Réforme portuaire (Urgence - suite)

M. le président. - Amendement n°13, présenté par M. Revet, au nom de la commission.

Dans le second alinéa du II de cet article, remplacer (deux fois) la référence :

1459

par la référence :

1469

M. Charles Revet, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Simple rectification d'une erreur matérielle.

Les entreprises de manutention portuaire souhaitant acquérir des équipements publics devront débourser plusieurs centaines de millions d'euros. L'existence de mécanismes fiscaux d'accompagnement n'est donc pas anormale. La Commission européenne les examinera pour s'assurer qu'ils ne constituent pas une aide illicite. À terme, ses outillages seront soumis au droit fiscal ordinaire.

La commission est donc défavorable aux amendements n°s32 rectifié, 31 rectifié, 29 rectifié et 30 rectifié.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Je communiquerai à M. Foucaud les renseignements qu'il a demandés.

Les allégements fiscaux étant nécessaires, le Gouvernement soutient l'amendement n°13 et repousse les autres.

M. Charles Josselin. - Vous proposez un exercice singulier, puisque les collectivités territoriales utilisent parfois des allégements fiscaux, mais pour soutenir la création d'entreprises, donc d'emplois. Rien n'est moins sûr en l'espèce, puisque même la crainte de plans sociaux n'est pas totalement imaginaire.

J'ajoute que les entreprises pourront être tentées d'étendre ce régime fiscal à l'ensemble de leur outillage. Et que dire des autres entreprises de manutention ? L'application de ce dispositif sera donc difficile, avec un risque d'iniquité entre opérateurs.

Et je ne peux ne pas évoquer la compensation du manque de recettes pour les collectivités territoriales, alors même qu'elles devront contribuer à la modernisation des ports.

Lorsque nous examinerons à l'article 7 les conditions de la cession, nous rappellerons qu'il ne faut pas aller trop loin sur la voie de la générosité sauf à créer un effet d'aubaine.

L'amendement n°32 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s31 rectifié, 29 rectifié et 30 rectifié.

L'amendement n°13 est adopté.

L'article 3 modifié est adopté.

TITRE III

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

M. le Président. - Amendement n°70 rectifié, présenté par M. Josselin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans l'intitulé de ce titre, remplacer les mots :

transitoires et finales

par les mots :

affectant le personnel et la propriété des outillages

M. Charles Josselin. - Le rapprochement de deux mots « transitoires » et « finales » rend cet intitulé hermétique. Nous proposons une formulation qui dise ce que contient ce titre III.

M. Charles Revet, rapporteur. - Après sa rectification, cet amendement me paraît intéressant. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Il nous paraît acceptable, à ceci près qu'affectant a plusieurs acceptions.

M. Charles Josselin.  - Affection, affectation...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Mieux vaudrait « relatives au personnel et à la propriété des outillages ».

M. Charles Revet, rapporteur.  - Sagesse favorable. (Sourires)

L'amendement n°70 rectifié bis est adopté.

L'article 4 est adopté.

Article additionnel

M. le Président. - Amendement n°39 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant toute vente des outillages et cession des droits réels qui leur sont attachés, par les ports à des opérateurs de terminaux, le Gouvernement remet au Parlement un document faisant état pour chaque port de leur évaluation financière détaillée et motivée. Ce document présente également une simulation des futures ressources des grands ports maritimes.

M. Gérard Le Cam. - On va créer une commission ad hoc dont les membres seront des personnalités autonomes... par rapport à l'intérêt général. Il est pourtant de règle impérative qu'aucune section du peuple, fût-ce une commission réputée indépendante, ne puisse faire la loi. Même en 1986, dans un moment du libéralisme forcené, la commission de privatisation n'était pas chargée de dire le droit. On a tout lieu de craindre, cette fois, que certains membres de cette commission ne trouvent un intérêt personnel à la cession des outillages.

On nous dit que nos grands ports ne seraient pas compétitifs. Je ne suis pas sûr que ce soit vrai, mais, si ça l'est, je ne crois pas qu'on puisse l'imputer à nos agents de manutention. Le manque d'investissement doit plutôt être incriminé, alors que la France a une position privilégiée sur les routes commerciales mondiales. Nos ports connaissent d'ailleurs une croissance certaine.

S'agissant de l'évaluation des outillages, nous tenons pour essentiel que la représentation nationale soit informée de ses résultats. Les services des domaines seraient tout à fait compétents pour la réaliser.

M. Charles Revet, rapporteur. - L'article 7 prévoit une commission spéciale et, selon l'article L. 531-2 du code des ports, un rapport annuel doit être déposé devant le Parlement. Défavorable.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Défavorable.

M. Charles Josselin. - Je ne suis pas sûr que la réponse du rapporteur soit très satisfaisante. Aucun des rapports annuels prévus par la loi de 1992 n'a été publié... Nos collègues CRC expriment un souhait qui n'est peut-être pas très facile à réaliser et leur rédaction n'est pas très satisfaisante. Reste que les collectivités territoriales concernées ont droit à certaines informations sur la manière dont ces ventes se feront, sur les candidats qui se présenteront. Elles devraient pouvoir en bénéficier sans trahir les aspects les plus commerciaux des dossiers.

Nous n'allons donc pas nous opposer à l'amendement n°39 rectifié.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Le Gouvernement a prévu dans le projet de loi des modalités pour s'assurer que les conditions de cession seront les mieux ajustées possible. Ce n'est pas un rapport de plus qui changera grand chose. Nous sommes tous d'accord sur l'urgence pour nos ports de trouver une nouvelle dynamique ; il y a de nombreux emplois à la clé. Ne perdons pas de temps avec ce rapport préalable, qui ne ferait que ralentir les choses. En revanche, il est bon qu'on fasse ensuite un rapport sur la manière dont les choses se seront passées.

L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté.

Article 5

Sous réserve des cas prévus à l'article L. 103-2 du code des ports maritimes, les grands ports maritimes cessent d'exploiter les outillages mentionnés au II de l'article L. 101-3 du même code dans un délai qui ne peut excéder deux ans à compter de l'adoption de leur projet stratégique.

La propriété de ces outillages ou, s'ils sont immobiliers, les droits réels qui leur sont attachés sont cédés à des opérateurs de terminaux dans les conditions définies à l'article 7.

M. le président.  - Amendement n°33 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Gérard Le Cam.  - Cet article traite du transfert des outillages portuaires à des opérateurs privés. Pour le Gouvernement, cette mesure phare devrait relancer la productivité de nos ports. En transférant les outils et le personnel au privé, vous répondez aux attentes du patronat. Ce n'est pas une réforme stratégique, mais une mesure ultralibérale qui permettra de mettre fin au domaine public maritime et à l'histoire syndicale des agents portuaires.

Mais quelle est la valeur des biens mobiliers, de l'outillage ? Comment sera fixé le prix de vente ? Quels biens seront cédés et selon quels critères ? Comment seront indemnisées les collectivités territoriales qui ont investi dans les outillages et dans les équipements ? Ne vont-elles pas être les grandes perdantes de cette réforme ? Avec cet article, vous nous demandez d'inscrire dans la loi le principe du transfert au privé de l'argent des contribuables dans l'intérêt des futurs actionnaires. Ce n'est pas admissible !

