des discussions doivent avoir lieu mais puisqu'elles ont, de fait, commencé aujourd'hui, je crois que tous les élus, nationaux et locaux, doivent y être associés car le Sénat représente les collectivités territoriales.

Travailleurs en Esat

Mme Nicole Bricq.  - Je remercie Mme Létard d'être présente pour répondre à ma question sur les inégalités de ressources entre travailleurs en établissements et services d'aide par le travail. La loi du 11 février 2005 a prévu une rémunération garantie comprise entre 55 et 110 % du Smic, compte tenu d'une aide au poste maximale de 50 % du Smic. Or cette rémunération garantie est cumulable avec l'allocation adulte handicapé mais seulement lorsque le taux d'invalidité est supérieur à 80 %, d'où une situation peu conforme au principe « à travail égal salaire égal ». J'ai donc constaté que la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées est fréquemment sollicitée pour accorder un taux d'invalidité d'au moins 80 %.

La très modeste revalorisation de l'allocation adulte handicapé -un engagement présidentiel- a eu l'effet pervers d'accroître les inégalités entre travailleurs en établissement ou service d'aide par le travail.

Les commissions locales n'ont pas vocation à remédier aux imperfections ou incohérences de la loi dont souffre une population qui n'est ni riche ni moyenne : avec 600 euros mensuels, on se situe dans le dernier décile. Comment allez-vous traiter de ce problème qui n'est pas technique mais politique et humain ?

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État, chargée de la solidarité.  - Le Gouvernement, qui se soucie du pouvoir d'achat des personnes handicapées, a installé plusieurs groupes de travail dans ce sens, associant les professionnels de terrain, en vue de la conférence nationale du handicap qui se tiendra le 10 juin sous l'autorité du Président de la République. Le Gouvernement souhaite une rémunération attractive du travail en Esat, qui accueille des personnes dont les capacités de travail sont au moins un tiers inférieures à la normale.

La loi du 11 février 2005 a augmenté le plafond de la rémunération garantie en Esat à 110 % du Smic, elle a prévu que la subvention au poste de travail ne diminuait pas systématiquement quand la rémunération augmentait et elle a également instauré un cumul possible de cette rémunération avec l'AAH : l'objectif commun de ces mesures est bien d'encourager le travail.

Les disparités que vous signalez proviennent des règles de gestion de l'AAH elle-même, liées au seuil des 80 % de handicap. Nous travaillons précisément à repérer toutes les difficultés administratives, pour y remédier. Le versement de l'AAH, par exemple, est subordonné à une condition d'inactivité d'un an : une personne handicapée dont le CDD n'est pas renouvelé doit attendre un an avant de percevoir l'AAH ! Le Président de la République souhaite mettre fin à cette condition, elle sera examinée parmi tout ce qui fait obstacle ou tout ce qui décourage l'accès ou le retour à l'emploi des personnes handicapées, lors de la conférence nationale du handicap du 10 juin. La logique est la même que pour le RSA : nous valorisons le travail !

Mme Nicole Bricq.  - Nous attendrons donc le 10 juin. En commission des finances, comme nous avons auditionné hier soir M. Hirsch sur le RSA, j'ai lu le Livre vert. J'y ai découvert que M. Hirsch, malgré le rognage budgétaire dont le RSA fait l'objet, veut y faire tenir l'ensemble des prestations sociales, y compris l'AAH. Ma question, alors, n'aurait pas lieu d'être. Mais il faut prendre garde à ce qu'un tel regroupement ne fasse que déshabiller Pierre sans habiller Paul ! J'ai confiance dans votre détermination mais je n'ai guère confiance sur les arbitrages qui seront bientôt rendus.

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.  - Les groupes de travail préparatoires à la conférence nationale du handicap associent les équipes de M. Hirsch, par souci de cohérence et pour inclure dans la réflexion l'ensemble des prestations. Il n'y a pas que l'AAH, mais aussi la prise en compte de la spécificité et de la compensation du handicap : c'est l'ensemble de ces prestations qu'il faut articuler avec la rémunération, dans le sens de la valorisation du travail et de la solidarité !

Gratification des stagiaires étudiants en travail social

M. Thierry Foucaud.  - Les étudiants en travail social sont très mécontents du décret du 31 janvier 2008 pris en application de la loi du 31 mars 2006 relative à l'égalité des chances. En effet, il ne prévoit de rémunérer certains stagiaires qu'après le troisième mois de stage et à 30 % du Smic : au premier jour du quatrième mois, le stagiaire est gratifié de 398 euros, soit 99,50 euros par mois pour le travail qu'il a accompli. Ce décret, de plus, discrimine les stagiaires selon la filière, plus ou moins longue, qu'ils ont choisie : certaines ne donnent lieu à aucune gratification. Des étudiants sont également exclus du dispositif par leur statut même : ceux qui suivent un diplôme de niveau 4, ceux qui sont allocataires des Assedic, en congé individuel de formation ou boursiers.

Les organismes d'accueil n'ont pas les capacités de financer les stages et l'État ne finance même pas ceux de ses propres services. Certains étudiants ne pouvant valider leur scolarité puisque les stages sont obligatoires abandonnent leur formation. Madame la ministre, comment l'État compte-t-il financer la gratification de ces stages tout en la rendant effective dès le premier jour et compatible avec toute autre allocation ?

M. Thierry Repentin.  - C'est un vrai problème !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État, chargée de la solidarité.  - M. Bertrand, qui vous prie de l'excuser de ne pouvoir vous répondre lui-même, souhaite, tout comme vous, que les étudiants puissent achever leur cursus de formation. Nous valorisons les stages, notre démarche est pragmatique, concertée et équilibrée, dans le souci de donner une portée réelle à la gratification obligatoire votée par le Parlement, sans déséquilibrer les formations.

Avec le décret du 31 janvier 2008, le Gouvernement a fixé le montant minimal de la gratification à 30 % du Smic, que le stagiaire perçoit dès le premier jour et non seulement à partir du début du quatrième mois de stage.

Vous avez donc satisfaction, monsieur le sénateur !

Le décret concerne les entreprises publiques, les établissements publics industriels et commerciaux et les associations. La loi « égalité des chances » ne concerne pas les stages dans les administrations mais M. Santini examine cette question et il rencontrera prochainement le comité des stages et de la professionnalisation des cursus universitaires.

Cette loi n'a pas modifié non plus le régime des stages de la formation professionnelle continue, accomplis par des salariés ou des demandeurs d'emploi qui n'ont pas le statut d'étudiant.

Avant 2006, les stagiaires ne disposaient d'aucune garantie, les mesures que nous avons prises représentent une réelle avancée sociale et valorisent l'investissement des étudiants dans le monde du travail.

Les étudiants en travail social effectuent souvent leur stage dans des associations qui gèrent des établissements ou des services d'action sociale ; la gratification n'est obligatoire que pour les stages de plus de trois mois consécutifs.

Dans les structures qu'il finance, l'État a pris toutes ses responsabilités pour garantir que les stages puissent avoir lieu dans les établissements et services médico-sociaux. Les dépenses qui correspondent aux gratifications obligatoires sont prises en charge, notamment au titre de l'assurance maladie. Le financement est intégré dans la tarification des établissements et services. J'ai donné des instructions très claires en ce sens aux services déconcentrés dès le mois de février, et cet engagement, qui s'applique dès cette année, vaut bien entendu pour l'avenir.

Pour réussir l'accompagnement de la dépendance, du handicap, de la petite enfance et des personnes en difficulté, nous avons besoin de former des travailleurs sociaux. Les conseils généraux ont souvent choisi une approche pragmatique en facilitant l'application de la gratification obligatoire dans les établissements et services qu'ils financent. Nous les y encourageons pour qu'aucun étudiant ne soit mis en situation de ne pas pouvoir accomplir son stage.

M. Bertrand a écrit récemment à M. Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), pour que les stages prévus aient lieu sans compromettre les formations dont le secteur a besoin.

Quant au cumul de la gratification de stage avec les bourses d'étude pour les étudiants en travail social, c'est aux conseils régionaux qu'il appartient de préciser les règles d'attribution des bourses.

M. Thierry Foucaud.  - Ce n'est guère satisfaisant ! Vous nous dites que M. Bertrand souhaite que les stages aient lieu, c'est avouer en d'autres termes qu'ils pourraient être compromis faute de financements !

Tout irait pour le mieux ? Vous pourrez mesurer le mécontentement et la détermination des étudiants le 13 mai prochain, lors de leur journée de mobilisation.

Votre réponse reflète une politique gouvernementale fondée sur l'inégalité de traitement : d'un côté on accorde aux plus nantis, par la loi Tepa, 15 milliards de cadeaux fiscaux, de l'autre on refuse aux stagiaires une gratification mensuelle de 398 euros. Nous souhaitons que soient accordées pour tous les stages, dès le premier jour, une contrepartie financière établie selon une règle et après une négociation nationale, ainsi que des indemnités de transport et de logement.

Enfin, je constate qu'une fois de plus, on fera payer les départements et les régions.

Emplois spécifiques de la fonction publique territoriale

M. Georges Mouly.  - J'ai écouté avec attention et apprécié la réponse en deux temps de Mme le ministre à la question de Mme Bricq.

La fonction publique territoriale a été reconnue par la loi du 26 janvier 1984. Malgré les évolutions législatives survenues ensuite, un nouveau texte a paru nécessaire : la loi du 17 février 2007 comporte des dispositions très importantes pour la gestion des ressources humaines des collectivités territoriales et la clarification du paysage institutionnel de la fonction publique territoriale afin de renforcer l'attractivité de ces métiers.

Certains agents demeurent cependant exclus du bénéfice de ces évolutions. Ils occupent des emplois spécifiques prévus par le code des communes et n'ont pu être intégrés dans les cadres d'emploi de la fonction publique territoriale. Ni mutation ni détachement n'étant prévu dans leurs statuts, le déroulement de leur carrière est limité.

La loi de 2007 a permis d'intégrer automatiquement les titulaires d'emplois spécifiques de la catégorie A, mais pas ceux des catégories B et C. Un traitement identique de tous ces agents, au demeurant peu nombreux, relève de la simple équité. Le nouveau dispositif est récent, mais pourrait-on envisager d'intégrer automatiquement les agents qui remplissent les conditions de diplômes et de carrière ?

Comme je vous l'ai indiqué dans un courrier récent, il me semble essentiel de veiller à la situation des personnels de catégorie C, la plus modeste de la fonction publique territoriale : les agents des petites collectivités sont souvent bloqués dans leur carrière ; d'autres ont entamé une seconde carrière dans la fonction publique territoriale et certains assument des missions qui dépassent largement leur cadre d'emploi. Certes, la refonte des échelles de rémunération de la catégorie C a permis des améliorations, mais de nombreux agents restent pénalisés par les nouveaux dispositifs.

Je compte sur votre intérêt attentif pour ce dossier, d'autant plus que le Livre blanc sur l'avenir de la fonction publique, issu de la réflexion de la Conférence nationale sur les valeurs, les missions et les métiers du service public et de la fonction publique, a indiqué vouloir « faire des services publics et de la fonction publique des atouts pour la France ».

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - Voici la réponse qu'André Santini, secrétaire d'État chargé de la fonction publique, m'a chargée de vous communiquer.

Les emplois dits spécifiques ont été créés antérieurement à l'institution des cadres d'emplois de la fonction publique territoriale par la loi de 1984. La situation de ces fonctionnaires a été prise en compte dans le processus de construction statutaire. Leur intégration était obligatoire dès lors qu'ils remplissaient les conditions fixées. Dans le cas contraire, ils pouvaient présenter une demande d'intégration, qui faisait l'objet d'une procédure d'instruction spécifique.

Les statuts particuliers des cadres d'emplois de catégorie A prévoyaient la saisine d'une commission nationale d'homologation ad hoc lorsque l'une des conditions de diplôme ou d'ancienneté n'était pas remplie. Cette commission n'existe plus, mais il convient d'intégrer un certain nombre de fonctionnaires territoriaux occupant des empois spécifiques de catégorie A.

Lors de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, l'adoption d'un amendement parlementaire a prévu que « les titulaires d'un emploi spécifique de catégorie A qui n'ont pas été intégrés dans les filières de la fonction publique territoriale et qui possèdent un diplôme de niveau licence ainsi que quinze années de carrière dans un emploi spécifique sont automatiquement, à leur demande, intégrés dans l'une des filières de la fonction publique territoriale. Les modalités pratiques de cette intégration sont fixées par décret. » En revanche, les statuts particuliers des cadres d'emplois de catégorie B ou C prévoyaient la saisine de la commission administrative paritaire compétente, notamment pour les intéressés ne possédant pas les conditions requises mais dont la qualification permettait de les assimiler à celle d'un grade statutaire. Grâce à cette procédure plus légère, les fonctionnaires qui occupaient des emplois spécifiques relevant du niveau des catégories B ou C ont généralement pu être intégrés.

Je transmettrai au secrétaire d'État chargé de la fonction publique les précisions qui complètent votre question et lui demanderai de vous répondre par écrit.

M. Georges Mouly.  - Je vous remercie, madame le ministre, pour votre réponse précise, qui mérite une lecture attentive, et pour la suite que vous comptez lui donner.

Numéros d'appel surtaxés des administrations

Mme Catherine Procaccia.  - Certains appels à des administrations telles que les CPAM, les CAF ou les Assedic ainsi que les temps d'attente téléphonique, souvent longs, sont surtaxés alors que ces démarches relèvent de la nécessité. Est-ce au citoyen de payer les contraintes de fonctionnement des administrations ou la mise en relation avec un hôpital ?

La loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, de janvier 2008, instaure la gratuité du temps d'attente pour les usagers appelant le service clientèle, technique ou après-vente de leur opérateur de téléphonie, afin de mettre fin aux abus constatés. Certains opérateurs ont d'ailleurs, depuis, déplacé le temps d'attente payant après qu'un premier interlocuteur se charge de transmettre l'appel au service concerné.

Nous avions posé à M. Chatel, secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, le problème les temps d'attente payants pour certains services publics. Il nous a répondu que les opérateurs de téléphonie fournissaient des plates-formes « clé en main » qui ne permettaient pas de décompter immédiatement dans les appels une partie gratuite et payante. M. Woerth, ministre du budget, travaille depuis septembre sur ce dossier et les appels aux administrations demeurent payants alors que ceux vers les opérateurs téléphoniques sont gratuits. A quand la gratuité du temps d'attente dans les services publics ? J'espère en outre que les administrations ne procèderont pas aux mêmes détournements que les opérateurs privés...

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - La réduction de la facture téléphonique des Français est une priorité du Gouvernement. Dès janvier 2008, la loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs a mis fin à la surtaxation des appels vers les services d'assistance des opérateurs téléphoniques et a rendu gratuit le temps d'attente vers ces services.

La gratuité du temps d'attente n'est possible que si l'ensemble de la chaîne de réponse est traité par un même opérateur. Or l'administration traite les réponses aux usagers en interne, l'acheminement de l'appel étant géré par un opérateur extérieur : il n'est donc pas possible techniquement d'appliquer la gratuité du temps d'attente.

Le Gouvernement s'attaque toutefois à la pratique des appels surtaxés dans les administrations. Le 6 septembre, M. Woerth a ainsi donné instruction pour ramener à une tarification locale les services placés sous sa responsabilité : pour les centres impôt service, la facture est divisée par quatre ! Cette décision se généralise dans les autres ministères au fur et à mesure du renouvellement des contrats avec les opérateurs téléphoniques.

Il y va de l'accès de tous aux services publics mais aussi du pouvoir d'achat des Français. Je me ferai l'écho de votre intervention ; les débats à venir seront l'occasion d'aller plus loin, pour construire un service public accessible à tous.

Mme Catherine Procaccia.  - Merci d'avoir précisé que c'est aux ministères de prendre la décision. Mais les hôpitaux dépendent-ils du ministère de la santé ? Pour les Assedic, il faudra désormais se tourner vers le ministère de l'emploi...

Un contrat peut se renégocier ! Les délais seront de plusieurs années : je déplore cette différence de traitement entre les opérateurs privés et les administrations. Je reviendrai sur cette question.

La séance est suspendue à midi vingt.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 16 h 5.

Modernisation du marché du travail (Urgence)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant modernisation du marché du travail.

Discussion générale

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État chargée de la solidarité.  - (Applaudissements au centre et à droite) Mesdames et messieurs les sénateurs...

M. Guy Fischer.  - Où est Xavier Bertrand ?

Mme Christiane Hummel.  - Mme Létard est très bien !

M. Guy Fischer.  - Je n'ai pas dit le contraire !

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.  - Ce texte est tellement important que je viens en entamer la présentation et M. Bertrand, qui est dans le Gard avec M. le Président de la République, nous rejoindra bientôt. (Applaudissements à droite)

La flexicurité est l'intérêt naturel des entreprises et des salariés : depuis l'échec des négociations sur « l'adaptation des conditions de l'emploi » en 1984, la flexicurité attendait de prendre forme en France. En y apportant des réponses concrètes, les partenaires sociaux ont témoigné du succès de la négociation collective. Ce projet de loi est en effet né de l'accord interprofessionnel sur le marché du travail signé le 11 janvier 2008. Premier accord conclu dans le cadre de la loi de modernisation du dialogue social du 31 janvier 2007, il a été signé par les partenaires sociaux qui ont su trouver les solutions aux problèmes qui les concernent. Cet accord prouve que nous sommes entrés dans une nouvelle ère du dialogue social : dans une société moderne, on doit toujours privilégier la voie de la négociation, voire de la concertation. Le Gouvernement souhaite mettre en oeuvre cet accord et lui donner force obligatoire le plus rapidement possible, grâce à ce texte qui a été élaboré en étroite concertation avec les signataires. Nous avons identifié les points qui nécessitaient une loi, sachant que l'accord sera à terme applicable à tous les salariés selon des modalités négociées.

Comme les parties signataires en sont convenues, certains sujets feront l'objet de négociations ultérieures : ainsi en est-il de la formation professionnelle, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou de l'assurance chômage.

D'autres domaines seront précisés dans les décrets et les arrêtés d'application de ce projet de loi. Nous y avons travaillé avec les signataires et avec les parlementaires, afin qu'ils puissent paraître aussitôt que la loi aura été promulguée. Ces projets de décrets, dont vous disposez, ont été transmis à la Commission nationale de la négociation collective qui les examinera le 13 mai. C'est également le cas de l'arrêté prévoyant le formulaire type pour la rupture conventionnelle.

Enfin, à la demande des signataires de l'accord, nous avons également mis en place un groupe de réflexion tripartite afin de fixer les montants minimum et maximum des indemnités dues en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il s'est réuni le 31 mars et se réunira à nouveau le 20 mai.

L'accord du 11 janvier, que ce projet de loi rendra applicable, façonne un nouvel équilibre entre flexibilité et sécurité, pour une flexicurité à la française. Il apporte tout d'abord des garanties nouvelles aux salariés en posant un principe essentiel : la forme normale de la relation de travail, la forme de droit commun, est le contrat de travail à durée indéterminée. Les représentants du personnel seront désormais informés sur les éventuels recours aux contrats de travail à durée déterminée et temporaire. En cas de maladie, l'ancienneté requise pour bénéficier d'une indemnisation complémentaire sera réduite de trois à un an. La durée des stages de fin d'études sera comprise dans la période d'essai, jusqu'à réduire celle-ci de moitié. Le montant de l'indemnité de licenciement sera unifié en doublant celui prévu en cas de licenciement pour motif personnel. L'ancienneté nécessaire pour percevoir l'indemnité passera de deux ans à un an.

Enfin, ce texte pose le principe selon lequel tout licenciement doit être motivé, et il clarifie une situation de fait en abrogeant le CNE. Désormais, tout salarié dont le contrat de travail est rompu par son employeur connaîtra donc le motif de son licenciement, puisque les partenaires sociaux demandaient aux pouvoirs publics que la motivation en cas de licenciement « s'applique à tous les contrats ». M. Bertrand en approuvait d'ailleurs le principe dès que fut connue la décision de l'Organisation internationale du travail en novembre 2007 puis les arrêts des Cours d'appel qui ont rendu inopérant le CNE.

Pour une meilleure sécurisation juridique, il convient de mettre en cohérence le droit et la réalité, pour éviter aux entreprises et aux salariés de courir des risques juridiques inutiles. Tel était le voeu des signataires de l'accord du 11 janvier 2008 mais aussi celui du Gouvernement.

Ce projet de loi modernise les relations individuelles de travail, en offrant des règles plus simples et des garanties. Les partenaires sociaux ont ainsi voulu mettre en place de nouvelles périodes d'essai interprofessionnelles par catégories, qui seront donc applicables dans toutes les professions et dans tous les secteurs d'activité.

Les rares périodes d'essai plus longues que prévoient aujourd'hui les accords de branche resteront applicables, comme le requiert l'accord interprofessionnel du 11 janvier 2008. Pour les périodes d'essai plus courtes, le projet de loi ménage une période de transition d'une année avant de les rendre inopérantes. Ce délai, qui correspond à la période légale de survie d'un accord collectif dénoncé, permettra aux négociations de branche d'adapter la durée des périodes, pour les cas où cela s'avérerait nécessaire.

Ce texte permet aussi aux contrats de travail ou aux accords collectifs qui seront conclus après l'entrée en vigueur de la loi de fixer des périodes d'essai plus courtes.

Le projet de loi rendra possible la rupture conventionnelle du contrat de travail. Il s'agit d'une modernisation sans précédent des relations individuelles de travail et qui rejoint la proposition 145 du rapport de la commission Attali pour la libération de la croissance française. La modernisation de l'économie souhaitée par les membres de cette commission trouve ici son premier écho concret. Ce ne sera pas le dernier car il faut mettre en oeuvre les recommandations de ce genre.

L'employeur et le salarié pourront ainsi convenir ensemble de rompre leurs relations de travail dans un cadre légal : assistance des parties, délai de rétractation de quinze jours et homologation par le directeur départemental du travail. Ces garanties sont reprises par le projet de loi, qui en précise la mise en oeuvre.

Cette nouvelle forme de rupture permettra aussi de simplifier les procédures. C'est pourquoi les recours juridictionnels seront tous traités par les conseils de prud'hommes, que les contentieux portent sur l'homologation ou sur la convention. Il s'agit d'une innovation essentielle qui devrait sécuriser les modes de rupture et réduire la judiciarisation : dans notre pays, un quart des licenciements pour motif personnel donnent aujourd'hui lieu à un recours en justice.

