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Table des matières



Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

Action extérieure de l'Etat

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Administration générale et territoriale de l'Etat

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Relations avec les collectivités territoriales et Compte spécial « Avances aux collectivités territoriales »

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Médias

Rappel au Règlement

Orateurs inscrits

Examen des crédits

Culture

Orateurs inscrits

Examen des crédits




SÉANCE

du vendredi 5 décembre 2008

36e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Philippe Nachbar.

La séance est ouverte à 9 h 45.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Loi de finances pour 2009 (Deuxième partie - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Action extérieure de l'Etat

Orateurs inscrits

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Le budget du Quai d'Orsay fait chaque année l'objet de commentaires nourris sur le mode de la déploration, qui dénoncent les baisses de crédits récurrentes.

Pourtant, nos diplomates continuent d'accomplir un travail remarquable. L'année 2008 est ainsi marquée par la réussite de la présidence française de l'Union européenne, qui est bien sûr celle du Président de la République et du Gouvernement, mais qui est aussi le fruit d'une mobilisation exceptionnelle de nos diplomates. Qu'ils en soient remerciés. Les agents du Quai d'Orsay ont également fait la preuve de leur capacité à faire face aux multiples crises qui secouent le monde. Hommage soit rendu à ceux et celles qui ont su venir au secours de nos ressortissants étrangers, tout récemment en Inde et en Thaïlande, ou dénouer les prises d'otage, en Afghanistan ou au Tchad, avec un dévouement et une disponibilité qui forcent l'admiration.

Quels moyens le Gouvernement se propose-t-il de donner à notre diplomatie ? Le budget triennal, qui donne une visibilité jusqu'en 2011, permet de discerner les ajustements à l'oeuvre au Quai d'Orsay. La stabilité apparente des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », de l'ordre de 2,5 milliards, masque des tensions difficilement soutenables à moyen terme. Au sein du plafond de dépenses, le rebasage, tout d'abord, des contributions internationales prend une part importante ; le transfert, ensuite, du paiement des cotisations de pensions des personnels détachés à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), insuffisamment compensé, pourrait nuire à la qualité des établissements ; la montée en puissance progressive, enfin, de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français à l'étranger a de quoi préoccuper.

Or, dans le budget du Quai d'Orsay, chaque euro compte. Tout euro supplémentaire sur un poste de dépense a sa contrepartie ailleurs. Les variables d'ajustement du budget triennal se révèlent ainsi être la coopération militaire et de défense, en diminution constante, alors qu'elle pourrait prendre le relais de la réduction de notre présence militaire en Afrique ; l'action culturelle à l'étranger, qui devrait diminuer de 25 % sur trois ans ; les dépenses d'action sociale pour les Français établis hors de France, enfin, avec la baisse de la subvention à la caisse des Français de l'étranger, qui annonce sans doute des difficultés à venir.

Le Quai d'Orsay, quelles que soient les réformes en cours, est pris dans un étau budgétaire. Même les emplois économisés au titre de la révision générale des politiques publiques, que le ministère des affaires étrangères s'est efforcé de chiffrer, ce qui n'est pas si courant, compris dans une fourchette de 320 à 490 emplois sur trois ans, restent très en deçà des 700 emplois qui doivent être supprimés sur la période.

Toutes les initiatives qui pourraient desserrer l'étau sont donc bienvenues. N'est-il pas possible, ainsi, de défendre notre attachement au multilatéralisme et de promouvoir la place de notre pays dans les enceintes internationales, tout en veillant à un calibrage plus précis et à une meilleure gestion de nos dotations. La masse salariale représente les deux tiers du budget des organisations internationales, avec des mécanismes d'indexation dont les fonctions publiques nationales ne bénéficient plus depuis de nombreuses années.

Le Quai d'Orsay, conscient que le financement des contributions internationales peut se faire au détriment de son budget, a engagé un effort de rationalisation. C'est ainsi que, n'ayant pas jugé acceptable le souhait du secrétariat général de l'ONU de voir augmenter le budget des Nations Unies de 50 % en 2009, il a engagé une concertation avec les autres grands contributeurs. Je soutiens cette démarche, comme je me félicite que la France ait engagé, avec plusieurs de ses partenaires et à son initiative, un travail visant à modérer les augmentations de rémunération constatées en 2008 à l'Otan, au Conseil de l'Europe, à l'OCDE et à l'UEO.

Ce travail patient pourra utilement s'appuyer sur les travaux que mène la Cour des comptes dans certaines organisations internationales en tant que commissaire aux comptes. Je pense à son récent rapport sur le bureau de prospective de l'Unesco qui met en évidence « de mauvaises habitudes de travail », « le fonctionnement aléatoire de la hiérarchie » et « l''inefficacité du contrôle interne ».

Un mot des opérations de maintien de la paix. Dans ce domaine, c'est la diplomatie qui prime. Reste que l'on aimerait être sûr, par exemple, que la réponse à la situation actuelle en République démocratique du Congo passe réellement par un renforcement de l'opération en cours plutôt que par un redéploiement des moyens déjà engagés par l'ONU.

Sur la prise en charge des frais de scolarité, je souscris pleinement à l'esprit de la mesure décidée par le Président de la République. Les 18 millions qui lui ont été jusqu'à présent consacrés, principalement pour la terminale, peuvent apparaître limités, même s'ils s'accompagnent d'une augmentation sensible des bourses au-delà des enveloppes fixées en loi de finances initiale. Encore ont-ils dû être financés par redéploiements. Mais si la mesure venait à être étendue au-delà du lycée, serait-elle soutenable ? Selon les estimations de votre ministère, l'effort réalisé en faveur de la scolarité à l'étranger pourrait représenter, à maturité de la mesure, jusqu'à 40 % du budget du Quai d'Orsay. Nous allons au mur ! Faudra-t-il renoncer à notre diplomatie pour financer cet effort ? J'appelle à un moratoire en deçà de la seconde afin de réfléchir sereinement aux modalités de financement d'une éventuelle extension.

L'autre question est celle de l'égalité, à laquelle je suis très attaché, entre Français de l'hexagone et Français de l'étranger. Les parents d'élèves de Haute-Loire, par exemple, peuvent légitimement se demander pourquoi le contribuable français doit payer en intégralité les frais de scolarité des enfants de l'Institut Valmont de Lausanne -11 000 euros par an- sans condition aucune, bien au-delà de ce que l'éducation nationale paye pour ses propres enfants. Il s'agit certes là de quelques cas très isolés, comme l'est aussi celui des familles très à l'aise qui profitent d'une mesure qui ne leur est pas destinée...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Raison de plus pour poser quelques limites raisonnables afin de rendre la mesure du Président de la République incontestable, parce que juste, et propice à l'égalité de tous nos compatriotes face à l'éducation, en France ou à l'étranger. Évitons les fractures au sein de la communauté française.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Face à des lycées qu'il faut bien qualifier de privés et qui, simplement homologués, jouissent d'une complète liberté tarifaire, gardons la même approche que pour les écoles privées en France : au-delà d'une certaine limite, nous laissons un reste à payer aux familles.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Bien sûr !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - M. del Picchia ne disait pas autre chose l'an passé quand il estimait nécessaire de fixer un plafond, dont le niveau pourrait être débattu au sein du conseil d'administration de l'AEFE. Après le Livre blanc sur l'action extérieure de l'État et les états généraux de l'enseignement français à l'étranger, le compromis doit être possible.

J'en viens, enfin et surtout, à la révision générale des politiques publiques. Je veux que l'on cesse de passer nos ambassades à la toise. Je souhaite que cesse l'érosion budgétaire du ministère des affaires étrangères. (Mme Nathalie Goulet apprécie) Voilà pourquoi il nous faut un Quai d'Orsay réformé. Les mesures qu'il a annoncées sont de bon sens, comme le principe de modularité des ambassades, contrepartie évidente du maintien d'un réseau universel, que je soutiens pleinement. J'ai plus de réticences sur la réforme de l'action culturelle à l'étranger, qui passe moins, à mon sens, par la constitution de nouvelles structures que par une implication croissante du ministère de la culture, des méthodes de travail nouvelles et une redéfinition du métier de conseiller culturel, idée partagée par M. Faivre d'Arcier dans une récente interview donnée à Connaissance des arts. L'idée, enfin, d'une foncière portant la propriété des biens de l'État à l'étranger est bonne. On voit tout l'intérêt des cessions immobilières réalisées à Paris, qui ont permis d'offrir aux agents du ministère, rue de la Convention, de nouveaux lieux de travail dignes et confortables.

La réussite de la RGPP réside dans la méthode de conduite du changement. Or on hésite parfois entre opacité et transparence. Je crois qu'une meilleure association des agents, et notamment des cadres supérieurs, en amont des décisions prises, aurait été utile. Je crois que la mise en oeuvre des décisions doit reposer sur des objectifs clairs et chiffrés, sur un calendrier détaillé, sur un modèle directif. Ce sont les ambassadeurs, en serviteurs loyaux de la République, qui seront les chevilles ouvrières de la RGPP : il faut les mobiliser pleinement, mais aussi les accompagner.

Cette tâche relève plutôt de la direction générale de la modernisation de l'État, à Bercy, qui doit être davantage associée au ministère des affaires étrangères.

Enfin, pas de réforme sans contrepartie : il faut adapter les indemnités de résidence à la difficulté des postes occupés et offrir une seconde carrière aux diplomates ; nous savons que vous y êtes, monsieur le ministre, légitimement attaché.

Sous le bénéfice des amendements que je vous présenterai, la commission des finances propose d'adopter ces crédits. (Applaudissements à droite)

M. André Trillard, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Avec 2,52 milliards, ce budget représente 1,37 % des dépenses de l'État. Il progresse de 7 %, mais de 2 % seulement à périmètre constant puisqu'il intègre cette année les pensions des enseignants à l'étranger. Ses actions sont limitées par le poids croissant des contributions obligatoires aux organisations internationales, notamment celles consacrées au financement des opérations de maintien de la paix de l'ONU, dont le financement est passé de 170 millions en 2000 à 370 millions l'an prochain. Leur évaluation financière est désormais plus réaliste en loi de finances initiale, en vertu du contrat de modernisation conclu entre les ministères des affaires étrangères et des finances ; 40 millions sont prévus pour rattraper les dépenses engagées mais non prévues les années antérieures, sachant qu'il restait fin 2006 115 millions à financer.

Nous appelons à une meilleure cohérence entre nos engagements internationaux et leurs modalités de financement car le problème est récurrent. On comprend les difficultés d'évaluer a priori le coût des opérations extérieures, pas celles de leur financement une fois qu'elles ont été décidées au plus haut niveau de l'État.

La mission « Action extérieure de l'État » dispose d'un plafond de 13 077 équivalents temps plein travaillés, soit 149 de moins qu'en 2008.

La programmation triennale des finances publiques se traduira par une réduction de 700 emplois d'ici à la fin 2011. Après avoir touché, ces dernières années, des emplois en CDD et des postes de volontaires internationaux, la baisse touchera des titulaires, c'est-à-dire « l'ossature » des services. Il faut réaliser rapidement les redéploiements de personnels liés à la modularité des ambassades inspirée par le Livre blanc sur la diplomatie ; la réduction de postes prévue d'ici 2011 est moindre que celle qui appliquerait la règle du non-remplacement d'un départ sur deux à la retraite, mais elle atteint cependant un niveau au-dessous duquel il conviendra de ne pas descendre, à moins de modifier substantiellement les missions confiées au ministère des affaires étrangères et européennes.

Notre réseau diplomatique, avec 160 ambassades et 21 délégations permanentes, est le deuxième au monde après celui des États-Unis. Une trentaine de nos postes diplomatiques assurera, avec un personnel réduit à un ambassadeur entouré de quelques collaborateurs, une mission « de présence et de veille ». Une centaine recevra des « missions prioritaires », avec un personnel plus étoffé, et une trentaine, située chez nos principaux partenaires, sera polyvalente. Les postes affectés à ces ambassades de plein exercice seront restructurés et réduits, ce qui me semble tout à fait opportun. Ce maintien général de notre présence à l'étranger est une bonne chose, nous évitons de créer des « déserts diplomatiques ».

Cette nouvelle organisation offrira à de jeunes cadres des responsabilités inédites lorsqu'ils dirigeront des postes de présence et de veille, ce qui dynamisera des carrières parfois un peu stagnantes du fait d'une pyramide des âges peu équilibrée. Monsieur le ministre, quel est le calendrier prévisionnel de cette réforme ?

Le programme « Français à l'étranger et affaires consulaires » doit être maintenu, il rend plus visibles les actions en faveur de nos compatriotes expatriés ainsi que nos actions consulaires.

Le périmètre de ce programme évolue, avec la création d'un centre de crise et le transfert des crédits de fonctionnement et d'investissement correspondant à l'instruction des demandes de visas, au ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Conformément aux engagements du Président de la République, la prise en charge des frais de scolarité des élèves français fréquentant le réseau de l'AEFE s'étendra aux classes de seconde : 19 millions sont prévus à cette fin. Cet effort financier était attendu depuis de longues années par les Français de l'étranger. Cependant, son attribution, sans tenir compte du niveau des frais de scolarité ni des revenus des familles, ne saurait nous satisfaire : la commission des affaires étrangères déposera un amendement, qu'elle a adopté à l'unanimité.

Sous le bénéfice de ces remarques et de cet amendement, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l'adoption de ce budget. (Applaudissements à droite)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Le programme « Rayonnement culturel et scientifique » ne concerne que les crédits affectés à la diplomatie culturelle dans les pays considérés comme développés au sens de l'OCDE. Mais c'est sur ce programme qu'est prélevée la subvention destinée à l'AEFE : elle en représente 82 %, ce qui ne laisse que 92 millions pour la promotion de la culture française dans 47 pays, dont les 27 États membres de l'Union européenne, les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Russie ou encore le Japon. Le document de programmation triennale prévoit de passer de 105 millions en 2008 à 77 millions en 2011, soit une baisse de 25 %. Les crédits du programme « Coopération en direction des pays en développement » diminuent de 9 %. A l'Assemblée nationale, le Gouvernement a encore diminué de 2,8 millions le programme 185 et de 6,9 millions le programme 209 : monsieur le ministre, quelles seront les actions touchées ?

En dépit de toutes vos affirmations sur le caractère central de notre action culturelle extérieure, monsieur le ministre, elle sert, cette année encore, de variable d'ajustement. Les crédits destinés aux échanges scientifiques diminuent de 5 %. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes personnellement engagé pour le maintien des bourses destinées aux étudiants étrangers. Cependant, vous renforcez le champ d'intervention de Campus France, tout en diminuant sa subvention de 20 % ; les subventions d'intervention des services culturels diminuent de 10 à 15 % ; celles destinées aux centres culturels et aux Alliances françaises sont réduites de moitié ; les financements destinés à la promotion de la langue et de la culture française baissent de 14 %. Le programme « Français Langue maternelle » est transféré à l'AEFE elle-même exsangue, mais sans le financement correspondant. A mon initiative, la commission a adopté un amendement en faveur du programme Flam.

Comment gérer la pénurie, que le Gouvernement appelle « réforme » ? Il réduit la voilure sur le terrain tout en changeant d'objectifs et d'organisation à Paris.

M. Robert Hue.  - Exactement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.  - Le Gouvernement transfère des missions à des opérateurs comme CulturesFrance, sans les moyens correspondants. Il fusionne les centres et les services culturels, en espérant accroître leurs capacités d'autofinancement ou bien il les transforme en antennes légères, sans évaluation préalable. On évoque la fermeture d'une trentaine de centres ou d'instituts culturels en Europe ou en Afrique : qu'en est-il, monsieur le ministre ? La commission des affaires étrangères et de la défense a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits et je m'en remets à sa sagesse. (Applaudissements à gauche et au banc des commissions)

M. Yves Dauge, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - La commission des affaires culturelles a finalement donné un avis favorable à votre budget, monsieur le ministre. Elle est partie de loin ! Elle s'est élevée contre une situation que chacun connaît, et dont M. Gouteyron a rappelé les données : la détresse budgétaire de notre politique de coopération culturelle et artistique. Jamais le rayonnement culturel de la France n'a été aussi essentiel pour le monde : notre époque est en quête de sens. Il faut insister à nouveau sur la nécessité absolue que la France joue pleinement son rôle dans le monde actuel.

Nous avons effectivement joué un rôle moteur dans l'affirmation de la diversité culturelle, par le biais de la convention, mais qu'avons-nous fait depuis ? La France continue-t-elle à agir en ce sens ?

Face à ces exigences, dans votre budget, on en est, comme il a été dit, « à l'os ». Cela devient une question gravissime sur laquelle la commission des affaires culturelles vous alerte : il y a une démobilisation, les gens ne savent plus où ils vont, notre réseau diplomatique est en train de perdre sa dynamique. La commission des affaires culturelles souhaite travailler avec vous en cours d'année. Il y a des marges de manoeuvre, des possibilités de remobiliser notre réseau.

Le transfert de responsabilités à l'AEFE ne s'est pas accompagné du transfert de ressources correspondant. L'écart est déjà de 6 millions et tout indique qu'il va encore se creuser, pour atteindre bientôt les 20 millions.

La commission des affaires culturelles est d'accord avec l'amendement Gouteyron ; elle est favorable à l'organisation d'une grande agence culturelle. L'organisation actuelle est un tel brouillard... Le directeur de cet établissement public est nommé par le ministre, il n'y a pas lieu de se faire peur, il faut y aller avant que le système ne se dégrade encore plus.

Après ces observations, et dans l'espoir d'un sursaut, la commission a approuvé ces crédits. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » est l'occasion de nous interroger sur la capacité de notre pays à exister en dehors de ses frontières, c'est-à-dire pour les autres, mais aussi pour lui-même, tant il est vrai qu'on ne peut séparer les affaires étrangères de la politique intérieure.

Étrangères, ces affaires le sont si peu qu'elles ont vite des répercussions sur les équilibres de la société française et sur nos choix politiques : crises au Proche et au Moyen-Orient, crise financière, montée de la Chine au rang des très grandes puissances, élection américaine, Afghanistan où nous risquons d'être entraînés dans une guerre qu'on ne peut gagner. La multipolarité est d'ores et déjà un fait. Encore peut-on se demander si elle n'est pas dépassée par un mouvement brownien de nations qui, à côté de pays continents, aspirent à s'affirmer : hier le Vietnam, aujourd'hui l'Iran, le Venezuela, la Bolivie, la Serbie, demain la Corée. Le monde reste fait de nations et la France, puissance ancienne mais encore respectable, membre permanent du Conseil de sécurité, disposant d'une capacité nucléaire dissuasive, tête de la francophonie, peut encore influer.

Si votre budget est modeste, votre mission est importante. Les 15 866 agents du Quai d'Orsay sont de très grande qualité : leur professionnalisme, leur motivation, leur dévouement au service de la France en font un corps d'élite, une des grandes institutions de la France. Notre réseau diplomatique, le deuxième du monde, est un grand atout pour l'influence et le rayonnement de notre pays.

A structure constante, votre budget baisse de 1,53 %.On vous colle sur le dos les pensions des enseignants à l'étranger ; ces 120 millions risquent d'étouffer l'AEFE La démagogique prise en charge des frais de scolarité des enfants français aura un effet d'éviction sur les enfants des élites du pays d'accueil ou de pays tiers. Nous gaspillons ainsi un précieux moyen de rayonnement. La croissance apparente de vos crédits provient du rebasage, toujours trop tardif, destiné à financer les opérations de maintien de la paix de l'ONU.

L'opération Darfour coûte à la France plus de 90 millions. Croyez-vous que les problèmes humanitaires puissent être traités essentiellement à travers le prisme militaire ? Une approche politique ne serait-elle pas moins coûteuse, plus efficace et en définitive plus humaine ?

Avec 405 millions, les contributions de la France aux institutions internationales représentent plus que le coût de nos ambassades -160 millions- et de nos consulats -97 millions.

Le centre de gravité de la francophonie sera de plus en plus en Afrique. N'ayons pas peur d'affirmer la nécessité, y compris militaire, de notre présence pour aider à la construction de jeunes États. Sans sécurité, il n'y a ni développement, ni démocratie.

L'avenir de la francophonie passe par le multilinguisme. Il faut augmenter les moyens accordés au corps des interprètes et traducteurs dans toutes les organisations dont nous sommes membres. Une surcharge très légère sur les transactions internationales permettrait de sauver la diversité culturelle et linguistique du monde. La cause vaut d'être défendue !

Une contradiction manifeste frappe votre budget : la France réduit ses moyens d'action propres et augmente sa participation aux organisations multilatérales et aux opérations de maintien de la paix. Tout se passe comme si nous avions de plus en plus peur d'agir par nous-mêmes et devions dissimuler notre action dans des interventions multilatérales où la France n'apparaît guère.

C'est dans ces conditions que vous subissez un plan de rigueur d'une exceptionnelle sévérité : vous devez supprimer 700 équivalents temps plein de vos effectifs, soit 4 %. Ce sont des économies de bout de chandelle. On touche à l'os, en supprimant autant de postes occupés par des titulaires.

On n'améliorera pas l'image de la France en créant trois catégories d'ambassades. On va heurter la sensibilité des pays-hôtes, qui se sentiront méprisés, au préjudice de notre rayonnement.

Les crédits consacrés à l'action culturelle baissent de 13 %. Des fermetures successives sont intervenues, notamment en Allemagne, notre premier partenaire en Europe, alors que nos voisins multiplient les établissements du British Council, les Instituts Goethe ou les Instituts Cervantès. La coopération culturelle sert de variable d'ajustement. Soyons moins restrictifs, ainsi que dans l'accueil d'étudiants étrangers.

Comment ne pas comparer à la modestie de vos moyens le poids des opérations extérieures dans le budget de la défense ? Un surcoût de 850 millions en 2008, soit 20 % de vos crédits ! Pensez aussi que le tribunal pénal international pour la Yougoslavie coûte plus de 300 millions pour plus de 1 000 emplois.

Tandis que vos crédits sont chichement mesurés, la contribution de la France au budget de l'Union européenne atteindra 17,4 milliards, avec un solde net de 4 milliards qui fait de nous le deuxième contributeur.

Le XXIe siècle comporte pour la France un grave risque d'effacement, qu'elle se laisse absorber dans un empire ou qu'elle se fracture entre différents communautarismes. Les deux peuvent d'ailleurs aller de pair. Au premier de ces dangers conspire l'idéologie occidentaliste, théorisée par M. Balladur : il faudrait dans un occident en perdition une véritable fusion euratlantique autour des États-Unis. L'Otan serait la colonne vertébrale de ces futurs États-Unis d'occident. Je ne crois pas que ce soit là l'intérêt ni la vocation de la France : le monde est pluriel au sud comme au nord et dans un monde de nations, la France a encore un beau rôle jouer. A quoi sert l'Otan quand l'Union soviétique a disparu et que les équilibres se déplacent à grande vitesse vers l'Asie ? Dans deux décennies, le PIB de la Chine aura rejoint celui des États-Unis. S'agit-il de nous mettre à la remorque de leur diplomatie et de transformer l'Otan en bras armé de l'occident, sous la direction des États-Unis, comme au Kosovo ou en Afghanistan ? L'Institut Johns Hopkins réfléchit à un « nouveau concept stratégique de l'Otan ». Nous aimerions être associés à cette réflexion. S'agit-il de contenir la Russie ? Il est regrettable que le Président de la République ait approuvé le déploiement de systèmes antimissiles en République tchèque et en Pologne. Le principe de l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie a été acté, même si sa concrétisation a été renvoyée à un avenir indéfini. Chacun voit le danger de se laisser entraîner dans les conflits du Caucase ou dans une nouvelle affaire de Crimée dont Sébastopol serait l'enjeu.