En outre, quelle sera demain la fiabilité technique de nos ports une fois que les outillages auront été privatisés et que la concurrence sera la règle au sein du domaine portuaire ? Contrairement à ce que vous dites, la productivité et la fiabilité des terminaux portuaires ne sont pas seulement humaines mais surtout techniques. Si, aujourd'hui, les recettes et les dépenses des ports autonomes s'équilibrent, c'est grâce à la maîtrise publique qui respecte les différentes activités et professions des ports. Celles qui sont les plus rentables financent en partie celles qui le sont moins.

En transférant les opérations commerciales au secteur privé, de quels moyens disposeront les ports quand ils ne bénéficieront plus des recettes produites par les redevances d'outillage ? Enfin, la privatisation des outillages va entraîner leur assujettissement à la taxe professionnelle ce qui augmentera le coût de passage alors que la Belgique, l'Espagne, les Pays-Bas et le Royaume-Uni n'y sont pas soumis. Le transfert de l'outillage n'est donc en rien une mesure concurrentielle.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Je ne peux accepter la suppression de cet article car tout l'esprit de la loi s'en trouverait modifié et l'incitation des ports à appliquer la réforme serait insuffisante.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Cet article est à l'évidence essentiel : avis défavorable.

L'amendement n°33 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 est adopté.

Article 6

Chaque grand port maritime adopte le projet stratégique prévu à l'article L. 103-1 du code des ports maritimes dans les trois mois suivant son institution.

Le projet stratégique fixe, d'une part, le périmètre de chaque terminal et, d'autre part, la liste des outillages associés à céder. Il comprend un programme d'évolution de l'exploitation des terminaux et détermine, pour chaque terminal, le cadre de la négociation mentionnée à l'article 7.

Si le projet stratégique n'est pas adopté dans le délai prévu au premier alinéa, le ministre chargé des ports maritimes et le ministre chargé de l'économie mettent en demeure le grand port maritime d'y procéder. À défaut, ces ministres fixent par arrêté les prescriptions mentionnées au précédent alinéa, dans un délai de six mois à compter de l'institution du grand port maritime. L'arrêté se substitue alors au projet stratégique pour l'application de l'article 7 de la présente loi. 

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Après la première phrase du deuxième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Il devra veiller à ce qu'aucune situation de monopole ne puisse s'installer sur le port.

M. Robert Bret.  - Le projet stratégique fixe le périmètre de chaque terminal et la liste des outillages qu'il conviendra de céder. Or, le projet de loi ne prévoit pas une évaluation préalable de ces biens. Ainsi, seuls les opérateurs les plus puissants pourront s'offrir les outillages et les personnels. Sea Invest, qui est en situation de monopole au Havre, sera seule en mesure d'acheter les outillages nécessaires à son activité. Que se passera-t-il si cette entreprise décide de quitter notre territoire ? De nouveaux opérateurs ne pourront pas poursuivre l'activité puisque les outillages auront été emportés. Dans son rapport, notre collègue Revet estime qu'il ne faut pas « sous-estimer les risques de constitution de monopoles ou d'oligopoles au sein des services portuaires ». Il ajoute qu'aujourd'hui « l'armateur décide seul s'il dessert un port ou non ». Ce texte ne changera rien à cette situation, bien au contraire. C'est pourquoi nous proposons que le projet stratégique veille à ce qu'aucune situation de monopole privé ne puisse s'installer sur le port. Mais je crains fort qu'il ne s'agisse que d'un voeu pieux.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Je comprends votre inquiétude. J'ai moi-même dit hier que la concurrence dans les ports était indispensable pour leur survie même. Nous devrons donc être très attentifs, mais il n'y a pas lieu de voter votre amendement.

L'amendement n°34 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

Article 7

I. - La procédure de vente des outillages mentionnée à l'article 5 et de cession des droits réels qui leur sont attachés est la suivante :

1° Si un ou des opérateurs sont déjà présents sur le terminal, les négociations pour le transfert sont menées, à leur demande, avec eux ;

2° S'il n'existe pas d'opérateur présent sur le terminal ou si les négociations n'ont pas abouti dans un délai de trois mois après l'adoption du projet stratégique ou de l'arrêté mentionnés à l'article 6, le grand port maritime lance un appel à candidatures. Il négocie ensuite librement avec les candidats, qui sont sélectionnés dans le cadre d'une procédure transparente et non discriminatoire. Au terme de cette négociation, le grand port maritime choisit l'opérateur, avec lequel une convention de terminal est conclue. Cette convention, qui vaut autorisation d'occupation du domaine public, peut prévoir des objectifs de trafic ;

3° Si l'appel à candidatures mentionné au 2° est infructueux et lorsque le projet stratégique le prévoit, le grand port maritime confie l'activité à une filiale pour une période n'excédant pas cinq ans. Au terme de cette période, l'établissement procède à un nouvel appel à candidatures. En cas d'appel à candidatures infructueux, l'activité continue à être exercée par la filiale, si le projet stratégique le prévoit. Le processus décrit ci-dessus est renouvelé autant de fois que nécessaire dans un délai n'excédant pas cinq ans à chaque fois, jusqu'à ce qu'un appel à candidatures soit fructueux.

II. - Par dérogation à l'article L. 3211-17 du code général de la propriété des personnes publiques, les outillages de caractère mobilier, notamment les grues, les portiques, les bigues et les bandes transporteuses, sont cédés aux opérateurs en pleine propriété dans les conditions définies aux I et III du présent article.

Sauf s'il y renonce, l'opérateur de terminal bénéficie, dans les conditions définies aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 2122-6 du code général de la propriété des personnes publiques, de droits réels sur les outillages de caractère immobilier, notamment les hangars, dont il assure l'exploitation à la suite du transfert opéré en application du I du présent article.

III. - Une commission composée de personnalités indépendantes veille au bon déroulement et à la transparence de la procédure fixée au I et émet un avis sur l'évaluation des biens et des droits réels avant leur cession. Sa composition et ses modalités de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'État.

IV. - Par dérogation aux dispositions du présent article, les concessions en vigueur sont maintenues jusqu'à leur terme sauf accord des parties.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Robert Bret.  - Cet article précise, au nom du principe de transparence, les modalités de cession des outillages, mais les procédures prévues n'apportent aucune garantie et pourraient même avoir des effets contraires. La création d'une commission nationale d'évaluation destinée à veiller au bon déroulement des procédures de transfert n'implique pas une estimation préalable des biens à transférer pas plus qu'elle ne garantit les revenus des grands ports maritimes. En fait, cette commission s'intéressera à la forme mais pas au fond ni au contenu. En outre, rien n'est dit sur la composition et le fonctionnement de cette instance.

L'amendement du Gouvernement qui prévoit que si l'avis de cette commission est public, les dossiers qui ont conduit à l'évaluation ne le sont pas au motif qu'ils contiendraient des informations commerciales, confirme nos craintes. Les renseignements seront donc partiels comme risque de l'être le dédommagement versé aux collectivités territoriales à qui l'on demande de céder leurs investissements au profit des opérateurs privés.

Les mesures privilégiant les opérateurs déjà présents au sein du domaine portuaire sont, à bien y regarder, inquiétantes car, en cas de disparition de ces derniers, de nouveaux monopoles privés, le plus souvent étrangers, arriveront en force. Jusqu'à présent, la maîtrise publique a permis la polyvalence des formes d'activité et a évité toute concurrence. Mais, demain, les grands opérateurs privés fixeront unilatéralement leurs tarifs et ils étoufferont les petites entreprises locales. Je puis vous assurer que les entrepreneurs du bassin Est de Marseille sont très inquiets.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Revet, au nom de la commission.