Ce texte offre aux entreprises des outils pour accompagner et sécuriser leur activité. Pendant cinq ans, un CDD à objet défini sera expérimenté. Il permettra à une entreprise d'embaucher un ingénieur ou cadre afin de réaliser un projet pour une durée de dix-huit à trente-six mois.

Cela offrira aux entreprises une plus grande souplesse pour recruter les compétences nécessaires à certaines missions ponctuelles. Un accord collectif devra être préalablement conclu pour garantir les conditions d'utilisation de ce contrat.

Enfin, le portage salarial pourra être encadré par un accord qui sera conclu d'ici deux ans dans la branche du travail temporaire, conformément aux voeux des partenaires sociaux. Le ministre du travail souhaite que soient pris en compte les intérêts de tous ; il a écrit au syndicat des entreprises de travail temporaire qui lui a donné des assurances.

La discussion qui s'ouvre va permettre de donner force obligatoire à cet accord et d'en améliorer le texte tout en conservant l'équilibre général.

Les députés ont précisé que les personnes qui signeront une rupture conventionnelle s'ouvriront des droits à l'assurance chômage.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Même pour ceux qui ne signeront pas...

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.  - Cette clarification importante reprend une stipulation de l'accord ; les négociations de la future convention d'assurance chômage confirmeront ce principe. La précision apportée à l'Assemblée nationale peut encore être améliorée, ce que prévoit un amendement de votre commission.

Les députés ont également souhaité que les parties s'informent mutuellement de l'utilisation qu'elles entendent faire de la possibilité de se faire assister lors de l'entretien prévu pour la rupture conventionnelle. Ils ont inscrit noir sur blanc le fait que l'indemnité de rupture de 10 % prévue pour le CDD à objet défini est due par l'employeur au salarié, et non l'inverse, en cas de rupture à l'initiative du salarié. Le ministre du travail a apporté à l'Assemblée nationale quelques clarifications sur lesquelles nous reviendrons à l'occasion d'un autre amendement de votre commission.

Enfin, les députés ont complété la sécurisation juridique que nous avons voulu mettre en oeuvre pour le CNE en prévoyant l'application des périodes d'essai conventionnelles pour les CNE requalifiés en CDI.

Ce projet de loi présente de grandes avancées. Il marque une étape importante, une étape décisive, une première étape. La modernisation de notre économie et de notre marché du travail appelle d'autres accords, en particulier sur la formation professionnelle et l'assurance chômage. Ce que veulent les Français, ce que nous voulons et mettons en oeuvre, c'est une modernisation du contrat de travail, une modernisation du droit du travail, une modernisation du marché du travail. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - La France est-elle entrée, depuis le 31 janvier 2007, dans une ère nouvelle des relations du travail ? Nous sommes fondés à le croire, quand nous voyons l'application réussie qui vient d'être faite de la loi de modernisation du dialogue social qui fut promulguée ce jour-là. Saisis par le Gouvernement, qui leur a adressé un document d'orientation en juin dernier, les partenaires sociaux se sont livrés à d'intenses négociations pour parvenir, le 11 janvier 2008, à un accord sur la modernisation du marché du travail, signé par sept organisations représentatives sur huit. Seule la CGT n'a pas apposé sa signature au bas du parchemin mais elle a joué un rôle actif dans les débats et est ouverte aux négociations de branche qui en découleront.

Cet accord est placé sous le signe de la flexicurité -le néologisme est explicite. La mondialisation exacerbe la compétition économique et, en l'absence de régulation internationale, exige de chaque économie innovation et adaptation permanente. C'est particulièrement vrai dans le monde du travail. Le temps n'est plus où un contrat de travail pouvait servir de base à toute une vie professionnelle ; pour une part importante -de plus en plus importante- de nos concitoyens, le changement est la règle. Celui-ci peut être perçu comme une occasion à saisir, mais peut aussi être ressenti par le salarié comme une source d'angoisse. Il convient donc d'entourer la flexibilité de toute la sécurité nécessaire pour que le changement se fasse au moindre coût humain et signifie réellement pour chacun un enrichissement plutôt qu'un risque. Cette sécurité est également utile à l'employeur pour améliorer le climat, la stabilité et la visibilité de son entreprise.

Pour parvenir au meilleur équilibre possible entre la flexibilité et la sécurité, divers outils sont à notre disposition, à commencer par la portabilité de certains droits. C'est ainsi que le salarié quittant l'entreprise gardera sa couverture complémentaire prévoyance et santé pendant au moins trois mois et conservera 100 % du solde des heures de formations acquises au titre du droit individuel à la formation.

Mme Annie David.  - C'est dans l'accord, pas dans le projet de loi !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - D'autres outils de la flexicurité sont expérimentés depuis longtemps par nos partenaires nordiques, au premier rang desquels le Danemark. Il s'agit, pour garantir une sécurité des parcours, d'attacher les droits sociaux à la personne du travailleur plutôt qu'à son emploi. Toutes les économies avancées sont confrontées à ce même problème ; l'Europe s'y est donc intéressée et elle a formulé des préconisations en décembre, auxquelles l'accord conclu en France répond bien.

La flexicurité ne se fera pas en un jour, en un accord, en une loi. Le problème a une dimension culturelle qui nécessitera encore beaucoup de négociations, d'avancées, de reculs, de tâtonnements. Reste qu'une direction est prise et qu'un seuil est franchi. Cet accord est en effet exemplaire tant sur la forme que sur le fond.

Le Gouvernement, les organisations patronales et syndicales et le Parlement ont trouvé la bonne méthode : le Gouvernement propose, fixe le cadre et le calendrier ; les organisations négocient ; le Parlement légifère. Les relations du travail ont ainsi franchi le pas de la modernité que nous avons si longtemps enviée à d'autres pays.

Sur le fond, c'est aussi de modernité qu'il s'agit, puisque nous nous donnons les moyens de mieux répondre à un formidable défi, par des solutions qui signent un modèle social et qui affirment clairement que, face à la loi de la jungle, il existe des réponses qui font toute sa place à l'homme dans l'économie. La flexicurité, c'est la dernière chance du modèle social européen face au libéralisme sauvage.

La mise en oeuvre totale de cet accord nécessite une loi pour certaines de ses dispositions mais aussi des décrets que le Gouvernement prépare en concertation avec les signataires, ainsi que des accords interprofessionnels et des accords de branche.

La loi réaffirme de façon solennelle que le CDI est « la forme normale et générale de la relation de travail ». Les autres contrats doivent seulement répondre à des situations ponctuelles ; à ce titre, ils participent à la flexibilité. Une rationalisation tendant à en réduire le nombre ne serait pas superflue, s'il est vrai que notre législation en compte déjà trente-huit.

Le deuxième point fort de cette loi est la réglementation de la période d'essai que le code du travail, curieusement, ne traitait jusqu'ici que de façon allusive. La période d'essai ne pourra dépasser une durée maximale, différente selon les catégories de salariés, et ne pourra être renouvelée qu'une fois.

Le troisième point important est la rupture conventionnelle du contrat de travail par le commun accord des parties. Employeur et salarié peuvent désormais se séparer à l'amiable, selon une procédure qui garantisse la liberté de consentement des parties. Les partenaires sociaux ont d'abord prévu que salarié et employeur pourraient se faire assister, pour négocier la rupture, par un membre du personnel de l'entreprise. Souhaitant vraisemblablement écarter toute judiciarisation de la procédure, ils n'ont en revanche pas retenu la possibilité de se faire assister par un avocat. Les partenaires sociaux ont ensuite confié une mission de contrôle au directeur du travail et ils ont souhaité qu'en cas de conflit, les prud'hommes soient seuls à même de statuer. Cette séparation à l'amiable donne droit aux allocations chômage, ce qui devrait dissuader les salariés de chercher à se faire licencier plutôt que de démissionner.

Le quatrième point consiste en la création d'un nouveau type de contrat : « le contrat à durée déterminée à objet défini », qui servirait dans le cas de tâches bien circonscrites, limitées dans le temps, et qui ne devrait pas concerner des emplois permanents dans l'entreprise. En cas de rupture, ce contrat donne lieu à indemnisation dans les mêmes conditions qu'un CDD classique.

Enfin, ce projet de loi légalise le portage salarial, pratique née il y a une vingtaine d'années, qui concerne environ 20 000 personnes chaque année en France et qu'aucune disposition n'est venue codifier, ce qui place ses utilisateurs dans une grande insécurité juridique. Le portage salarial doit concilier les avantages du travail indépendant avec ceux du salariat : un professionnel autonome cherche une mission auprès d'une entreprise cliente ; une fois trouvée, il s'adresse à une société de portage avec laquelle il signe un contrat de travail ; lorsque la mission est terminée, la société encaisse les honoraires versés par le client et reverse au professionnel une rémunération sous forme de salaire, après avoir retenu les frais de gestion et la totalité des cotisations sociales. Le professionnel est ainsi allégé des charges de gestion et peut bénéficier d'une assurance chômage entre deux missions.

Les partenaires sociaux se sont accordés pour reconnaître une véritable utilité sociale à cette forme de contrat, en particulier pour les plus âgés. Ils en ont donc souhaité la légalisation et ont demandé que son organisation soit dévolue à la branche de l'intérim. Toutefois, l'une des organisations professionnelles de ce secteur a déjà signé un accord avec trois organisations syndicales. Il conviendrait donc que la branche de l'intérim tienne compte de leur expérience et les associe aux négociations, dans des formes à déterminer.

Telles sont les principales dispositions de ce texte. Vous aurez compris qu'en rompre l'équilibre remettrait en cause tant l'esprit de la loi de janvier 2007 que le contenu de l'accord signé en janvier 2008. Plus grave encore, il serait ainsi démontré que la France est incapable de conduire des relations de travail de façon moderne, apaisée, contractualisée.

L'initiative du général de Gaulle, aboutissant à la création de l'Unedic, ...

M. Alain Gournac.  - Très bien !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - ... ainsi que le travail de Jacques Chaban-Delmas, Joseph Fontanet et Jacques Delors, aboutissant à la loi sur la formation continue de 1971, le prouvent. Mais nous espérons être entrés dans une forme de négociation durable, et souhaitons que tous les accords soient désormais élaborés dans cet esprit et selon cette procédure.

Nous vivons un moment important de l'histoire des relations du travail : ne brisons pas cet élan. A celles et ceux de nos collègues que l'équilibre atteint ne satisfait pas, et qui ont le sentiment qu'avec cette loi les salariés ne bénéficient pas de toutes les protections nécessaires ...

Mme Annie David.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - ... je dirai que quatre des grandes centrales syndicales de salariés se sont engagées en conscience sur ce texte.

M. Alain Gournac.  - Absolument !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Pourquoi l'auraient-elles fait à la légère ?

Certes, cette loi introduit davantage de flexibilité. Mais la rigidité ne revient-elle pas à arbitrer en faveur de ceux qui ont un emploi contre ceux qui n'en ont pas, comme ce fut trop longtemps le cas dans notre pays ? Dans les circonstances présentes, la flexibilité est utile à l'emploi, elle est même la condition de l'emploi : sachons le reconnaître, et inventons les filets de sécurité qui fassent que, loin d'être une variable d'ajustement, le contrat de travail soit replacé dans une perspective de travail et de carrière propice à l'épanouissement de chacun. En refusant cette évolution, nous refuserions de voir ce qui se passe autour de nous, nous récolterions le déclin dans le libéralisme pur et dur et nous assisterions au retour des vieux antagonismes idéologiques. (Protestations à gauche)

Je souhaite aussi m'adresser à nos collègues qui s'interrogent sur le rôle du législateur et sur la part qui lui est laissée aujourd'hui. Leur inquiétude est d'autant plus justifiée que nous sommes à la veille d'une réforme des institutions censée donner davantage de pouvoirs au Parlement.

M. Guy Fischer.  - On verra !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Les institutions de la Ve République, que je défends, ont réduit les prérogatives du Parlement pour conférer au pouvoir exécutif plus de stabilité et d'efficacité. Les lois de décentralisation, que j'approuve, ont retiré à l'État et donc au législateur une partie de ses prérogatives. Le développement de l'Europe, que j'appelle de mes voeux, nonobstant le principe de subsidiarité, a également transféré à un autre niveau certaines responsabilités, ce qui donne parfois le sentiment au parlementaire français de n'être qu'un « transposeur » de directives. (On le confirme à gauche)

Enfin, des groupes de pressions incapables de réunir plus de 1 à 2 % aux élections politiques se camouflent derrière le nom de « société civile » pour envahir le champ du débat public.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Robert Ménard !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Tel est le contexte dans lequel nous sommes appelés à transposer dans notre droit positif une partie d'un accord conclu en dehors de nous par les partenaires sociaux. Face à ces évolutions, je comprends la gêne qu'éprouvent certains de nos collègues. Mais notre responsabilité n'est-elle pas de faire en sorte que la « Maison France » fonctionne le mieux possible de façon concertée et solidaire ? En l'occurrence, je suis convaincu que l'accord qui nous est proposé est bon car il fait franchir une étape au dialogue social, renforce l'efficacité de la politique de l'emploi, donne de nouvelles chances à notre économie et ouvre la voie à l'élaboration d'un modèle social français et européen adapté au XXIème siècle. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Nicolas About, président de la commission.  - Pour la clarté de nos débats, je propose à notre assemblée de disjoindre de la discussion commune les amendements n°s 44 et 64 à l'article 2, les amendements n°s 51 et 74 à l'article 5, et l'amendement n°79 à l'article 6. J'en ai bien sûr informé les commissaires des affaires sociales.

M. le président.  - En l'absence d'opposition, il en est ainsi décidé.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Nous avons toujours prôné la relance du dialogue social et la mise en place d'une véritable flexicurité à la française. Le projet de loi portant modernisation du marché du travail constitue une avancée dans ces deux domaines.

La modernisation du marché du travail suppose une démocratie sociale régénérée et redynamisée. Or, relancer le dialogue social est la raison d'être de la loi du 31 janvier 2007 instaurant une procédure de concertation et de négociation préalable à toute réforme dans le domaine du travail. Sur le fondement de ce texte que nous avions soutenu, les partenaires sociaux sont parvenus, le 11 janvier dernier, à un accord national interprofessionnel (ANI) porteur de véritables avancées : nous nous en félicitons.

Si l'objet de l'ANI est beaucoup plus large que celui du projet de loi, la base de ce projet de loi est solide, et sa légitimité est d'autant plus grande qu'il a été signé par quatre des cinq grandes centrales syndicales et toutes les organisations patronales.

Fausse légitimité, disent certains, arguant du fait que les centrales syndicales signataires sont moins représentatives qu'elles ne l'ont été. Il est vrai que l'ANI a été signé avant que les accords du 18 avril sur la représentativité syndicale ne trouvent de traduction législative, on comprend aisément pourquoi. En l'état actuel des choses, il faut donc faire avec les règles de représentativité en vigueur et constater que, dans ce cadre, l'ANI a fait l'objet d'un large consensus.

Faux consensus, diront encore ceux qui dénonçaient déjà la légitimité de l'accord : les syndicats ne sont parvenus à un accord a minima que sous la menace d'un projet de loi. Ils n'auraient fait que sauver les meubles, et ce serait un accord défensif.

Accord défensif ? Peut-être, mais peu importe puisqu'il comporte de vraies avancées. Qu'il puisse s'agir d'un accord défensif encourage aussi la représentation nationale à l'amender, à corriger les imperfections ou à combler les insuffisances de ce texte sans aucun complexe. Nous défendrons par exemple un amendement visant à ce que le projet de loi prenne en compte l'accord déjà intervenu en matière de portage salarial, quitte à l'étendre. En effet, il est proposé que le portage soit encadré sur le fondement de l'ANI. Or, il existe une convention qui couvre les principales entreprises organisant le portage : elle ne doit pas être tue et, partant, passer par pertes et profits.

Malgré toutes les imperfections dont on a parlé, le premier pilier d'une véritable modernisation du marché du travail, celui du dialogue social, se consolide. Cela doit se faire en partenariat avec un Parlement constructif dont les prérogatives seront accrues par la réforme des institutions.

L'autre pilier d'une modernisation du marché du travail digne de ce nom est la mise en place d'un modèle français de flexicurité. Pour qu'il y ait flexicurité, les éléments de flexibilité doivent être contrebalancés par une sécurisation du parcours professionnel des salariés. C'est pourquoi nous avons d'emblée été opposés au Contrat nouvel embauche (CNE). Créer le CNE revenait en effet à précariser le marché du travail en préférant le modèle ultra-libéral anglo-saxon à la flex-sécurité danoise.

Je répéterai ce que disait Michel Mercier le 7 juillet 2005, quand nous examinions le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les ordonnances dont est sorti le CNE : « Nous devons mener une réforme équilibrée : à l'entreprise plus de liberté et plus de souplesse dans la gestion de ses effectifs, à la Nation le soin de renforcer à due concurrence la solidarité collective. Le CNE ne respecte pas ces équilibres. S'il faut fluidifier le marché du travail, ce n'est pas au prix d'une précarisation généralisée des salariés. » Permettre des licenciements sans cause « réelle et sérieuse » pendant les deux ans de la « période de consolidation », c'était s'asseoir sur le code du travail ! Il aura fallu deux ans, une masse ahurissante de contentieux et des requalifications jurisprudentielles pour que le Gouvernement entende raison !

L'ANI est peut-être un accord défensif, mais les partenaires sociaux ont pu y exprimer leur souhait que tous les contrats de travail soient régis par les mêmes modes de rupture. Ce souhait a conduit le présent projet de loi à abroger le CNE et à requalifier les CNE signés en CDI : c'est là une chose excellente.

Au-delà de l'abrogation du CNE, ce texte pose les premiers jalons d'une vraie flexicurité à la française. Il établit un équilibre entre les points de sécurisation des parcours professionnels et ceux de flexibilisation des règles du marché du travail.

Au titre de la première, l'affirmation du CDI comme forme normale de la relation de travail ne nous semble ni un luxe, ni un os à ronger. Le passage de trois à deux ans de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités maladie complémentaire est aussi bienvenue. Je citerai encore l'article 4 du projet, portant obligation de motiver tous les licenciements, améliorant les indemnités légales de licenciement et rétablissant le caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte, tout comme la mutualisation de l'indemnisation des salariés licenciés pour inaptitude. Enfin, l'établissement d'un cadre général pour la période d'essai pourrait être plus protectrice pour certains salariés compte tenu du fait que le projet de loi reprend fidèlement les plafonds fixés par l'ANI.

Côté flexibilité, le projet est également porteur d'innovations intéressantes. La première concerne la création de la procédure de rupture conventionnelle du contrat de travail qui reprend la proposition 145 du rapport Attali.

La rupture conventionnelle existait en droit français, mais la loi ne la prévoyait que dans des cas très marginaux et la jurisprudence lui fixait un régime très restrictif. Prévoir comme mode de rupture normal du contrat de travail un système amiable est une véritable modernisation du marché du travail, à condition toutefois qu'on y mette de solides garanties procédurales et financières.

Mais le dispositif peut sans doute être amélioré et des incertitudes levées. Le système procédural devrait, comme nous le demandons dans un amendement, permettre au salarié de se faire assister d'une personne extérieure à l'entreprise lors des entretiens préalables à une rupture conventionnelle du contrat de travail. Le texte semble clair sur le fait qu'une rupture, dûment homologuée par l'administration, ouvrira droit à l'assurance chômage dans les conditions de droit commun mais nous aimerions que le Gouvernement le confirme.

L'autre innovation notable en matière de flexibilité, c'est la création de ce nouveau CDD dont le terme sera déterminé par la réalisation d'un objet défini. C'est le contrat de projet suggéré il y a quatre ans par le rapport Virville, une formule intéressante, au moins pour les cadres et ingénieurs. Nous veillerons à ce qu'elle ne soit pas plus largement ouverte car cela remettrait en question toute l'architecture du droit du travail, dans le sens d'une précarisation généralisée.

M. Guy Fischer.  - Eh oui !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - En l'état actuel du texte, de grosses incertitudes subsistent quant à la durée légale du nouveau contrat. Les bornes de dix-huit et trente-six mois s'imposeront-elles aux parties même quand la réalisation de l'objet du contrat imposera de les avancer ou de les reculer ? Le régime de ce nouveau contrat doit être précisé.

Un équilibre relatif entre flexibilité et sécurité, des jalons intéressants pour l'émergence d'une flexicurité à la française. Certes pas son grand soir : il en faudra bien plus pour assurer un véritable accompagnement des parcours professionnels et je regrette que le périmètre du projet de loi n'ait pas été un peu plus large. Nous ne revenons pas sur le choix fait par le Gouvernement d'un morcellement du dossier de la modernisation du marché du travail. Même si nous aurions préféré une loi de programmation globale, nous comprenons l'option retenue en ce que beaucoup des thèmes à aborder doivent d'abord passer par la négociation collective. C'est le cas de l'augmentation de l'indemnisation chômage pour les jeunes, de la création d'un bilan d'étape professionnel, de l'amélioration de l'orientation des droits et de leur transférabilité. Les négociations sur l'assurance chômage et la formation professionnelle seront déterminantes. Seuls leurs résultats, additionnés aux innovations du présent projet de loi, donneront du corps à la réforme en cours. Pour l'heure, nous regrettons cependant que le projet n'aille pas plus loin sur le transfert des droits des salariés. C'est en les rattachant à la personne plutôt qu'au statut qu'on sécurisera un parcours professionnel. Nous regrettons aussi que la question centrale du travail précaire -temporaire ou partiel subi- ne soit pas traitée.

Porteur d'innovations d'avenir, ce projet de loi doit, à notre avis, s'inscrire dans un cadre de réformes beaucoup plus global et ambitieux. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christiane Demontès.  - Ce texte transpose dans notre législation dix des dix-neuf articles de l'accord intervenu le 11 janvier entre les organisations syndicales de salariés, à l'exception de la CGT, et les organisations patronales. Le dialogue social doit se dérouler dans un climat propice à la négociation. Or de fortes pressions ont été exercées sur les syndicats : je pense notamment au calendrier très contraignant et à la lettre d'orientation remise par le Gouvernement qui, outre qu'elle reprenait nombre de points du rapport Virville de janvier 2004, définissait les axes précis de la négociation. C'est regrettable et nombre de négociateurs nous l'ont fait savoir. Le dialogue social ne devrait pas être soumis aux injonctions du politique, sous peine d'être instrumentalisé pour imposer un rapport de force précis.