Le comportement irresponsable de certains leaders, comme en Géorgie, peut mettre en danger la sécurité collective. Je crains que nous n'ayons mis le doigt dans un engrenage, même si la Géorgie et l'Ukraine n'ont pas été admises à la négociation préparatoire à l'admission.

Le Président de la République nous a expliqué que la réintégration de la France dans l'organisation militaire de l'Otan était subordonnée à des progrès décisifs en matière de défense européenne. Je ne vois pas ces avancées. On nous parle d'action maritime commune contre la piraterie sous l'autorité d'un amiral britannique... La seule réalisation concrète significative serait la constitution permanente d'un état-major des forces, auquel s'oppose toujours le Royaume-Uni. Le retour dans l'organisation militaire intégrée n'aurait pour la France que des inconvénients : il porterait un coup à l'originalité de notre posture de défense et de politique extérieure aux yeux des peuples du sud et des puissances émergentes. Une telle réintégration renforcerait encore la propension de certains de nos officiers généraux à s'évaluer à l'aune du regard américain plutôt qu'à l'aune de l'intérêt national.

En tout cas, le Parlement a un impérieux besoin de débattre de cette question avant le Conseil prévu à Strasbourg en avril prochain.

Il ne serait pas admissible que ce soit l'occasion d'une piteuse mise en scène du retour au bercail du fils prodigue.

La diplomatie française récente a connu quelques succès, dont celui du lancement de l'Union pour la Méditerranée, obéré cependant par le fait qu'on n'a pas vu se constituer en 2008 un État palestinien viable, contrairement à certains propos imprudents. Il y a eu surtout le succès de la présidence française de l'Union, d'abord avec la médiation russo-géorgienne qui préserve la possibilité d'un partenariat entre la Russie et l'Union européenne, ensuite avec les initiatives du Président Sarkozy dans la crise financière, qui a su mettre en congé -mais pour combien de temps ?- les règles européennes. Leçon de choses à destination des tenants d'une idéologie fédéraliste : on a assisté au grand retour de la puissance publique et des États-nations. Le Président Sarkozy a eu la sagesse de le comprendre et d'agir par cercles concentriques progressifs, G4 puis Eurogroupe à quinze, puis Union européenne à vingt-sept ; un cadre de cohérence a été dessiné, où se sont inscrits des plans qui restent nationaux. M. Barroso, ressassant de vieilles patenôtres, voudrait toutefois faire valoir à nouveau des règles de concurrence opportunément suspendues, alors qu'il faudrait des politiques industrielles coordonnées.

Il était opportun de réunir le 15 novembre le G20 à Washington, même si l'application tarde et se heurte au peu d'empressement de Mme Merkel dont on ne sait si c'est le dogme libéral ou une vision à courte vue de l'intérêt de l'Allemagne qui l'inspirent. Le rôle de locomotive de la relance correspond à l'intérêt européen et, par conséquent, à l'intérêt national bien compris de l'Allemagne.

La France ne doit pas avoir peur de son ombre et les retrouvailles avec Bush étaient peut-être un peu trop ostensibles, puisque nous allons devoir travailler avec M. Obama. Comme l'a dit M. Védrine, gardons-nous de croire cependant que les Américains ont élu à la Maison Blanche un Européen de gauche... Même si l'un de ses premiers discours évoquait « un nouveau leadership américain », il devra réviser en baisse les objectifs de la politique extérieure américaine et il aura besoin de la coopération internationale pour relancer l'économie et instaurer aux États-Unis une société moins inégalitaire. M. Obama a laissé entendre qu'il nouerait un rapport diplomatique avec Téhéran. Il faut résister à la tentation de frapper car l'Iran est la puissance dominante de la région. Les États-Unis peuvent faire comprendre à ses dirigeants que le véritable intérêt de leur pays n'est pas dans la prolifération nucléaire dans une région instable. La France devrait se placer dans la perspective de ce rapprochement (M. Aymeri de Montesquiou approuve)

Concernant le Kosovo, quel intérêt y a-t-il à prolonger notre présence militaire dans un micro-état non viable ? Il ne sert à rien de faire miroiter à une demi-douzaine d'États de l'ancienne Fédération yougoslave la perspective d'une adhésion à l'Union européenne sans leur avoir demandé de procéder préalablement à une intégration régionale.

S'agissant de l'Afghanistan, la solution n'est pas à Kaboul mais à Islamabad où la jeune démocratie pakistanaise doit s'affranchir de la tutelle de son armée. Enfin, une question sur la Chine : comment expliquez-vous la vivacité regrettable de la réaction chinoise aux propos du Président de la République sur une éventuelle rencontre avec le Dalaï Lama ?

Est-il heureux, monsieur le ministre, que nous allions nous immiscer dans les conflits immémoriaux du Caucase ou des vallées himalayennes ? Il y a pour la France une manière raisonnable et honnête d'exister, loin de l'hubris de postures qu'elle ne peut soutenir dans la durée ; elle doit tout simplement s'en tenir à la légalité internationale. Enfin, s'agissant de la réforme du Conseil de sécurité, il suffirait de modifier un article de la Charte pour permettre à certains membres non permanents d'être rééligibles ; on créerait ainsi des membres semi-permanents, ce qui consoliderait la légitimité déjà grande du Conseil.

Au XVIe siècle, Montaigne écrivait qu'il se sentait homme en général et Français par accident. J'aimerais vous convaincre, monsieur le ministre, qu'on peut défendre les intérêts de la France sans trahir ceux de l'humanité (Applaudissements sur divers bancs)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Ce budget contraint oriente à l'évidence la politique internationale de la France. L'année 2008, celle du Livre blanc et de la révision générale des politiques publiques, aura été l'occasion manquée de faire de vrais choix, comme l'avait fait le Royaume-Uni il y a quelques années. Nous n'avons pas fini de le payer car le ministère perd de sa capacité à agir de façon ordonnée et, à long terme, en sacrifiant les hommes, leur intelligence, leur énergie, leur dévouement au profit des apparences de la puissance et des coups médiatiques. On brade l'action culturelle, on sacrifie l'AEFE, on triche sur les chiffres de l'APD. L'écart s'accroît entre les discours de la France et sa capacité à agir.

Notre pays a besoin d'une diplomatie solide, mise en oeuvre par un ministère qui s'appuie sur ses richesses humaines, sur des diplomates professionnels, sur des moyens financiers dignes d'un membre permanent du Conseil de sécurité. Or, après dix ans d'hémorragie, sa capacité d'action sera encore diminuée en 2009.

En raison de la centralisation des pouvoirs aux mains de l'hyper président, le Quai pilote de moins en moins la politique étrangère. Des ruptures promises par le candidat Sarkozy ne restent que des renoncements. Le premier est celui de notre politique en Afrique. L'Amérique et la Chine sont partis à la conquête de l'Afrique, disait, le 16 février 2007, le futur Président de la République, ajoutant : jusqu'à quand l'Europe attendra-t-elle ? Il voulait en finir avec les réseaux et les amitiés douteuses, en un mot avec la Françafrique -on allait voir ce qu'on allait voir. On a vu. Dès le soir de son élection figurait parmi les invités du Fouquet's tel financier puissamment implanté en Afrique peu connu pour son souci du développement. Puis on a vu se déployer une politique dite d'identité nationale, plutôt d'anti-immigration, africaine en particulier. Après avoir lancé aux Africains un appel fraternel, après leur avoir dit que la France voulait les aider à vaincre la maladie, la famine et la pauvreté, le Gouvernement en est vite revenu à une politique d'immigration maîtrisée et de baisse du soutien au développement. De plus en plus, la politique française en Afrique relève du ministère de l'identité nationale ; ne parlons pas de M. Bockel, dont les propos lui ont valu d'être renvoyé à la demande de quelques autocrates africains...

Deuxième renoncement, le rôle de la France dans l'Otan. Selon le candidat Sarkozy, l'Alliance n'avait pas vocation à devenir une organisation concurrente de l'ONU, et l'Europe avait ses intérêts propres ; le renforcement de la défense européenne devait rester une priorité. Là encore, la rupture est consommée, la France s'apprête à revenir dans le commandement intégré de l'Otan. Qu'adviendra-t-il de la politique européenne de sécurité et de défense, que la France est seule à défendre au sein de l'Union ? Sommes-nous assurés que les perspectives, les contours et les modalités de fonctionnement de l'Otan seront redéfinies conformément à la situation du monde, aux intérêts de la France et de l'Union ?

Nous sommes engagés en Afghanistan dans le cadre de l'Otan, où deux opérations coexistent, Enduring Freedom et l'International Security Assistance Force, source d'incohérences dont nos soldats sont les premiers à pâtir. La France oeuvre-t-elle pour la définition d'un commandement commun, ou au moins pour une meilleure coordination ? Elle doit aussi peser sur le commandement américain pour que cessent les bombardements dont les civils sont les victimes. Il n'y a rien de plus efficace pour renforcer la guérilla, comme on l'a vu au Vietnam ou en Algérie. Notre aide bilatérale à l'Afghanistan n'est que de 2 millions d'euros -le Royaume-Uni en dépense 171, à PIB et engagement militaire similaires. L'aide internationale est trop faible, nous avons perdu la confiance de la population. Le combat qui n'a pas été gagné par la solidarité le sera-t-il par davantage de troupes, comme le suggère M. Obama ? Rien n'est moins sûr.

Après le beau discours du Président de la République devant la Knesset, nous attendions des actes dans le conflit entre Israël et le peuple palestinien. Hier, le Parlement européen a failli voter un approfondissement du partenariat entre l'Union et Israël. Peut-on conférer un statut de quasi-membre de l'Union à un pays qui multiplie les colonies en Cisjordanie au mépris du droit international ? Qui multiplie les entraves à la circulation avec plus de 600 obstacles sur 5 000 kilomètres carrés -les deux tiers d'un département français ? Qui asphyxie, avec le blocus de Gaza, 1 700 000 civils sans défense, exposés à la faim, à la maladie et à la mort dans des hôpitaux qui manquent de tout ? Allez, monsieur le ministre, à l'hôpital de Gaza...

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.  - J'y ai travaillé cinq ans !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - ...vous y verrez, comme Mme Dupont et moi qui nous y sommes rendues en 2007, des services qui ferment, des bébés qui meurent d'infections dues au manque d'hygiène, vous y verrez qu'on y opère sans pouvoir faire de radio préalable ! Associer Israël à l'Union, c'est l'encourager à nier plus encore la légalité internationale. La pression de parlementaires européens a pour l'instant permis de reporter, par 194 voix contre 173, ce qui serait apparu comme une récompense.

Israël n'a aucune sanction à redouter ! Le Quai d'Orsay ne sait que « déplorer » l'explosion de la colonisation en Cisjordanie, la destruction de maisons à Jérusalem, les entraves aux projets financés par la Conférence de Paris, comme l'indispensable station d'épuration des eaux à Gaza, les vexations subies par nos diplomates : ouverture, à coups de godillot, du coffre de notre consul à Jérusalem, rétention de notre consul à Erez en juin, interdiction d'entrer à Gaza... Les solutions au conflit israélo-palestinien sont pourtant connues. Il faut les mettre en oeuvre pour libérer les Palestiniens d'une oppression insupportable et assurer la pérennité de l'État d'Israël, que seule la légalité protégera.

En ce 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, la France a participé, aux côtés des États-Unis, à une régression généralisée : mesures de contrôle des voyageurs qui portent atteinte aux libertés individuelles ; silence sur le scandale de Guantanamo ; amitié et collaboration sécuritaire avec les pires autocrates -la Tunisie a même été complimentée pour ses avancées en matière de démocratie ! ; soutien à la politique coloniale d'Israël qui a fait 700 morts depuis Annapolis...

On ne peut occuper la scène internationale sans définir une politique étrangère volontariste et cohérente, conforme à nos valeurs fondamentales, et en s'en donnant les moyens. Nous ne voterons pas ce budget. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Si le rayonnement de la France n'a pas de prix, il a un coût. Le président Arthuis nous incite à débattre sans tabous de cette loi de finances : j'aborderai donc en tout premier lieu la question des cadres du Quai d'Orsay. Votre ministère est à coup sur le plus « grenello-compatible », tant le recyclage y tient une part importante... Notre action extérieure ne devrait pas être un moyen de recycler des amis en mal d'exotisme, des parlementaires battus ou d'anciens ministres non anglophones, propulsés au plus haut d'organisations internationales ! Le rapport de la commission des finances sur le sujet relève que le Quai d'Orsay ne tire pas profit des compétences et des talents de ses agents, au risque de les démobiliser, et que des diplomates expérimentés, et notamment d'anciens ambassadeurs, occupent des postes ne correspondant pas à leur grade et à leur expérience, d'où une masse salariale plus coûteuse que nécessaire et des sureffectifs qu'il conviendrait de résorber.

La pratique des ambassadeurs « thématiques », instaurée en 1998 par le Président Chirac, se poursuit. La plupart d'entre eux ne proviennent pas du Quai d'Orsay mais leur nomination suppose la création d'un équivalent temps plein correspondant et entraîne des frais de représentation et de personnel de soutien. Bonne nouvelle toutefois, nous avons perdu l'ambassadeur chargé de la prévention des conflits, d'une remarquable discrétion tout au long de sa mission, désormais président de l'AFD, tandis que l'ambassadeur de la parité a été recyclé par la voie magique du suffrage universel... Franchement, sans en faire une question de personne, est-ce une pratique convenable ?

De plus, pourquoi envoyer des ambassadeurs non arabisants dans les pays arabes ? Pourquoi de brillants ambassadeurs parlant des langues rares sont-ils confinés au ministère comme conseillers diplomatiques alors que le terrain les appelle ? Quels sont les critères de sélection pour nos postes d'expansion économique et d'attachés culturels ?

Les relations culturelles et universitaires sont essentielles au soutien des relations économiques. On ne dira jamais assez les effets sur le rayonnement de la France de l'implantation de la Sorbonne et du Louvre à Abu Dhabi ou de Saint-Cyr au Qatar. Je salue au passage le remarquable travail de Dominique Baudis à la tête de l'Institut du monde arabe.

Comment préparer des acteurs compétitifs quand seulement 0,2 % de nos élèves apprennent l'arabe et 0,5 % le russe ? Pourquoi ne pas utiliser l'excellent Centre de formation interarmées de Strasbourg comme centre interministériel de formation linguistique ?

Nous avons longuement et stérilement débattu de la politique des visas lors de l'examen de la loi de modernisation de l'économie. Je vous renvoie également à l'excellent rapport de M. Gouteyron. En application de dispositions européennes, seuls les chefs d'État et les Premiers ministres sont dispensés de demandes de visa avec empreintes digitales. Imaginez tel cheikh des Émirats ou tel membre de la famille royale du Qatar se rendre dans notre consulat à la décoration improbable pour déposer ses empreintes, puis attendre une dizaine de jours pour obtenir un visa ! M. Hortefeux, interrogé, a refusé de s'aligner sur la pratique britannique : l'ambassadeur se déplace muni d'une valise et recueille lui-même les empreintes digitales. Il faudra pourtant trouver une solution.

Monsieur le ministre, pouvons-nous espérer au moins une liste des ambassadeurs thématiques, avec leur localisation et leur incidence budgétaire ? Nul doute qu'ils vivent au-dessus de nos moyens !

Vous avez fait des Émirats arabes unis un poste pilote : bravo. L'ambassadeur est brillant, l'équipe est au travail. Les Émirats sont un allié de poids dans la débâcle économique. L'Alliance française à Abu Dhabi, qui doit faire face à une demande accrue de formation linguistique, est loin d'être adaptée. Créons un grand centre moderne, unifions nos outils et associons les Émiriens, qui sont des partenaires actifs !

M. Aymeri de Montesquiou.  - Très bien.

Mme Nathalie Goulet.  - Considérer le Qatar comme un joker diplomatique est une stratégie brillante. Partageant des réserves de gaz et de pétrole avec l'Iran, leurs intérêts sont liés. En cas de conflit, le Qatar et son développement exemplaire seront aux premières loges. Chacun a donc intérêt à la paix des braves. En outre, avec le royaume de Bahreïn, le Qatar est le seul pays de la région à entretenir des relations avec Israël.

J'ai constaté l'excellent travail du centre culturel de Sanaa et la francophilie des Yéménites, qui doivent bénéficier de projets de coopération car ce pays, le plus pauvre de la région, débordé par les réfugiés de la Corne de l'Afrique, est un maillon faible dans la chaîne du terrorisme et maintenant de la piraterie.

Le Koweït, détenteur des quatrièmes réserves pétrolières du monde, pourrait être doté d'un poste mixte avec un autre pays européen. Commencez par y nommer un ambassadeur arabisant ! La dernière visite ministérielle au Koweït remonte à celle, de quelques heures, de M. Douste-Blazy en mars 2007, un an après Mme Lagarde. C'est peu, si j'en crois le site de l'ambassade ! Bien que la situation institutionnelle y soit un peu instable, il faudrait y envisager une visite, monsieur le ministre.

S'agissant de l'Irak, nous sommes le dernier pays européen à n'avoir toujours pas appliqué la résolution 1483 du Conseil de sécurité qui prévoit le dégel et le transfert des avoirs irakiens au Fonds de développement pour l'Irak avant le 31 décembre. Mais je n'ai pas obtenu de réponse sur ce point.

Nous travaillons tous au rayonnement de la France. Nous voterons donc votre budget. Je souhaite que le ministre prenne le temps de nous répondre plus longuement que l'an dernier... (Applaudissements sur divers bancs)

M. Robert Hue.  - Ce budget, qui ne distinguera guère notre pays sur la scène internationale, nous donne l'occasion de faire un bilan de la politique étrangère de la France.

Dans un monde secoué par des conflits majeurs et une terrible crise du capitalisme, la France, qui préside l'Union européenne, doit plus que jamais se poser la question de sa politique étrangère. D'autant que celle-ci est toujours du seul ressort du Président de la République...

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Eh oui !

M. Robert Hue.  - ...qui cherche davantage à attirer les projecteurs qu'à porter la parole de la France. Le volontarisme excessif dont sont empreintes les relations que le Président de la République entretient avec les dirigeants étrangers est cause de crispations. La Chancelière allemande ne s'en est pas cachée, inutile de préciser davantage... Nous gagnerons donc à rompre avec ce qui est perçu comme une arrogance dont nous n'avons pas les moyens.

De fait, le bilan est terne... (M. Bernard Kouchner, ministre, soupire) En Afghanistan, les talibans sont aux portes de Kaboul et nos troupes ont subi de lourdes pertes, notamment lors de l'embuscade d'août dernier. Mais décision a été prise d'augmenter les effectifs. Plutôt que de se laisser entraîner dans ce bourbier, la France doit respecter les engagements pris en 2001, ceux de participer à une mission de maintien de la paix, d'oeuvrer pour de nouveaux droits pour les femmes et de lutter contre la drogue. De surcroît, pourquoi choisir de renforcer nos troupes en Afghanistan quand il est prévu de les retirer de zones encore fragiles, telle la Bosnie-Herzégovine où le retrait de l'Eufor est programmé en 2009 ? Quid de notre présence en République démocratique du Congo ? (M. Bernard Kouchner, ministre, s'exclame) Enfin, la décision de réintégrer le commandement de l'Otan préoccupe de nombreux élus de l'opposition et de la majorité : la France pourra-t-elle tenir son rôle dans le monde quand la seule option sera celle de l'alignement derrière les États-Unis ? L'élection récente de M. Obama, quoique j'en reconnaisse le caractère symbolique, ne modifiera pas l'orientation de la politique étrangère américaine.

M. Robert Hue.  - Les intérêts américains resteront prioritaires.

Ce budget observe les recommandations que M. Juppé a formulées dans le Livre blanc, paru l'été dernier. Tout d'abord, nombre d'ambassadeurs m'ont fait part de leurs inquiétudes sur les conséquences néfastes, pour l'image de la France, de la nouvelle répartition des ambassades en fonction de l'importance accordée à la zone.

Ensuite, la réduction du réseau consulaire en Europe au profit des pays émergents, tels que la Chine, l'Inde, le Kurdistan d'Irak sera-t-elle efficace quand notre crédibilité auprès de pays émergents a été entamée par l'absence de la France, présidente de l'Union européenne, au sommet Union Européenne-Amérique latine ?

Par ailleurs, s'il est évidemment souhaitable de redéfinir une nouvelle politique africaine, l'entreprise est rendue difficile par notre politique d'immigration centrée sur l'augmentation des reconduites à la frontière et une politique d'aide au développement qui s'écarte dangereusement de ses objectifs, comme nous l'avons dénoncé hier en examinant la mission qui lui est consacrée. Les discours du Président de la République en Afrique du Sud et lors de la Conférence des ambassadeurs n'ont pas réussi à apaiser la tempête soulevée par le discours de Dakar de juillet 2007.

Enfin, après la réception en grande pompe de Kadhafi, les déclarations présidentielles en Tunisie et l'inconstance de notre politique chinoise, que de chemin à parcourir en matière de droits de l'homme !

J'en viens aux aspects strictement budgétaires. La révision générale des politiques publiques, appliquée de manière précoce au Quai d'Orsay, se traduit, cette année, par une réduction des effectifs de 190 agents. Une « rationalisation de l'outil » qui ressemble à s'y méprendre à un plan social... Les perspectives jusqu'en 2012 ne sont guère rassurantes. Monsieur le ministre, qu'en est-il exactement de ces restructurations masquées ? La prise en charge des frais de scolarité à l'étranger, quelle que soient les ressources, est injuste en ce qu'elle avantage les plus riches. Et je déplore que les crédits destinés à l'action culturelle à l'utilisation de la langue française, auxquels je suis si attaché, soient diminués sous couvert de rationalisation. Parce que ce budget est à l'image de l'action présidentielle, incohérente et peu efficace, notre groupe votera contre ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - Monsieur le ministre, depuis votre arrivée au ministère, votre budget consacré aux Français établis hors de France a pour seule priorité, semble-t-il, la gratuité de l'enseignement pour les classes de terminale, première et, bientôt, seconde. Je regrette que ce choix du Président de la République, que j'approuve, soit contesté dans sa propre majorité et jusque dans les rangs du ministère. Vous-même semblez penser qu'il aurait mieux valu augmenter les bourses destinées aux plus modestes. (M. Bernard Kouchner, ministre, le conteste)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - Les représentants des Français de l'étranger sont partagés. Toutefois, nous nous rappelons que la promesse de François Mitterrand en 1981 d'assurer la gratuité totale de cet enseignement...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - C'est vieux tout cela !

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - ...s'était soldée, en fin de mandat, par le doublement des frais de scolarité.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Nous avions augmenté les bourses !

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - Madame Cerisier-Ben Guiga, pourriez-vous me laisser parler ?