I. - Dans le deuxième alinéa (1°) du I de cet article, remplacer les mots :

sont déjà présents sur le terminal

par les mots :

ont déjà réalisé un investissement sur le terminal ou, en qualité d'utilisateurs réguliers des outillages, ont traité un trafic significatif sur ce terminal

II. - Rédiger comme suit le début du troisième alinéa (2°) du même I :

2° En cas d'absence des opérateurs définis au 1° ou si les négociations...

III. - Compléter le même I par un alinéa ainsi rédigé :

L'acte de cession des outillages prévoit des dispositions spécifiques portant sur le sort de ceux-ci en cas de résiliation de la convention du fait de l'opérateur.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Il convient de réserver la priorité de vente des outillages publics aux opérateurs qui ont déjà réalisé un investissement sur le terminal ou qui seraient réellement handicapés par l'absence de maîtrise du matériel.

En outre, les contrats de vente des outillages devront obligatoirement comporter des dispositions spécifiques en cas de rupture imputable à l'acheteur. Des entreprises pourraient en effet décider de changer de stratégie industrielle et commerciale, ce qui entraverait le développement du port. Cette disposition permettra de calmer les inquiétudes des ports en cas de départ éventuel d'un opérateur.

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié, présenté par M. Josselin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

domaine public,

rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du 2° du I de cet article :

prévoit des objectifs de trafic, une procédure de contrôle des moyens mis en oeuvre et des sanctions financières applicables en cas de non respect des engagements conventionnels.

M. Charles Josselin.  - Il est indispensable que notre assemblée adopte cet amendement de bon sens. D'une faculté, il faut passer à une obligation. Le contrat conclu entre l'opérateur et le port devra prévoir des objectifs de trafic, des procédures de contrôle et un système de sanctions en cas de non-respect des engagements conventionnels.

Il n'est pas pensable que les opérateurs privés soient dégagés de toute responsabilité quant aux résultats du port. Dans le secteur des transports terrestres, dont je suis familier pour avoir été un temps secrétaire d'État, et plus longtemps encore président de conseil général, quand une délégation est consentie, des objectifs sont fixés, assortis de mesures d'évaluation précises et de sanctions financières. J'insiste sur le contrôle des moyens, car c'est la seule façon de s'assurer que ceux qui ont été promis par les opérateurs seront au rendez-vous.

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par M. Josselin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le III de cet article :

III. - Une commission d'évaluation veille au bon déroulement et à la transparence de la procédure fixée au I.

Elle fait procéder par un expert indépendant à une évaluation de la valeur des biens et des droits réels avant leur cession.

Cette évaluation est communiquée aux partenaires sociaux et tenue à disposition du public.

Sa composition et ses modalités de fonctionnement sont fixées par décret.

M. Charles Josselin.  - Nous revenons, après nos collègues communistes, sur la question de l'évaluation. Pour tous les interlocuteurs que nous avons entendus, tant acteurs économiques que responsables syndicaux, la question essentielle est celle de la transparence. C'est pourquoi il nous paraît important de prévoir que l'évaluation est communiquée aux partenaires sociaux et mise à disposition du public. Nous attendons des assurances du Gouvernement.

M. le président.  - Amendement n°86, présenté par le Gouvernement.

Dans la première phrase du III de cet article après le mot :

avis

insérer le mot :

public

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Cet amendement prévoit que l'avis rendu par la commission est public. Le dossier, en revanche, ne saurait l'être, car il contient des informations commerciales.

M. Charles Revet, rapporteur.  - La commission ne peut être favorable à la suppression de l'article 7 : défavorable à l'amendement n°35 rectifié. L'argumentation développée par ses auteurs est d'autant moins convaincante que les garanties sont là pour éviter que ne soit bradé le patrimoine de l'État.

J'aimerais entendre l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°76 rectifié. S'il semble que certains types de trafic ne peuvent donner lieu à de tels objectifs, rien n'interdirait, peut-être, que dans le cadre de la convention passée entre le grand port et l'opérateur, certaines prescriptions soient prévues, en fonction du type de trafic, qui sécuriseraient les responsables du port.

L'amendement n°77 me semble superflu : il est évident que les partenaires sociaux seront informés par le conseil de surveillance. Le second réquisit est quant à lui satisfait par l'amendement n°86 du Gouvernement, auquel la commission est favorable, consciente des craintes que peut susciter chez nos concitoyens la procédure de vente des outillages. La publicité de l'avis permettra de montrer qu'il n'a pas été cédé à vil prix.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Défavorable à l'amendement de suppression n°35 rectifié. Favorable à l'amendement n°14 du rapporteur. Défavorable au n°76 rectifié, qui ne me paraît pas utile. Quant au n°77, il me paraît, comme au rapporteur, satisfait par l'amendement n°86. Retrait ?

M. Charles Revet, rapporteur.  - La commission suit donc le ministre sur le n°76 rectifié : retrait ou défavorable.

M. Charles Josselin.  - Je le maintiens, car il ne me semble pas entièrement satisfait.

L'amendement n°35 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°14 est adopté.

L'amendement n°76 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°77.

L'article 7, modifié, est adopté.

Article 8

Dans les trois mois qui suivent l'institution d'un grand port maritime, une convention ou un accord collectif passé entre le président du directoire du grand port maritime et les organisations syndicales représentatives des salariés du port établit une liste de critères de transfert aux opérateurs de terminal des salariés du grand port maritime employés à l'exploitation ou à la maintenance des outillages mentionnés à l'article 6 ou d'outillages qui ne sont pas propriété du port. Ces critères comprennent notamment les souhaits du salarié, sa qualification professionnelle, son ancienneté de service dans le port, ses qualités professionnelles appréciées par catégorie ainsi que ses perspectives professionnelles. À défaut d'accord dans ce délai, la liste est établie par le président du directoire du grand port maritime.

Au regard des critères retenus, le président du directoire du grand port maritime fixe, après consultation des organisations syndicales représentatives des salariés du port, la liste des salariés qui restent affectés sur des emplois du grand port maritime et, pour chaque terminal, la liste des salariés dont les contrats se poursuivent avec l'opérateur du terminal dans les conditions fixées aux articles 9 à 11.

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Gérard Le Cam.  - Nous avons eu l'occasion de le démontrer, le transfert, précarisant, des personnels est inutile à la relance économique des ports. Si le commandement unique est nécessaire pour assurer leur efficacité, il n'implique en rien le transfert préalable des personnels au privé. Le port du Havre a d'ailleurs expérimenté avec succès la mise à disposition de son personnel. On pourrait également envisager une procédure de détachement. Mais au lieu de vous inspirer de ces expériences positives, vous préférez aller au pire. Votre article 10 montre que vous vous attendez à des licenciements économiques !

Les salariés restent bien la variable d'ajustement destinée à assurer les profits du privé. Les personnels de manutention du port de Dunkerque ont été transférés dès 1999 à l'entreprise NFTI, dont, au départ, la société Maersk détenait 40 % du capital, tandis que le port en conservait 60 %. Au fil des ans, il a fini par n'en détenir plus que 6 %, et la société Maersk déclare aujourd'hui qu'elle entend diviser par deux le nombre de conteneurs transitant par le port, provoquant une perte sèche de 700 000 euros, et fragilisant l'emploi...

La preuve est faite que le transfert de personnels n'offre aucune garantie, que le trafic reste volatil et que les armateurs fondent leurs décisions sur de tout autres critères.

