Revenu de solidarité active (Urgence)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

Discussion générale

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.  - Dans son passionnant rapport publié hier même et intitulé « Croissance et inégalités », l'OCDE constate que si la pauvreté recule depuis vingt ans en France, les inégalités ne se réduisent plus depuis dix ans, malgré la hausse des transferts sociaux. Entre les deux stratégies d'action qu'elle distingue, celle de la redistribution et celle de l'accès à l'emploi, l'OCDE estime que l'accès à l'emploi est plus efficace dans des pays où les transferts sociaux sont déjà importants et que la combinaison des deux stratégies est le plus souhaitable. C'est exactement ce que nous vous proposons !

Je ne me suis jamais résolu et je ne me résoudrai jamais à ce que notre pays reste indifférent à la pauvreté. Je sais que le Sénat se mobilise, témoins les nombreux travaux dont nous nous sommes inspirés : ceux de MM de Raincourt, Mercier, de Mme Létard, de la commission présidée par M. Demuynck sur la pauvreté, ceux de votre commission, présidée par M. About, ou encore les travaux de MM. Marini et Arthuis sur les minima sociaux et les bas salaires. Je pense à l'implication de beaucoup d'entre vous comme président de conseil général dans des démarches innovantes sur le plan social, dont celle du revenu de solidarité active (RSA).

Ce texte n'est pas parfait mais il prétend à la cohérence. Il revendique une stratégie fondée sur un diagnostic, des objectifs, une méthode, des principes, des outils, des moyens et une éthique.

Le diagnostic, c'est que la pauvreté concerne aujourd'hui principalement les personnes d'âge actif, avec autant de pauvres parce qu'exclus du travail que de personnes maintenues dans la pauvreté malgré le travail. Le diagnostic, c'est que nous sommes passés trop longtemps à côté du phénomène des travailleurs pauvres alors que leur nombre a augmenté même lorsque le salaire minimum a connu ses plus fortes augmentations.

Pour la première fois en France, le Gouvernement s'engage sur des objectifs chiffrés de réduction de la pauvreté, figurant dans un tableau de bord débattu avec les principaux acteurs sociaux. Parmi les critères : le taux de pauvreté monétaire, le nombre de travailleurs pauvres ou encore celui des dossiers de surendettement. Cette loi grave dans le marbre la notion même d'objectifs chiffrés de réduction de la pauvreté, chacun pourra y mesurer la réalité des engagements pris : il y avait des discours, nous nous engageons sur des résultats.

La méthode, c'est de commencer par une phase d'expérimentation, suivie d'une politique partenariale, dans un cadre conventionnel, articulant l'accès à l'emploi et l'aide sociale, avec une évaluation régulière. La méthode, c'est aussi d'avoir associé les personnes concernées à la conception de cette réforme et, dans la loi même, de leur aménager une place dans les instances décisionnelles.

Les principes consistent d'abord à garantir la progression des ressources avec l'augmentation des revenus tirés du travail ainsi que l'équité.

Les outils, ce sont le RSA, le contrat unique d'insertion, le pacte territorial d'insertion.

Ce texte propose aussi des moyens : 1,5 milliard supplémentaire destiné aux plus modestes. Cet effort est plus important qu'au moment de la création du RMI ou de la couverture maladie universelle (CMU).

Nous respectons également une éthique : la recherche de la dignité, en conciliant travail et solidarité. Ce texte ne juge pas des personnes pour leur pauvreté mais une société qui tolère qu'on puisse reprendre du travail sans gagner d'argent, c'est-à-dire une société où les plus pauvres sont taxés à 100% ! (Exclamations à gauche) Une société qui a créé une prime pour l'emploi pour les salariés les plus modestes, mais qui en a exclu la moitié des travailleurs pauvres, trop pauvres pour y avoir droit...

Nous tirons les enseignements des réformes passées pour adapter les principes aux nouveaux visages de la pauvreté. Le RMI, promu par la gauche et voté par la droite, a créé un revenu minimum que nous conservons, évidemment, en y ajoutant la garantie d'une augmentation quand on reprend du travail plutôt qu'une soustraction. Il y a dix ans, une solution temporaire a été apportée, limitée à un an. Aujourd'hui, nous proposons un système qui soutient les revenus de la personne tant qu'elle en a besoin. La prime pour l'emploi (PPE), créée par la gauche et amplifiée par la droite, améliore le revenu de certains salariés sans augmenter le coût salarial, nous complétons le dispositif pour les plus pauvres, qui en étaient exclus. Voilà le sens du RSA et ce qui explique que les deux candidats du deuxième tour de l'élection présidentielle aient souhaité son adoption. On peut même dire qu'au deuxième tour, 100 % des Français ont voté pour le RSA ! (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Amalgame !

M. Charles Gautier.  - Pas celui-ci !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Voilà aussi pourquoi le RSA a été adopté par des conseils généraux de droite comme de gauche...

M. Didier Guillaume.  - Surtout de gauche !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Et ce, avec l'approbation de la minorité ! Certains l'ont oublié, pas nous qui n'avons pas changé de ligne et restons fidèles à nos engagements !

D'autres, cependant, craignent un effet d'aubaine pour les employeurs, au détriment de la qualité de l'emploi.

M. Didier Guillaume.  - Bien sûr !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Il n'en n'est rien : avec le RSA, nous n'abaissons pas le coût du travail pour l'employeur, nous soutenons les salariés qui travaillent à temps partiel, pas les employeurs qui les embauchent. En 1992, ce sont les employeurs qui ont été avantagés, quand il leur est revenu moins cher d'embaucher deux personnes à mi-temps qu'un salarié à plein temps. Nous en avons vu les conséquences, avec une augmentation du temps partiel subi ! Il a fallu que ceux qui avaient voté la mesure la corrigent en 1998.

Dans les zones expérimentales, les revenus d'activité déclarés ne sont pas inférieurs aux revenus d'activité dans les zones témoins où ne s'applique pas le RSA. Mieux, pour ce qui est du premier quartile, c'est-à-dire des plus modestes, dans les zones expérimentales, le revenu tiré de l'activité est de 100 euros en moyenne plus élevé que dans les zones témoins. Dans l'Hérault -je prends l'exemple du département qui a engagé l'expérimentation la plus importante-, sur les bénéficiaires en activité en janvier et en juin, le temps de travail hebdomadaire moyen est passé de 22,8 heures à 23,4 heures pour les bénéficiaires du RSA en CDD, de 18,12 heures à 19,02 heures pour ceux en CDI et de 9,71 heures à 14,25 heures pour ceux en chèque emploi service universel.

Nul n'est obligé de prendre ses craintes pour des réalités. Sur les trois trimestres, les emplois durables constituent 40 % des entrées dans le dispositif RSA, auxquels se rajoutent 10 % de travail indépendant. L'intérim ne représente que 12 %. Les faits, les faits, les faits !

On a dit que les classes moyennes allaient payer la majorité de l'effort. Non. Au contraire. Cela fait longtemps que l'on dit que les revenus du capital sont moins taxés que les revenus du travail. Au lieu de financer le revenu de solidarité active par une contribution universelle, telle la CSG qui pèse sur l'ensemble des revenus -y compris les retraites et les salaires- nous avons choisi une contribution sur les seuls revenus du capital.

M. Guy Fischer.  - Les petits capitaux !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Et comme les capitaux sont plus concentrés que les revenus du travail, ce sont les 10 % des ménages les plus aisés qui supporteront plus de la moitié de la contribution. Et comme jusqu'à preuve du contraire, les classes moyennes n'incluent pas les 10 % des ménages ayant les patrimoines les plus élevés, ce ne sont pas les classes moyennes qui supportent la majorité de l'effort.

M. Guy Fischer.  - Faux !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - J'ai entendu ce qui était dit sur le bouclier fiscal. Comme si, dans la balance, l'inclusion d'une contribution de 1,1 % annulait l'effet positif du revenu de solidarité active. Je respecte les opinions exprimées sur le bouclier fiscal, mais il faut avoir le sens des symboles, et aussi celui des proportions. L'année dernière, ici même, certains ont ironisé sur le fait que le projet de loi Tepa ne prévoyait que 25 millions d'euros pour les premières expérimentations du RSA et près d'un milliard pour le bouclier fiscal. Je leur avais dit que nous y reviendrions. Et nous avons tenu parole, sans changer de conviction, sans faillir, sans mentir, sans trahir, sans faiblir, sans dévier, sans tarder. Si l'argument était valable il y a un an, il se retourne aujourd'hui : l'inclusion de la contribution dans le bouclier fiscal représente 23 millions au regard d'un effort nouveau d'un milliard et demi pour les plus modestes. Par ailleurs, le débat sur le bouclier fiscal a permis d'introduire dans ce texte le principe du plafonnement global des niches fiscales, depuis si longtemps demandé, et le projet de loi de finances permettra de lui donner une réalité, y compris dans son articulation avec le mécanisme du bouclier fiscal. Les travaux conduits hier par la commission des finances de l'Assemblée nationale sur l'assiette du bouclier vont d'ores et déjà dans ce sens. Le plafonnement des niches fiscales et la modification de leur prise en compte dans l'assiette du bouclier auront plus d'effet que l'intégration de la taxe dans le bouclier fiscal.

On a dit que l'État allait se défausser sur les collectivités territoriales. Non. Au contraire.

M. Guy Fischer.  - Mensonge !

M. Gérard Miquel.  - Transfert !

M. Charles Gautier.  - Allez le dire au congrès des maires !

M. Didier Guillaume.  - Et les milliards du RMI ?

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Cette réforme se fait à la loyale, vis-à-vis des départements, comme je m'y suis toujours engagé. Le surcoût de la prestation est pris en charge par le Fonds national des solidarités actives, créé à cet effet, et dont pas un centime ne peut sortir pour un autre usage que le revenu de solidarité active. Et nous prévoyons deux clauses de revoyure à l'égard des départements -que ceux qui protestent n'avaient pas obtenues... Dans le même temps, nous reconduisons le Fonds départemental de mobilisation pour l'insertion, à hauteur de 500 millions en 2009, alors qu'il était prévu qu'il s'arrête fin 2008. Je le disais à l'Association des départements de France : ils ne me croyaient pas. (On le confirme sur les bancs socialistes) Voilà pourquoi dans Le Monde d'aujourd'hui, ils se déclarent globalement favorables au RSA !

On a dit qu'on allait oublier ceux qui sont le plus éloignés de l'emploi. Non. Au contraire. Là où on expérimente le revenu de solidarité active, la proportion de ceux qui étaient au RMI depuis plus de quatre ans et qui reprennent du travail est plus élevée que dans les zones témoins. Mois après mois, systématiquement. Cela peut étonner, cela peut bousculer les idées reçues, cela peut faire tomber des arguments. Mais cela est in-dé-niable ! Le revenu de solidarité active, c'est le refus de la relégation de ceux qui n'arrivent pas à faire oublier leur étiquette de Rmiste. Les personnes éloignées de l'emploi sont souvent celles qui reprennent du travail par les contrats aidés. Or, celles-là, n'ont pas le droit aux mesures d'intéressement, créées pour les allocataires du RMI qui reprennent du travail. Quand un allocataire du RMI reprend du travail avec un contrat de travail classique, il a aujourd'hui droit à son salaire et pendant trois mois à conserver en plus le RMI, puis pendant les neuf mois suivants une prime forfaitaire de 150 euros. Celui qui est très éloigné de l'emploi et qui reprend du travail avec un contrat aidé n'a le droit ni à l'un ni à l'autre. Vous trouvez ça juste ? Moi pas ! Cela ne sera plus possible dès l'entrée en vigueur du revenu de solidarité active. Ce n'est que justice. Un mot personnel : quand j'entends dire que je serais capable de défendre un texte qui oublierait les plus éloignés de l'emploi, avec les convictions qui sont les miennes, cela me choque. Et les compagnons d'Emmaüs, auxquels ce texte reconnaît un statut, soixante ans après la création de la première communauté, n'étaient-ils pas considérés comme éloignés de l'emploi ?

Le système des minima sociaux était bloqué, parce qu'il était difficile d'en sortir. En améliorant le taux de retour à l'emploi, nous posons dans de nouveaux termes la question de ces minima. D'ailleurs, dès le mois prochain, les allocataires auront, et ce n'est que justice, un rattrapage équivalent à l'écart entre l'inflation prévisionnelle et l'inflation réelle. Il fallait d'abord réformer le RMI. Cela rend possible d'autres évolutions dans l'avenir.

On a dit qu'on allait oublier les jeunes. Ce n'est pas le cas. Il n'y a pas eu de consensus, lors de la conférence de concertation où tous les partis étaient invités, en juillet, sur l'abaissement de la limite d'âge. Nous conservons donc les règles d'âge actuelles mais à l'Assemblée nationale nous avons accepté un amendement qui permettra de faire le point sur la situation des moins de 25 ans. Et pour que ce ne soit pas seulement théorique, nous vous soumettons un amendement créant un fonds dédié, pour des programmes expérimentaux concernant les jeunes. Le Val-d'Oise s'est déjà porté candidat pour expérimenter le dispositif.

On a parfois dit qu'on allait créer deux catégories de pauvres. Non, au contraire. Le revenu de solidarité active pourra être perçu par des personnes qui ont des revenus faibles, certaines parce qu'elles ne travaillent pas, d'autres parce qu'elles travaillent peu, d'autres encore, qui travaillent à plein temps mais ont des charges de famille. Nous ne faisons pas de sélection, entre les unes et les autres, nous ne les soumettons pas à des statuts différents. Le RSA n'est pas une prime au mérite. On a trop attisé la haine entre les pauvres. C'est pour cela que le revenu de solidarité active sera versé à 3,5 millions de ménages.

Certains ont dit qu'il y aurait d'autres priorités en ces temps troublés et que le RSA, cela ne marcherait pas en période difficile. Non. Au contraire. Ce sont souvent les mêmes qui demandent un plan de relance ou un soutien à la consommation. Or, le revenu de solidarité active injecte un milliard et demi vers les salariés les plus modestes, 100 euros de plus par mois en moyenne par ménage à partir de juillet prochain, 200 euros de plus par mois pour une famille de deux enfants qui vit sur un Smic à plein temps, 200 euros de plus par mois pour une mère qui travaille à mi-temps et qui élève seule son enfant. Croyez-moi, ils n'y seront pas indifférents. Je n'ai jamais lu dans aucun ouvrage social qu'en période de crise, il fallait renoncer à la solidarité ! Le RSA, cela marche mieux en période de gros temps que l'attentisme et il est plus que jamais nécessaire dans ces périodes incertaines de s'engager fermement dans une politique de réduction de la pauvreté. Regardez derrière vous : au cours des vingt dernières années, quand le chômage a augmenté, le nombre de Rmistes a augmenté immédiatement. Quand le chômage a baissé, le nombre de Rmistes a nettement moins vite diminué. C'est parce que nous avons l'obsession de ne pas laisser les plus défavorisés être les premières victimes des à-coups économiques que nous mettons en place le revenu de solidarité active. Avec le financement correspondant.

Que n'ai-je entendu ? Le revenu de solidarité active, c'est bien... sauf le financement. On m'a conseillé de le disjoindre, de le renvoyer à un autre texte. Comme cela, on pourra se prononcer pour le revenu de solidarité active, sans avoir à assumer le financement. Mais j'assume : un tiens vaut mieux que deux tu l'auras. Nous avons vu trop de programmes de lutte contre la pauvreté, dont le financement était renvoyé à d'autres textes, d'autres temps, d'autres horizons. Cela aurait été confortable pour nous, pour vous peut-être, mais sacrément inconfortable pour les personnes modestes. Et puis, je l'ai entendu si souvent : lutter contre la pauvreté, oui ; payer pour, non. Grand classique ! Résultat ? Pile : des annonces sans lendemain. Face : des factures sournoises.

Chacun d'entre vous trouvera des motifs pour aller plus loin. Personne ne trouvera satisfaction à 100 % dans un tel projet. C'est normal. Nous l'avons construit comme un délicat point d'équilibre entre des intérêts contradictoires. Chacun a une solution pour réduire la pauvreté, mais souvent une solution incompatible avec la solution de l'autre. Les employeurs et les syndicats, les syndicats et les associations, l'État et les départements. Or nous avons besoin des uns et des autres et c'est pour cela que nous avons recherché ce point d'équilibre, qui donne raison à tout le monde à 90 %. Cet équilibre se construit autour de quelques points clés : nous ne pesons pas sur le coût du travail, nous n'alourdissons pas les charges des entreprises, nous ne faisons pas de brèche dans la protection des salariés, nous ne remettons pas en cause le principe d'un revenu minimum, nous mettons fin à des iniquités, nous respectons un équilibre entre la solidarité nationale et l'initiative locale, nous permettons une redistribution importante des revenus sans pour autant consacrer de l'argent à l'inactivité, nous établissons un équilibre entre droits et devoirs, nous donnons un sens à une démarche européenne d'inclusion active, nous mettons fin à une des plus grandes injustice de notre système fiscal, qui puise son origine dans ces niches sans plafond.

Nous avons écouté les uns et les autres, nous avons intégré dans ce texte, à l'Assemblée nationale, de nombreux amendements, venant dans des proportions identiques de la majorité comme de l'opposition. Je suis sûr que le débat vous permettra encore d'améliorer ce texte. Votre engagement sera important, pour l'adoption de ce texte, sa mise en oeuvre, son évaluation et ses améliorations ultérieures. La lutte contre la pauvreté ne peut se jouer à pile ou face, en fonction des majorités politiques du moment, des circonstances, des humeurs, ou des calculs. Je souhaite que vous amplifiiez le travail des députés, que vous montriez qu'un compromis noble est possible. Nous avons respecté les souhaits de chacun en cherchant à les concilier avec les demandes des autres. Votre attachement au fond comme au symbole pourra se traduire par ce signal d'espoir et de solidarité qu'attendent nos concitoyens. Adopter le revenu de solidarité active et la rénovation des outils de l'insertion ne conduit pas à affadir vos propres convictions, à perdre tout esprit critique, mais au contraire à montrer qu'un compromis est plus utile qu'une dangereuse pureté.

Je défends le RSA depuis mille jours. Il a été imaginé par une commission dont les membres avaient fait fi des consignes et des étiquettes parce qu'ils croyaient à la nécessité de réduire la pauvreté. Depuis, j'ai travaillé, dialogué, rencontré les bénéficiaires du nouveau dispositif. Clair, sans ambiguïté, argumenté et émouvant, leur message nous oblige : ce n'est jamais celui du statu quo, de l'indifférence ou de la résignation. Les plus modestes nous disent avoir besoin du RSA. Engageons-nous à les soutenir résolument au moment où ils en ont le plus besoin. (Applaudissements à droite et au centre)

Rappel au Règlement

Mme Odette Terrade.  - Je veux faire un rappel au Règlement, monsieur le Haut-commissaire, sur la base de l'article 36 alinéa 3, parce que le projet de loi, et particulièrement son article 2, va accroître la pression sur les allocataires pour qu'ils acceptent des miettes d'emplois. Vous leur imposez en effet les dispositions de la loi sur les droits et devoirs des demandeurs d'emplois, dont nous avions dénoncé le caractère disproportionné.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement : vous êtes déjà à l'article 2.

Mme Odette Terrade.  - Nous y sommes ! J'ai ici un courrier du directeur de l'Agence nationale pour l'emploi de Villeneuve-Saint-Georges. (L'oratrice montre la lettre) Il y invite les allocataires à participer à un forum de l'emploi pour rencontrer des entreprises d'intérim. Et d'écrire : « au cas où vous ne donneriez pas suite à ce courrier, je serais conduit à ne plus vous considérer comme demandeur d'emploi ». La politique de culpabilisation des demandeurs d'emploi et de chasse aux allocataires des minima sociaux conduira bien à des radiations massives. Mais si une agence est capable d'agir de la sorte, on peut se demander ce que le Gouvernement appelle une offre raisonnable d'emploi.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Manipulation !

Mme Odette Terrade.  - Il s'agit de contraindre les plus précaires à accepter encore plus de précarité. Ce dispositif est dangereux, pourquoi le généraliser et l'étendre aux bénéficiaires du RSA ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. le président.  - Ce n'est pas un rappel au Règlement. Si vous recommenciez, je serais obligé de vous interrompre.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Nous aurons l'occasion d'y revenir. Je puis vous assurer que le Gouvernement n'a pas d'arrière-pensée. Ces dernières années, beaucoup d'allocataires des minima sociaux se plaignaient que les portes du service public de l'emploi leur soient fermées. Nous, nous voulons les leur ouvrir. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est du discours, vous niez la vérité !

Discussion générale (Suite)

Mme Bernadette Dupont, rapporteur de la commission des affaires sociales.  - Nous abordons un sujet essentiel puisqu'il touche à la condition humaine. La volonté du Président de la République de réduire d'un tiers la pauvreté d'ici 2012 n'est pas à mettre en doute. Le choix de votre personne, monsieur le Haut-commissaire, en est la preuve.

M. Guy Fischer.  - Alibi !

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Chacun sait votre engagement auprès des plus démunis. Il est difficile de ne pas évoquer les belles figures de l'Abbé Pierre et de soeur Emmanuelle, ces grands témoins de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. (Mouvements divers sur les bancs socialistes) Ils m'ont marquée, le premier pour avoir répondu à son appel en 1954, que peu ici ont dû entendre...

M. Gérard Longuet.  - Il fut député de Meurthe-et-Moselle !

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - ...la seconde à cause de l'éducation reçue à Notre-Dame de Sion -mais j'arrête là les confidences.

Vous avez travaillé sur le RSA dès 2005. Nos collègues Valérie Létard, Michel Mercier et Bernard Seillier ont également contribué à la réflexion. Il a suscité une large adhésion après le Grenelle de l'insertion.

Il convient aujourd'hui, selon votre expression, « de réconcilier le travail et la solidarité, de faire reculer la pauvreté en se fondant sur le socle le plus précieux, le travail dans la dignité ». Le demandeur du RSA sortira d'un statut pour voir ses droits considérés en fonction de ses revenus et de sa situation familiale.

Il faut regarder vers l'avenir et non gémir sur le présent. La généralisation du RSA est le fruit d'une démarche innovante dont l'intérêt compense l'urgence. Je salue le travail de MM. Daubresse et Hénart, qui ont substantiellement amélioré ce beau texte. La généralisation du RSA constitue un changement de perspective : elle place l'insertion au coeur de la solidarité. Le RSA a vocation à remplacer le RMI et l'API comme à être étendu aux travailleurs pauvres : 3,5 millions de personnes sont concernées. Ce dispositif d'équité apportera à chacun des moyens convenables d'existence tout en incitant au travail et en luttant contre la pauvreté des personnes en situation d'emploi précaire.

Désormais, chaque heure travaillée supplémentaire se traduira obligatoirement par une augmentation de revenu, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui en raison des droits connexes, ainsi que notre groupe de travail l'avait montré dès 2005.

Les esprits sont mûrs mais l'on peut s'étonner que la réforme intervienne avant 2010 et le terme de l'expérimentation.

M. Guy Fischer.  - On est d'accord !

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Néanmoins, les premiers résultats sont encourageants et le RSA rencontre une large adhésion que j'ai mesurée au fil de mes auditions.

Le RSA améliore incontestablement le système de solidarité en le simplifiant et en supprimant les trappes à inactivité. L'attribution de droits connexes nationaux introduira en outre une plus grande équité -nos compatriotes y sont très sensibles. La logique des droits et devoirs s'appliquera désormais aux personnes en insertion, qui devront respecter leurs engagements contractuels mais bénéficieront d'un suivi personnalisé alors que les deux tiers n'avaient pas accès au service public de l'emploi.

Ces indéniables améliorations ne sont pas dénuées de risques ou d'effets pervers. Ma première inquiétude tient aux perspectives du marché de l'emploi selon l'ampleur et les conséquences de la crise. Il faudra redoubler d'efforts dans l'accompagnement et évaluer le dispositif rapidement et régulièrement.

Un RSA sans limitation de durée peut précariser l'emploi en maintenant les allocataires dans des emplois à temps très partiel -nous proposerons des mesures pour limiter ce risque.

L'État et les départements se partageront le financement à travers le Fonds national de solidarité active. Le coût total du dispositif est évalué à 10 milliards. L'État mobilisera 1,5 milliard grâce à la très fameuse contribution additionnelle de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et de l'épargne.

Cela ne sera peut-être pas sans conséquences pour les ménages des classes moyennes dont les placements complètent utilement la retraite.

La question des effets de cette contribution sur le bouclier fiscal a donné lieu à de nombreuses interrogations : je ne doute pas que la question sera ici largement débattue. La solution retenue par l'Assemblée nationale améliore le dispositif puisque le produit du plafonnement des niches fiscales, aujourd'hui de 150 à 200 millions, devrait permettre de réduire à mesure le taux de la nouvelle contribution. Je souhaite, pour l'efficacité du dispositif, voir rapidement décroître le prélèvement nécessaire à son financement. Espérons une amélioration de la conjoncture et veillons à ce que ce prélèvement ne perdure pas pour grimper ensuite par étapes...

J'insiste enfin sur la nécessité de voir le nouveau pôle emploi se mettre rapidement en ordre de marche pour honorer, dans un contexte économique délicat, sa mission d'accompagnement vers l'emploi des bénéficiaires du RSA. La réussite de la réforme repose sur l'efficacité de l'accompagnement et sur la capacité du nouvel opérateur à soutenir des publics ignorés jusqu'ici. Nous espérons recevoir des garanties en la matière, en particulier à l'occasion de la signature de son futur cahier des charges.

Je regrette que la situation particulièrement préoccupante des jeunes, celle des allocataires de l'ASS (allocation de solidarité spécifique) et de l'AAH (allocation adulte handicapé) ne soit pas prise en compte dans le dispositif général, même si le projet de loi de finances pour 2009 envisage un mode de cumul avantageux des revenus d'activité avec l'AAH et qu'un futur fonds d'expérimentation sera consacré à l'emploi des jeunes. Je ferai des propositions là-dessus.

J'en viens au deuxième volet du projet de loi, qui réorganise la gouvernance des dispositifs d'insertion à l'échelle territoriale.

Le programme départemental d'insertion (PDI) définira à l'avenir la politique départementale d'accompagnement social et professionnel. Le lien actuel entre la mise en oeuvre du RMI et la politique des départements en matière d'insertion est ainsi dénoué.

Le texte incite les partenaires de l'insertion à conclure un pacte territorial pour l'insertion associant tous les acteurs au département. La commission est favorable à de telles conventions, dont elle souhaite renforcer l'efficacité en prévoyant explicitement, en vue du retour à l'emploi, l'association du monde économique et des partenaires sociaux.

Les dispositions législatives applicables à l'insertion par l'activité économique sont harmonisées et rationalisées. Ainsi, les aides au poste sont-elles étendues aux ateliers et chantiers d'insertion. Est également créé un contrat à durée déterminée d'insertion, le CDDI, largement inspiré des autres contrats aidés. La transition entre l'insertion par l'activité économique et des formes d'emploi plus proches du droit commun en sera facilitée.

