Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Prise en charge des affections de longue durée

M. Guy Fischer .  - Le Général de Gaulle, (« Ah ! » à droite) Ambroise Croizat, Pierre Laroque doivent se retourner dans leurs tombes ! Le directeur de l'assurance maladie préconise une remise en cause sans précédent du principe de solidarité nationale ! On envisage, c'est une première, de supprimer la prise en charge intégrale des affections de longue durée, qui concernent surtout les personnes âgées et les malades gravement atteints -je pense à la maladie d'Alzheimer, à certains diabètes, au sida. Ce plan effarant, véritable insulte faite aux principes de l'assurance maladie, répond, sans surprise, à une commande gouvernementale. (Protestations à droite) Il s'inscrit dans le processus de privatisation de la protection sociale entamé depuis un an avec les vagues successives de déremboursements, l'instauration, en 2008, des franchises médicales, véritable impôt sur la maladie, et les attaques de plus en plus violentes contre l'hôpital public. La solidarité nationale a vécu, place aux assurances privées !

Nos concitoyens peinent de plus en plus pour boucler leurs fins de mois, 30 % d'entre eux renoncent aux soins les plus coûteux. Ce sont les retraités et les travailleurs, victimes de l'écrasement des salaires, qui paieront une fois de plus l'addition. Des solutions de financement existent pour assurer la pérennité de notre système de santé : taxation des revenus spéculatifs et boursiers, des stocks-options ou des bénéfices des grands groupes pharmaceutiques.

Entendez-vous poursuivre longtemps, madame la ministre, la privatisation de l'assurance maladie que Nicolas Sarkozy accélère depuis son élection à la Présidence de la République ? (Applaudissements à gauche)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative .  - Je ne peux vous laisser dire tant de contre-vérités en un laps de temps si court. (Protestations à gauche) Je ne peux vous laisser mettre en cause notre attachement au principe de solidarité inscrit dans le pacte de 1945. Il n'est pas question de revenir sur la prise en charge à 100 % des affections de longue durée, tant pour les traitements de fond que pour les produits que l'on qualifie « de confort », mais qui constituent, dans le cas qui nous occupe, un accompagnement indispensable pour remédier aux effets indésirables de traitements lourds.

Notre attachement au principe d'équité est, lui aussi, indéfectible. Il n'est pas normal que les comptes de l'assurance maladie accusent, ainsi que l'a fait apparaître la dernière commission des comptes, un nouveau dérapage de plus de 4 milliards 100 millions en 2008. Voulons-nous faire payer nos dépenses de santé à nos enfants et à nos petits-enfants ?

La Cnam (Caisse nationale d'assurance maladie) a proposé des pistes. Je ne peux vous laisser dire, monsieur Fischer, que cet organisme est aux ordres ! (Marques de scepticisme sur les bancs CRC) C'est une règle de droit qu'après chaque commission des comptes, la Cnam doive émettre, à l'intention du Gouvernement, des préconisations. Celles-ci seront évaluées, concertées et j'indiquerai à la mi-juillet lesquelles seront retenues.

M. Robert Bret.  - Pendant l'été !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Notre taux de prise en charge solidaire est le plus élevé du monde ! 90 % des dépenses de l'assurance maladie relèvent de la solidarité nationale. (On le conteste sur les bancs CRC) Le taux d'avancement de dépenses que nous avons fixé, à 3,2 %, est deux fois supérieur à la progression de la richesse nationale. Notre système de soin est et demeure un système solidaire et équitable ! Je ne pouvais laisser passer autant de contre-vérités. (Protestations à gauche ; vifs applaudissements à droite)

Tour de France 2008

M. François Fortassin .  - Le Tour de France a nourri bien des rêves de notre enfance et les seules évocations des noms de champions -Bobet, Anquetil, Poulidor, Merckx, Hinault, Fignon, Indurain- mais aussi de lieux mythiques -le Tourmalet, le Galibier, le Mont Ventoux, le Puy-de-Dôme, l'Alpe D'Huez- sont entourées d'un double parfum de légende et d'épopée.

A dix jours du départ de cette grande fête populaire, à laquelle les Français, comme nous-mêmes, sont très attachés, de vives tensions opposent les organisateurs de la Grande Boucle et la Fédération française de cyclisme (FFC) à l'Union cycliste internationale (UCI).