Désormais débarrassé des principes chers au Conseil national de la Résistance qui promouvait l'intervention de l'État dans la sphère économique afin d'atténuer les injustices du marché, et tout acquis au modèle anglo-saxon d'un marché de l'emploi ultra flexible, dans lequel le code du travail ne serait plus qu'un frein à la création de plus-value et le salariat une simple variable d'ajustement des coûts de production, le Gouvernement n'a cessé de faire peser sur les syndicats la menace d'un recours à la loi, laquelle, n'en doutons pas, aurait été de facture ultralibérale et donc beaucoup plus favorable aux exigences du Medef. (M. Mélenchon applaudit) A ce titre, on remarque le peu d'empressement du ministre à faire aboutir les négociations sur la pénibilité débutées en 2003...

M. Nicolas About, président de la commission.  - Ce n'est pas facile...

Mme Christiane Demontès.  - De même, comment ne pas s'interroger sur le fait que vous n'entériniez pas l'accord sur le dialogue social dans l'artisanat conclu par les partenaires sociaux en décembre 2001 ?

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Eh oui !

Mme Christiane Demontès.  - Dans cette négociation, le primat du politique, pour ne pas dire «l'interventionnisme outrancier de l'exécutif» pour reprendre les termes de notre collègue Gérard Larcher, a été déterminant. Dès lors, affirmer comme le fait notre rapporteur que « l'ANI est une première application réussie de la procédure prévue par la loi de modernisation sociale » semble excessif. Certes, le 19 décembre, à l'occasion de la conférence sociale destinée à fixer l'agenda des réformes de 2008, le Président de la République déclarait assez justement : « Le temps du dialogue social est un temps long mais un temps utile car il permet la maturation des réformes et favorise le consensus ». Mais il précisait aussi aux partenaires sociaux que s'ils ne parvenaient pas à un accord, le Gouvernement entreprendrait une concertation rapide avant d'élaborer un projet de loi. Quant au Premier ministre, il fixait laconiquement l'échéancier : « la réforme du marché du travail serait votée avant l'été ». Une fois de plus, l'exécutif réaffirmait que l'application de l'article L 101-1 du code du travail demeurait inféodée à ses desiderata. Rien d'étonnant à cela puisque les partenaires sociaux comme les parlementaires ont, durant le dernier semestre 2007, mesuré combien était relative cette volonté de dialogue social renouvelé et équilibré, ce désir de faire « des acteurs sociaux, aux cotés de l'État, le moteur du progrès social » comme le souhaitait notre collègue Larcher.

De fait, les centrales syndicales signataires ont choisi de donner un coup d'arrêt à une évolution sur laquelle ils n'auraient plus eu de prise. C'est un accord défensif : les syndicats ont évité le pire, notamment le contrat unique vanté par le candidat Sarkozy. Cet accord est majoritaire et nous respectons le travail des partenaires sociaux sans pour cela remettre en cause notre devoir de législateurs qui est de veiller à l'intérêt général et de garantir un équilibre entre le puissant et le faible.

Cette négociation devait, selon les dires du Président de la République « offrir aux entreprises comme aux salariés à la fois des sécurités nouvelles et plus de mobilités ». Nous notons, comme le rapporteur, que tout ce qui, dans l'accord, concerne la sécurisation du parcours professionnel n'est pas retranscrit dans le projet de loi et est renvoyé aux négociations futures. Quant à la flexibilité si chère au Medef et à sa présidente, elle se concrétise notamment par l'article 2 qui allonge les périodes d'essai pour tous les CDI et autorise, sous couvert d'accord de branche, leur renouvellement. L'article 5 instaure la rupture à l'amiable dite « séparation conventionnelle » entre le salarié et l'employeur et donne une base légale aux ruptures d'un commun accord jusqu'alors souvent présentées comme des licenciements pour motifs personnels et donnant lieu à des indemnités négociées de gré à gré. Enfin, l'article 6 instaure une nouvelle forme de contrat de travail : « le CDD pour réalisation d'objet défini »qui, réservé aux cadres et ingénieurs, peut être considéré sous l'angle de la fin de contrat exclusive de licenciement.

L'article 2 codifie et allonge la période d'essai. Si actuellement, le code du travail ne l'encadre pas et si c'est aux accords de branche ou d'entreprise d'y pourvoir, comment ne pas voir dans cet allongement, qui peut atteindre huit mois et parait peu justifiable notamment au regard de l'année exigée pour bénéficier de l'indemnité légale de licenciement, le signe d'une volonté patronale de revanche après l'échec du CNE ? Comment expliquer que les accords prévoyant une durée plus longue que les nouveaux plafonds resteront de mise alors que ceux qui prévoient des périodes plus courtes devront, après le 30 juin 2009 intégrer la nouvelle hiérarchie ? En outre, si 50 % de la période de stage effectuée au sein d'un cursus pédagogique sont intégrés à la période d'essai, il ne s'agit que d'une transposition a minima de dispositions souvent appliquées par les entreprises à l'issue d'un stage long.

L'article 5 qui renvoie à l'article 12 de l'accord est symptomatique de la volonté du patronat de sortir le contrat de travail du corps législatif pour le confier uniquement à l'accord. II est question de donner un cadre légal à la rupture de gré à gré laquelle n'est ni un licenciement, ni une démission et ne nécessite aucun motif réel et sérieux pour être licite. Or l'article 11 de l'ANI réaffirme « l'obligation de motiver les licenciements ». Dans ce contexte, le Medef a reformulé son exigence via la mise en place de la « séparabilité », terme cher à Mme Parisot.

M. le président.  - Je salue l'arrivée de M. Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

Mme Christiane Demontès.  - C'est là une rupture fondamentale avec la philosophie juridique du droit du travail, laquelle, tenant compte de l'inégalité des rapports contractuels entre salarié et employeur, a octroyé des droits supplémentaires à la partie la plus faible.

Cependant, une rupture de gré à gré suppose l'égalité entre les parties. La « liberté de consentement » sera-t-elle réelle ? Le salarié ne préférera-t-il pas accepter cette rupture, avec le versement immédiat d'indemnités et le droit à l'assurance chômage, plutôt que risquer un futur licenciement pour faute, sans indemnité, qui le contraindra à une longue procédure ? Les employeurs hésiteront-ils s'ils peuvent échapper à l'obligation d'un plan de sauvegarde de l'emploi ? Le salarié sera-t-il privé de l'assistance du comité d'entreprise ou des syndicats ? Il importe de préciser la date d'application de cette disposition, ainsi que la nature de l'assistance prévue pour les deux parties.

Certes, de nouvelles garanties sont instaurées : l'assistance du salarié, le droit à rétractation, l'homologation par la direction départementale du travail et de l'emploi, qui aura dix jours pour vérifier l'absence de vice de procédure -des motifs discriminatoires, par exemple ? Mais aujourd'hui, le licenciement est encadré : entretien préalable, convocation du salarié -assisté- ainsi que lettre recommandée détaillant les motifs « réels et sérieux », obligation de reclassement, délai de réflexion. Le nouveau texte ne représente-t-il pas un recul ?

L'accord et le projet de loi créent un nouveau CDD, le « contrat à objet défini », réclamé par le Medef depuis longtemps et prôné par le rapport Virville. A l'époque, les organisations salariales l'avaient rejeté. La dénomination ici retenue évite de remettre en question formellement le CDI et le nouveau contrat est réservé aux ingénieurs et cadres pour une mission précise au terme de laquelle il prend fin. La possibilité de conclure un tel contrat est subordonnée à un accord de branche étendu ou un accord d'entreprise : bref, le champ d'application potentiel peut recouvrir en fait l'ensemble des salariés. En outre, le code du travail, aux articles 1241-1 et suivants, définit le recours aux CDD existants ; le contrat à objet défini échappe à cette condition limitative et le projet de loi ne reprend pas celle qui figurait dans l'accord : « un accroissement temporaire d'activité ». Rien ne nous prémunit contre un usage abusif de ce contrat par les employeurs, d'autant qu'il est conclu pour une durée de dix-huit à trente-six mois, alors que le CDD classique avait une durée maximale de dix-huit mois, En outre, ce dernier ne pouvait être rompu que pour faute grave, tandis que celui-ci peut l'être au bout de douze mois, sans faute du salarié. Serait-ce la combinaison optimale entre précarité du CDD et facilité de licenciement du CDI ?

Enfin, nous nous interrogeons sur la portée économique de cette mesure. L'entreprise sous-traitera en quelque sorte en interne ; le salarié concerné n'aura plus aucun lien envers elle et pourra devenir du jour au lendemain son propre concurrent !

En contrepartie, le CDI est reconnu comme « la forme normale et générale de la relation de travail ». L'employeur devra aussi informer le personnel sur les raisons pour lesquelles il a recours à ces formes dérogatoires de contrat. Les périodes de stages dans l'entreprise lors de la dernière année des études seront intégrées à la période d'essai. En cas de maladie, il faudra avoir deux ans de présence et non plus trois pour conserver son salaire ; de même, l'indemnité de licenciement sera due après un an et non plus deux.

Le CNE, de triste mémoire, condamné par notre jurisprudence et contraire aux principes de l'Organisation internationale du travail, est requalifié en CDI de droit commun. Pour tous les socialistes et tous ceux qui se sont tant mobilisés pour refuser cette disposition inique, il s'agit d'un aboutissement heureux !

Ces avancées sont incontestables. Cependant, elles ne renforcent en rien la sécurisation professionnelle qui doit, selon nous, être au centre de toute modernisation du marché du travail. L'accord du 11 janvier prévoit d'augmenter l'indemnisation des jeunes, les plus touchés par le chômage ; il prévoit un développement de la valorisation des acquis de l'expérience et de la gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences instaurée par la loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005. M. Gérard Larcher, à l'époque, voyait là « un facteur déterminant pour éviter les restructurations brutales ». Les salariés de Gandrange ou ceux de l'usine Duralex savent bien de quoi il retourne... De même, le bilan d'étape professionnel, la transférabilité des droits, ceux notamment à la formation, contribuent à la sécurité professionnelle. Or certaines dispositions relèvent du règlement, d'autres de futures négociations professionnelles.

Tout dépendra des résultats de ces discussions, ainsi que de la volonté du Gouvernement de respecter l'équilibre entre déréglementation et sécurisation : la nature exacte de la « modernisation » apparaîtra alors. Mais comment ne pas s'inquiéter quand la transformation des CNE en CDI est attaquée par une partie du patronat, quand la ministre de l'économie estime que les seniors « doivent pouvoir chercher du travail », quand le secrétaire d'État chargé de l'emploi annonce que, faute d'accord entre les partenaires sociaux sur ce que l'on doit entendre par « offre valable d'emploi », il reviendra au Gouvernement de trancher ? Le Président de la République attaque vigoureusement la formation professionnelle, bien que l'accord de janvier soit satisfaisant sur ce point. A-t-il en tête de s'emparer des fonds paritaires de l'assurance chômage et de la formation professionnelle pour renflouer les comptes sociaux ?

Moderniser le marché du travail appelle une approche globale. Or, ce texte illustre une approche parcellisée qui ne prend pas en compte les vrais problèmes, le faible taux d'activité des seniors, le chômage de masse des jeunes, la précarisation, le manque de main-d'oeuvre dans certains secteurs...

Parce qu'il est impératif que cette modernisation du marché du travail respecte la démocratie sociale et les partenaires sociaux, parce que l'alignement sur le modèle anglo-saxon remettrait en cause notre cohésion sociale, nous suivrons de près les négociations et décrets à venir. (Applaudissements à gauche)

M. Louis Souvet.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Aujourd'hui, les salariés et les employeurs partagent un profond sentiment d'insécurité face à la mondialisation. Pour la Commission européenne, le bilan peut être positif pour tous, à condition d'améliorer la capacité d'adaptation des entreprises et des travailleurs, dans un environnement où la flexibilité et la sécurité se renforcent mutuellement. Il faut à la fois répondre aux contraintes financières ou concurrentielles et favoriser la progression professionnelle et la continuité du revenu. Bruxelles souhaite que tous les États suivent l'exemple des pays d'Europe du Nord en matière de « flexicurité ». M. Gérard Larcher pilote actuellement une mission sur le sujet et l'on parle à propos de ce projet de loi de « flexicurité à la française ».

Sous l'impulsion du Président de la République, la France est engagée dans une réforme d'ampleur, qui passe par la concertation et la négociation. Les conférences tripartites associant syndicats, patronat et État ont porté sur la modernisation du marché du travail, la formation professionnelle, la démocratie sociale et l'assurance chômage. Dans le même temps, la fusion ANPE-Unedic marque une étape majeure. Les pouvoirs publics tiennent un rôle actif dans le calendrier et l'ordre du jour des négociations.

L'accord que traduit le présent texte peut être considéré comme un succès de la négociation collective : il s'agit d'apaiser les relations sociales, comme je me suis toujours employé à le faire dans mon entreprise. Cet accord s'inscrit pour la première fois dans le cadre de la loi du 31 janvier 2007. Sera-ce une ère nouvelle dans les relations entre partenaires sociaux ? Un proverbe chinois dit qu'« un long voyage commence toujours par un petit pas ». Le pas franchi actuellement est modeste, nous verrons bien ce que sera l'avenir, car une hirondelle ne fait pas le printemps.

Cet accord a été signé par les trois organisations d'employeurs, le Medef, la CGPME et l'UPA, et par quatre syndicats représentatifs, mais non par la CGT.

Alors qu'il n'était pas aisé de parvenir à un accord sur les thèmes abordés, les partenaires sociaux ont su s'entendre pour élaborer un droit plus souple et plus adapté aux réalités économiques. Ils ont fait confiance au Gouvernement pour donner au texte une force obligatoire. La volonté gouvernementale de respecter l'accord ne s'est pas démentie, le dialogue social s'est poursuivi au cours de la transposition, qui a associé même la CGT, alors qu'elle n'avait pas signé l'accord.

Ce dialogue social quotidien donne au texte une légitimité supplémentaire, une efficacité et une durabilité accrues, car il s'agit d'améliorer notre droit à long terme, au-delà des alternances politiques. Nous parvenons ainsi à un dispositif équilibré, avec des garanties nouvelles en faveur des salariés et des outils facilitant l'activité des entreprises.

Les garanties apportées aux salariés apparaissent dès l'article premier, où il est affirmé que la relation normale de travail prend la forme d'un contrat à durée indéterminée. Les contrats à durée déterminée, ainsi que l'intérim, devront faire l'objet d'une information renforcée du comité d'entreprise ou des délégués du personnel.

D'autre part, les contrats nouvelle embauche, créés en 2005, seront automatiquement transformés en CDI dès la promulgation de la loi.

Le projet de loi réduit de trois ans à un l'ancienneté requise pour l'indemnisation conventionnelle de maladie ; il diminue de deux années à une seule l'ancienneté nécessaire pour prétendre aux indemnités de licenciement. Au demeurant, celle-ci sera calculée sur la base d'un taux unique, ce qui est plus favorable aux salariés que le régime en vigueur.

Enfin, tout licenciement devra être justifié par une cause réelle et sérieuse portée à la connaissance du salarié, ce qui ne constitue pas à mon sens une novation.

Je souhaite souligner la modernisation des relations individuelles de travail. Ainsi, la rupture conventionnelle du contrat de travail permettra d'échapper à l'alternative démission ou licenciement. Ouvrant droit à une indemnité équivalente à celle procurée par le licenciement, ce nouveau régime juridique est assorti de garanties comme l'entretien, le droit à une assistance ou l'homologation par le directeur départemental du travail. Cette disposition centrale réduit les risques liés à l'embauche. Elle facilite donc l'emploi, tout en garantissant la sécurité des salariés.

De même, la durée des périodes d'essai sera dorénavant limitée en fonction de la catégorie du salarié. En outre, les stages de fin d'études seront inclus dans ces périodes.

J'en viens aux nouvelles possibilités d'action dont disposeront les entreprises.

Le droit en vigueur ne prend pas en compte les projets à l'horizon de quelques mois ou quelques années, avec des délais incertains de réalisation. A titre expérimental, le texte met donc en place un nouveau CDD à objet défini, permettant d'embaucher pour dix-huit mois à trois ans un cadre ou un ingénieur en vue d'un projet précis.

L'Assemblée nationale a amélioré le texte initial. Notre commission s'est attachée au même objectif. Je tiens à féliciter particulièrement notre rapporteur pour la qualité de son travail et son écoute. Le Parlement doit jouer son rôle, mais remanier encore le projet de loi nous ferait sortir de l'accord interprofessionnel, donc remettre en cause l'équilibre issu des négociations. Je rappelle que la CGT n'a pas signé l'accord en faisant valoir que le législateur allait en dénaturer le dispositif. Sa transposition fidèle démontrera que ces craintes étaient infondées, ce qui donnera confiance pour l'avenir.

Des dispositions réglementaires suivront notre vote, puisque nous sommes saisis des seuls aspects législatifs d'une réforme qui en appelle par ailleurs d'autres, sur l'assurance chômage et la formation. Je profite de cette occasion pour souligner que nous sommes nombreux à souhaiter une profonde réforme de la formation professionnelle. La mission présidée par M. Carle, dont le rapporteur est M. Seillier, a souligné la complexité, les cloisonnements et le corporatisme qui prévalent en ce domaine. Nous serons donc très attentifs aux négociations à venir.

La conjoncture de l'emploi s'est améliorée, puisque le taux de chômage a régressé de 0,9 point en un an pour atteindre 7,5 %. La modernisation du marché du travail est capitale pour parvenir au plein emploi, objectif fixé par le Président de la République. Notre groupe soutient évidemment cette politique. (Applaudissements à droite et sur les bancs de l'UC-UDF)

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

Mme Annie David.  - Ce projet de loi inacceptable participe d'un long processus, cohérent et rigoureux, qui démantèle notre droit du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ça commence fort !

Mme Annie David.  - Ainsi, tout est clair !

Qui plus est, le texte ne comporte pas de mesures pour combattre le chômage, réduire la précarité ou le temps partiel subi, soutenir l'emploi des seniors et des jeunes, développer la formation professionnelle ou augmenter les salaires.

Quelques dispositions à l'apparence positive côtoient l'inacceptable pour faire croire à un texte équilibré satisfaisant les partenaires sociaux, dont la philosophie s'imposerait donc au Parlement.

Ainsi, l'abrogation du CNE résulte, non de la négociation, mais de la jurisprudence et de la condamnation de la France par le Bureau international du travail !

Il en va de même pour la réduction d'ancienneté inscrite à l'article 4 pour pouvoir prétendre aux indemnités de licenciement. Au demeurant, l'absence d'étude d'impact fait craindre des mesures de rétorsion, comme la diminution de la durée d'indemnisation. En outre, le doublement de l'indemnité ne bénéficiera qu'à certains salariés, puisque certains en bénéficiaient déjà, en cas de licenciement économique ou d'accident du travail. Enfin, la création d'une indemnité unique supprime la majoration perçue par les salariés licenciés après dix ans d'ancienneté. L'accroissement de l'indemnité des uns est donc financé par la baisse subie par d'autres, à moins que la rédaction du futur décret ne limite cette anomalie au temps du débat parlementaire, comme M. le ministre l'a indiqué en commission ...

De même, l'article 3 abaisse de trois années à une seule l'ancienneté requise pour les indemnités maladie complémentaires. Or, nous nous souvenons des récentes déclarations de Mme Bachelot, ou du Président de la République, sur la mise à contribution accrue des mutuelles. Nous avons surtout à l'esprit les franchises médicales, cet impôt injuste sur la maladie. Dans ces conditions, ouvrirez-vous droit à une protection sociale rabougrie ? Allez-vous orienter les salariés vers une protection complémentaire étendue, quitte à alourdir les cotisations ?

Ces mesures prétendument bénéfiques suscitent donc de grandes interrogations. Mais certaines mesures, elles, sont clairement insatisfaisantes.

En effet, l'alinéa 18 de l'article 2 inclut dans la période d'essai une partie des stages réalisés dans l'entreprise au cours de la dernière année d'études. Pourquoi ne pas inclure entièrement les stages ? Les organisations représentatives des stagiaires le demandent de façon récurrente.

Quant à l'article premier, il comporte une déclaration de bonnes intentions pour mieux légitimer les emplois précaires au nom de la mondialisation. Et le fait qu'il reprenne l'accord national interprofessionnel n'y change rien. Je me demande d'ailleurs pourquoi certaines organisations syndicales reprennent les ritournelles patronales. Pourquoi créer des contrats précaires pour des besoins momentanés, mais prévisibles ? Pourquoi cette multiplicité des statuts précaires ? Quelle valeur donnez-vous à cette affirmation de principe, puisque vous conservez trente-sept contrats dérogatoires, outre celui que vous ajoutez à l'article 6 ?

Les contrats à durée déterminée sont utiles aux salariés et à l'économie, mais aussi aux employeurs, puisque la sécurité juridique se traduit par une productivité accrue. Nous voulons donc modifier le dispositif et je regrette que vous n'ayez pas saisi cette occasion pour reprendre les amendements présentés par mon groupe au projet de loi de financement de sécurité sociale pour 2008, tendant à instaurer un régime de bonus et malus en fonction des politiques sociales des entreprises. M. le président de la commission m'avait dit que je n'avais pas choisi le bon texte : celui-ci n'est-il pas le bon véhicule ? Tout comme les organisations représentatives des salariés privés d'emploi, la CGT et nombre de juristes, nous estimons que cet article n'empêchera nullement la précarisation du salariat. Il n'est qu'un coup d'épée dans l'eau.

Enfin, la doctrine générale du texte consiste à flexibiliser davantage le monde du travail. D'après M. Emmanuel Dockès, professeur à l'université de Lyon 2, dont il dirige l'Institut d'études du travail, le projet de loi « comprend un certain nombre de régressions qui devraient le faire entrer dans l'histoire comme l'un des plus importants reculs qu'ait eu à connaître le droit du travail français depuis 1945 ». (MM. Jean-Luc Mélenchon et Guy Fischer approuvent)

Nous refusons votre conception de la flexisécurité, dont les salariés ne connaîtront que la flexibilité imposée par l'employeur. Vous transposez ainsi dans notre droit le désir ancien du Medef, qui recherche des salariés Kleenex à utiliser, à exploiter puis à jeter lorsque leur mission est remplie. De quelle sécurité bénéficieront les personnes recrutées sous contrat de mission, lorsqu'elles pourront être licenciées après avoir achevé cette mission, mais aussi durant la période d'essai, à l'occasion du douzième ou du vingt-quatrième mois du contrat, voire du dix-huitième si l'amendement du rapporteur est adopté ? Votre conception de la sécurité multiplie les occasions légales de rupture à l'initiative de l'employeur : parlons plutôt de l'insécurité, cadeau fait au Medef et à la CGPME.