L'Assemblée nationale a adopté un statut juridique pour les personnes accueillies dans des organismes communautaires et solidaires -essentiellement les communautés Emmaüs. J'approuve cette disposition, élaborée en concertation et qui correspond bien aux besoins des usagers de ces organismes.

Le dernier volet du texte, enfin, a trait à la simplification et à l'harmonisation du régime des contrats aidés. Les quatre contrats existants sont ramenés à deux : le contrat d'avenir et le contrat d'insertion-RMA sont supprimés (M. Jean Desessard s'exclame) pour ne laisser subsister que le contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE), pour le secteur non marchand et le contrat initiative emploi (CIE), pour le secteur marchand, constituant les deux volets, largement homogénéisés, du contrat unique d'insertion, le CUI, qui leur offre un cadre juridique commun. La commission soutient cette simplification qui répond aux nombreuses critiques portées à l'excessive diversité des contrats aidés. Elle permettra aux prescripteurs des contrats, aux employeurs et aux salariés eux-mêmes de mieux s'orienter dans les méandres de la réglementation. Une bonne visibilité est de fait essentielle à l'heure où le rebond du chômage exige une mobilisation optimale. Dans le même souci, le Gouvernement présentera un amendement reportant au 1er janvier 2010 la mise en oeuvre du CUI. Nous saluons ce pragmatisme qui traduit l'attention portée aux réalités du terrain.

Autre innovation à saluer : la convention individuelle conclue entre l'employeur et le prescripteur du contrat devient tripartite. Le bénéficiaire du contrat, qui en devient cosignataire, est désormais associé à la définition des termes de la convention et des engagements qu'elle emporte.

Deux mots d'ordre, donc, meilleur accompagnement des bénéficiaires et souplesse des instruments, qu'après l'Assemblée nationale, qui a su en renforcer la portée, je souhaitais soutenir encore en ouvrant la possibilité d'allonger la durée maximale des contrats aidés à durée déterminée pour permettre aux publics les plus fragiles de bénéficier, dans des conditions strictement encadrées, d'ajustements de durée favorables à leur réinsertion. Or, ces dispositions se sont vu opposer l'article 40.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Encore !

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Le Gouvernement a heureusement repris la substance de ces amendements, dans une version cependant plus « ajustée ». Nous devrions donc progresser sur ce point.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est ce qu'on appelle le renforcement des droits du Parlement...

Mme Bernadette Dupont.  - Pour finir, je ne puis manquer de saluer ici le remarquable travail d'accompagnement des associations d'employeurs.

Ce texte, qui a suscité une très large adhésion des acteurs associatifs et institutionnels, constitue une étape essentielle de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Je vous invite à l'adopter sous réserve des amendements que je présenterai.

Ces mesures rendront à nombre de nos compatriotes espoir, confiance et dignité. Concourons ensemble à sa réussite car, ainsi que l'écrivait Charles Péguy, « L'espérance voit et aime ce qui n'est pas encore et qui sera tout. Elle fait marcher le monde. ». Je vous remercie de partager cette espérance. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis de la commission des finances.  - J'espère, monsieur le ministre, que ce texte ne sera pas pour vous l'occasion de voir se vérifier l'adage qui veut que l'on ne soit jamais plus maltraité que par ses amis...

La commission des finances s'est efforcée de mettre en perspective les enjeux budgétaires et fiscaux liés à la généralisation du revenu de solidarité active tout en rappelant la position exprimée par notre collègue Auguste Cazalet, et suivie par le Sénat, lors de l'examen de la proposition de loi de M. Michel Mercier renforçant le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion.

M. Guy Fischer.  - Et voilà ! « Comptable » !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Le coût total du RSA est évalué à 9,75 milliards, soit 6,5 milliards pour le RSA de base et 3,25 milliards pour le RSA « chapeau », lequel produit un surcoût estimé à 1,5 milliard. Au total, 3 millions de personnes devraient bénéficier du RSA, dont 2 millions du RSA « chapeau ».

Le financement de cette nouvelle prestation, qui se substitue au RMI et à l'API ainsi qu'aux mécanismes d'intéressement qui leur sont liés, sera partagé entre les départements, qui prendront en charge le RSA de base dont les bénéficiaires correspondent exactement aux actuels bénéficiaires du RMI et de l'API, et un fonds ad hoc, le Fonds national des solidarités actives (FNSA), le surcoût par rapport aux actuelles dépenses de RMI devant être intégralement compensé par l'État, de sorte que le coût net du RSA devrait être nul pour les départements.

Quelques observations, cependant, sur le dispositif retenu pour assurer la compensation de ce que le projet de loi qualifie d'« extension de compétences ».

En 2009, la compensation, qui se fera sur la base des dépenses engagées par l'État en 2008, ne représentera que la moitié de la charge annuelle nouvelle supportée par les départements puisque les conseils généraux ne paieront le RSA qu'à partir de juillet 2009. En 2009, l'État compensera ainsi aux départements le montant de l'API qu'il aura versé en 2008, déduction faite du montant des dispositifs d'intéressement liés à l'API, qui ne sont pas transférés aux départements, ainsi que du coût des dispositifs d'intéressement liés au RMI, qui ne seront plus à la charge des départements. Le montant de cette compensation est estimé à la moitié de la charge annuelle, soit 322 millions.

Il est en outre prévu de corriger le montant de cette compensation par la loi de finances rectificative pour 2009, une fois connues les dépenses réellement engagées par l'État en 2008. Je vous proposerai un amendement visant à assurer que la compensation définitive des charges nouvelles assumées par les départements en 2009 se fasse non au vu des dépenses engagées par l'État en 2008 mais des dépenses réellement constatées dans les comptes administratifs des départements en 2009, ceci afin que la compensation soit la plus juste possible.

A partir de 2010, celle-ci sera ajustée de manière définitive, au vu des dépenses réellement constatées dans les comptes administratifs des départements pour l'année 2010. Cet ajustement n'interviendra donc qu'en 2011.

Le texte initial du projet de loi ne prévoyait pas de saisine de la Commission consultative d'évaluation des charges. Toutefois, l'Assemblée nationale a garanti que cette instance vérifierait l'ensemble des montants servant à la compensation. Elle a également prévu que la compensation s'opère à titre principal par l'attribution d'impositions de toute nature : l'article 18 du projet de loi de finances pour 2009 prévoit ainsi l'attribution d'une fraction de TIPP, solution proche du mécanisme destiné à compenser aux départements le transfert du RMI, lequel demeure en l'état.

Je suis conscient des inquiétudes que peut susciter ce mode de compensation. Affecter une fraction de TIPP destinée à être fixée définitivement en 2011, sans possibilité de modulation par les départements, exclut que le montant de la compensation puisse évoluer comme les bases de TIPP.

L'inquiétude est d'autant plus forte que les nouvelles charges représenteraient, à en croire le texte, une extension et non un transfert de compétences. Il n'existe donc aucune garantie constitutionnelle quant au niveau de la compensation. Lors de la décentralisation du RMI, au contraire, le texte initial du projet de loi prévoyait que si l'assiette de la TIPP évoluait, le montant affecté aux départements évoluerait également.

Pour faire face à ce problème, l'Assemblée nationale a adopté un amendement garantissant le maintien du niveau de la compensation en cas de diminution du produit de la TIPP. Je vous proposerai un amendement de précision prévoyant la même garantie en cas non seulement de diminution mais également de disparition du montant de TIPP transférée.

Enfin, et toujours pour garantir la justesse de la compensation, je vous proposerai un amendement précisant que les dispositions réglementaires relatives aux nouvelles compétences prises en charge par les départements seront édictées à droit constant, l'objectif étant de garantir que le montant des compétences transférées aux départements soit égal au montant auparavant pris en charge par l'État.

Si l'on ajoute l'intervention périodique de la Commission consultative d'évaluation des charges, le projet de loi offrira aux départements d'importantes garanties de compensation intégrale.

Le RSA « chapeau » sera quant à lui financé par le FNSA nouvellement créé, qui sera abondé d'une part par des contributions sur les revenus du patrimoine et les produits de placement et d'autre part par une subvention d'équilibre de l'État. L'assiette des premières est identique à celle de la CSG ; leur taux est fixé à 1,1 %, ce qui porte le taux des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement de 11 % à 12,1 %. Leur rendement est évalué à 1,43 milliard d'euros pour 2009, évaluation qui me semble fragile au regard de la crise financière actuelle.

Ces contributions sont incluses dans le bouclier fiscal, ce qui est cohérent dès lors que la CSG, la CRDS, le prélèvement social de 2 % et la contribution de solidarité pour l'autonomie le sont également. Selon le Haut-commissaire, le bouclier qui sera remboursé aux ménages en raison de l'inclusion de ces contributions devrait s'élever à 40 millions d'euros - soit 13 pour les ménages aux revenus les plus faibles et 27 pour ceux dont les revenus sont les plus élevés.

Ce point a suscité de nombreux débats à l'Assemblée nationale, qui a précisé, essentiellement à titre symbolique, que le taux de ces contributions ne pourrait excéder 1,1 % ; et prévu que ce taux serait diminué à concurrence du plafonnement global des niches fiscales qui devrait être institué par la loi de finances pour 2009. C'est dire que l'examen de celui-ci aura un impact décisif. M. Martin Hirsch a évoqué devant la commission des affaires sociales un surcroît de recettes lié à ce plafonnement de 150 à 200 millions d'euros, permettant de réduire le taux de la taxe à 0,95 % ou 1 %. Ces chiffres sont très supérieurs à celui -50 millions d'euros- présenté lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2006, lequel prévoyait déjà un mécanisme très complexe de plafonnement de certains avantages fiscaux.

Le choix de faire porter ces dépenses par un fonds spécifique peut sembler contestable, car il contrevient aux principes d'unité et d'universalité budgétaires, alors qu'existe un programme dédié à la lutte contre la pauvreté. Selon le Haut-commissaire, cependant, la création du FNSA répond à l'exigence « d'une gestion transparente de l'intégralité des nouvelles dépenses et recettes » ; il est certain en outre qu'existent les précédents du Fonds national d'aide au logement et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Les modalités de financement retenues permettent aussi de se soustraire pour partie à la norme de dépenses « zéro volume » qui s'applique à l'État. Au total, le Gouvernement estime que le solde de la réforme pour l'État sera nul.

Le projet de loi contient également plusieurs dispositions à caractère fiscal. Je vous renvoie à mon rapport imprimé, en soulignant que l'équilibre financier de la réforme repose sur l'absence d'indexation des seuils et limites de la PPE en 2009, qui devrait permettre de réaliser 400 millions d'euros d'économie environ, ainsi que sur l'imputation du RSA « chapeau » sur la PPE, qui devrait entraîner une économie de 700 millions en année pleine.

M. Guy Fischer.  - Voilà !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Je proposerai cinq amendements qui reprennent des dispositions adoptées par le Sénat le 13 mai dernier, lors de l'examen de la proposition de loi de M. Mercier renforçant le contrôle comptable du RMI.

M. Jean Desessard.  - Les soi-disant RMI « dorés » !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Grâce à M. Cazalet, nous avions alors élaboré un texte consensuel. Dès lors que le RSA maintient le partenariat existant entre les organismes payeurs et les conseils généraux, il me semble opportun, au moment où la Cnaf refonde ses systèmes d'information pour s'adapter au RSA, de mettre en place les dispositions votées en mai que le texte n'a pas repris.

La réforme, qui vise à valoriser le retour à l'emploi, s'appuie sur des expérimentations dont les résultats sont positifs. Son équilibre général a paru satisfaisant à la majorité de la commission des finances. Dès lors, sous réserve de ces remarques et des amendements qu'elle présente, celle-ci a émis un avis favorable à ce projet de loi.

Les aspects financiers de la réforme sont des éléments essentiels de sa réussite, pour ses bénéficiaires comme pour les financeurs. Il importe donc que les départements ne soient pas pénalisés -l'expérience du transfert du RMI ou de l'Apa n'a pas été heureuse. En un temps où leurs recettes marquent le pas et où leurs dépenses augmentent, il faut veiller à ne pas affaiblir l'échelon moteur de l'investissement dans notre pays. Après les expérimentations, les départements sont prêts à relever le défi. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Mille jours après son entrée en fonction, M. le Haut-commissaire vient présenter au Sénat la généralisation du RSA ; il faut le remercier et le féliciter pour son opiniâtreté. Je salue nos rapporteurs, qui ont parfaitement expliqué les mécanismes qui nous sont proposés.

Élu d'un département expérimentateur, je peux dire que le RSA, ça marche. Depuis 2004, date du transfert du RMI aux départements, j'ai donné des instructions en Mayenne pour que tous les allocataires soient orientés vers l'activité et si possible l'emploi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous sommes d'accord.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Mais quand on voyait des hommes et des femmes modestes expliquer que le retour à l'activité leur ferait perdre 100 à 200 euros par mois, on pouvait avoir des doutes. Il fallait un instrument nouveau : c'est le RSA.

Grâce à vous, monsieur le Haut-commissaire, nous avons pu nous engager en mars dans cette voie nouvelle. Les résultats sont allés au-delà de nos espérances : près de 700 personnes bénéficient aujourd'hui d'un contrat de RSA. Le risque d'un détournement, d'une optimisation qui favorise le temps partiel n'est certes pas nul, ce qui justifie une évaluation permanente ; mais les deux tiers des personnes entrées dans le dispositif travaillent plus de 29 heures par semaine.

Le RSA est un bon levier pour faciliter le retour à l'activité, c'est-à-dire à la dignité de nombre de nos concitoyens en difficulté. Il fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus.

Mme Nicole Bricq et M. Guy Fischer.  - Mais non !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Si vous avez des propositions alternatives, nous les entendrons...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comptez sur nous !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - ...pourvu qu'elles soient justifiées autrement que de la façon évoquée par Mme Terrade tout à l'heure...

Le vrai débat porte sur le financement. Le surcoût du RSA, soit 1,5 milliard d'euros, sera financé par l'impôt. Il n'échappe à personne ici qu'avant la crise le Gouvernement avait approuvé en conseil des ministres un projet de loi de finances en déficit de 52 milliards et un projet de loi de financement de la sécurité sociale en déficit d'une dizaine de milliards, ce qui n'est pas rien. Mais la prévision de croissance alors retenue, 1 %, est devenue incertaine. S'il doit y avoir des économies, il serait prudent de les affecter à la réduction du déficit plutôt qu'au RSA. Je ne doute pas que vous serez nombreux ici, lors de l'examen du projet de loi de finances, à exprimer ce souhait.

C'est dire qu'il faut gager le financement du RSA. On aurait pu imaginer un recyclage de la PPE, qui coûte 4 milliards d'euros et est distribuée à plus de huit millions de foyers ; sans doute le dispositif a-t-il échappé à notre contrôle. Mais le tollé a été tel, à gauche, à droite et au centre, que cette voie s'est fermée d'elle-même. Imaginer d'autre part qu'on pouvait faire 1,5 milliard d'économies était irréaliste.

Puisque contribution il y aurait, il fallait trouver l'assiette la plus équitable possible. Ont été retenus les revenus mobiliers et fonciers, les plus-values, bref tous ceux qui ne font pas l'objet d'une retenue à la source pour la CSG.

Et vous avez eu raison. Après tout, ceux qui s'indignent en pensant que les plus modestes vont payer doivent avoir à l'esprit que les intérêts de tous les livrets d'épargne seront exonérés de ce prélèvement. En outre, nous avons récemment supprimé l'impôt de 16 % qui frappait certaines plus-values qui n'ont plus qu'à acquitter un prélèvement de 11 % correspondant à la CSG et à la CRDS. Ce que propose le Gouvernement est donc fondé.

Certes, il y a le problème du bouclier fiscal.

M. Jean Desessard.  - Nous y voilà !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Il s'agit d'un principe magnifique...

M. Jean Desessard.  - Ah bon ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - ...surtout lorsque les prélèvements obligatoires diminuent. En revanche, lorsqu'ils ont tendance à augmenter, la question peut revenir comme un boomerang. On ne manquera en effet pas de nous faire observer que les mieux lotis n'auront pas à payer ce supplément puisque le bouclier fiscal les protège. Nos collègues députés ont fait des observations surprenantes mais que je crois fondées : jusqu'à présent, on faisait du bouclier fiscal une interprétation extrêmement restrictive, en prenant en compte le revenu duquel on déduisait toutes les niches fiscales, si bien que le revenu imposable pouvait être considérablement réduit. Le bouclier fiscal devenait alors très injuste. Je proposerai donc à la commission des finances de suivre les députés afin que le revenu de référence soit calculé avant les déductions, réductions et abattements de toute nature qui font la singularité de notre fiscalité. Dès lors, les réserves formulées ici ou là sur l'inclusion de la taxe de 1,1 % dans le bouclier finiront par tomber.

Je voterai donc ce projet de loi enrichi par les amendements de nos commissions et qui s'inspirent des travaux antérieurs du Sénat, notamment de la proposition de loi de MM. de Raincourt et Mercier permettant de mieux surveiller les mouvements de fonds. Ainsi, le RSA pourra être piloté en temps réel et on déplorera moins d'indus et d'hésitations de la part des gestionnaires départementaux. Dans cette période difficile, 1,5 milliard, c'est de la relance ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Joseph Kergueris.  - Voici enfin une réforme structurelle qui cible les véritables insuffisances du système des minima sociaux et des contrats aidés, une réforme qui s'appuie sur une véritable expérimentation dont elle tire les enseignements, bref, une réforme de l'insertion digne de ce nom ! Ce projet de loi constitue une avancée sociale majeure qui fait consensus car un texte sur lequel l'immense majorité du groupe socialiste de l'Assemblée nationale s'abstient peut être considéré comme ayant fait consensus ! (Sourires)

Depuis longtemps, nous appelions de nos voeux une telle réforme car la lutte contre la pauvreté et l'exclusion est une priorité absolue, une urgence. Pour une fois, le Gouvernement a eu raison de déclarer l'urgence sur ce texte. Il y a en effet urgence à agir parce que, après vingt ans d'existence, le RMI a failli à sa mission de réinsertion dans l'emploi puisque le nombre d'allocataires du RMI est passé de 422 600 à 1 100 000 en deux décennies alors que le chômage stagnait ou augmentait. Le RMI n'a pas non plus réussi à garantir un minimum vital. Le constat fait par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale et le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion est effectivement plus qu'alarmant : à partir de 1990, soit deux ans après la création du RMI, le taux de pauvreté a cessé de se réduire et il s'est stabilisé autour de 12 % de la population depuis la fin des années 1990, alors qu'il avait diminué régulièrement depuis les années 1970. De nos jours, la pauvreté concerne un ménage sur huit et on compte un nombre de plus en plus important de travailleurs pauvres. De plus, un million et demi de familles sont surendettées. Certes, le seul RMI ne doit pas être mis au banc des accusés car c'est tout notre système de minima sociaux et de contrats aidés, fondé sur une logique de statut du bénéficiaire et non de revenus, qui s'est avéré inadapté. Il n'en est pas moins ahurissant qu'un grand nombre d'allocataires du RMI ou de l'API a intérêt à ne pas reprendre un emploi. Le système classique d'intéressement, cumul intégral de l'allocation pendant trois mois suivi d'un cumul de 50 % des revenus du travail pendant neuf mois, s'est avéré insuffisant.

Et la loi du 23 mars 2006 pour le retour à l'emploi et sur les droits et devoirs des bénéficiaires de minima sociaux n'a pas non plus réglé le problème car, comme nous l'avions dit, le cumul entre le revenu et les allocations n'était que transitoire. En outre, la loi de 2006 a aggravé les effets de seuil en concentrant l'aide sur les publics les moins éloignés de l'emploi : le mécanisme d'intéressement favorisait surtout les réelles reprises d'emploi. En revanche, les personnes les plus éloignées de l'emploi, les plus prisonnières des trappes à inactivité ne peuvent en général reprendre une activité que par petits paliers. De plus, la problématique des droits connexes a trop longtemps été négligée alors qu'elle est capitale. Valérie Létard avait pourtant attiré l'attention sur elle dans son rapport de mai 2005. Les droits connexes sont aujourd'hui liés au statut des personnes et non à leur revenu, ce qui est injuste et qui contribue à constituer les trappes à inactivité contre lesquelles on entend lutter.

Ce projet de loi répond très précisément à toutes ces questions. Alors que le système d'intéressement est limité dans le temps, le RSA sera pérenne. Alors que le système actuel exclut un grand nombre de personnes, le RSA concernera un public beaucoup plus vaste puisqu'il sera ouvert à tous les travailleurs à revenus modestes sans distinction. Le RMI et l'API n'assuraient pas une augmentation suffisante des revenus en cas de reprise d'activité, surtout pour les petites reprises d'emploi. Le RSA sera ciblé sur ces petites reprises d'emploi et leur garantira un revenu supérieur sans limitation de temps.

Certes, le RSA fera des perdants, ce qui apporte d'ailleurs la preuve de son caractère redistributif, mais les perdants perdront peu et les gagnants gagneront beaucoup. Ce texte met fin à la logique désastreuse de statut au profit de celle de revenus.

Le système actuel de l'insertion est également critiqué pour sa complexité. Mon groupe a plaidé de longue date pour sa simplification. Le rapport de MM. Mercier et de Raincourt de décembre 2005 préconisait d'ailleurs une fusion du RMI et de l'API et ce texte va la mettre en oeuvre. Simplification encore du côté des contrats aidés avec la création du contrat unique d'insertion.

Cette réforme répondra à l'ampleur des problèmes et sa force vient de l'expérimentation qui a été menée. Les membres de mon groupe ont pris toute leur part de cette tâche. Ainsi, la Mayenne, où le chef de l'État a annoncé la généralisation du RSA, a été l'un des rares départements, avec la Haute-Corse, à expérimenter le RSA sur l'ensemble de son territoire. En tant que président du conseil général du Morbihan, j'ai veillé à ce que cette mesure fasse l'objet d'une attention toute particulière de la part de mes services et l'expérience menée à Vannes a été très encourageante. Ces résultats ont été confirmés par le rapport d'étape réalisé après six mois d'expérimentation par le Comité d'évaluation présidé par François Bourguignon pour les 33 départements concernés.

Ce rapport démontre que le RSA incite plus au retour à l'emploi que le RMI.

L'expérimentation a aussi révélé les difficultés de mise en oeuvre : il faut les aplanir à l'occasion du débat parlementaire. Or, certaines questions demeurent posées après l'examen du texte à l'Assemblée nationale. Le département peut fixer des montants plus favorables que ceux prévus dans la loi et le règlement. Est-ce à dire qu'il y aura plusieurs RSA et des disparités d'un département à l'autre ?

M. Guy Fischer.  - Exactement.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - A votre bon coeur...

M. Joseph Kergueris.  - Le projet de loi encadre très fortement la compétence du département pour orienter le bénéficiaire du RSA vers un organisme d'accompagnement. Comment l'expertise des départements en ces matières sera-t-elle mise en valeur ? Les départements seront-ils associés à la rédaction des textes réglementaires ? Comment seront désignés les représentants des bénéficiaires du RSA dans les équipes pluridisciplinaires qui remplaceront les commissions locales d'insertion ? Les départements, qui demeurent les principaux financeurs de l'insertion, pourraient devenir partie prenante au service public de l'emploi en région.

Comment le contrat à durée déterminée d'insertion et le contrat unique cohabiteront-ils, puisque le projet de loi ne supprime pas la possibilité de recourir aux deux ? Quels seront le calendrier de mise en oeuvre de la réforme et les modalités de coopération avec l'opérateur issu de la fusion ANPE-Assedic ?

L'expérimentation du RSA a montré une carence en matière d'accompagnement. Le comité d'évaluation a eu bien du mal à se prononcer sur ce point, du fait des disparités entre départements. Or cette lacune demeure dans la rédaction actuelle du projet de loi. C'est très regrettable, s'agissant d'un aspect capital. Nous présenterons des amendements, notamment pour autoriser le renouvellement, à titre dérogatoire, du contrat à durée indéterminé d'insertion si tel est l'intérêt du bénéficiaire. Nous souhaitons un renforcement de l'accompagnement -ce qui n'aura pas d'incidence budgétaire, puisque de nombreux allocataires sortiront de l'inactivité, libérant des marges de manoeuvre au profit des autres.

Monsieur le Haut-commissaire, nous attendons une amélioration de la rédaction ainsi que des réponses à nos questions. Mais je vous dis ici tout le soutien que mon groupe vous apportera ! (Applaudissements au centre et à droite)

M. Guy Fischer.  - Ce projet de loi mérite toute notre attention. L'article premier en fixe clairement l'objectif : « assurer aux bénéficiaires du RSA des moyens convenables d'existence, afin de lutter contre la pauvreté, encourager l'exercice ou le retour à une activité professionnelle et aider à l'insertion sociale des bénéficiaires ». Cela est extrêmement bienveillant et louable de votre part. Vous avez exercé des responsabilités à la tête d'Emmaüs et ce chantier, issu d'une longue histoire avec l'Abbé Pierre, nous vous le devons, monsieur le Haut-commissaire.

La pauvreté et l'exclusion en France ne devraient plus exister. Nous partageons intensément ce but ; et le comble, pour notre société moderne, industrielle et riche, serait de ne pas y parvenir. La mission commune d'information sur les politiques de luttes contre la pauvreté et l'exclusion à laquelle j'appartenais a noté une aggravation de la pauvreté : 7 millions de travailleurs pauvres ! A mon sens, au moins 15 millions de nos concitoyens sont confrontés à de graves difficultés.

Or le revenu de solidarité active n'augmentera-t-il pas le nombre des salariés qui travailleront sans réellement échapper à la pauvreté et l'exclusion ? Faux, me direz-vous sûrement ! (M. le Haut-commissaire le confirme) Nous ne demandons qu'à voir ! Ce dispositif ne favorisera-t-il pas la reprise d'activité uniquement pour les plus proches de l'emploi, les catégories les plus éloignées restant sur le bord du chemin, stigmatisées, jugées inactives par choix, vivant « dans l'oisiveté » avec 447 euros par mois ?

Mme Annie David.  - Évidemment.

M. Guy Fischer.  - Le RSA ne conduira-t-il pas inévitablement à l'émiettement du travail, à l'écrasement des salaires ? Le Smic n'apparaîtra-t-il pas comme la rémunération des nantis ? Les entreprises ne seront-elles pas encouragées à développer le temps partiel ?

Mme Annie David.  - Bien sûr !

M. Guy Fischer.  - Ne tendra-t-on pas vers une institutionnalisation de la précarité, une mise en concurrence des allocataires du RSA et salariés ordinaires, une pérennisation des bas salaires ? Les emplois précaires ou à temps partiels ne vont-ils pas se multiplier ? Je songe aux grandes surfaces ou aux services d'aide à la personne.