Afin d'éviter les regrettables incidents de 2007 et d'échapper aux desseins manifestement hostiles de l'UCI, les organisateurs, souhaitant conserver un droit de regard sur les participants, ont été contraints, face à l'intransigeance de la Fédération internationale, de placer le Tour de France sous l'égide de la Fédération française.

La FFC, conformément au droit français, et comme cela a été le cas pour la course Paris-Nice, a accédé à cette demande. La Fédération internationale s'est alors retournée contre elle. Après avoir porté plainte contre son président, M. Pitallier, dont l'attitude a pourtant été exemplaire, l'UCI a suspendu la Fédération française, écartant du même coup les dirigeants français des commissions, comités et congrès et interdisant à la France de postuler à l'organisation des championnats du monde, toutes disciplines cyclistes confondues.

La voix de la France ne peut plus se faire entendre dans le processus d'organisation d'un sport majeur auquel elle a tant apporté.

Qu'entendez-vous faire, monsieur le ministre, pour défendre la Fédération française de cyclisme contre une fédération internationale qui use et abuse de sa position dominante ? Comment comptez-vous préserver le cyclisme français et le Tour de France de manoeuvres dilatoires qui nuisent gravement à ce monument de notre patrimoine sportif et populaire ? (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État chargé des sports, de la jeunesse et de la vie associative .  - Le Tour de France, que vous avez raison de qualifier de monument de notre patrimoine, est le troisième événement sportif mondial après les Jeux olympiques et la Coupe du monde de football, inventés, comme lui, par un Français.

L'UCI veut, comme en Formule 1, organiser les dix-huit grands tours, déterminer les équipes participantes et surtout avoir la main sur la dimension commerciale.

M. Robert Hue.  - Vous parlez en expert !

M. Bernard Laporte, secrétaire d'État.  - De leur côté, la FFS et surtout Amaury sports organisation (ASO) veulent choisir les équipes participantes. Ainsi, ASO récuse l'équipe Astana, qui a suscité des perturbations en 2006 et 2007, alors que l'UCI la soutient.

J'ai félicité au téléphone M. Jean Pitallier, le nouveau président de la FFS, qui a tout simplement appliqué la loi votée par le Parlement : celle-ci dispose que la fédération française apprécie le sérieux et la compétence de tout organisateur de manifestation sportive.

Après la fin du Tour de France, nous renouerons le contact avec l'UCI, car l'intérêt général du cyclisme veut que la fédération française et l'union internationale se parlent.

Surtout, nous voulons un grand Tour de France 2008. L'Agence mondiale antidopage, dont j'ai reçu hier le nouveau président, et l'Agence française de lutte contre le dopage travailleront beaucoup durant la compétition pour obtenir cette fois le tour propre et sain que nous voulons. (Applaudissements à droite)

Petit commerce et artisanat

M. Joël Billard .  - (Applaudissements à droite) La loi de modernisation de l'économie, dont la discussion commencera la semaine prochaine, inquiète les petits commerçants et les artisans. Élu local, je sais que les petits commerces de proximité constituent des lieux de vie et de convivialité, qu'ils apportent un service de proximité notamment aux personnes âgées.

Or, la création d'un statut d'auto entrepreneur et le volet urbanisme commercial de cette loi, notamment le relèvement de 300 à 1 000 mètres carrés du seuil déclenchant l'autorisation administrative pour l'installation de surfaces commerciales, doivent être examinés avec attention et assortis de garanties pour nos plus petits commerces.

Quelques jours après la déclaration faite le 6 juin par le Premier ministre en faveur du commerce de proximité, le secrétaire d'État, M. Novelli, a présenté un plan d'action pour le commerce de proximité.

A la veille de l'examen du projet de loi de modernisation économique, pouvez-vous nous rassurer en indiquant les mesures que vous comptez prendre pour préserver l'artisanat et le petit commerce ? (Applaudissements à droite)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi - Je souhaite vous rassurer et même vous enthousiasmer (marques d'ironie à gauche), car je compte sur la Haute assemblée pour enrichir cette loi à partir du 30 juin, pour favoriser le développement de l'économie et renforcer la concurrence.

Ces deux objectifs ne sont pas antinomiques. Il y a place pour tous les commerces ! Nous sommes très attachés aux commerces de proximité, que M. Novelli appelle « commerce coeur de vie » selon l'intitulé même du plan qu'il a présenté.

Ce plan repose sur trois principes.