Et je ne parle pas de l'allongement de la période d'essai sous la pression permanente du patronat et celle, insidieuse, du Gouvernement. Dès lors que le CNE risquait de disparaître, a expliqué sans détours en commission un représentant du patronat, il fallait influer sur la période d'essai qui varie aujourd'hui, selon les conventions collectives, d'une semaine à trois mois. En l'allongeant de la sorte, l'article va bien au-delà du raisonnable.

De quelle sécurité parlez-vous pour le salarié ? D'une indemnisation plus importante et plus longue ? Non ! Pas plus que d'une offre d'emploi « valable », ce qui sera d'ailleurs l'objet d'une prochaine négociation entre les partenaires sociaux : faudra-t-il se résigner à l'offre simplement « acceptable » d'un emploi moins qualifié sous peine de perdre les allocations chômage ?

Vous parlez de sécurité pour l'employeur : il pourra traiter les salariés qui font la richesse de son entreprise comme une variable d'ajustement. Quant à la rupture conventionnelle, elle met à bas quarante années de construction d'une protection contre le licenciement arbitraire : le salarié semble accepter son licenciement. Quel moyen juridique lui donne-t-on pour faire valoir son droit ? La rupture se ferait d'un « commun accord » ? On sait toute la valeur de cette expression quand les employeurs peuvent imposer leur volonté...

Ce projet, tout comme l'accord national interprofessionnel, est défavorable aux salariés. Ce n'est pas un texte équilibré. Aussi les organisations signataires nous ont-elles invités à la vigilance sur les textes à venir, tant sur les projets de loi que sur les décrets. Il faut en effet garder en mémoire le chantage du Président de la République qui avait annoncé que, si la négociation n'aboutissait pas, il ferait voter une loi dont les syndicats ne savaient que trop que ce serait une loi Medef. François Chérèque, pourtant signataire, a ainsi pu juger les documents d'orientation du Gouvernement « un peu directifs ». Vous avez pesé, monsieur le ministre, sur les négociations en inventant le concept ambigu d'organisation « responsable », et l'accord a été conclu sans qu'il soit possible de consulter les militants, parce que vous avez imposé un rythme infernal que vous n'avez pas voulu imprimer aux négociations sur la pénibilité ou sur l'égalité professionnelle. Et les récentes déclarations du Président de la République nous laissent peu d'espoir.

Pourquoi flexibiliser le marché du travail quand on compte 2,5 millions de CDD ou d'intérims, qu'il y a 800 000 licenciements chaque année, dont les trois-quarts pour des motifs personnels, et que neuf sur dix ne demandent pas d'autre formalité qu'un entretien et l'envoi d'une lettre motivée ? La mesurette proposée n'y changera pas grand-chose.

Le groupe CRC votera contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Muller.  - Vous sollicitez un vote conforme de l'accord national interprofessionnel, présenté comme une avancée historique vers la flexisécurité à la française.

Considérons la méthode d'abord. Que l'on incite les partenaires sociaux à négocier des compromis intelligents grâce au dialogue social est une bonne chose, mais ce n'est pas la logique qui a prévalu ici. Le Président de la République a mis en demeure les représentants des salariés de négocier en fixant les objectifs et le calendrier et en les menaçant d'une loi pire en cas d'échec.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous n'avez pas été gentils...

M. Jacques Muller.  - En droit civil, la signature sous contrainte entraîne la nullité du contrat. C'est pourtant ce qui s'est passé et voilà pourquoi, contrairement à l'accord sur la formation professionnelle, cet accord n'a pas reçu l'aval de toutes les organisations professionnelles.

Vous nous demandez maintenant de valider cet accord en le transposant en l'état. Après avoir mis la pression sur les salariés, vous la mettez sur les parlementaires ! C'est faire injure au Parlement que de le traiter en chambre d'enregistrement ! Le rôle de la loi est de rétablir l'équilibre entre le faible et le fort. Or le déséquilibre introduit par ce projet est inacceptable : il fait droit à trois revendications du patronat sans contrepartie significative pour les salariés : allongement de la période d'essai, contrat de mission et licenciement conventionnel -un dérapage emblématique qui nous fait glisser du droit du travail au droit civil.

L'article 2 codifie la réglementation de la période d'essai en la portant à quatre mois pour les ouvriers et huit pour les cadres. Alors que le Conseil d'État recommandait de concevoir les durées de l'accord comme des maxima, toutes les conventions de branche devront s'aligner d'ici le 30 juin 2009 sur ces planchers. C'est le retour du CNE !

L'article 5 introduit une rupture conventionnelle du contrat du travail en oubliant des réalités du marché du travail telles que le harcèlement moral et sexuel, les discriminations en fonction du sexe ou de la race. C'est une rupture historique avec la philosophie du droit du travail.

M. Guy Fischer.  - Très bien !

M. Jacques Muller.  - Celui-ci reconnaît en effet la subordination du salarié et sa position de faiblesse vis-à-vis de l'employeur. On renforce pourtant le déséquilibre au profit de l'employeur qui pourra se retrancher derrière la rupture conventionnelle pour éviter la motivation d'un licenciement en bonne et due forme. Et, lorsque le salarié sera assisté par une personne de l'entreprise lors de l'entretien, l'employeur, lui, pourra l'être par un avocat. Plutôt que de moderniser le marché du travail, ce projet constitue une régression quant aux conditions de rupture du contrat de travail. (M. Fischer applaudit)

La prétendue flexisécurité à la française n'a rien à voir avec le concept mis en oeuvre par les pays nordiques avec le succès que l'on sait. Au Danemark, le taux de chômage est de 2,9 % et le taux d'emploi de 77 %.

M. Guy Fischer.  - Nous y sommes allés.

M. Jacques Muller.  - Les chômeurs y sont bien indemnisés : ils touchent 90 % de leur salaire brut pendant quatre ans -il n'y a pas de rupture du pouvoir d'achat. Les compétences sont reconnues et la formation éventuelle bien rémunérée. La suspension de l'indemnisation en cas de refus d'une offre est laissée à l'appréciation des syndicats, également très présents dans la gestion de l'équivalent de l'ANPE. Cela évite d'avoir à accepter un emploi moins qualifié et consolide les droits des salariés. Mais il y faut nécessairement deux conditions : que l'État et les entreprises y mettent les moyens -la formation y représente 5 % du PIB, soit moitié plus qu'en France- et que des syndicats forts aient la capacité de négocier des accords équilibrés et participent à leur mise en oeuvre. Nous en sommes très loin.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.  - Cela leur fera plaisir.

M. Jacques Muller.  - En nous invitant à voter conforme un texte très déséquilibré qui détricote notre droit du travail, vous présentez une flexisécurité à la française dans laquelle l'employeur a toute la flexibilité et le salarié n'a aucune sécurité.

Abdiquer ses responsabilités pour « laisser faire » les partenaires sociaux, c'est nier ce déséquilibre structurel porteur d'insécurité sociale. Parler de flexisécurité relève alors de l'imposture !

Est-ce une nouvelle manifestation de la dérive atlantiste du Président de la République ? De la fascination pour le modèle libéral anglo-saxon ? Ni les salariés, ni nos concitoyens ne sont dupes. Les Verts ne participeront pas à ce détricotage du droit du travail sous couvert de modernité et ne cautionneront pas ce qui risque de créer un fâcheux précédent : le Parlement devrait-il valider servilement n'importe quel accord entre partenaires sociaux au seul motif qu'il résulte de « négociations » ?

Nous voterons contre ce mauvais texte tout en proposant des amendements destinés à en limiter les dégâts pour les salariés. (Applaudissements à gauche)

M. Serge Dassault.  - Ce texte résulte d'un accord interprofessionnel signé par trois organisations patronales et quatre syndicats -encore faudrait-il savoir qui ces organismes représentent réellement. Il est exceptionnel qu'un texte destiné à devenir une loi ne soit pas conçu par le Gouvernement, puis proposé aux parlementaires et ensuite aux syndicats, mais résulte de la démarche inverse. Les parlementaires ne serviraient-ils alors qu'à entériner cet accord ? Il est regrettable que ni ces derniers, ni les commissions ni les groupes n'aient été consultés.

Certes, des progrès seront réalisés grâce à la rupture conventionnelle des contrats de travail et à la création de contrats pour la réalisation d'un objet défini. Mais le chef d'entreprise que je suis est déçu que ce texte ne soit qu'un complément au code du travail, et non une véritable modernisation, car il déclare en premier lieu que « le contrat à durée indéterminée demeure la forme normale et générale du travail ». Tout est dit. La rigidité continuera à régner et à se traduire par des pertes d'emplois en France. Cette loi vise-t-elle à réduire le chômage ou seulement à améliorer le climat social ? Je regrette que la flexisécurité n'y ait pas vraiment sa place.

Il est également regrettable de supprimer le CNE, qui a pourtant permis l'embauche de centaines de milliers de personnes. Sans ces contrats, très appréciés des PME, le chômage risque d'augmenter brutalement. Si l'absence de motivation des licenciements explique cette disparition, il serait préférable de la réintroduire sous une autre forme, ce que je vous proposerai par un amendement.

Puisqu'il s'agit de réformer, quand inscrira-t-on réellement la flexibilité de l'emploi dans la législation du travail ? Celle-ci ne coûte rien à l'État et s'applique dans tous les pays où le chômage est le plus bas. En France, la rigidité, loin d'assurer la pérennité des emplois, assure plutôt celle du chômage. Elle va à l'encontre de la volonté des chefs d'entreprise, qui délocaliseront de plus en plus. La croissance risque encore une fois de ne jamais se réaliser.

Il faudra bien qu'un jour on comprenne qu'une entreprise a besoin de souplesse dans la gestion de son personnel. Une activité commerciale ou industrielle est précaire, et dépend de l'évolution du marché, des clients, de la concurrence, des technologies, de l'évolution des monnaies, etc. Elle doit adapter en permanence son personnel à ses charges, et aucun chef d'entreprise ne licencie s'il n'y est obligé. D'où le dogme absolu : « Un chef d'entreprise qui ne peut pas, si besoin est, licencier son personnel comme il l'entend n'embauchera plus et sous-traitera sa production à l'étranger. » La flexibilité de l'emploi est aussi nécessaire pour les entreprises que l'air pour respirer.

Ce système ne fonctionne que si le salarié licencié peut retrouver rapidement du travail en étant accompagné dans sa recherche d'emploi, et avant même d'être licencié. Cette flexisécurité est appliquée, en particulier au Danemark, avec succès. Il ne suffit pas d'empêcher les entreprises de licencier, ni de créer des dispositifs divers -aides à l'emploi, au retour à l'emploi ou RSA au coût budgétaire élevé- pour que les entreprises embauchent, car la réduction du chômage nécessite l'équilibre de l'offre par les entreprises et de la demande par les chômeurs. En privilégiant toujours les chômeurs, on dépensera beaucoup d'argent pour rien. Une entreprise qui a du travail, et un personnel motivé et compétent, ne licencie pas, même sans contrat. Aux États-Unis, les salariés sont employés sans garantie de durée, et le chômage est au minimum.

Je souhaite donc que les réformes continuent et, pour obtenir le plein emploi, que l'on s'oriente plus avant vers la flexibilité. Dans cette attente, appliquons cette loi en ne supprimant pas le CNE amendé. (Applaudissements à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.  - Je remercie Mme Létard d'être intervenue et je vous suis reconnaissant d'excuser mon retard, dû à un déplacement lié à un sujet prioritaire pour notre marché du travail : le plan Seniors, que le Président de la République, Laurent Wauquiez et moi-même venons de présenter.

Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de dire que l'accord du 11 janvier représente un progrès essentiel, permis par la loi Larcher du 31 janvier 2007. Cette nouvelle méthode d'élaboration de la loi constitue un gage de stabilité et d'efficacité : les lois les plus durables et les mieux acceptées naissent d'accords. Cette première application de la loi de 2007 sera prochainement suivie d'une autre, avec un texte sur la représentativité, le financement et le temps de travail.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur Vanlerenberghe, la flexisécurité repose sur une exigence d'équilibre entre flexibilité et sécurité pour l'ensemble du texte ainsi que pour certaines dispositions, telle la rupture conventionnelle ou la période d'essai. Les signataires de l'accord ont veillé à garantir et conforter cet équilibre. Vous avez également évoqué le portage, sujet qui requiert notre vigilance. Les partenaires sociaux ont pris en compte les différentes professions concernées. Nous évoquerons les garanties supplémentaires à apporter pour stabiliser ce secteur tout en respectant l'équilibre de l'accord.

Madame Demontès, nous semblons nous opposer sur la méthode. Or, comment ne pas partager l'exigence posée par la loi de 2007 et respectée par ce texte : un document d'orientation soumis aux partenaires sociaux, suivi d'une négociation pour aboutir à un accord équilibré et débouchant sur un projet de loi ? Ce texte, comme la loi de 2007, s'inscrit davantage dans la modernité des relations sociales que la prétendue loi de modernisation sociale de 2002, qui résultait d'une volonté unilatérale du Gouvernement constatée par les partenaires sociaux.

Je ne comprends pas vos craintes sur le CDD à objet défini : il est encadré par un accord de branche, il répond à un motif précis et ses conditions sont plus restrictives que le CDD de droit commun. De plus, une expérimentation permettra de voir si ce CDD correspond bien à un besoin et si les garanties sont réelles.

M. le sénateur Souvet souhaite que la flexibilité et la sécurité se renforcent mutuellement. Je crois profondément à cette logique qui garantit plus de souplesse et plus de sécurité, pour les entreprises comme pour les salariés. Nous ne travaillons pas seulement pour l'année à venir : nos textes doivent pouvoir s'adapter à un marché de l'emploi évolutif et le retour au plein emploi donnera davantage d'atouts et de souplesse aux salariés. La sécurité vaut aussi pour les salariés qui doivent pouvoir inscrire leur parcours professionnel dans la durée et pour les entreprises qui doivent bénéficier d'un cadre juridique stable. Nos partenaires européens se sont engagés pour la plupart dans cette voie. Il était temps que nous le fassions alors que nous étions confrontés à un blocage depuis près d'un quart de siècle. Les dispositions de l'accord du 11 janvier devront être complétées ? C'est vrai : il y aura des négociations, notamment sur la GPEC, sur l'assurance chômage et sur la formation professionnelle, qui pourront s'appuyer sur le rapport de la mission confiée à M. Carle.

Mme David a dit que ce texte était une ritournelle. Mais non ! Il s'agit d'une innovation totale dans la méthode comme dans le fond. Quand vous prétendez que ce texte est d'inspiration patronale, je suis sûr que les partenaires sociaux qui représentent les salariés apprécieront. (Exclamations sur les bancs CRC) Les partenaires sociaux ont négocié de façon libre et responsable. Nous sommes dans un monde qui bouge et les relations sociales sont bien forcées d'évoluer, comme le montre la position commune qui a été signée. Je ne sais pas si elle trouve grâce à vos yeux, bien que ce soit un autre signataire qui ait apposé son paraphe. Sur un tel sujet, j'espérais que, nous aussi, nous puissions trouver une position commune. (On en doute à gauche)

Vous avez dit qu'il s'agissait du plus important recul dans le droit du travail depuis 1945. Mais vous semblez oublier que quatre syndicats représentatifs ont signé. (Nouvelles exclamations sur les bancs CRC) Vos propos ne m'auraient pas surpris si ce texte avait été d'inspiration strictement gouvernementale mais ce type de remarque à l'égard des syndicats me surprend vraiment. Vous pouvez ne pas être d'accord avec ce texte mais vous ne pouvez pas utiliser ce type d'argument qui nie le principe même de la négociation collective.

M. Guy Fischer.  - Mais non !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Le montant des indemnités de licenciement ne sera pas réduit ; le projet de décret a été transmis à la Commission nationale de la négociation collective.

M. Guy Fischer.  - Les années d'ancienneté vont diminuer !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est complètement faux !

M. Muller a parlé de « pistolet sur la tempe ». Je ne sais pas si c'est pour légitimer une position de principe du groupe mais en disant cela, vous dénigrez le Gouvernement et les partenaires sociaux qui ont montré, eux, qu'ils savaient prendre leur responsabilité.

Un an après notre élection, le dialogue social se porte aujourd'hui mieux en France. (Exclamations à gauche) Cela devrait faire plaisir à tout le monde, à droite comme à gauche (applaudissements à droite), car cela faisait bien longtemps que l'on souhaitait que le dialogue social soit au rendez-vous en France.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Quel cynisme !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous n'y sommes pas pour rien, c'est vrai, mais les partenaires sociaux y sont pour beaucoup. (M. Fischer en doute) Si nous pouvions nous en réjouir les uns avec les autres, ce serait encore mieux !

M. Nicolas About, président de la commission.  - Seule la droite pouvait y parvenir !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Monsieur Dassault, la rupture conventionnelle correspond à un besoin de souplesse et nous devons mettre en place un mode de rupture sécurisé simple et rapide. Vous avez évoqué la question du CNE. Quand a été abrogé le CNE ? Pas le 11 janvier ni lors de la présentation de ce texte mais depuis la décision de l'OIT qui faisait d'ailleurs suite à deux décisions très claires des cours d'appel de Bordeaux et de Paris. Depuis cette date, nous avions besoin de sécuriser les acteurs. Nombre d'entreprises ont joué le jeu sincèrement, mais nous devons mettre fin à l'incertitude juridique et il vaut mieux avoir le courage de dire les choses. D'ailleurs, les CNE ne représentent plus aujourd'hui que 1,4 % des recrutements.

La souplesse ne peut produire tous ses effets que dans la sécurité réclamée, voulue et attendue par les uns comme par les autres. (Applaudissements à droite et au centre)

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°56, présentée par Mme David et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant modernisation du marché du travail (n° 302, 2007-2008).

M. Guy Fischer.  - Il y a un an, Nicolas Sarkozy devenait Président de la République avec un slogan : « Travailler plus pour gagner plus » et une conception de sa fonction : la rupture. Nous l'avons entendu prôner la valeur travail et rendre hommage à la France qui se lève tôt pour travailler. Il devait être son Président, celui qui augmenterait son pouvoir d'achat, reconnaîtrait ses efforts, celui qui saurait redonner au travail la place qui devrait être la sienne. Or, en douze mois, les Français n'ont rien vu, si ce n'est les prix, qui augmentent jour après jour, et les dégâts causés par cette politique libérale. Il n'est qu'à lire la presse pour constater le mécontentement généralisé de la population : Les Échos titrent sur les désillusions sociales ; Libération sur l'insatisfaction ; même Le Figaro reconnaît que les Français sont déçus. La presse est donc unanime.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Un an, c'est court !

M. Guy Fischer.  - Nos concitoyens risquent d'attendre encore longtemps la fameuse reconnaissance de la valeur travail. Deux lois en faveur du pouvoir d'achat en six mois, n'est-ce pas la preuve que la loi Tepa n'a pas été efficace ? Le déblocage de l'épargne salariale, la prime de 1 000 euros et le rachat des RTT se sont révélés insuffisants et ne répondent pas aux attentes de nos concitoyens qui ne souhaitent qu'une chose : l'augmentation de leurs salaires et de leurs retraites. Mais sur ce point, vous restez bien silencieux

En outre, à peine arrivé au pouvoir, Nicolas Sarkozy se rend au Fouquet's puis fait une croisière luxueuse, faisant croire à nos concitoyens qu'ils pouvaient espérer la même chose. Que s'est-il passé en un an ? Le pire que l'on pouvait attendre du libéralisme : donner plus à celles et ceux qui ont déjà beaucoup, sans rien donner à la grande majorité de ses électeurs ! Car les seules promesses que Nicolas Sarkozy a tenues sont celles en faveur du patronat. Projet de loi après projet de loi, vous redessinez un modèle social qui n'a rien à voir avec celui qui fonde notre République, basée sur le pacte social de 1945.

La recodification du code du travail devait se faire à droit constant, mais elle s'est faite au détriment des salariés qui perdent une à une leurs protections. Des juridictions prud'homales ont été fermées, les Assedic et l'ANPE ont été obligées de fusionner. Pas à pas, vous redessinez un modèle global de société ne répondant qu'à la logique libérale.

Dans sa lettre du 31 mai 2007 aux organisations patronales et syndicales, le Président de la République a fixé une feuille de route et les pouvoirs publics ont rappelé à plusieurs reprises qu'ils légifèreraient rapidement en l'absence d'accord. Ce contexte a certainement pesé sur les négociations, d'ailleurs délimitées par votre gouvernement.

A n'en pas douter, ce texte marque une des étapes fondamentales dans le démantèlement progressif mais certain des relations du travail. D'ailleurs, il est surprenant de voir combien ce projet de loi est déséquilibré. Ainsi, il prévoit que les employeurs pourront plus facilement licencier. En revanche, les mesures favorables aux salariés devront attendre la parution de décrets et de nouvelles négociations, notamment sur la portabilité des droits, l'indemnisation des demandeurs d'emploi, la formation professionnelle. M. Jacques Freyssinet, professeur émérite à l'université Paris I, rappelle « que le mode de construction de l'accord engendre un degré élevé d'incertitude sur la nature et l'ampleur de ses effets prévisibles ». Nous sommes donc confrontés à une règle à deux vitesses : la certitude pour les employeurs, le doute pour les salariés.

Alors qu'il est question de réduire à un an la durée nécessaire pour bénéficier de l'indemnisation chômage, Mme Lagarde et M. Wauquiez relancent le débat. Ainsi, les salariés privés d'emploi se verraient contraint d'accepter non plus une offre valable d'emploi, mais une offre raisonnable ou acceptable d'emploi. Ces mots sont ambigus et cachent des arrières pensées : une chose est sûre, les salariés auront tout à y perdre. Ces notions ne mériteraient-elles pas d'être examinées dans ce texte ?