Dans ces conditions, la décision du Président de la République paraît d'autant plus positive. Aussi, soutiendrai-je l'amendement de M. del Picchia visant à ce que l'on dresse un bilan avant toute modification.

Autre difficulté, la couverture sociale des Français de l'étranger...

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Juste !

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - ...sur laquelle j'ai attiré maintes fois votre attention. Alors que votre expérience reconnue dans l'humanitaire aurait pu vous inciter à faire de l'action sociale une priorité, les crédits attribués au Fonds d'action sociale sont passés de 16,8 à 16,3 millions entre 2006 et 2008. Résultat : la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, à laquelle j'appartiens, en est réduite à gérer la pénurie depuis sa création. Consacrer 160 000 euros à l'adoption internationale est insuffisant, de même que la prise en charge des Français de l'étranger nécessiteux âgés et handicapés ne sera pas assurée avec 16 millions compte tenu de la progression du nombre d'allocataires de 5 162 à 5 358 entre 2006 et 2008.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - Quant aux sociétés de bienfaisance que nous avons toujours défendues, on redécouvre aujourd'hui leurs vertus après qu'elles ont été vilipendées dans les années 1980 par vos prédécesseurs. Elles apparaissent aujourd'hui incontournables pour combler les défaillances de votre ministère.

Quant à la Caisse des Français de l'étranger (CFE), que j'ai l'honneur de présider, la loi de modernisation sociale votée en 2002 à l'initiative du gouvernement de M. Jospin a créé une troisième catégorie aidée, en faveur de nos compatriotes aux moyens limités. Pendant deux ans, la CFE a puisé dans ses réserves pour mettre en oeuvre cette mesure, avant qu'une ligne budgétaire ne soit créée au sein de votre ministère. Les choses ont bien fonctionné grâce à la direction des Français à l'étranger, mais les 500 000 euros inscrits pour 2009 sont très inférieurs à la dépense réelle. Certes, les avances budgétaires permettront de faire face mais je suis extrêmement inquiet pour 2010 car la somme inscrite n'atteint pas le quart de la dépense réelle. La loi de modernisation sociale serait-elle mise en cause ? J'ose à peine rappeler qu'en 2007 le conseil d'administration de la CFE avait demandé à l'unanimité que l'aide atteigne 50 % de la cotisation. Le nouveau conseil d'administration se penchera sur ce sujet en janvier.

La création du poste « Emploi et formation » des Français de l'étranger est une idée louable, mais les 800 000 euros inscrits sont très insuffisants pour ce sujet d'actualité.

Je ne m'étendrai ni sur les 500 000 euros destinés au rapatriement, ni sur les 280 000 prévus en faveur des centres médico-sociaux, tant la faiblesse des chiffres parle d'elle-même.

Avant de conclure, je veux répéter mon étonnement que ne soit pas mieux prise en compte la couverture sociale de nos compatriotes Français de l'étranger, qui n'échapperont pas à la crise économique d'ampleur exceptionnelle que nous traversons. Des mesures d'aide vont être prises en France ; comme ministre veillant sur nos compatriotes expatriés, vous devez les faire bénéficier de la solidarité nationale.

Dans le domaine humanitaire, vous avez fait de grandes choses ; n'oubliez pas maintenant d'aider les Français âgés, nécessiteux ou handicapés, toujours plus nombreux dans le monde.

En terminant mon intervention, je veux dire combien le sénateur des Français de l'étranger, président de France-Afrique centrale et de France-Gabon est ulcéré par la reprise des attaques contre les présidents Sassou Nguesso du Congo, Omar Bongo du Gabon et Obiang de Guinée équatoriale au sujet de leurs propriétés en France. Les instructions de la justice française ouvertes à ce propos ont été classées sans suite. Or, des associations qui ne représentent qu'elles-mêmes viennent de relancer des polémiques complaisamment relayées par France Info, Radio France Internationale et Europe 1. Nombreux sont nos compatriotes qui résident dans ces trois pays, où la France a des intérêts très importants. Les pays anglo-saxons savent mieux que nous gérer leurs intérêts à l'extérieur. Mettre ainsi en cause les amis de la France est choquant et irresponsable ! (Applaudissements sur plusieurs bancs UMP)

M. Aymeri de Montesquiou.  - D'une logique de présence à une logique d'influence, la diplomatie française trouve un nouveau souffle en redéfinissant ses priorités et en confiant la coordination interministérielle à l'ambassadeur.

Avec 2,5 milliards d'euros en autorisation d'engagement et 2,52 milliards en crédits de paiement pour 2009, ce budget triennal « Action extérieure de l'État » donne une nouvelle impulsion à la politique étrangère et à la modernisation du Quai d'Orsay. Voulues par le Président de la République, ces réformes -que j'appelle de mes voeux depuis longtemps- résultent du Livre blanc sur la politique étrangère et de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Il était temps de rationaliser la répartition géographique de nos représentations, de les redéployer vers les pays émergents et de transformer l'ambassadeur en chef local des services extérieurs de l'État.

Selon le projet annuel de performance pour 2009, notre réseau diplomatique, le deuxième mondial, coûte 94 800 000 euros pour 160 ambassades, 97 consulats et 21 représentations multilatérales. L'universalité du réseau est préservée, mais elle sera modulée en fonction de nos intérêts.

Organiser nos ambassades selon trois types en fonction des priorités de notre politique étrangère est rationnel. L'ouverture de consulats en Chine, en Inde et en Russie, la rationalisation permise par les pôles consulaires régionaux en Europe et aux États-Unis, une présence accrue dans certains pays : tout cela redéfinit nos zones d'influence prioritaire. A mon sens, elles incluent notamment la Chine et l'Inde -où nous compatriotes sont toujours plus nombreux, la Russie et l'Asie centrale- qui offrent de larges perspectives à nos entreprises, notamment dans le domaine énergétique, le monde indo-persan -où se jouent la paix et la sécurité mondiale, enfin le Brésil -qui passe du statut de pays de l'avenir à celui de pays du présent. Selon quels critères seront définies les zones prioritaires et la modulation de nos ambassades en trois catégories ? Quel est le calendrier ?

Par ailleurs, la création d'un centre de crise -compétent pour l'alerte précoce, l'action opérationnelle et le partenariat avec les actions humanitaires- complète l'action extérieure de votre ministère. La mise en place d'une direction générale de la mondialisation est indispensable dans ce monde effervescent en pleine mutation.

Notre diplomatie d'influence connaît un nouvel élan grâce à la réorganisation des services culturels, des instituts et centres de recherche et des alliances françaises. Elle prend son sens grâce à l'image spécifique de la France dans le monde entier. Ainsi, les services culturels français en Afghanistan sont actifs, la création à Erbil, dans le Kurdistan irakien, d'un bureau d'ambassade et d'une annexe du centre culturel français assure une présence française comme élément d'équilibre.

Il y a 28 consulats français au sein de l'Union européenne, mais 60 emplois ont été économisés depuis 2004 par la régionalisation des sections consulaires en Allemagne, Italie, Espagne, Belgique, Portugal et Pologne, outre la transformation de 12 consulats généraux en consulats à gestion simplifiée. Les postes ont été redéployés dans les pays émergents.

Le transfert de certaines compétences consulaires aux préfectures ou mairies frontalières françaises est une excellente initiative à développer. Mais on devrait aller plus loin, car les administrations de l'Union européenne devraient répondre aux demandes des ressortissants de tous les États membres.

Je préconise depuis longtemps la colocalisation européenne, appliquée entre la France et l'Allemagne, au Kazakhstan, au Malawi, au Bangladesh et au Mozambique, depuis l'accord-cadre de 2006. Embryonnaire ou inexistante avec les autres États membres, elle devrait être développée sur ce modèle. Une coordination européenne devrait être définie dans les zones prioritaires et dans celles politiquement non stratégiques.

Enfin, je souhaite qu'on généralise les postes mixtes consulats-missions économiques pour soutenir notre commerce extérieur. Pouvez-vous m'apporter des précisions sur l'existant et les perspectives d'avenir ? La future direction des politiques de mobilité et d'attractivité, compétente pour l'appui aux entreprises, jouera certainement un rôle moteur dans l'application de notre politique économique à l'étranger. Je me réjouis de l'efficace coordination interministérielle assurée par le Comité des réseaux internationaux de l'État à l'étranger (Corinte) et du rôle clé de votre ministère.

Soutenant vos réformes indispensables et courageuses, je voterai vos crédits. (M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, applaudit et M. Bernard Kouchner, ministre, remercie)

Mme Catherine Tasca.  - Ce budget, le second que vous présentiez, est placé sous deux signes contradictoires : d'une part les conclusions de la commission du Livre blanc, d'autre part la RGPP, aggravée par la crise financière.

Alors que votre ministère demeure faible, non par sa mission mais par ses moyens, de nouveaux efforts s'ajoutent à ceux déjà consentis. Bien que la rationalisation du Quai d'Orsay soit antérieure à la RGPP, 190 emplois seront encore supprimés en 2009. Le risque est donc réel qu'après avoir taillé dans la chair, on touche désormais à l'os...

La Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID), risque de disparaître, comme je l'avais déjà craint l'année dernière. J'avais alors rappelé la nécessité d'actualiser les structures, dix ans après la réunion du ministère de la coopération et du ministère des affaires étrangères. J'avais aussi évoqué le risque de dissoudre la DGCID au sein d'une grande direction transversale.

Il n'est pas certain -c'est un euphémisme- que la transformation de la DGCID en une nouvelle direction générale chargée de la mondialisation, du développement et des partenariats, issue d'un rapprochement entre l'actuelle DGCID et la direction des affaires économiques, soit de nature à rassurer. Vous voulez faire de cette nouvelle direction générale, monsieur le ministre, un organe de poids ; je crains qu'il ne soit plutôt pesant, alors que notre administration centrale aurait besoin de souplesse, de fluidité et de réactivité. Je crains également qu'au sein de cette nouvelle structure la coopération culturelle ne se trouve reléguée après les questions économiques et de développement, voire complètement délaissée.

Cette nouvelle direction générale ne pourra d'ailleurs se voir confier le pilotage stratégique de notre action que si elle se voit dotée des moyens correspondants. Or la diminution des effectifs, ajoutée à la stagnation ou à la baisse des subventions de l'État aux opérateurs, me laisse dubitative. La mission « Action extérieure de l'État » est prise en tenaille entre le poids des contributions internationales et le coût croissant de la prise en charge des frais de scolarité des élèves français voulue par le Président de la République.

C'est l'action culturelle extérieure qui sert de variable d'ajustement. Les crédits diminuent de 13 % en 2009 et, selon le document de programmation triennale, ils pourraient baisser de 25 % entre 2009 et 2011. Sous couvert de réorganisation, le Gouvernement mène une politique de réduction des crédits et des emplois. Partagez-vous, monsieur le ministre, le point de vue exprimé par M. Woerth à l'Assemblée nationale selon lequel il y aurait suffisamment d'argent dans le domaine culturel ?

La situation budgétaire de CulturesFrance, organisme destiné à devenir l'opérateur unique en matière de coopération culturelle internationale, ne peut satisfaire celles et ceux qui sont profondément attachés à ses missions. Après être passée de 22 millions d'euros en 2007 à 16 millions en 2008, la dotation de l'État n'est que légèrement réévaluée, à hauteur de 18,6 millions d'euros. Cette progression est d'ailleurs artificielle, compte tenu de l'élargissement du périmètre d'action de l'opérateur.

CulturesFrance a besoin d'un statut juridique adéquat : sa structure associative ne lui permet pas de s'imposer comme l'opérateur unique de la coopération culturelle. C'est pour remédier à cette carence que notre Haute assemblée a adopté à l'unanimité, en 2006, une proposition de loi tendant à donner à CulturesFrance le statut d'établissement public à caractère industriel et commercial. Quand cette proposition de loi sera-t-elle enfin inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale ?

La dotation de l'audiovisuel extérieur pour 2009 est notoirement insuffisante. (Mme Natahlie Goulet le confirme) Je sais bien que l'audiovisuel extérieur ne relève plus directement de votre compétence ni de la mission « Action extérieure de l'État », et qu'il est de bon ton actuellement de placer la direction de l'audiovisuel public au plus près du sommet du pouvoir ; mais il s'agit d'une aberration. Toute coordination entre le futur opérateur unique de l'action culturelle extérieure et la société en charge de l'audiovisuel extérieur sera impossible, ce qui nuira aux missions diplomatiques et culturelles des deux organismes.

Malgré la création, en avril 2008, d'une nouvelle société « Audiovisuel extérieur de la France », les crédits budgétaires stagnent. Certains projets devront être différés ou abandonnés, comme le lancement par France 24 d'un canal diffusant en arabe en continu et l'extension de sa couverture en Amérique du nord et en Asie. RFI s'attend à d'importantes suppressions de postes, à des fermetures d'antennes et la disparition d'émissions en langue étrangère à destination de l'Allemagne, de la Pologne et de la Turquie. Nous vous avons fait part de nos inquiétudes, mais vous vous réfugiez derrière les contraintes budgétaires et les statistiques d'audience. L'action culturelle extérieure et l'audiovisuel extérieur sont pourtant des leviers majeurs de notre diplomatie, de la diffusion de notre culture et de notre langue. Ils sont la marque distinctive de la politique étrangère française. Vous n'assurez par leur pérennité ; c'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Billout.  - Le conflit au Proche-Orient a longtemps été l'un des grands axes de la politique étrangère française. La situation en Palestine se dégrade chaque jour : selon un récent rapport de la Banque mondiale, 38 % du territoire de la Cisjordanie est désormais occupé par Israël, sous forme de colonies ou de voies de communication interdites aux Palestiniens. Les habitants de la bande de Gaza font l'objet d'une punition collective inacceptable et se voient interdire l'accès aux soins, à l'énergie, aux denrées alimentaires et à l'éducation. Mais Israël reste sourd aux appels de la communauté internationale à la levée du blocus. La trêve déclarée en juin dernier est aujourd'hui menacée.

La violence d'État perpétrée par Israël au nom de la lutte contre le terrorisme nourrit l'extrémisme et fait s'éloigner les perspectives de paix. Les violations répétées de la quatrième convention de Genève relative à la protection des populations civiles ainsi que des résolutions de l'ONU appellent une réponse internationale forte, mais le Conseil européen et la Commission se refusent à envisager la suspension de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël. Bien au contraire, le Conseil a décidé, le 16 juin dernier, d'engager des pourparlers avec ce pays en vue de l'établissement d'un partenariat stratégique, qui lui ouvrirait l'accès à toutes les politiques communautaires. (M. Robert Hue s'en émeut) C'était d'ailleurs l'un des objectifs de la présidence française de l'Union, énoncé par M. Sarkozy le 15 juillet dernier devant la commission des affaires étrangères du Parlement européen.

La conclusion d'un partenariat stratégique est normalement subordonnée aux progrès du processus de paix. Mais il s'agit d'une clause de pur style car aucune sanction n'est prévue en cas de manquement aux engagements pris.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Michel Billout.  - Une clause identique dans l'accord d'association d'Israël avec l'Union n'a jamais empêché ce pays de poursuivre sa politique.

Il y a deux poids, deux mesures dans notre diplomatie. Lors de la crise de cet été, les Russes ont été sommés de retirer leurs forces de Géorgie avant toute reprise des discussions sur un nouvel accord de partenariat. Mais la politique agressive d'Israël n'est pas considérée comme un obstacle aux pourparlers avec l'Union.

Le refus du Parlement européen, le 3 décembre dernier, d'engager des discussions en vue d'approfondir nos relations avec Israël est un signal encourageant, qui devrait inviter le Conseil à réviser sa politique. Le Président de la République avait appelé de ses voeux la création d'un État palestinien avant la fin de l'année 2008 : nous y sommes, mais rien n'a été fait. (Marques d'impatience au banc des ministres) Les sénateurs du groupe CRC-SPG considèrent que cet objectif doit redevenir l'une des priorités de la diplomatie française, notamment au niveau européen. Le Gouvernement doit exiger que la levée du blocus de Gaza et l'arrêt de la colonisation soient des conditions préalables à la conclusion d'un accord de partenariat.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Michel Billout.  - Israël doit enfin donner des signes tangibles de sa bonne volonté et respecter les engagements pris lors de la Conférence d'Annapolis. La France doit promouvoir, au sein de l'Union, une résolution politique du conflit, en élaborant enfin la feuille de route annoncée par le Président Sarkozy le 15 juillet dernier. (Applaudissements sur la plupart des bancs à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Robert del Picchia.  - Contrairement à certains de mes collègues, je commencerai, monsieur le ministre, par vous adresser mes félicitations.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Tiens !

M. Robert del Picchia.  - Malgré les difficultés budgétaires et la complexité de la situation mondiale, que certains se targuent de comprendre, vous menez une politique qui satisfait les Français de l'étranger. Ceux-ci constatent que l'image de la France dans le monde est bonne. Notre pays tient sa place, notamment dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne : on a pu le constater lors de la crise géorgienne. Il serait d'ailleurs souhaitable d'inscrire à notre ordre du jour un débat de politique étrangère à ce sujet.

Mme Nathalie Goulet.  - En effet !

M. Bernard Kouchner, ministre.  - J'en suis le premier partisan !

M. Robert del Picchia.  - Je centrerai mon intervention sur la question de la prise en charge des frais de scolarité. Certains estiment qu'elle est susceptible de mettre en péril le budget de la Nation.

M. Josselin de Rohan.  - Personne n'a jamais dit cela.

M. Robert del Picchia.  - Je le conteste. La décision est, il est vrai, politique. Elle a été prise par le Président de la République, qui a ainsi répondu à la demande exprimée depuis de nombreuses années par de nombreuses familles. Mme Royal n'avait pas proposé autre chose. (Vives protestations sur les bancs socialistes)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - C'est faux ! Comme pour Lionel Jospin ! Mensonge !

M. Robert del Picchia.  - Trois présidents de la République s'y étaient engagés, aucun ne l'a réalisé.

Pourquoi avoir choisi les trois classes de lycée ? Parce que l'on n'a pas les moyens de financer toutes les classes. Parce qu'il est juste que les parents qui ont payé pendant neuf ans voient leur fidélité récompensée. Parce qu'il s'agissait d'enrayer l'hémorragie des élèves après la troisième, qui correspond à la fin de l'obligation de scolarité, à 16 ans : le rétrécissement de la pyramide à partir de la seconde nous prive d'enfants français pour nos universités et nos grandes écoles.

La mesure serait injuste, voire discriminatoire, et reporterait la charge sur les élèves étrangers ? Mais quel est, au vrai, le coût de la mesure ? L'AEFE fait état, très exactement, d'une dépense de 10 214 593 euros.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Ce n'est qu'un début...

M. Robert del Picchia.  - Elle s'élèverait à 40 millions en année pleine. Même si elle devait être de 45 millions, considérons qu'alors que la dépense par élève de l'éducation nationale s'établit à 10 320 euros par élève, elle n'est que de 3 600 euros pour l'AEFE. Sur ses 12 560 lycéens, il faut retirer les boursiers, les enfants dont les parents reçoivent une prise en charge de l'employeur et bon nombre de ceux des diplomates et des fonctionnaires. Restent, en tout et pour tout, 8 540 élèves, ainsi que cela est indiqué dans le « bleu ».

La gratuité susciterait un appel d'air, entraînant des inscriptions en masse ? Faux, puisqu'un enfant qui n'a pas fréquenté l'école française au collège ne peut rejoindre le lycée sans formalités. La circulaire de l'AEFE exclut, au reste, toute possibilité de tourisme scolaire, puisqu'elle rappelle que l'inscription est subordonnée à la qualité de résident. Si augmentation de l'expatriation il y a, c'est en raison d'autres causes, notamment économiques, comme en Asie.

La mesure risque de pénaliser les enfants étrangers ? Mais il y en a plus que de Français ! 16 600 contre 12 560.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Heureusement !

M. Robert del Picchia.  - Tout à fait d'accord.

On va favoriser les enfants de familles très riches ? Mais je suis tout à fait favorable à un plafonnement et M. Gouteyron a eu raison de me citer : l'amendement que j'ai déposé montre que je suis toujours sur la même ligne. Le programme 151 regroupe la prise en charge et les bourses : les deux lignes sont fongibles, rien n'empêche de reverser sur les bourses ce qui n'aura pas été dépensé pour la prise en charge. N'oublions pas non plus que les Français de l'étranger ne sont pas tous des exilés fiscaux. Pour un Johnny Halliday installé en Suisse, on trouve des centaines de milliers d'anonymes dont la composition sociale n'est pas différente de celle de la France. Il y a aussi des classes moyennes à l'étranger.

Engageons donc un bilan de l'application en seconde. Peut-être fera-t-il apparaître qu'il faut aller plus loin que le double plafonnement...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Très bien !

M. Robert del Picchia.  - ...mais on ne fait pour l'instant de propositions qu'en s'appuyant sur des chiffres gonflés. Je préconise donc un moratoire et je ne doute pas que les chiffres redeviendront plus réalistes. Là est la solution pour sortir de l'impasse dans laquelle nous a poussés une crise financière qui nous aura du moins rendu enclins à mieux gérer. (Applaudissements à droite)

Mme Dominique Voynet.  - Au moment même où nous débattons se tient à Poznan la Conférence internationale sur le changement climatique. L'Union européenne y est particulièrement attendue.

Cette conférence de suivi du protocole de Kyoto reste bien sûr intermédiaire, puisque le rendez-vous décisif aura lieu l'an prochain à Copenhague. Et c'est une administration américaine défaite qui représentera les États-Unis, nous savons que le président Obama s'est engagé à adopter une autre politique et d'autres ambitions en matière de lutte contre le changement climatique. Mais il ne prendra ses fonctions que le 20 janvier, et la Conférence de Poznan sera en apesanteur...

Cet étrange jeu de dupes serait amusant s'il ne s'agissait d'affaires graves. Raison supplémentaire pour que l'Union européenne ne faille pas et conserve son rôle pionnier dans la lutte contre le dérèglement climatique. La France, présidente de l'Union, doit se montrer exemplaire. Hélas, on est en droit de s'inquiéter.

On connaît les aléas du paquet climat-énergie, dont personne ne peut dire s'il sera adopté avant la fin de l'année, et en quel état... Il y a quelques jours, un compromis a été conclu entre les États membres de l'Union, le Parlement européen et la Commission sur la future réglementation européenne visant à obliger les constructeurs à réduire les émissions de C02 des voitures neuves. Ce compromis est déplorable. Au lieu de 120 g de C02 par kilomètre, on passe à 130 ! Et le délai est allongé de 2012 à 2015 ! En France, le Président de la République a annoncé une prime au retrait des voitures de plus de dix ans au profit de voitures neuves ne dépassant pas 160 g au kilomètre : c'est plus laxiste encore.

Tout cela entache la présidence française, qui avait pourtant érigé en priorité la lutte contre le dérèglement climatique.