Le premier principe est une concertation devant déboucher sur une stratégie en faveur du commerce de proximité. Il y a là cinq projets : la création d'un Conseil d'orientation, la mise en place d'un Observatoire des projets, la publication d'un rapport annuel, l'élaboration d'un guide Commerce coeur de vie, enfin l'incitation à l'établissement de stratégies locales. Chacun de ces cinq projets sera élaboré en concertation avec les élus, les chambres de commerce et les chambres des métiers.

Le deuxième principe consiste à réformer les outils d'intervention. Ainsi, nous prévoyons une hausse supérieure à 20 % pour le budget du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) en 2009. Les nouveaux critères d'attribution faciliteront son intervention en faveur du maintien du commerce dans les villes, notamment dans les zones urbaines en difficulté.

Le troisième principe se traduira par une campagne de communication (« encore ! » sur les bancs socialistes) destinée à rendre au commerce en centre ville l'importance qui lui revient. (Applaudissements à droite)

Carte scolaire et cours le samedi matin

M. Yannick Bodin .  - La politique du ministre de l'éducation nationale est un échec (vives marques de désaccord à droite) par la modification de la carte scolaire et la suppression des cours d'enseignement primaire le samedi matin.

Selon un rapport de deux inspecteurs généraux, que vous aviez gardé secret mais qui vient de paraître dans la presse, le « libre choix » des parents d'envoyer leurs enfants dans l'établissement qu'ils préfèrent profite surtout aux familles favorisées. En réalité, il s'agit là d'un leurre.

Vous aviez déclaré les boursiers prioritaires. En pratique, ils servent à boucher les trous dans les lycées les plus demandés. Les établissements de centre ville sont surchargés, les élèves refusés étant renvoyés dans leur établissement d'origine, qui périclite en périphérie.

Écoles, collèges et lycées sont mis en concurrence, y compris avec l'enseignement privé. L'assouplissement de la carte scolaire aggrave la ghettoïsation des quartiers défavorisés, avec le risque d'un regroupement communautaire et une stigmatisation accrue des élèves, souvent issus de l'immigration. Dans les collèges de nos quartiers en difficulté, la mixité régresse, si bien que vous avez accentué les inégalités au lieu de les réduire.

Les collectivités territoriales sont mises devant le fait accompli, qui désorganise les transports scolaires.

Parallèlement, la suppression des cours le samedi matin dans l'enseignement élémentaire sème la pagaille ! C'est le grand chambardement pour les transports scolaires, les heures de gymnase ou de piscine, les heures de soutien, la troisième heure de sport et les activités périscolaires.

Vouée à l'échec, cette mesure inapplicable disparaîtra à terme.

M. le président.  - Posez votre question !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit d'un problème très grave, monsieur le Président !

M. Yannick Bodin.  - Que comptez-vous faire de la carte scolaire ? Et comment allez-vous éviter la pagaille dans le primaire pour enfin offrir à tous les élèves de France une réelle égalité des chances à l'école ? (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale .  - Je sais bien qu'il y a un certain plaisir à être homme de paradoxe mais quand même, point trop n'en faut ! Il est vraiment par trop paradoxal de prétendre que le fait d'offrir une nouvelle liberté aux familles de façon transparente (on le nie à gauche) crée une injustice plus grande que lorsque cette liberté n'existait que pour ceux qui, dans l'opacité et grâce à leurs relations, pouvaient échapper à la carte scolaire ! (Vifs applaudissements à droite) Autre paradoxe : prétendre que nous créons des ghettos lorsque précisément nous autorisons les familles à les quitter : comment s'appelle un ghetto qui s'ouvre ? Est-on libre lorsqu'on est assigné à résidence dans son quartier ? (On s'indigne bruyamment à gauche) Il y a encore un paradoxe à dire qu'il s'agit là d'un système injuste dès lors que les Français l'approuvent et qu'ils s'en servent. Autre paradoxe encore quand vous prétendez que nous réduirions les crédits affectés aux établissements qui perdront des élèves alors que jusqu'à présent, les établissements dont les effectifs diminuaient à cause du détournement de la carte scolaire voyaient leurs crédits diminuer et que nous nous sommes justement engagés, dans la clarté, (on en doute à gauche) à maintenir des moyens identiques aux établissements, même quand des familles demanderont à bénéficier de cette nouvelle liberté ! (« Bravo ! » et applaudissements à droite et au centre)