De même, nombreux sont les syndicalistes, les représentants des chômeurs à s'inquiéter d'une baisse annoncée de la durée et du montant des indemnisations chômage. Face à ces interrogations, curieusement, pas un mot de votre gouvernement ou du Président de la République. Pas un mot non plus dans ce texte de loi, qui pourtant doit traiter de la modernisation du marché du travail. Tout comme il est surprenant que la question de l'aménagement et de la modulation du temps de travail, ou encore celle de l'organisation du travail, pourtant centrale en matière de fléxicurité dite interne, soient déconnectées de ce texte. On peut aisément imaginer pourquoi le sujet des 35 heures, pour le moins conflictuel, a été écarté des négociations. Mais l'organisation du travail est au coeur du sujet : gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences, allongement de la durée d'activité des seniors, emploi des jeunes, développement de la formation en direction des moins qualifiés, dont on sait qu'il n'est efficace que s'il s'appuie sur une organisation du travail qualifiante. Il est fort regrettable que ces questions soient absentes de votre texte.

Il est vrai que ce projet de loi n'est que l'une des premières pierres d'un édifice de généralisation de la précarité. Mme Parisot ne s'y est d'ailleurs pas trompée, puisqu'elle déclare dans Les Échos du 14 janvier 2008 : « Cet accord n'est pas révolutionnaire. Il constitue une première étape ». La question légitime, que nous devons vous poser, et que les Français se posent, est donc la suivante : nous connaissons les réformes à venir, mais pour quelle finalité les engagez-vous ? A quoi ressemblera le « marché du travail » dont vous rêvez ? Que sera la politique sociale de notre pays ?

Je voudrais d'ailleurs revenir sur cette notion de « marché du travail ». Le marché est l'espace où s'échangent des biens contre une rémunération juste, correspondant à leur valeur. Tel n'est pas le cas pour le travail dont la nature même devrait rendre impossible son assimilation à un simple bien. Et nous savons surtout que la rémunération des salariés n'est pas, loin s'en faut, à la hauteur de leur tâche. Preuve en est la grande difficulté rencontrée par des millions de nos concitoyens à vivre dans la dignité, à consommer ou à épargner. Alors que les patrons français sont au premier rang des patrons européens les mieux payés, les salariés ne sont qu'au quatorzième. La précarité dans le travail n'est malheureusement pas une lubie inventée par les communistes, c'est le vécu douloureux de celles et ceux qui sont payés en dessous des besoins ou contraints à travailler à temps partiel.

Vos deux lois censées redonner du pouvoir d'achat aux Français n'auront été que de la poudre aux yeux. L'essentiel de vos efforts va à la précarisation du salariat, faisant vôtre l'adage de Mme Parisot, selon qui « si la vie, l'amour sont précaires, pourquoi n'en irait-il pas autant du travail ? ». En un an, votre Gouvernement aura tout fait pour satisfaire à ces exigences, à commencer par les 15 milliards de cadeaux accordés aux plus riches au mois d'août contre le bon sens économique et contre l'intérêt du monde du travail. (Exclamations à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - Accordés aux familles !

M. Guy Fischer.  - Ce projet de loi s'inscrit dans cette triste continuité. Vous partez du postulat idéologique selon lequel il faudrait toujours que les règles protectrices en matière du travail soient amoindries ; vous vantez la capacité du marché à s'autoréguler dès lors que l'État n'intervient plus ou guère. « Déréglementer, privatiser, libérer les échanges, faire respecter le droit de propriété et réduire drastiquement le champ d'intervention de la loi et de l'État au bénéfice du contrat ». Voilà comment, dans Le libéralisme américain, histoire d'un détournement, Alain Laurent décrit la feuille de route d'une économie libérale efficace, l'efficacité se mesurant à l'aune des profits accumulés par quelques-uns. Telle est la ligne directrice de vos gouvernements successifs, et ce projet de loi n'y fait pas exception. Comment ne pas le relier avec le rapport de Virville, qui avait pour objectif de réduire considérablement l'impératif légal au profit du contrat, ou autrement dit, sécuriser encore plus les entreprises ?

Votre recherche perpétuelle du modèle social le plus adapté conduit notre pays à la disparition pure et simple de tout modèle. Hier c'était l'Allemagne et l'Angleterre. Aujourd'hui, c'est le Danemark. Et pourtant, entre ce pays et le nôtre, il n'y a rien de comparable. Près de 30 % des salariés danois changent chaque année d'employeurs, mais cette mobilité est voulue et non subie. La moitié des femmes y travaillent à temps partiel, est-ce cela que vous voulez reproduire en France ? Contraindre les femmes à subir des parcours incomplets, à faire avec la précarité et la misère et à ne percevoir que des retraites amputées ? Jusqu'où irez-vous dans la recherche du modèle le moins protecteur ?

Cette fameuse flexicurité n'est pas l'apanage de M. Sarkozy ; il s'agit de l'un des objectifs de l'Europe libérale et technocratique que vous construisez. Nous nous souvenons du traité constitutionnel européen et de sa fameuse « concurrence, libre et non faussée », ainsi que de la directive Bolkestein. Votre flexicurité est l'un des objectifs de l'Union européenne, que la Commission présentait ainsi en 2007 : « une stratégie intégrée, visant à améliorer simultanément la flexibilité et la sécurité sur le marché du travail ». Si nous comprenons de quoi il s'agit lorsque la Commission fait référence à la flexibilité, qu'entend-elle par la sécurité ? Cela « représente bien plus que l'assurance de garder son emploi. Il s'agit de donner aux individus les compétences qui leur permettent de progresser dans leur vie professionnelle et de les aider à trouver un nouvel emploi ». Selon Henri Houben, docteur en économie et membre d'Attac Bruxelles, « la flexibilité se justifie par l'existence de la mondialisation capitaliste actuelle : pour être compétitive, l'entreprise doit pouvoir s'adapter rapidement aux changements du marché. De fait, cela heurte de plein fouet la possibilité pour les salariés de garder leur poste et affecte leur sécurité d'emploi ».

Les salariés ne savent que trop combien ils sont considérés dans les entreprises comme un coût alors qu'ils participent, par leur force de travail, par leur expérience et par leur volonté, au développement de l'entreprise et de la France. Les tenants de l'économie libérale les considèrent comme une variable d'ajustement sur laquelle on peut rogner sans cesse. Ce ne sont pas les salariés à qui l'on vient d'imposer un chantage odieux entre licenciement et recul social qui nous démentiront !

Ce projet de loi effectue un transfert de sécurité. L'enjeu n'est plus pour vous de protéger collectivement l'emploi, mais d'instaurer une fausse protection individuelle consistant à accompagner la perte d'emploi. C'est sur cela que se base votre flexicurité dont on sait que l'employabilité est le coeur. On ne cherche plus à garantir le droit au travail ni les conditions dans lesquelles le salarié l'effectue, et l'on nie les organisations syndicales. La Conférence européenne des syndicats l'a bien compris : « Réduire la protection contre le licenciement creusera le fossé des inégalités et entraînera une augmentation du nombre d'exclus, tout en étant néfaste pour la performance économique en terme de productivité du marché ».

Selon le « rapport sur les indicateurs clés du marché du travail » rendu par le Bureau international du travail en 2007, la France, grâce à ses salariés et ouvriers, est au troisième rang de la productivité, derrière la Norvège et les États-Unis. C'est à croire qu'ils se trompent, les déclinologues, qui n'ont de cesse de répéter que la trop protectrice législation française ferait fuir les investisseurs et plomberait la productivité !

Je regrette que vous n'ayez pas profité de l'examen de ce projet de loi pour dire à la représentation nationale, comme à tous les Français, quelle conception vous vous faites et du travail et des règles qui doivent lui être associées. Vous répétez des slogans -d'ailleurs contradictoires- alors que vous déconstruisez pas à pas tout ce qui fonde la relation employeur-employé, exception faite du rapport de subordination qui persiste et qui, du fait de l'individualisation des rapports, se renforce.

Il n'y a plus qu'une seule certitude, à la veille de la présidence française de l'Union européenne : « un spectre hante l'Europe », celui du capitalisme financiarisé dont le libéralisme économique est un outil. Hors de cette certitude, les Français ignorent tout de vos projets réels. C'est la raison pour laquelle je vous demande de voter cette question préalable, afin d'obliger le Gouvernement à préciser ce qu'il préfère taire. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Je vois que le chemin reste long avant le consensus ! Deux conceptions s'opposent. D'un côté, ceux qui pensent que la situation internationale nous impose d'aller vers une plus grande flexibilité, compensée par plus de sécurité. De l'autre, ceux qui restent attachés aux méthodes anciennes, fondées sur le rapport de forces et inspirées de la lutte des classes. (Approbation à droite)

Si l'on devait les suivre, nous nous retrouverions demain dans une situation encore plus difficile face à l'ultralibéralisme, faute d'avoir mis en oeuvre cette flexisécurité que pratiquent les pays nordiques et que vous brocardez. Nous sommes une majorité à penser que cette voie doit être explorée ; nous ne pouvons prendre le risque de vous suivre. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État.  - On ne peut pas dire que ce projet de loi ne contiendrait que des certitudes pour les employeurs et des doutes pour les salariés ! En fait, il est juste et équilibré : les indemnités de licenciement, le portage salarial, la réaffirmation du CDD, c'est du certain ! (Mme David en doute)

Le projet de loi doit être regardé dans sa globalité, avec du recul, en prenant en compte l'accord de janvier et aussi les décrets en préparation, dont le texte vous a été communiqué. Bien sûr, ce n'est qu'une première étape, dans un vaste projet qui rend possible la flexibilité, et avec elle la sécurité. (Applaudissements à droite et au centre)

La motion n°56 n'est pas adoptée.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°39 présentée par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des Affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant modernisation du marché du travail (n° 302, 2007-2008).

Mme Raymonde Le Texier.  - (Applaudissements à gauche) Ce texte est la première application du dialogue social instauré par la loi du 31 janvier 2007. A ce titre, nous devrions tous nous en réjouir, et je note d'ailleurs une pléthore de satisfecit de la part du Gouvernement et du patronat. A écouter plus attentivement les différentes réactions, le choeur des célébrations nous est apparu tel qu'il est : très contrasté.

Parlons d'abord du contexte de ce projet de loi. La menace d'un passage en force par le biais d'une loi a constamment planée sur les négociations. Même les représentants des syndicats ayant signé l'accord ont admis l'avoir fait avec la crainte, en cas d'échec, d'une loi plus dure qui imposerait, par exemple, le contrat unique, fantasme du Medef. La menace ne doit pas être un pistolet que l'on pose sur la tempe des partenaires sociaux ! Telle n'est pas, en tout cas, notre conception du dialogue social : notre collègue Christiane Demontès l'a dit avec force.

Le Parlement a pour prérogative d'examiner et de modifier les textes qui lui sont soumis. Ce n'est pas parce qu'un accord interprofessionnel a été trouvé, même avec un équilibre prétendument « délicat », que le Parlement ne doit pas faire son travail. La hiérarchie des normes et des légitimités est claire, qui comporte à son sommet la loi et le suffrage universel. Le Parlement ne doit être ni un moyen de pression ni une chambre d'enregistrement.

Un mot sur le fameux modèle danois auquel ce gouvernement aime se référer. De la flexisécurité danoise, vous n'avez gardé que la plus grande facilité d'embauche et de débauche pour les entreprises. Disparues, les indemnités de chômage jusqu'à 90 % de l'ancien salaire, pendant deux ans, pour les revenus les plus faibles ! Disparus, les importants moyens financiers et humains au service de la formation et de la reconversion des chômeurs. Oubliés aussi, les propos que tenait le ministre de l'emploi danois, M. Frederiksen, il y a quelques semaines : « La seule chose que nous pouvons faire, c'est donc de garantir les revenus. Si nous avions eu ce débat il y a quinze ans, j'aurais eu un discours différent car j'étais alors plus libéral que social. J'aurais dit que l'on ne doit pas avoir d'allocations chômage trop élevées. Maintenant, je pense que si l'on protège les revenus, on donne confiance, et ce point est essentiel. » Peut-être dans quinze ans les membres du Gouvernement regretteront-ils d'être passés à côté de l'essentiel ? Entre temps, les Français auront payé cet aveuglement idéologique. (Vifs applaudissements à gauche)

Venons-en aux raisons qui rendent nécessaire le renvoi en commission. Avant tout, ce texte présente une incohérence constitutive. Comment concilier les articles 1 et 6, la réaffirmation de la prédominance du CDI comme « la forme normale et générale du travail » et la création du nouveau CDD qu'est le contrat de mission ? Vous prônez la stabilité et, dans le même temps, vous mettez en place des outils qui la sapent. Le contrat d'objectif va certainement répondre à la flexibilité d'embauche et de débauche que réclament certains secteurs économiques. Mais, ajoutant de la précarité à la précarité, en quoi va-t-il améliorer la situation de ses bénéficiaires ? En outre, si, pour l'instant, il ne concerne qu'une minorité des actifs et a un caractère expérimental, il y a tout lieu de penser qu'il sera rapidement étendu à d'autres catégories professionnelles. Le 10 avril, le journal Les Échos rapportait que, lors de sa dernière assemblée, l'Association nationale des directeurs de ressources humaines proposait l'extension de ce contrat à l'ensemble des salariés, alors même que le texte n'est pas encore voté !

À cause de ses lacunes et imprécisions, l'article 6 mettant en place ce nouveau contrat précaire pose plusieurs problèmes devant être résolus avant le vote.

D'abord, la question de la date anniversaire à partir de laquelle le contrat peut être rompu. Si le salarié peut être licencié dès le douzième mois, cela ne lui ouvrira des droits aux indemnités chômage que sur douze mois. Par contre, si la rupture du contrat ne peut intervenir avant le dix-huitième mois, cela ouvrira des droits sur vingt-trois mois. Or, douze ou vingt-trois mois de droits au chômage font une grosse différence ! En outre, si la date anniversaire est au douzième mois, y aura-t-il au vingt-quatrième mois une nouvelle opportunité de licenciement ? Mais au regard de ce que vous nous préparez avec la nouvelle convention de chômage, ces interrogations, madame la ministre, doivent vous paraître de luxueuses considérations.

D'autre part, la possibilité de rupture à la date anniversaire offre pour la première fois à l'employeur l'opportunité de mettre fin à un CDD en dehors de la faute grave ou du cas de force majeure. Elle introduit donc une dose supplémentaire de précarité dans des contrats déjà précaires par définition.

Dans la mesure où ces éléments fourniront à la jurisprudence des principes d'appréciation, il importe de clarifier ce que peuvent être « l'événement ou le résultat d'objectif déterminant la fin de la relation contractuelle », formulation générique qui prête le flan à de larges interprétations.

Ce contrat participe à la tendance générale du recul de la primauté de la loi en matière de droit du travail au profit des mesures contractuelles et du droit civil. Au contraire des autres CDD, c'est un accord de branche ou d'entreprise qui fixera ce que vous appelez « les nécessités économiques auxquelles ces contrats sont susceptibles d'apporter une réponse adaptée ». Ce n'est donc plus la loi qui fixera les cas de recours !

Enfin, pour restreindre le champ d'application de ce CDD et empêcher qu'il soit un moyen d'embaucher et de débaucher à volonté, l'ANI précise que ce contrat ne peut être utilisé pour faire face à un accroissement temporaire d'activité. Pourquoi cette disposition de l'ANI n'est-elle pas reprise dans le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui ? Peut-être parce qu'il s'agit seulement, dans votre esprit, d'un contrat précaire de plus.

Tous ces points méritent d'être précisés dans le cadre d'un renvoi en commission. Mais il serait également nécessaire que la commission considère la dimension humaine de ce projet de loi. A peine le CNE abrogé, vous créez un nouveau CDD qui, comme tous les contrats précaires, interdit aux salariés l'accès au crédit immobilier, aucune banque ne prêtant aux travailleurs en CDD. Le problème pour les locations est le même : quel propriétaire accepte de louer son bien à une personne dont les revenus doivent s'arrêter ? A-t-on bien mesuré l'impact que ces dispositions vont avoir dans la vie personnelle de ces salariés soumis sans arrêt à des fins de contrats et ne sachant jamais de quoi demain sera fait ? On voit bien quel intérêt l'employeur a à embaucher sur contrat d'objectif, mais quel est l'intérêt du salarié ? Il est vrai que rester à la recherche d'un emploi pendant des mois rend moins regardant sur la qualité du contrat qu'on finit par se voir proposer...

Passons à une autre disposition phare de ce projet, la rupture conventionnelle que d'aucuns nomment « séparation à l'amiable ». Cette expression empruntée au registre des relations de couple m'a d'abord semblé inappropriée. Elle est au contraire éclairante : dans un couple qui se sépare d'un commun accord, nous savons que l'un des deux est toujours « plus d'accord » que l'autre ! Dans notre cas, l'employeur sera assurément celui-là puisqu'il gardera, pour ainsi dire, l'appartement, les meubles et la voiture, quand le salarié ne conservera que ses cliques, ses claques et une indemnité de chômage obtenue grâce à un amendement du groupe socialiste de l'Assemblée nationale rétablissant ce qui avait été négocié dans l'ANI mais oublié dans la loi !

Vous montrez votre incompréhension fondamentale de la nature de la relation de travail en ignorant délibérément la persistance du rapport de subordination entre le salarié et l'employeur.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Exactement !

Mme Raymonde Le Texier.  - La rupture conventionnelle pourrait d'ailleurs relever du droit international du licenciement. La convention 158 de l'organisation internationale du travail souligne que « le terme de licenciement signifie la cessation de relation de travail à l'initiative de l'employeur. » Or, comme l'a expliqué Emmanuel Dockes dans la revue Droit Social, la rupture conventionnelle à l'initiative de l'employeur s'apparentera sans équivoque à un licenciement. On doit donc s'attendre à ce que ce texte soit, comme le CNE, condamné par l'OIT.

Confrontée à la réalité, la « séparation à l'amiable » se révélera profondément inégalitaire. Comment un employé souhaitant initier une rupture conventionnelle pourra-t-il convaincre l'entreprise de l'accepter alors que cela engendrera pour celle-ci un coût financier ? A l'inverse, une entreprise souhaitant se séparer d'employés aura tout loisir de faire comprendre au salarié où est son intérêt. L'absence de motif pour justifier cette rupture de la relation de travail, licenciement qui ne dit pas son nom, est une dérive préoccupante : elle offre aux entreprises la capacité de contourner la loi sur le licenciement, encore une fois par le biais d'une disposition d'ordre contractuel. Ainsi, nous sortons peu à peu le droit du travail du champ de la loi pour le livrer aux aléas et déséquilibres du droit civil. Ce n'est pas pour rien que, depuis des générations, nous avons institué et développé un code du travail dissocié du droit civil. De ce point de vue, les « garanties » prévues par le texte sont tout à fait insuffisantes pour rééquilibrer le rapport de force faussant le principe même de cette rupture. Ainsi, le délai excessivement restreint de quinze jours pour le traitement du dossier et l'absence d'un représentant de la Direction départementale du travail lors de la signature de la convention de rupture rendent uniquement formelle et tout à fait insuffisante l'homologation de celle-ci. Pour les entreprises, l'intérêt essentiel de cette rupture conventionnelle est de limiter la judiciarisation des ruptures de contrats. Quant aux salariés, ils seront une fois de plus les dindons de la farce.

J'en viens à la question des périodes d'essai. On est obligé de s'interroger sur ce qui peut justifier des périodes d'essai aussi longues, pouvant atteindre huit mois.

On ne peut s'empêcher de noter la concomitance entre la disparition du CNE, condamné par l'OIT notamment en raison de sa période d'essai de deux ans, et la volonté d'instaurer ces nouvelles périodes d'essai. S'agit-il d'une compensation ? D'une solution de secours permettant aux employeurs de disposer encore d'une longue période pendant laquelle il leur est possible de licencier un salarié sans avoir à motiver ce licenciement ? Cela y ressemble. Car enfin, tous ceux qui ont travaillé en entreprise savent bien qu'un bon recruteur sait en quelques jours, quelques semaines dans certains cas, si sa nouvelle recrue est à la hauteur. Ces longues périodes de précarité tolérée, disproportionnées par rapport à leur objectif d'évaluation du salarié, n'ont pas lieu d'être. Jusqu'ici les périodes d'essai dépendaient uniquement des conventions collectives de branche. Pourquoi ce passage en force ? De même, les accords de branches antérieurs prévoyant des périodes d'essai plus courtes que celles définies à l'article 2 devront se conformer à la loi d'ici le 30 juin 2009, tandis que les périodes d'essais plus longues pourront demeurer en vigueur ad vitam æternam. C'est un flagrant délit de manipulation !

L'article 4 consacre que « tout licenciement -pour motif personnel ou économique- doit être fondé sur un motif réel et sérieux qui doit être porté à la connaissance du salarié » comme l'exige l'OIT. Pourtant, les principales dispositions de ce texte disent le contraire et facilitent les licenciements. Les CDD à objet défini offrent pour la première fois à l'employeur, à la date anniversaire, la possibilité de licencier le salarié même s'il n'y a pas faute grave ou cas de force majeure. Les licenciements déguisés de la rupture conventionnelle se feront sans motif. Les périodes d'essai, pouvant aller jusqu'à huit mois changent de nature et se transforment en ersatz des défunts CNE.

L'objectif de ce projet de loi est, au mieux le contournement, au pire la destruction des barrières législatives encadrant le licenciement, et les salariés se trouvent pris en otage par votre incapacité à sortir d'une pensée unique : la sacro-sainte flexibilité comme panacée aux problèmes d'emplois. Les partenaires sociaux ont considéré cette négociation comme l'occasion de mieux contrôler les dysfonctionnements dont ils sont témoins. Ils ont surtout été sensibles à vos pressions. Ils vous connaissent bien, ils savent que vous pouvez faire pire. (Approbations à gauche) Il suffit d'entendre, à propos de ce texte, les commentaires des parlementaires les plus libéraux.... Ce texte est plus flexible pour le patronat que sécurisant pour les salariés, et l'équilibre annoncé est un leurre. La démocratie sociale doit être une avancée, pas un marché de dupes !

Pour clarifier les zones d'ombres que nous avons mises en évidence, nous demandons le renvoi de ce texte en commission. (Applaudissements à gauche)

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Vous venez de prononcer un bel éloge de la rigidité. Or nous sommes venus la fluidifier. De plus, nous avons beaucoup travaillé en commission et reçu tous les signataires de l'accord national. Que penseraient-ils de ce renvoi ? Ils se demanderaient à quoi ils servent ! Nous avons aussi reçu la CGT, laquelle nous a avoué que, même si elle avait obtenu satisfaction, elle n'aurait pas signé... J'ai personnellement reçu des avocats, des représentants du portage salarial et de l'intérim. Vous évoquez d'éminents professeurs de faculté que nous n'aurions pas reçus. Mais nous les avons lus dans diverses revues et constaté que leurs appréciations étaient diverses !