M. Charles Revet, rapporteur.  - La procédure retenue est efficace et transparente. Défavorable.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Il est paradoxal de vouloir supprimer un article très protecteur pour les salariés, qui prévoit que les critères de transfert découleront de la négociation avec les organisations syndicales représentatives et le président du directoire -directeur général ; que le nombre de salariés transférés doit être compatible avec la viabilité économique de l'activité, limitant ainsi les risques ; qui précise, enfin, que les autres salariés seront affectés sur un emploi dans le port.

L'amendement n°42 n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

Article 9

Une négociation entre les organisations professionnelles représentant les entreprises de manutention, les organisations professionnelles représentant les ports autonomes et les organisations syndicales représentatives des salariés des ports est engagée en vue de la signature, avant le 1er novembre 2008, d'un accord-cadre précisant les modalités selon lesquelles les contrats de travail des salariés des ports autonomes mentionnés à l'article 8 se poursuivent avec les entreprises de manutention, les modalités d'accompagnement social de la présente loi et les modalités d'information des salariés.

Cet accord cadre comprend notamment :

- des mesures prises par le port afin de limiter pour le salarié les effets d'un éventuel licenciement économique par l'entreprise de manutention ;

- des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent, des actions favorisant le reclassement externe aux ports, des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés, des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents.

Un décret, pris avant le 1er décembre 2008, rend obligatoires les dispositions de cet accord-cadre aux grands ports maritimes, aux entreprises de manutention et aux salariés des ports, à l'exclusion des clauses qui seraient en contradiction avec des dispositions légales.

Il peut également exclure les clauses pouvant être distraites de l'accord sans en modifier l'économie, mais ne répondant pas à la situation des ports et des entreprises de manutention. Il peut étendre, sous réserve de l'application des dispositions légales, les clauses incomplètes au regard de ces dispositions.

Si, à la date du 1er novembre 2008, aucun accord cadre n'a pu être conclu, les dispositions de l'article 10 s'appliquent.

M. le président.  - Amendement n°43 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Gérard Le Cam.  - Le Gouvernement propose, ni plus ni moins, qu'on lui signe un chèque en blanc pour autoriser légalement les patrons à imposer leurs exigences aux salariés sur les ports. Il a beau jeu, ensuite, d'invoquer la protection qu'il concède à ces derniers ! Les propos du rapporteur ne manquent, à cet égard, pas de sel : le dispositif répondrait à une « attente forte des agents » !

Vous faites comme si l'ouverture de négociations, était une garantie pour les salariés, c'est oublier le contexte de ces négociations, les liens de subordination des salariés vis-à-vis des employeurs. Chez Peugeot, par exemple, la direction n'a pas hésité à faire du chantage, exigeant contre le maintien de l'emploi, que les salariés renoncent aux 35 heures ! Les syndicats ne sont pas seuls à se mobiliser : le patronat n'est pas en reste, et il peut compter sur le Gouvernement !

Ce texte impose le transfert en premier et prévoit qu'un accord devra intervenir dans les six mois : c'est réunir les conditions pour qu'il n'y ait jamais d'accord ! Car le véritable objectif du Gouvernement, c'est la privatisation rampante des infrastructures et le transfert des salariés ; leur protection n'est qu'une chimère ! Mieux vaut conditionner le transfert à l'obtention d'un accord : c'est l'objet de cet amendement.

M. le président. - Amendement n°47 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

I. - Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

- un accord de méthode et un engagement formel de négocier et conclure une convention collective nationale régissant l'ensemble des travailleurs portuaires assurant la manutention, l'exploitation, la maintenance pour le compte des établissements ou concessionnaires, des opérateurs, ainsi que leurs filiales au plus tard le 30 juin 2008 ;

II. - Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.

M. Gérard Le Cam. - Amendement de repli. Le Gouvernement prétend que l'accord cadre est essentiel, il n'en prévoit pas moins d'en écarter à sa guise les éléments qui ne lui conviendraient pas, grâce à l'alinéa que nous proposons de supprimer. Nous préférons une convention collective nationale pour tous les personnels portuaires, y compris ceux des filiales.

M. le président. - Amendement n°71, présenté par M. Josselin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le quatrième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

- un accord de méthode et un engagement formel de négocier et conclure une convention collective nationale régissant l'ensemble des travailleurs portuaires assurant la manutention, l'exploitation, la maintenance pour le compte des établissements ou concessionnaires, des opérateurs, ainsi que leurs filiales au plus tard le 30 juin 2009.

M. Jean-Noël Guérini. - Les conditions de travail des travailleurs portuaires relèvent de deux conventions collectives; il faut profiter de la négociation ouverte pour parvenir à une convention collective nationale qui intègre des progrès sociaux et qui prenne en compte, notamment, la pénibilité du travail.

M. le président. - Amendement n°72, présenté par M. Josselin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.

M. Charles Josselin. - Cet alinéa autorise le Gouvernement à soustraire du décret les clauses de l'accord qui ne répondraient pas à la situation des ports et des entreprises de manutention. Mais l'accord portera précisément sur les ports et les entreprises de manutention : pourquoi prévoir qu'il pourrait comporter des éléments hors sujet ? N'est-ce pas fragiliser la négociation, que de prévoir qu'une partie de ses résultats pourrait ne pas trouver d'application ? Nous préférons annuler cette possibilité.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Cet article est très important pour les salariés, leurs représentants y sont très attachés et je ne comprends pas que nos collègues veuillent le supprimer. La commission se félicite que la loi prévoit un accord collectif, plutôt que des dispositions impératives : nous préférons le contrat à la contrainte ! Avis défavorable à l'amendement n°43 rectifié.

Je suis favorable à la convergence des conventions collectives applicables aux salariés des ports et à ceux de la manutention, mais l'amendement n°47 rectifié prévoit un délai bien trop rapproché. Mieux vaut une négociation sérieuse ; nous ne voulons pas non plus limiter par avance les interventions du Gouvernement vis-à-vis de l'accord cadre, car nous savons qu'elles seront raisonnables. Avis défavorable à l'amendement n°47 rectifié. Même avis à l'amendement n°71 et à l'amendement n°72.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Nous voulons privilégier le dialogue social : c'est seulement s'il échoue, que l'article 10 s'appliquera. Avis défavorable à l'amendement n°43 rectifié. L'amendement n°47 rectifié, est satisfait par notre amendement n°91. Avis défavorable à l'amendement n°71, ainsi qu'à l'amendement n°72.

M. Charles Josselin. - Je regrette de voir repoussée notre proposition de négocier une convention collective nationale que les organisations syndicales souhaitent vivement. L'occasion d'une vaste négociation ne se présente pas tous les jours et cette perspective de dialogue serait un puissant facteur d'apaisement. M. le rapporteur est d'accord sur le principe mais pas sur le calendrier que nous proposons : gardons le principe et changeons le calendrier, sans, cependant, repousser trop loin le délai de négociation !

L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s47 rectifié, 71 et 72.

L'article 9 est adopté.

Article 10

À défaut de l'accord cadre prévu à l'article 9 ou si cet accord ne comporte pas les stipulations prévues à cet article, les contrats de travail des salariés du grand port maritime qui ne restent pas affectés sur des emplois du port en application de l'article 8 sont transférés à l'opérateur mentionné au dernier alinéa de cet article par convention entre le port et cet opérateur. Le nouvel employeur est tenu à l'égard des salariés des obligations qui incombaient au grand port maritime à la date de la signature de la convention de transfert.