Vous avez fait allusion à un rapport que je connais bien. Comme par hasard, un des deux auteurs va publier prochainement un Que sais-je sur cette question : cette fuite n'est donc peut-être pas tout à fait le fruit du hasard... (Exclamations indignées à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est ça, la transparence !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Ce rapport portait sur la situation au 1er octobre. Comment juger, sans aucun recul, une décision prise quelques semaines auparavant ? Donnons-nous un peu de temps pour voir comment les choses se passent. (Le brouhaha se poursuit)

Toutes les familles pourront demander une dérogation et lorsqu'elles seront trop nombreuses, les seuls critères retenus seront sociaux, à commencer par les boursiers, les handicapés et les fratries. Bref, nous sommes dans un système beaucoup plus transparent et juste qu'auparavant. (On en doute fortement sur les mêmes bancs)

En ce qui concerne le samedi, avant même que nous en décidions sa suppression, 27 % des établissements ne travaillaient pas ce matin-là et je n'ai pas observé qu'un élève sur quatre soit particulièrement traumatisé par le fait que le vendredi soir il retrouvait sa famille ! (Nouvelles exclamations à gauche)

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Il est enfin un peu étonnant de prétendre que nous faisons moins à l'école au moment même où nous mettons en place l'accompagnement éducatif et le soutien scolaire généralisé, ce que personne n'avait fait auparavant. (« Bravo ! » et vifs applaudissements à droite et au centre)

M. Adrien Gouteyron.  - Il sait de quoi il parle, lui !

Statut des coopératives européennes

M. Marcel Deneux .  - Le régime fiscal des sociétés coopératives est aujourd'hui paradoxalement menacé, paradoxalement parce qu'à l'heure où les coopératives sont reconnues par le droit européen, elles pourraient, dans le même temps, être menacées par les institutions communautaires.

Les coopératives agricoles françaises font en effet l'objet d'une plainte déposée devant la Commission européenne en 2004 pour « aide d'État illégale ». Les plaignants excipent de la non-conformité du régime fiscal français des coopérative au regard du droit communautaire.

La possibilité de procéder à des aménagements fiscaux au profit de tel ou tel type de société est expressément affirmée par la Commission à condition qu'ils soient justifiés par des contraintes juridiques inhérentes à la qualité de coopérative, la poursuite d'objectifs communautaires déterminés et qu'ils soient proportionnés.

Dans sa communication de mars 2004, la Commission a affirmé que les coopératives remplissaient les deux premières conditions mais que restait en suspens la question de la proportionnalité, pour laquelle la France a toujours considéré que le régime fiscal des coopératives était une juste contrepartie de contraintes pesant sur ces sociétés.

Une décision de la Commission de sens contraire serait dommageable à tout ce secteur, étant donné son rôle dans l'économie. A la plainte déposée en 2004, Mme la Garde des sceaux a répondu que « le Gouvernement mettra tout en oeuvre pour maintenir les spécificités du régime coopératif français ». Comment comptez-vous, madame la ministre, y parvenir ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - La Commission a été effectivement saisie d'une plainte en 2004 sur le fondement du caractère d'aide d'État qu'aurait le régime fiscal particulier bénéficiant aux coopératives. Le Gouvernement est très favorable à son maintien, d'autant qu'il permet d'atténuer les tensions inflationnistes dans le secteur agricole.

La plainte est actuellement à l'instruction et nous fournissons nos argumentaires. En 2006, nous avons ainsi démontré que la proportionnalité de ce régime fiscal dérogatoire est justifiée par les contraintes particulières auxquelles sont soumises les coopératives agricoles : elles n'ont pas accès au marché financier et ne peuvent se partager leurs réserves. La Commission avait validé la situation des coopératives espagnoles. Malheureusement, le tribunal de première instance a rendu une décision défavorable. Il nous appartient désormais d'alimenter le dossier pour que la proportionnalité soit reconnue. C'est dans cet esprit que nous défendons ardemment ce dossier. (Applaudissements au centre et à droite)

Classement Natura 2000 des zones entourant les ports

M. Charles Revet .  - Le 21 mai, le Sénat a adopté le projet de loi portant réforme portuaire présenté par M. Bussereau, secrétaire d'État chargé des Transports. (Applaudissements à droite)

M. Henri de Raincourt.  - Bravo !

M. Charles Revet.  - Ce texte a fait l'objet d'un vote conforme à l'Assemblée nationale le 24 juin. C'était une des priorités du Président de la République et du Premier ministre qui veulent que nos grands ports maritimes retrouvent une compétitivité et un développement comparables à celui que connaissent nos concurrents du nord et du sud de l'Europe. Bien sûr, pour avoir les meilleures chances de réussite, il faudra compléter les investissements déjà engagés et améliorer rapidement les dessertes en amont et en aval, tant du point de vue fluvial que ferroviaire et routier.