Vous me répondrez que le chef de l'État n'a ménagé ni ses efforts ni son énergie ; qu'il a fait preuve d'un grand volontarisme. Je vous entends d'ici : « Voyez la Géorgie ! » « Voyez la crise financière ! » « La France, présidente de l'Union européenne, a hissé haut les couleurs de l'Europe. »

Je vais vous concéder, monsieur le ministre, la constance, le sérieux et l'efficacité dont a fait preuve le secrétaire d'État aux affaires européennes qui a, plus d'une fois, si j'en crois la presse, remplacé tel ou tel membre du Gouvernement qui peinait à se rendre à Bruxelles négocier avec les services de la Commission, les parlementaires ou les représentants des États membres. Plus d'une fois, il a su lever les malentendus, les difficultés, les blocages. Nous sommes unanimes, sur ces bancs, à le reconnaître.

Ces six derniers mois, la France a plutôt bien mérité de l'Europe. Elle a été meilleure élève que bien souvent dans son histoire -ce qui nous a, hélas, valu, chez une bonne partie de nos voisins, la fâcheuse réputation de n'être européens que du bout des lèvres et de ne voir en l'Europe que la France en plus grand.

Mais le restera-t-elle demain ? Le Président de la République, une fois qu'il aura quitté la présidence de l'Union, saura-t-il poursuivre dans cette voie ? Ou en reviendra-t-il à son affligeante manie de contester toute décision européenne comme pitrerie de technocrates et de considérer nos partenaires comme autant de subalternes qui feraient bien, constatant notre excellence, de le supplier de prendre la présidence d'un gouvernement économique de l'Europe ?

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Est-ce bien une question ?

Mme Dominique Voynet.  - La cohérence d'une action politique, monsieur le ministre, se mesure certes aux choix budgétaires mais aussi aux valeurs qui sous-tendent ces choix. J'aimerais que vous puissiez, de ce point de vue, me rassurer. En matière de politique étrangère, les choix de la France sont parfois courageux et votre présence au Gouvernement témoigne assez de la volonté affichée de rompre avec la vieille diplomatie pour lui préférer une action extérieure fondée, si je me souviens des engagements de campagne du Président de la République, sur la protection des droits humains.

Hélas ! Les choix du Gouvernement n'ont guère marqué de rupture avec la vieille diplomatie. Serait-il bien charitable de s'étendre sur les conditions du séjour en France de Mouammar Kadhafi, la mégalomanie invraisemblable du dictateur et la déplorable faiblesse avec laquelle il a été accueilli ? Je m'attarderai plutôt sur la Chine, puisque le Président de la République rencontrera demain le Dalaï Lama. Comme toutes celles et ceux qui sont solidaires du combat du peuple tibétain, je me réjouis que cette rencontre, après avoir été annulée en août dernier, ait enfin lieu. Mais faudra-t-il qu'une fois encore, la France s'en excuse auprès du régime chinois, comme après le passage chahuté de la flamme olympique à Paris ? Faudra-t-il une fois encore s'en remettre aux bons offices de M. Raffarin et l'envoyer offrir à Pékin une nouvelle biographie du général de Gaulle ? J'attends votre réponse, monsieur le ministre, mais quelque chose me dit qu'elle n'évoquera probablement pas les raisons pour lesquelles, avec Pékin comme avec Téhéran, nous savons nous montrer si cléments. Car qu'est-ce donc qui nous pousse à livrer nos technologies nucléaires, sous prétexte de « désaliniser » l'eau de mer, à des dirigeants dont on ne connaît pas -ou dont on redoute de ne connaître que trop bien- les intentions ?

L'élection de Barack Obama a brisé des tabous sur la question raciale aux États-Unis mais au-delà des frontières américaines, sur la lutte contre le changement climatique, sur la nécessité de régulations économiques et sur la prévention des conflits par le dialogue.

Monsieur le ministre, quelle sera la position française dans ces changements ? La France va-t-elle s'aligner sur la ligne atlantiste, dont elle ne s'est en fait jamais éloignée, ou bien va-t-elle opter pour la défense européenne commune ? Va-t-on continuer à suivre tête baissée l'engagement en Afghanistan ou bien accepter la révision nécessaire de notre stratégie ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre engagement sans faille contre les armes à sous-munitions : il a fallu la détermination politique du Président de la République et du Gouvernement pour qu'une convention soit signée cette semaine à Oslo entre une centaine de pays interdisant ces armes barbares dont les victimes sont presque toutes des civils, en particulier des enfants ! Nous n'y croyions pas il y a deux ans, la convention est signée : nous espérons que nous la ratifierons dans les meilleurs délais !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.  - Très bien !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Les Français de l'étranger sont très fiers de l'action internationale de la France. Merci, monsieur le ministre, de porter haut, avec le Président de la République, la voix de la France, qui est très écoutée à l'étranger !

M. Robert del Picchia.  - Très bien !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Dans ce débat budgétaire, nous devons veiller à ce que chaque euro soit dépensé à bon escient, dans l'intérêt de notre pays et de ses compatriotes. Je salue l'excellent travail de nos rapporteurs MM. Gouteyron et Trillard, qui nous suggèrent d'intéressants gains de productivité.

Avec 4,6 milliards, soit 1,70 % du budget de l'État, les crédits de cette mission déçoivent les Français de l'étranger. Les économies sont indispensables, mais il y a des limites. Le ministère des affaires étrangères, depuis des années, s'est montré particulièrement vertueux. Notre réseau diplomatique est envié par tous, nous lui devons le succès de la présidence française de l'Union. Or, ses effectifs diminuent au moment même où ses charges augmentent : nous risquons de voir baisser la qualité du travail, voire la motivation de nos agents ! Plutôt que de diminuer les effectifs, ne devrait-on pas simplifier les procédures, mieux utiliser les ressources d'internet et de la vidéo-conférence, mais aussi s'associer davantage des seniors expérimentés et compétents ? En quinze ans, le taux de vaccination dans certains pays africains est passé de 90 % à moins de 20 % ; dans le même temps, le nombre de nos assistants techniques passait de 30 000 à 700... L'externalisation nous coûte parfois très cher : je pense en particulier à la sécurité de nos postes, qui était assurée par des gendarmes. De même pour notre patrimoine immobilier : plutôt que de vendre nos locaux, ne vaudrait-il pas mieux acheter dans des pays où l'immobilier est encore d'un prix raisonnable et dont on sait qu'ils vont considérablement se développer dans un avenir proche ?

Nous investissons des centaines de millions dans certaines grandes organisations multilatérales. Leur travail est souvent remarquable, notamment celui de la FAO en Afrique. Cependant, le nombre d'intermédiaires et de consultants n'a cessé de croître avec l'externalisation, comment être sûr qu'il n'y a pas de perte en ligne ? Comment garantir la transparence ? Des grands programmes engloutissent des sommes considérables, sans véritable contrôle, mais d'autres actions très modestes ne peuvent pas voir le jour faute de moyens. Je pense notamment aux actions concernant le français langue maternelle, dont les moyens sont érodés mais les contrôles particulièrement tatillons !

L'aide sociale à la communauté française est dérisoire, elle n'a pas progressé depuis dix ans alors que pas un euro qu'on lui confie n'est gaspillé et que les besoins vont croître au gré de la crise. Monsieur le ministre, il faut augmenter les moyens de l'aide sociale ! Je vous félicite de la création d'un centre de crise, mais où en sommes-nous de l'idée maintes fois avancée d'un fonds pour l'aide au rapatriement de nos compatriotes touchés en cas de crise ?

Je salue le geste généreux du Président de la République pour la gratuité de la scolarisation des enfants français dans les lycées français à l'étranger : beaucoup l'avaient promis, seul M. Sarkozy l'a fait. Certains de nos compatriotes, qui estiment que leurs moyens le leur permettent, continuent de régler la scolarité de leurs enfants, estimant qu'il est de leur devoir de soutenir les lycées français. Cependant, l'annonce faite par le Président de la République a suscité un certain émoi à l'étranger : les familles ne comprennent pas que de grandes entreprises, qui payaient la scolarisation des enfants de leurs employés, profitent de l'aubaine sans contribuer aux fonds sociaux des lycées ! Ensuite, nos établissements ne scolarisent qu'une partie des enfants de nos ressortissants. En Grande-Bretagne par exemple, où vivent quelque 300 000 Français, il n'y a aucun lycée français en dehors de Londres ! Si les lycées français ont d'excellents résultats, c'est aussi grâce au mélange des nationalités et des cultures...

M. le président.  - Veuillez conclure !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - L'AEFE a annoncé un nouveau prélèvement de 6 % sur les frais de scolarité, cette charge supplémentaire est très mal acceptée car elle s'ajoute à un accroissement des charges déjà considérable. Ces augmentations peuvent atteindre 42 % pour les nouveaux entrants en maternelle, voire 68 % pour l'entrée en classe bilingue. Aussi m'associerai-je à nos rapporteurs, MM. Gouteyron et Trillard, pour plafonner l'aide financière.

Une réflexion est nécessaire sur les critères d'attribution des bourses scolaires.

Il exclut de facto les familles moyennes qui ont deux ou trois enfants. C'est pourquoi il faut absolument donner une plus grande place à la subsidiarité.

J'aurais encore eu tellement de choses à vous dire ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean Besson.  - L'année 2008 aura été marquée par la présidence française de l'Union européenne. Le dynamisme affiché par le Président de la République à cette occasion ne se traduit pas dans le budget : les crédits alloués à la présence de la France en Europe restent toujours aussi faibles. Cette action est pourtant loin d'être négligeable puisqu'elle concerne les crédits d'intervention et de communication mis à la disposition du secrétariat d'État aux Affaires européennes, les crédits destinés à soutenir la présence d'experts français dans les missions européennes et les contributions au Conseil de l'Europe.

L'action consulaire n'échappe pas à ce retrait de la présence française sur le vieux continent, à preuve la transformation de consulats généraux de plein exercice en postes « à gestion simplifiée », comme cela s'est fait à Séville, Stuttgart ou Turin. Notre rayonnement culturel est affecté par la « rationalisation » de la dépense publique. En Allemagne, le tiers des centres ou instituts culturels français ont été fermés ces dernières années et l'on constate un net recul de l'apprentissage mutuel du français et de l'allemand.

Pour réconcilier l'Europe et les citoyens français, il faudrait une politique volontariste de communication et d'information auprès de nos concitoyens qui assimilent souvent l'Europe à une administration froide et éloignée de leur quotidien. Faute de moyens et d'ambition réelle, cet objectif ne sera pas atteint cette année, ni en 2009.

Ce sont les collectivités territoriales qui, grâce à leur vrai travail de proximité, contribuent le plus à faire émerger un sentiment d'appartenance à l'Europe. Depuis cinquante ans, près de 4 200 liens ont été tissés entre les collectivités françaises et leurs homologues européennes. Le maillage formé par ces échanges linguistiques, culturels, économiques fait plus pour la construction européenne et le rayonnement de la France que bien des discours ou des sommets non suivis d'effets. J'en témoigne en tant que vice-président de la région Rhône-Alpes chargé des relations internationales.

Les collectivités territoriales sont les meilleurs relais de la France et de ses forces vives sur le vieux continent. Cela ne poserait pas de problème si elles disposaient des mêmes ressources que les länder allemands ou les régions espagnoles. Le manque de moyens de l'État pour son action extérieure n'est que partiellement comblé par des collectivités territoriales asphyxiées par de nombreux transferts de compétences non compensés. Voilà pourquoi le groupe socialiste ne votera pas vos crédits. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Christophe-André Frassa.  - La solidarité nationale ne peut s'arrêter aux frontières. Il n'est pas normal qu'un enfant français soit exclu de notre système d'enseignement pour des raisons financières ou géographiques. C'est pourquoi le Président de la République a souhaité que, dès la rentrée 2007, le coût de la scolarité des enfants, dans les lycées français à l'étranger, soit pris en charge par la collectivité nationale. On ne peut pas inciter les Français à s'expatrier et leur faire supporter des frais de scolarité prohibitifs ! En revenir à la situation initiale serait adresser un signe aussi fort que déplaisant à nos compatriotes de l'étranger qui ont été trop longtemps ignorés.

Le renforcement du lien entre la République et ses expatriés doit s'opérer dans tous les domaines, à commencer par l'éducation. L'expatriation est un pari qui doit être gagnant. La France doit être aux côtés de tous ceux qui désirent créer, innover, travailler comme ils le souhaitent et qui ont choisi de s'expatrier pour le faire. Nos expatriés seraient des privilégiés ? Ils ne résident pas tous en Suisse, en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou dans des paradis fiscaux ou des oasis !

Mme Nathalie Goulet.  - De prétendus paradis fiscaux !

M. Christophe-André Frassa.   - Scolariser ses enfants à Ouagadougou, ce n'est pas aussi simple et évident à faire qu'à New York ou à Nice, Rosières ou Saint-Gildas-des-Bois.

Si j'ai bien compris, les commissions des finances et des affaires étrangères voudraient pérenniser la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés tout en la rendant soutenable en termes budgétaires. C'est louable sur le plan de l'orthodoxie comptable, mais nous ne pouvons remettre en cause cette mesure par de simples amendements alors que l'estimation de son coût réel à maturité varie du simple au triple. Vous me permettrez de trouver un peu léger de condamner la prise en charge par l'État des frais de scolarité des jeunes Français de l'étranger avant même que cette mesure soit allée à son terme. Il faudrait déjà en étudier l'impact financier après son année d'expérimentation. En cela, mais en cela seulement, je rejoins l'avis des commissions des finances et des affaires étrangères. En revanche, je ne suis pas du tout favorable aux arguments avancés pour remettre en question cette mesure attendue de longue date par nos compatriotes de l'étranger.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Personne ne la demandait !

M. Christophe-André Frassa.  - Cette mesure doit être étendue comme le Gouvernement l'a promis et comme nous nous y sommes engagés. Il y a sans doute des ajustements à faire au cas par cas, de nouvelles pistes à étudier en matière de prise en charge des frais par certaines entreprises ou de conventionnement entre celles-ci et les établissements scolaires. Mais les conditions de revenu et le plafonnement des aides nous feraient faire plusieurs pas en arrière.

Le service public, c'est de pouvoir bénéficier d'un enseignement à l'étranger comme en France ! Avec l'expertise de l'Assemblée des Français de l'étranger, du ministère des affaires étrangères, de l'AEFE, des sénateurs représentant les Français établis hors de France et de l'ensemble des acteurs sur le terrain, je crois plus cohérent et bénéfique de réunir un groupe de travail pour rechercher, par la concertation, les améliorations à ce système, de le perfectionner et de le rendre plus supportable pour les finances de l'État. En cela, je rejoins mon collègue Del Picchia dont j'ai cosigné l'amendement avec la quasi-totalité des sénateurs UMP des Français de l'étranger.

M. Richard Yung.  - Je souhaite centrer mon intervention sur l'examen des crédits alloués au programme 151, qui s'intitule désormais « Français à l'étranger et affaires consulaires ». Mais tout d'abord, pourriez-vous nous indiquer quand les textes instaurant le nouvel organigramme seront publiés ? Nous avons vu un avant-projet mais il serait utile de le finaliser. Le trouble est grand dans les consulats : on ne sait plus à qui s'adresser.

Les crédits du programme 151 seront de nouveau en baisse, après avoir perdu 8 % en 2008. C'est paradoxal alors que les communautés expatriées augmentent de 4 à 5 % chaque année. L'action consulaire se ressent bien sûr de cette évolution. Elle repose sur le seul dévouement des consuls et des consuls généraux.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Qui se tuent à la tâche !

M. Richard Yung.  - Ils sont les pièces essentielles du dispositif mais, je l'ai constaté dans de nombreux postes, ils ont le sentiment d'être les soutiers dont le dévouement n'est pas considéré.

Les crédits de l'action sociale en faveur des Français de l'étranger augmentent légèrement en 2009, mais vont baisser les années suivantes. Les crédits consacrés à l'emploi et à la formation professionnelle sont maintenus à 800 000 euros, ce qui n'est pas grand-chose. Je le déplore car la formation est un des moyens de permettre à nos expatriés de rester dans leur pays d'accueil plutôt que d'être contraints de rentrer en France, avec les conséquences que l'on sait. Je rappelle que ces crédits avaient baissé de 28 % en 2008 et de 34 % en 2007. Le futur Office français de l'immigration et de l'intégration continuera-t-il à participer aux actions de formation des Français de l'étranger ? C'était une des misions de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, dont les crédits ont hier été réduits...

Un mot, en passant, des délais pour obtenir un certificat de nationalité. Je sais que cette question ne relève pas de votre ministère et que des instructions ont été données afin qu'on n'en réclame pas un pour tout et pour rien. Le problème, c'est que le tribunal du Château des Rentiers manque de greffiers, et les Français de l'étranger attendent parfois leur certificat vingt-cinq ou trente mois, ce qui crée des situations insupportables.

Je me réjouis de l'intervention de M. del Picchia, qui est proche de notre proposition initiale d'augmenter l'enveloppe des bourses. Il a eu la sagesse de citer le programme de Mme Royal...

M. Josselin de Rohan.  - Il n'a pas pu citer celui de Mme Aubry, elle n'a rien dit !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - N'en faites pas une martyre !

M. Richard Yung.  - ...qui proposait de porter l'enveloppe à 75 ou 80 millions d'euros. L'inconvénient du système, c'est qu'il fait porter le poids de la gratuité sur les enfants non français, qui représentent pourtant les deux tiers des enfants scolarisés dans nos établissements. On envoie par là un signal très négatif car sans eux, le système ne tient plus.

L'AEFE est étranglée. L'instauration de la taxe de 6 % sur les frais d'écolage dans les établissements conventionnés et de 2 % dans ceux qui sont homologués passe très mal ; certains de ces établissements risquent de quitter le sein généreux et maternel de l'AEFE. Nous devons éviter à tout prix un détricotage de notre réseau. Il faut revenir sur cette taxe, dont le fondement juridique est d'ailleurs incertain. Je voterai l'amendement des commissions qui prévoit un double plafonnement, comme je soutiendrai l'amendement de Mme Monique Cerisier-ben Guiga qui attribue 600 000 euros au financement du programme « Français langue maternelle » qui coûte peu, connaît un grand succès et est en quelque sorte la porte d'entrée dans notre système éducatif francophone.

Vous aurez compris que nous aurons quelque hésitation à voter votre budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. André Ferrand.  - Je souhaite vous faire partager les bonnes nouvelles pour la francophonie que je rapporte de l'Océan indien, et plus particulièrement de Madagascar. Notre chargé d'affaires m'a en effet appris que le Président Ravalomanana, qui avait introduit dans son pays l'anglais comme troisième langue officielle et n'était pas, jusqu'alors, connu comme un « francophonophile » fervent...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga  - Il n'aimait surtout pas notre ambassadeur !

M. André Ferrand.  - ...accueillerait avec joie dans la Grande Ile le prochain sommet de la francophonie en 2010. Il est devenu notre grand ami. Il faut à tout prix profiter de cette conjoncture favorable, de cette chance historique de voir s'impliquer ce grand porte-avions qu'est Madagascar entre la Réunion, Maurice, Mayotte ou les Seychelles. J'en ai dit un mot hier à M. Darcos. Nous avons deux ans pour nous préparer, il faut décréter un véritable branle-bas de combat si nous voulons rattraper le temps perdu. Le Président Ravalomanana a parlé de 70 000 enseignants à former, ce qui ne me semble guère réaliste, mais nous devons mobiliser toutes les forces de notre coopération, dont l'AFD, à laquelle on reproche souvent son absence de culture de résultat. Il faut un plan Marshall de la francophonie dans l'Océan indien. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.  - Un mot rapide sur Madagascar : je suis conscient de la nécessité d'accélérer les choses. Vous savez que le contexte psychologique et politique était un peu complexe, j'espère que notre nouvel ambassadeur sera bien accueilli... Nous avons deux ans pour nous préparer au prochain sommet de la francophonie, comme Madagascar s'y prépare.

J'ai apprécié la richesse de vos interventions, j'aime débattre avec vous. Mais un débat budgétaire n'est pas un débat de politique générale, aussi ne répondrai-je que sur le budget. Nous pourrons avoir un débat plus large en janvier si vous le souhaitez.

Les crédits de la mission, à 2,5 milliards d'euros, sont en progression de 7 %. On peut toujours reprocher au ministre qui voudrait plus de ne pas avoir assez, mais chacun connaît les contraintes du budget général et la crise qui est venue depuis son élaboration. Ces crédits répondent à trois grandes priorités : notre contribution aux organisations internationales qui concourent à la paix, ce qui n'est pas si aisé, et à la gestion des crises, où nous sommes plutôt efficaces, ainsi qu'à l'animation des forums internationaux ; les moyens de notre réseau à l'étranger, qui subit une profonde évolution ; et les moyens dédiés à l'action culturelle dont je sais l'importance et qui fait un peu notre spécificité par rapport aux autres diplomaties. Je me charge de trouver pour elle un peu plus d'argent...

Les contributions internationales représentent 695 millions. Le budget des organisations internationales augmente de 2,3 % par an en moyenne ; celui des opérations de maintien de la paix, de 10 % par an depuis 2000, avec environ 100 000 hommes déployés, essentiellement dans des zones où la France est directement concernée : Côte d'Ivoire, Liban. Une réduction est à l'étude. Pour le seul Darfour -où nous ne sommes pas présents-, nous engageons 85 millions. Nous avons obtenu une dotation de 340 millions, soit 40 millions de plus qu'en 2008. Grâce à l'opération Eufor au Tchad, un quart des personnes déplacées sont déjà rentrées chez elles. Nous essayons toutefois de contenir la dépense, et le suivi d'une cinquantaine d'organisations à été confié à d'autres ministères, ce qui se traduit par un transfert de 17 millions. La France plaide pour la discipline budgétaire, mais il est de notre intérêt de conserver un système multilatéral.

Sur l'Union latine, les négociations sont en cours, et nous faisons preuve de la plus grande fermeté.

Monsieur Chevènement, le budget des Nations unies est en hausse car les opérations sont en hausse ! La demande initiale du secrétariat aurait conduit à une augmentation de 50 % de notre contribution. Certaines demandes sont inévitables et légitimes. Qui peut souhaiter le départ des Nations Unies d'Afghanistan, même s'il faut passer les commandes aux Afghans ? Il faut faire des choix et des économies. Nous allons réunir la semaine prochaine, en France, les pays voisins de l'Afghanistan : c'est un début.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Nous consacrons près de 450 millions à notre réseau, le deuxième au monde. Je veux réussir la réforme de ce ministère, pour le bien de nos services et de l'action extérieure de la France, pas pour le plaisir de supprimer des postes ! On peut rationaliser les choses, que chacun se voie confier une tâche spécifique ! Il faut réformer la façon de fonctionner ensemble, pour éviter les doublons. J'étais récemment en Norvège : rationaliser les groupes, ce n'est pas seulement supprimer des postes !

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Nous modulons nos ambassades : une trentaine d'ambassades polyvalentes, une centaine à missions prioritaires, une trentaine d'ambassades de présence diplomatique. On passera de l'une à l'autre. Devons-nous conserver une ambassade partout ? Le critère de répartition est avant tout fonctionnel, le calendrier triennal. Les ambassadeurs devront proposer avant le 15 octobre un plan triennal d'évolution de leurs moyens fondé sur l'analyse de leurs missions propres. En Allemagne et au Sénégal, où cette démarche a été engagée, les résultats sont excellents. Enfin, la dimension interministérielle se traduira par la création d'un nouveau comité interministériel des réseaux internationaux de l'État.