Dans la limite de cinq années suivant le transfert, en cas de suppression de son emploi consécutive à des motifs économiques de nature à conduire au licenciement économique du salarié dont le contrat de travail a fait l'objet d'un transfert en application du présent article, ce contrat peut, à la demande de l'intéressé, se poursuivre avec le grand port maritime. Les institutions représentatives du personnel de l'entreprise sont consultées.

Tout transfert d'un contrat de travail dans les conditions précisées à l'alinéa précédent donne lieu au versement par l'employeur au grand port maritime d'une somme d'un montant égal à l'indemnité qui aurait été versée au salarié en cas de licenciement pour motif économique.

M. le président. - Amendement n°45 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

M. Michel Billout. - L'article 10 est l'aveu même de l'insuffisance de votre projet de loi. C'est même la preuve que l'article 9 que vous venez d'adopter ne fait qu'illusion et qu'il ne protège pas les salariés.

Vous commencez par prévoir le cas où aucun accord ne serait conclu : c'est dire combien le délai de six mois vous parait insuffisant. Nous sommes très dubitatifs sur la fameuse convention de transfert conclue entre le port et les opérateurs et nous ignorons tout ou presque de son contenu. Si on veut faire prévaloir le maintien de l'emploi sur la logique libérale, il faut impérativement ouvrir des négociations, et faire de la conclusion d'un accord le préalable à toute réforme. Hélas, vous n'avez pas retenu cette option et cela ne sera pas sans conséquence sur le devenir des ports et des salariés.

Votre proposition de créer une forme de « dé-transférabilité » d'une période de cinq ans qui autoriserait la réintégration d'un salarié licencié pour motif économique au sein du grand port maritime ne fait pas longtemps illusion. Là encore, c'est admettre que votre réforme entraîne, pour l'emploi, une grande incertitude. L'amendement de la commission qui prévoit cette réintégration en cas de changements essentiels dans le contrat de travail va également dans ce sens. Vous savez que vous allez exposer les salariés à des conditions de travail et des statuts moins favorables, que vous allez provoquer des coupes claires dans l'emploi des manutentionnaires, mais vous persistez et signez en vous donnant bonne conscience avec ce genre de disposition. Cette réforme, comme tant d'autres - la fusion ANPE-Assedic, la modernisation du marché du travail par exemple - contribue à l'individualisation des droits. Votre texte reste tristement sourd aux obligations de formation de l'employeur. Qu'adviendra-t-il des droits à la formation pour un salarié transféré à une entreprise de manutention et ensuite réintégré au grand port autonome ? Qui sera comptable de ces droits et comment leur continuité sera-t-elle garantie ? La formation professionnelle devrait être au coeur de votre projet de loi puisque le grand port autonome ne fera plus que très résiduellement de la manutention. Quelle proposition sera faite aux salariés réintégrés au grand port maritime ? Et si ce dernier n'effectue plus de telles opérations, où trouvera-t-il les ressources pour rémunérer ces salariés, et ce, d'autant plus que vous lui supprimez les actuelles redevances pour outillage ? Vous proposez une coquille vide, une réintégration pour des salariés sans formation continue, pour un travail incertain et contre une rémunération aléatoire.

Enfin, nous ne pouvons souscrire au versement par l'employeur au grand port maritime d'une somme égale à l'indemnité qui aurait logiquement dû être versée au salarié en cas de licenciement pour motif économique. C'est encore un détournement de la législation du travail et des dispositifs de la loi de 2002 dite de modernisation sociale puisque vous déchargez littéralement l'employeur de ses obligations de reclassement et d'indemnisation, au profit d'une règle d'individualisation. Avec ce projet de loi, après la suppression de la majoration pour licenciement pour motif économique que vous avez validée dans la loi de modernisation du marché du travail, vous ne tentez même plus de dissimuler le rôle que vous voulez faire jouer au salarié : celui de variable d'ajustement. Nous ne pouvons cautionner cette atteinte aux droits des salariés.

M. le président. - Amendement n°44 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

I. - Au début de la première phrase du deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

Dans la limite de cinq années suivant le transfert,

II. - Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'employeur n'est pas exonéré de son obligation de reclassement individuelle et, le cas échéant, des obligations relatives à l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi.

M. Michel Billout - Amendement de repli -au cas très improbable où vous n'adopteriez pas le précédent (sourires)- qui limite les aspects néfastes de votre projet de loi, tout au moins pour les salariés. Ce que vous présentez comme une protection, une sorte de droit à la réintégration, n'est pas satisfaisant. D'abord parce que, précisément, vous ne permettez pas le maintien, mais vous ouvrez droit à une réintégration dans une structure qui ne disposera plus demain des ressources suffisantes pour rémunérer les salariés, en raison notamment de la diminution de ressources de l'établissement public après la cession des outillages. En plus, cette structure en raison de l'abandon de la quasi-totalité de ses activités de manutention n'aura pas d'activité à proposer aux manutentionnaires.

De plus, le délai de cinq ans n'est pas suffisant, surtout en regard des risques de ce que vous nommez pudiquement les mutations économiques. C'est pourquoi il nous semble légitime, qu'après avoir organisé la casse de leur outil de travail, la destruction de leur statut et la privatisation rampante des ports, on garantisse aux personnels de manière non limitée dans le temps le retour à l'emploi, via cette réintégration.

Quant à la seconde proposition de notre amendement, elle est cohérente avec l'analyse que nous faisons de la politique sociale de votre Gouvernement depuis un an. Vous n'avez de cesse de réduire les protections collectives au bénéfice de protections individuelles, nécessairement amoindries puisque ne reposant plus sur la notion de collectivité, seule capable de contrebalancer la relation déséquilibrée que constitue le contrat de travail en raison de l'existence du lien de subordination. Nous demandons donc de préciser dans le projet de loi que les obligations de l'employeur en matière de reclassement et de plan de sauvegarde de l'emploi sont maintenues.

M. le président. - Amendement n°73, présenté par M. Josselin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Au début du deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

Dans la limite de cinq années suivant le transfert,

M. Charles Josselin. - Cet amendement oblige à réintégrer dans les effectifs portuaires les personnels qui se verraient licenciés par l'entreprise privée. L'incertitude est grande, en effet, quand on voit, avec le prix des carburants, exploser celui des transports ; pour la première fois on voit des coûts de transport supérieurs à ceux de la marchandise ! Une période de cinq ans est donc trop brève. Cet amendement, supprimant toute référence temporaire, est maximaliste mais, avant de le retirer, nous attendons le signe d'une volonté de prolonger ce délai.

M. le président. - Amendement n°15 rectifié, présenté par M. Revet, au nom de la commission.

I. - Compléter la première phrase du deuxième alinéa de cet article par les mots :

par un nouveau transfert

II. - Dans la première phrase du deuxième alinéa, remplacer le mot :

cinq

par le mot:

sept

M. Charles Revet, rapporteur. -Les organisations syndicales des salariés des ports autonomes ont souhaité renforcer l'accompagnement social de la réforme. C'est pourquoi il est apparu opportun d'appliquer la clause de retour pendant sept ans après le transfert et non pas cinq. Un salarié du port transféré à une entreprise pourra demander son retour au port dans un délai de sept ans, en cas de licenciement économique inéluctable mais non encore prononcé.

Avis défavorable au n°45 rectifié parce que l'article 10 assure au salarié une garantie minimale en cas d'échec dans la conclusion de l'accord prévu à l'article 9.