Certains allocataires y perdront aussi du fait de la remise en cause des droits connexes. La « familialisation » du calcul des ressources du RSA aura peut-être des conséquences non repérées. Surtout, le RSA est-il autre chose qu'un RMI avec intéressement renforcé, qui existe déjà ? Actuellement, il y a la prime de 1 000 euros pour le retour à l'emploi, le cumul prestation-salaire pendant trois mois, puis 150 euros mensuels pour une personne seule -225 pour un couple- pendant neuf mois. Quid de l'intéressement dans le RSA ? Nous déplorons aussi un mode de calcul dont tout le monde souligne la complexité.

En outre, vous ne prévoyez rien pour les jeunes de 18 à 25 ans, qui sont pourtant, avec les femmes et les seniors, les plus touchés par le chômage. L'annonce opportune, hier, de la création d'un fonds d'expérimentation ne vise-t-elle pas seulement à désamorcer la colère des jeunes ? L'institution d'un contrôle très sévère sur le train de vie, pudiquement appelé « droits et devoirs du bénéficiaire du RSA » s'apparente à l'opération « perdus de vue » qui visait les titulaires de minima sociaux. Les contrôles ont été infructueux mais le battage médiatique a été tel que les plus pauvres ont tous été perçus comme des fraudeurs... (MM. Jean Desessard et Jean-Luc Fichet le confirment)

Serez-vous fiers de cette politique où les devoirs pèseront plus que les droits, de cette politique insidieuse faite de répression et de réprobation à l'encontre des plus pauvres, dans la droite ligne de la loi sur « l'offre raisonnable d'emploi »  et du décret sur l'évaluation du train de vie des Rmistes ? On croit rêver lorsqu'on lit qu'il s'agit de leur patrimoine mobilier et immobilier.

Si je voulais faire de la provocation, je soulignerais que le RSA « tombe à pic ». En effet, nous vivons une très grave crise bancaire et financière, qui sera bientôt suivie par la crise sociale et la destruction de centaines de milliers d'emplois. Le PDG de Nexity, filiale des caisses d'épargne et des banques populaires, annonce que le secteur immobilier pourrait perdre 180 000 emplois ; les entreprises privées ont déjà précipité quelque 31 000 personnes dans le chômage et je ne compte pas les suppressions de postes dans la fonction publique. L'Unedic annonce 46 000 demandeurs d'emplois supplémentaires alors qu'elle en prévoyait 80 000 de moins. La généralisation du RSA pèsera inévitablement sur les salaires et les emplois. Les caisses de l'État étaient vides, selon MM. Fillon et Sarkozy. Mais ils parviennent tout de même à trouver 320 milliards d'euros pour garantir les emprunts des banques et 40 pour renforcer leurs fonds propres. Or, contrairement à ce qu'affirme M. Woerth, ces 40 milliards creuseront bien la dette publique alors que les critères de Maastricht nous imposent de la réduire. Le porte-monnaie s'ouvre pour les plus riches ; mais pas un centime n'est disponible pour le pouvoir d'achat ou la revalorisation des minima sociaux, des pensions de retraite, des salaires et du Smic !

Le Gouvernement vient d'annoncer que la PPE ne bénéficiera pas d'un coup de pouce. Alors, qui financera le RSA ? Les moins pauvres parmi les pauvres ! Le Gouvernement était bien en peine, début septembre, de trouver 1,5 milliard d'euros pour financer le dispositif...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il les cherchait à la loupe !

M. Guy Fischer.  - ...et à ce moment, j'ai compati avec vous, monsieur le Haut-commissaire. Finalement, on a décidé d'instaurer une taxe de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et des placements : ainsi, ce sont les salariés aux revenus moyens, les petits épargnants qui paieront pour les plus pauvres, alors que les plus hauts revenus seront protégés par le bouclier fiscal.

M. Paul Blanc.  - Une mesure de bon sens !

M. Guy Fischer.  - En juillet 2007, le Gouvernement a fait voter 14 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux entreprises et aux familles les plus aisées dans le cadre de la loi Tepa ; il continue dans cette direction en refusant de taxer les stock-options ou les parachutes dorés sous le prétexte fallacieux que les stock options, exposées à la fiscalité, seraient vouées à disparaître. Quant aux niches fiscales, vous envisagez de prélever 200 millions d'euros sur les 73 milliards qu'elles représentent : une goutte d'eau... Les plus riches ont encore de beaux jours devant eux !

Mme Annie David.  - En effet !

M. Guy Fischer.  - Le financement du dispositif sera-t-il pérenne ? Quel sera son coût réel pour les départements dans les années à venir ? Sur ces questions, le Gouvernement reste muet. Depuis 2002, les dépenses des départements consacrées à l'action sociale ont doublé. A cela s'ajoute le transfert de charges non compensées : la pression financière risque de s'accroître sur les conseils généraux. Il est permis de s'interroger car le Gouvernement n'est avare ni de promesses ni de reniements. Triste effet d'une politique menée au gré du vent -même si le vent dominant souffle dans la direction d'un capitalisme effréné et ravageur !

Vous faites entrer la société française dans l'ère de l'instabilité, taillant tous les acquis en pièces. Le RSA ne serait efficace que s'il était accompagné de mesures encourageantes en matière d'emploi, de formation et d'insertion, de transport, de santé, de garde d'enfants. Les femmes, souvent isolées, qui subissent les emplois à temps partiels, seront contraintes de refuser un emploi si le nombre de places de crèche n'augmente pas. Par ailleurs, les discriminations s'accentuent à l'encontre des demandeurs étrangers du RSA et de leurs conjoints.

Ce projet de loi entre en cohérence avec les textes votés depuis le début de la législature. Ils concourent tous à la stigmatisation, à la précarisation de l'emploi, à la réduction des droits des salariés dans l'entreprise, à l'écrasement des salaires et des retraites.

Mme Annie David.  - Très bien !

M. Guy Fischer.  - Le Gouvernement veut en finir avec les minima sociaux : le rapport de MM. de Raincourt et Mercier nous a appris ce que la majorité pense du RMI et de l'API. La route est toute tracée pour mettre en place un contrat unique d'insertion nivelé par le bas. Nous n'avons pas la même conception de la dignité humaine. Nous considérons que celle-ci est fondée sur quatre droits fondamentaux, l'emploi, le logement, la santé et l'éducation, mais les textes que vous faites voter attaquent frontalement ces droits. C'est pourquoi nous n'aurons d'autre choix que de nous opposer à ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs CRC et sur la plupart des bancs socialistes)

M. Paul Blanc.  - Quel dommage !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Peut-être répondrai-je à vos interrogations...

M. Paul Blanc.  - Je tiens tout d'abord, monsieur le Haut-commissaire, à saluer votre détermination et votre engagement constant en faveur des plus défavorisés. Le présent projet de loi est la concrétisation d'une longue réflexion menée sur la pauvreté en France, la situation des plus démunis et la valeur du travail. Le Président de la République s'est fixé pour objectif de réduire d'un tiers le nombre de personnes vivant au-dessous du seuil de pauvreté d'ici cinq ans. Pour parvenir à un tel résultat, il fallait une réforme ambitieuse.

La pauvreté et l'exclusion sociale sont des réalités difficiles à comprendre. C'est pourquoi une mission commune d'information sur les politiques de lutte contre la pauvreté, présidée par notre collègue Christian Demuynck, a été constituée en début d'année. J'ai participé aux travaux de cette mission qui a analysé les causes et les composantes de la pauvreté et tenté d'y voir clair dans le maquis des acteurs concernés. Le cinquième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale pour 2007-2008 dresse un tableau accablant de la pauvreté en France. Celle-ci concerne environ 7 millions de personnes, soit 12 % des Français. Elle touche particulièrement les personnes âgées isolées, les familles monoparentales, les jeunes et les personnes handicapées. Le fait d'occuper un emploi n'est plus une garantie contre la pauvreté et l'exclusion. Je suis frappé par la crainte partagée, selon les sondages, par six Français sur dix de moins de 50 ans de devenir un jour un exclu.

La conjoncture économique n'explique pas tout. Pour réduire la pauvreté, il faut certes dynamiser le marché du travail mais aussi mettre en place un système éducatif efficace, capable d'aider les jeunes à trouver un travail : 150 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans formation ni qualification. Il faut aussi une politique du logement ambitieuse, qui limite les ghettos : la France compte 3 millions de mal logés. Le Gouvernement a fait de ces deux chantiers ses priorités.

Notre mission a auditionné une cinquantaine de spécialistes. Vous-même, monsieur le Haut-commissaire, nous avez présenté les conclusions du Grenelle de l'insertion et les perspectives de mise en place du RSA. Le Grenelle de l'insertion a donné la parole aux acteurs de l'insertion, professionnels, associations et bénéficiaires, entreprises et employeurs publics.

Le texte qui nous est aujourd'hui présenté suscite beaucoup d'espoirs. Les deux réformes ambitieuses qu'il présente, celle des minima sociaux et celle des contrats aidés, vont donner un nouvel élan à notre politique sociale.

Le RSA apporte une solution à deux grands problèmes. Il vise d'abord à réduire la pauvreté des personnes sans emploi. Les prestations sociales -aides au logement, revenu minimum d'insertion et autres minima sociaux- jouent un rôle majeur dans la réduction de cette pauvreté. Mais la lutte contre l'exclusion ne doit pas se réduire à la mise en place d'une assistance pour tous, à seule fin de parer aux besoins élémentaires de l'existence.

M. Jean Desessard.  - Ce ne serait déjà pas mal !

M. Paul Blanc.  - Oui, mais c'est insuffisant. Notre société fait son devoir en assurant aux plus fragiles une sécurité matérielle minimale mais elle doit aussi ouvrir aux personnes aidées la voie de la réinsertion et du retour à l'emploi.

Le RMI fut conçu comme une réponse aux phénomènes de grande exclusion. Près de vingt ans après sa mise en place, on voit qu'il est devenu la seule ressource d'un nombre considérable de ménages, souvent de manière durable. Trop souvent, le RMI maintient les gens dans l'inactivité et l'exclusion. Aujourd'hui, quand un Rmiste retrouve un emploi, il voit ses revenus diminuer et perd certains droits. La réinsertion doit être encouragée car elle brise le cercle vicieux de la destruction du lien social et de la perte de l'estime de soi.

Le RSA garantit à celui qui retrouve un emploi une véritable hausse de son niveau de vie : il lui donne donc une véritable motivation. En outre, le texte réforme les droits connexes qui dépendront désormais du niveau de revenu plutôt que du statut, ce qui permettra aux travailleurs de bénéficier de droits auxquels ils ne peuvent aujourd'hui prétendre. Selon la Sofres, 86 % de ceux qui touchent le RMI depuis plus d'un an pensent que le RSA les encouragera à retrouver une activité professionnelle.

En écartant les personnes de l'emploi, le RMI les pénalisait au lieu de les protéger. Il fut conçu comme un dispositif d'insertion, comprenant diverses obligations pour l'administration comme pour les bénéficiaires : désignation d'un référent, conclusion d'un contrat d'insertion, suspension de l'allocation en cas de non-respect des obligations... Mais l'application de ce dispositif ne fut pas satisfaisante. En 2006, le taux de contractualisation ne dépassait pas 53 %. Les suspensions pour non-respect des obligations d'insertion sont restées très rares.

Le projet de loi propose un cadre novateur, avec des droits et des devoirs pour les bénéficiaires. Le droit à l'insertion sera désormais inséparable d'une obligation de rechercher activement un emploi, sauf exception justifiée. Le dispositif sanctionne les abus. Mais le texte a été animé par la volonté de ne pas stigmatiser les personnes vulnérables. Il s'agit avant tout d'éviter les fraudes, encouragées par le système actuel.

Le RSA n'est pas seulement une assistance pour les personnes sans emploi : il est aussi un moyen de lutte contre la misère des travailleurs pauvres. Occuper un emploi n'est plus une garantie contre la pauvreté et l'exclusion : notre pays compte 1,8 million de travailleurs pauvres. Il s'agit, le plus souvent, de personnes dont la rémunération n'est pas régulière, qui enchaînent des emplois à court terme sur une longue période. Parce qu'elles ont un emploi, ces personnes n'ont pas le droit de percevoir le RMI. Elles percevront dorénavant le RSA, sans limitation de durée. Il s'agit d'une aide considérable pour les travailleurs à revenus modestes qui seront encouragés à rester actifs. Il est essentiel que le travail permette de ne pas être pauvre et de vivre dignement.

Les grandes réformes ont un coût. Le Président de la République a annoncé que le financement du RSA serait supporté par une taxe de 1,1 % sur les revenus du capital -et non pas sur le capital, comme on l'entend dire. Ce financement est nécessaire car nous ne pouvons pas courir le risque d'un échec du RSA. Il est responsable car nous ne pouvons creuser davantage les déficits publics. Le Gouvernement et les députés ont longuement réfléchi pour mettre en place un mode de financement équitable. Certains ont soulevé le problème du bouclier fiscal mais il s'agit d'un argument politicien puisque l'on sait que le bouclier fiscal protège nombre de foyers à revenus modestes.

M. Paul Blanc  - Le moyen d'assurer une participation des foyers à très hauts revenus est le plafonnement des niches fiscales ; notre Haute assemblée et sa commission des finances se sont déjà penchées sur cette question. Aussi notre groupe s'est-il réjoui de voir le Gouvernement accepter de rediriger les sommes perçues vers le financement du RSA lors du prochain examen de la loi de finances.

Les contrats aidés forment un ensemble peu lisible, la Cour des comptes en 2006, tout comme la commission présidée par notre collègue Serge Dassault, ont souligné la difficulté d'application et les coûts de la complexité. Les contrats aidés doivent servir de passerelle vers l'emploi durable, le contrat unique d'insertion va dans ce sens, en s'adaptant à la diversité des situations, en privilégiant la formation et en assouplissant le renouvellement contractuel. L'évaluation constante sera la clé de réussite, notre rapporteur l'a rappelé.

Monsieur le Haut-commissaire, j'attire votre attention sur la situation des travailleurs handicapés. Le 10 juin, lors de la conférence nationale du handicap, était annoncée la revalorisation de l'AAH : comment cette allocation s'articulera-t-elle avec le RSA ? Ensuite, comment le RSA s'appliquera-t-il aux salariés saisonniers agricoles ?

Lorsqu'en 2005, vous proposiez le RSA parmi d'autres innovations sociales, les observateurs étaient peu nombreux à lui donner des chances de voir le jour : je me félicite, avec le groupe UMP, de contribuer aujourd'hui à sa naissance, pour la dignité des plus modestes ! (Applaudissements à droite)

M. Yvon Collin.  - Est-il encore acceptable qu'en France, 7,8 millions d'individus vivent dans la précarité ? Nous avons cette obligation morale, énoncée par le préambule de la Constitution de 1946 : tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler, a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence.

C'est dans cet esprit que le gouvernement de M. Rocard, il y a vingt ans, instituait le RMI. Ce dispositif utile, qui offre un minimum à 1,2 million de personnes très éloignées de l'emploi, s'avère incapable d'enrayer la pauvreté et la croissance du nombre de travailleurs pauvres. Conçu comme un outil conjoncturel, le RMI est devenu pérenne, avec la dégradation du marché du travail et l'émergence d'un chômage de longue durée. L'approche statutaire de l'allocation, aussi, a joué contre la reprise d'un emploi.

C'est pourquoi, depuis quelques années, un consensus est apparu pour le RSA, que la gauche, dans son programme présidentiel, avait dénommé revenu minimum d'activité. Nous pourrions donc applaudir la création du RSA, prestation unique qui incite à la reprise d'activité et qui donne satisfaction aux départements, de droite comme de gauche, qui l'expérimentent depuis l'an dernier.

Cependant, nous nous interrogeons. Quelle sera la portée du RSA dans le contexte de récession économique ? Car ce nouvel outil ne saurait être isolé de la politique économique d'ensemble du Gouvernement : comment favoriser le retour à l'emploi, si aucun emploi n'est créé ? Le Gouvernement n'est certes pas responsable de la crise financière, mais sa politique consistant, avec la loi Tepa et la LME, avec la réduction des services publics, à affaiblir notre capacité d'action, n'amortit pas la crise, pas plus qu'il ne favorise le retour à l'emploi ! De plus, le RSA risque d'encourager les propositions d'emploi à temps très partiel.

En revanche, il est certain que le RSA coûtera cher : qui va payer ? En ne touchant pas au bouclier fiscal, vous choisissez de protéger les plus démunis en protégeant les plus riches ! Le plafonnement des niches fiscales a certes adoucit la mesure, il n'en reste pas moins que vous évitez aux plus riches de mettre la main à la poche !

Mme Raymonde Le Texier.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - Quant aux départements, comment vont-ils faire face, si la demande explose ? Nous n'oublions pas que l'État leur doit toujours 2 milliards au titre du RMI : comment feront-ils face à des missions que ce texte rend plus nombreuses ?

Malgré toutes ces interrogations, la majorité du RDSE juge que le RMI a fait son temps et qu'il est nécessaire de créer un mécanisme adapté aux nouvelles formes de la pauvreté : elle votera ce texte ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE et divers bancs à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - (Applaudissements à gauche) Aujourd'hui, en France, plus de 7,9 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 1 million d'enfants. Parmi elles, 1,1 million sont Rmistes et vivent avec 447,91 euros par mois pour une personne seule, 671,87 euros pour un couple sans enfant, et 179,16 euros par enfant. Parmi elles, plus de 1,5 million ont un emploi, ce sont les travailleurs pauvres.

Monsieur le Haut-commissaire, nous connaissons votre engagement constant contre la pauvreté et la précarité, nous saluons la sincérité et la force de vos convictions. Mais nous savons que vos objectifs, que nous partageons, exigent une politique volontariste et que le RSA n'y suffit pas !

Nous sommes parfaitement d'accord avec ce principe que chaque heure travaillée apporte un supplément de revenu. Cependant, ce texte pose bien des problèmes.

Première remarque, on ne saurait isoler ce texte du reste de la politique gouvernementale.

M. Jean Desessard.  - Absolument !

M. Guy Fischer.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Avant même la crise financière et la récession économique qui menace notre pays, la politique de l'emploi menée par le Gouvernement a contribué à la précarisation du travail et au développement de la pauvreté laborieuse. (Mme Gisèle Printz le confirme) Depuis 2002, les gouvernements de droite n'ont eu de cesse d'accroître la flexibilité du marché du travail, de dégrader les conditions de travail des salariés et de stigmatiser les chômeurs comme les bénéficiaires de minima sociaux. Le Gouvernement persiste avec le travail du dimanche, qui déstabilisera bien des familles monoparentales.

Si le RSA améliore les conditions financières du retour à l'emploi, il ne facilite pas ce retour : ce sont d'autres politiques qui y contribuent, celles qui réduisent les contraintes logistiques des familles, par exemple la politique des transports, mais aussi tout ce qui contribue à la « sécurité sociale professionnelle » c'est-à-dire le suivi dans la recherche d'emploi et la formation professionnelle. Ces sujets ont été abordés dans le « Grenelle de l'insertion » mais le Premier ministre en a enterré les conclusions.

Aujourd'hui, l'affaire se corse avec les perspectives économiques déprimées En ces temps de crise, le Gouvernement semble redécouvrir les vertus du traitement social du chômage et des emplois aidés. En septembre dernier, votre collègue M. Hénart, prétendait avoir anticipé le retour du chômage et prévu une enveloppe de 60 000 contrats aidés supplémentaires. Difficile d'en voir les effets, puisqu'en août, au moins 16 000 de ces contrats ont été supprimés dans le secteur non-marchand ; quant au budget 2009, il prévoit une diminution des contrats aidés... Cette incohérence de la politique gouvernementale fait douter de vos chances de réussite ! Du reste la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale vient de fusiller le chèque transport : c'est révélateur !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Attendez !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Avant d'être présenté au Parlement, le RSA a fait l'objet d'expérimentations locales, depuis juin 2007, dans 34 départements, dont 28 de gauche. Fin juin 2008, près de 15 000 ménages expérimentaient le dispositif, chiffre à mettre en parallèle avec les plus de 3 millions de personnes qui seront concernées. Chaque département a fait des choix différents et les règles appliquées sont disparates, notamment en ce qui concerne le public éligible et le calcul du barème de l'incitation financière. Les premiers résultats semblent encourageants. L'idée de faire précéder une grande réforme sociale d'expérimentations locales est très positive. Mais ce qui l'est moins, c'est de ne pas avoir attendu la fin de ces expérimentations pour en proposer la généralisation. (M. Jean Desessard le confirme) Cela aurait permis d'en faire une évaluation plus rigoureuse. Le président du comité d'évaluation, François Bourguignon, a lui-même déclaré en septembre : « les premiers résultats obtenus sont encore imprécis et provisoires et on a besoin de plus d'observations pour parvenir à une conclusion définitive ». Tous les acteurs impliqués dans ces expérimentations revendiquent eux aussi de pouvoir aller au bout de leur expérimentation pour en identifier les effets pervers et les carences et modifier le dispositif si nécessaire. Aujourd'hui, vous leur coupez l'herbe sous le pied ; c'est dommage... mais là encore, vous êtes contraint par l'environnement politique qui préside à ce Gouvernement.

Nous l'avons déjà dit, et nous le redirons, les socialistes ne remettent pas en cause le principe du RSA parce qu'il s'inscrit dans le prolongement de dispositifs cherchant à favoriser le retour à l'emploi et qu'il est une nouvelle étape aujourd'hui nécessaire compte tenu de la banalisation de la pauvreté dans notre pays. Pour autant, le dispositif proposé présente des insuffisances et suscite des interrogations. Ce RSA risque de créer une trappe à précarité et à bas salaires en encourageant l'emploi précaire, le temps partiel et la modération salariale désormais compensée par l'État. C'est pourquoi il ne serait justifié que s'il s'accompagnait d'une politique du travail décent, agissant sur les causes de la pauvreté au travail sans se contenter de la compenser. En commission, je vous ai demandé comment gérer la sortie du dispositif RSA dans des secteurs où le temps partiel est très répandu -grandes surfaces, services à la personne. Les travailleurs de ces secteurs ont-ils vocation à rester au RSA durant toute leur vie professionnelle ? Vous n'avez pas pu me répondre parce qu'il manque à ce texte un volet à destination des entreprises. Pour éviter que le RSA ne constitue une trappe à précarité, le travail subi à temps très partiel doit être fermement découragé...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Sauf s'il est voulu !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - ...par exemple par des majorations pénalisantes de cotisations sociales, comme c'est le cas au Royaume-Uni, et c'est ce que prévoyait le projet du parti socialiste. Il manque aussi à ce projet de loi des dispositions précises et fortes sur l'accompagnement social et professionnel des bénéficiaires du RSA, accompagnement qui sera déterminant dans la réussite du RSA. Mais qu'en est-il des moyens affectés à cette mission clé ? Les départements auront-ils les moyens d'un accompagnement personnalisé ? Le service public de l'emploi aura-t-il lui aussi les moyens d'accompagner les 300 000 à 400 000 personnes nouvelles qui vont s'inscrire sur les listes des demandeurs d'emploi ? Pour cela, il faudrait renforcer très sensiblement les moyens de ce service qui, aujourd'hui, ne sait pas, le plus souvent, comment réinsérer les personnes les plus éloignées de l'emploi. A défaut, on risquerait d'avoir une loi qui ne donne pas tous ses fruits faute de moyens d'application. Pouvez-vous nous apporter des réponses précises sur ce point ?

Les jeunes de 18 à 25 ans, et surtout les personnes en très forte exclusion, semblent avoir été oubliés dans ce texte où, monsieur le Haut-commissaire, vous faites le pari de l'employabilité des personnes, pari positif en soi à condition qu'il ne soit pas exclusif. Les personnes très éloignées ne tireront aucun bénéfice de la mise en place du RSA et leur pauvreté, cruellement d'actualité, est la grande oubliée de votre texte auquel manquent des mesures de revalorisation des minima sociaux. Les revenus des plus pauvres se dégradent ; depuis cinq ans, les minima sociaux -RMI, API, AAH et minimum vieillesse- ont beaucoup perdu de leur pouvoir d'achat par rapport au Smic. Le montant du RMI ne représente plus que 60 % du seuil de pauvreté contre 70 % en 1995. (M. Jean Desessard le confirme) Contrairement à une idée reçue, les minima sociaux en France sont sensiblement inférieurs à ceux des autres pays européens : le revenu garanti à une personne isolée est égal, en France, à 45 % du revenu médian contre 50 % en Autriche, 60 % en Suède, au Danemark ou en Finlande et 75 % au Royaume-Uni. Ces exemples européens montrent qu'un niveau supérieur de minima sociaux ne décourage pas la réinsertion et que, au contraire, en maintenant les personnes privées d'emploi dans un niveau d'employabilité correct, les minima sociaux facilitent la réinsertion. Rien ne justifie qu'une société riche ne garantisse pas un niveau de vie décent à ses membres. Le revenu garanti par le RMI, ou demain le RSA, à ceux qui ne travaillent pas, devrait atteindre le seuil de pauvreté en tenant compte de l'ensemble des prestations. Au lieu de cela, l'intensification de la pauvreté chez les plus pauvres est en passe de devenir une exception française.

Quelques mots sur la réforme des politiques d'insertion, un volet du texte que l'on a tendance à oublier et qui pourtant est très important. Les acteurs concernés considèrent unanimement que les mesures prévues par le titre III sont très en deçà de la feuille de route et des conclusions du Grenelle de l'insertion. Pourquoi certaines dispositions de ce titre III sont-elles contraires au résultat unanime de la concertation ?

Quant à moi, je voudrais bien savoir ce que viennent faire dans ce texte les articles 13 bis et 13 ter introduits à l'Assemblée nationale. Ce sont des cavaliers au bien-fondé contestable. L'article 13 bis prévoit qu'un employeur puisse s'acquitter partiellement de l'obligation d'emploi en accueillant en stage des personnes handicapées dans la limite de 2 % de l'effectif total des salariés de l'entreprise. Il est particulièrement malvenu d'assouplir cette obligation d'emploi alors que les personnes handicapées n'arrivent pas à s'insérer sur le marché du travail, les employeurs préférant payer les amendes plutôt que de remplir leurs obligations légales. (Applaudissements à gauche) Dois-je vous rappeler les dérives de certains employeurs dans l'utilisation des stages, certains stagiaires ne servant qu'à pourvoir des postes de travail à moindre coût. Par ailleurs, il semble malvenu de faire entrer les stagiaires handicapés dans le calcul des effectifs alors que les stagiaires non handicapés n'y entrent pas. En tant qu'auteur d'une proposition de loi débattue ici même, malheureusement sans succès, visant à organiser le recours aux stages, j'y reviendrai lors de l'examen de ces articles et j'espère que vous soutiendrez notre amendement de suppression, monsieur le Haut-commissaire.

Nous aurions aimé pouvoir souscrire à ce texte ; vous avez compris qu'il faudrait redresser singulièrement la barre pour que cela soit possible. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Vous avez dépassé votre temps de parole de près de cinq minutes.