Mais le classement des espaces risque de remettre en cause, au moins partiellement, ces projets de développement. Une grande partie du littoral côtier pourrait être classée en zone Natura 2000, de la baie du Mont Saint-Michel à Dunkerque, en passant par Granville, chère à M. Bizet. (L'orateur exhibe une carte) Il en va de même pour la vallée de la Seine.

La nécessaire protection des zones riches en termes de faune et de flore doit se faire en harmonie avec les projets d'aménagements des zones d'activités, notamment dans le domaine portuaire. Un projet d'aménagement global identifiant les espaces à protéger et les espaces pouvant accueillir des zones d'activités économique est-il prévu ? Allez-vous préciser à vos services qu'un classement définitif ne pourra être décidé qu'après l'établissement de ce projet ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.   - Je remercie M. Revet de son travail en tant que rapporteur de la commission des affaires économiques pour la réforme portuaire. (Applaudissements à droite et au centre) Le Sénat a introduit de nombreux amendements, que l'Assemblée nationale, dans sa sagesse, a conservés.

Le Président de la République tient à ce que nos ports soient un élément de la compétitivité de notre économie. Cela suppose une relance de l'investissement, une politique de transfert modal, une meilleure gouvernance, une unité de commandement. Je reçois aujourd'hui les organisations du monde maritime, pour poursuivre la mise en oeuvre de cette réforme.

Les zones spéciales, zones Natura 2000 ou aires maritimes protégées sont parfaitement compatibles avec le développement portuaire. Nous allons établir des projets stratégiques, via une contractualisation État-région, afin d'intégrer les contraintes environnementales.

Nous attendons trente mille emplois supplémentaires de cette réforme, qui est fondamentale pour notre économie. Nous tiendrons compte des considérations environnementales, mais nous développerons nos ports ! (Applaudissements à droite et au centre)

Centre de rétention à Vincennes

Mme Catherine Tasca .  - Le 21 juin, au centre de rétention administrative de Vincennes, un Tunisien est mort dans des circonstances non élucidées, peut-être par manque de soins. D'où, le lendemain, une révolte et un incendie qui a mis en péril la vie des détenus et de leurs gardiens.

Les centres de rétention administrative, que vous agrandissez bien au-delà du plafond fixé en 2005, se muent en véritables lieux carcéraux. Et ne me dites pas que les conditions de rétention sont meilleures chez nous qu'ailleurs ! Que ceux qui le pensent aillent passer trente-deux jours à Vincennes -peut-être dix-huit mois demain, avec la directive « Retour ». Les conditions d'arrestation, l'absence de perspective de réinsertion dans le pays d'origine, l'enfermement de très jeunes enfants, tout cela crée une angoisse insurmontable qui conduit à la révolte ou au désespoir.

De façon scandaleuse, un député, porte-parole de l'UMP, a immédiatement accusé les associations de soutien aux étrangers, en particulier Réseau éducation sans frontières. C'est sans doute à ses yeux faire encore trop de place à la défense de l'état de droit.

En réalité, monsieur le ministre, c'est votre politique qui est responsable de ces drames. L'objectif de vingt six mille expulsions est un gage donné à votre clientèle plus qu'une vraie réponse à la présence sur notre sol de deux à trois cent mille étrangers en situation irrégulière. Ne voyez-vous pas que votre politique est dans une impasse, qu'elle déshonore notre pays et qu'elle ruine notre crédit, notamment en Afrique ? C'est une politique qui tue. Comment comptez-vous garantir la sécurité dans les centres de rétention ? Quand reconnaîtrez-vous l'absurdité de cette politique de reconduite à la frontière ? Depuis la circulaire avortée du 13 juin 2006, il n'y a plus de politique rationnelle de régularisation. Quand engagerez-vous enfin une vraie politique d'accueil et d'intégration des étrangers sur des critères justes et clairs ? (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire .  - Effectivement, un homme est décédé à Vincennes. L'autopsie a montré qu'il n'avait été victime d'aucune brutalité policière. Je souhaite que la justice détermine les responsabilités directes et indirectes dans ces incendies criminels, qui pouvaient tuer. Je remercie les sénateurs qui se sont rendus sur place : Mme Borvo Cohen-Seat, M. Assouline et M. Cambon, qui était présent les deux jours.