Je ne vois donc pas ce que nous apporterait de prolonger la discussion en commission. Cela aurait pour seul effet de nous priver de la possibilité de répondre, amendement après amendement, à tous les arguments que vous venez de présenter. Avis défavorable. (Applaudissements à droite)

La motion n°39 n'est pas adoptée.

M. Nicolas About, président de la commission.  - La commission va se réunir tout de suite pour examiner les amendements.

M. Daniel Raoul.  - Salle Gaveau ? (Rires)

La séance est suspendue à 18 h 55.

présidence de M. Adrien Gouteyron,vice-président

La séance reprend à 21 h 40.

Discussion des articles

Article premier

I. - L'article L. 1221-2 du code du travail est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Le contrat de travail à durée indéterminée est la forme normale et générale de la relation de travail. » ;

2° Dans le dernier alinéa, les mots : « il peut » sont remplacés par les mots : « le contrat de travail peut ».

II. - Le livre III de la deuxième partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 2313-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En l'absence de comité d'entreprise, l'employeur informe les délégués du personnel, une fois par an, des éléments qui l'ont conduit à faire appel au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire. » ;

2° Après le premier alinéa de l'article L. 2323-47, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À cette occasion, l'employeur informe le comité d'entreprise des éléments qui l'ont conduit à faire appel au titre de l'année écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour l'année à venir, à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire. » ;

3° L'article L. 2323-51 est complété par un 3° ainsi rédigé :

« 3° Des éléments qui l'ont conduit à faire appel au titre de la période écoulée, et qui pourraient le conduire à faire appel pour la période à venir, à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire. »

Mme Annie David.  - Selon l'adage, les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Or ce texte les multiplie, plutôt que de s'en tenir à cette fonction essentielle de la loi, d'énoncer les règles nécessaires au vivre ensemble, dont l'État a charge ensuite de garantir l'application.

Cet article relève typiquement de la déclaration de principes en faisant prétendument du CDI la norme de l'emploi. Or le CDI ne concerne qu'un peu plus d'un salarié sur deux. En fait, depuis les années 1960, l'emploi à durée indéterminé ne cesse de reculer, alors qu'il est une protection du salarié dans cette relation de subordination envers l'employeur où le place le contrat de travail. L'entreprise, en revanche, n'a cessé d'exiger toujours plus d'autonomie du salarié, de le rendre responsable personnellement des résultats de gestion, ceci sans rien changer à la subordination. L'employeur culpabilise toujours plus le salarié, tout en lui reconnaissant de moins en moins de droits.

La législation protectrice, qui devait mobiliser pour l'emploi, selon le rapport Virville, ne fait qu'aider les employeurs à contourner la règle générale, en même temps que la sous-traitance, voire la co-traitance, se généralise. Depuis la loi Madelin de 1994, les entreprises ont toute liberté d'externaliser leur production ; qu'une crise, une mutation comme vous dites, survienne, les commandes au sous-traitant cessent immédiatement et les salariés sont aussitôt licenciés.

Le Gouvernement prétend vouloir protéger les salariés, mais il refuse tout moyen d'agir dans ce sens. Dans la loi de financement pour 2008, il a ainsi écarté toute modulation des cotisations sociales patronales selon la stabilité du travail, alors que cela se pratique aux États-Unis. De même, il reste sourd aux propositions de limiter le recours aux contrats atypiques de travail ou de renforcer le rôle des délégués et des représentants du personnel dans le contrôle et la gestion des entreprises.

Nous nous inscrivons en faux contre votre conception libérale exigeant toujours plus de souplesse des travailleurs. Nous proposerons de protéger le CDI, valeur centrale du travail, de limiter ce transfert du risque d'entreprendre sur les salariés eux-mêmes et de renforcer la démocratie sociale !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Le Gouvernement et la majorité nous disent que cette loi serait nécessaire et qu'elle devrait rester inchangée parce que son texte est issu d'un accord entre partenaires sociaux. Mais cet accord nous vient d'une négociation particulièrement contrainte !

La négociation n'a pas été voulue par la partie ouvrière mais convoquée par le seul Gouvernement ; et conduite selon les axes définis par une note gouvernementale ; c'est le Président de la République qui en a annoncé les conclusions... à l'université d'été du Medef ! Je songe à cet aphorisme, « Donne-moi ta montre, je te donnerai l'heure ». (M. Bécot proteste)

Je le dis à haute voix ici : dans les couloirs, dans la coulisse, pas un de nos interlocuteurs n'a évoqué un bon accord, une bonne contrepartie. Ils ont signé par peur du pire. Cela s'appelle un chantage, non une négociation.

Le Parlement quant à lui ne saurait être une chambre d'enregistrement des accords conclus ailleurs.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Très bien !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - L'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers même si ceux-ci ont fait l'objet d'un arbitrage raisonné. Le Parlement représente la société tout entière, il doit dire ce qui lui semble juste pour elle, car dans des relations de travail, le salarié cesse d'être un citoyen pour entrer dans un rapport de subordination. Il devient alors, selon le terme de Jaurès, un sujet.

J'en viens à l'hypocrisie de ce document : le CDI est ici présenté comme la forme de référence, mais il est nié dans tous les articles suivants !

M. Guy Fischer.  - Oui ! Il y a là un mensonge.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Le nombre de CDI va augmenter par rapport à celui des CDD. Mais la période d'essai moyenne sera supérieure à la durée d'un CDD traditionnel. On embauchera demain en CDI... afin de se débarrasser plus facilement du salarié ensuite.

Rupture par consentement mutuel : quelle affreuse formule ! Quelle référence indigne au couple ! Les relations de travail ne sont ni affectives ni familiales mais conventionnelles. On échange une marchandise contre une autre, du travail contre un salaire. Comment le consentement pourrait-il être réel et sincère ?

Et que chacun réfléchisse bien avant de se prononcer sur le contrat de mission. Sous couleur de progrès, on restaure le travail à la tâche, s'agissant en outre du travail hautement qualifié. C'est une négation de tous les efforts consentis pendant si longtemps par notre société pour éduquer ses citoyens. Nous voilà à rebours de la tendance historique. Il n'est pas raisonnable dans une société développée d'aggraver la précarité, de négliger le besoin de relations sociales stables, de relations hiérarchiques saines, épargnées par la menace constante du licenciement.

Lors de la discussion générale, vous avez été bien en peine de nous dire en quoi ce texte est favorable aux salariés, car face à la flexibilité accrue, pas de sécurité supplémentaire. Je ne vois qu'un nouvel habillage, un rapport de force léonin, une prébende prélevée sur le dos des travailleurs après votre victoire politique.

N'invoquez nulle contrainte extérieure, nul marché mondial : nous sommes ici dans la liberté des relations de travail en France, pays de productions à haute valeur ajoutée. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Amendement n°57, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit le second alinéa du 1° du I de cet article :

« Le contrat de travail est conclu pour une durée indéterminée et à temps plein. »

M. Guy Fischer.  - Nous sommes très opposés à ce projet. Mais nous choisissons de défendre des amendements pour l'améliorer. Certes, un accord a été signé, mais nombreux sont les travailleurs, les syndicalistes, y compris dans les rangs des organisations signataires, qui attendent de nous ces améliorations.

Le stratagème du Gouvernement a consisté à insérer une référence à la forme normale et générale pour mieux ensuite autoriser les contrats atypiques. C'est un subterfuge. Le temps dira qui a raison et qui se trouve dans un rapport de faiblesse.

M. le président.  - Amendement n°58, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Dans le second alinéa du 1° du I de cet article, après le mot :

indéterminée

insérer les mots :

et à temps plein

M. Guy Fischer.  - Amendement de repli. Les emplois à temps partiel se multiplient, la précarité explose. C'est un véritable trompe l'oeil : statistiquement, le RSA va faire chuter le nombre des allocataires de minima sociaux ; et les contrats atypiques, vont faire diminuer celui des chômeurs. Le temps partiel est devenu un mode de gestion banal. Mais les salariés qui le subissent, souvent femmes ou handicapés, vivent dans des conditions très difficiles, avec 700 ou 800 euros par mois : nous ne voulons pas que cela devienne la norme.

M. le président.  - Amendement n°41, identique au n°58, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

M. Jacques Muller.  - Le travail à temps partiel, celui des femmes en particulier, dans la grande distribution, le nettoyage, les services à la personne, suscite de grandes déclarations, des lamentations répétées ; mais rien n'est fait concrètement pour ceux qui en sont victimes !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Défavorable à ces précisions qui ne figurent pas dans l'accord. Le temps partiel n'est pas toujours subi. N'écartons pas les intéressés du marché du travail.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis, pour les mêmes raisons.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Je ne comprends pas ces réponses. Les précisions présentées n'excluent pas le temps partiel, elles donnent toute sa force à la formule. Vos objections ne seraient-elles pas de principe ?

Mme Annie David.  - Que les précisions ne figurent pas dans l'accord ne les disqualifie pas ; le Parlement se prononce dans l'intérêt général, qui dépasse un accord interprofessionnel. La réponse du rapporteur était...

M. Jacques Muller.  - Hors sujet !

Mme Annie David.  - Exactement.

Les amendements identiques n°s51 et 57 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer le II de cet article.

Mme Annie David.  - Ces dispositions relatives au dialogue social dans les entreprises ne comportent aucune avancée par rapport au droit existant, qui impose à l'employeur d'informer le comité d'entreprise sur le nombre de salariés employés en CDD, sur le motif de ces emplois et le nombre de journées travaillées depuis la dernière communication.

Ce que vous proposez est éloigné d'une information sur les emplois atypiques, pour ne pas dire précaires.

M. le président.  - Amendement n°25, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Au début du second alinéa du 1° du II de cet article, supprimer les mots :

En l'absence de comité d'entreprise,

Mme Christiane Demontès.  - Lorsqu'une entreprise comporte plusieurs établissements, chacun n'est pas nécessairement doté d'un comité d'entreprise. Dans cette hypothèse, les délégués du personnel de chaque établissement doivent être informés sur le recours aux emplois précaires.

Le recours à ce type d'emploi se justifie par l'existence d'un surcroît temporaire d'activité, ce qui peut le mieux s'apprécier au plus près de la production.

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

I. - Dans le second alinéa du 1° du II de cet article, remplacer le mot :

éléments

par le mot :

motifs

II. - En conséquence, procéder à la même substitution dans les seconds alinéas du 2° et du 3° de cet article.

M. Guy Fischer.  - Il serait étonnant qu'un employeur s'explique sur les « éléments » du recours à l'emploi atypique, non sur ses motifs. En ce domaine, nous contestons que l'employeur soit contraint de développer l'emploi précaire.

Les articles L.2323-6 et L.2323-53 du code du travail utilisent le terme « motifs » dans un contexte analogue.

La précarisation de l'emploi est au coeur des préoccupations des Français, surtout des plus jeunes, même diplômés, inquiets pour leur avenir..

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Dans les 1°, 2° et 3° du II de cet article, remplacer les mots :

à des contrats de travail à durée déterminée et à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire

par les mots :

à des contrats de travail à durée déterminée, à des contrats de mission conclus avec une entreprise de travail temporaire ou à des contrats conclus avec une société de portage salarial

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Il convient d'informer les délégués du personnel sur le portage salarial.

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Dans le second alinéa du 1° du II de cet article, après le mot :

déterminée

insérer les mots :

ou à temps partiel, à des contrats aidés non comptabilisés dans l'effectif, à des contrats de stage

M. Jacques Muller.  - Alors que la récente recodification du code du travail tendait à le rendre plus lisible, je regrette que le dispositif ajouté par ce projet de loi introduise un régime spécifique et restreint pour l'information du comité d'entreprise aux emplois en CDD ou en intérim. Je rappelle qu'actuellement les délégués du personnel peuvent prendre connaissance des contrats signés, ce qui est clair.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter le second alinéa du 1° du II de cet article par les mots :

, des contrats d'accompagnement dans l'emploi, des contrats d'avenir, des contrats insertion revenu minimum d'activité et des contrats initiative emploi

Amendement n°63, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter le second alinéa du 2° du II de cet article par les mots :

, des contrats d'accompagnement dans l'emploi, des contrats d'avenir, des contrats insertion revenu minimum d'activité et des contrats initiative emploi

Mme Annie David.  - Cette simple reprise des dispositions en vigueur améliorerait l'information du comité d'entreprise.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit le second alinéa du 2° du II de cet article :

« À cette occasion, l'employeur consulte le comité d'entreprise sur le recours pour l'année et pour celle à venir aux contrats de travail à durée déterminée et aux contrats de missions conclus ou à conclure avec une entreprise de travail temporaire. » ;

M. Guy Fischer.  - Nous voulons améliorer le dialogue social, alors que ce texte profondément déséquilibré assoit la domination du patronat sur les salariés.

Afin de réduire le recours à l'emploi précaire, nous proposons que l'employeur soit tenu de consulter le comité d'entreprise sur le recours aux contrats atypiques.

J'observe à ce propos que le développement de l'emploi précaire n'est pas l'apanage des entreprises : une évolution analogue se dessine au niveau des collectivités territoriales, avec des contrats qui ne construisent pas l'avenir.

Notre amendement rencontre un large écho dans le monde syndical, où l'on souhaite conforter le comité d'entreprise, actuellement réduit à peu de choses face à l'assemblée générale des actionnaires. (Mouvement divers à droite) Nous sommes loin du modèle suédois, que vous présentez comme l'exemple à suivre. Notre amendement s'en approche.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - La commission est défavorable à l'amendement n°59, car le projet de loi ne réduit aucunement l'obligation de consulter le comité d'entreprise, dont l'information est par ailleurs accrue.

L'amendement n°25 n'apportant rien, j'en propose le retrait ou le rejet.

A propos de l'amendement n°60, j'observe que le terme « éléments » est plus large que « motifs », bien que ce dernier soit juridiquement plus précis. En fonction de ce que dira le Gouvernement, la commission pourrait s'en remettre à la sagesse du Sénat.

L'amendement n°42 élargit à l'excès l'obligation d'information à la charge de l'employeur, puisque les stagiaires ne sont pas titulaires d'un contrat de travail et que le temps partiel n'est pas assimilable à un contrat précaire. Les contrats aidés sont des contrats à durée déterminée, qui sont couverts par l'obligation d'information.

Avis défavorable aussi à l'amendement n°61car tous les CDD sont couverts par l'obligation d'information : inutile d'alourdir la rédaction. Même commentaire pour l'amendement n°63 et même avis pour l'amendement n°62, les partenaires sociaux ayant opté pour une information du comité d'entreprise et non pour sa consultation.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis défavorable aux amendements. Nous préférons « éléments » à « motifs » : cela est plus conforme à l'accord intervenu entre les partenaires sociaux. Avis favorable à l'amendement n°1.

L'amendement n°59 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°25.

Mme Annie David.  - Je regrette la réponse du ministre : le rapporteur avait trouvé notre amendement intéressant car conforme à la jurisprudence. Le ministre veut en rester aux termes de l'ANI mais, puisqu'il s'agit de lui donner valeur législative, le législateur doit veiller au respect du caractère de la loi. Combien de fois n'a-t-on pas repoussé nos propositions ou refusé un « notamment » en arguant que la rédaction manquait de rigueur juridique ? Je déplore que le ministre ne souhaite pas donner toute sa force à la loi et j'espère que nous n'aurons pas à y revenir d'ici quelques semaines.

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

L'amendement n°1 est adopté ; l'amendement n°42 devient sans objet.

Mme Annie David.  - J'ai bien entendu les avis du rapporteur, mais j'aurais aimé que le ministre confirme que les contrats précaires visés par nos amendements n°s61 et 63 sont bien inclus.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Oui, c'est le cas.

Les amendements n°s61 et 63 sont retirés.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Merci de votre confiance. (Sourires)

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À compter du 1er juillet 2008, les établissements de toute nature ne relevant pas d'un accord conventionnel agréé en matière de travail précaire, employant au moins onze salariés et dont le nombre total de salariés occupés par un contrat de travail autre qu'un contrat à durée indéterminée à temps plein, hormis les travailleurs saisonniers, ou mis à disposition par une entreprise de travail temporaire ou travaillant dans les locaux de l'établissement pour le compte d'une entreprise sous-traitante ou avec un statut de travailleur indépendant, excède 10 % de l'effectif total de l'établissement, durant une année civile, sont assujettis à une taxe de précarité, perçue au profit du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, assise sur l'ensemble des rémunérations brutes, indemnités et prestations de toute nature, payées aux salariés susmentionnés ou aux entreprises dont ils relèvent durant ladite année. Le taux de cette taxe est fixé à 5 %.

M. Jacques Muller.  - Une taxe de précarité encouragerait les entreprises à recourir au CDI dont l'accord national interprofessionnel dit qu'il est la forme normale et générale du contrat de travail. Cet amendement limiterait le recours au travail précaire. A l'Assemblée nationale, on a rétorqué à Mme Billard qu'il n'avait pas de rapport avec l'accord national mais il est justifié par la situation du marché du travail. Face au dévoiement du CDD, il rétablirait l'équilibre au profit des entreprises citoyennes, qui ne vivent pas sur le dos des autres entreprises. Il ne cède pas au tout impôt et lors des débats à l'Assemblée nationale, le député Nouveau Centre Francis Vercammer a approuvé que plus on recoure au CDD et plus on contribue à la solidarité publique. Il faut en effet dépasser les clivages politiques et adopter une attitude constructive pour protéger le CDI contre le dumping social.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Avis défavorable à la création d'une taxe nouvelle qui s'écarterait totalement du dispositif de l'accord et qui irait à l'encontre de l'allégement des charges des entreprises. Enfin, le chiffre de 10 % est arbitraire.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Voilà une occasion profitable d'essayer de connaître l'analyse du Gouvernement sur l'explosion du nombre de ces contrats qu'on n'ose plus dire atypiques. A l'époque de la création du CDD, on nous l'avait présenté, la main sur le coeur, comme un instrument de souplesse pour répondre à un coup d'accordéon de la production. Mais notre économie connaît-elle de tels mouvements que 6 % des actifs soient employés sous CDD et qu'il s'en soit créé 300 000 depuis quatre ans ? J'ai posé la question par écrit à plusieurs reprises au ministre délégué en charge des relations sociales, et encore le 20 décembre 2006, mais sans recevoir de réponse. Le phénomène n'a-t-il donc pas d'explication ? La plus facile ne me satisfait pas : les employeurs auraient-ils l'intention de dévoyer ce contrat ? Sans doute peut-on relever des signes : en janvier 2008, Peugeot, qui n'est pas un traîne-patins, a été condamné pour la 150e fois pour recours abusif au CDD. Le mois d'avant, Cofiroute avait été condamnée pour la 12e fois. La Poste, oui, La Poste a été condamnée : un employé avait enchaîné 700 CDD pendant treize ans et un autre 283 pendant trente ans... N'y a-t-il pas abus constamment répété et veut-on y remédier ?

Cet amendement semble correspondre à votre logique du bonus-malus. Il serait moral d'inciter à la retenue celui qui abuse des contrats qu'on disait jadis « atypiques », et qui sont devenus si fréquents, car la société tout entière doit en supporter les conséquences dans la vie quotidienne des salariés précaires.

Le mouvement socialiste a beaucoup réfléchi à cette question, et notre programme proposait de moduler les cotisations sociales -abusivement qualifiées de « charges » alors qu'il s'agit de contributions versées dans l'intérêt général- en fonction de l'importance du recours à certaines formes de contrat de travail.

Monsieur le ministre, nous souhaiterions connaître les raisons pour lesquelles, pour l'instant en tout cas, vous entendez ne rien faire.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Monsieur le ministre Mélenchon, je ne voudrais pas faire de retour en arrière imprudent, mais les contrats intérimaires ne sont-ils pas nés en 1982, quand la gauche était au pouvoir ?

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Vérifiez-le ; vous m'avez déjà objecté un bobard.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - La gauche au pouvoir en 1982, c'est un bobard ? Je vous laisse la paternité du propos.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Ce n'est pas ce que je voulais dire ! Respectez mes opinions et mes arguments.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je les respecte, et je vous permets de m'interrompre.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Le bobard se réfère à une discussion que j'ai eue avec vous, dans cet hémicycle, sur le service minimum. Vous aviez alors affirmé, sur le même ton comminatoire que vous employez aujourd'hui, qu'en 1982 la gauche avait instauré les retenues sur salaire pour les jours de grève et en tiriez la conclusion que vous pouviez prolonger le processus. Vérification faite, la gauche avait changé l'article qui prévoyait que, pour une heure de grève, la pénalisation s'appliquait à la journée entière. Nous n'avons reçu aucune excuse pour cette affirmation erronée : vous n'êtes désormais plus crédible. (On s'offusque à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous me faites un procès d'intention car vous ne m'avez pas laissé finir ma phrase. Cet ajout a bien été fait sous un gouvernement de gauche, nous aurions pu en débattre plus longuement si vous m'y aviez invité. Quant au CDD, il a été créé en 1990, sous François Mitterrand. Si l'on fait une recherche en paternité, c'est bien souvent la gauche qui a créé des emplois précaires ! (Applaudissements à droite. M. Jean-Luc Mélenchon proteste)

M. Jacques Muller.  - Nous ne nous positionnons pas pour ou contre les CDD, mais contre leur dévoiement.

Article 2

I. - Le chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Période d'essai

« Art. L. 1221-19. - Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d'essai dont la durée maximale est :

« 1° Pour les ouvriers et les employés de deux mois ;

« 2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens de trois mois ;

« 3° Pour les cadres de quatre mois.

« Art. L. 1221-19-1. - La période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

« Art. L. 1221-20. - La période d'essai ne peut être renouvelée qu'une fois et que si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.

« La durée de la période d'essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :

« 1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;

« 2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

« 3° Huit mois pour les cadres.

« Art. L. 1221-21. - Les durées des périodes d'essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-20 ont un caractère impératif à l'exception :

« - de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n°           du                    portant modernisation du marché du travail ;

« - de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n°          du                   portant modernisation du marché du travail ;

« - de durées plus courtes fixées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

« Art. L. 1221-22. - La période d'essai ne se présume pas. Elle est expressément stipulée dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

« Art. L. 1221-23. - En cas d'embauche dans l'entreprise à l'issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études, la durée de ce stage  est déduite de la période d'essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables.

« Art. L. 1221-24. - Lorsqu'il est mis fin, par l'employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d'essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :

« 1° Quarante-huit heures au cours du premier mois de présence ;

« 2° Deux semaines après un mois de présence ;

« 3° Un mois après trois mois de présence.