M. Jean Boyer.  - Avec les membres de l'Union centriste, j'ai, sur le fond, toutes les raisons de saluer ce projet de loi. Il répond à un besoin vital pour de plus en plus de nos concitoyens qui, éloignés de l'emploi, éprouvent des difficultés croissantes à s'y réinsérer. Et, hélas, les événements financiers récents et l'évolution très préoccupante de notre économie ne permettent pas d'envisager à court terme d'amélioration spontanée de leur situation. C'est pourquoi il faut agir. Et agir, c'est faire que notre système de minima sociaux incite réellement à reprendre une activité. Agir, c'est aussi simplifier les politiques de l'insertion. C'est exactement ce que propose ce texte.

Avec ce revenu de solidarité active, plus d'effet de seuil puisque son montant sera le même pour toute reprise d'emploi et puisqu'il sera pérenne. Il bénéficiera aussi à tout travailleur modeste et pas seulement aux allocataires du revenu minimum d'insertion ou de l'allocation de parent isolé. Enfin, son aide sera concentrée sur les plus éloignés de l'emploi dont la réinsertion est souvent problématique.

Ce texte simplifie aussi énormément les politiques d'insertion en fusionnant le revenu minimum d'insertion et l'allocation de parent isolé et en créant un contrat unique d'insertion. Plus de lisibilité donc plus d'efficacité.

Vous me permettrez d'achever ce panorama positif par un petit cocorico centriste : nous constatons avec fierté que deux importantes propositions faites par des membres de notre groupe sont reprises in extenso dans le texte. Dans son rapport de mai 2005, Valérie Létard préconisait de passer d'une logique de statut à une logique de revenus pour l'attribution des droits sociaux aujourd'hui liés aux minima. Même chose pour la proposition du président Mercier de fusionner le revenu minimum d'insertion et l'allocation de parent isolé dans son rapport sur les droits et devoirs des bénéficiaires des minima sociaux de décembre 2005.

Si donc, sur le fond, ce projet de loi constitue une réelle avancée, reste la délicate question de son financement. Cette réforme est financée ! Cela pourrait paraître aller de soi mais combien avons-nous voté de mesures qui ne bénéficiaient pas de la même garantie ?

Le législateur a dû intervenir pour assurer le financement de l'APA. Le RSA, lui, témoigne d'une responsabilité législative. Certes, les modalités retenues avaient suscité une petite polémique. Il est sûr qu'en l'absence d'une lutte contre les déficits, il faudra étrangler un peu plus une économie déjà essoufflée. Mais entre deux maux, il faut choisir le moindre. Nous n'étions pas favorables à un financement exclusif par un prélèvement sur les revenus du patrimoine et de l'épargne, c'est-à-dire sur l'assurance vie et autres plans d'épargne logement, ce qui aurait frappé de plein fouet les classes moyennes. Il n'était pas équitable qu'elles financent seules l'effort de solidarité alors que les plus riches continuaient à profiter du bouclier fiscal. Comme nos collègues députés du Nouveau Centre, nous étions partisans d'exclure le RSA du bouclier fiscal. Mais il semble qu'une avancée ait été réalisée cette nuit. Nous approuvons le plafonnement des niches fiscales, ainsi que le suggérait le spécialiste reconnu qu'est le président Arthuis, et espérons qu'il permettra, à terme, de réduire le prélèvement.

Nous souhaitons vivement obtenir la garantie que les départements ne subiront pas de dommages collatéraux. Nous nous félicitons de l'inscription dans la loi du principe d'une compensation à l'euro près : c'est à la fois fondamental et élémentaire. En effet, un département comme la Haute-Loire a la responsabilité d'un territoire.

Je ne saurais conclure sans rappeler qu'il faudra penser aux jeunes de 18 à 25 ans. Enfin, monsieur le Haut-commissaire, si nous sommes favorables à la réforme que vous portez, nous sommes attachés à l'octroi de solides garanties pour les départements car ce n'est pas parce qu'on soutient l'équipe que l'on doit oublier le club.

« La méthodologie est une carte routière, explique le philosophe Jean-François Malherbe, elle nous indique les routes et les chemins mais ne nous dit pas où il faut aller ». Avec le RSA, la voie est tracée et la direction marquée. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Gélita Hoarau.  - La Réunion est le département français qui connaît le plus fort taux de chômage ; déjà de 30 %, il risque de bondir si les règles de défiscalisation changeaient. C'est l'un des enjeux des débats en cours. Selon les chefs d'entreprises, le nombre des faillites augmenterait et il y aurait de 9 000 à 10 000 licenciements. La situation est dramatique : un Réunionnais sur deux vit en dessous du seuil de pauvreté, 350 000 sont à la CMU et 186 000 au RMI, 30 000 familles attendent un logement social et l'on compte 130 000 illettrés.

Le coût de la vie est plus élevé qu'en métropole et l'avenir est obscurci par l'incertitude sur l'octroi de mer, la renégociation des accords sucriers ou encore les accords entre l'Union européenne et les États ACP.

Voilà le contexte dans lequel se mettront en place le RSA et la lutte contre la pauvreté. Moins développé qu'en métropole, notre secteur marchand ne suffira pas à assurer un retour à l'emploi. C'est pourquoi je voudrais vous soumettre deux propositions.

Notre biodiversité est unique et l'Union européenne a souligné l'urgente nécessité de la préserver. Cela passe par la création de milliers d'emplois dans le parc national de la Réunion ainsi que dans le parc marin. Il en va de même de la collecte, du tri et de la valorisation systématique des déchets. Nous proposons de créer un service public qui mobilisera des milliers de jeunes entrant dans le champ du RSA.

Un autre service public serait consacré aux services à la personne. Il y a un manque dramatique d'accueil pour les personnes âgées comme pour la petite enfance. Or il faut assurer à une population fragile les moyens de vivre décemment sans laisser personne au bord du chemin et en évitant les « emplois-magouille », comme dit le préfet. Il faudra pour cela mobiliser des crédits et associer la caisse d'allocations familiales et la sécurité sociale.

L'expérimentation, ce droit constitutionnel, mérite d'être menée à la Réunion pour ces deux services publics qui permettraient d'atteindre votre objectif : l'insertion pour le plus grand nombre. On peut en trouver les moyens financiers en redéployant des fonds. L'état d'urgence dans lequel se trouve la Réunion ne permet pas d'attendre 2011, comme le propose l'article 15 du projet. Mettons immédiatement en oeuvre ces deux services publics ! M'autorisez-vous, monsieur le Haut-commissaire, à le proposer à l'occasion de la loi programme pour l'outre-mer ? Bien sûr, cela ne suffira pas à relever les défis mondiaux, du réchauffement climatique à la crise énergétique, auxquels nous sommes également confrontés. Mais les relever, c'est aussi développer des secteurs d'avenir en s'appuyant sur une jeunesse de mieux en mieux formée. En attendant, aidons les plus démunis. C'est l'objectif de votre projet et c'est pourquoi j'espère être entendue. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Vasselle.  - Voici vingt ans que le code de l'action sociale dispose que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental ou de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Je me réjouis que cela ait été le fil conducteur de votre réflexion.

Trop souvent dévoyé, le RMI est devenu un revenu d'assistance sans espoir d'insertion réelle et durable. Quel est l'élu local qui n'a pas été interpellé sur l'absence de garanties ? A force de vouloir combler les lacunes, nous avons empilé les dispositifs jusqu'à les rendre illisibles. Le RSA constitue donc un élément essentiel de mobilisation, un espoir de sortir de l'assistanat.

Mais l'objectif du RSA n'est-il pas de soutenir l'emploi ? Le travail ne protège plus toujours de la pauvreté et l'on voit aujourd'hui apparaître une « pauvreté laborieuse » : des hommes et des femmes au travail ne disposent plus des ressources suffisantes pour vivre décemment avec leur famille.

Lors des débats de juillet dernier sur la loi Tepa, dont j'étais le rapporteur, je vous avais averti, monsieur le Haut-commissaire, des limites d'une expérimentation qui ne prendrait pas en compte cette catégorie de personnes. Vous m'aviez alors recommandé de tempérer mon impatience, arguant que chaque chose devait venir en son temps. Je constate que vous avez été, au bout du compte, aussi impatient que moi et n'avez pas attendu le terme de l'expérimentation pour nous proposer des dispositions législatives.

Il n'est pas acceptable que l'inactivité, aussi subie soit-elle, rapporte plus que le travail. Méfions-nous cependant des effets pervers du dispositif que vous nous proposez. Il était prévu que la commission d'experts chargée de dresser le bilan de ces quelques mois d'expérimentation s'y penche : je suis au regret de constater, à la lecture de son rapport, qu'elle a totalement laissé ce sujet de côté, comme si ces effets pervers étaient inexistants. Je vous mets en garde, d'accord en cela avec plusieurs de mes collègues dont M. Adnot, contre le danger de voir se créer une nouvelle trappe où tomberaient certains bénéficiaires du RSA qui trouveraient leur confort dans le simple fait d'avoir évolué du RMI au RSA et s'y maintiendraient durablement. Tel n'est pas notre objectif. Il est bien plutôt d'acheminer les bénéficiaires vers l'emploi durable. Peut-être sera-t-il nécessaire, au regard de cette exigence, de prévoir quelques aménagements au dispositif.

Toujours lors de l'examen de la loi Tepa, j'avais posé le problème des droits connexes, que vous avez réglé au plan national mais pas au plan local, invoquant alors, contre un amendement déposé à l'Assemblée nationale par le groupe centriste, le principe de libre administration des collectivités locales, lequel vous aurait interdit d'introduire dans le texte aucune disposition contraignante.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Mais non ! Les collectivités territoriales s'administrent librement dans le cadre défini par la loi, M. le Haut-commissaire le sait bien.

M. Alain Vasselle.  - Vous risquez ainsi de créer une iniquité entre les uns qui, dans certains départements, bénéficieront de ces droits tandis que les autres n'en bénéficieront pas. J'attire à nouveau votre attention là-dessus et j'estime qu'il serait bon que la Haute assemblée se penche sur ce problème.

Un mot du financement. L'article paru dans un quotidien national du 16 septembre, sous la signature de M. Yves de Kerdrel, n'a pu échapper à votre vigilance.

M. Guy Fischer.  - C'est Le Figaro !

M. Alain Vasselle.  - Y sont développées dix bonnes raisons, auxquelles personnellement je souscris, de ne pas retenir la solution du prélèvement de 1,1 % sur les revenus du patrimoine comme solution de financement. Le débat nous donnera sans nul doute l'occasion d'y revenir.

La vraie solution aurait été, pour moi, même si je ne me fais pas d'illusion sur la suite qui sera donnée à ma proposition non pas par vous, monsieur le Haut-commissaire, mais par le ministre des comptes publics, si ce n'est le Président de la République lui-même qui rendra son arbitrage, d'opérer par redéploiement des crédits consacrés aux politiques de l'emploi. Les politiques d'allégement de charges, pouvant aller jusqu'à 1,6 Smic, pouvaient être utilisées pour favoriser la réinsertion, à concurrence du milliard et demi nécessaire. Nous aurions ainsi fait l'économie d'un débat sur le bouclier fiscal, seul argument derrière lequel se retrancheront nos collègues socialistes et communistes pour ne pas voter votre texte. Nous aurions pu le leur ôter et vous auriez ainsi été l'un des rares membres du Gouvernement à obtenir un vote consensuel sur un texte qui le mérite.

La question des niches devra être traitée dans le cadre du PLFSS : il n'y a pas de niches fiscales sans niches sociales, lesquelles ne représentent pas moins, si l'on en croit la Cour des comptes, de 35 milliards. Sachant que le déficit attendu de la sécurité sociale s'élève à quelque 8 ou 9 milliards, la question vaut que l'on s'y arrête. M. Yves Bur a lancé, l'an dernier à l'Assemblée, quelques pistes qui ont retenu l'attention. Je ne verrais pas d'un mauvais oeil que l'on considérât de même certaines propositions de mes collègues du Sénat.

Que nos trois rapporteurs ne considèrent pas ces propos comme une critique mais bien plutôt comme une contribution...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Utile et de qualité !

M. Alain Vasselle.  - ...à un débat dont il faudra tirer les enseignements pour l'avenir... (Applaudissements sur plusieurs banc à droite et au centre)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Le RSA met fin à cette absurdité qui veut qu'il soit aujourd'hui parfois plus avantageux d'être assisté que de travailler. Il engage un changement en profondeur de notre politique de cohésion sociale. Sous l'impulsion du Président de la République, nous passons à l'acte.

Au-delà de la simplification que constitue la fusion du RMI et de l'API, les dispositifs de retour à l'emploi avaient montré leurs limites. Seuls manquaient l'audace d'imaginer et le courage de réformer. Voici qu'aujourd'hui, la solidarité nationale entre dans les faits. Quatre millions de français sont concernés : ceux qui bénéficient du minimum social, mais aussi ceux qui travaillent à temps partiel ou dans le cadre de contrats à durée déterminée.

Le RSA dépasse la problématique du retour à l'emploi : il s'adresse à l'ensemble des travailleurs pauvres, apportant une réponse concrète à une réalité économique. D'autres pays l'ont fait. La France y arrive, et c'est heureux. Une expérimentation, gage de réalisme, a tout d'abord été conduite dans 34 départements, dont le Gers, où elle s'est révélée positive. Chaque débat budgétaire devra être l'occasion de contrôler la mise en place du RSA sur le terrain, d'examiner les problèmes éventuels pour apporter les ajustements nécessaires et de mesurer la consommation des crédits du nouveau fonds dédié à son financement.

Dix milliards d'euros sont en jeu, sur lesquels 1,5 milliard correspondent aux mesures nouvelles nécessaires pour conduire la réforme. En assurer le financement par une nouvelle contribution additionnelle de 1,1 % au prélèvement social sur les revenus du patrimoine et de placement pour alimenter un fonds national des solidarités actives est juste : il est normal que ceux qui engrangent les revenus de leur capital participent à l'intégration par le travail de leurs concitoyens moins privilégiés. Le taux de 1,1 % représente un maximum qui sera diminué du produit des recettes dégagées par le plafonnement des niches fiscales, dont les modalités seront arrêtées dans le cadre du prochain projet de budget.

Certains se demandent s'il n'était pas possible de procéder par redéploiement, par économies. Mais pouvait-on attendre la fin du quinquennat pour lancer le RSA ? Ce dispositif n'est-il pas tout aussi important que la libération du temps de travail ou les exonérations des heures supplémentaires ? Compte tenu de l'état des finances publiques, trouver les moyens pour le financer dès 2009 impliquait forcément la création d'une contribution nouvelle. Le retour à l'emploi des bénéficiaires de minima sociaux doit permettre, à terme, des économies dans les budgets sociaux, qui réduiront d'autant ce prélèvement.

Le montage financier que vous avez choisi est transparent. Le fonds dédié aux solidarités actives permettra de mesurer la montée en charge du dispositif, et les éventuels « retours sur investissement ». On a soulevé le problème de l'équité et posé la question du bouclier fiscal. Mais un bouclier troué est une passoire ! Pour rester fidèles à l'esprit de la loi et au bon sens qu'exige de nous le contexte international, il faut maintenir intangible le principe selon lequel un contribuable ne peut consacrer plus de la moitié de ses revenus à des impositions directes. Pour mettre fin aux idées reçues, il n'est pas inutile de rappeler que plus de deux bénéficiaires effectifs du bouclier fiscal sur trois ne sont pas redevables de l'ISF ; que plus de deux sur trois n'ont qu'un revenu mensuel de 1 000 euros : preuve que sont majoritairement concernés les Français modestes.

Mais l'essentiel n'est pas dans le financement d'une réforme qui sera évaluée, il est dans le message qu'elle envoie : la valeur travail vaut pour les actifs, certes, mais aussi pour les chômeurs, pour ceux qui ont un emploi stable et protégé, mais aussi pour ceux qui sont dans les secteurs les plus difficiles du marché du travail. Le seul rempart contre la pauvreté, c'est le travail ; il fallait un texte pragmatique et de bon sens, qui garantisse que toutes les personnes capables de travailler puissent disposer d'un revenu minimum et voient leurs ressources augmenter quand celles tirées de leur travail augmentent.

Le RSA n'est ni de droite, ni de gauche, il est efficace et juste. Ce message nous honore. Nos concitoyens y sont très favorables, les Rmistes comme ceux qui, travaillant, constatent que leurs impôts financent en partie des sans emploi en mesure de travailler. Ce texte de progrès mérite la même qualité de débat et d'écoute que la loi sur le RMI ou celle de lutte contre l'exclusion. Je souhaite que nous partagions la même sérénité et le même esprit d'ouverture. Fidèles à ce dernier, les membres du RDSE voteront ce texte. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yves Daudigny.  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) « Ce qui rend la pauvreté si dure, ce sont les privations et la promiscuité » écrivait Marguerite Yourcenar. Vouloir lutter contre la pauvreté n'est pas aisé ; vouloir simultanément s'attaquer à l'exclusion est un défi presque présomptueux, car pauvreté et exclusion ne sont pas du même registre, celui de la privation pour la première tandis que la seconde confine à l'inexistence sociale. On peut être pauvre et inséré ; ce qui menace les victimes de l'exclusion, c'est de sombrer dans l'oubli, de n'être rien aux yeux des autres, de ne plus exister. Lutter contre l'exclusion, c'est refuser toute mise au ban, c'est refuser que quiconque puisse se considérer comme un rebut.

C'est dire si notre tâche est lourde de sens. Il nous faut aborder cette discussion avec humilité et responsabilité ; tant d'espoirs sont nés qu'il ne nous est pas permis de décevoir.

Vous visez tout à la fois la pauvreté dans ses effets privatifs et l'exclusion en ce qu'elle menace de rompre le lien social. J'eusse préféré une réforme profonde de nos politiques d'insertion. Si le RSA, incitatif et mobilisateur, mérite intérêt, il ne règle rien en profondeur ; il traite les effets et non les causes. Sauf à le considérer « hors-sol », les politiques d'activation sont un tout et les outils mis en place peuvent être un substitut à la dérégulation du marché du travail.

L'API et le RMI vont disparaître. Reconnaissons leur mérite. L'API, créée en 1976, procédait d'abord d'une politique familiale, qui entérinait implicitement la monoparentalité. A mi-chemin entre politique familiale et sociale, son évolution était inéluctable. N'oublions pas davantage le progrès social qu'a été le RMI et l'immense espoir qu'il a fait naître lorsqu'il a été voté par l'Assemblée nationale unanime il y a vingt ans. Filet de sécurité, il n'a pas étouffé l'initiative locale comme certains l'avaient craint ; il a produit des innovations et une ingénierie qu'on nous envie. API et RMI s'inscrivent ainsi dans une histoire sociale qu'il faut prendre soin de ne jamais insulter.

Le RSA se veut transition. Y parvient-il ? Du côté positif du bilan, il y a le principe, du côté négatif ses manques et ses limites, les risques qu'il emporte, sur l'emploi précaire notamment et l'inégalité qu'il instaure entre salariés, l'injustice de son financement. Je serai prudent enfin sur la responsabilité des conseils généraux. Leur place et leur rôle ne font pas débat. Mais à quel prix ?

Le RSA a deux objectifs non contestés et non contestables. Il valorise la reprise d'activité ; prendre ou reprendre une activité devient financièrement plus attractif que rester dans l'inactivité. On ne peut pas être contre, même s'il faut préserver la perspective d'un régime de salariat universel que le RSA remettrait en cause. En second lieu, tous les travailleurs pauvres sont concernés On ne peut davantage s'y opposer.

Une nouvelle taxe est créée pour financer le RSA, à laquelle échapperont les plus riches contribuables grâce à un bouclier fiscal dont le caractère inégalitaire et injuste a été mille fois démontré et dénoncé.

Plus grave peut-être, le RSA institutionnalise de façon pérenne un subventionnement public de l'emploi privé. Il se heurte à la question des bas salaires. Compléter durablement des emplois privés par de l'argent public, c'est reconnaître que le système économique produit des emplois dont les salaires n'assurent pas la dignité de vie de ceux qui les occupent.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - C'est la réalité.

M. Yves Daudigny.  - Le risque est grand de voir s'exacerber les tensions entre les travailleurs qui percevront des bas salaires sans RSA et ceux qui bénéficieront durablement des aides publiques. De plus, le RSA n'améliore pas les conditions de vie des plus éloignés de l'emploi, voire de ceux qui n'ont jamais travaillé. Le niveau relatif des minima sociaux n'a cessé de décroître depuis une quinzaine d'années, ce qui aggrave les inégalités. Le RSA n'enrayera pas le phénomène et je crains même que le RSA, présenté comme moins stigmatisant que les précédents dispositifs, ne conduise à classer les pauvres entre ceux qui méritent d'être aidés pour l'effort qu'ils consentent en reprenant une activité -c'est le classique « donnant-donnant »- et ceux qui, très éloignés de l'emploi, risquent d'être abandonnés à leur sort, déclassés socialement. On peut sortir de la pauvreté grâce à des ressources supplémentaires, mais non de l'exclusion sans formation ni aides, ni surtout sans un accompagnement personnalisé. Or le RSA mise essentiellement sur la reprise d'emploi, dans un contexte où malheureusement le taux de chômage est à nouveau à la hausse.

Voilà pourquoi l'action des conseils généraux est essentielle. Leurs présidents doivent être les véritables chefs de file. Ils sont prêts à soutenir la mise en oeuvre du dispositif -serait-il d'ailleurs possible de faire sans eux   Mais ils ne sauraient se substituer à un État qui se désengage toujours davantage ; pour eux, l'intégration de l'API dans le RSA n'est pas une extension mais un transfert de compétences.

Toute allocation individuelle décidée par la loi doit être financée par la solidarité nationale (applaudissements à gauche), les dépenses liées à l'animation de proximité étant prises en charge par les départements. Appliquer ce principe éviterait que les droits individuels varient d'une région à l'autre en fonction des moyens des collectivités locales et de l'importance des difficultés sociales qu'elles rencontrent. Une compensation intégrale évoluant chaque année en fonction des dépenses réelles des départements est une nécessité absolue.

Les départements sont prêts à accompagner durablement les personnes les plus éloignées de l'activité. Mais ne comptez pas sur eux pour faire le gendarme ! (Applaudissements à gauche). La logique de la loi du 1er août 2008 ne peut simplement s'appliquer à l'ensemble des personnes aujourd'hui allocataires du RMI et de l'API et qui vont rentrer dans le RSA. (Applaudissements à gauche)

Au total, je ne suis pas convaincu que le RSA puisse répondre à toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les personnes les plus fragilisées par la grande pauvreté. Dans le contexte actuel, alors que se profile une crise sociale, le pire serait qu'il exclue ceux qui sont déjà les plus exclus. Malgré votre sincérité et votre volonté d'aboutir, monsieur le Haut-commissaire, le RSA ne pourra compenser les effets d'une politique qui détruit consciencieusement le lien social depuis 2002. (Applaudissements à gauche)

M. Rémy Pointereau.  - Le RSA, engagement présidentiel, devient réalité comme tant d'autres engagements du Président Sarkozy. Grâce à vous, monsieur le Haut commissaire. Il est une réponse à tous ceux qui font au Gouvernement un procès en injustice sociale depuis la loi Tepa. Il fait passer notre pays d'une logique d'assistanat à une logique...

M. Bernard Frimat.  - De bouclier fiscal !

M. Rémy Pointereau.  - ...de solidarité active. Il met fin au RMI, créé en 1988 sous le gouvernement Rocard et voté par la droite avec un grand sens des responsabilités, dont le volet insertion a échoué.

Chacun reconnaît le bien-fondé du RSA, qui figurait, je le rappelle, dans le programme présidentiel de Mme Royal. M. Rocard a dit son enthousiasme. Les expérimentations ont été très encourageantes, preuve de l'efficacité du dispositif : plus 30 % de retour à l'emploi par rapport au système antérieur, plus du quart des personnes retrouvant un emploi étaient au RMI depuis plus de quatre ans.

J'avais beaucoup insisté pour que mon département du Cher soit candidat. Malheureusement, par pure idéologie, cette expérimentation a été refusée.

Qui pourrait s'opposer à aider les exclus du système à trouver un emploi ? Comment ne pas applaudir des deux mains lorsqu'on permet à chacun de gagner davantage dès lors qu'il travaille ?

Cette réforme est bonne, mais son financement l'est moins. La taxe de 1,1 % sur les revenus de l'épargne pour financer le RSA va pénaliser le revenu indirect du travail. Les assurances vie, les actions, les obligations, les revenus vont être ponctionnés alors que nous disons depuis des années à nos concitoyens qu'il leur faut épargner car leurs pensions de retraite seront trop faibles. La classe moyenne, c'est-à-dire ceux qui ne sont pas assez pauvres pour bénéficier d'une aide quelconque mais assez riches pour contribuer à la solidarité et payer des impôts, va donc, une fois de plus, être taxée.

Ce nouvel impôt, si minime soit-il, brouille le message que nous adressons aux Français en faveur du travail. Comme je m'y suis engagé auprès de très nombreux élus qui m'on fait part de leur incompréhension pendant la campagne sénatoriale, je défendrai donc un amendement pour proposer un autre financement du RSA. Pourquoi ne pas plafonner les niches fiscales, nous pencher sur le gouffre de la formation professionnelle qui coûte 19 milliards par an ou sur ce système proprement ubuesque qui fait que l'État, chaque année, dépense d'une main 16 milliards en allégements de charges pour compenser le passage aux 35 heures et 4 milliards de l'autre pour en organiser la sortie ?

En outre, compte tenu de la crise financière que nous traversons, les recettes de la nouvelle taxe risquent d'être minorées. L'actuelle réforme de la formation professionnelle permettra peut-être de trouver rapidement de nouveaux financements plus équitables et plus appropriés au RSA qui gagnerait en légitimité.

Je voterai donc ce texte mais je souhaite que nous trouvions des financements plus adaptés. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Desessard.  - Monsieur le Haut-commissaire, vous avez fait référence à la mission d'information « pauvreté et exclusion » présidée par M. Demuynck, mais nous n'en tirons pas les mêmes conclusions. Lors des auditions relatives à la mise en oeuvre du RSA, les divers intervenants du monde politique et associatif ont souhaité poursuivre l'expérimentation. D'où ma première interrogation : pourquoi avoir bousculé le calendrier ? Pourquoi avoir voulu une généralisation rapide du RSA alors que les départements s'appropriaient le concept et voulaient poursuivre les expérimentations ? Ces dernières apparaissent d'autant plus nécessaires que des zones d'ombre subsistent quant aux modalités d'application du RSA.