Avis défavorable aux n°s44 rectifié et 73 parce qu'il n'est pas possible d'offrir un droit sans limitation dans le temps.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Dès lors que je suis favorable à l'amendement n°15 rectifié, je suis défavorable aux trois autres amendements.

L'amendement n°45 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s44 rectifié et 73

L'amendement n°15 rectifié est adopté, le groupe CRC s'abstenant.

L'article 10, modifié, est adopté.

Article 11

Les dispositions de l'article L. 2261-14 du code du travail s'appliquent au transfert de contrats de travail opérés en application de la présente loi.

M. le président. - Amendement n°49 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Rédiger comme suit cet article :

Les salariés transférés restent régis par les conventions en vigueur jusqu'à la signature de la nouvelle convention collective prévue par l'accord cadre.

M. Gérard Le Cam. - Cette réforme fragilise les statuts et les conditions de travail des personnels transférés. L'article 10 laisse entendre que le nouvel employeur serait tenu de respecter de manière durable, à l'égard des salariés, les obligations qui incombaient au grand port maritime à la date de la signature de la convention de transfert. Or tel n'est pas le cas. A l'article 11 on juge d'ailleurs nécessaire de préciser que l'article L. 2261-14 du code du travail s'applique au transfert des contrats de travail. Vous avez raison de préciser, monsieur le rapporteur, que la convention collective dite « verte » réservée aux ports autonomes ne s'applique pas. Mais si vous pensez qu'il est nécessaire d'apporter des garanties aux salariés transférés, et si la volonté du Gouvernement n'est pas précariser ces personnels, alors vous adopterez sans difficulté notre amendement qui prévoit que les salariés transférés restent régis par les conventions collectives qui leur étaient appliquées auparavant et ce jusqu'à la signature de l'accord cadre prévu par le projet de loi.

M. le président. - Amendement n°16, présenté par M. Revet, au nom de la commission.

Dans cet article, remplacer les mots :

au transfert

par les mots :

aux transferts

M. Charles Revet, rapporteur. - Rédactionnel.

Avis défavorable au n°49 rectifié. L'article 11 prévoit une application pour ainsi dire volontaire de l'article L. 2261-14 du code du travail. Ces dispositions sont communément utilisées en droit du travail et offrent un équilibre satisfaisant entre la protection des droits acquis des salariés transférés et la nécessité d'obtenir une convention ou un accord unique au sein des entreprises privées. En outre, il semble important de faire confiance aux partenaires sociaux pour harmoniser entre elles la convention collective « verte » et la convention collective UNIM.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Même avis défavorable au n°49 rectifié ; avis favorable au n°16.

L'amendement n°49 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°16 est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par M. Revet, au nom de la commission.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les versements effectués avant le 31 décembre 2008 à la Caisse de retraite des personnels des chambres de commerce maritimes et des ports autonomes sont exonérés de charges sociales et fiscales.

II. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

III. - La perte de recettes pour l'Etat résultant du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Ce régime de retraite atypique, qui concerne les non-cadres, est un régime « chapeau », différent de celui de l'Arcco ; son financement est assuré par les employeurs et les salariés. Contrairement à ce qui existe dans des régimes pourtant similaires, il n'y a pas ici d'exonération de charges sociales et fiscales en contrepartie des versements.

Les salariés craignent un redressement fiscal et les ports n'ont pas à supporter les conséquences d'un déficit de provisionnement de la caisse ; c'est pourquoi nous proposons une exonération de charges fiscales et sociales sur les versements à la caisse de retraite des personnels des chambres de commerce maritimes avant le 31 décembre 2008 -date où la caisse se transformera en institution de gestion de retraite supplémentaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Cela relève de la réforme des institutions de la retraite complémentaire. La loi de 2003 a imposé à ces régimes de se transformer avant fin décembre 2008 en institutions de prévoyance ou de gestion des retraites supplémentaires.

Votre amendement pose un problème rédactionnel. Il n'est pas suffisamment précis -je songe à la nature des versements- et ne serait pas applicable en l'état. En outre, la législation favorise déjà le provisionnement avant la transformation : reportez-vous à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

Mais je veillerai à ce que la direction de la sécurité sociale rappelle par écrit aux employeurs portuaires les dispositions en vigueur. Votre amendement est satisfait.

M. Charles Revet, rapporteur.  - L'inquiétude était donc injustifiée.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Elle était légitime, mais elle sera levée !

L'amendement n°17 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°41 rectifié, présenté par M. Le Cam et les membres du groupe CRC.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A partir du premier semestre 2010, le Gouvernement présente devant le Parlement un rapport d'étape annuel dressant un bilan économique, social, financier, environnemental, sur la réforme engagée par la présente loi.

M. Gérard Le Cam.  - La réforme, qui relève de l'idéologie et non de la stratégie, ne relancera pas la productivité des ports. Un bilan d'étape sera fort utile. Je rappelle que la réforme de 1992 sur le statut des dockers prévoyait un rapport annuel du Gouvernement au Parlement sur les répercussions, gains ou pertes de productivité tarifaire, évolution de la manutention dans tous les ports français, etc. Or, à ce jour, nous n'avons rien reçu ! Notre rapporteur s'en est lui-même offusqué en commission. La CGT, elle, a publié une étude concluant à un bilan socialement catastrophique : moins de 50 % des emplois promis ont été créés, les plans sociaux se sont succédé, l'activité commerciale ne s'est pas développée. Nous voulons que l'on vérifie si l'emploi est vraiment préservé par la présente réforme ; si les engagements relatifs aux conditions de travail ont été respectés ; si l'agent transféré dispose d'une réelle possibilité de réintégrer l'établissement portuaire ; si les fonds publics sont bien employés, si les biens transférés ont été correctement évalués ; si les opérateurs privés consacrent des efforts suffisants à la maintenance du matériel et à son renouvellement.

Il s'agit aussi de nous éclairer sur la ligne de conduite d'un État qui s'est illustré ces dernières décennies par le désengagement mais qui annonce aujourd'hui 174 millions d'euros d'investissements supplémentaires entre 2009 et 2013.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Je partage votre souci que le Parlement soit correctement informé. Mais trop de rapports tuent les rapports.

M. Robert Bret.  - Depuis 1992, on ne risquait rien...

M. Charles Revet, rapporteur.  - Le rapport que nous avons introduit à l'article L.531.2 du code des ports maritimes suffit. Défavorable.

L'amendement n°41 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°91 rectifié, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Pour prendre en compte les caractéristiques communes aux activités de manutention, d'exploitation d'outillages et de maintenance des outillages de quai, les organisations professionnelles représentant les entreprises de manutention, les organisations professionnelles représentant les ports, les organisations syndicales représentatives des salariés des ports, les organisations syndicales représentatives des salariés des entreprises de manutention engagent, dès l'entrée en vigueur de la présente loi, une négociation dont l'objet est de définir le champ d'application d'une convention collective en vue de sa conclusion avant le 30 juin 2009.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Nous prenons en considération la concertation qui a eu lieu notamment au sein du groupe de travail animé par M. Yves Cousquer. Il y a une aspiration à obtenir une convention collective commune à tous les travailleurs du port. Le secrétaire général de la fédération nationale des ports et docks, en particulier, a attiré notre attention sur ce point. Notre rédaction tient compte également des auditions résumées en annexe de votre rapport.