Notre réseau consulaire s'adapte aussi : moins de consulats en Europe, davantage dans les pays en développement et émergents. Je remercie M. de Montesquiou de son soutien. Le nouveau centre de crise a démontré son efficacité : il a fallu gérer en même temps la crise en Thaïlande, les attentats de Bombay, l'enlèvement d'un humanitaire en Afghanistan et celui de deux journalistes en Somalie... Nous avons actuellement cinq postes mixtes consulaires et commerciaux : Bombay, Houston, Atlanta, Chengdu, Bangalore. Nous envisageons d'étendre le dispositif à Johannesburg.

Mon ministère participe à l'effort de réduction des effectifs avec la suppression de 700 emplois à temps plein : 190 en 2009, 255 en 2010, 255 en 2011, le non-remplacement de départs en retraite ou d'agents contractuels, soit le non-remplacement de deux agents sur trois pour l'ensemble des personnels et d'un sur trois pour les fonctionnaires titulaires. En termes fonctionnels, les suppressions se répartissent comme suit : 315 pour les métiers politiques, la gestion et la coordination de l'action de l'État ; 135 pour les métiers consulaires, 90 dans les secteurs culturel et scientifique et 160 dans les domaines de la coopération. La répartition fine par pays et par service dépendra de l'évolution des missions. On estime les économies attendues à 28 millions. J'ai obtenu d'en récupérer 60 % pour nos personnels.

Nous réformons également notre administration centrale, avec le remodelage de l'encadrement supérieur et la création de dispositifs innovants comme celui de la deuxième carrière. Nous améliorons la tutelle sur l'AFD, nous créons de nouveaux établissements publics dont CulturesFrance et un opérateur en charge de la mobilité et de la politique d'attractivité. Il y aura une direction forte, une dynamique des opérations culturelles : je suis prêt à y travailler avec vous.

Monsieur Gouteyron, la foncière des biens immobiliers de l'État à l'étranger est en cours de préfiguration. La politique immobilière de l'État à l'étranger est un outil au service de notre action extérieure : les impératifs de souveraineté et de sécurité relèvent du contrôle absolu du ministère des affaires étrangères. Le patrimoine historique doit faire l'objet d'une gestion spécifique. La foncière peut combler un besoin immédiat pour des opérations complexes et des projets innovants. Elle doit prendre en compte le logement des agents en poste à l'étranger. L'indemnité de résidence est en effet souvent insuffisante ; aux États-Unis, elle sera augmentée de 19 %.

Je salue les nombreuses initiatives sur la défense de notre réseau et le débat qui s'est engagé sur la gratuité de la scolarité des élèves français dans nos lycées à l'étranger. Je vous demande, si vous m'accordez la moindre confiance, de surseoir à toute décision trop brutale. Le Président de la République a accepté, dans un débat très ouvert, d'arrêter la prise en charge aux classes de terminale, première et seconde à compter de septembre. Pour le reste, moratoire, afin de mettre en oeuvre l'autre promesse du Président de la République : les bourses. Nous sommes sur la bonne voie, ne figeons pas les choses. Les deux représentations des Français de l'étranger sont d'accord.

Nous ferons, en septembre, des propositions sur les bourses en faisant en sorte de ne pas mettre en difficulté les élèves locaux car la francophonie n'y gagnerait pas.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Très juste !

M. Jean-Pierre Cantegrit.  - Très bien !

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Des moyens importants sont mobilisés. Pas moins de 500 millions sont attribués à l'AEFE, dont 415 millions sur le programme culturel et 81,6 millions sur le programme des Français de l'étranger. Le rapporteur spécial a souligné, à juste titre, la hausse des coûts, raison de plus pour ne pas pénaliser les élèves locaux. Le programme culturel enregistre une augmentation de 123,7 millions destinée à financer le transfert de charge des cotisations de pensions civiles qui nous est imposé pour 120 millions, le reste étant destiné à couvrir les frais salariaux et le déficit constaté en 2008. Le programme des Français de l'étranger voit ses crédits progresser de 19,14 millions pour assurer l'extension de la gratuité des frais de scolarité dans les lycées français. L'AEFE est un outil merveilleux, je m'emploierai à mettre en oeuvre les excellentes recommandations du rapport qui m'a été remis l'été dernier pour conforter son financement.

Au-delà, la promotion de la langue française passe par l'augmentation des bourses délivrées aux étudiants étrangers pour venir étudier en France, pour laquelle je me bats, par les alliances françaises, dont les moyens sont maintenus, et par le développement des partenariats.

Concernant notre réseau culturel, après avoir salué l'excellent travail de Mme Cerisier-ben Guiga et de M. Dauge, j'observe que la révision générale des politiques publiques a réaffirmé le rôle fondamental de l'ambassadeur -nos ambassadeurs ont plus ou moins de goût pour ce domaine, il faut en tenir compte dans les nominations. Cela légitime le maintien d'un point d'entrée unique au sein du ministère pour toutes les coopérations. Ensuite, notre action culturelle, outre qu'elle doit répondre aux fortes attentes qui s'expriment dans le monde en ce domaine, implique de mettre en avant nos industries culturelles, une conception pluraliste de la culture et l'avant-garde culturelle française. Ce budget de l'action culturelle, dont la part est minime, doit donc être maintenu, voire développé. C'était notre ambition, malgré le contexte budgétaire contraint.

Monsieur Ferrand, il faut donner un nouvel élan à nos relations avec Madagascar, avec notre nouvel ambassadeur, et y renforcer la francophonie, car le peuple malgache est très attaché à ce patrimoine linguistique, dans la perspective du sommet de la francophonie en 2010. Par ailleurs, j'ai préservé les moyens de nos opérateurs, notamment Culturesfrance et les alliances françaises. J'ai décidé de fusionner les centres culturels et les instituts au sein d'une nouvelle entité, dont le nom n'a pas encore été fixé -j'avais proposé « Victor Hugo », mais « Institut français » tient la corde.

Monsieur Gouteyron, intégrer les personnels de droit local des centres culturels n'est pas souhaitable (M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial, s'en désole) puisque le but est d'augmenter l'autofinancement de ces centres.

Madame Goulet, les 21 et 22 avril dernier, j'ai rencontré, au Koweït, l'Émir, le ministre des affaires étrangères ainsi que le Premier ministre, que j'ai revu à New York, et le Président de la République prévoit une visite en 2009. Sur le contentieux des avoirs gelés avec l'Irak, l'essentiel est réglé (Mme Nathalie Goulet s'exclame) mais certains biens sont encore gelés parce qu'ils appartiennent soit à des Irakiens qui n'ont pas réglé leurs dettes dans le cadre du programme pétrole contre nourriture soit à d'anciennes personnalités du régime baasiste, notamment deux villas cannoises.

Je remercie tous les orateurs de leur contribution à ce débat. Je serai heureux de répondre à vos questions dans le cadre d'un débat dès janvier ! (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je remercie le ministre de sa concision. Si nous choisissons de prendre les amendements, c'est à la condition de la plus extrême brièveté afin que la séance ne soit pas suspendue après 13 heures 45. Chacun y est-il prêt ? (Assentiment)

M. le président.  - Nous poursuivons donc.

Examen des crédits

Article 35 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-199, présenté par Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Il s'agit de diminuer les crédits de l'action « Action de la France en Europe et dans le monde » de 500 000 euros afin de prendre acte de la suppression de certains ambassadeurs thématiques. Je suis prête à retirer l'amendement si M. le ministre s'engage à me communiquer la liste des personnels concernés.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Condition acceptée !

L'amendement n°II-199 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-200, présenté par Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - Le présent amendement a pour objet de diminuer les crédits de l'action « Action européenne » de 2,3 millions en supprimant la contribution française à l'Union de l'Europe Occidentale, organisation moribonde qui s'est autoproclamée parlementaire et qui sera rendue obsolète par la signature du traité de Lisbonne. Ces crédits financent les pensions et les retraites de cet aréopage... Le principe d'une dissolution est approuvé par le président de la commission de la défense du Parlement européen, laquelle assume en réalité les missions de cet organisme. Monsieur le ministre, si vous vous engagez à discuter avec les ministres des États parties au traité créant cet organisme, je suis prête à retirer l'amendement.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Avis défavorable : hélas !, la signature du traité de Lisbonne n'est pas pour demain !

L'amendement n°II-200 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-2, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Dans le cadre de la RGPP, l'État doit continuer de renégocier ces contributions aux organisations internationales, M. le ministre en a convenu. Cet amendement prévoit de supprimer la contribution à l'Union latine de 600 000 euros et de réduire les crédits dévolus à l'action « contributions internationales » du montant correspondant.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - D'accord sur le principe, mais je lui préfère les amendements identiques n°II-48 rectifié et II-188 rectifié qui nous permettent de conserver les crédits...

L'amendement n°II-2 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-203, présenté par Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet.  - C'est la victoire de l'optimiste sur l'expérience : il s'agit de diminuer les crédits de l'action « Réseau diplomatique » de 195 933 euros en supprimant la fonction d'ambassadeur auprès du Conseil de l'Europe, dont les travaux sont mal connus.

M. Jacques Legendre.  - Hélas !

Mme Nathalie Goulet.  - L'envoi d'un haut fonctionnaire ou d'un ambassadeur thématique suffirait.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Défavorable : ce fonctionnaire loge dans un bâtiment qui appartient à l'État français.

Mme Nathalie Goulet.  - Dans ce cas, pourquoi inscrire le montant du loyer ?

L'amendement n°II-203 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-47, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger comme suit l'intitulé du programme 185 « Rayonnement culturel et scientifique » de la mission « Action extérieure de l'État » :

Action culturelle et scientifique extérieure

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Il faudrait des termes plus conformes à la réalité mais un peu de temps serait sans doute nécessaire pour trouver la bonne rédaction.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Je suggère que l'on y travaille.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Bonne idée.

L'amendement n°II-47 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-48 rectifié, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Nous proposons de transférer 600 000 euros de la subvention à l'Union latine en faveur du « Plan pluriannuel pour le français dans l'Union européenne » et du programme « Français langue maternelle » (Flam). Ces deux programmes ont fait leur preuve.

M. le président.  - Amendement identique n°II-188 rectifié, présenté par M. Duvernois.

M. Louis Duvernois.  - Je milite pour la montée en puissance du programme Flam, dont l'utilité n'est plus à démontrer. Cette initiative, qui transcende les clivages politiques, coûte 200 euros par élève français pris en charge et 75 euros si l'on compte les non-nationaux. Cette dépense assure un retour sur investissement particulièrement appréciable, Flam s'adressant aux enfants localement scolarisés dans une autre langue, le double de ceux qui fréquentent nos établissements.

Je regrette de prendre un gage sur le dos de l'Union latine, car je suis très attaché à la coopération entre pays de langue romane. Mais cette structure est largement méconnue, ce qui incite à conduire une autre action sur le terrain, notamment avec le monde associatif.

Les 300 000 euros que je propose d'attribuer au programme Flam sont insuffisants : en 2008, il disposait de 310 000 euros.

En proposant que l'autre moitié des 600 000 euros économisés sur l'Union latine soit appliquée à la promotion du français au sein de l'Union européenne, nous soutenons une excellente initiative du Gouvernement et du Président de la République.

M. le président.  - Amendement n°II-209 rectifié, présenté par M. del Picchia, Mme Garriaud-Maylam, MM. Guerry, Cantegrit, Mme Kammermann, MM. Cointat et Frassa.

M. Robert del Picchia.  - Amendement d'appel, déjà déposé l'an passé, visant à rattacher au programme 151, les crédits de l'AEFE, qui figurent actuellement au programme 185, afin que tous les crédits de l'AEFE figurent dans un même programme.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - N'oublions pas le rayonnement culturel et l'accueil des enfants étrangers. Cet amendement d'appel aurait donc quelques inconvénients, mais j'ai compris qu'il devait inciter à la réflexion.

La commission est favorable aux deux amendements identiques.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Le Gouvernement aussi, bien qu'il préfère la souplesse de l'amendement n°II-48 rectifié pour l'utilisation des sommes économisées. J'ai bien entendu ce qu'a dit M. Duvernois.

Défavorable à l'amendement n°II-209 rectifié, car il faut laisser quelques ressources pour les inscrits locaux.

L'amendement n°II-209 rectifié est retiré.

Les amendements identiques n°II-48 rectifié et II-188 rectifié sont adoptés.

Les crédits de la mission « Action extérieure de l'État », modifiés, sont adoptés.

Articles additionnels avant l'article 56

M. le président.  - Amendement n°II-15, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Dans le huitième alinéa de l'article L. 1615-7 du code général des collectivités territoriales, les mots : « sur la période 2003-2008 » sont remplacés par les mots : « sur la période 2003-2010 ».

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Pour l'essentiel, les arguments ont été exposés.

J'ajouterai toutefois que la situation actuelle est fondée sur une simple instruction, dont deux dispositions restent inappliquées à ce jour : la prise en compte des revenus familiaux et le plafonnement des frais de scolarité pris en charge par l'AEFE. Nous n'innovons guère...

L'amendement garantit la gratuité en terminale, première et seconde, mais demande une étude pour aller au-delà.

Il importe de corriger certains effets pervers, car des distorsions insupportables font actuellement prendre en charge, dans une même ville, par exemple 16 000 euros au lycée franco-américain et 12 000 euros au lycée La Pérouse de San Francisco. C'est intenable !

M. le président.  - Sous-amendement n°II-214 rectifié ter à l'amendement n°II-15 de M. Gouteyron , au nom de la commission des finances, présenté par MM. Ferrand, Jacques Blanc, Bourdin, Mme Bout, MM. Cambon, Carle, Cazalet, César, Deneux, Mme Dini, MM. Dulait, Fourcade, Gaillard, Garrec, Chistian Gaudin, Jacques Gautier, Mme Nathalie Goulet, MM. Gournac, Lefèvre, Longuet, du Luart, Pozzo di Borgo, Mme Procaccia, MM. Revet, Trucy, Braye, Amoudry, Richert, Adnot et François-Poncet.

Compléter le I du A de l'amendement n°II-15 par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 31 mars 2009, un rapport précisant les conditions dans lesquelles les économies ainsi réalisées sont affectées au financement de bourses à caractère social pour les enfants français scolarisés à l'étranger.

M. André Ferrand.  - Lorsqu'il était candidat, le Président de la République a généreusement promis d'assurer la gratuité des études au lycée. Il a tenu cet engagement.

Mais le candidat souhaitait aussi réduire fortement les coûts d'inscription dans le primaire et le secondaire. Il est temps ! Le conseil d'administration de l'AEFE s'est réuni hier. L'agence est pressurée par la compensation très partielle des cotisations de pension : le déficit initial de 6 millions atteindra 15 ou 20 millions, puis évoluera crescendo. En outre, elle fait face à la dévolution du patrimoine immobilier de l'État, transmis sans dotation correspondante. Les frais de scolarité augmenteront donc inévitablement, au détriment de certains enfants. L'objectif fixé par le Président de la République est qu'aucun enfant français ne soit exclu de notre système d'enseignement pour des raisons financières ou géographiques.

La communauté scolaire attend que le Sénat fasse un geste conforme aux recommandations du Livre blanc, aux conclusions de la commission de réflexion sur l'avenir de l'enseignement français à l'étranger et des États généraux de l'enseignement français à l'étranger. Ainsi, les sommes économisées grâce au double plafonnement alimenteront, par un jeu de vases communicants, les dotations de bourses en faveur des familles à la situation financière difficile.

M. le président. - Amendement n°II-45, présenté par M. Trillard, au nom de la commission des affaires étrangères.

Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La prise en charge par l'État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger ne peut excéder un plafond fixé par décret, pris après avis de l'Assemblée des Français de l'étranger. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles le niveau de revenu des familles est pris en compte pour l'obtention de cette prise en charge.

II. - L'éventuelle extension de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger à d'autres classes que celles de seconde, de première et de terminale est précédée d'une étude d'impact transmise au Parlement, établissant le bilan financier de la prise en charge des classes de lycée, et déterminant les modalités du financement de son extension à de nouvelles classes.

M. André Trillard, rapporteur pour avis.  - Cet amendement est analogue à celui présenté par la commission des finances.

M. le président.  - Amendement n°II-187, présenté par M. del Picchia, Mmes Garriaud-Maylam, Kammermann, MM. Cantegrit, Cointat, Duvernois, Frassa et Guerry.

Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les conditions et modalités d'application de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français inscrits dans les classes de lycée des établissements d'enseignement français à l'étranger telles qu'issues de la réglementation en vigueur sont fixées par décret, établi sur la base d'un bilan complet de cette mesure après sa mise en application aux classes de seconde. Ce décret entrera en vigueur, pour les trois classes de lycées, pour les inscriptions de la rentrée de septembre 2010.

II. - Sur la base des résultats de l'application du décret aux classes de lycée, une étude d'impact sera réalisée pour l'extension éventuelle et progressive de cette prise en charge aux classes de collège des établissements d'enseignement français à l'étranger.

M. Robert del Picchia.  - Avec sagesse, M. le ministre a proposé de faire en septembre le bilan du dispositif.

Je ne vois pas pourquoi nous devrions dès maintenant prendre cette décision. Peut-être faudra-t-il aller plus loin que le double plafonnement actuel... A terme, nous parviendrons au résultat souhaité : le cumul de la prise en charge gratuite et d'un système de bourses. Nous sommes dans la phase finale de ce projet, et nous pouvons bien attendre six mois de plus.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - La commission n'a pas pu examiner le sous-amendement présenté par M. Ferrand, mais il est tout à fait dans l'esprit de notre amendement.

L'amendement de la commission des affaires étrangères est presque identique au nôtre, et peut-être M. Trillard pourrait-il le retirer ?

M. André Trillard, rapporteur pour avis.  - Je le retire.

L'amendement n°II-45 est retiré.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - En ce qui concerne l'amendement de M. del Picchia, nous n'avons pas de divergence de fond. Mais nous pensons que les grands principes doivent être fixés par la loi. Un moratoire sera d'ailleurs toujours possible : le décret d'application ne sera pas publié avant le mois de septembre, et il tiendra compte des spécificités de chaque pays. Je ne crois pas qu'il y ait là, de notre part, aucune précipitation. Il faut prendre dès maintenant nos précautions afin d'assurer l'équité et la pérennité de cette mesure.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Je dois marcher sur des oeufs... Sur le fond, nous sommes d'accord. A partir du mois de septembre, les trois années de lycées seront gratuites. Ce qui nous différencie, ce sont les modalités de fixation du plafond. Un moratoire permettrait d'étudier la question des bourses. Le résultat auquel nous voulons tous aboutir, c'est la gratuité associée à un régime de bourses plus juste, conformément au voeu du Président de la République et, je crois aussi, de la gauche.

Je propose donc à la commission des finances une modification, légère, de son amendement. Pourquoi ne pas parler d'une réflexion sur le montant des bourses au cours d'un moratoire ? Nous nous attellerons à partir du mois de septembre au problème des bourses, une fois acquise la gratuité du lycée, et je m'engage à présenter dans les plus brefs délais, devant la représentation nationale, un texte déterminant leurs conditions d'attribution.

Nous avons dû attendre un an et demi avant d'aborder ce sujet, tentons d'harmoniser à présent nos positions !

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Je marche moi aussi sur des oeufs mais je ne vois pas ce que l'on risque en conservant la rédaction actuelle de l'amendement, qui est assez souple pour que l'on se donne le temps de la réflexion.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - A mon grand regret, je me vois alors contraint d'émettre un avis défavorable.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, rapporteur pour avis.  - En tant que représentante des Français de l'étranger, membre du conseil d'administration de l'AEFE, je soutiens chaleureusement les amendements de MM. Gouteyon et Ferrand.

Le sous-amendement n II-214 rectifié ter est adopté.

L'amendement n°II-15, ainsi sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°II-187 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°II-234, présenté par Mme Nathalie Goulet.

Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le 15 mars de chaque année, la liste des ambassadeurs thématiques accompagnée de leur grade ainsi que les charges afférentes à leurs missions.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement est satisfait par les engagements de M. le ministre, et je le retire.

L'amendement n°II-234 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-235, présenté par Mme Nathalie Goulet.

Avant l'article 56, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est créé au sein du ministère des Affaires Étrangères une direction des ressources humaines chargée de valider les candidatures des fonctionnaires et agents servant dans les postes diplomatiques et d'apprécier notamment leurs compétences linguistiques.

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement, que j'avais déjà déposé dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, tend à créer une direction des ressources humaines au sein du ministère des affaires étrangères.

M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial.  - Il s'agit d'une mesure de bon sens mais elle relève du règlement et non de la loi. Je vous invite donc à le retirer.

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Même avis. Il existe déjà une direction des ressources humaines au ministère...

Mme Nathalie Goulet.  - Je serais ravie de faire un stage auprès de ce service pour voir comment il fonctionne...

M. Bernard Kouchner, ministre.  - Vous êtes la bienvenue, madame !

L'amendement n°II-235 est retiré.

La séance est suspendue à 13 h 40.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 15 h 45.

Administration générale et territoriale de l'Etat

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » et les articles rattachés 56 à 58.

Orateurs inscrits

Mme Michèle André, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les crédits de paiement de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » diminuent de 1,3 %.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ça commence mal...

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Cette mission est au coeur de la révision générale des politiques publiques avec notamment : une centralisation au sein des préfectures du contrôle de légalité, une redéfinition du rôle des sous-préfectures ainsi qu'une réorganisation des services de l'État aux niveaux régional et départemental. Le nouveau système d'immatriculation des véhicules entrera également en application en 2009, avec notamment une nouvelle plaque d'immatriculation où figurera, sur un espace très réduit, le numéro d'un département et le logo d'une région, laissés au choix du propriétaire du véhicule. Ces réformes se traduisent par une réduction des effectifs de la mission de 733 équivalents temps pleins travaillés (ETPT).

De profondes mutations devraient, dans les années à venir, caractériser l'administration territoriale et les métiers au sein des préfectures et des sous-préfectures connaîtront de grands bouleversements. Il conviendra d'attacher une grande attention aux missions d'accueil qui doivent être remplies dans ces lieux publics, notamment dans les services des étrangers, et de veiller au choix, à la qualification et à la formation des personnels devant assurer cet accueil et souvent amenés à prendre en charge des publics difficiles.

Le programme « Administration territoriale » enregistre une hausse de 1,2 % de ses crédits de paiement. Son principal enjeu, en 2009, sera l'entrée en application des titres sécurisés, le règlement européen de décembre 2004 imposant le passage au passeport biométrique avant le 28 juin 2009. L'entrée en vigueur de ces titres, fabriqués par l'Imprimerie nationale, est placée sous la responsabilité de l'Agence nationale des titres sécurisés Le décret du 13 avril 2008 a délégué aux mairies l'enregistrement des demandes de passeports biométriques, ainsi que la prise de photo et d'empreintes digitales. Cela s'inscrit dans un contexte de contentieux entre l'État et les mairies en matière de délivrance de titres depuis 2001 et la commission des finances proposera deux amendements sur ce point.

L'autre enjeu de ce programme réside dans une éventuelle reconfiguration de la carte préfectorale. L'adaptation du réseau des sous-préfectures doit préserver la qualité du service public, assurer la présence de l'État au plus près des attentes des élus et des citoyens et privilégier le pragmatisme et les réalités locales.