J'en viens au coeur du projet : les bénéficiaires du RSA pourront cumuler des revenus d'activité avec les minimas sociaux. J'ai trop longtemps milité avec les associations de chômeurs pour ne pas reconnaître certains aspects positifs du RSA.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Merci beaucoup, mais je crains le pire dans la suite de votre intervention... (Sourires)

M. Jean Desessard.  - Il a pour effet d'encourager la reprise d'un emploi, même à temps partiel ou à durée déterminée, parce qu'il améliore les revenus de celui qui travaille. Nous déplorions, par le passé, qu'une reprise d'activité se traduise souvent par des charges plus importantes pour un revenu équivalent. C'est également un des moyens de lutter contre la pauvreté car on augmente les revenus de la personne.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Ce qui n'est déjà pas mal !

M. Jean Desessard.  - J'ai noté un début de simplification administrative, mais le chemin qui reste à parcourir est encore long...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Peut mieux faire ! (Rires)

M. Jean Desessard.  - Enfin, le RSA se rapproche d'un minimum garanti de solidarité. Comme pour les retraites, pour l'assurance maladie, vous avez découplé le revenu de l'activité.

En revanche, j'ai noté une anomalie : ce Gouvernement remet en cause le chômage, les retraites, l'assurance maladie, et vous, vous échappez à ce mouvement. Il y a deux solutions : soit vous avez été particulièrement persuasif...

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire. - Sait-on jamais ?

M. Jean Desessard.  - ...soit, comme l'a dit M. Vasselle, des effets pervers vont cannibaliser le RSA. Si le concept est bon, l'environnement dans lequel il évolue l'est beaucoup moins. Vous risquez, comme ce costaud de Sisyphe avec son rocher, de pousser le RSA tout en haut mais de devoir ensuite tout recommencer.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - C'est un mythe !

M. Jean Desessard.  - Comment en effet lutter contre la pauvreté dans un système qui l'engendre et qui génère l'exclusion ? Quand nous avons commencé à parler du RSA, c'était il y a quinze mois, lors de l'examen de la loi Tepa qui distribuait 15 milliards aux plus riches. Aujourd'hui, on peine pour trouver 1,5 milliard pour financer la généralisation du RSA.

En tant qu'écologistes, nous sommes favorables à la réduction globale du temps de travail : c'est un progrès social évident et cela permet de réduire l'utilisation des ressources naturelles. Nous sommes favorables, entre autres, au temps partiel choisi, mais dans notre société qui fonctionne à flux tendu, le temps partiel est le plus souvent subi au profit des employeurs : ce sont les caissières des grands magasins que l'on n'embauche qu'aux heures de pointe et qui se retrouvent avec des trous de plusieurs heures dans leur emploi du temps, ce sont les femmes de ménage à qui on demande de venir travailler à quatre ou cinq heures du matin parce que les bruits d'aspirateurs ne sont pas supportables. Ensuite, on les culpabilise en leur disant qu'elles ne suivent pas d'assez près la scolarité de leurs enfants ! (Applaudissements à gauche) M. Sarkozy nous parle de moraliser le capitalisme, ce qui est d'ailleurs une façon de dire que le capitalisme est amoral ou immoral. II faudrait qu'il nous fournisse le mode d'emploi ! Et il faudrait aussi qu'il opère une fameuse autocritique car depuis le début de son mandat, la libéralisation est sans limite. Les différentes lois votées cette année ont eu pour effet de transférer les services publics vers le privé. L'idée de la loi Tepa était de défiscaliser les plus riches pour qu'ils puissent embaucher, ce qui sous-entend la mise en place d'une société fondamentalement inégalitaire, l'objectif étant de permettre aux plus riches d'embaucher les plus pauvres, ces derniers étant corvéables à merci. Ce système implique une pression à la baisse sur tous les salaires car sinon, qui accepterait des conditions de travail pénibles, des horaires de travail décalés ? C'est ce système d'exploitation qui crée les conditions de la pauvreté, du chômage, de la précarité pour contraindre les travailleurs à accepter des salaires toujours plus bas.

Enfin, de quels moyens disposerez-vous pour mettre en oeuvre le RSA ? En 2005, vous évoquiez une enveloppe de 5 milliards pour que le dispositif soit pleinement efficace. Aujourd'hui vous nous proposez 1,5 milliard. La mise en place d'une nouvelle contribution de 1,1 % aurait pu être une solution crédible si le Gouvernement ne s'était obstiné à vouloir en exonérer les contribuables les plus riches, bénéficiaires du bouclier fiscal !

Dans ce projet, rien n'est prévu pour les jeunes. J'ai déposé plusieurs amendements pour expérimenter la généralisation aux 18-25 ans et ne plus prendre en compte les revenus du foyer fiscal mais ceux de la personne. Je proposerai également la réévaluation mensuelle et non trimestrielle du RSA afin d'éviter aux bénéficiaires d'avoir à rembourser des indus.

Si le RSA est un concept juste, que vaut-il dans un contexte aussi défavorable où tout est organisé pour générer de la pauvreté et de l'exclusion ? En outre, vous ne disposez pas des moyens nécessaires à la mise en oeuvre d'une réelle politique de solidarité. Je suis très réservé quant à la capacité du RSA à résoudre la grave crise sociale que nous traversons. Je crains que cette juste idée ne serve de caution à un gouvernement qui conduit une politique profondément inégalitaire et que des effets pervers ne ruinent votre bonne intention initiale.

Avec le RSA, vous avez eu l'intelligence de concevoir un concept d'assistance dynamique mais dans le cadre de la politique actuelle du Gouvernement, ce sera au mieux un palliatif et non l'ébauche d'une politique de solidarité, de partage du travail, de justice sociale. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Fouché.  - En juin, une enquête a démontré que notre système de solidarité n'incite pas à l'emploi. Parmi les personnes interrogées et qui sont au chômage, une sur quatre a refusé une embauche. Près de la moitié justifie ce refus par l'insuffisance de la rémunération et des charges financières trop importantes liées à l'emploi proposé. Le motif financier est d'ailleurs le premier motif de refus devant la localisation géographique de l'emploi ou sa pénibilité. Des mesures d'incitation financière auraient donc un réel effet sur l'accès ou le retour à l'emploi des personnes qui n'en ont pas.

La généralisation du système d'allocation différentielle avec le RMI a relancé le débat sur les trappes à inactivité et à pauvreté. Comment faire en sorte que l'activité supplémentaire procure un revenu supplémentaire ? Comment valoriser la situation des salariés modestes par rapport aux personnes qui ne travaillent pas ? L'intéressement à la reprise d'emploi et la prime pour l'emploi n'ont pas donné les résultats escomptés. Faut-il se résigner à une hausse inexorable du nombre d'allocataires du RMI ? Ils sont déjà 1,1 million aujourd'hui, contre 422 000 il y a vingt ans. Et 7 millions de nos concitoyens vivent au-dessous du seuil de pauvreté.

Monsieur le Haut-commissaire, vous avez conçu ce nouveau dispositif pour permettre aux intéressés de pouvoir vivre de leur travail, quelle que soit leur situation familiale, en conservant le bénéfice de la solidarité nationale. Bref, le RSA est un complet renversement des perspectives. Il a été expérimenté dans plusieurs dizaines de départements...

M. Guy Fischer.  - Trente.

M. Alain Fouché.  - Monsieur le Haut-commissaire, vous m'avez convaincu fin 2006 et l'expérimentation a débuté dans la Vienne le 1er novembre 2007. Nous l'avons fait dans le cadre territorial des maisons de solidarité ; un cinquième des Rmistes a été concerné. Le coût, avec notamment le recrutement d'un chef de projet et d'agents d'accompagnement, a représenté 834 000 euros. L'État a tenu ses engagements et a travaillé avec le département.

Environ 700 personnes ont signé un avenant RSA à leur contrat d'insertion, essentiellement des femmes, qui pour 61 % ont occupé un emploi dans le secteur marchand -le plus souvent un emploi durable. Le Comité national d'évaluation a jugé que le RSA avait des effets significatifs, le taux de retour à l'emploi étant nettement plus élevé dans les zones d'expérimentation RSA que dans les zones témoins RMI. En moyenne les ménages qui ont repris un emploi étaient au RMI depuis plus longtemps que les autres. La moitié des bénéficiaires du RSA ont reconnu qu'ils acceptaient un emploi qu'ils auraient peut-être refusé avant. Parmi les autres effets positifs, ils notent l'accompagnement social et professionnel et les aides.

D'autres résultats sont plus incertains : il faut améliorer le suivi et l'accompagnement, mieux communiquer sur le dispositif, renforcer les liens avec les entreprises qui ne comprennent pas toujours le fonctionnement du système.

C'est une grande réforme, comme il n'y en a pas eu en France depuis des dizaines d'années.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - C'est vrai !

M. Alain Fouché.  - Son but est ni plus ni moins la cohésion de la société. Il importe donc de dégager les moyens indispensables à sa réussite. Le coût global est estimé à 10 milliards d'euros et l'État s'est engagé à financer le milliard et demi manquant par la création d'une taxe de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et des placements. Je regrette seulement qu'en raison du bouclier fiscal, ceux qui bénéficient de très hauts revenus ne participent pas à cet effort de solidarité.

M. Guy Fischer.  - Exact.

M. Alain Fouché.  - L'on aurait pu en revanche en dispenser les petits épargnants et les retraités modestes. L'État envisage de compenser les recettes publicitaires de la télévision publique : ne vaudrait-il pas mieux financer le RSA ?

Ce projet est une chance unique pour notre pays comme pour ceux de nos concitoyens qui sont au bord du chemin. Comme beaucoup, j'y crois ! C'est un bon projet, c'est une chance pour la France. (Applaudissements à droite)

M. Claude Lise.  - Les départements d'outre-mer sont très concernés par cette réforme -est-il besoin de rappeler le mal-développement qui, malgré quelques phases d'amélioration, a résisté à toutes les politiques menées pour le combattre ? Malgré un incontestable dynamisme et un taux de croissance de l'ordre de 4 %, ces départements sont durement touchés par le chômage, les emplois précaires, la pauvreté et l'exclusion sociale. En Martinique, le taux de chômage demeure à 22 % et 19,8 % des ménages vivent en dessous du seuil de pauvreté défini localement. Les élus ont bien du mal, face à l'afflux des demandes, à maintenir des réponses de qualité. Comment trouver suffisamment d'emplois ou d'activités réelles valorisantes et formatrices dans le secteur non-marchand ? Il y a aussi le handicap supplémentaire des agences d'insertion imposées aux DOM et pilotées de Paris. Bercy avait le pas sur la rue Oudinot. J'ai mené une longue bataille parlementaire pour obtenir la départementalisation des agences, devenue effective en 2003 seulement. Les résultats ont connu dès lors une nette amélioration : en 2007, 64 % des personnes relevant du dispositif ont signé un contrat d'insertion, contre 32 % en 2002. Ce qui montre l'importance d'une bonne connaissance des réalités du terrain. Nos résultats n'ont pas diminué notre détermination ; nous nous sommes fixés des objectifs plus ambitieux encore.

En juin 2005, le conseil général a signé un contrat d'objectifs portant sur 5 000 contrats d'avenir et 800 Cirma. Mais l'État interprétait à sa façon la notion d'activation du RMI, laissant à la charge du conseil général plus de 23 millions d'euros ! En outre, l'État tarde à rembourser les allocations versées par le conseil général. Et ce différentiel atteint 33 millions d'euros !

Je partage les objectifs et la philosophie qui sous-tend le RSA, mais je voudrais éviter de nouvelles déconvenues. Je ne demande pas que les départements d'outre-mer soient écartés du dispositif, mais que son application soit assortie de précautions et précédée par une concertation approfondie avec les quatre exécutifs départementaux. Nos budgets supportent déjà un niveau beaucoup trop élevé de transferts de charges, alors même que la demande sociale ne cesse de croître.

Il nous faut donc garantir que les dépenses nouvelles, notamment celles qui concernent l'API, dont bénéficient 5 000 Martiniquais, seront intégralement compensées. Un échéancier devrait nous être proposé pour l'apurement des dettes considérables contractées par l'État à l'égard des DOM. La concertation devra également porter sur les mesures à prendre pour empêcher que le nouveau dispositif ne favorise les emplois faiblement rémunérés -ce risque est encore plus grand outre-mer- et elle devrait porter sur l'avenir de certains dispositifs spécifiques aux DOM. Qu'adviendra-t-il des agences départementales d'insertion, du revenu de solidarité pour les allocataires de plus de 50 ans, ou du contrat d'insertion par l'activité, auquel de nombreuses communes et associations ont recours ? Si ce contrat est intégré au nouveau dispositif, l'État consentira-t-il l'indispensable effort financier, alors qu'il a réduit depuis trois ans sa participation au financement du contrat ? Les jeunes de moins de 25 ans seront-ils exclus du RSA, alors qu'ils connaissent un taux de chômage bien plus important qu'en métropole ? (M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales : « Qui trop embrasse, mal étreint ») Ces interrogations sont pressantes, à l'heure où de nombreuses craintes s'expriment quant à la portée réelle de la future loi pour le développement économique de l'outre-mer.

Le RSA peut être un instrument efficace de lutte contre la pauvreté et l'exclusion dans les DOM, à deux conditions. La première, c'est que les préoccupations d'économie budgétaire ne l'emportent pas sur les objectifs affichés. La seconde, c'est qu'une concertation soit très rapidement engagée avec les acteurs locaux, afin de prendre en compte les réalités du terrain. Cette concertation ne manquera pas de mettre en évidence le fort engagement des acteurs locaux dans la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. Mais elle sera aussi l'occasion de rappeler que dans les DOM, contrairement aux idées reçues, la plupart des pauvres ne sont pas des demandeurs d'assistance, mais des demandeurs de développement économique et d'emploi durable. (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs au centre)

M. Jean-Claude Etienne.  - J'ai tout d'abord des excuses à formuler : je ne vous parlerai pas du RSA (sourires), mais des contrats uniques d'insertion (CUI). L'an dernier, un rapport du Sénat regrettait la multiplicité des formules de contrats aidés, et concluait qu'il fallait mettre au point un protocole unique de contrat. Votre projet de loi arrive donc à point nommé.

Il est très important, dans la période d'incertitude économique actuelle, de définir un accompagnement des personnes en recherche d'insertion qui soit non seulement uniformisé, mais aussi performant. On entend souvent dire des contrats aidés qu'ils aboutissent presque toujours au retour à l'ANPE ; qu'ils provoquent des effets d'aubaine pour les grandes administrations et établissements publics, dont les hôpitaux, voire les grandes associations ; qu'ils constituent de l'argent gâché ; bref qu'ils ne marchent pas.

M. Jean Desessard.  - Personne ne dit cela.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Certains le disent, si.

M. Jean-Claude Etienne.  - La Cour des comptes, heureusement plus nuancée, considère que l'impact réel des contrats aidés est difficile à évaluer, mais que leur rôle dans l'insertion sociale n'est pas négligeable. Selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), sur l'ensemble du territoire, 20 % des contrats aidés aboutissent au retour à l'emploi.

Dans quelques cas, cependant, les résultats sont meilleurs. Vous en avez vu un exemple, monsieur le Haut-commissaire, lors de votre venue dans la Marne : il s'agit d'Assodel 51. Les résultats de cette association sont estimés à 50 % en matière de réinsertion, 59 % en 2007. Nous avons donc tenté de comprendre ce qui différencie cette association destinée à l'insertion des autres structures à même finalité, mais moins efficaces. Trois paramètres font l'originalité d'Assodel 51. Tout d'abord, une charte de qualité est signée par l'employeur, l'ANPE et le bénéficiaire du contrat aidé, préfigurant les dispositions de votre projet de loi. Les employeurs s'engagent à mettre en place un accompagnement didactique, mais non « pédagogique », des bénéficiaires de contrats, afin d'assurer à l'avenir leur insertion professionnelle. Ensuite, il s'agit d'une association d'employeurs volontaires, qui cotisent à hauteur de 90 euros par contrat et par an. Elle utilise les réseaux des employeurs et les services du Pôle emploi afin d'aider le salarié à trouver un emploi durable. Enfin, les financements sont mutualisés : sur 100 euros perçus par l'association d'employeurs, 25 viennent de la dotation habituelle de l'État, 37 des adhésions d'employeurs, 25 des apports financiers du fonds social européen, 13 d'autres cofinanceurs volontaires, dont certaines collectivités locales. Pour un euro versé par l'État, l'association d'employeurs réussit donc à trouver 3 euros complémentaires : beau résultat ! Le résultat de cette combinaison originale, c'est qu'un salarié sur deux -et non un sur cinq comme c'est généralement le cas- bénéficie d'une véritable insertion professionnelle.

Il serait dommage de ne pas s'inspirer de ces dispositifs qui ont fait leur preuve, et qui n'entraînent aucun surcoût pour l'État, lors de la mise en place du contrat unique d'insertion -par exemple à l'occasion de la rédaction des décrets d'application. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Jacques Gillot.  - Le texte que vous nous soumettez vise à trouver un équilibre entre la solidarité, nécessaire ciment de la cohésion sociale, et l'autonomie procurée par les revenus du travail. En outre, la création du RSA contribue à la nécessaire simplification des minima sociaux et des dispositifs incitant à la reprise d'activité.

Mais le sort fait à l'outre-mer, à travers le calendrier d'application de la future loi, m'inquiète au plus haut point. En Guadeloupe, 6 travailleurs sur 10 tirent moins de 0,75 fois le Smic de leur activité. Près de 40 % d'entre eux gagnent moins de 0,5 fois le Smic, et 30 % moins de 0,75 fois le Smic. A ces travailleurs pauvres s'ajoutent près de 46 000 bénéficiaires de minima sociaux, dont 31 000 pour le RMI et 6 000 pour l'API. Pour des raisons structurelles, il existe beaucoup de travailleurs pauvres dans les économies insulaires, en raison de la taille des entreprises et de celle du marché. En outre, le plafonnement annoncé de la défiscalisation en outre-mer ne pourra que réduire les investissements qui sont générateurs d'emplois.

On a du mal à comprendre, dans ces conditions, pourquoi le Gouvernement veut différer l'entrée en vigueur de la future loi outre-mer. Peut-être faut-il prendre le temps d'adapter le dispositif aux réalités locales ; mais l'outre-mer se trouvera exclu pour un temps de la légalité, puisque le RMI sera privé de sa base légale par la suppression de l'article L. 115-1 du code de l'action sociale et de la famille, alors qu'il continuera d'exister outre-mer. Le report de l'entrée en vigueur de la loi est d'autant plus inadmissible que les citoyens ultramarins devront participer au financement du RSA dès le 1er janvier 2009. Le projet prévoit un délai maximal de deux ans, afin de permettre l'harmonisation par voie d'ordonnances du RSA et des politiques d'insertion dans les DOM. Pourquoi une période aussi longue ?

Deux dispositifs seulement seraient concernés par l'adaptation : l'allocation de retour à l'activité (ARA) et le revenu de solidarité outre-mer (RSO). Pour l'ARA, on pourrait très bien proposer une option, avec maintien si cette allocation est plus avantageuse que le RSA, ou bien on pourrait la maintenir pendant deux ans, en appliquant immédiatement le RSA aux nouveaux entrants. Quant au RSO, qui vise les plus de 50 ans, dispensés de recherche de formation, il n'est donc nullement contradictoire avec le RSA.

Le RSA peut donc s'appliquer immédiatement outre-mer, sauf pour des raisons inavouées. Le transfert du RMI s'est traduit, en Guadeloupe, par un reste à charge de 60 millions, le transfert prévu de l'API, qui représente 30 millions, va nécessiter encore des moyens : nous avons besoin de garanties !

M. Jean Desessard.  - Un chèque !

M. Jacques Gillot.  - J'approuve la philosophie du RSA mais si son application outre-mer devait attendre des ordonnances, je souhaite qu'elles fassent l'objet d'une concertation préalable avec les autorités locales et qu'elles soient prêtes dans les six mois après la promulgation.

A ce stade, la Guadeloupe ne comprendrait pas que je vote un texte qui laisserait une fois de plus l'outre-mer de côté, car cela reviendrait à considérer que l'égalité sociale dans nos régions peut attendre ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Je suis sur la même longueur d'ondes que mes collègues, MM. Gillot et Lise. Monsieur le Haut-commissaire, vous êtes un militant, au sens noble du terme ; je milite aussi pour mon département depuis 1969, et c'est à ce titre que je me réjouis d'avoir, en 1988 et avec mon collègue M. Lise, adopté un amendement qui étendait le RMI outre-mer !

Le RMI ne nous a pas donné plus de satisfaction qu'en métropole. Nous avons été pionniers plus d'une fois, pour l'activation des dépenses de solidarité, pour concilier la solidarité avec l'activité, la responsabilité et la dignité ; il ne faudrait pas aujourd'hui en être sanctionnés ! En 1994, nous avons créé, dans la loi Perben, le contrat d'insertion par l'activité (CIA) qui, sans régler tous les problèmes, a représenté une passerelle entre l'inactivité et l'insertion. En 1997, j'ai fait adopter à l'Assemblée nationale le revenu minimum d'activité (RMA), dispositif qui a été rendu caduc par la dissolution mais qui a marqué le premier accord du Parlement avec le principe du cumul entre RMI et revenu d'activité. En 2003, le contrat d'insertion revenu minimum d'activité (CI-RMA) était adopté, défendu par un certain M. Fillon, aux affaires sociales, La Réunion en a créé depuis plus de 4 500 par an : ce n'est pas suffisant mais c'est en s'agrippant à plusieurs cordes qu'on se sort de la misère !

Il y a encore quelques années, on nous rétorquait que la situation outre-mer était vraiment particulière, avec ses Rmistes en pagaille : nous en comptions certes 120 000, pour 700 000 en métropole. Mais aujourd'hui que 7 millions de Français vivent sous le seuil de pauvreté et qu'on compte 3 millions de Rmistes, « la galère » est partout ! Et maintenant que l'imprudence, l'incompétence de certains financiers et autres soi-disant experts réputés, de tous ces bobos qui conseillent les puissants et qui écrivent des bouquins sur la vie sans rien connaître du travail, maintenant que tout ce monde-là conduit notre système à la ruine sans qu'il n'y ait ni coupable ni responsable, nous ne demandons pas des parachutes dorés pour les Rmistes d'outre-mer ! (Rires et applaudissements à gauche) En demandant d'appliquer le RSA outre-mer, nous voulons que la situation de l'outre-mer soit prise au sérieux, il en va du principe d'égalité territoriale !

Dans cet hémicycle même, nous avons révisé l'article 73 de notre Constitution dans le sens voulu par M. Chirac pour que les lois de la République, dorénavant, s'appliquent sans délai outre-mer. J'ai fait voter un amendement sur le transfert des TOS, nos collègues socialistes en ont obtenu l'annulation par le Conseil constitutionnel mais le juge constitutionnel a précisé, à cette occasion, qu'un retard d'application de la loi outre-mer ne pouvait se justifier que par des spécificités probantes des territoires. Le fait que l'outre-mer compte proportionnellement plus de Rmistes ne saurait constituer une spécificité probante, c'est au contraire une raison d'agir avec plus de diligence : c'est quand le malade est le plus souffrant qu'il faut agir plus vite !

Il est parfaitement envisageable, à titre expérimental, de faire coexister le RSA avec les dispositifs actuels outre-mer ; nous en tirerons toutes les conséquences au moment de l'évaluation, qui aura lieu aussi en métropole.

Ensuite, monsieur le Haut-commissaire, vous avez été mal conseillé pour la rédaction de l'article 15.

M. Jean Desessard.  - C'est sûrement un banquier qui l'a écrit !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Probablement ! (Rires) Il faut le lire avec l'article 2, pour dénicher un véritable vide juridique. Que dit l'article 2 ? C'est très simple : il supprime l'article du code de la sécurité sociale qui fonde l'existence même du RMI. Dès qu'on l'adopte, le RMI cesse d'exister ! Si je suis Rmiste outre-mer, je constate qu'il n'y a aucune base légale pour qu'on continue à me verser mon allocation !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Non, puisque l'article 15 précise que le RMI n'est pas supprimé outre-mer avant 2011 !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Je vous assure, mon cher président, que l'article 2 fera disparaître toute base légale au RMI sur tout le territoire de la République : faites expertiser !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Mais puisque l'article 15 précise que la loi ne s'appliquera pas outre-mer avant 2011, vous êtes satisfait !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Non, puisque l'article qui fonde juridiquement le RMI aura disparu du code de la sécurité sociale ! Le RMI n'aura plus d'existence qu'en filigrane, et vous savez bien que la loi ne saurait être écrite en filigrane, on ne parle pas de billets de banque ! (On rit franchement) Il y a donc bien un vide juridique ! N'importe qui pourra contester par un recours le fait que le RMI soit versé, puisque la base légale aura disparu !

Ensuite, vous dites que ce texte ne s'appliquera pas avant la ratification des ordonnances. Mais alors l'outre-mer ne percevra pas le 1,1 % pour financer son RMI !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Non ! Il y a l'article 15 !

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Bravo, vous avez toutes les réponses, prenez donc ma place ! (Sourires)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Hélas, je n'ai pas votre talent ! (Mêmes mouvements)

M. Jean-Paul Virapoullé.  - Il y a un double vide juridique : si vous votez ce texte, le RMI perdra toute base juridique outre mer et nous ne percevrons pas le 1,1 % ! Le RMI est en danger !

Je propose qu'à titre expérimental un amendement -je suis prêt à y travailler avec vous- prévoie que le RSA s'applique dans les DOM au 1er janvier 2009 en complément des autres dispositifs d'insertion existants. Après un an, on évaluerait et rédigerait les ordonnances d'application.

Monsieur le Haut-commissaire, j'attends vos explications et après, seulement, je vous dirai ce que sera mon vote. Je suis loyal envers la majorité, mais d'abord envers mes mandants. (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes).

M. Bernard Cazeau.  - Vendredi dernier, à l'occasion de la Journée mondiale du refus de la misère, les associations de lutte contre la pauvreté ont lancé un cri d'alarme. Partout, elles constatent l'aggravation de la pauvreté et elles ont décidé de lancer un appel solennel aux pouvoirs publics, en les exhortant à agir en faveur des 7 millions de Français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. ll est urgent d'agir, car la croissance défaillante va peser sur la situation sociale des prochains mois. Moins de circulation d'argent aujourd'hui, c'est moins d'investissements demain et moins d'emplois et de revenus après-demain. Au terme de ce cercle vicieux, une fois encore, ce sont les salariés les plus exposés qui feront les frais des errances économiques du système financier. Les intérimaires, les temps partiels, les CDD ont du souci à se faire pour leur emploi dans les prochains mois. Votre texte tombe donc à point nommé pour que nous ayons une discussion franche sur la politique sociale du Gouvernement.