Surpopulation, dites-vous ? Le nombre limite est de 140 par centre de rétention. Celui de Vincennes comporte deux modules, soit 280 places : avec 249 personnes, il n'était pas surpeuplé.

Pas de comparaison avec l'étranger, dites-vous ? J'ai visité, dans la banlieue londonienne, un centre de cinq cents places, mis en place par le gouvernement travailliste et confié au secteur privé !

Notre politique n'est pas comprise, dites-vous ? Vous ne vous tenez guère informée ! J'étais au Cap Vert il y a trois jours. Nous avons signé des accords bilatéraux de gestion concertée des flux migratoires avec pas moins de cinq pays déjà, et nous en signerons autant d'ici la fin de l'année. Lisez les déclarations du Président Wade, ou du Président  Boni Yayi ! Tous soulignent que ces accords sont honnêtes, transparents, utiles, efficaces pour le pays d'origine comme pour le pays d'accueil.

Ne faites pas le procès de la politique du chiffre. Au contraire, réjouissez-vous que l'on ait interpellé 1 529 passeurs, 775 marchands de sommeil, que l'on ait arrêté à Meaux un réseau qui faisait payer 5 000 euros pour un titre de séjour en Europe, 250 euros pour vivre à vingt et un dans 70 mètres carré, 400 euros par mois pour prendre une douche ! (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Alors arrêtez les fantasmes et les caricatures ! (Protestations à gauche, applaudissements à droite) Encouragez plutôt une politique cohérente, équilibrée, juste, dont l'objectif est de maîtriser l'immigration afin de réussir l'intégration ! (Vives protestations à gauche, applaudissements nourris à droite)

Bénéficiaires du bouclier fiscal

M. Dominique Mortemousque .  - Ma question s'adresse à M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Il y a moins d'un an, dans le cadre de la loi Tepa, vous avez renforcé le bouclier fiscal, dispositif qui existe déjà dans de nombreux pays européens comme les pays scandinaves, l'Espagne ou l'Allemagne. Aucun de nos concitoyens ne paie désormais plus de 50 % de son revenu en impôts locaux ou nationaux, y compris la CSG. Que de cris cette réforme a suscités dans l'opposition, y compris dans notre Haute assemblée ! On nous dit que ce dispositif ne profite qu'aux riches... (approbations à gauche)

Mme Catherine Tasca.  - Il coûte cher !

M. Dominique Mortemousque.  - ... et force est de constater que le bouclier fiscal est devenu l'argument de choc de la gauche contre la politique du Gouvernement et du Président Sarkozy, qu'on accuse d'avoir vidé les caisses de l'État pour satisfaire les riches au détriment du pouvoir d'achat des foyers les plus pauvres.

M. Jean-Pierre Bel.  - C'est vrai !

M. Dominique Mortemousque.  - Or ce matin un grand quotidien national a annoncé qu'une étude de Bercy prouve que les trois quarts des bénéficiaires du bouclier fiscal sont des foyers modestes, voire très modestes. (Rires à gauche)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - Des foyers très modestes qui auraient dû payer plus de 50 % d'impôts !

M. Dominique Mortemousque.  - Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer ce chiffre en le détaillant et nous donner des précisions concernant cette étude afin de confirmer que la politique menée par le Gouvernement profite bien à l'ensemble de nos concitoyens ? (Vives protestations à gauche, applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Un peu de silence, s'il vous plaît !

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique .  - Vous avez mille fois raison (rires et exclamations à gauche) et les chiffres sont là pour le prouver. (Vives protestations à gauche. M. le ministre poursuit en s'adressant aux sénateurs de l'opposition) Vous voudriez tordre la vérité ! Mais les chiffres sont les chiffres ! Allons au-delà de l'idéologie : nous avons désormais les chiffres pour l'année 2006, et nous pouvons faire le bilan du bouclier fiscal pour cette année ; je vous présenterai bientôt les chiffres pour 2007. En 2006, 23 159 demandes ont été déposées, dont 99 % ont été traitées. 14 981 demandes ont été acceptées, ce qui représente un montant total de restitutions de 241 millions d'euros. Parmi les bénéficiaires de cette mesure, il existe deux catégories, comme l'avait déjà souligné M. Copé, qui était à l'époque ministre délégué au budget. D'une part, il y a évidemment, ce que vous contestez par vos cris, les bénéficiaires à faibles revenus (nouvelles protestations à gauche)...