L'expérimentation de Chorus permettra de tester cet outil de gestion budgétaire et comptable dans deux régions mais on ne peut que regretter le retard pris dans son déploiement au sein des administrations, l'aboutissement de ce projet n'étant désormais prévu, au mieux, que pour 2010.

Le programme « Vie politique, cultuelle et associative » enregistre une chute de 49 % de ses crédits de paiement, très forte baisse qui ne fait que refléter l'évolution du cycle électoral. L'analyse de la performance de ce programme permet d'établir un classement des opérations électorales en fonction de leurs coûts. Ainsi, le coût moyen par électeur inscrit ressort à 4,60 euros pour les élections présidentielles, à 3,73 pour les cantonales, à 3,37 pour les élections législatives, à 2,98 pour les européennes, à 2,86 pour les municipales et à 0,11 euro pour les sénatoriales.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas cher ! (Sourires)

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Le programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » voit ses crédits de paiement croître de 12 %. Une ombre plane toutefois sur ce programme. En effet, au 31 juillet 2008, le rythme des dépenses liées aux frais de contentieux était en hausse de 65 % par rapport à 2007. On peut donc s'inquiéter, d'une part, du respect de l'autorisation budgétaire accordée sur l'exercice 2008 pour l'action n°6 « Conseil juridique et traitement du contentieux » et, d'autre part, d'une éventuelle sous-évaluation de ce poste de dépense pour 2009. Il est aussi permis de s'interroger sur le devenir du contentieux indemnitaire concernant la gestion des cartes nationales d'identité et des passeports par les communes : 336 requêtes étaient en cours au 1er septembre 2008.

Sous ces réserves, la commission des finances propose au Sénat l'adoption des crédits de cette mission et de chacun de ses programmes. (Applaudissements à droite)

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - La mission propose une réorganisation des services déconcentrés de l'État, ce que nous comprenons. Mais pourquoi être si jacobin et appliquer sur tout le territoire un schéma unique d'organisation des services ? La France est diverse, et ce qui convient à un département de I'Ile-de-France n'est pas nécessairement adapté à un département de montagne. Pourquoi ne pas laisser le préfet de région, dont la réforme consacre l'autorité, le pouvoir de décider de la meilleure organisation de ses services ?

La commission a bien noté votre engagement de ne pas supprimer de sous-préfectures dans les zones fragiles. Toutefois, si la sous-préfecture est maintenue, le sous-préfet, lui, peut disparaître, remplacé par un conseiller d'administration qui, si je comprends bien, assurera les mêmes fonctions mais pour moins cher. Le conseiller d'administration permet ainsi de contourner le statut et les avantages du corps préfectoral. Il perd notamment le logement de fonction. Mais dans un arrondissement de montagne, du fait des distances et parfois des intempéries, la présence de l'État, et donc de l'action publique, risque d'être affaiblie dans des moments difficiles.

Le contrôle de légalité va être centralisé en préfecture de département. L'expertise juridique y est peut-être plus fine. Mais le bon contrôle de légalité est celui qui s'accompagne d'un dialogue avec l'élu local. La centralisation ne nuira-t-elle pas à ces échanges ? Et que devient le rôle de conseil aux communes ?

Nous comprenons le souci de proximité invoqué pour expliquer le transfert des passeports biométriques aux mairies. Mais les sous-préfectures auraient pu s'en charger ! En outre, le transfert s'est opéré sans fondement légal. Comment a-t-on pu commettre une telle erreur de droit il y a trois ans? Et pourquoi ne l'avoir pas réparée plus tôt ? L'État est aujourd'hui condamné, depuis l'arrêt du Conseil d'État « commune de Versailles », à indemniser les communes ! Quant aux 3 200 euros versés forfaitairement à chaque commune, ils ont été calculés au temps passé. Vous avez mis huit minutes à Fontainebleau...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur.  - A Chantilly !

M. Alain Anziani, rapporteur pour avis.   - ...pour obtenir un passeport. Il m'a fallu vingt minutes à Mérignac. Je suis certainement moins doué que vous. Mais mon passeport n'était pas pré-emballé ; et j'ai dû suivre toutes les étapes, formulaire à remplir, reconnaissance optique des caractères, etc. La commission des lois soutient donc l'amendement de la commission des finances à ce sujet.

Permettez-moi une appréciation personnelle : les mesures proposées traduisent toutes un repli de l'État, qui intervient après les réformes de la carte judiciaire et des implantations de la défense nationale, après la disparition de bureaux de poste, après une baisse des dotations aux communes. Il faudrait nous interroger sur l'organisation territoriale que nous voulons ensemble promouvoir ; et lier la réforme des services déconcentrés de l'État à celle, annoncée, des collectivités locales. A mon sens, les relations entre l'État et les collectivités locales sont plus délicates que les relations entre les différents niveaux de collectivités ! La commission des lois propose l'adoption de ces crédits. (Applaudissements au banc des commissions) Pour ma part, à titre personnel, je m'y refuse. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce budget, comme l'ont excellemment dit nos rapporteurs, marque une chute très importante des effectifs.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Cela est vertueux.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Elle s'explique en partie par un transfert à l'Agence nationale des titres sécurisés mais aussi par le non-remplacement de 70 % des départs en retraite. Madame la ministre, l'objectif fixé est de 50 % : vous faites du zèle ! Ainsi, 733 départs ne seront pas compensés et au total, 800 emplois sont supprimés. Est-il réaliste de faire fonctionner des préfectures et sous-préfectures avec des effectifs à ce point réduits ? Les 800 agents accomplissaient des tâches utiles et je rends hommage à l'ensemble du personnel qui effectue un travail remarquable, toujours plus lourd et toujours plus compliqué.

Dans les services qui gèrent les populations étrangères -pour les formalités relatives aux titres de séjour en particulier-, les conditions de travail sont devenues terribles et les demandeurs font la queue dès cinq heures du matin. Il est impératif d'améliorer la situation, c'est une question de dignité. Mais comment le faire avec si peu d'agents ?

La réorganisation des services de l'État, me semble-t-il, cède à des modes : par exemple, il faut réduire le nombre de directions et l'on fusionne donc environnement, aménagement, logement... soit dit en passant, qu'est devenu l'équipement ? J'aime à penser que l'on équipe mon pays ! Au plan départemental, on crée une direction des territoires avec des compétences si diverses que l'on aurait aussi bien pu se contenter d'une direction unique : cette solution aurait eu au moins le mérite de la simplicité ; vous auriez été, madame la ministre, la championne de la RGPP ! Désormais, il y aura deux directions : la direction départementale des territoires, qui va s'occuper de tout, de la culture à l'équipement, et la direction départementale de la protection des populations, qui regroupe police et services vétérinaires, coupés, eux, de l'agriculture ! Il y aura également une direction « facultative », celle de la cohésion sociale. Serait-elle nécessaire dans certains départements seulement ?

Je crains des embrouillaminis, une confusion générale, une abstraction, des effets de mode. Le bénéfice attendu sera-t-il au rendez-vous ? (Applaudissements à gauche)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Les crédits de la mission sont en baisse. Cela est dû, comme le souligne la commission des finances, à la révision générale des politiques publiques. Les missions des préfectures et sous-préfectures vont être profondément modifiées : centralisation du contrôle de légalité, réorganisation des services de l'État, réduction des effectifs. Le Gouvernement veut diminuer les dépenses publiques et la RGPP est son atout maître pour y parvenir -au prix d'une moindre présence de l'État dans les territoires. Fermetures de tribunaux d'instance et de grande instance, de conseils de prud'hommes, de casernes et, bientôt, de services hospitaliers. A quoi s'ajoute la réforme des sous-préfectures.

L'arrêté du 20 mai 2008 a annoncé le remplacement de 115 sous-préfets par des conseillers d'administration, en attendant la suppression progressive de certaines sous-préfectures. Les conseillers ne seront pas soumis à des astreintes le week-end : que se passera-t-il si une catastrophe naturelle se produit en fin de semaine ? Dans certains territoires, les missions de service public seront réduites à leur strict minimum, au détriment des populations. Mme André s'en inquiète également. Elle note dans son rapport que « dans les zones rurales, montagneuses ou isolées, cette présence de proximité, de conseil et de contrôle que représentent les sous-préfectures demeure nécessaire et doit absolument être garantie ».

Néanmoins, je doute que le Gouvernement suive ce conseil. Nous connaissons ses motivations : la réforme territoriale a été amorcée en 2007 avec le rapport Attali qui proposait de supprimer le département. L'Assemblée nationale s'est emparée du sujet, sa commission des lois proposant dans son rapport Pour un big bang territorial de fusionner le département et la région. Nous attendons aussi les conclusions de la mission d'information sénatoriale et celles la commission Balladur. Le Gouvernement procède aujourd'hui, par anticipation, à une réorganisation administrative. Nombreux sont les élus sceptiques sur la réforme envisagée.

Il est également envisagé de ne plus assurer le contrôle de légalité dans les sous-préfectures et de ne plus y effectuer la délivrance des titres, la RGPP prévoyant une centralisation du processus au sein des préfectures, recentrées de surcroît sur les actes les plus importants, tandis que les sous-préfectures se verront affecter une mission de conseil aux collectivités territoriales.

Pourtant, les lettres d'observations adressées, en amont, par les services préfectoraux permettent aux collectivités d'édicter des actes juridiquement solides, tandis que le contrôle exercé sur les budgets locaux permet de prévenir les risques financiers. Le service rendu ne sera plus le même. La mission de conseil risque de s'estomper au profit d'un contrôle essentiellement répressif. Toutes ces orientations suscitent réprobation et inquiétude : nous voterons contre ces crédits pour 2009. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Je veux vous dire, madame la ministre, ma profonde préoccupation de voir la RGPP s'appliquer à l'administration territoriale de l'État. La suppression de 733 équivalents temps plein travaillé porte un véritable coup de hache à l'administration préfectorale qui va subir, avec cette logique d'économie financière à courte vue, une restructuration qui met en cause le service public.

Vous parlez, madame la ministre, de modernisation, alléguant le raccourcissement des distances et la dématérialisation des procédures. La vérité est que vous supprimez le département comme échelon déconcentré de plein droit pour le remplacer par la région. Car la RGPP, ce n'est pas autre chose : la régionalisation de l'État et la sous-préfectoralisation du département.

Des voix autorisées n'ont pas manqué de s'exprimer pour dire qu'il existe un niveau de trop. Pour la commission Attali, c'était le département, non pas comme échelon déconcentré mais comme collectivité. Vision technocratique car je vois mal en quoi les compétences de proximité qui lui sont confiées, notamment en matière sociale, seraient mieux exercées au niveau de la capitale régionale, souvent distante de plus de 100 kilomètres.

En fait, avec la RGPP, c'est le préfet de région qui devient le vrai patron des départements. L'essentiel des services de l'État est regroupé au niveau de la région en huit nouvelles directions. Ne subsisteront, dans les départements, que deux unités, l'une en charge des territoires, l'autre de la protection des populations et, là où on l'aura jugé utile, de la cohésion sociale. Si j'en crois l'expérimentation menée dans le territoire de Belfort, je puis vous dire que la fusion de la DDE et de la DDA s'est traduite par une perte de compétences qui conduit les communes à se tourner de plus en plus vers des bureaux d'étude privés, souvent plus coûteux.

A ces deux unités territoriales de plein droit s'ajouteront ce qui restera des inspections académiques, un pôle finances publiques et un pôle sécurité. Bref, une véritable cure d'amaigrissement, brutale, des services déconcentrés.

Le préfet de région disposera d'un pouvoir d'évocation sur toutes les affaires. Dans la mesure où il restera préfet de son département, on peut s'interroger sur l'impartialité de ses arbitrages, tant il est vrai que l'on décide souvent selon les critères du lieu où l'on habite.

Avez-vous réfléchi, madame la ministre, à la marginalisation de plus de 70 départements périphériques, où la présence de l'État est ressentie comme une protection contre l'oubli et le délaissement ?

Il sera loin le temps où l'on pouvait dire après Napoléon : « De la création des préfets date le bonheur des Français ». (M. Jean-Pierre Sueur apprécie) Car le préfet assure, dans son département, un équilibre que la décentralisation a rendu encore plus nécessaire. C'est lui qui réunit, sur tel ou tel dossier brûlant, les parties prenantes, lui qui écoute et sait faire entendre de sages conseils, lui qui arbitre en cas de désaccord, avec l'assentiment de tous, tant son prestige reste grand. A condition qu'on ne lui retire pas tous ses moyens et qu'on ne le transforme pas en simple boîte postale de la préfecture de région ! La logique d'économies a prévalu sur la notion de service public. Le préfet aménageur disparaîtra, restera le préfet policier, même si ce n'est pas, dans ma bouche, une injure.

Les curseurs se déplaceront inévitablement vers les chefs-lieux de région : les directeurs régionaux aspireront vers eux les personnels, ne laissant que peu de moyens aux unités territoriales. Comment seront résolus, alors, les conflits sociaux à l'autre bout de la région ? La cohésion sociale ne pourra qu'en pâtir.

Dans les préfectures périphériques bientôt déclassées, l'État vendra ses immeubles et regroupera ses services, tandis que dans les chefs-lieux de région, on construira des cités administratives. Curieuse conception de l'aménagement du territoire ! Ne détricotez pas trop vite, madame la ministre, un réseau qui assure le contact sur le terrain !

Vous prévoyez de surcroît de substituer un vague conseil au contrôle de légalité. Sachez que le risque de glissement de l'État de droit n'est pas mince si la vigilance se relâche.

Toutes ces dispositions doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2010. Mais rien n'est irréversible, contrairement aux déclarations de M. Woerth en conseil des ministres. Il n'est pas trop tard pour prévoir des garde-fous. Gardez-vous de tout régionaliser sous prétexte de mutualiser.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Vos services produisent un travail de qualité, mais la réforme a besoin d'un oeil politique, celui du ministre de l'intérieur, ministre de l'État par excellence, pour que demeure sa présence sur le territoire. Evitez-vous de regretter des décisions prises à la hâte. (Applaudissements au centre, sur les bancs socialistes et au banc des commissions)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - Quel État voulons-nous pour les décennies à venir ?

Je souhaite, pour ma part, un État moderne, c'est-à-dire un État capable de protéger ses citoyens face à des risques de plus en plus complexes et imprévisibles, un État de proximité capable d'agir au plus près des attentes, et enfin un État qui affirme sereinement son autorité et sa présence sur tous les territoires.

Le budget 2009 nous permettra de répondre à cette triple exigence.

Oui, madame Mathon-Poinat, les crédits sont en diminution. Oui, monsieur Sueur, les personnels aussi. C'est que nous tirons les conséquences, qui ne l'avaient pas été, de la décentralisation, du développement des nouvelles technologies, de la dématérialisation du contrôle de légalité, qui libèrent un grand nombre de fonctionnaires.

Dès mon arrivée place Beauvau, j'ai voulu apporter au ministère une capacité d'anticipation et de prévention des crises. La création de la délégation à la prospective à la stratégie, celle de la direction de la planification de sécurité nationale, la désignation du secrétaire général comme haut fonctionnaire de défense s'inscrivent dans cette perspective. Un centre de coordination interministériel de crise sera mis en place mi-2009, dans les locaux que vous connaissez, monsieur Chevènement. La mise en place, au 1er septembre 2008, de la délégation générale à l'outre-mer regroupe, pour plus d'efficacité, les services de l'ancien ministère de l'outre-mer.

Je veux rapprocher l'État et le citoyen -en attente, quoi que l'on en dise, de son autorité. Pour refonder la relation, il faut une administration plus sûre, plus réactive, plus proche. Un dispositif de pré-plaintes en ligne est en cours d'expérimentation ; la mise en place des nouvelles cartes grises facilite les démarches ; la délivrance nouvelle des titres prend en compte les exigences de cohérence, de clarté et de proximité de l'action publique. Des dizaines de milliers de faux papiers conduisent à des fraudes mais aussi à des captations d'identité aux conséquences parfois dramatiques. Il est temps de mettre en oeuvre des titres sécurisés. Je commencerai par les passeports. Mme le rapporteur sait qu'il y a un mois, à Chantilly, j'ai délivré le premier passeport biométrique. Au 1er juillet prochain, ils seront généralisés. La nouvelle carte d'identité offrira des garanties de sécurité, notamment pour les transactions sur internet.

Pour donner à ces titres sécurisés l'environnement juridique approprié, face à des inquiétudes légitimes, je déposerai un projet de loi au premier trimestre 2009.

L'immatriculation des véhicules sera plus simple et plus rapide : elle pourra se faire chez tous les garagistes. J'ai entendu les inquiétudes sur la disparition de la référence départementale et décidé de rendre obligatoire l'identifiant territorial.

Les nouveaux titres d'identité sécurisés seront complètement déployés en 2009. J'entends régler le contentieux né, je le rappelle, en 2001 (M. Jean-Claude Peyronnet s'exclame), de l'erreur commise par le gouvernement d'alors qui avait choisi la voie réglementaire. C'est cette question de procédure qu'ont sanctionnée les tribunaux. J'ai beaucoup travaillé avec l'Association des maires de France et son président pour parvenir à une solution équilibrée, qui vous sera soumise lors du prochain collectif.

L'indemnisation concerne seulement le travail effectué pour les demandes de passeports extérieures à la commune. L'évaluation du coût en est difficile, car nous manquons de référence ; nous le préciserons l'an prochain, en concertation avec les élus, au terme de l'expérimentation. Je propose dès maintenant de porter l'indemnisation forfaitaire versée à chaque commune de 3 200 à 5 000 euros. Quant au nouveau titre d'immatriculation des véhicules, la redevance et la taxe en couvrent les frais de fabrication par l'agence nationale et l'envoi aux usagers.

Un État moderne et efficace doit être présent sur l'ensemble du territoire, j'y suis particulièrement attachée. Nous recentrons les préfectures sur leurs missions essentielles. Dans les régions, l'organisation de l'État se calquera sur l'organisation ministérielle : le préfet de région pilotera les politiques publiques avec l'aide de huit directions.

L'administration départementale reposera sur la préfecture, la direction départementale de la population et de la cohésion sociale, la direction départementale des territoires, l'inspection d'académie, la direction départementale des finances publiques et les services chargés de la sécurité intérieure. Cette logique de regroupement correspond à l'esprit de la Lolf...

Monsieur Chevènement, il n'y a pas de « sous-préfectoralisation » des départements. Le préfet demeure le responsable de la sécurité des citoyens, je veux qu'il soit, pour le président du conseil général comme pour celui du conseil régional, un interlocuteur fort, crédible et unique. Ce n'est pas le regroupement des moyens des DDE et des DDAF qui ont entraîné une déperdition de compétences. L'appel aux bureaux d'études privés est la conséquence de la réglementation et de la jurisprudence européenne.

Les allégements d'effectifs correspondent, en fait, aux transferts de compétence.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et pour l'accueil des étrangers ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Une direction départementale de la cohésion sociale pourra être créée, mais là où ce sera nécessaire : je me déplace dans tous les départements, certains connaissent des tensions, d'autres non ; ce sera au préfet de proposer la création d'une telle direction. Avec M. Jégo, nous avons demandé que le même travail soit effectué outre-mer. J'ai déjà examiné plusieurs propositions, le Premier ministre tranchera.

Je suis très attachée aux sous-préfectures ; il n'est pas question d'en fermer une seule : l'État n'abandonne aucun territoire. En revanche, ma responsabilité politique est de tenir compte de l'évolution des missions ainsi que de celle des technologies : le monde n'est plus celui qu'il était il y a cinquante ans ! Les fonctions évoluent, il faut en tenir compte. Ensuite, le rôle de conseil juridique, celui que demandent les maires de petites communes confrontés au fouillis législatif, ne se confond pas avec le contrôle de légalité.

Cependant, lorsque la sous-préfecture se situe dans la banlieue d'une grande agglomération -des paquets de sous-préfectures se situent à trois kilomètres d'une préfecture-, les élus et les citoyens s'adressent déjà plutôt à la préfecture ; on peut alors envisager de transformer la sous-préfecture en un lieu d'accueil du public, avec notamment un bureau d'accueil des étrangers.

Je veux tordre le cou à une idée fausse : cela n'a rien à voir avec la possibilité de confier certaines sous-préfectures soit à un sous-préfet soit à un conseiller d'administration. Monsieur Anziani, je ne sais pas si vous fixez l'autorité d'un fonctionnaire à sa voiture ou à son logement ; de toute façon, rien n'est encore arrêté. Mais je suis choquée d'entendre dire qu'un conseiller d'administration serait un sous-préfet au rabais. Il s'agit plutôt d'une promotion professionnelle des meilleurs parmi les conseillers d'administration, qui sont des cadres expérimentés ; un directeur de cabinet préfectoral sur quatre est déjà conseiller d'administration, et personne ne s'en plaint ! Nous étendons le champ de leur promotion professionnelle ; cela va dans le sens de la demande des élus qui veulent des sous-préfets au fait des dossiers. Ces conseillers d'administration -qui sont soumis aux mêmes astreintes que le corps préfectoral- en savent souvent davantage que les jeunes sous-préfets frais émoulus de l'ENA ! C'est l'ancien professeur de droit qui le dit...

Sur tous ces sujets, j'associerai les élus, comme je l'ai toujours fait.

Enfin, ce nouvel État territorial ouvre des perspectives aux fonctionnaires du ministère de l'intérieur. La qualification d'abord. Avec ce budget, nous requalifions 1 100 emplois supplémentaires dans les préfectures, ce qui est très important pour la reconnaissance concrète de la qualité des fonctionnaires. L'aspect indemnitaire, ensuite : un accent particulier sera mis sur la prise en compte des résultats individuels et collectifs dans la rémunération des agents. La promotion sociale, enfin : l'accent est mis sur la formation, l'individualisation des parcours, la prise en compte de l'adéquation du profil et du poste au service de nos concitoyens.

Ce budget nous permet de restaurer un lien de confiance entre l'administration, l'État et le citoyen. Le temps d'une administration distante, routinière et kafkaïenne est bel et bien révolu ! La logique technocratique doit céder le pas à une logique démocratique. Ce n'est pas aux administrés de s'adapter aux besoins de l'administration mais à l'administration de s'adapter aux besoins des administrés ; ce budget nous en donne les moyens. (Applaudissements à droite)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-239 rectifié, présenté par MM. Philippe Dominati, Beaumont, Bécot, Bernard-Reymond, Bizet, Jacques Blanc, Paul Blanc, Mme Bout, MM. Braye, Cambon, Carle, Cointat, Mme Descamps, M. Doublet, Mme Bernadette Dupont, MM. Fouché, Fourcade, Mme Gisèle Gautier, MM. Gournac, Grignon, Mmes Henneron, Hermange, MM. Houel, Humbert, Huré, Mme Lamure, MM. Laurent, du Luart, Lefèvre, Mayet, Milon, Mmes Papon, Procaccia, M. Revet, Mme Sittler, M. Lardeux, Mme Bruguière, MM. Juilhard, Longuet, Leclerc et Paul.