Disons-le d'emblée, le RSA est une bonne idée. L'analyse sur laquelle il repose est solide : 60 % des ménages en situation de pauvreté ont au moins un de leurs membres qui travaille. Et dans 30 % de ces ménages pauvres, une personne travaille à temps plein au Smic. Le premier problème est donc qu'un seul Smic à temps plein ne permet pas à une famille de vivre correctement. Le second problème est que le Smic à temps plein est de moins en moins la règle ; 30 % des smicards travaillent à temps partiel et vivent donc avec moins que le Smic. Ce qui est indécent dans notre société, c'est que le travail ne permet plus d'y obtenir un revenu décent. La pauvreté au travail s'est installée à vive allure dans notre économie, au fur et à mesure de la création d'emplois émiettés dans le secteur des services. On compte aujourd'hui 20 % de travailleurs pauvres de plus qu'en 2003. Ils occupent des emplois peu productifs, et donc peu rémunérés, dans l'hôtellerie-restauration, les services à la personne, le commerce et la distribution. C'est ainsi que la société française a créé désormais deux millions et demi de travailleurs pauvres.

Il y a urgence à agir, et on ne peut renvoyer cette question à une future amélioration du marché du travail. Ce serait faire peu de cas des gens en souffrance et oublier que rien n'est fait par l'actuel Gouvernement pour limiter la précarité.

Après expérimentation, il apparaît que le RSA est un outil innovant de lutte contre la pauvreté, car il met un terme au maquis des actuelles procédures. De plus, il réoriente le cumul des revenus du travail et des revenus sociaux en faveur de l'emploi. Mais la pertinence du dispositif masque mal la modicité des moyens dégagés. Un milliard et demi, ce n'est pas négligeable, mais ce n'est que 0,08 % de notre PIB du pays et 10 % des exonérations fiscales accordées en juillet 2007 au titre de la loi Tepa. Voilà qui relativise la communication présidentielle, pour qui le RSA est l'alpha et l'oméga de la politique sociale. Nous sommes loin du grand soir social qui semble devenu le nouveau registre déclamatoire de la droite française. Un RSA ambitieux, complet, aurait coûté plus cher, 4 à 5 milliards. Une telle enveloppe aurait amené l'intégralité des travailleurs pauvres au niveau du seuil de pauvreté. Le Haut-commissaire lui-même a d'ailleurs dû revoir ses ambitions à la baisse au fil des mois : cinq, puis quatre, puis trois puis un et demi.... (M. Desessard évoque Sisyphe et son rocher) On bute sans cesse, tôt ou tard, sur la question de la volonté politique et donc du financement. L'Abbé Pierre aurait dit qu'il y a une « différence entre gérer la pauvreté et la combattre ».

M. Guy Fischer.  - Très bien !

M. Bernard Cazeau.  - Le mode de financement retenu -une taxe sur les revenus du patrimoine et de certains placements- ne paraît pas injuste mais il tombe mal, à l'heure où les épargnants craignent pour leurs économies. J'ai d'ailleurs cru comprendre que beaucoup, dans la majorité, peinaient à se reconnaître dans cette nouvelle taxe. Mais la grande impasse sociale de votre texte, son péché originel, c'est l'exonération des quelques milliers de Français les mieux lotis. Nous déplorons que ce gouvernement Harpagon ait choisi, par aveuglement fiscal, d'entacher la création du RSA d'une injustice sonnante et trébuchante : sur le milliard et demi, 800 millions seront payés par les 10 % de Français les plus riches, déduction faite des quelques très riches déjà taxés à 50 % et protégés par le bouclier. L'essentiel de la taxe sera assumée par des Français dont le patrimoine est inférieur à 100 000 euros, soit 25 % des Français les mieux dotés. (Applaudissements à gauche)

Nous regrettons aussi le peu de cas qui a été fait des départements expérimentateurs dans l'accélération récente du calendrier de la généralisation. Dans mon département par exemple, où le RSA a diminué les difficultés des salariés à temps partiel et permis de mettre au jour du travail non déclaré, la question des travailleurs indépendants reste entière.

Mais l'inquiétude des départements est ailleurs, elle tient à la compensation financière des transferts envisagés. Le problème de la décentralisation du RMI reste entier : depuis 2003, une partie de ce RMI -2 milliards- a été financée par la solidarité locale. Votre texte demeure silencieux sur la dette de l'État à l'endroit des conseils généraux. Pire, il souscrit à l'idée que désormais les départements sont partiellement financeurs du RMI. Or, si l'organisation de la République est décentralisée, la solidarité nationale n'a pas à l'être ! Le recours à la catégorie juridique « d'extension de compétence » pour qualifier le transfert au département des bénéficiaires de l'API n'ira d'ailleurs pas dans le sens de l'apaisement. Globalement, les départements ont payé 10 % du RMI, qui relève pourtant, par essence, de la solidarité nationale. Et que dire du couple infernal « recettes statiques/dépenses dynamiques » ? Le montant de l'API, par exemple, est fortement dynamique -22 % de hausse depuis 2003- et constamment sous-évalué en loi de finances. Je crains qu'on nous transfère du déficit pour demain. D'autant que le suivi social renforcé dont bénéficieront les titulaires du RSA coûtera plus cher qu'aujourd'hui, parce que ce revenu s'adressera à un public plus large que celui que gèrent les départements à ce jour.

La réforme des politiques d'insertion est davantage une régularisation qu'une transformation. La confirmation du rôle de chef de file des conseils généraux relève du bon sens. Il en est de même de la nécessité pour les départements d'organiser des partenariats institutionnels dans le cadre de « pactes territoriaux d'insertion », complétant les programmes départementaux d'insertion. La création du contrat unique d'insertion relève plus de l'ajustement que du bouleversement. Nous n'aurons donc plus que deux contrats émanant de différents prescripteurs selon les publics : le contrat initiative emploi dans le secteur marchand et le contrat d'accompagnement dans l'emploi dans le secteur non-marchand. C'est là une simplification attendue des méandres du plan de cohésion sociale élaboré à la hâte en 2005....

Je demeure plus critique sur la « prime au résultat » que l'État accordera en fonction des résultats d'insertion des départements. C'est ignorer les disparités économiques entre les territoires : ce n'est pas la même chose de rechercher un emploi dans les Yvelines ou dans la Creuse ! (M. Desessard approuve) La seule question qui vaille est de savoir quelle sera l'enveloppe des contrats aidés dans les années à venir. Il est primordial de garantir leur financement. C'est sur cette base que nous jugerons l'action du Gouvernement en matière d'insertion professionnelle, et non sur les déclarations d'intention.

Comment ne pas être frappé du décalage entre le volontarisme affiché du Haut-commissaire et la frilosité de la politique sociale du Gouvernement ? Le RSA est un peu l'arbre qui cache la forêt. (M. Fischer approuve)

La mission emploi recule de 15 % sur trois ans, la mission logement de 10 % : autant d'argent en moins pour nos concitoyens les plus fragiles. Alors certains esprits chagrins se demanderont pourquoi augmenter les petits revenus si, dans le même temps, les soins deviennent plus chers, que l'on construit moins de logements sociaux mais que l'on relève les tarifs réglementés de l'énergie...

M. le président.  - Vous avez dépassé votre temps de parole.

M. Bernard Cazeau.  - L'ensemble de la politique du Gouvernement est à interroger car, à lui seul, le RSA ne suffira pas à corriger une politique contraire à la solidarité. Nous ne nous trompons pas : le Premier ministre, dans sa première intervention, a déclaré sur tous les tons vouloir faire reculer la pauvreté d'un tiers en cinq ans ; il n'en reste plus que trois et rien ne s'est passé. Nous ne pouvons cautionner cet échec et c'est le sens de notre abstention. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Dominati.  - Le RSA est un bon projet qui honore des promesses faites durant la campagne présidentielle. Il manifeste l'ambition de lutter contre la pauvreté en faisant reculer l'assistanat, et poursuit l'objectif économique de réduire le nombre de ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. On a dit qu'il simplifie, qu'il incite à la reprise du travail et qu'il lutte contre la pauvreté dans le travail ; je veux encore souligner le caractère pragmatique d'un projet qui a été expérimenté dans plusieurs départements.

Je dois malheureusement émettre une réserve et évoquer, comme le président de la commission des finances l'a fait, la prime pour l'emploi. En effet, quand M. Jospin l'a lancée en 2001, il n'imaginait pas qu'elle concernerait un jour 9 millions de personnes. Un rapport de la Cour des comptes l'a montré : cette prime est peu ciblée, mal identifiée par ses éventuels bénéficiaires, mais son coût à doublé en cinq ans. Malgré cela, vous la maintenez intégralement. Son équivalent britannique, la working tax credit, intéresse un foyer sur vingt contre un sur trois en France : la cible a été dénaturée.

Ce bon projet est affaibli par son financement. De nombreux orateurs l'ont évoqué, le RSA sera une charge pour des millions de Français. Moi aussi, j'ai pris durant les élections un engagement qui unit la majorité : diminuer les prélèvements obligatoires. (M. Alain Fouché le confirme)

M. Jean Desessard.  - Comment ?

M. Philippe Dominati.  - Pour 1,5 milliard, le RSA dénature ce projet. Vous avez dit qu'à partir du 10 juin, de nombreux élus avaient émis des critiques sur le financement mais les avez-vous entendues ? Dès cet été, notre rapporteur général s'est clairement expliqué, mais l'on en est malheureusement resté aux arbitrages gouvernementaux. Élu parisien, je fais grief au maire de la capitale d'augmenter les impôts...

M. Jean Desessard.  - Si peu...

M. Philippe Dominati.  - Or 1,1 % de plus sur les revenus du patrimoine, cela représente une augmentation de 10 %, puisque le taux actuel est de 11 %. A mes yeux, c'est intolérable car cela touchera les 12 500 détenteurs de contrats d'assurance vie, les 2 200 000 personnes qui complètent leur retraite par un revenu locatif, les 11 millions de Français qui possèdent des valeurs mobilières -et qui subissent déjà de plein fouet les effets de la crise.

Oui, le financement pose problème et il y a quelques jours, un ancien Premier ministre, M. Balladur, a proposé une solution au Gouvernement. Lorsque l'on est prêt à mettre 1 milliard pour la publicité à la télévision...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dites-le à Sarkozy !

M. Philippe Dominati.  - ...on peut procéder à d'autres arbitrages. Ne pas indexer la prime pour l'emploi aurait représenté 300 millions, revenir au taux antérieur à 2007, 500 millions, revenir à un seuil de 1,3 smic, 500 millions, (protestations sur les bancs socialistes) et 200 millions pour le plafonnement. Vous n'aviez pas besoin d'un financement que je regrette. (Applaudissements à droite)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Suivant son usage, la commission propose de voter séparément sur l'amendement de suppression n°169, ce qui évitera de soumettre une centaine d'amendements sur l'article à discussion commune. (Assentiment)

Il en est ainsi décidé.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Je vous remercie les uns et les autres pour votre démarche constructive. Vous avez reconnu les forces de ce projet et, si vous avez souligné des faiblesses, ça a été pour les corriger et faire progresser cette cause. J'ai été attentif à chacune de vos interventions et j'ai bien noté comment les présidents de conseils généraux s'étaient appuyés sur leur expérience. Il s'agit en effet de faire en sorte que l'outil rende plus efficaces les politiques que nous conduisons.

Vous m'avez d'abord interrogé sur le timing. Soulignant la qualité des expérimentations, vous avez demandé si les données du comité d'évaluation suffisaient. Oui. Peut-on extrapoler ? Le Comité d'évaluation constate une amélioration de la situation attribuable au RSA avec une probabilité de 95 %, l'intervalle de confiance s'établissant à 5 %. Pourquoi faut-il toujours apporter des tombereaux de preuves pour une disposition en faveur des pauvres alors que l'on se contente de bien moins pour les riches ? Deuxièmement, je ne suis pas sûr que le train repassera. Cela a été mon obsession, car qui peut dire si la situation sera aussi favorable demain et si nous obtiendrons plus ? Enfin, ne faisons pas de langue de bois, puisque vous avez été plusieurs à exprimer vos craintes : il se peut que la situation devienne plus difficile, et alors la réforme sera encore plus nécessaire pour ceux qui n'ont que 500 ou 1 000 euros.

Pour vous donner un ordre d'idée, pour un ménage sur quinze, le pouvoir d'achat est augmenté de 8 % : vous voyez que l'effort, ciblé, est bien en phase avec les préoccupations du jour.

Beaucoup ont soulevé le problème des personnes les plus éloignées de l'emploi. Je suis sensible à l'argument. Le RSA restera-t-il sans effet pour ceux qui connaissent aujourd'hui les difficultés les plus grandes ? Je réponds non, car le RSA est aussi conçu pour eux. L'expérimentation nous a permis de constater, de façon frappante, que trois leviers jouaient concomitamment : le levier financier, alors que le retour à l'emploi était décevant pour les bénéficiaires du RMI ; l'effet déstigmatisant, quand auparavant le Rmiste était, aux yeux des entreprises, incapable de travailler ; la mobilisation des conseils généraux, enfin : pour les travailleurs sociaux, pour les opérateurs de l'emploi, le fait de s'asseoir autour de la table, de mettre en route des comités de pilotage pour réexaminer le cas de toute une population a eu un effet favorable. Et le résultat est là : la proportion de ceux qui reprennent un travail est plus élevée que dans les autres zones. Car ce ne sont pas les hommes qui s'éloignent de l'emploi, c'est l'emploi qui s'éloigne d'eux.

Alors que le nombre croissant des allocataires menait les dispositifs existants à saturation, le fait de se rapprocher de l'emploi recentre vers les publics qui en sont le plus éloignés. A la demande des associations, nous en avons tenu compte, dans nos tableaux de bord, en y incluant, parmi les indicateurs phare, la mesure de l'effet du dispositif sur ceux dont le revenu est inférieur de 40 % au revenu médian.

Pourquoi, se demandent certains, n'avoir pas choisi d'augmenter les minima sociaux ? C'est une question dont nous avons longuement débattu avec les associations et les syndicats. Les résultats d'une étude menée par des universitaires indépendants du Centre d'étude sur l'emploi font bien comprendre pourquoi le système est resté en panne si longtemps : pour gagner au retour à l'emploi, un couple devait travailler plus de 50 heures par semaine, un célibataire plus de 20 heures. Si, partant de là, on augmente les minima, à aucun moment le retour à l'emploi n'est favorable : personne ne peut le désirer. Avec le RSA, il faut, au pire, 3 ou 4 heures pour que le retour à l'emploi vaille la peine. Dans la plupart des cas, on est gagnant dès la première heure : c'est renouer avec une dynamique des minima qui suit les salaires.

Inscrire à l'article premier de ce texte la garantie d'un revenu minimum qui augmente quand augmente la quantité de travail, c'est ôter un argument à ceux qui disent que l'on ne peut pas toucher aux minima. Au sein de la commission qui a travaillé à l'élaboration du dispositif, nous nous sommes posé la question en conscience : si l'on dispose d'1 milliard, de 2 milliards supplémentaires, faut-il augmenter le RMI ou mettre en place un RSA ? Tous les syndicats confondus et les associations comme ATD-Quart Monde ont opté pour le RSA. Dans les départements où a été conduite l'expérimentation, on observe non seulement un meilleur taux de retour à l'emploi mais une réduction des dépenses consacrées au RMI. De fait, quand un bénéficiaire passe à mi-temps, on n'a plus 447 euros mais 200 euros à débourser. C'est en poursuivant dans ce sens que nous reconstituerons nos marges de manoeuvre financières. Vous avez fait état de la difficulté qu'il y a à demander encore de l'argent pour l'assistance. Mais on rompt, ici, avec l'assistance puisque l'on joue en faveur de l'emploi, du revenu des personnes, des budgets sociaux.

Certains préfèrent le transfert de compétences à l'extension de compétences. Pour nous, la notion de transfert est plus protectrice pour les départements parce qu'elle autorise une clause de revoyure. Si l'on parle de transfert, pas de revoyure ! Croyez bien que le ministère des finances verrait du meilleur oeil un avis favorable de ma part aux amendements qui proposent cette substitution de termes.

Vous avez insisté sur la question des mesures d'accompagnement. Nous avons réservé une enveloppe de 150 millions supplémentaires pour les aides sur mesure -droit de garde, transport, etc. Cette enveloppe sera mise en place dès l'an prochain et dépensée avec les conseils généraux. Elle permettra de prolonger le « coup de pouce » dont parlait le président Arthuis ou de régler des problèmes que, comme président du conseil général de l'Yonne, M. de Raincourt connaît bien.

Le service public de l'emploi aura désormais vocation à accueillir tout le monde, y compris les attributaires du RSA, gratuitement : cela est inscrit pour la première fois dans la loi. On déplace ainsi le curseur, ce qui n'interdit bien évidemment pas aux conseils généraux de passer convention pour des services supplémentaires.

Privera-t-on les attributaires de leurs allocations en les radiant du service public de l'emploi, vous êtes-vous demandé. Mais quelle situation réservait-on auparavant aux Rmistes ? On les décourageait de s'inscrire, au point qu'un tiers seulement l'était. Et les entreprises considéraient que, s'ils n'étaient pas dignes d'être inscrits à l'Anpe, ils n'étaient pas dignes non plus de travailler pour elles. Tous les acteurs de l'insertion sont pour le maintien dans le droit commun.

Le service public de l'emploi pourra écrire au conseil général et lui demander non de jouer les gendarmes mais de faire son travail de cocontractant, comme il le fait aujourd'hui pour le RMI ; au conseil ensuite, avec son équipe pluridisciplinaire, de voir s'il y a un problème, par exemple de santé, et s'il faut suspendre. Nous ne touchons pas à cet équilibre, nous mettons un peu plus de devoirs dans la contractualisation.

Certains ont approuvé la philosophie du projet mais soutenu que le voter serait reconnaître que les revenus du travail ne sont plus suffisants pour vivre. Mais on le reconnaît déjà lorsque l'impôt des plus aisés finance des dispositifs d'accompagnement pour ceux qui ont moins ou beaucoup moins de revenus.

La PPE... Si on ne la diminue pas, c'est que personne ne veut qu'on la diminue, ni à droite ni à gauche. On m'a apostrophé douze fois en question d'actualité sur le sujet. J'ai écouté le Parlement : il ne veut pas qu'on y touche, je n'y touche pas. La PPE, c'est un soutien pérenne à ceux qui ont de faibles revenus. On complète déjà ceux d'une famille avec deux enfants qui gagne 2,5 fois le Smic, on complètera désormais ceux d'une famille avec deux enfants qui gagne le Smic. Il y a de la cohérence entre PPE et RSA.

J'ai bien entendu les inquiétudes des parlementaires de l'outre-mer. Si le dispositif n'y est pas d'application immédiate, c'est qu'y existent des dispositifs spécifiques qu'on ne peut bouleverser comme le ferait un chien dans un jeu de quilles. Il y aurait eu des perdants, ce qu'on ne peut pas se permettre. Nous avons fixé une date butoir, mais le Gouvernement est prêt à aller plus vite si des solutions sont trouvées avant. M. Jégo et moi-même recevrons les présidents de conseil général de l'outre-mer le 5 novembre ; et un parlementaire en mission, M. Victoria, a été nommé pour six mois. L'outre-mer ne sera pas oubliée. S'il demande le RSA, c'est sans doute qu'il représente un vrai progrès...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et le bouclier fiscal ? Si votre position pouvait évoluer...

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Il faut ramener ce dossier à de justes proportions. Avec le bouclier fiscal et le plafonnement des niches, on dégage 200 millions d'euros ; avec l'inclusion de la taxe de 1,1 % dans le bouclier, on en dégage 20 à 25 millions. Tout le monde voudrait, bien sûr, avoir les deux... Moi, je prends les 200 millions. Et puis, s'il n'y avait pas eu le débat sur le bouclier fiscal, jamais on ne serait parvenu à un plafonnement global des niches -global, ce qui rassurera l'outre-mer, soit dit en passant, l'effort ainsi sera mieux réparti. Je sais que les commissions des finances des deux chambres en discutent, je suis sûr qu'on va franchir un pas important. Je suis un pragmatique : il y a un progrès, je l'empoche. Et il reste à l'opposition tant de chevaux de bataille ! (On le confirme volontiers à gauche ; applaudissements au centre et à droite)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à 20 h 10.

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

La séance reprend à 22 h 15.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°283, présentée par Mme David et les membres du groupe CRC.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (n° 7, 2008-2009).

Mme Isabelle Pasquet.  - Monsieur le Haut-commissaire, ce texte ne mérite pas le traitement que le Gouvernement lui a réservé. Nous ne pouvons pas nous satisfaire qu'il soit, comme le précédent projet de loi sur le logement et le suivant sur les revenus du travail, examiné en urgence.

Son objectif est de réduire la pauvreté, que l'on qualifie, fort justement, de laborieuse. En 2007, 12,1 % de notre population vivait en dessous du seuil de pauvreté, soit 817 euros par mois. Depuis 2005, pour la première fois depuis trente ans, la pauvreté a progressé en France. Les riches se sont enrichis, les pauvres appauvris. A preuve, les Rmistes ont perdu 25 % de leur pouvoir d'achat et 30 % des SDF sont des salariés -situation qui ne s'améliorera guère avec le texte sur le logement qui vient d'être adopté. Il faut donc agir pour éradiquer la pauvreté. Mais celle-ci ne doit pas être envisagée sous son seul aspect monétaire. De fait, être pauvre aujourd'hui, c'est aussi renoncer à des soins médicaux, aux loisirs, à la culture et aux vacances. A cette occasion, je veux souligner le rôle fondamental que jouent les associations dans le maintien du lien social.

J'en reviens à la mesure de la pauvreté : notre groupe s'inquiète, à l'instar de Mme Davienne, responsable d'ATD-Quart Monde, que vous vouliez modifier le baromètre : la modification envisagée permettrait de diminuer de 22 % le nombre de personnes qui vivaient en dessous du seuil de pauvreté de 2000 à 2005. Est-ce ainsi que le Président Sarkozy entend atteindre son objectif de réduire la pauvreté d'un tiers en cinq ans ?

Pour notre part, nous sommes contre ce projet de loi, bien que nous adhérions à l'idée que le salarié tire une rémunération plus importante de son travail dès la première heure et que la reprise d'une activité ne doit pas correspondre à une diminution des ressources.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Si vous y adhérez, pourquoi affirmer que le texte est irrecevable ?

Mme Isabelle Pasquet.  - Mais le RSA est-il la réponse la plus adaptée ? Nous ne le croyons pas car en sont exclues les personnes les plus en difficulté, notamment les jeunes de 18 à 25 ans, à moins qu'ils n'aient un enfant à charge. Une récente enquête de l'Insee aurait pourtant dû alerter l'attention du Gouvernement, on y apprend que 17 % des jeunes adultes sont pauvres...

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - C'est vrai !

Mme Isabelle Pasquet.  - ...taux qui atteint 30 % chez les jeunes chômeurs et les inactifs. En 2000, 4 % des étudiants ont déposé une demande d'aide sociale d'urgence. Ce chiffre paraît bas mais c'est tout simplement que les pauvres deviennent rarement étudiants !

De plus, notre groupe émet des doutes sur le volet insertion de ce texte. De l'avis des associations, les personnes les plus éloignées de l'emploi -celles présentant des addictions ou les SDF- ne seront pas en mesure de satisfaire aux règles dont vous avez assorti le RSA -je pense notamment aux droits et devoirs des demandeurs d'emploi. C'est une des limites du dispositif que Mme Bernède, dans son ouvrage sur l'expérimentation du RSA dans l'Eure, a pointée. De fait, ces personnes doivent repasser par la case « formation professionnelle » -évidence totalement occultée dans ce projet de loi. En outre, le service public de l'emploi, lequel a subi une perte de moyens humains et matériels ainsi que la fusion forcée de l'ANPE et de l'Unedic, ne pourra faire face alors que le chômage progresse. Sans compter que les annonces ambitieuses ne sont pas suivies d'effet : vous économisez, par un tour de passe-passe entre la mission « travail et emploi » et celle « solidarité, insertion et égalité des chances », des crédits pour le RSA sur le dos des bénéficiaires de l'APL et des demandeurs d'emploi les plus pauvres.

Pour le Gouvernement, la question sociale est toujours un coût. « Il n'y aura pas un euro à l'inactivité », avez-vous déclaré, monsieur Hirsch. Ce discours culpabilisant ne tient plus en temps de crise... On parle déjà de 41 000 demandeurs d'emploi supplémentaires, auxquels viendront s'ajouter les Rmistes et les bénéficiaires de l'API. Dans un contexte de crise, pourra-t-on raisonnablement imposer la règle des deux offres ? Il faudrait donner au service public de l'emploi et aux CAF les moyens humains et matériels dont ils manquent aujourd'hui -en témoignent les retards pris dans le versement des prestations- pour qu'ils puissent remplir leur nouvelle mission.

Mais voilà, le Gouvernement a préféré donner 15 milliards aux plus riches...

M. Jean Desessard.  - Une somme rondelette tout de même !

Mme Isabelle Pasquet.  - ...et 10 milliards aux banques. Preuve, s'il en est, qu'il est capable de trouver des ressources quand il le juge nécessaire.

M. Jean Desessard.  - Trouver des ressources, on verra bien...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Ce n'est pas inconstitutionnel !

Mme Isabelle Pasquet.  - Mais, pour le RSA, il a opté pour une taxe de 1,1 % sur les revenus du patrimoine qui ne pèsera pas sur les plus riches...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Mais bien sûr que si !

M. Jean Desessard.  - Je demande à voir !

Mme Isabelle Pasquet.  - Quant à la taxation des niches fiscales, elle est dérisoire lorsqu'on sait que ces niches représentent 27 % de nos recettes fiscales. Les contribuables les plus fortunés peuvent dormir tranquilles ! Monsieur Hirsch, vous demandiez 3 milliards pour financer le RSA en mettant votre démission dans la balance. Aujourd'hui, il n'est plus question que de 1,5 milliard et votre budget affiche 555 millions.

De plus, généraliser le dispositif semble un peu hâtif : les expérimentations, que les départements ont menées selon leurs propres modalités, ont été interrompues, sans doute par décision du Président de la République. Mais surtout, avec ce texte, M. Sarkozy poursuit sa politique de casse de notre république sociale. Après avoir opposé malades et bien portants, salariés et demandeurs d'emploi, puis les locataires de HLM entre eux, vous opposez aujourd'hui bénéficiaires de minima sociaux et salariés. Pour le Président de la République, l'héritage du Conseil national de la Résistance fait obstacle à l'émergence de la « France d'après », seul le mérite personnel -celui d'accepter de travailler le dimanche, de se plier aux règles du marché- doit être récompensé par l'État ; les autres, après tout, leur pauvreté, ils l'auront méritée ! Ainsi, de l'égalité qui fonde notre République, il ne restera rien pour laisser toute place au règne de la concurrence libre et non faussée. (On s'impatiente au banc des commissions)

Les juristes citeront comme un lointain souvenir les alinéas 10 et 11 du Préambule de 1946 auxquels ce texte contrevient. Est-ce avec un RSA de 447 euros que « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement » et « garantit à tous [...] la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » ?

J'insiste sur la suite : « Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». 447 euros permettent-ils de vivre convenablement aujourd'hui ?