La négociation sur les conventions collectives sera plus longue que celle relative à l'accord cadre sur les transferts. Elle aura lieu parallèlement aux discussions prévues par l'article 9. Le cadre conventionnel sera commun à l'ensemble des salariés : je souhaite qu'il couvre les entreprises de manutention, d'exploitation de l'outillage, de maintenance. Les salariés des grands ports maritimes recentrés sur les missions régaliennes seront soumis à une autre convention.

Le Gouvernement privilégie la négociation. Je souhaite donc que les organisations syndicales saisissent cette opportunité et négocient sur l'accord cadre et sur la convention.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques.  - Je demande une suspension de séance afin que la commission examine cet amendement.

La séance, suspendue à 16 h 55, reprend à 17 h 5.

M. Charles Revet, rapporteur.  - La commission s'est réunie et a examiné au fond l'important amendement proposé par le Gouvernement. Elle a estimé qu'il allait dans le sens des attentes des personnels et a, à l'unanimité, émis un avis favorable.

M. Robert Bret.  - Hier, j'ai évoqué l'absence d'un accord cadre national garantissant les droits des salariés et leur avenir. Cet amendement prévoyant l'organisation d'une négociation dont l'objet est de définir le champ d'application d'une convention collective va dans le bon sens. Le délai prévu avant sa conclusion offre l'intérêt de donner du temps au temps pour la négociation, même si nous aurions préféré que celle-ci ait lieu préalablement.

Nous avons là un début de réponse positive aux attentes des personnels concernés par la réforme. (« Très bien ! » à droite)

M. Charles Josselin.  - Une remarque sur la méthode. Nous aurions apprécié que cet amendement vienne en débat au moment où l'amendement n°?47 rectifié de nos voisins CRC et l'amendement n°71 défendu par M. Jean-Noël Guérini ont été examinés.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je l'ai évoqué !

M. Charles Josselin.  - Peut-être aurions-nous alors retiré les nôtres ! Mais je peux comprendre que le Gouvernement veuille conserver le bénéfice d'une disposition aussi importante...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - C'est une question de rattachement à l'article !

M. Charles Josselin.  - J'ajoute que la rédaction qui nous est soumise est très satisfaisante, meilleure que celle que nous avions proposée.

Je comprends d'autant mieux ce choix que le ministre, quand il reprendra les discussions, aura besoin d'avoir accumulé quelques « indulgences », si j'ose dire. (Sourires) L'habitude du Gouvernement d'avoir le dernier mot en ce qui concerne la loi, renvoie à l'actuel débat sur la modernisation de nos institutions et le renforcement du rôle du Parlement. Mais c'est un autre débat, se déroulant à quelques encablures !

Le groupe socialiste votera cet amendement qui constitue l'une des avancées les plus significatives obtenues au cours du débat.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je remercie le groupe CRC ainsi que le groupe socialiste. Je tiens à dire à M. Josselin qu'il n'y a pas de vanité d'auteur de la part du Gouvernement, mais seulement la volonté de rattacher cette disposition à un autre article que celui envisagé par le groupe socialiste.

L'amendement n°91 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Article 12

Les biens de l'État affectés aux ports autonomes maritimes existant à la date de publication de la présente loi, y compris les voies navigables dont l'exploitation concourt au développement du transport fluvial et qui sont gérées par les ports autonomes pour le compte de l'État, leur sont remis en pleine propriété, à l'exception de ceux relevant du domaine public maritime naturel ou du domaine public fluvial naturel. Ce transfert est gratuit et ne donne lieu à paiement d'aucune indemnité, droit, taxe, salaire ou honoraires.

Dans le cas de la vente de biens immobiliers remis en pleine propriété à un port autonome en application du présent article, le port autonome ou grand port maritime intéressé reverse à l'État 50 % de la différence existant entre, d'une part, le revenu de cette vente et, d'autre part, la valeur de ces biens à la date où ils lui ont été transférés, majorée des investissements du port autonome et du grand port maritime dans ces biens.

L'amendement n°26 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°74, présenté par M. Josselin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après les mots :

à l'exception de ceux

insérer les mots :

déjà classés ou affectés pour leur gestion au Conservatoire du littoral ou tout autre organisme missionné à cet effet ou

M. Charles Josselin.  - Nous voulons faire droit aux préoccupations de ceux qui s'occupent du devenir des espaces naturels susceptibles d'être inclus à l'intérieur des périmètres portuaires. L'article 12 prévoit que les biens de l'État affectés aux ports autonomes soient remis à ceux-ci en pleine propriété, à l'exception de ceux relevant du domaine public naturel maritime ou fluvial. Nous proposons que soient également exclus les biens déjà classés ou affectés, pour leur gestion, au Conservatoire du littoral ou à tout autre organisme missionné à cet effet. Comme je l'ai dit hier, le port a besoin d'avoir une vision globale de son périmètre, voire de son environnement.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Nous avons déjà abordé ce sujet lors de l'examen de l'amendement n°84 rectifié. Comme le ministre a apporté des réponses avec cet amendement, je suggère que vous retiriez le vôtre. A défaut, avis défavorable.

L'amendement n°74, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°87, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de mobiliser l'expertise sur les milieux naturels et leur fonctionnement, un conseil scientifique d'estuaire est créé pour chacun des fleuves suivants : la Seine, la Loire, la Gironde. La composition et le fonctionnement des conseils scientifiques d'estuaires sont fixés par voie réglementaire.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Il s'agit des conseils scientifiques destinés à mieux mobiliser l'expertise sur les milieux naturels dans nos grands estuaires. Cette proposition est également liée au rapport de votre collègue Mme Fabienne Keller.

Afin de ne pas nous mettre dans une position délicate envers les instances communautaires, ces conseils scientifiques d'estuaire seront obligatoirement consultés sur les projets d'aménagements par les grands ports maritimes situés dans leur ressort.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Souhaitant préserver l'environnement et les espaces naturels, la commission est favorable à cet amendement qui satisfait les défenseurs de l'environnement, le monde scientifique et Bruxelles.

M. Charles Josselin.  - Le groupe socialiste votera cet amendement, bien qu'il soit un cavalier...

M. Charles Revet, rapporteur. - ... positif !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - ... européen !

M. Charles Josselin.  - ... alors même que d'autres amendements ont été refusés au motif qu'ils n'entraient pas dans le champ de la réforme. Il est vrai que cette suggestion servira aussi un développement durable des ports...

L'amendement n°87 est adopté et devient un article additionnel.

L'article 13 est adopté.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par M. Josselin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 13, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'Etat veille à prévenir toute constitution de monopole. Pour ce faire, il dispose d'un droit de veto sur le choix d'un opérateur sur le motif que celui-ci deviendrait la seule entreprise exerçant l'activité de manutention portuaire sur le territoire national.

M. Charles Josselin.  - Nous voulons éviter qu'un monopole de la manutention portuaire ne menace notre indépendance.

Certes, la direction de la concurrence veille à Bruxelles sur les abus de position dominante, mais le concept est entaché d'incertitudes.

M. Charles Revet, rapporteur.  - Cet amendement va dans le sens de celui présenté par la commission pour imposer le respect des règles de la concurrence. Toutefois, notre cadre juridique comporte déjà des contrôles à cette fin, notamment avec le conseil de la concurrence, au plan national, et l'action de la Commission européenne.

En outre, la rédaction proposée risquerait de mettre en cause l'autonomie de gestion des ports.