« La période d'essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.

« Art. L. 1221-25. - Lorsqu'il est mis fin à la période d'essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. »

II. - Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1221-21 du code du travail, les stipulations des accords de branche conclus avant la publication de la présente loi et fixant des durées d'essai plus courtes que celles fixées par l'article L. 1221-19 restent en vigueur jusqu'au 30 juin 2009.

Mme Annie David.  - M. Muller a raison de préciser qu'il n'est pas question de rechercher la paternité du CDD, mais d'en empêcher la prolifération. Pour aller au bout de ce débat, il nous faut rester sereins et respecter les opinions de chacun.

Une fois n'est pas coutume, je voudrais saluer la sagesse de nos collègues députés qui ont accepté un amendement déposé par le groupe Gauche démocrate et républicaine et défendu par notre collègue Roland Muzeau, précisant la finalité de la période d'essai. Cet ajout correspond à la définition donnée à la période d'essai par l'accord national interprofessionnel. Curieusement, cette disposition n'avait pas été transposée dans le projet de loi alors que le Gouvernement prétendait reprendre l'intégralité de l'accord. Le rapporteur à l'Assemblée nationale avait même invité les législateurs à ne pas l'amender pour respecter le dialogue social. Pour notre collègue Pierre Bernard-Reymond, plus mesuré, « il convient de trouver la voie étroite qui concilie le respect de l'accord des partenaires sociaux et celui des responsabilités du législateur ». Cet oubli ne s'explique-t-il pas par le fait que la définition de la période d'essai donne au salarié la possibilité de faire valoir ses droits ?

Malgré l'adoption de cet amendement, cet article accroîtra considérablement la durée des périodes d'essai : entre deux et quatre mois pour les ouvriers et employés, entre trois et six mois pour les agents de maîtrise et les techniciens et entre quatre et huit mois pour les cadres, période de renouvellement comprise. Cette disposition est l'un des compromis imposés aux partenaires sociaux en compensation de la suppression du CNE, auquel le patronat était très attaché car il autorisait le licenciement sans motivation et permettait de disposer d'un salarié plus corvéable. Avec cet article, vous donnez satisfaction au Medef ou encore à la CGPME.

Je ne partage naturellement pas l'avis du rapporteur, qui considère que l'allongement de la période d'essai aiderait à combattre le recours au CDD ou à l'intérim, à moins que cela ne se fasse aux dépens des salariés en période d'essai, l'employeur pouvant jouer avec le renouvellement et la multiplication des contrats pour s'exonérer des règles applicables en matière de licenciement. En revanche, nous sommes d'accord avec le rapporteur lorsqu'il préconise d'instaurer, en faveur des CDD, un délai de prévenance différent suivant la période déjà effectuée. Nous restons toutefois opposés à sa volonté d'en réduire la durée ainsi qu'aux principes dérogatoires selon lesquels les conventions collectives et les accords de branche prévoyant des périodes d'essai plus courtes que celles prévues par la loi ne devraient plus s'appliquer, contrairement à celles prévoyant des durées plus longues, jusqu'à la conclusion d'une nouvelle convention. Cette mesure s'explique peut-être par votre volonté de favoriser le dialogue social en renvoyant à plus tard une mesure favorable aux salariés... Il est vrai qu'il ne faut pas trop en demander au patronat, au risque de le contrarier et de susciter des délocalisations ! Si une harmonisation des périodes d'essai s'imposait, pourquoi la faire dans le sens d'un recul pour les salariés ? Pourquoi ne l'avez-vous pas envisagée en respectant les branches professionnelles, ce qui aurait donné du sens à la « valeur travail » que défend votre gouvernement ?

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Monsieur le ministre, pour la qualité de notre débat, nous devons apprendre à nous respecter. (On s'esclaffe à droite) Je respecte pour ma part les arguments de mes collègues de la partie droite de l'hémicycle et ne leur attribue pas des pensées qui ne sont pas les leurs. Il est inacceptable de faire autrement, ou la discussion tourne au pugilat.

Si le CDD est une invention de la gauche et crée de la précarité, alors supprimez-le. Vous ne le faites pas car il correspond à des besoins. Et nous savons qu'un remède, employé à la bonne dose, conduit à la guérison, mais peut être fatal à haute dose. Il en est de même des CDD.

Avec l'article 2, ce n'est pas la gauche qui augmente la précarité. Personne ne se risque ici à expliquer en quoi l'allongement de la période d'essai améliorerait la qualité de la production et augmenterait la qualification des travailleurs français. On facilite surtout la possibilité de licencier les salariés. Faudrait-il quatre mois pour juger du travail d'une caissière ou d'un employé de service ? Un professionnel le sait au bout d'une semaine.

Mme Catherine Procaccia.  - C'est un peu court !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - En tout cas un ou deux mois suffisent largement. Jusqu'ici cette durée relevait de la négociation ; désormais, la loi conforte les périodes d'essai les plus longues et supprime les plus courtes. Est-ce cela la flexibilité, la flexisécurité ? Pour les travailleurs, il ne s'agit que d'insécurité.

M. Alain Vasselle.  - Allez voir en entreprise comment ça se passe !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Donnez-moi la raison de cet arrangement et expliquez-moi pourquoi les clauses les plus avantageuses pour les travailleurs sont supprimées. En quoi l'allongement des périodes d'essai serait-il justifié par l'intérêt de la production et par la qualité du travail ? L'économie française se portait-elle si mal du fait des règles régissant les périodes d'essai jusqu'à aujourd'hui ?

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Supprimer cet article.

M. Jacques Muller.  - L'article 2 inscrit dans la loi les dispositions figurant actuellement dans les accords de branche. La plupart prévoient une période d'essai d'un mois pour les ouvriers ou les employés non qualifiés et de deux mois pour les employés qualifiés, selon une classification prévue par chaque accord. Les différences entre les métiers expliquent les variations de la durée de la période d'essai.

La majorité présidentielle n'est-elle pas la première à défendre l'adaptation de la loi aux spécificités des métiers ? Pourtant, on assiste ici à un rallongement de la durée de la période d'essai bien éloigné des réalités du terrain et qui s'inscrit dans une logique de massification.

Le Conseil d'État a proposé de supprimer les planchers et de ne retenir que des maxima. Si l'on parle de maxima, c'est qu'il peut y avoir des durées inférieures, mais l'alinéa 26 précise que les accords de branche qui fixent des durées d'essai plus courtes seront caducs le 30 juin 2009 ! Le Gouvernement n'a-t-il pas l'intention évidente de faire disparaître les durées d'essai les plus courtes et d'imposer les durées maximales pour l'ensemble des salariés ? L'ANI proposait d'augmenter la durée d'un mois pour chaque catégorie mais il semble que l'alignement des périodes d'essai sur les durées maximales soit le but poursuivi, non pas par les confédérations syndicales de salariés mais par le Medef, qui se bat depuis longtemps pour l'obtenir. Faute d'avoir pu imposer le CPE et d'avoir pu maintenir le CNE, le Gouvernement offre au patronat un dispositif relativement proche : la possibilité d'une séparation sans motif sur la durée la plus longue possible.

M. le président.  - Amendement identique n°64, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Mme Annie David.  - Cet article augmente considérablement la durée des périodes d'essai : pour un salarié, la période d'essai passerait de deux à quatre mois pour les ouvriers et les employés, de trois à six mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, et de quatre à huit mois pour les cadres. Avec ces durées excessives, vous précarisez encore plus les salariés, afin d'éviter le plus longtemps possible l'application du droit du licenciement. Comment prétendre qu'un employeur a besoin de deux, voire de quatre mois, pour vérifier la compétence d'un salarié à un poste ne nécessitant pas de formation particulière ? Ne s'agit-il pas de pouvoir s'en séparer sans aucune formalité ? Il s'agit donc bien de satisfaire le patronat, mécontent de la suppression du CNE, et d'habituer les salariés aux formes de contrat les plus précaires. Sans doute doit-on se réjouir que les signataires n'aient pas élargi la définition de la période d'essai en permettant à l'employeur d'en faire, comme le souhaitait le Medef, un outil de vérification de la viabilité économique de l'emploi pourvu !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - M. Muller a répondu à M. Mélenchon : les périodes d'essai prévues ici sont des maxima. La discussion reste donc ouverte entre l'employeur et le salarié quant à la détermination de la durée de cette période. Ces amendements supprimeraient une disposition essentielle du projet de loi, prévue d'ailleurs par les partenaires sociaux. L'avis ne peut donc être que défavorable.

Les amendements identiques n°s44 et 64, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-19 du code du travail, après le mot :

maximale

insérer les mots :

indiquée par écrit dans le contrat

Mme Christiane Demontès.  - Avant de présenter cet amendement, je voudrais rappeler à mes collègues de droite qu'ils n'ont pas le monopole de la connaissance de la gestion des ressources humaines dans les entreprises ! (Exclamations à droite) Comme l'a dit M. Mélenchon, aucun employeur n'a besoin de quatre mois pour évaluer les compétences d'une caissière, et je parle d'expérience en la matière !

Je vous propose ici de préciser que la période d'essai figure explicitement dans le contrat de travail, car nombre de salariés ne connaissent pas le code du travail.

En outre, ces nouveaux articles du code du travail sont loin d'être aussi simples et lisibles qu'on le prétend. S'il y a une durée maximale, c'est qu'il y a aussi des durées minimales et intermédiaires. Sinon, la durée de la période d'essai sera impérative et il serait inutile de préciser qu'elle est maximale, puisqu'il n'y aura pas d'autres durées.

Ce texte est particulièrement compliqué puisque des périodes d'essai plus longues, fixées par les actuels accords de branche, pourront persister, tandis que les durées plus courtes figurant dans les actuelles conventions collectives ne resteront en vigueur que jusqu'au 30 juin 2009.

A l'évidence, la durée de la période d'essai sera totalement variable selon les branches et les classifications. Il demeure pourtant indispensable que le candidat à l'emploi soit clairement informé de la durée maximale de sa propre période d'essai.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Cette précision est inutile car tout contrat de travail précise la durée de la période d'essai, laquelle peut être inférieure aux plafonds légaux. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis, d'autant que les salariés ont accès aux conventions collectives.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°65, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit les deuxième (1°) à dernier (3°) alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-19 du code du travail :

« 1° Un mois pour les ouvriers et employés ;

« 2° Deux mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

« 3° Trois mois pour les cadres.

M. Guy Fischer.  - Je vais présenter cet amendement et l'amendement n°66. Compte tenu de votre refus de supprimer l'article 2, je propose de diviser la durée des périodes d'essai par deux, ce qui reste, dans certains cas, des durées supérieures à celles actuellement en vigueur. Mais comme il s'agit de maximales, les durées effectives pourront être inférieures.

Votre majorité reste fidèle à vos engagements vis-à-vis du Medef et de la CGPME, monsieur le ministre, mais je l'invite à adopter mes amendements afin de refuser une disposition dogmatique qui fera une nouvelle fois peser sur les seuls salariés le poids de la flexibilité. En augmentant de manière excessive les périodes d'essai, le Gouvernement tente de compenser la perte du CNE pour le patronat. Le CNE était pourtant bien précaire puisqu'une étude récente démontre qu'au bout d'un an, plus de la moitié des CNE conclus ont été rompus.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

I. Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-19 du code du travail, remplacer les mots :

de deux

par les mots :

d'un

II. Dans le troisième alinéa (2°) du même texte, remplacer le mot :

trois

par le mot :

deux

III. Dans le dernier alinéa (3°) du même texte, remplacer le mot :

quatre

par le mot :

trois

M. Jacques Muller.  - Amendement de repli.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Il n'est pas question de revenir sur les durées retenues par les partenaires sociaux, qui ont fait leur choix en toute responsabilité. Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis : ces amendements sont contraires à l'accord.

L'amendement n°65 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°45.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Au début du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-19-1 du code du travail, ajouter les mots :

Afin de faciliter l'accès direct au contrat à durée indéterminée,

Mme Raymonde Le Texier.  - Nous approuvons l'adjonction, à la suite d'un débat relativement consensuel à l'Assemblée nationale, d'un article définissant la période d'essai. Toutefois, l'objectif de la période d'essai, qui est de faciliter l'accès à un CDI, devrait être rappelé dans la loi.

En l'état, rien ne garantit que la période d'essai, si elle se déroule positivement, sera suivie d'une embauche. Elle risque, tout au contraire, de ne déboucher sur aucun emploi, comme ce fut souvent le cas avec le CNE. Quelle que soit notre couleur politique, nous ne pouvons nier qu'une période d'essai pouvant atteindre huit mois ressemble fort à un contrat précaire d'une durée bien supérieure à celle des CDD et des contrats de travail temporaire.

Rien n'interdit non plus que la période d'essai sans résultat positif ne donne lieu quelques semaines plus tard à un CDD, voire à un CDD renouvelé ou à un contrat à objet défini. Bien évidemment, la plupart des employeurs n'ont pas de telles intentions. Toutefois, le vif intérêt manifesté par certains pour la perpétuation du CNE nous inquiète : il appartient au législateur d'éviter tout détournement de la loi. C'est pourquoi notre amendement serait utile aux praticiens et aux juges.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Cette précision est dénuée de portée normative. Elle ne pourrait tout au plus figurer que dans un exposé des motifs. Retrait, sinon défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°26 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Rédiger comme suit la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-20 du code du travail :

La période d'essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit.

L'amendement rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-20 du code du travail par une phrase ainsi rédigée :

Le salarié est avisé par écrit des motifs du renouvellement de la période d'essai.

Mme Christiane Demontès.  - Nous voulons apporter un peu de clarté au salarié en situation d'essai. L'aspect qualitatif est aussi important que le quantitatif : le fait de donner des explications justifie la notion même d'essai. Sans quoi celui-ci ne serait plus qu'une sorte de contrat précaire.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Il ne faut pas encadrer par trop de dispositions formalistes la période d'essai, qui doit permettre à chacun de faire ses preuves. L'amendement remet en cause la notion même d'essai et ouvrirait la porte à de nombreux contentieux.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis défavorable. Ce n'est pas dans l'accord.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°66, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit les troisième (1°) à dernier (3°) alinéas du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-20 du code du travail :

« 1° Deux mois pour les ouvriers et employés ;

« 2° Quatre mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;

« 3° Six mois pour les cadres.

M. Guy Fischer.  - Je l'ai défendu.

Repoussé par la commission et par le Gouvernement, l'amendement n°66 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-21 du code du travail.

Mme Christiane Demontès.  - Nous proposons de supprimer une incohérence qui conduit à une anomalie : on ne peut pas en venir à dire qu'un accord interprofessionnel aurait moins de valeur qu'un accord de branche !

Dès lors que le texte de l'accord et celui du projet de loi se contredisent, préférons le premier.

M. le président.  - Amendement identique n°67, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Mme Annie David.  - Vous faites peu de cas des salariés qui devront subir des périodes d'essai supérieures à ce qui serait indispensable.

On voit une fois encore que les quelques mesures qui auraient pu rendre service aux salariés sont supprimées, alors que celles qui sont favorables au patronat ont la vie dure. L'adoption de notre amendement aurait pour effet d'amener employeurs et salariés autour de la table des négociations.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Ces dispositions ont été élaborées en concertation étroite avec les partenaires sociaux ; les supprimer romprait l'équilibre auquel ils sont parvenus.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis défavorable.

Les amendements identiques n°s29 et 67 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-22 du code du travail :

« Art. L. 1221-22. - La période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Telle est déjà la jurisprudence mais il nous paraît utile de l'inscrire dans la loi.

M. le président.  - Amendement n°68, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-22 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« A défaut, la durée de la période d'essai est présumée être de un mois.

Mme Annie David.  - Nous avons eu ce matin un riche débat en commission. L'argument du rapporteur m'a presque convaincue et je suis disposée à retirer cet amendement si je puis recevoir en séance publique l'assurance que la période d'essai peut effectivement être nulle et donc que cet amendement pourrait avoir un effet contraire à celui que je souhaite ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Je vous confirme mon propos de ce matin et je pense que le ministre confirmera cette interprétation.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je puis donner mon accord à l'amendement n°3 rectifié.

Je ne voudrais pas abuser du capital de confiance que Mme David accorde au Gouvernement (sourires) mais je confirme bien volontiers cette interprétation.

L'amendement n°68 est retiré.

L'amendement n°3 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-23 du code du travail :

« Art. L. 1221-23. - En cas d'embauche dans l'entreprise à la suite d'un stage, la durée de ce stage s'impute sur la période d'essai. Elle est également prise en compte dans le calcul de l'ancienneté du salarié.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Cet amendement est dans la droite ligne de la proposition de loi que j'ai défendue. D'après l'étude menée en 2002 par l'université Paris I, certaines entreprises utilisent les stages comme un mode d'ajustement des effectifs à moindre coût, les stagiaires assistant ou même remplaçant temporairement des salariés permanents. Les stagiaires très qualifiés peuvent même se voir confier des missions de longue durée, ou se succéder sur un même poste à temps complet, comportant de vraies responsabilités. Certaines le font sans objectif de recrutement particulier, mais estiment utile de participer à la formation des étudiants. D'autres considèrent le stage comme un outil de prérecrutement, et le stage devient alors une forme de période d'essai informelle. Dans tous ces cas, le bon sens voit que, si l'employeur embauche le stagiaire, c'est qu'il considère que l'expérience a été concluante et que le jeune s'est bien intégré dans l'entreprise. Il est donc dans la logique de l'accord des partenaires sociaux, et aussi dans la logique de la législation que vous avez commencé à mettre en place, que le stage soit compté comme une période d'essai.

II ne s'agit pas, contrairement à ce qu'a déclaré M. le ministre devant l'Assemblée nationale, de générosité mais de cohérence.

Il n'est pas raisonnable d'imposer à nouveau quatre mois d'essai à des jeunes qui viennent d'accomplir un stage qui a pu durer jusqu'à huit mois. Si un employeur décide d'embaucher un stagiaire, c'est que celui-ci lui a donné satisfaction.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Après les mots :

d'essai

supprimer la fin du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-23 du code du travail.

M. Jacques Muller.  - Nous supprimons la disposition qui limite la déduction de la période de stage à la moitié de la période d'essai. Il serait paradoxal de demander à un stagiaire de longue durée de faire, une fois embauché, une nouvelle période d'essai.

M. le président.  - Amendement identique n°69, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

M. Guy Fischer.  - Mêmes arguments. Monsieur le ministre, vous présentez cette déduction partielle comme une bonne mesure...

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Les syndicats aussi !

M. Guy Fischer.  - ...comme une avancée qui comble déjà un vide juridique. En matière de stage, nous ne voulons pas de demi-mesure. De la faible rémunération des stages, vous dites que c'est une étape. De l'obligation de rémunérer les seuls stages supérieurs à trois mois, vous dites que c'est mieux que rien. Pour beaucoup d'entreprises, qui ne veulent pas payer, les stagiaires sont une source d'économies. Faites donc respecter la loi ! Au biopôle de Lyon, de jeunes chercheurs, sortis par exemple de l'ENS ou d'autres grandes écoles, servent parfois à remplacer des CDI. Notre amendement répond aux attentes des stagiaires ; il redonnerait aux stages leur vertu d'insertion professionnelle.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Tous les stages ne permettent pas d'apprécier les compétences professionnelles, certains sont une simple sensibilisation au monde du travail. De plus, cet amendement serait contraire à l'accord national. Avis défavorable à ces trois amendements.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La réponse du rapporteur ne me satisfait pas. Il ne s'agit pas ici de stages de sensibilisation mais de stages qui débouchent sur une embauche. Dans certaines écoles d'ingénieurs ou de commerce, les stages sont longs, et il est logique de les considérer comme une période d'essai. Pourquoi remettre en situation précaire pendant plusieurs mois un stagiaire qui, ayant fait ses preuves, vient d'être embauché ?

M. Jean-Luc Mélenchon.  - L'ancien ministre de l'enseignement, professionnel que je suis se souvient qu'un stage a deux fonctions. Au sein d'un parcours pédagogique, il a une fonction qualifiante et, à son terme, le stagiaire est supposé avoir les connaissances requises. Nier cela, c'est remettre en cause la notion même de diplôme ! Mais la qualification n'est pas l'aptitude à occuper un poste précis, et c'est pourquoi le stage a aussi valeur d'essai, il permet de vérifier que le stagiaire est apte à occuper cet emploi. Dès lors qu'un employeur décide d'embaucher un stagiaire, c'est qu'il a vérifié cette aptitude ! Et cette question va bien au-delà du contrat de travail ; cela remet en cause la valeur que nous accordons à un diplôme, à une qualification. Ce refus d'intégrer le stage dans la période d'essai met en cause la sincérité même de la période d'essai.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Monsieur Godefroy, dans sa rédaction, votre amendement concerne tous les stages : je ne peux l'accepter.

Mme Christiane Demontès.  - Il ne s'agit pas de stages de sensibilisation puisque l'article L.1221-23 parle « d'embauche ... à l'issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d'études ».

Mme Annie David.  - Il ne s'agit pas de tous les stages !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Mais ce que vous dites là n'est pas repris dans votre amendement !

Mme Christiane Demontès.  - Cela figure dans la loi !

M. Michel Bécot. - Je suis navré de voir nos collègues faire comme si l'employeur n'avait de cesse de profiter du stagiaire, voire de rechercher la précarité de ses salariés ! En période de stage, un jeune, généralement, n'est pas placé en position de responsabilité, l'embauche ouvre une nouvelle période, faite de nouvelles missions, pour lesquelles l'employeur doit bien vérifier l'aptitude de l'employé. Voyez, par exemple, un commercial : il peut passer plusieurs mois avant de ramener le premier client, quels que soient ses diplômes ! Voilà la réalité, et l'employeur doit pouvoir vérifier les compétences pratiques de l'employé, en situation de responsabilité !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Je souscrirais volontiers aux propos de M. Mélenchon, de Mme Demontès et de Mme David sur la prise en compte de la période de stage si, comme vient de le dire M. Bécot, la période de stage n'était généralement pas une période d'exercice effectif de responsabilités. La sagesse nous semble donc plutôt dans le texte.

L'amendement n°30 n'est pas adopté.