Je comprends les associations qui soutiennent le RSA. Elles dénoncent toutes les mêmes travers que nous mais ne peuvent renoncer à un complément financier qui, même modeste, est toujours utile dans la situation de dénuement que rencontrent bien des foyers. Mais nous devons dire que cela est insuffisant et que les conséquences seront lourdes. Pour le même résultat, il y a d'autres possibilités fidèles à notre Constitution et à une conception solidaire et fraternelle de notre République. (Applaudissements à gauche)

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Vous invoquez le Préambule de la Constitution de 1946. Que dit son cinquième alinéa ? « Chacun a le devoir de travailler et le droit d'obtenir un emploi. » Le RSA satisfera mieux ce principe en offrant à ses bénéficiaires un accompagnement vers l'emploi lorsqu'ils sont en mesure de travailler.

Le Préambule évoque les droits et les devoirs de chacun. Ce projet de loi participe de la même logique : droit à un accompagnement en contrepartie de quoi le bénéficiaire du RSA s'engage à respecter les engagements contractuels auxquels il a souscrit, dans le but de favoriser son insertion sociale et professionnelle.

Vous avez cité les dixième et onzième principes. Le RSA va au-delà de leurs objectifs en assurant à toute personne, en capacité de travailler ou non, un revenu convenable au regard de ses charges de famille.

Votre motion, si elle était acceptée, serait un mauvais signal en direction des personnes qui attendent la mise en oeuvre du RSA et qui en ont besoin pour améliorer leur situation professionnelle et leur quotidien. C'est pourquoi la commission lui a donné un avis défavorable.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Vous contestez l'existence de l'indicateur de pauvreté ? Nous l'avons élaboré en tenant compte des divers éléments qui caractérisent la situation des plus pauvres, y compris la santé et le logement. Ce tableau de bord constitue une arme incontestable pour définir des situations de pauvreté. Quand je présidais la fondation Abbé Pierre et que j'évoquais l'affluence dans les centres d'Emmaüs et les queues devant les Restos du coeur, on m'objectait toujours « les indicateurs sont bons » ; je m'étais promis de ne plus entendre cela et de fixer un indicateur objectif, élaboré avec les associations.

La pauvreté ne se mesure certes pas seulement à l'argent disponible mais qu'il y ait bien évidemment tout autre chose n'autorise pas à tenir pour négligeable la question monétaire et l'effet direct de 100 ou 200 euros supplémentaires.

Des enquêtes successives ont montré que 30 % des SDF parisiens ont un emploi. Une telle situation est proprement inacceptable, tout comme le fait que certains sont obligés de résider à 150 kilomètres de Paris faute de pouvoir se loger plus près. Avec le RSA, qui leur donnera 150 ou 200 euros de plus, le nombre de ces travailleurs pauvres devrait diminuer sensiblement d'ici un an alors qu'il a augmenté les années où l'on a augmenté le plus le Smic.

Sans grand souci de cohérence, vous dites dans une phrase que le RSA n'est pas bon et dans l'autre qu'il faudrait en faire bénéficier les jeunes. Avec les associations, nous nous sommes beaucoup interrogés sur ce qu'il convenait de faire pour les 18-25 ans, période privée de tout système d'aide alors que leur situation peut être très difficile et que certains ont des enfants à charge. Il n'y a pas eu consensus mais lançons déjà des expérimentations.

Les CAF ont besoin de moyens ? J'ai dit au conseil d'administration de la Caisse nationale que j'avais une enveloppe supplémentaire pour refinancer le redéploiement dans les CAF. Nous essayons de faire une réforme qui marche, pas une réforme qui paralyse ou qui bloque !

Il faut 2 ou 3 milliards pour le RSA. Nous en avons aujourd'hui 1,5. Ajoutons les 500 millions du Fonds de mobilisation des dépenses d'insertion et les 400 millions de la prime pour l'emploi, on n'est plus loin des 3 milliards. Ce qui importe, ce n'est pas une démission de ma part mais le sort des plus pauvres.

Le Préambule de 1946 ? Quand des personnes n'ont pas d'argent, j'estime qu'il est violé, comme quand les niches fiscales permettent à de très gros revenus d'échapper à l'impôt. Je m'inscris en faux contre un tri que l'on ferait entre pauvres méritants et non méritants. Nous avons à faire en sorte que les gens puissent de nouveau se tenir debout, qu'ils puissent vivre principalement de leur travail sans pour autant être lâchés par la solidarité nationale. Le juge de paix du RSA, ce sera un accroissement de la proportion de leur revenu qui leur viendra du travail. Que vienne ensuite un complément de solidarité, c'est normal, mais je refuse une logique du tout ou rien.

Il n'y a pas de vraie divergence entre nous. Nous aspirons tous à ce que chacun ait un emploi intéressant et bien rémunéré. Toute la question est d'assurer au mieux la transition ; c'est l'ambition de ce projet de loi.

Vous ne pouvez pas nier qu'il y ait eu des groupes de travail, plusieurs d'entre vous y ont participé au titre de leur conseil général. Je regrette donc l'injustice de votre jugement.

Si ce texte était rejeté, je ne me sens pas capable de dire aux 3,5 millions de personnes qui devaient toucher le RSA que l'espoir que nous avons fait naître s'est envolé.

Pour toutes ces raisons je vous demande de ne pas voter cette motion d'irrecevabilité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Guy Fischer.  - Vous avez reconnu, monsieur le Haut commissaire, qu'il y a eu ces trois dernières années 20 % de travailleurs pauvres en plus et vous avez évoqué les quinze propositions faites par la Conférence de la famille en 2005 pour lutter contre la pauvreté. Pourtant, vous n'en avez retenu qu'une seule alors que la lutte contre la pauvreté et l'exclusion ne se gagnera que de façon globale. Vous savez bien aussi que la Cnaf et les CAF sont sous la contrainte de la révision générale des politiques publiques et d'une convention d'objectifs et de moyens et qu'il leur a fallu supprimer 4 000 postes ces trois dernières années. Or, pour mettre correctement en oeuvre le RSA, il faudrait créer 2 000 emplois.

A la suspension de séance, vous avez dit, monsieur le Haut-commissaire, que l'augmentation des minima sociaux ne serait pas profitable à leurs bénéficiaires car ils seraient moins incités à reprendre une activité professionnelle. Vous avez partiellement raison, mais pourquoi ne parlez-vous pas du détricotage systématique du pacte social auquel nous assistons depuis dix-huit mois ? Le traitement social du chômage auquel procède le Gouvernement se traduit malheureusement le plus souvent par des temps partiels et des salaires très faibles. De plus, certains estiment que le Smic ne doit plus être la norme de référence et que le RSA devrait le remplacer. Une conférence gouvernementale se tiendra début novembre sur cette question. (M. le Haut-commissaire manifeste son étonnement) J'apporterai les preuves de ce que j'avance demain !

Cela fait bien longtemps que nous nous connaissons, monsieur le Haut-commissaire et, ensemble, avec l'Abbé Pierre, nous avions ouvert un des plus grands centres Emmaüs de France à Vénissieux. Pour notre part, nous estimons qu'une véritable politique sociale doit être mise en place et c'est pourquoi nous appelons à voter cette motion.

A la demande du groupe UMP, la motion n°283 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 328
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 138
Contre 190

Le Sénat n'a pas adopté.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°115, présentée par M. Krattinger et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (7, 2008-2009).

M. Yves Krattinger.  - Il convient d'interrompre le débat car ce texte recèle des dispositions financières beaucoup trop contestables.

La généralisation du RSA et la réforme des politiques d'insertion partent d'un constat que nous pourrions pourtant partager : la situation d'exclusion qui frappe plus de 7 millions de Français vivant avec moins de 650 euros par mois est extrêmement grave. Il nous revient donc de combattre la pauvreté, de renforcer les dispositifs de retour à l'emploi, de réviser les différents minima sociaux et d'en simplifier les dispositifs. Vingt ans après la création du RMI, une nouvelle étape est nécessaire. Nous proposions d'ailleurs un RSA dans notre programme en 2007.

Malheureusement, votre dispositif n'est pas satisfaisant. Les modalités de son financement, injustes, et d'ailleurs critiquées par votre propre majorité, et les très faibles compensations financières accordées aux départements, ne permettent pas d'engager sereinement ce débat alors qu'il nous faut remédier à cette urgence sociale. Le coût net du RSA a été ramené à 1,5 milliard, montant insuffisant que le Gouvernement peine cependant à trouver, puisqu'il ne dispose aujourd'hui d'aucune marge financière.

Vous avez d'abord tenté, sans succès, de remettre en cause la prime pour l'emploi. Ensuite, vous avez décidé de réduire de 70 à 62 % la part du revenu d'activité dans le calcul du revenu garanti, de créer une nouvelle taxe et de supprimer l'indexation de la prime pour l'emploi l'année prochaine. Le gel de l'indexation du barème de cette prime vous permettra de réaliser 400 millions d'économies, mais ce sera au détriment du pouvoir d'achat des 9 millions de salariés qui en bénéficient.

M. Guy Fischer.  - Et voilà !

M. Yves Krattinger.  - Cette décision est d'autant plus injuste que le Gouvernement a récemment décidé d'indexer automatiquement les seuils et les barèmes de l'ISF !

En outre, l'article 6 supprime la possibilité de paiement de la prime pour l'emploi par acomptes ou par versements mensuels, y compris à des personnes qui ne relèveront pas du RSA. Un tel dispositif a-t-il vraiment sa place dans ce projet de loi ?

J'en viens à la création d'une taxe additionnelle de 1,1 % sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, destinée à alimenter le Fonds national de solidarité active. A l'heure actuelle, 2,2 millions de nos concitoyens, souvent assez modestes, perçoivent des revenus locatifs et 78 % des 12 millions de titulaires d'un contrat d'assurance vie sont des ménages ouvriers ou employés.

Financer le RSA par la taxation de l'épargne populaire, souvent constituée en vue de compléter la pension de retraite, relève d'un choix difficilement compréhensible de la part du Président de la République qui s'était autoproclamé Président du pouvoir d'achat.

M. Guy Fischer.  - Mensonge !

M. Yves Krattinger.  - Il s'était engagé à faire baisser les prélèvements obligatoires de quatre points en cinq ans : où est la baisse ? Vous proposez d'aider les précaires mais en prélevant principalement les ménages modestes : comment accepter de prélever encore 1,5 milliard aux classes moyennes quand 15 milliards ont été offerts l'an passé avec le paquet fiscal ?

M. Jean Desessard.  - Énorme !

M. Guy Fischer.  - Incroyable !

M. Yves Krattinger.  - C'est d'autant plus injuste que les plus riches seront exemptés, via le bouclier fiscal : l'État remboursera 40 millions aux plus riches, en moyenne 84 700 euros, c'est quatre cents fois le montant du supplément mensuel procuré à un Rmiste par le RSA... Cette exemption des plus riches au financement de la solidarité nationale rompt avec les principes mêmes de notre société !

Devant les critiques, M. le ministre du budget a accepté le principe d'un plafonnement global des niches fiscales, mais pour un gain espéré de 250 millions, le sixième des besoins évalués. Ce plafonnement ressemble plutôt à une parade politique, pour faire taire la polémique.

Quelle sera la pérennité de la taxe sur les revenus du capital ? Dans son discours de Toulon, le Président de la République a affirmé qu'elle pourrait diminuer à mesure que le RSA ferait retrouver aux allocataires le chemin de l'emploi, l'Assemblée nationale a adopté un amendement dans ce sens. Si les allocataires retrouvent un emploi, très bien, mais dans le cas contraire, loin d'être improbable avec la crise, rien n'est envisagé ! Les conseils généraux devront payer à la place de l'État, mais avec quelles ressources ? Les dispositifs de solidarité décidés à l'échelle nationale devraient être intégralement financés par la solidarité nationale, tout en étant mis en oeuvre localement pour plus d'efficacité.

Côté compensations aux départements, les garanties sont bien maigres. En 2003, le législateur avait considéré le transfert du RMI aux départements comme un transfert de compétences : la garantie constitutionnelle de l'article 72-2 s'appliquait. Mais ici, le Gouvernement choisit le procédé de l'extension de compétences, les ressources en étant décidées chaque année dans la loi de financement. Rien n'est garanti, et l'on peut douter de la sincérité de l'engagement gouvernemental à plus long terme. Vous nous assurez que les dépenses iront à la baisse, mais rien de moins sûr, les craintes des conseils généraux sont d'autant plus légitimes que l'API est systématiquement sous-évaluée par le Gouvernement. L'an passé, 909 millions lui ont été réservés mais la dépense s'est établie à 1 090 millions : en deux ans, le budget a augmenté de 20 %. Monsieur le Haut-commissaire, les départements n'oublient pas que l'État leur doit toujours 2 milliards au titre du RMI, ils n'ont pas les moyens de dépenser davantage ! Vous estimez les dépenses à 644 millions à compter de 2010, mais vous prévoyez de rembourser 322 millions l'an prochain alors que le RSA sera ouvert dès juin, soit sept mois dans l'année. Dans le même temps, la loi de finances ne budgète l'API que jusqu'au 1er juin, date de généralisation du RSA : qui paiera ?

Les modalités de financement sont donc loin d'être satisfaisantes, il y a un risque avéré pour les départements, nous devons examiner les choses plus sérieusement, ou bien les départements en seront bientôt à réclamer un bouclier anti-transferts de charges ! Tout ceci pour un dispositif qui s'accommode, en ne prévoyant pas de tutorat ni de véritable accompagnement social, de ce qu'un nombre important de nos compatriotes n'accèdent durablement pas à l'emploi. Nous sommes contre ! (Applaudissements à gauche)

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Vous dites qu'il n'y a pas lieu de poursuivre l'examen de ce texte parce que le versement du RSA risquerait d'être entravé, j'en déduis, en m'en félicitant, que vous acceptez donc la généralisation de ce revenu ! Vous vous inquiétez de transferts de charges, mais l'Assemblée nationale a pris des garanties. Le FNSA garantit la transparence de la participation de l'État. Le débat, à l'article 3, que j'espère riche, devrait dissiper vos doutes : n'en privons pas le Sénat, ne repoussons pas nos échanges et ne faisons pas attendre les allocataires ! Avis défavorable.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Vous vous inquiétez pour la qualité du débat, mais il me semble que nous débattons en profondeur depuis quelques heures et rien ne nous empêche de continuer dans cette voie. Les critiques gagnent à l'exercice de rigueur...

M. Yves Krattinger.  - Les chiffres sont têtus !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Certes, et les faits aussi ! Nous finançons le RSA sur six mois parce que ce sera sa durée d'application l'an prochain. Vous critiquez le choix de 2003, le transfert plutôt que l'extension de compétences, à la suite duquel des départements se diraient grugés mais aujourd'hui, quand nous vous proposons une extension avec une clause de revoyure -parce que nous ne voulons pas vous « avoir »-, vous la refusez !

M. Yves Krattinger.  - Je parlais de la compensation intégrale !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Nous voulons aider les départements à passer au RSA en établissant des relations de confiance avec l'État.

Vous dites que ceux qui ont bénéficié du paquet fiscal ne financeront pas le RSA mais que seront taxés les gens moyens et modestes. S'ils paient la taxe tout en étant modestes, ils auront aussi bénéficié des heures supplémentaires et de l'exonération des intérêts d'emprunt. Il faut savoir où vous placez la barre des situations moyennes ! En fait, 60 % des financements seront apportés par les 10 % de ménages aux revenus les plus élevés, voilà les chiffres ! Vous vous inquiétez pour le pouvoir d'achat de la PPE mais nous n'allons changer les choses que pour la moitié supérieure des ménages concernés par la PPE.

Sur les 440 millions, 14 seront réaffectés au plus bas de l'échelle. Donc, c'est une redistribution entre personnes.

La pérennité du financement ? Elle est assurée puisque, au fur et à mesure, le système deviendra efficace et moins coûteux et, comme cela se passe dans plusieurs départements, en Haute-Corse par exemple, les conseils généraux sont satisfaits de pouvoir affecter les économies réalisées à d'autres dépenses. Les personnes en difficulté verront leur revenu augmenter régulièrement. Nous avons adopté un barème supérieur à celui retenu par certains conseils généraux -y compris de l'opposition- puisque nous pouvons garantir 62 % des revenus. Avis défavorable.

La motion n°115 n'est pas adoptée.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°89, présentée par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5 du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires sociales le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion (n° 7, 2008-2009).

Mme Raymonde Le Texier.  - Malgré les assurances de Mme Lagarde quant à la solidité financière et bancaire de notre pays, nous voyons venir la vague où seuls les plus forts surnageront. Cette crise systémique sans précédent aura des conséquences sur l'économie, donc sur l'emploi, le pouvoir d'achat et la vie quotidienne du plus grand nombre. Comment faire avaler une pilule de 360 milliards prescrite en quelques jours à peine pour sauver un système qui offrait à certains - fussent-ils incompétents- parachutes dorés et boucliers injustifiables ? Alors qu'il a fallu tant batailler pour obtenir du « Président du pouvoir d'achat » un malheureux milliard et demi -montant très inférieur à celui que vous aviez prévu- pour ce RSA.

Une fois de plus, nous sommes appelés à nous soucier du sort des pauvres au pas de course, en urgence, comme d'habitude. Or le sujet mérite qu'on l'étudie scrupuleusement, en prenant le temps nécessaire.

L'expérimentation ne date que de juillet 2007 alors que vous vous étiez engagés à la prolonger pendant trois ans dans 34 départements et d'en faire un bilan approfondi avant toute généralisation. A ce jour, certains départements n'ont mis en place le RSA que depuis mars dernier et, pour les autres, nous ne disposons que d'un bilan d'étape pour une expérimentation opérée auprès de seulement 15 000 ménages. Ce bilan d'étape porte le taux de retour à l'emploi des allocataires du RMI à 30 %, chiffre encourageant mais qui ne suffit pas à déclencher la généralisation du dispositif, de l'aveu même du président du comité d'évaluation, M. François Bourguignon, qui déclare dans une interview au Figaro du 9 septembre 2008 : « les premiers résultats obtenus sont encore imprécis et provisoires, et on a besoin de plus d'observations pour parvenir à une conclusion définitive ». Notre système de solidarité a tant souffert de la mise en place précipitée de dispositifs successifs, aussi politiquement flatteurs que concrètement inefficaces que, monsieur le Haut-commissaire, nous ne partageons pas aveuglément votre enthousiasme. D'autant que votre argument pour arrêter les expérimentations ne nous convainc que moyennement. Il n'est pas suffisant d'estimer que le RMI a montré ses limites depuis longtemps pour conclure à la viabilité d'un autre dispositif. Il ne suffit pas non plus qu'une réflexion autour des minima sociaux et de l'insertion soit en cours pour que ses fruits soient mûrs. Et il convient de prendre le temps de penser avant d'agir. Prenons même le temps de nous souvenir de ce que disait Jean-Louis Destans, président du conseil général de l'Eure, département de la première expérimentation du RSA : « A l'issue des trois ans, nous voulions regarder comment modifier le dispositif, l'amender ou même l'abandonner si les résultats n'étaient pas là. Annoncer dès maintenant la généralisation du RSA tue le côté expérimental. Qualitativement, nous ne sommes pas du tout dans la même approche. Il ne faudrait pas, par sa généralisation, que le RSA perde toute sa valeur d'impulsion pour les bénéficiaires. Ma vraie crainte est sur l'accompagnement. Je ne veux pas perdre sur le qualitatif, qui est la vraie valeur ajoutée de notre travail, en plus du complément de rémunération, bien entendu. Je pense qu'il vaut mieux mener à terme les expérimentations pour qu'elles réussissent. ». Au lieu de la sagesse du laborantin qui va au bout de ses expériences avant de tirer des conclusions, vous nous faites voter dans le flou général.

Flou artistique, avec effet de masque par un premier bilan chiffré qui ne prend pas en compte la notion de temps et qui soulève de sérieuses interrogations quant à la situation des personnes les plus éloignées de l'emploi. Se pose d'ailleurs le problème du contexte institutionnel dans lequel ce projet de loi est proposé, avec le démarrage du Pôle Emploi, avec tous les dysfonctionnements inhérents à la mise en place d'une nouvelle organisation du travail comme dans toute entreprise. Mme la rapporteure ne déclarait-elle pas en octobre 2008 que : « la réussite du RSA repose sur l'efficacité de l'accompagnement et sur la capacité du nouvel opérateur à soutenir des publics qu'il n'a pas eu l'occasion d'accueillir dans le passé » ? On peut aussi s'interroger sur le projet de loi de finances 2009 avec la baisse annoncée des crédits pour l'emploi.

Flou politique tant les intentions sont trahies par les faits. Le RSA s'inscrit bel et bien dans une politique de précarisation culpabilisatrice développée dans tous les derniers textes de lois -droits et devoirs des demandeurs d'emploi, rénovation de la démocratie sociale- alors que par ailleurs, on mène une politique qui creuse les inégalités. La réussite dépend pourtant de la mise en oeuvre d'une politique globale cohérente en faveur des plus démunis.

Flou total, enfin, quant au financement. Je citerai de nouveau Jean-Louis Destans : « il est nécessaire que la clé de répartition des financements entre les départements et l'État soit claire et satisfaisante. Bref, qu'on ne reproduise pas les travers de la décentralisation du RMI en 2004 ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.  - Ça, oui !

Mme Raymonde Le Texier.  - L'aide financière accordée aux CAF et à la MSA par le Fonds national de solidarité active, prévue dans ce texte, est une première qui rompt avec le système actuel dans lequel ces organismes effectuaient leurs missions gratuitement. Autant de raisons qui nous incitent à douter de la viabilité de votre bilan. S'il était moins flou, il serait plus convaincant. Le président du conseil général du département pionnier déclarait aussi : « Nous avons très vite intégré dans le RSA des personnes qui étaient relativement proches de l'emploi. Au bout de quelques mois, nous avons été confrontés aux personnes qui ont davantage de difficultés ». Encore un défaut de ce bilan qui ne tient pas compte du « noyau » le plus éloigné de l'emploi.

Les effets pervers de toute loi ne sont visibles qu'après une certaine période d'application. Nous comprenons votre empressement et ne le cautionnons pas. Trop de personnes sont concernées pour que nous légiférions dans l'urgence : il s'agit d'un mal profond qui nécessite un traitement d'envergure. Nous craignons que le RSA ne soit qu'un placebo. L'espoir sera très vite déçu, le vrai problème de la précarité ne sera pas résolu si nous ne respectons pas le temps nécessaire à la contractualisation territoriale et à la coordination des acteurs pour simplifier les parcours et permettre une insertion durable. Dans la mission d'information sur les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, conduite par Bernard Seillier, nous avons souligné, dans nos conclusions, « la complexité excessive de la gouvernance de la lutte contre les exclusions, qui devient illisible au niveau territorial et appelle à une nécessaire simplification ».

Le Conseil d'analyse économique s'est déclaré favorable à l'élargissement du RSA aux jeunes travailleurs. Dans le gouvernement Jospin, Martine Aubry a développé le programme Trace pour les jeunes sans qualification ou cumulant des difficultés psychosociales. Les résultats ont été concluants mais le gouvernement Raffarin a tout arrêté ! Près de 30 % des jeunes sont au chômage ; ce sont les premières victimes de la précarisation du marché du travail. Nous sommes favorables à une expérimentation pour ce public, à condition qu'elle soit menée à son terme et ne serve pas à des recrutements à bas coûts.

Les partenaires sociaux, consultés lors du Grenelle de l'insertion, n'ont pas été associés à l'élaboration de ce projet de loi. Or, si dans l'esprit, il reste fidèle aux conclusions du Grenelle, ses dispositions et mesures d'application s'en éloignent dangereusement. Ce texte ne tient pas compte des freins à la reprise du travail. « Nul n'est inemployable », c'est le septième principe de la loi que vous avez exposée devant les députés le 25 septembre.

Il faut tenir compte des spécificités de chacun face au travail et mettre en oeuvre des dispositions adaptées. Or dans sa mouture actuelle, le RSA ne garantit aucun accompagnement fiable.

Les travailleurs sociaux ont initié l'insertion par le travail dans les années 1970 et, en 1974, un an avant que la France ne compte un million de chômeurs, René Lenoir pouvait déjà parler des oubliés de la croissance. Les initiatives se sont alors multipliées en faveur de l'insertion par l'activité économique dont les communautés d'Emmaüs avaient depuis les années 1950 donné l'exemple.

Dans les années 1990, Claude Alphandéry notait que l'activité était un moyen éprouvé de lutter contre l'exclusion en donnant aux exclus le moyen de retrouver leur dignité par un travail autonome dans lequel ils mesurent leurs capacités. Les structures d'insertion par l'activité, ajoutait-il, évitent une destruction plus grave encore des facultés comme des conditions de vie. Elles jouent un rôle primordial dans l'acquisition de savoir-faire et de savoir-être.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme Raymonde Le Texier.  - La loi du 29 juillet 1998 leur consacre un volet spécifique. Elle a clarifié leur rôle et distingué celles qui oeuvrent dans le secteur marchand, celles qui ont une activité sociale et celles qui ont une activité mixte. En 2006, l'insertion par l'activité accueillait un million de personnes, dont 200 000 dans le secteur marchand.

Or, même si ces structures reconnaissent le RSA, il ne trouve pas grâce à leurs yeux : elles soulignent la nécessité d'un réel accompagnement et d'une bonne coordination avec les autres services d'insertion du département. On ne peut à cet égard que se réjouir de l'adoption de l'article 9 bis par l'Assemblée nationale. Nous nous interrogeons en revanche sur les contrats spécifiques de l'insertion par l'activité qui s'écartent de plus en plus du droit commun car ce caractère dérogatoire est antinomique du Grenelle de l'insertion. Comment embaucher les personnes et les jeunes en difficulté et leur faire découvrir des métiers ?

L'insertion par l'activité a démontré, et à moindre coût, toute sa pertinence. Claude Alphandéry invitait fort justement à évaluer aussi les coûts évités, qui varient de 1 400 à 30 000 euros par personne.