Voix à gauche.  - Qui paient l'ISF !

M. Eric Woerth, ministre.  - ... qui possèdent parfois un bien foncier -vous le savez bien, il y en a dans vos départements- et qui doivent acquitter une taxe foncière. (Le tumulte continue sur les bancs de la gauche) D'autre part, il y a les bénéficiaires à fort potentiel, à revenus élevés...

Voix à gauche.  - A fort potentiel ! Bel euphémisme !

M. Eric Woerth, ministre. - On a trop souvent tendance à oublier la première catégorie. 84 % des bénéficiaires ont un revenu fiscal inférieur à 42 000 euros : voilà les chiffres. Il n'est pas facile de caricaturer la vérité lorsque l'on est confronté aux faits ! (Vives protestations à gauche)

M. Jean-Pierre Bel.  - C'est de l'intox ! De la manipulation de statistiques !

M. David Assouline.  - Ce n'est pas la vérité !

M. Eric Woerth, ministre.  - Ces chiffres confirment l'objectif du bouclier fiscal, qui est certes destiné aux foyers aisés, mais aussi aux foyers à faibles revenus. Il est moralement inacceptable de demander à certains de nos concitoyens de travailler plus d'un jour sur deux pour l'État... (nouvelles protestations à gauche)

M. Jean-Luc Mélenchon.  - A ceux qui gagnent 100 ou 200 millions !

M. Eric Woerth, ministre.  - ... et il est économiquement irresponsable de rester les bras croisés devant le montant parfois excessif de l'imposition qui pèse sur nos concitoyens. (Protestations à gauche, applaudissements nourris sur les bancs UMP)

Carte militaire

M. le président.  - (Le tumulte continue dans l'hémicycle) Je vous prie d'attendre un peu, monsieur Domeizel, sinon nous n'entendrons ni la question ni la réponse, et cela n'aura pas beaucoup d'intérêt... (Après quelques instants, le silence s'établit)

M. Claude Domeizel .  - Ma question s'adressait à M. le ministre de la défense, mais j'ai cru comprendre que c'était M. le secrétaire d'État aux anciens combattants qui allait me répondre.

Si l'on en croit les informations distillées au compte-gouttes, des dizaines d'implantations militaires sont appelées à disparaître. Mis à part d'officieux communiqués de presse, nous ne connaissons pas les noms des unités ou établissements militaires concernés, et cette incertitude augmente l'angoisse des populations qui craignent d'être victimes de ces mesures. Les services du ministère de la défense ont reçu les élus concernés. Ont-ils été entendus ? Seront-ils partie prenante dans les consultations à venir ? Ou s'agit-il simplement de les informer du malheur qui les guette ? Je peux témoigner ici, et je sais que ce n'est pas un cas unique, de l'angoisse éprouvée dans la vallée de l'Ubaye à l'annonce d'une éventuelle et incompréhensible fermeture du centre d'instruction de Barcelonnette, petite ville de 2 700 habitants. Ce serait une véritable catastrophe, qu'aucune compensation financière ne pourrait corriger. On nous dit qu'il faut rationnaliser et restructurer. Mais vous ne pouvez pas biffer d'un trait de plume une caserne par ci, une base aérienne par là. Vous devez prendre en compte les hommes et les femmes qui y vivent et y travaillent, et qui à leur tour font vivre et travailler tout un pays, ses structures scolaires, ses associations culturelles et sportives, ses commerces et bien d'autres activités ! On ne peut pas supprimer des postes ou déplacer des structures sans se soucier des conséquences sociales et économiques ! Le Président de la République a dit que la défense n'avait pas vocation à faire de l'aménagement du territoire. Quelle affirmation surprenante, pour ne pas dire déplacée ! L'État a l'obligation d'aménager le territoire, pas de le déserter !