Mme Annie David.  - M. le rapporteur reprochait à l'amendement n°30 de s'appliquer à toutes les périodes de stage, ce n'est pas le cas pour notre amendement 69, puisqu'il conserve le début de l'article. L'embauche est décidée par l'employeur : elle n'a rien d'obligatoire !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Effectivement, l'amendement n°30, tel qu'il était rédigé, pouvait viser tous les stages ; les amendements identiques n°s46 et 69 devraient rassurer le rapporteur. Pourquoi voulez-vous à tout prix une période d'essai, alors même que l'employeur a décidé l'embauche et que le stagiaire en est d'accord ? Serait-ce pour pouvoir se débarrasser plus facilement du salarié quand il aura fini le travail commencé en tant que stagiaire ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Merci de reconnaître la validité de mon analyse sur votre amendement. Quant à la période d'essai, nous ne la voulons pas à tout prix : elle est facultative ; mais si l'employeur la souhaite, il est bon que la possibilité existe. C'est le sens même de l'accord entre partenaires sociaux.

Les amendements identiques n°s46 et 69 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, après les mots :

aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23

insérer les mots :

ou à l'article L. 1242-10

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Nous prévoyons un délai obligatoire de prévenance quand le contrat d'un salarié en CDD est rompu pendant la période d'essai, comme cela existe dans le cadre du CDI : c'est plus équitable. Nous allons au-delà de l'accord entre partenaires sociaux, mais en parfaite cohérence avec lui : nous sommes dans notre rôle en étendant une mesure protectrice à une nouvelle catégorie de salariés. 

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Si un amendement de la commission pouvait être retiré en séance, j'essaierais de vous convaincre de le faire : avis défavorable. D'abord parce que cet amendement va au-delà de l'accord, qui porte sur le seul CDI : le CDD relève d'un autre équilibre. Il n'est pas de bonne politique d'étendre des solutions trouvées entre partenaires, à des sujets qu'ils n'ont volontairement pas traités dans leur négociation. Ensuite, cette contrainte pourrait allonger de façon disproportionnée des CDD très courts en usage, notamment, dans le travail saisonnier. Un CDD rompu après trois jours, par exemple, devrait être prolongé du tiers : ce serait rompre son équilibre.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - J'apprends qu'il y a des CDD de trois jours !

M. Nicolas About, président de la commission.  - Pourquoi pas deux jours, non plus, ou bien renvoyer les salariés avant même de les embaucher ? Nous pouvons rectifier l'amendement, en rendant obligatoire ce délai de prévenance pour les CDD comportant une période d'essai d'au moins une semaine.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Quel intérêt ?

M. Nicolas About, président de la commission.  - D'accorder un délai de prévenance à la plupart des salariés avant de les renvoyer effectivement : c'est une simple question de respect humain. Si l'amendement ainsi rectifié est imparfait, la CMP pourra revenir sur la question.

M. le président.  - C'est donc l'amendement n°4 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, après les mots :

aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23

insérer les mots :

ou à l'article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d'essai d'au moins une semaine

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Vous figez les choses.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Non, j'instaure un plancher !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Le plancher fige ; c'est une complexité supplémentaire.

L'accord vise les CDI ; le CDD est un cavalier ! (Protestations sur les bancs socialistes) J'ajoute, monsieur About, que nous ne pourrons travailler ensemble en CMP puisque le Gouvernement n'y sera pas. L'avis est toujours défavorable.

M. Nicolas About, président de la commission.  - L'amendement est maintenu ; nous nous en remettons à la sagesse du Sénat.

Mme Annie David.  - Nous ne nous trouvons pas nécessairement dans le cadre d'un CDI, puisque la période d'essai n'aboutit pas forcément à un CDI.

Mme Catherine Procaccia.  - Mais il n'y a pas de période d'essai dans le CDD ! (On se récrie à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre.  - L'accord ne porte pas sur le CDD. Nous ne souhaitons pas de réforme ponctuelle : l'avis du Gouvernement tient également à la méthode.

M. Nicolas About, président de la commission.  - J'indique à Mme Procaccia que la période d'essai existe dans le CDD, elle est proportionnelle à la durée de celui-ci : un jour par semaine. C'est cela que nous prenons en compte ; notre proposition est cohérente avec les textes existants.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Contrats courts, démonstration longue... Un jour par semaine, cela suffit : mais vous ajoutez un jour supplémentaire !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - A l'heure des sophismes, je ne veux pas rester en arrière. Tant mieux si votre sacro-saint accord ne traite pas du CDD : les parlementaires sont donc fondés d'en parler !

Le ministre confond durée de la période d'essai et délai de prévenance. Un jour de délai : quelle tendresse soudaine envers les salariés ! Quel laxisme, quel laisser-aller au regard des exigences de la flexibilité ! La disposition rendra service à de pauvres diables qui occupent des emplois très durs. L'argumentation du ministre ne tient pas.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Nous avons, en rectifiant, cherché à rapprocher les positions ; si cela n'est pas possible, c'est que nous aurons eu raison trop tôt...

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

(Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

I. - Remplacer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;

« 2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

II. - En conséquence, dans les troisième et quatrième alinéas du même texte, remplacer respectivement les références :

2° 

et :

par les références :

et :

III. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-25 du même code par une phrase ainsi rédigée :

Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l'entreprise est inférieure à huit jours.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Il faut réduire le délai de prévenance lorsque le salarié est présent dans l'entreprise moins de huit jours, afin d'encourager les périodes d'essai courtes.

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, remplacer les mots :

quarante-huit heures

par les mots :

cinq jours ouvrés

Mme Annie David.  - Nous ne sommes pas hostiles à la mesure, mais elle est insuffisante.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Les partenaires sociaux ont négocié un délai de prévenance proportionnel à la durée de présence. Conservons ce qu'ils ont voulu.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Défavorable au n°70, favorable au n°5 -mais, monsieur le président de la commission, la logique que vous retenez pour le CDI est aux antipodes de celle que vous venez de défendre pour le CDD.

Mme Annie David.  - Nous nous abstiendrons sur l'amendement de la commission, mais différencier selon la période me semble intéressant.

L'amendement n°5 est adopté.

L'amendement n°70 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°47, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Supprimer le II de cet article.

M. Jacques Muller.  - Le but du Gouvernement est ici de remonter la durée des périodes d'essai au maximum. Mais il ne serait ni correct ni cohérent d'accepter une telle modification de l'accord, après nous avoir seriné qu'il ne fallait pas y toucher.

M. le président.  - Amendement identique n°71, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

M. Guy Fischer.  - Nous avons là une triste confirmation de ce que nous dénonçons sans relâche : le Gouvernement fait droit à toutes les exigences du patronat mais renvoie toujours à plus tard les dispositions qui seraient favorables aux salariés. La loi s'applique dans tous les cas... sauf lorsqu'elle gêne les patrons.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Au début du II de cet article, supprimer les mots :

Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1221-21 du code du travail,

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Rédactionnel. Avis défavorable aux amendements de suppression du II, qui minent la portée de l'article. Le but est bien d'obliger les branches qui ont des périodes d'essai extrêmement courtes à les renégocier.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Défavorable aux amendements n°s47 et 71, favorable à l'amendement de la commission.

Les amendements n°s47 et 74 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°6 est adopté.

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Vous avez certainement compris ce qui motive notre extrême vigilance envers la période d'essai, pendant laquelle presque tous les droits des travailleurs sont mis entre parenthèses : l'employeur peut interrompre l'embauche à tout instant et sans contrepartie. Il faut donc s'intéresser avec beaucoup de soin à ce moment juridique extrêmement sensible.

L'idée même d'une période d'essai est justifiée, si bien que la discussion porte sur la durée, non sur le principe même.

Nécessaire pour vérifier l'adaptation du salarié au poste de travail, la période d'essai ne doit pas se substituer aux CDD. Or, les propositions entendues aujourd'hui tendent à opérer ce glissement, conformément à la note transmise en septembre par le Medef et la CGPME aux syndicats : les organisations patronales souhaitent ouvertement qu'une période d'essai suffisamment longue permette de réduire les CDD. D'où nos amendements qui tendent à vérifier la sincérité de cette période, notamment avec l'intégration du stage de fin d'études.

Le rapporteur propose d'allonger cette durée par rapport à ce que proposait l'accord national interprofessionnel, afin de contraindre certaines branches à des périodes plus longues.

M. Nicolas About, président de la commission.  - Pas nécessairement !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - La flexibilité au lieu de la sécurité, ce n'est pas la flexisécurité !

Nul n'a répondu à nos questions sur cet allongement. Dans ce domaine, si la loi n'affranchit plus, la liberté opprime !

L'article 2, modifié, est adopté.

Article 3

Dans le premier alinéa de l'article L. 1226-1 du code du travail, les mots : « trois ans » sont remplacés par les mots : « une année ».

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Avant le dernier alinéa de l'article L. 1226-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour l'appréciation de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités prévues au présent article, toutes les périodes de travail accomplies dans la même entreprise ou dans différentes entreprises appartenant au même groupe dans le cadre d'un contrat de travail, sont prises en compte. ».

Nous proposons de transposer l'alinéa 2 de l'article 5 de l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008, afin que toutes les périodes de travail soient prises en compte.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Contrairement à ce qu'affirment les auteurs de l'amendement, l'accord national interprofessionnel comporte non la reprise de toutes les périodes de travail effectuées au sein du même groupe, mais seulement des périodes au sein d'une même entreprise.

Avis défavorable.

L'amendement n°49, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article 4

Le titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :

1° L'article L. 1232-1 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1232-1. - Tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre.

« Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ;

2° L'article L. 1233-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1233-2. - Tout licenciement pour motif économique est motivé dans les conditions définies par les dispositions du présent chapitre.

« Il est justifié par une cause réelle et sérieuse. » ;

3° L'article L. 1234-9 est ainsi modifié :

a) Dans le premier alinéa, les mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « une année » ;

b) Le deuxième alinéa est supprimé ;

c)  Dans la première phrase du dernier alinéa, après le mot : « calcul », sont insérés les mots : « de cette indemnité » ;

4° L'article L. 1234-20 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1234-20. - Le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

« Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé de manière écrite et motivée dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées. »

Mme Annie David.  - Depuis des années, le patronat veut faciliter les licenciements et limiter les actions en justice des salariés. Tel est le sens d'un des amendements présentés par le rapporteur.

Cet article 4 n'est généreux qu'en apparence ; en fait, il va à l'encontre des intérêts des salariés. Nous ne pouvons accepter de substituer la justification des licenciements à leur motivation. Le CNE et le CPE ont montré que vous étiez prêts à esquiver la cause « réelle et sérieuse » des licenciements, mais l'opposition du monde syndical est là ! Il ne vous reste qu'à remplacer la motivation par la justification, cette notion peu claire qui obligerait les prud'hommes à effectuer un contrôle d'opportunité au lieu d'un contrôle du fond.

De même, le régime du solde de tout compte opère un recul considérable dans le temps. Pourquoi ne pas exiger de l'employeur qu'il indique le fondement des sommes inscrites ? Pourquoi ne pas mentionner le délai de recours sur le reçu soumis au salarié ? Pourquoi ne pas interdire la signature du reçu pendant que le salarié dépend de son employeur ? Nous sommes hostiles à la brièveté des délais de recours, raccourcie dans la foulée de la loi sur la prescription civile. Je vous rappelle nos débats sur la discrimination.

Enfin, vous n'avez pas oublié de retranscrire la création étonnante d'une indemnité interprofessionnelle unique, qui réduit certes les conditions d'ancienneté, mais supprime la majoration versée aux salariés après dix ans d'ancienneté, surtout en cas de licenciement économique.

Pendant la discussion générale, M. le ministre m'a répondu que le projet de décret, transmis aux présidents des groupes, montrait que cette anomalie ne durerait que le temps du débat parlementaire. Or, mon groupe n'a pas reçu ce projet de décret.

Désormais, un an d'ancienneté suffira pour percevoir 400 euros, contre rien aujourd'hui, mais au détriment des salariés licenciés après plus de dix ans de travail. Il est intolérable que toute mesure tant soit peu sociale soit compensée par la réduction d'un autre acquis social. C'est aussi le cas avec M. Hirsch, car la réduction de la prime pour l'emploi va payer le revenu de solidarité active (RSA).

M. Jean-Luc Mélenchon.  - La discussion va mettre en évidence des points qui appellent une meilleure compréhension ? La modification de l'indemnité de licenciement est présentée comme un avantage, comme la contrepartie pour le salarié. Elle aura pourtant des effets inégalitaires comme je vais le montrer concrètement. Si le droit à indemnité est ouvert dès un an d'ancienneté au lieu de deux précédemment, il est d'un cinquième de mois par année : le smicard licencié au bout d'un an recevra 200 euros qu'il n'aurait pas perçus auparavant, mais celui qui au bout de trente ans gagne 2 000 euros par mois se contentera de 12 000 euros au lieu de 17 300. Le gain pour l'un est de 200 euros et la perte de 5 300 pour l'autre.

Mme Raymonde Le Texier.  - Un texte équilibré...

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Voilà comment certains financent les indemnités des autres !

M. Guy Fischer.  - Comme pour le RSA !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Sous couvert de légaliser l'accord, on réduit l'indemnisation des licenciements économiques.

Mme Raymonde Le Texier.  - Bien sûr !

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Tous les salariés percevront cette indemnité alors que la loi, expression de l'intérêt général, avait distingué entre licenciements personnels et économiques précisément afin de lutter contre ces derniers. La loi avait marqué un progrès ; l'accord entre deux partenaires a décidé de revenir en deçà de la loi alors qu'il est l'expression non d'un rapport de force politique mais d'un rapport de force économique, c'est-à-dire de cette lutte des classes qui était présentée tout à l'heure comme archaïque. Autant de raisons de s'inquiéter très sérieusement.

M. le président.  - Amendement n°72, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Dans le second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour l'article L. 1233-2 du code du travail, remplacer le mot :

justifié

par le mot :

motivé

Mme Annie David.  - Le mot « motivé » est juridiquement plus précis que le mot « justifié » et la jurisprudence vérifie la motivation pour apprécier la validité des licenciements ; si l'article ne change rien, il n'est pas nécessaire ; s'il modifie le droit, il est contraire à la convention 158 de l'OIT qui a déjà fait tomber le CNE. Le Gouvernement a voulu contenter le Medef avec cette flexisécurité qui donne à l'employeur la flexibilité pour se séparer de son salarié sans motif mais en toute sécurité.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - L'article 4 distingue entre la motivation, notion de procédure, et la justification, qui porte sur le fond. Avis défavorable à l'amendement qui gommerait une nuance nécessaire.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis défavorable : ce serait un recul de la protection des salariés que de supprimer une exigence de fond pour la remplacer par un critère de forme.

L'amendement n°72 n'est pas adopté.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Je me suis exprimé à l'Assemblée nationale sur la question que m'a posée M. Mélenchon et j'ai indiqué qu'avec le prochain décret, aucun salarié ne verrait ses indemnités diminuer. Les partenaires sociaux en ont discuté depuis et je pense que l'on ne me reprochera pas d'avoir ainsi exercé une pression sur eux. Le projet de décret a été transmis en fin d'après-midi ou en début de soirée au secrétaire général du groupe de Mme David, mais je prends l'engagement qu'il n'y aura pas de recul des droits des salariés licenciés.

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer le b du 3° de cet article.

Mme Annie David.  - J'ai eu une partie de la réponse : le ministre dit que le projet de décret nous a été transmis. Je veux bien lui faire confiance quand il me dit qu'aucun salarié ne sera défavorisé. Je prends acte du fait que le salarié qui fera l'objet d'un licenciement personnel sera désormais aussi bien traité qu'en cas de licenciement économique. Cela représente certes un progrès pour lui mais on ne peut imputer nulle responsabilité à la victime d'un licenciement économique. La distinction a une grande importance et je comprends mal que les syndicats aient ainsi renoncé à ce qui avait été acquis de haute lutte. Ce n'est pas anodin ; est-ce juste ? Il faudra que je retourne en réunion syndicale pour poser la question...

Puisque nous irons en commission mixte paritaire, je suis tentée de retirer l'amendement, quitte à y revenir si le décret ne donne pas satisfaction.

L'amendement n°88 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par MM. Muller, Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Supprimer le 4° de cet article.

M. Jacques Muller.  - Au bout de six mois, le reçu pour solde de tout compte sera libératoire. Le licencié, qui dispose d'une priorité de réembauche pendant un an risquera-t-il cette maigre chance ? Pourquoi avoir modifié le délai qui était auparavant de cinq ans ? Surtout dans les PME, les salariés connaissent mal leurs droits et six mois sont vite passés. D'où cet amendement que je n'aurais pas déposé si le terme retenu avait été plus éloigné.

M. le président.  - Amendement identique n°73, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

M. Guy Fischer.  - L'amendement supprime le reçu pour solde de tout compte.

Cette disposition semble cousue main pour satisfaire le Medef et le patronat qui dénoncent un droit français trop corseté. Or la France est le second pays après l'Écosse pour l'implantation d'entreprises. Pourquoi des entreprises, américaines notamment, viendraient-elles s'installer dans un pays où les salariés ne travaillent pas et sont régulièrement en congé du fait des 35 heures ou des ponts de mai ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - C'est vous qui le dites !

M. Guy Fischer.  - Je reprends vos dires, monsieur le ministre. Le taux de productivité des travailleurs français est un des meilleurs du monde.

On entend pourtant dire que les impôts prennent tout et qu'il est impossible de licencier dans notre pays. Ces entreprises sont donc attirées par notre gastronomie, surtout à Lyon ! (Sourires)

39,7 % des procédures engagées devant les prud'hommes se concluent sur une décision favorable au salarié et 37,1 sont favorables à l'employeur, le reste relevant de la conciliation. On est donc très loin de l'image d'Épinal qui voudrait que les salariés l'emportent toujours. La mesure que vous nous proposez n'a d'autre objectif que de limiter le recours par les salariés. Le solde pour tout compte éteindra la procédure dans un délai record de six mois, alors que le salarié licencié dispose de trente ans, bientôt cinq, pour faire valoir ses droits s'il s'estime victime d'une discrimination. Nous ne pouvons accepter une mesure très déséquilibrée de plus.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission.

Dans le second alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 1234-20 du code du travail, supprimer les mots :

de manière écrite et motivée

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - Il s'agit de revenir sur une modification peu judicieuse introduite par l'Assemblée nationale. (M. le Ministre indique qu'il est favorable à cet amendement) L'exigence d'un document écrit est déjà prévue dans la partie réglementaire du code et l'obligation de motivation ouvre la voie à d'innombrables contentieux et à une grande incertitude juridique.

M. le président.  - Amendement n°31, présenté par Mme Demontès et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Dans le second alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 1234-20 du code du travail, remplacer les mots :

six mois

par les mots :

cinq ans

Mme Christiane Demontès.  - Nous ne souhaitons pas déséquilibrer un accord pesé au trébuchet. Toutefois, en prévoyant que le reçu pour solde de tout compte aurait un délai libératoire au bout de six mois, ce texte contredit la prescription quinquennale applicable en matière salariale. Nous souhaitons corriger cette incohérence. En outre, dans les petites entreprises, notamment, les salariés connaissent mal leurs droits et le nouveau délai serait trop court pour leur permettre de réagir. Nous proposons de maintenir le délai de cinq ans.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur.  - L'amendement n°50 propose de supprimer la disposition rétablissant le caractère libératoire du reçu pour solde de tout compte. Or la commission estime que celui-ci, qui figurait dans l'accord national interprofessionnel, accroît la sécurité juridique. Avis défavorable, ainsi qu'à l'amendement identique n°73.

Avis défavorable à l'amendement n°31, car le délai de prescription de six mois est suffisant. Au-delà, on crée une incertitude juridique, et les partenaires sociaux n'ont pas souhaité aller en ce sens.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis défavorable aux amendements nos50, 73 et 31. Avis favorable à l'amendement n°7.

L'amendement n°50 n'est pas adopté, non plus que l'amendement identique n°73.

L'amendement n°7 est adopté.

L'amendement n°31 n'est pas adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

Prochaine séance, aujourd'hui à 15 heures.

La séance est levée à minuit quarante.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 7 mai 2008

Séance publique

À 15 HEURES

Suite de la discussion du projet de loi (n° 302, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant modernisation du marché du travail.

Rapport (n° 306, 2007-2008) de M. Pierre Bernard-Reymond, fait au nom de la commission des affaires sociales.

_____________________________

DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. Pierre Bernard-Reymond un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, portant modernisation du marché du travail (n° 302, 2007-2008).

- M. Ladislas Poniatowski un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi pour l'amélioration et la simplification du droit de la chasse (n° 269, 2007-2008).

- M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l'épargne retraite.

- M. Jean-François Humbert une proposition de loi visant à encadrer la profession d'agent sportif et modifiant le code du sport.

- M. le Premier ministre un projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux archives du Conseil constitutionnel.

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants.

- M. le Premier ministre un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux archives.

- MM. Gérard César, Alain Dufaut, Raymond Couderc, Jean-Paul Emorine, Charles Guené, Mme Élisabeth Lamure, MM. Michel Doublet, Jacques Valade, Mme Catherine Procaccia, M. Alain Milon, Mme Catherine Troendle, MM. Gérard Bailly, Roger Besse, Paul Blanc, Jean-Pierre Cantegrit, Jean-Pierre Chauveau, Philippe Leroy, Joël Billard, Jean-Patrick Courtois, Mme Bernadette Dupont, MM. Louis Duvernois, Michel Esneu, Bernard Fournier, Francis Grignon, Michel Houel, Dominique Leclerc, Gérard Longuet, Henri Revol, Yves Rispat, Yannick Texier, François Trucy, François-Noël Buffet, Bernard Barraux, Michel Bécot, Dominique Braye, Hubert Haenel, René Beaumont, Alain Gournac, Benoît Huré, Louis Pinton, Rémy Pointereau, Louis Souvet, Louis Grillot, Gérard Dériot, René Garrec, Marc Laménie, Jean Bizet, Jean-Paul Émin, Mme Janine Rozier, MM. Bernard Saugey, Louis de Broissia, Mme Christiane Hummel, MM. Charles Revet, Jacques Blanc, Mme Françoise Henneron, M. Jean-Paul Alduy, Mme Christiane Kammermann, MM. Yann Gaillard, Alain Gérard, Pierre Bordier, André Lardeux, Mmes Colette Mélot, Esther Sittler, M. Laurent Béteille, Mme Jacqueline Panis et M. Jean-Pierre Vial une proposition de loi relative à la publicité en faveur du vin et autres boissons alcoolisées.

- MM. Roland Courteau et Claude Saunier une proposition de loi relative à la prévention et à la lutte contre l'obésité.