Retrait ou rejet.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Gérard Le Cam.  - Nous voterons cet amendement, car nous sommes très sensibles à toute apparition de monopole, dont l'incidence pourrait être redoutable, même en cas de simple domination locale sur plusieurs ports proches les uns des autres.

L'amendement n°78 n'est pas adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. le président.  - Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

M. Michel Bécot.  - Attendue et nécessaire, cette réforme stratégique des ports est adossée à un ambitieux plan de financement.

Au moment où le transport maritime connaît un essor mondial, puisqu'il assure 80 % des échanges internationaux, notre pays ne peut continuer à perdre des parts de marché au profit de ses concurrents européens.

Le texte, complété notamment pas les amendements de notre rapporteur, M. Revet, doit rendre à notre pays la place qui lui revient naturellement. Les mesures phares sont les suivantes : les outillages et le personnel d'exploitation et de manutention seront transférés à des entreprises privées ; nos sept ports autonomes maritimes seront recentrés sur leurs missions régaliennes d'aménageurs et de gestionnaires ; leur nouvelle organisation doit leur insuffler un nouveau dynamisme.

Je tiens à saluer ici la méthode du Gouvernement, fondée sur le dialogue et la négociation, avant et après le vote du texte.

Le groupe UMP votera ce projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Robert Bret.  - Cette réforme portuaire est présentée comme un outil au service des ports autonomes, alors qu'elle risque d'avoir des conséquences économiques et sociales désastreuses.

Votre entêtement à refuser tout bilan de la réforme de 1992 en dit long sur vos motivations réelles, car nous savons tous que le Gouvernement veut réduire encore une fois, dans la précipitation, les missions de service public.

Votre vision du devenir des grands ports français est conforme au futur Livre blanc européen sur la politique maritime. Il s'agit tout simplement de porter atteinte aux conquêtes sociales pour améliorer la compétitivité de deux ou trois grands groupes privés internationaux. Au profit de ces derniers, vous voulez passer en force et museler les revendications du personnel.

La nouvelle gouvernance des grands ports maritimes est révélatrice du déficit démocratique que vous voulez instituer. Bien qu'elle soit insuffisante, la loi de démocratisation des services publics est complètement enterrée pour ce qui est des ports.

La précipitation est telle que vous n'envisagez aucune étude d'impact sur les ressources des grands ports maritimes, ni aucune évaluation des outillages à céder. Dans ces conditions, comment savoir si le port pourra exercer les missions de service public ?

Il serait inadmissible de brader des biens du domaine public portuaire. Comme garde-fou, vous proposez une commission indépendante dont on ne sait rien. D'ailleurs, ses avis seront publics, mais pas les dossiers fondant son opinion. Voilà qui permet d'imaginer tous les abus ! Pourtant, le service des domaines aurait pu au moins évaluer les biens.

Les ports souffrent de l'insuffisance chronique des investissements de l'État. Vous l'avez reconnu lors de la discussion générale, monsieur le ministre, mais les chiffres que vous avancez pour expliquer que cette époque est révolue n'ont guère de signification, car l'engagement annoncé n'est pas à la hauteur des obligations de l'État.

Enfin, bien que le transfert du personnel ne soit nullement indispensable à l'institution d'un commandement unique, vous repoussez la proposition de mettre à disposition le personnel de manutention. Nous dénonçons les conséquences de la réforme pour l'emploi et le statut du personnel, car il s'agit d'un grave recul dans la protection collective des droits des travailleurs.

Votre texte réitère les erreurs du passé, avec une réforme qui aura de graves conséquences sociales, sans aucune garantie d'activité supplémentaire. Par leur vote, les sénateurs engagent leur responsabilité, mais ils tracent aussi le cadre des négociations à venir.

Le groupe CRC votera contre la privatisation, conçue exclusivement au profit d'opérateurs privés.

M. Charles Josselin.  - Concluant mon intervention en discussion générale, j'ai dit que le vote final du groupe socialiste dépendrait à la fois du sort fait à ses amendements et des garanties apportées par le Gouvernement au cours du débat. J'ai rappelé notre volonté de voir les grandes plates-formes maritimes françaises jouer leur rôle au bénéfice de l'économie et de l'aménagement du territoire. J'ai souligné notre crainte d'une générosité fiscale pervertie au service des entreprises. Je répète que la plus grande prudence s'impose dans l'estimation de l'outillage cédé.

Nous avons la ferme volonté de nous battre pour défendre les droits légitimes du personnel concerné. Peu de progrès sont réalisés par rapport au projet de loi mais il y en a tout de même, avec l'amendement sur le délai de retour du personnel dans l'administration portuaire, et surtout avec l'amendement que nous venons d'adopter à l'unanimité. Il est bon que soit préservée cette solidarité entre tous les métiers qui ont une histoire commune. Nous souhaitons vivement que la négociation aboutisse rapidement à une seule vraie et bonne convention pour ces métiers.

Nous non plus n'avons pu tenir notre promesse d'investir puissamment dans les infrastructures portuaires. Le ministre nous a fait des annonces financières, qui n'ont pas la valeur d'engagement qu'aurait une loi de programme. Je ne mets pas en cause la volonté de M. Bussereau de faire réussir cette grande mission, mais je connais les difficultés budgétaires de notre pays. Si n'était pas relancé l'investissement, ne resterait de ce projet de loi que la privatisation de nos ports, qui n'est pas à elle seule une chance pour eux. Nous verrons comment le Gouvernement pourra mobiliser des moyens, comment il manifestera sa volonté de refaire de la France une grande puissance maritime. Je ne serai pas à vos côtés pour le voir mais je suis sûr que le Sénat manifestera son intérêt global pour cet immense dossier qu'est la mer. Qu'il saisisse l'occasion offerte par le dépôt du rapport annuel pour organiser un grand débat au sein de la commission des affaires économiques, qui pourrait être ouvert aux autres sénateurs.

Faute des garanties financières que nous souhaitons, nous nous abstiendrons.

Le projet de loi est adopté.

M. Charles Revet, rapporteur. - Merci ! Je vous dis toute ma satisfaction que ce projet de loi ait été ainsi adopté, avec l'espoir que l'Assemblée nationale ne le modifiera pas trop. Je remercie la présidence ainsi que tous nos collaborateurs. Nous avons travaillé dans un excellent climat.

Élu de Seine-Maritime, et par ailleurs aussi, je suis très attaché à nos ports. Nous avons mesuré l'ampleur de ce projet de loi. Si nous n'avons pas toujours été d'accord avec le cabinet du ministre, nous avions le même objectif et nous avons pu nous entendre.

Pour 80 %, le commerce mondial se fait par mer. Nos atouts sont considérables ; ce projet de loi doit nous aider à relancer une dynamique afin que la France retrouve la place qui n'aurait jamais dû cesser d'être la sienne. (Applaudissements)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - À mon tour, je vous remercie. Chacun ici comprend la nécessité de relancer nos ports, même si nous divergeons sur les moyens d'y parvenir. Je remercie les sénateurs de la majorité, ainsi que l'attitude constructive du groupe socialiste et de M. Josselin, qui, avec MM. Le Driant et Delebarre s'est employé à faire évoluer nos grands ports; le groupe CRC s'est montré très ferme pour des raisons bien compréhensibles, mais aussi d'une grande courtoisie dont je le remercie. L'amendement qui vient d'être adopté à l'unanimité apporte à ce texte un plus social très appréciable.

Je forme le voeu que ce projet de loi donne à nos ports l'essor qu'ils méritent. (Applaudissements)