Retirer 2 407 932 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement du programme « Vie politique, cultuelle et associative »

M. Philippe Dominati.  - Les partis politiques jouent un rôle essentiel dans la démocratie, ils sont un lieu de débat pour les militants et d'éducation politique. Ils doivent être exemplaires : c'est pourquoi nous proposons qu'ils participent à l'effort d'économie des dépenses publiques.

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Notre système d'aide publique aux partis politiques nous est envié par nos partenaires. Depuis 1995, l'autorisation d'engagement n'a pas été modifiée : 80,2 millions. Or, cette somme n'est pas atteinte car une partie en est retenue comme sanction, pour non-respect de la parité : un peu plus de 7 millions en moyenne depuis 2003, avec un léger mieux depuis l'an dernier, avec 5,4 millions, ce dont se félicite la nouvelle présidente de la délégation aux droits des femmes.

Je comprends votre souhait mais une concertation directe avec les responsables des partis politiques irait de soi avant de prendre une telle décision. Les partis, dont l'existence est inscrite dans la Constitution, sont précieux pour la démocratie.

Je souhaite donc un retrait de cet amendement avant une concertation cohérente.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Une procédure est prévue dans l'article 8 de la loi de 1988 : une telle proposition doit être faite conjointement au Gouvernement par les bureaux des deux Assemblées. J'ajoute que tous les partis ne sont pas représentés au Parlement, alors qu'il faudrait les associer à une telle mesure... Retrait ?

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je me réjouis que la position de la commission ait été formulée par la présidente de la délégation aux droits des femmes. C'est elle qui a fait remarquer que moins les partis respectaient la parité et plus ils contribuaient aux recettes de l'État. (Sourires) Ce qu'il en coûte aux partis de ne pas respecter la parité rapporte plus au budget de l'État que ne le ferait cet amendement. Celui-ci ne pourra prendre tout son effet que lorsque la parité sera pleinement effective.

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Dans cinq ans ?

M. Philippe Dominati.  - La concertation est donc lancée...

L'amendement n°II-239 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-193, présenté par le Gouvernement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Cet amendement tire les conséquences du transfert des agents ayant opté pour la fonction publique territoriale et qui, tout en exerçant leurs fonctions dans les services du ministère, participent à l'exercice des compétences transférées aux départements au titre du revenu minimum d'insertion et du fonds de solidarité logement.

Cette annulation de crédits est compensée par une part de taxe intérieure sur les produits pétroliers, conformément à un amendement adopté en première partie.

M. le président.  - Le transfert se fait-il bien à l'euro près ?

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Je ne me hasarderai pas sur ce terrain. Je me borne à constater que c'est bien un amendement de conséquence.

L'amendement n°II-193 est adopté.

M. le président. - Amendement n°II-240 rectifié, présenté par MM. Gilles, Jean-Claude Gaudin, Cambon, Gouteyron et Ferrand.

M. Adrien Gouteyron.  - L'enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité électroniques va concerner 2 000 nouvelles communes en 2009. Cela représente un coût supplémentaire en termes de personnel, de moyens de sécurisation et de fonctionnement. Pour compenser cette charge nouvelle, l'État leur attribue une dotation d'un montant global de 6,34 millions. Preuve qu'elle est insuffisante, la commission des finances propose de la porter à 12 millions ; nous proposons de porter cette dotation à 18 millions.

Le chiffre de 6,34 millions a été calculé par les services de l'État, qui ont estimé à dix minutes le temps de traitement d'une demande de titre sécurisé. Or, les premières communes ayant expérimenté ces nouvelles stations d'enregistrement parlent de trente minutes.

M. le président.  - Amendement n°II-26, présenté par Mme M. André, au nom de la commission des finances.

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Je souhaite défendre en même temps l'amendement n°II-13.

M. le président. - Amendement n°II-13, présenté par Mme M. André, au nom de la commission des finances.

Supprimer cet article.

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Les titres d'identité devront comporter une photo conforme à dix-sept critères, les empreintes digitales des deux index, une puce stockant nombre d'informations. Ainsi seront-ils conformes au règlement européen du 13 décembre 2004. La dotation attribuée aux communes pour couvrir ces frais supplémentaires est calculée sur la base d'une évaluation à dix minutes du temps passé pour la confection de ces documents. Les maires estiment plutôt ce temps à trente minutes, en comptant l'accueil, la prise de la photo et le retrait du passeport, qui fait à nouveau l'objet d'un contrôle. Ils jugent donc la dotation insuffisante, d'autant que les frais de sécurisation des locaux ne sont pas pris en compte. J'étais ce matin à la mairie de Chantilly pour voir comment cela se passait.

Estimant que la dotation de 6,34 millions est insuffisante, la commission des finances propose un mécanisme à double détente : supprimer l'article 58 -c'est l'objet de l'amendement n°II-1-- et créer un nouveau programme abondé de 12 millions en autorisations d'engagement et en crédits de paiement : c'est l'objet de l'amendement n°II-26. Cet abondement provient d'une réduction de crédits à l'action 2 « Garantie de l'identité et de la nationalité, délivrance de titres » du programme « Administration territoriale ». Cette action comprenant 676,8 millions, la suppression porte sur 1,8 % de ses crédits.

Cette solution s'appuie sur les nombreux échanges que nous avons eus avec l'Association des maires de France ainsi qu'avec votre cabinet, madame la ministre. Elle ne règle pas tous les problèmes, à commencer par la perte de revenus que subiront les photographes professionnels, mais elle ébauche une réponse à l'inquiétude des communes devant un transfert de charge non compensé. Un projet de loi est indispensable pour régler cette affaire !

Ce n'est pas faire preuve d'impertinence que s'interroger sur la pertinence du dispositif imaginé par le ministère : il aurait été plus logique de laisser cette compétence aux préfets et sous-préfets, avec ou sans casquette. Je ferai un contrôle sur pièce et sur place en 2009.

L'amendement de M. Gouteyron ? Qui peut le plus peut le moins : si son amendement est adopté à défaut du nôtre, ce n'en sera que mieux.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Pourquoi n'avoir pas laissé cette compétence aux préfets et sous-préfets ? Parce qu'il n'y a que 100 préfectures et 240 sous-préfectures, soit bien moins que les 2 000 communes actuelles ; et il y en aura plus par la suite ! La proximité est donc assurée.

Notre calcul n'est pas fondé sur dix mais sur quinze minutes. Et ce matin, à Chantilly, il me semble que cela n'a pris que neuf minutes...

Je veux bien que les opérations prennent parfois plus de temps mais une demi-heure, cela me paraît vraiment beaucoup.

Je suis prête, cela dit, à procéder à une évaluation après quelques mois, de sorte que la charge soit justement compensée, par exemple pour les personnes extérieures à la commune. Je propose déjà de passer de 3 200 à 5 000 euros. Je vous suggère de vous rallier à l'amendement du Gouvernement, les vôtres ayant en outre l'inconvénient de ne prévoir la dotation que pour 2009, alors que nous la souhaitons pérenne. J'ajoute que les crédits que vous supprimez aux préfectures l'ont déjà été...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je remercie le Gouvernement d'avoir pris en compte nos préoccupations. L'indemnisation des municipalités nous paraissait trop contrainte. Il faudra sans doute une expérimentation pour mieux l'évaluer. Certaines municipalités vont délivrer peu de titres, et d'autres bien plus, qui devront mobiliser des moyens importants. Il y aurait une injustice à ce qu'elles perçoivent toutes la même contribution. Il serait sans doute judicieux de prévoir une part forfaitaire pour toutes et un complément en fonction du nombre de titres délivrés. Les 5 000 euros que propose le Gouvernement sont assez proches de ce que souhaite la commission des finances, étant entendu qu'une évaluation sera nécessaire.

Se posera ensuite la question du devenir des sous-préfectures, qu'il faut aborder sans tabou à la veille de la réflexion sur l'organisation territoriale. On peut s'interroger sur leur présence physique dès lors qu'elles ne délivreront plus les titres d'identité et que le contrôle de légalité sera centralisé en préfecture -ce qui n'exclut pas le maintien des sous-préfets. Il y a des sous-préfets, collaborateurs compétents du préfet, qui assurent la présence de l'État et les relations avec les collectivités territoriales ; et puis d'autres, venus par exemple de la magistrature, qui ne font que leur mobilité et dont on peut se demander s'ils peuvent être d'emblée opérationnels... J'ajoute que les mairies vont devoir recruter pour la délivrance des titres ; sans doute certains personnels des sous-préfectures seront-ils moins sollicités... L'année 2009 sera l'occasion de réfléchir à toutes ces questions.

M. Adrien Gouteyron.  - Je me rends aux arguments du Gouvernement, en particulier celui relatif à la pérennité de la dotation. Je suis prêt à retirer mon amendement si la commission fait de même.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je suis prête à un débat sur les sous-préfectures. Si je suis très attachée à leur présence là où elles sont la marque, parfois la dernière, de l'autorité de l'État, les situations sont diverses, qu'il faut regarder au cas par cas.

Quant à la dotation, elle est déjà modulée puisque l'indemnité est proportionnelle au nombre de machines installées.

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - Le Gouvernement propose une dotation calculée sur la base de 5 000 euros par machine. Cette solution de compromis peut être acceptée, sous réserve que nous puissions procéder au fil du temps à une évaluation. (Mme Michèle Alliot-Marie, ministre, le confirme) La commission retire son amendement, mais restera vigilante.

Les amendements nosII-240 rectifié et II-26 sont retirés.

M. le président.  - Je mets aux voix les crédits de la mission.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - L'amendement gouvernemental qui abonde de 10 millions la dotation de compensation aux communes pour la délivrance des titres sécurisés sera présenté lors de l'examen de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ; il tirera les conséquences du vote de l'article 58 que s'apprête à amender le Gouvernement.

Les crédits de la mission « Administration territoriale de l'État », modifiés, sont adoptés.

Article 56

I.  -  Après l'article 955 du code général des impôts, il est inséré un IV ainsi rédigé :

« IV.  -  Carte nationale d'identité

« Art. 960.  -  En cas de non-présentation de la carte nationale d'identité en vue de son renouvellement, celui-ci est soumis à un droit de timbre dont le tarif est fixé à 25 €. »

II.  -  A l'article 955 du même code, après les mots : « Les passeports, », sont insérés les mots : « les cartes nationales d'identité, ».

III.  -  Le produit du droit de timbre mentionné à l'article 960 du code général des impôts est affecté à l'Agence nationale des titres sécurisés.

M. le président.  - Amendement n°II-245, présenté par M. Jarlier et les membres du groupe UMP.

Compléter le III de cet article par les mots :

dans la limite de 12,5 millions d'euros

M. Pierre Jarlier.  - Cet amendement précise le montant des recettes affecté à l'Agence nationale des titres sécurisés, la gestion des droits de timbre étant globale.

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - La somme proposée correspond à l'estimation du produit des droits. Avis favorable.

L'amendement n°II-245, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 56, modifié, est adopté.

Article 57

I.  -  Après l'article 955 du code général des impôts, il est inséré un V ainsi rédigé :

« V.  -  Certificat d'immatriculation des véhicules

« Art. 961.  -  I.  -  La délivrance du certificat d'immatriculation d'un véhicule neuf ou d'occasion est soumise à un droit de timbre dit « taxe pour la gestion des certificats d'immatriculation des véhicules » dont le montant est fixé à 4 €.

« II.  -  Les 3 et 4 de l'article 1599 octodecies et l'article 1599 novodecies A s'appliquent à la taxe pour la gestion des certificats d'immatriculation des véhicules.

« III.  -  Le droit de timbre mentionné au I est perçu selon les modalités applicables à la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules mentionnée à l'article 1599 quindecies. »

II.  -  Au premier alinéa de l'article 1599 quindecies du même code, après le mot : « régions », sont insérés les mots : « et de la collectivité territoriale de Corse ».

III.  -  Au 1 du I de l'article 1599 sexdecies du même code, après le mot : « région », sont insérés les mots : « ou la collectivité territoriale de Corse » et, après les mots : « conseil régional », sont insérés les mots : « ou du conseil exécutif de Corse ».

IV.  -  A l'article 1599 novodecies du même code, après les mots : « conseil régional », sont insérés les mots : « ou le conseil exécutif de Corse ».

V.  -  A l'article 1599 novodecies A du même code, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « ou le conseil exécutif de Corse peuvent ».

VI.  -  Le produit du droit de timbre mentionné à l'article 961 du code général des impôts est affecté à l'Agence nationale des titres sécurisés.

VII.  -  L'article 961 du même code est applicable à Mayotte.

M. le président.  - Amendement n°II-244, présenté par M. Jarlier et les membres du groupe UMP.

I. - A la fin du III de cet article, remplacer les mots :

du conseil exécutif

par les mots :

de l'assemblée

II. - Dans les IV et V de cet article, remplacer les mots :

le conseil exécutif

par les mots :

l'assemblée

M. Pierre Jarlier.  - Nous rectifions une erreur matérielle : l'organe délibérant de la collectivité de Corse est l'Assemblée de Corse.

L'amendement n°II-244, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article 57, modifié, est adopté.

Article 58

Le chapitre V du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Dotation relative à l'enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurisés

« Art. L. 2335-16.  -  Il est institué une dotation annuelle de fonctionnement en faveur des communes équipées d'une ou plusieurs stations d'enregistrement des demandes de passeports et de cartes nationales d'identité électroniques, appelée ?dotation pour les titres sécurisés?.

« Cette dotation forfaitaire s'élève à 3 200 € par an et par station en fonctionnement dans la commune au 1er janvier de l'année en cours.

« Ce montant évolue chaque année, à compter de 2010, en fonction du taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement.

« Pour chaque station installée entre le 1er janvier et le 28 juin 2009, la dotation versée au titre de 2009 est fixée à 1 600 €. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mme Virginie Klès, sénatrice d'Ille-et-Vilaine, a dû se rendre dans son département ; elle m'a demandé de la suppléer.

Il n'est pas question de revenir sur l'obligation de mise en place des passeports biométriques en juin 2009. Mais le règlement européen date du 13 décembre 2004. Pourquoi a-t-on tant attendu ?

Le tout sans concertation avec les maires, ni objectif affiché à moyen terme, ni prise en compte réelle du coût des nouvelles procédures.

Dès le 1er janvier 2009, les particuliers subiront une première augmentation de 29 à 30 euros, un second coup de pouce n'étant pas exclu lorsque ces nouveaux titres seront disponibles. En revanche, l'expérimentation ne comportait à l'origine aucune indemnisation pour les 2 000 communes qui assumeront la compétence pour tout le monde...

L'inquiétude concernant la compétence juridique des maires semble levée depuis peu.

Reste l'illusion du volontariat des maires. Rendons hommage au travail des services de l'État : la démographie, l'importance relative des communes, la prise en compte de particularités locales ont conduit à un maillage territorial tout à fait pertinent ! Comment expliquer à nos concitoyens que le passeport ne sera plus rendu dans leur mairie mais ailleurs, selon des critères sans rapport avec l'aménagement du territoire ? Dans quelles conditions un maire, à l'issue de l'évaluation promise dans un an, pourra-t-il sortir du dispositif ou y entrer afin de satisfaire un besoin réel pour son territoire en sachant que les engagements de l'État seront tenus ?

Enfin, le surcoût semble largement sous-évalué, même après l'amendement proposé par la commission des finances. Peut-on espérer que sera pris en compte le travail accompli par quelques communes volontaires, qui ont calculé un coût brut annuel de fonctionnement plus proche de 20 000 euros annuels que de 3 200 ou même 6 400 ? Comment appréhenderez-vous les nécessaires réorganisations des services communaux ? L'indemnisation au coût réel à l'acte sera-t-elle étudiée ? Le dossier des cartes nationales d'identité sera-t-il ouvert rapidement, une large concertation avec les maires devant aboutir enfin à un réel consensus ne faisant pas fi du personnel municipal ?

L'amendement n°II-13 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-385, présenté par le Gouvernement.

I. - Au deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2335-16 du code général des collectivités territoriales, remplacer le montant : « 3 200 euros » par le montant : « 5 000 euros ».

II. - Au dernier alinéa du même texte, remplacer le montant : « 1 600 euros » par le montant : « 2 500 euros ».

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - J'ai déjà largement répondu à la question posée par le truchement de M. Sueur.

Bien sûr, les maires peuvent revenir sur leur décision de participer ou non au dispositif.

L'amendement n°II-385 réévalue considérablement la dotation forfaitaire, qui passe de 3 200 euros à 5 000, soit une augmentation de 56 %. La dotation versée en 2009 pour les stations installées entre le 1er janvier et le 28 juin 2009 est relevée dans la même proportion, passant de 1 600 euros à 2 500.

Mme Michèle André, rapporteur spécial.  - La commission est favorable et vigilante, pour accompagner et soutenir l'action du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Quelle sollicitude !

L'amendement n°II-385 est adopté.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Au cours de la première partie, Mme André a proposé de moduler le droit de timbre sur le passeport, selon que le citoyen vient avec une photo d'identité ou s'en remet à un appareil de l'État. L'amendement a été voté mais n'a pas survécu à une deuxième délibération. Nous souhaitons réexaminer ce sujet à l'occasion du collectif afin de le régler avant le 1er janvier.

Relations avec les collectivités territoriales et Compte spécial « Avances aux collectivités territoriales »

M. le président.  - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et le compte spécial « Avances aux collectivités territoriales ».

Orateurs inscrits

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales ont fait l'objet de nombreuses interventions en première partie, à l'occasion du débat sur les collectivités territoriales.

Conformément à ce que souhaitait le Gouvernement, nous avons ajusté en première partie l'augmentation de la DGF et intégré le FCTVA au sein de l'enveloppe fermée, car il n'y a plus d'enveloppe « normée ».

Dans ce contexte budgétaire tendu, je souligne deux points positifs : par dérogation, cette enveloppe progressera d'un demi-point plus vite que l'inflation ; l'intégration des recettes des fonds départementaux de taxes professionnelles atténue la baisse des variables d'ajustement.

Comme je l'ai dit la semaine dernière, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » porte sur un aspect très limité des concours de l'État, soit 2,4 milliards d'euros en 2009.

Le programme 119 « Concours financier aux communes et groupements de communes » augmente de 6,45 %, pour atteindre 739 millions, avec l'intégration de la dotation forfaitaire « Titres sécurisés » et de la dotation de développement urbain.

Le programme 120 « Concours financier aux départements », qui rassemble 484 millions, augmente légèrement avec le transfert de certains immeubles classés au titre des monuments historiques, de la dotation générale de décentralisation (DGD) fluviale en faveur de la Guyane et de la DGD en faveur des ports maritimes.

Le programme 121 « Concours financiers aux régions » baisse de 2,88 %, car la subvention d'exploitation des services régionaux de la SNCF diminuera de 82,7 millions d'euros.

Enfin, le programme 122 « Concours spécifique et administration » progresse de 54 %, car 102 millions d'euros destinés à l'outre-mer étaient précédemment inscrits dans une autre mission.

La quasi-totalité de tous ces crédits correspond à des dotations dont l'évolution et la répartition sont déterminées par la loi. Tel est le cas des trois premiers programmes portant sur la dotation générale de décentralisation, la dotation globale d'équipement et la dotation de développement rural. De même, le programme 122, constitué essentiellement d'aide exceptionnelle et des crédits de fonctionnement de la direction générale des collectivités territoriales, laisse une marge de manoeuvre d'autant plus réduite que, depuis le 1er janvier 2008, les emplois de cette direction générale ont été transférés à la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Le compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales » a été institué par la loi de finances pour 2006 pour retracer les concours en trésorerie dont bénéficient les collectivités territoriales en difficulté, ainsi que les avances sur les recettes fiscales des collectivités territoriales.

Plus de 86 milliards d'euros transiteront en 2009 par ce compte, dont l'examen appelle des observations positives. Tout d'abord, l'amélioration des indicateurs de performance est très sensible. Ainsi, 100 % des versements réalisés en 2008 par le comptable ont eu lieu à la date prévue. Ensuite, le ministère du budget a précisé les règles de fonctionnement du compte d'avances, à la suite du contrôle budgétaire conduit en 2007 par mon prédécesseur, M. Mercier. Au total, l'État a pris en charge un déficit annuel moyen de 150 millions d'euros entre 2001 et 2007.

J'en viens aux articles rattachés.

Relatif à l'évolution de certaines composantes de la DGF, l'article 67 tend à préserver une marge en faveur de la péréquation. Je rappelle que la DGF subira une triple contrainte l'année prochaine : la progression des concours de l'État sera globalement limitée ; le recensement de la population sera pris en compte pour sa répartition ; l'évolution de l'intercommunalité interviendra encore. Chacun de ces éléments risque d'affaiblir l'effort de péréquation, après la hausse de 40 % enregistrée entre 2004 et 2008. L'article tend à améliorer le solde disponible en ralentissant la croissance des dotations forfaitaires et en minorant la bonification des dotations d'intercommunalité. Il est également proposé d'aménager certaines dotations de péréquation en réservant la DPU aux départements urbains dont le potentiel financier par habitant n'excède pas une fois et demie le niveau moyen.

Cette opération est neutre pour les régions : l'État ne compensera plus ce que les régions n'acquitteront plus.

L'article 69 atténue les effets de la diminution de la dotation de compensation de taxe professionnelle (DCTP) destinée à 256 communes défavorisées.

Les articles 70 et 71 sont relatifs à la péréquation en faveur des communes urbaines confrontées à de graves difficultés. Le plan de cohésion sociale prévoyait que la dotation de solidarité urbaine (DSU) serait augmentée de 120 millions d'euros par an entre 2005 et 2009. Le projet de loi de finances fixe cette progression à 70 millions d'euros ; cette solution, proposée à la suite de concertations avec les associations d'élus, est provisoirement satisfaisante. Mais il faut poursuivre notre réflexion et définir des critères qui garantissent une péréquation effective.

La dotation de développement urbain (DDU), nouvellement créée, est destinée à financer les projets d'aménagement et de développement urbains d'une centaine de communes prioritaires éligibles à la DSU. L'Assemblée nationale a prévu que les objectifs en fonction desquels cette dotation sera octroyée seront fixés chaque année par le Premier ministre après avis du conseil national des villes. Cela permettra d'associer les élus et garantira la transparence des choix. Mais la nature de cette dotation et les modalités de sa mise en place restent incertaines. Comment sera-t-elle intégrée à la politique de la ville ? Votre commission des finances vous proposera un amendement visant à établir un lien entre les conventions existantes, comme les contrats urbains de cohésion sociale et les nouveaux contrats donnant droit à la DDU.

L'article 72 prévoit de créer un fonds, doté de 5 millions d'euros en 2009, destiné aux communes souffrant de la restructuration des armées. Il n'est qu'un élément du plan d'accompagnement territorial de la restructuration des armées.