M. Henri de Raincourt.  - Cela n'a rien à voir !

M. Claude Domeizel.  - Aux abandons de services publics, aux mésaventures de la carte judiciaire, il ne faudrait pas ajouter aujourd'hui les injustices de la carte militaire ! Voilà pourquoi je vous demande de vous porter garant du respect des principes d'équité et de transparence, pour faire en sorte que tous les sites soient traités de la même façon ; de nous faire connaitre, en cas de disparition d'implantations militaires, les mesures de revitalisation, le plan d'accompagnement social et économique pour les territoires les plus touchés, et les budgets afférents. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur quelques bancs du groupe CRC)

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la Défense et aux anciens combattants .  - Je suis très heureux de répondre, en tant que secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants, à la place d'Hervé Morin qui est actuellement à l'Assemblée nationale pour débattre du Libre blanc sur la défense. Ce Livre blanc, que le Président de la République a présenté le 17 juin dernier, est nécessaire pour la crédibilité de notre défense.

En effet, le monde a changé, (exclamations à gauche) les menaces ont évolué et des régions du monde sont devenues de véritables poudrières. Nous devons nous adapter, comme nos partenaires et alliés.

L'armée a déjà réussi sa professionnalisation : la restructuration se réalisera à budget constant : toutes les économies seront affectées à la modernisation des équipements.

M. Claude Domeizel.  - Répondez à la question !

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État.  - La restructuration des armées a leur efficacité pour objectif et l'aménagement du territoire qui vous tient à coeur en est la conséquence. Vous reconnaissez qu'il y a eu une véritable concertation, une vraie écoute. Lorsque les restructurations seront annoncées, les arguments présentés pour Barcelonnette comme pour les autres sites seront pesés ; certains projets seront maintenus, d'autres supprimés.

Nous travaillerons avec M. Falco et sous l'autorité du Premier ministre et les budgets de la défense comme de l'aménagement du territoire prévoiront des crédits. Projet par projet, il y aura des réponses car, si l'aménagement du territoire ne conditionne pas la restructuration de nos armées, nous sommes très attachés au développement harmonieux des territoires. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Incinérateurs

M. Alain Vasselle .  - Ma question s'adressait à M. Borloo, mais j'aurais également pu la poser à Mme Bachelot, car elle concerne à la fois l'environnement et la santé publique. Le traitement des déchets, notamment par les incinérateurs, doit être replacé dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Celui-ci a fixé trois objectifs ambitieux : développer la prévention et responsabiliser les producteurs- mais je souhaite que l'on responsabilise également la grande distribution pour ce qui est des emballages ; améliorer les résultats en termes de tri sélectif ; traiter les déchets ultimes. Or nous ne disposons à cet égard que de deux solutions : les centres d'enfouissement technique et les incinérateurs. Le Gouvernement souhaite valoriser les déchets grâce à l'incinération et à la cogénération. Cependant des articles de presse entretiennent une psychose en évoquant une « nouvelle alerte médicale ». (L'orateur présente une photocopie) Une coordination médicale Santé et environnement qui regroupe 3 000 médecins, dénonce en effet un cocktail de dioxine et des rejets de métaux lourds. Elle demande un moratoire en application du principe de précaution. Allez-vous accéder à sa demande et y a-t-il ou non un risque pour la santé de nos compatriotes ? (Applaudissements à droite)

M. Paul Raoult.  - Bonne question !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports .  - Je vous prie d'excuser M. Borloo retenu par la préparation de la présidence française de l'Union européenne. Mme Bachelot aurait pu vous répondre, d'abord parce que, ministre de l'environnement, elle a fait fermer de nombreux incinérateurs qui n'étaient pas aux normes, et ensuite parce qu'elle est maintenant en charge de la santé.

M. Ladislas Poniatowski.  - Et, troisièmement, parce qu'elle est bonne !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Priorité doit être donnée à la prévention, au tri, au recyclage, le meilleur déchet étant celui que l'on ne produit pas. Les objectifs du Grenelle sont de réduire les déchets de 5 kilos par an et par habitant et d'atteindre un taux de tri de 45 % en 2015. Vous le savez, c'est une responsabilité des collectivités locales et les préfets mettent en oeuvre un plan départemental d'élimination des déchets

Le Grenelle de l'environnement n'a pas retenu le principe d'un moratoire sur les incinérateurs car ils sont aux normes. Avec l'arrêté du 20 septembre 2002, nous nous sommes donné des normes plus exigeantes que nos partenaires. De surcroît, la directive européenne sur les déchets place l'incinération avec récupération devant les décharges. Soyez assuré que nous restons très attentifs aux enjeux de santé publique. (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Bonne question, mais pas de réponse !