Ce projet pourrait développer une offre équilibrée d'insertion mais la réforme de l'insertion par l'activité, bien que nécessaire, sera déstabilisatrice si elle est menée dans la précipitation. C'est pourquoi nous demandons que le texte soit renvoyé en commission. (Applaudissements à gauche)

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Depuis plusieurs semaines, je me suis attelée avec détermination à l'étude du texte et j'ai auditionné de nombreuses organisations et associations ; ces auditions étaient ouvertes aux membres de la commission. J'ai également effectué un déplacement en Côte-d'Or, département qui a expérimenté le dispositif. Le texte nous est présenté en urgence au terme de la démarche très innovante choisie par M. Hirsch, du Grenelle de l'insertion. Tous les participants ont pu poser des questions, présenter des objections et répondre au Livre vert. Le projet reprend d'ailleurs bon nombre de ces propositions. Une expérimentation a évité bien des obstacles et votre commission a déposé des amendements. Le texte est perfectible mais une évaluation annuelle est prévue. Avis défavorable.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Ce texte ne cache aucune volonté culpabilisatrice : c'est moi, au contraire, qui suis victime d'une culpabilisation. Vous nous avez reproché une précipitation et le fait que les expérimentations ne soient pas achevées. Rarement texte social aura été accompagné d'une telle masse d'informations et d'évaluations. On peut toujours faire plus, mais il faut aussi passer à l'acte. Ce projet a trois objectifs : le premier est de simplifier, et personne ne conteste qu'il le fait. Le deuxième est de réduire la pauvreté et d'augmenter les ressources des plus pauvres. Le troisième est le retour à l'emploi. Quand bien même le dernier ne serait pas établi à 95 %, les deux premiers justifieraient déjà qu'on mobilise 1,5 milliard : il était bien temps de passer à la généralisation. J'ajoute que le dispositif n'est pas figé, que nous avons pris garde d'éviter que des critères juridiques ne le verrouillent. Au contraire, nous avons prévu des rendez-vous pour le faire évoluer.

Le manque de concertation ? Nous avons continué à négocier après le Grenelle de l'insertion. Le 9 juillet s'est tenue une conférence où chacun a pu s'exprimer. Le Conseil supérieur de l'emploi a donné un avis positif, de même que le conseil d'administration de la Cnaf qui s'est prononcé par 17 voix pour, quelques abstentions, et 3 contre. Les partenaires sociaux ont été consultés à toutes les étapes : le projet est resté sur la table. Enfin, je suis venu devant votre commission pour une audition épuisante tant vos questions étaient nombreuses et importantes.

Le Gouvernement n'est donc pas favorable au renvoi en commission.

M. Jean Desessard.  - Pourtant, nous posons les bonnes questions.

La motion n°89 n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°160, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 3 de loi n° 2008-758 du 1er août 2008 relative aux droits et aux devoirs des demandeurs d'emploi est abrogé.

Mme Isabelle Pasquet.  - Nous avions dit à l'époque notre opposition à la fusion ANPE-Unedic comme au texte sur les droits et devoirs des demandeurs d'emplois. On met la pression sur les agents du service public de l'emploi, que leurs supérieurs, agissant comme des managers, surveillent étroitement, allant jusqu'à contrôler leurs ordinateurs. Nous le savons, les chiffres du chômage vont augmenter et la désindustrialisation s'amplifier. Il n'y a pas besoin d'une loi pour mettre fin aux parachutes dorés ou aux rémunérations extravagantes de certains patrons ; alors que l'on parle de lutter contre les paradis fiscaux, d'autres proposent une amnistie fiscale.

M. Jean Desessard.  - Accoyer !

Mme Isabelle Pasquet.  - Mais il faut une loi parce que 2 % des chômeurs refusent des offres d'emplois.

Devant la crise financière, chacun doit prendre ses responsabilités. On parle d'une explosion du chômage et d'une augmentation de 41 000 du nombre de demandeurs d'emploi, pour ne rien dire des allocataires du RSA.

Sans moyens supplémentaires en personnel, en locaux, en matériel, ce projet restera sans effet. Votre loi de culpabilisation des demandeurs d'emploi n'était pas acceptable il y a quelques mois, ce projet ne l'est pas plus aujourd'hui.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Votre amendement remet en cause la logique de droits et de devoirs qui préside à ce texte. Défavorable.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Défavorable pour les mêmes raisons. Pour les allocataires dont le RSA est le seul revenu, la radiation du service public de l'emploi est sans effet sur le revenu. La seule conséquence réside dans la saisine du conseil général qui aura à examiner, comme il le fait aujourd'hui, si les conditions qui le lient à l'allocataire sont respectées. Les débats à l'Assemblée nationale ont donné des garanties aux allocataires. Nous ne les culpabilisons pas, nous améliorons leurs droits.

M. Jean Desessard.  - Vous dites bien qu'il est possible de revenir sur l'attribution du RSA.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Dans les mêmes conditions que pour le RMI.

M. Jean Desessard.  - Le conseil général peut être saisi et rendre une décision de suspension de l'allocation.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est normal.

M. Jean Desessard.  - Que restera-t-il à ceux que vous laisserez ainsi à la rue ? Croyez-vous que de n'avoir plus rien les aidera à trouver du boulot ? Ne savez-vous donc pas que l'on retrouve plus facilement un emploi avec des conditions de vie décentes ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Caricature !

M. Jean Desessard.  - Il y a des critères, dites-vous ? On peut en trouver des milliers. Mais sans doute êtes-vous parvenus à les ranger sous deux catégories. D'un côté, ceux qui s'appliquent aux banquiers...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ils travaillent.

M. Jean Desessard.  - Oui, ils travaillent à faire faillite, ce qui leur permet de toucher 3 ou 4 millions. De deux choses l'une, ou ils sont coupables de mauvaise gestion, ou ils sont malchanceux : je n'ai jamais vu que la malchance fasse toucher le gros lot... Ou bien encore ils n'ont rien fait. Et vous trouvez normal de récompenser des gens qui n'ont rien fait (protestations à droite), pourvu qu'ils soient banquiers, tandis que le quidam à qui l'on retire 450 euros, fût-ce par souci de préserver la morale, parce qu'il aurait refusé un emploi, mérite son malheur ? Selon que vous serez puissant ou misérable...

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Hors sujet !

M. Jean Desessard.  - Je dis, moi, que le revenu doit être garanti quelle que soit la situation.

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - Présentation honteuse !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - A supposer qu'un attributaire du RSA refuse le premier emploi qu'on lui propose, perd-il ou non ses droits ? S'il doit les perdre, l'amendement de notre collègue se justifie pleinement. Il est des emplois que l'on ne peut accepter parce qu'ils sont incompatibles avec ses conditions de vie.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Rien à voir !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Vous comprendrez que j'attends une réponse précise, monsieur le Haut-commissaire.

M. Jean Desessard.  - Commissaire Fouettard !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Il faut bien distinguer deux choses. Nous conservons les principes établis en 1988 pour le RMI, mais nous ouvrons l'accès du service public de l'emploi à ceux qui en étaient exclus. Concrètement, cela signifie qu'une personne sans revenus bénéficie d'une prestation financière, qu'elle est accueillie par une cellule d'orientation -à la marche de laquelle nous travaillons activement avec l'association des départements de France, la CAF..., que si cette personne se trouve dans l'incapacité de travailler, elle est suivie socialement, tandis que dans le cas contraire, elle est orientée, via le conseil général, vers le service public de l'emploi, où lui est appliqué le droit commun, conformément à la demande de tous les acteurs : elle peut bénéficier d'une formation, d'un accompagnement, qui s'inscrivent dans une logique commune de droits et de devoirs.

M. Jean Desessard.  - Lesquels ?

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Si elle ne remplit pas ces devoirs...

M. Jean Desessard.  - Lesquels ?

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - ...elle peut être radiée de la liste des demandeurs d'emploi, mais c'est une mesure administrative qui n'emporte aucune conséquence sur ses revenus. Le service public de l'emploi indiquera simplement au conseil général qu'il ne peut pas assurer ses engagements auprès de cette personne parce qu'elle-même ne les assure pas. Le conseil général engage alors une procédure qui n'a rien de nouveau, et que je n'ai jamais vu mettre en cause.

M. Jean Desessard.  - Ce n'est donc pas un revenu garanti. C'est un revenu conditionnel.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Parmi les demandes qui nous remontent, on ne trouve guère de plaintes contre des suspensions arbitraires. Je fais confiance aux conseils généraux pour mener une politique rigoureuse pour les finances publiques en même temps qu'humaine pour les allocataires.

L'amendement n°160 n'est pas adopté.

CHAPITRE PREMIER

Dispositions relatives à la mobilisation des acteurs

Article premier

I.  - Aux articles L. 441-12, L. 445-1 et L. 445-2 et L. 445-3 du code de la construction et de l'habitation ainsi qu'à l'article 1388 bis du code général des impôts, les mots : « convention globale de patrimoine » et « convention globale » sont remplacés par les mots : « convention d'utilité sociale ».

II. - L'article L. 445-1 du même code est ainsi modifié :

1° La première phrase est remplacée par la phrase suivante : « Avant le 31 décembre 2010, les organismes d'habitations à loyer modéré concluent avec l'État, sur la base de leur plan stratégique de patrimoine et en tenant compte des programmes locaux de l'habitat, une convention d'utilité sociale d'une durée de six ans renouvelable. » ;

2° Il est complété par cinq alinéas ainsi rédigés :

« La convention d'utilité sociale comporte des indicateurs permettant de mesurer si les objectifs fixés pour chaque aspect de la politique de l'organisme mentionné au présent article ont été atteints. Ces indicateurs sont définis par décret en Conseil d'État.

« Si un organisme d'habitations à loyer modéré n'a pas adressé un projet de convention d'utilité sociale au représentant de l'État du département de son siège avant le 30 juin 2010, le ministre chargé du logement peut lui retirer une ou plusieurs des compétences mentionnées aux articles L. 421-1 à L. 421-4, L. 422-2 et L. 422-3, pendant une durée qui ne peut excéder cinq ans. Le ministre chargé du logement peut en outre, pour la même durée, majorer la cotisation due par cet organisme en vertu des dispositions de l'article L. 452-4, dans une proportion qui ne peut excéder le quintuple du montant initialement dû.

« Si au cours de la période conventionnelle de six ans, il apparaît que l'organisme signataire a, de son fait, manqué à ses engagements, une pénalité financière peut être prononcée à son encontre par le ministre chargé du logement. Cette pénalité, proportionnée à l'écart constaté entre les objectifs définis par la convention et le degré de leur réalisation, ne peut excéder 100 € par logement sur lequel l'organisme détient un droit réel, augmenté du montant de l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties dont il a, le cas échéant, bénéficié pour une fraction de son patrimoine au cours du dernier exercice connu. La pénalité est recouvrée au bénéfice de la Caisse de garantie du logement locatif social, dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 452-5.

III.  - Le sixième alinéa de l'article L. 445-2 du même code est ainsi complété :

« Les dispositions du présent alinéa ne sont toutefois pas obligatoires pour les organismes qui procèdent à l'établissement de leur première convention d'utilité sociale. »

IV. - L'article L. 445-4 du même code est complété par l'alinéa suivant :

« La convention d'utilité sociale peut prévoir, à titre expérimental, pour sa durée un dispositif permettant de moduler les loyers en fonction des revenus des locataires nonobstant les plafonds de loyers fixés par la convention conclue en application de l'article L. 351-2. Ces loyers ne peuvent excéder une part des ressources de l'ensemble des personnes vivant au foyer. Le minimum et le maximum de cette part, ainsi que les conditions de détermination des ressources des personnes vivant au foyer sont déterminés par décret en Conseil d'État. Dans l'année qui suit la fin des expérimentations engagées, un rapport d'évaluation établi par le gouvernement sera remis au parlement. »

M. Guy Fischer.  - On entame les choses sérieuses. Cet article premier fixe les grands principes qui président aux politiques d'insertion, et dont découlent les dispositions fondant le RSA. La presse n'a cessé de nous entretenir du débat entre le Gouvernement et sa majorité sur la question du financement. Pendant plus de quinze jours, la seule question qui semblât valoir a été celle du bien-fondé de la taxe de 1,1 %, de sa pérennité, ou de la contreproposition Copé d'égratigner les niches fiscales. Le Figaro Magazine, lecture utile !, dresse la liste des vingt niches les plus confortables, et notamment de cinq que la loi de finances devrait regarder de près. Comptez sur moi pour vous en reparler.

Reste qu'a été par là occulté le vrai débat au fond. Personne n'a relevé le basculement qui s'opérait. C'est un changement de société qu'on nous prépare. Depuis l'élection de M. Sarkozy, toutes les institutions sont bouleversées et les garanties une à une supprimées. Votre Gouvernement a d'abord démoli le code du travail grâce à une recodification à la hache ; puis est venue la fusion entre l'ANPE et les Assedic, orientant les agents de la nouvelle institution vers une mission presque entièrement vouée au contrôle et à la sanction.

Puisqu'on suppose que les demandeurs d'emploi sont satisfaits de leur sort, on va les contraindre sous peine de sanction à accepter au moins une parmi deux offres dites raisonnables. Et on va étendre ce régime aux titulaires du RSA.

Toutes ces lois servent deux objectifs, imposer au bénéfice du patronat les règles de l'employabilité et en finir, comme le souhaite le Président de la République, avec la conception sociale de la République issue des travaux du Conseil national de la Résistance. Et c'est vous, monsieur le Haut-commissaire, qui avez présidé Emmaüs, qu'on a présenté comme un ministre d'ouverture et un homme de gauche dans un gouvernement de droite, qui allez porter une nouvelle attaque contre notre pacte social. La preuve en est la suppression de l'article L. 115-1 du code de l'action sociale, qui dispose que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental ou de la situation économique est dans l'incapacité de travailler a droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence »

M. Jean Desessard.  - Voilà !

M. Guy Fischer.  - C'est la reprise du onzième considérant du Préambule de la Constitution de 1946.

M. Jean Desessard.  - Exact !

M. Guy Fischer.  - Une commission est aujourd'hui chargée de réécrire ce Préambule ; nous craignons que le onzième considérant ne disparaisse à son tour. Voilà comment, dans le silence médiatique, on s'apprête à tourner la page de notre République sociale et à substituer le mérite à la solidarité.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Bernadette Dupont, au nom de la commission des affaires sociales.

Supprimer le I de cet article.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Ce paragraphe, ajouté par l'Assemblée nationale, est redondant avec l'article L. 262-1 du code de l'action sociale.

M. le président.  - Amendement n°162, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Dans la première phrase du I de cet article, remplacer le mot :

encourager

par le mot :

faciliter

Mme Isabelle Pasquet.  - Cet amendement n'est pas seulement rédactionnel. Selon la majorité présidentielle il y aurait pléthore de bénéficiaires de minima sociaux et de demandeurs d'emplois qui se complairaient dans l'oisiveté et se satisferaient de vivre de la solidarité nationale. Ils sont en réalité très peu nombreux. L'immense majorité d'entre eux ont-ils besoin d'être encouragés à reprendre une activité, ou bien faut-il trouver les moyens de faciliter leur retour à l'emploi ? Le RSA n'y suffira pas, parce que le complément monétaire qui y est attaché ne permettra pas d'augmenter le nombre de places disponibles en crèches ni d'améliorer l'offre de transports en commun ; ceux-ci sont d'ailleurs parfois si délabrés qu'ils participent à la ghettoïsation des quartiers périphériques et à l'exclusion de leurs habitants.

Cet amendement ne dit qu'une chose : cessons de stigmatiser les demandeurs d'emplois comme les bénéficiaires de minima sociaux.

M. le président.  - Amendement n°163, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Après le mot :

isolé

supprimer la fin de la deuxième phrase du I de cet article.

Mme Isabelle Pasquet.  - On présente le RSA comme un mécanisme favorisant la reprise d'activité ; mais la conséquence de sa création est la suppression des dispositifs existants d'intéressement à ladite reprise. Il est clair que le Gouvernement entend aller vers une allocation unique et pour cela faire table rase du passé. Mais se trouve supprimé dans l'opération un mécanisme utile pour celles des femmes qui subissent un temps partiel subi : l'aide à la reprise d'activité des femmes (Araf), en fait une aide à la garde d'enfant dont le montant varie de 350 à 460 euros. Cette allocation avait l'avantage de ne pas entrer dans une logique de culpabilisation et d'aborder la question de la reprise d'activité des femmes d'une manière concrète. D'où notre amendement.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Avis défavorable à ces deux amendements.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Le paragraphe I a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale à l'initiative de présidents de conseil général de toutes tendances. Il donne de la cohérence aux objectifs et aux orientations du texte. J'en souhaite le maintien, qui rassurera allocataires et travailleurs sociaux.

Avis défavorable aux amendements n°s162 et 163. Un mot à M. Fischer : tous les promoteurs du RMI, M. Rocard, Premier ministre de l'époque, M. Évin, ministre de la santé et M. Stoléru, secrétaire d'État à l'insertion soutiennent le RSA ; je ne crois pas qu'ils renient ce faisant leurs convictions. (Marques d'approbation à droite)

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Je retire amendement n°1.

L'amendement n°1 est retiré.

M. Guy Fischer.  - Je reviens un instant sur l'amendement n°160. M. Hirsch a tout à l'heure soutenu que le RSA n'emportait pas pour ses bénéficiaires les mêmes conséquences que le texte imposant des obligations aux demandeurs d'emploi. Mais on verra à l'article 2 que l'article L. 5421-3 s'appliquera bien à eux, qui dispose que « la condition de recherche d'emploi requise pour bénéficier d'un revenu de remplacement est satisfaite dès lors que les intéressés sont inscrits comme demandeurs d'emploi et accomplissent, à leur initiative ou sur proposition de l'un des organismes mentionnés à l'article L. 5311-2, des actes positifs et répétés en vue de retrouver un emploi, de créer ou de reprendre une entreprise. » Que sont d'ailleurs ces « actes positifs et répétés » ? Comment en apporter la preuve ? La voie de l'arbitraire et des radiations massives est ouverte !

M. Jean Desessard.  - Je soutiens l'amendement n°162. Le verbe « encourager » a un petit côté paternaliste (mouvements divers à droite) ; les pauvres, ils sont fragiles et incapables, il faut s'en occuper... Il y a en réalité un combat de classes (Mme Bernadette Dupont, rapporteur, s'exclame) ! Il est normal à vos yeux que les banquiers gagnent ce qu'ils gagnent ! (Protestations à droite) Qu'avez-vous fait pour empêcher cette gabegie ? (Mêmes mouvements) Bon, je ne parlerai plus des banquiers, je vois que ça vous énerve !

A entendre M. Hirsch, on pourrait croire que ce n'est pas la politique qui crée des pauvres ! On veut nous faire croire que plus il y a de riches, moins il y a de pauvres ! Mais les riches ne deviennent riches que s'ils ont des pauvres à exploiter ! Toute la politique du Gouvernement, c'est d'abaisser le coût du travail pour être compétitif avec les pays émergents ; où va-t-on s'arrêter ? Vous avez défendu avec passion, monsieur le Haut-commissaire, une bonne mesure ; que deviendra-t-elle si elle est mise entre de mauvaises mains ?

Trois heures de travaux de peinture ou six heures pour cueillir des pommes ? On poussera les bénéficiaires du RSA à accepter tout et n'importe quoi -« il faut rester compétitif sinon les produits viendront de l'étranger ! », vous dira-t-on-, sans quoi ils seront radiés des listes... (M. Robert del Picchia s'exclame) Avec ce texte, nous ne sommes pas dans une logique de solidarité mais de travail moins cher au nom de la compétitivité !

L'amendement n°162 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°163.

M. le président.  - Amendement n°164, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Supprimer le 1° du II de cet article.

Mme Isabelle Pasquet.  - Est très symbolique la suppression de l'article L. 115-1 du code de l'action sociale et des familles, lequel reprend le onzième alinéa du Préambule de 1946 -« toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l'économie et de l'emploi, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence »- avant d'énoncer l'existence du RMI. D'autant que la commission propose de supprimer le premier alinéa de cet article premier qui faisait figure de lot de consolation pour ceux qui se désolaient de cette disparition. Jusqu'où irez-vous ? En chemin, les tenants du chacun pour soi pourraient tout aussi bien supprimer la référence à une République sociale et toute idée de solidarité nationale.

M. Jean Desessard.  - Bravo !

Mme Isabelle Pasquet.  - Je crains fort, d'ailleurs, que ce ne soit l'objet des travaux confiés à la commission présidée par Mme Veil. Bien que nous ne nourrissions pas l'espoir que cet amendement aboutisse...

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis.  - C'est faire preuve de réalisme !

Mme Isabelle Pasquet.  - ...nous devions montrer notre opposition à la disparition programmée des droits fondamentaux, issus du Conseil national de la Résistance.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - Avis défavorable : l'article premier va plus loin, dans sa définition de la politique d'insertion, que l'article L. 115-1, qui n'est plus très adapté dans la mesure où la nouvelle rédaction ne vise pas que les seules personnes en incapacité de travailler.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Même avis. Le nouvel article est plus protecteur : il vise les personnes en incapacité de travailler et celles capables de travailler et assure, outre un revenu minimum d'existence, un revenu complémentaire, le RSA, lors de la reprise d'une activité.

Mme Raymonde Le Texier.  - Je veux attirer l'attention de M. le Haut-commissaire et de la majorité. Vous voulez supprimer un article très fort, aux termes duquel « toute personne qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation de l'économie et de l'emploi » -j'y insiste- « se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Le faire disparaître, c'est modifier toute la philosophie du texte. Est-ce à dire que les bénéficiaires du RSA devront accepter n'importe quel emploi, notamment les emplois éternellement non pourvus ? Monsieur Hirsch, vous avez cherché à combler le vide laissé après le passage du texte à l'Assemblée nationale, je n'ai rien contre. Mais que signifie au juste cette suppression ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Passons !

Mme Raymonde Le Texier.  - Pour nous, c'est important, en dépit de l'heure tardive !

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - La proposition qui avait été retenue à l'unanimité était que le chapitre 5 du code, consacré à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, s'ouvrît sur l'énoncé de grands principes extrêmement forts et symboliques. C'est la raison pour laquelle l'article 2, relatif au revenu minimum, est élargi aux personnes qui sont également capables de travailler. Cet élargissement est cohérent avec la création du RSA, qui s'ajoute au RMI créé il y a vingt ans. Il ne faut donc pas voir malice dans cette suppression, nous ne faisons pas la chasse aux symboles...

L'amendement n°164 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°161, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC.

Compléter le troisième alinéa du texte proposé par le 3° du II de cet article pour l'article L. 115-2 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :

Les employeurs apportent leur concours à la réalisation de cet objectif.

M. Guy Fischer.  - Ce projet de loi, lors de son examen à l'Assemblée nationale, a été amélioré par de nombreux amendements de nos collègues de gauche, ce qui ne le rend pas pour autant acceptable, à nos yeux. Reste qu'une proposition de notre ancien collègue, M. Muzeau, à laquelle nous tenons particulièrement, a été repoussée. Pour que le RSA débouche sur un emploi durable et à temps plein, le concours des employeurs est indispensable, on ne peut pas faire reposer tout l'effort sur le service public de l'emploi et le bénéficiaire du RSA. Or, la responsabilité sociale des entreprises n'est nulle part mentionnée. Je dénonce d'ailleurs le silence assourdissant du Medef sur cette question...

M. Jean Desessard.  - Les patrons, ils se contentent de rédiger des chartes éthiques !

M. Guy Fischer.  - Si l'on ne répare pas cet oubli dans le texte, le RSA se résumera à une politique de subvention des bas salaires et de l'emploi précaire comme le sont devenues les quelque quarante mesures d'exonérations fiscales et sociales -32 milliards d'euros- dont le but était, à l'origine, d'encourager l'embauche des personnes peu qualifiées. Le RSA correspondra, encore une fois, à un mécanisme de transfert des entreprises vers l'État et les collectivités locales, c'est-à-dire, in fine, les contribuables. Ce sont les Français modestes et les classes moyennes, par le truchement de l'impôt sur le revenu, qui financeront la dette creusée par les exonérations aux entreprises tandis que les plus riches seront protégés par le bouclier fiscal. Démonstration est faite que ce sont toujours les mêmes qui sont mis à contribution !

Mme Bernadette Dupont, rapporteur.  - La commission était favorable à cet amendement à condition qu'il soit rectifié. Nous avions proposé que la mention soit portée au cinquième alinéa du 3° du II. En l'état, défavorable.

M. Guy Fischer.  - Je maintiens l'amendement dans sa rédaction.

M. Martin Hirsch, Haut-commissaire.  - Je suis embarrassé... Le Gouvernement était favorable à l'amendement pourvu qu'il ait été rectifié. Ce serait dommage qu'il soit repoussé pour une question d'alinéa : placer les employeurs un alinéa en dessous, soit un étage en dessous, cela devrait pourtant vous plaire !

M. le président.  - On ne va pas faire du travail de commission à minuit et demi ! L'amendement est rectifié, oui ou non ?

M. Guy Fischer.  - Dans ce cas, oui.

M. le président.  - Vous en transmettrez le texte par écrit et on verra cela demain matin à 9 h 30.

Prochaine séance, aujourd'hui, jeudi 23 octobre 2008 à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 23 octobre 2008

Séance publique

A 9 HEURES 30, A 15 HEURES ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi (n° 7, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d'insertion.

Rapport (n° 25, 2008-2009) de Mme Bernadette Dupont, fait au nom de la commission des affaires sociales.

Avis (n° 32, 2008-2009) de M. Éric Doligé, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- Mmes Alima Boumediene-Thiery, Marie-Christine Blandin, Dominique Voynet, MM. Jacques Muller et Jean Desessard une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les carences du dispositif français d'évaluation des risques suicidaires en prison ;

- Mme Isabelle Debré un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur des revenus du travail (n° 502, 2007-2008) ;

- M. Patrice Gélard un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur la proposition de résolution, présentée par M. Gérard Larcher, tendant à modifier l'article 3 du Règlement du Sénat afin de renforcer le pluralisme dans l'organe dirigeant du Sénat (n° 3, 2008-2009) ;

- MM. Jean-Claude Carle, René Beaumont, Michel Bécot, Laurent Béteille, Joël Billard, Jacques Blanc, Paul Blanc, Dominique Braye, Marcel-Pierre Cléach, Christian Cointat et Philippe Dallier, Mme Isabelle Debré, MM. Robert del Picchia, Michel Doublet, André Dulait, Jean-Paul Emorine, André Ferrand et René Garrec, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Alain Gournac, Adrien Gouteyron, Francis Grignon, Michel Guerry, Hubert Haenel, Michel Houel, Jean-François Humbert, André Lardeux, Jean-René Lecerf et Gérard Longuet, Mme Lucienne Malovry, M. Pierre Martin, Mmes Colette Mélot et Monique Papon, MM. Hugues Portelli, Roger Romani et Bernard Saugey et Mme Esther Sittler une proposition de loi relative à la communication des collectivités territoriales ;

- M. Jean Louis Masson une proposition de loi tendant à aligner les cotisations salariales des sportifs professionnels sur le droit commun ;

- M. Serge Dassault un avis présenté au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, en faveur des revenus du travail (n° 502, 2007-2008) ;

- M. David Assouline un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles sur l'impact des nouveaux médias sur la jeunesse ;

- MM. Bruno Sido, Gérard Bailly, François Fortassin, Mme Jacqueline Panis et M. Paul Raoult un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques à la suite d'une mission effectuée en Croatie du 15 au 19 juillet 2008 ;

- Mme Monique Papon et M. Pierre Martin un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles par le groupe de travail sur la scolarisation des jeunes enfants ;

- M. Daniel Soulage un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de MM. Yvon Collin et Jean-Michel Baylet tendant à généraliser l'assurance récolte obligatoire (n° 214, 2007-2008).