Enfin, votre commission des finances vous présentera un amendement tendant à insérer un article additionnel afin de prendre en compte, dans la répartition pour 2009 de la part « insertion » du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI), les expérimentations conduites en 2008 sur le revenu de solidarité active (RSA) et la réforme des contrats aidés et de permettre l'individualisation dans les comptes des départements des dépenses relatives au RSA.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits de la mission ainsi que les articles rattachés. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Lors du débat sur les recettes des collectivités territoriales, j'ai eu l'occasion d'évoquer les contraintes pesant sur les concours financiers de l'État, ainsi que l'impact des normes sur les finances des collectivités. Je m'étais félicité de la création d'une commission consultative d'évaluation des normes.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » regroupe des dotations budgétaires inscrites au budget du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Ses crédits atteindront environ 2,4 milliards d'euros en 2009. Mais cette mission n'est représentative ni des crédits budgétaires destinés aux collectivités, ni de l'ensemble des concours financiers de l'État. Certains crédits sont également inscrits au budget du ministère de l'économie, au titre de la dotation générale de décentralisation (DGD) relative à la formation professionnelle. En outre, 93 % des concours financiers de l'État consistent désormais en prélèvements sur les recettes de l'État, examinés la semaine dernière. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente donc que 4 % des concours financiers de l'État aux collectivités locales. L'État ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour près des trois quarts des crédits de cette mission, qui correspondent à des dotations dont la norme d'évolution et la répartition sont fixées par la loi.

Ce constat avait conduit l'année dernière M. Mercier, qui était alors rapporteur spécial de la commission des finances, à proposer la suppression de la mission. Cette proposition conserve cette année toute sa pertinence.

Si l'on additionne les crédits budgétaires et les prélèvements sur recettes affectés aux collectivités, les concours financiers de l'État atteindront, en 2009, 56,5 milliards d'euros environ. Leur progression fait désormais l'objet d'un encadrement pluriannuel et elle est limitée à l'inflation prévisionnelle.

Toutefois, il faut également tenir compte des subventions diverses versées par les ministères aux collectivités, des dégrèvements d'impôts locaux et de la fiscalité transférée, utilisée prioritairement depuis 2004 pour financer les transferts de compétences en direction des régions et des départements. Les contributions financières de l'État au budget des collectivités territoriales s'élèvent donc au total à 96,8 milliards d'euros.

Ce manque de lisibilité est fâcheux car il ne facilite pas la compréhension des relations financières entre l'État et les collectivités, qui sont déjà très complexes. On constate par ailleurs une dépendance accrue des collectivités à l'égard de l'État, ce qui tout aussi regrettable.

La péréquation et l'aide aux collectivités les plus défavorisées sont des fils conducteurs des articles 67 à 72. Une étude récente a montré que l'efficacité en termes de péréquation des dotations de l'État aux régions a progressé entre 2001 et 2006. En revanche, celle des dotations destinées aux communes et aux départements a régressé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas bien !

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis.  - En 2009, les effets de la péréquation seront limités par la progression modeste -de 2 %- des concours de l'État et par l'impact de la nouvelle procédure de recensement. (M. Jean-Pierre Sueur marque son approbation) Rappelons que la péréquation est un principe constitutionnel !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Tout comme l'autonomie financière des collectivités.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis.  - En cette période de crise, il n'est pas concevable que les collectivités qui rencontrent le plus de difficultés ne fassent pas l'objet d'un effort prioritaire.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est très bien dit !

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis.  - Merci, cher collègue. Je tiens donc à saluer l'ensemble des dispositions techniques prévues à l'article 67 pour conserver des marges de manoeuvre en ce qui concerne les dotations de péréquation, même si des aménagements pourraient encore être apportés ici ou là au projet de loi.

Je me félicite des efforts particuliers consentis en direction de cent villes particulièrement défavorisées et des communes touchées par les restructurations du ministère de la défense. Toutefois, les critères de répartition et d'évaluation de ces deux dotations restent à préciser.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois, consultée pour avis, s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - La présentation du budget des relations financières de l'État avec les collectivités territoriales est un exercice de camouflage.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Celui-ci est particulièrement réussi cette année. Le principe directeur de ce budget est la volonté d'associer les collectivités territoriales à l'effort de redressement des comptes publics, c'est-à-dire de les y contraindre.

Or le plan de relance destiné à lutter contre la crise économique et financière sera financé par l'endettement. En bruxellois, on dit que « le plan de relance tire pleinement parti de la flexibilité offerte par les règles de l'Union européenne en matière de déficits budgétaires nationaux, qui permettent aux gouvernements d'emprunter davantage de façon ponctuelle en cas de conjoncture difficile ». En bon français, je cite M. Sarkozy, « le plan de relance ne pèsera pas au-delà de 2009 car il est conçu pour être temporaire ». Le Gouvernement prévoit donc de revenir à la rigueur budgétaire à partir de 2011 ou 2012. C'est nous prendre pour des demeurés ! (Exclamations approbatrices à gauche) Les collectivités locales financement les trois quarts des investissements publics et, plutôt que de poursuivre un objectif illusoire de réduction des déficits en 2012, il conviendrait de les aider à financer la relance par des investissements dans les domaines de l'approvisionnement en eau, de la voirie et des transports. Ce ne sont pas les investissements utiles et sans effet négatif sur notre balance commerciale qui manquent !

Quant aux mesures destinées au logement social, faute de financement suffisant, elles sont purement homéopathiques. Ce budget est inadapté aux exigences de l'heure, et parfaitement surréaliste. Nous naviguons dans le brouillard, guidés par ces deux boussoles que sont la volonté de relancer l'économie et la crainte de l'inflation. M. Marini écrit lui-même dans son rapport que les objectifs fixés aux collectivités -une diminution du taux de progression des dépenses annuelles de 3,25 % à 1,25 %- étaient fantaisistes. Il ne faut pas être grand clerc, ajoute-t-il, pour comprendre que les collectivités seront contraintes d'augmenter leurs dépenses et leurs impôts entre 2009 et 2011 ; la rigueur affichée par l'État dans le calcul des dotations comporte donc « une grande part d'hypocrisie ».

Les collectivités locales ne sont nullement responsables de la dérive des finances publiques. Si la dette publique est préoccupante, ce n'est pas par son niveau mais par sa nature : elle sert à financer le fonctionnement de l'État plutôt que l'investissement, comme dans les collectivités. La dette de ces dernières représente seulement 11 % de la dette publique, celle de l'État 80 %. Comme le disait M. Séguin devant notre commission des finances, il est injuste de faire des collectivités locales un bouc émissaire.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il n'est question dans notre débat que des dépenses alors que le déficit est aussi le résultat de la réduction continue des impôts et des cotisations sociales, sans résultats probants sur l'emploi. Voilà le cadre dans lequel on enferme la discussion budgétaire.

Lorsque l'on entre dans le détail, la confusion savamment entretenue est encore plus grande. Comment peut-on, sans rire, répéter que la contribution financière de l'État aux finances locales s'élève à 96,8 milliards d'euros alors que 21,4 milliards consistent en recettes fiscales transférées pour compenser des transferts de charges, 20,4 milliards en remboursements de dégrèvements et d'exonérations fiscaux, 5,9 milliards en transferts liés au FCTVA, qui remboursent incomplètement la TVA payée par les collectivités, et 4,6 milliards en dotations et en fonds destinés à compenser des charges transférées ?

A strictement parler donc, « l'effort financier de l'État » n'est pas de 96,8 mais, au maximum, de 44,5 milliards. Au maximum, car la DGF est originairement la contrepartie de taxes communales captées par l'État : taxes locales sur la consommation -jusqu'à l'invention, juteuse pour l'État, de la TVA-, puis taxe sur les salaires, VRTS et enfin DGF. Vu le dynamisme de la TVA, il n'est pas sûr que les collectivités locales aient gagné au change. Quoi qu'il en soit, la taxe sur les salaires rapportant de l'ordre de 10 milliards, « l'effort financier » réel de l'État en leur faveur ne dépasse pas 34 milliards en 2009, soit 35 % du chiffre affiché.

Dire que la progression de la DGF s'inscrit dans le cadre d'un « contrat de stabilité » n'a aucun sens. Un contrat imposé n'est pas un contrat et une stabilité décrétée est une tromperie. Les concours de l'État aux collectivités sont censés progresser au rythme de leurs dépenses - plus 2 % selon une première boule de cristal gouvernementale, plus 1,5 % selon la dernière boule de cristal-, leur procurant un bonus de 275 millions. Sauf qu'à périmètre constant, la progression de « l'enveloppe normée » est de l'ordre de 0,7 à 0,8 %. Sauf qu'à périmètre constant -c'est-à dire sans la dotation de développement urbain, le fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées et la dotation pour les titres sécurisés-, les crédits de la mission sont identiques à ceux de 2008. Sauf que les prévisions d'inflation sont des plus fantaisistes. Taux d'inflation prévu pour 2008 : 1,6 % ; taux réalisé : entre 2,9 % et 3 %. Progression du « panier du maire » : 3,6 %.

Chaque année apporte ses innovations dans l'art du camouflage budgétaire. La plus réussie, c'est sans conteste l'introduction du FCTVA dans l'enveloppe « fermée ». En y faisant entrer les 2,5 milliards d'avances du plan de relance, on toucherait à la perfection ! Pour nous en tenir à ce que nous savons, en 2009, les apparences d'une progression du fonds indexée sur les investissements des collectivités - plus 12,8 %- sont sauves. Certes au détriment des compensations d'exonérations fiscales, mais on est si habitué à leur baisse régulière qu'on ne s'en aperçoit pas. La première étape d'une désindexation du FCTVA sur les investissements communaux vient d'être franchie. Comme pour la compensation de la part salaire de la taxe professionnelle (TP), désormais intégrée à la DGF, nul n'est besoin d'être devin pour prédire comment cela évoluera bientôt, non pas comme la contribution financière des collectivités à l'État mais comme le taux officiel de l'inflation.

L'innovation la plus admirable est cependant la « dotation pour les titres sécurisés», censée, en principe, compenser un transfert de charges. D'abord dans le calcul des 6,3 millions, seules les charges induites par les demandeurs extérieurs à la commune sont prises en compte. Ensuite, le coût réel de chaque opération est supérieur à l'estimation servant de base à la compensation. Mais l'astuce essentielle, c'est que la charge imposée n'est pas compensée par l'État mais par l'ensemble des collectivités puisque la dotation entre dans « l'enveloppe fermée ». Remarque qui vaut pour la dotation de développement urbain et celle accordée aux communes touchées par la disparition de leurs garnisons.

A l'issue de ses travaux, le congrès de l'AMF a demandé au Gouvernement de « recréer les conditions d'une nouvelle relation de confiance ».La toute première de ces conditions serait que celui-ci use enfin d'un langage vrai et cesse d'appeler « effort financier » des remboursements de taxes, des compensations de charges, de captations de recettes fiscales ou de diminutions de recettes, toutes imposées. Vous vous flattez de construire un État moderne. Un État moderne, c'est un État qui parle vrai. Tout le reste est rhétorique. Chacun peut mesurer le chemin à parcourir... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Ce projet de loi de finances est axé sur la maîtrise des dépenses publiques et la RGPP y produit des coupes claires. Aucun ministère, aucune administration n'échappe à ce plan drastique de réduction des dépenses publiques et de suppression de postes de fonctionnaires. Les collectivités territoriales ne sont pas épargnées. Mme Lagarde et M. Woerth font pression pour que les collectivités territoriales contribuent à la réduction des dépenses publiques. Argument qu'utilise le Gouvernement pour mettre fin au « millefeuille territorial ».

C'est dans ce but que l'Assemblée nationale a mis en place une mission d'information en novembre 2007, que le Sénat a fait de même en octobre dernier et que le Président de la République a missionné la commission Balladur le 22 octobre. Toutes ces initiatives semblent converger, sans surprise, vers une réduction du nombre d'échelons territoriaux afin de réaliser des économies... Le Gouvernement cherche à contraindre les collectivités à des solutions contraires aux intérêts des populations : soit une hausse de la fiscalité locale, soit une réduction de l'offre de services publics. Pourtant, la population attend davantage de services publics et s'adresse à ses élus locaux pour qu'ils répondent à ces besoins.

Les collectivités assurent 75 % des investissements publics du pays et n'entrent que pour 10 % dans la dette publique totale. Elles participent donc pleinement à l'économie et ne méritent pas le procès d'intention qui leur est fait. Lorsque les collectivités investissent, elles créent de l'activité économique et environ 800 000 emplois ont été maintenus dans le secteur privé grâce à leur implication financière. Ces investissements ne peuvent être considérés comme des dépenses excessives. Ils traduisent les efforts des collectivités en direction de leurs populations, particulièrement celles en difficulté.

Le Gouvernement se targue d'avoir maintenu une enveloppe globale de dotations en hausse de 2 % pour 2009. Cette augmentation n'est en réalité possible qu'en raison de l'intégration du fonds de compensation de la TVA dans les dotations que l'État accorde aux collectivités. Grâce à ce grossier tour de passe-passe, l'enveloppe globale de dotations sera en hausse de moins de 1 % seulement, au lieu des 2 % annoncés. C'est, ni plus ni moins, l'étranglement financier des collectivités territoriales qui est ici organisé, à un moment où elles doivent augmenter leurs interventions pour contenir les dégâts de la crise.

La situation risque de s'aggraver si le Gouvernement s'engage dans une réforme de la taxe professionnelle qui n'aurait d'autre objectif que de la supprimer. Le Président de la République et le Gouvernement prévoient déjà une exonération de la taxe professionnelle pour certaines entreprises. S'ils se sont engagés à compenser à l'euro près ce manque à gagner pour les collectivités, cette décision amorce un processus qui aboutira à supprimer la taxe professionnelle alors que le vrai problème réside avant tout dans la redéfinition de la base de calcul de cette taxe. Certaines entreprises ont des actifs financiers énormes, et cette richesse n'est pas comprise dans cette base de calcul. Notre groupe avait déposé une proposition de loi dès 2005 sur les finances locales. La prise en compte des actifs financiers des entreprises dégagerait les marges de manoeuvre répondant aux besoins de financement des collectivités locales. Mais le Gouvernement reste sourd à cet argument et ne met guère d'empressement à assurer des relations financières équilibrées entre l'État et les collectivités territoriales.

A cet égard, l'exemple de la DSU est frappant. Alors qu'un groupe de travail avait été mis en place au comité des finances locales pour étudier ses dysfonctionnements, le Gouvernement n'a pas attendu ses conclusions pour supprimer la DSU à 238 communes en excluant du dispositif le critère du logement social.

Les collectivités territoriales reflètent les besoins des populations. Les élus, qui procèdent du suffrage universel, peuvent légitimement décider leurs choix d'investissements. En cela, elles constituent des pôles de résistance à la politique du Gouvernement. Les élus ne sont pas de simples exécutants du Gouvernement, ils ne sont pas prêts à mettre en oeuvre sa politique au détriment de leur population.

Nous voterons contre les crédits de cette mission parce qu'ils traduisent la volonté du Gouvernement d'étrangler financièrement les collectivités. (Applaudissements sur les bancs CRC-SPG)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Compte tenu de la situation actuelle et des difficultés qui s'annoncent pour 2009 et 2010, je sortirai de la traditionnelle querelle sur les relations État/collectivités locales pour vous poser, madame la ministre, une question : comment les collectivités locales peuvent-elles contribuer à relancer l'appareil économique ?

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Bonne question ! (M. Jean-Jacques Jégou le confirme)

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Nous avons besoin de vous pour le faire. Le plan de relance contient quelques points positifs : le remboursement anticipé de la TVA, par exemple.

Les collectivités territoriales peuvent très rapidement -dans les trois mois- accélérer leurs investissements de petite envergure -les réaménagements d'écoles, de crèches, de centres sociaux- qui font travailler les petits entreprises. Le remboursement rapide de la TVA, s'il permet d'accélérer ces investissements, ne pourra qu'être profitable à ces entreprises.

Ensuite, le Gouvernement peut contribuer à raccourcir les délais administratifs pour l'octroi d'accords relatifs à des projets plus importants, relevant de financements croisés, parfois européens, ou nécessitant l'avis de l'organisme de surveillance des partenariats public-privé.

Peut-être pourriez-vous également accélérer l'intervention de l'organisme qui vérifie que les partenariats public-privé correspondent à l'éthique des services publics afin d'éviter que ceux-ci ne soient donnés aux « marchands » -selon la théorie actuelle du Conseil d'État.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Caricature !

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Il faut aussi simplifier les procédures afin d'alimenter les investissements et la trésorerie des PME qui travaillent avec les collectivités territoriales.

Ces dernières ont beaucoup recruté depuis la création des groupements de communes. Elles ne sauraient continuer sur cette lancée. En revanche, elles pourraient développer les contrats d'apprentissage, comme je l'ai fait dans la ville que je gérais, pour insérer avec succès des jeunes en difficulté dans la vie professionnelle. La rémunération des stages a enfin été régularisée : quelques centaines de jeunes qualifiés peuvent ainsi être employés pour des missions d'études, de contrôle et d'évaluation. Les partenariats universités-collectivités sont encore trop fragiles : le Gouvernement doit les renforcer.

En début de mandat, les nouveaux maires ont souvent la tentation d'augmenter une bonne fois et fortement les impôts, pour vanter en fin de mandat leur bonne gestion. La revalorisation de 2,5 % des valeurs locatives à laquelle vous procédez est une bonne chose ; elle contribuera peut-être à éviter une hausse des taux impôts locaux sur les ménages, qui pourraient avoir de graves effets sur le niveau de la consommation. Interdisez-vous les transferts de charges. A ce sujet, je salue le sérieux de la compensation concernant les passeports biométriques. Il ne faudrait pas que le blocage des dépenses dans les administrations oblige les collectivités à mettre la main à la poche pour tout ! Les commissariats de police, le plus souvent, ne paient pas de loyer à la commune mais réclament sans fin des travaux d'entretien.

Que l'État et les collectivités locales s'efforcent ensemble d'analyser les conséquences négatives de la mondialisation et de soutenir les PME ; les grandes entreprises, elles, ont d'autres possibilités. Le dialogue s'améliorera, pour peu que l'on n'impose pas aux collectivités territoriales, leurs budgets à peine votés, des modifications en tous sens. La stabilité est indispensable ! Voilà comment améliorer le climat entre l'État et les collectivités locales. Mon groupe vous fait pleinement confiance, madame la ministre, et votera vos crédits. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Les crédits de cette mission sont d'un montant limité, 2,4 milliards d'euros, soit 4 % seulement des concours aux collectivités. M. Mercier, en 2007, avait même proposé la suppression de cette mission... C'est pourtant l'occasion de porter un regard d'ensemble sur les relations entre l'État et les collectivités locales.

Vous entendez associer les collectivités à l'effort de maîtrise des finances publiques -c'est un euphémisme pour la réduction des dotations... Votre souci est approuvé sur les bancs de la majorité. Pour ma part je m'interroge sur la logique de votre politique. La dette des collectivités est de la bonne dette, selon la distinction que nous avons opérée récemment.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le cholestérol !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Du reste, M. Sarkozy a théorisé hier sans le savoir, comme M. Jourdain faisait de la prose, le concept de bonne dette. Son plan de relance, qui va surtout gonfler la trésorerie des entreprises et des collectivités, prévoit le remboursement par anticipation de 5 milliards d'euros sur le FCTVA. Et ce, pour susciter 2,5 milliards d'investissement. Mais le FCTVA est désormais inclus dans l'enveloppe normée et les dotations de l'État vont en conséquence baisser symétriquement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Exactement !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Donner et retenir ne vaut, dit un vieil adage... Nous avons eu un débat sur la nature des versements du FCTVA, remboursements ou dotations, et M. Woerth a rendu les armes, reconnaissant qu'il s'agissait du remboursement d'une dette. Les choses sont claires à présent. Mais il faudrait donc sortir ces remboursements de l'enveloppe normée !

Les collectivités recevront donc 5 milliards d'euros en janvier prochain. Mais peut-être préféreront-elles se désendetter ? L'effet n'est pas garanti sur l'investissement et le niveau de celui-ci en 2009 correspondra sans doute à ce qui était déjà prévu par elles. Le FCTVA est donc un mauvais levier pour la relance. C'est un serpent qui se mord la queue.

Les dotations d'ajustements seront réduites d'autant, la DCTP par exemple, même si, par un jeu d'amendements, elles baisseront de 14 % et non plus de 21 %, soit un gain de 100 millions. M. Marini explique que l'inclusion du FCTVA dans l'enveloppe normée ne diminuera pas les droits à remboursement de chaque collectivité qui investit : mais globalement, il y aura tout de même un effet systémique, l'investissement sera découragé.

Tout occupé à freiner l'investissement des collectivités, le Gouvernement se prend les pieds dans le tapis en prétendant accélérer des remboursements qui viennent en déduction de ses concours. Le président Arthuis a bien raison de dire que les versements du FCTVA ne doivent pas être subrepticement transformés en dotations.

Ce budget est essentiellement restrictif : l'enveloppe normée, outre le FCTVA, comprend aussi la dotation de développement urbain, le fonds d'accompagnement des communes touchées par les restructurations militaires -5 millions d'euros, une poignée de cacahuètes, qui ne coûte rien à l'État puisque ces sommes viennent en déduction de la DCTP...

La DGF et l'enveloppe normée progressent de 2 % : un cadeau, à 1,5 % d'inflation prévue et décrétée, mais attention, il n'y plus de régularisation a posteriori. Stabilisation ou recul des dotations : votre budget, je le répète, est essentiellement restrictif.

Quel sera l'effet sur la péréquation ? Moins 70 millions pour la DSU, moins 50 millions pour la DDU, qui viendront en déduction de la dotation forfaitaire, le minimum vital pour les communes.

La réforme de la taxe professionnelle inquiète les communes, les départements, et surtout les intercommunalités, qui constituent la réponse adéquate à cette spécificité qui fait de la France un pays composé de près de 36 000 communes : veillons à ne pas les priver des ressources dont elles ont besoin.

Nous aurons l'occasion de revenir sur les questions d'architecture territoriale, sur lesquelles j'ai quelques idées. J'aimerais, madame la ministre, que sur cette grande question du « millefeuille », vous nous annonciez un grand débat, comme l'a fait M. Kouchner ce matin pour ce qui le concerne. Le consensus l'exige. Quand y serez-vous disposée ? (Applaudissements sur les bancs socialistes et au centre)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il est temps d'en revenir à quelques principes simples. M. Fourcade n'a, tout à l'heure, pas hésité à admonester les élus locaux. C'est oublier le principe de l'autonomie financière et fiscale des collectivités locales. Les élus ont le droit de choisir la politique fiscale qu'ils estiment la meilleure pour le bien public.

On a inscrit dans la Constitution ce principe d'autonomie financière. Or, étant donné la part considérable des dotations de l'État dans leurs ressources, ce principe reste théorique. Étrange situation que celle qui fait du contribuable national le plus grand pourvoyeur de fonds des collectivités locales. Le débat n'est pas neuf, mais cette fois encore, madame la ministre, vous avez cédé à la tentation d'user des vieilles ficelles du métier... M. Collombat a été là-dessus éloquent. Vos prévisions sont fausses. Chacun sait que l'inflation ne sera pas de 2 % mais de 3 %. Ce seront donc 400 millions de moins pour la DGF. Personne n'est dupe, pas même vous.

Deuxième astuce, les périmètres à géométrie variable. Il faudrait presque faire chaque année un stage auprès de la direction générale des collectivités locales tant la comparaison devient rude : fonds de compensation de la TVA, prélèvement au titre des amendes forfaitaires, fonds de solidarité, fonds de soutien aux départements touchés par le redéploiement des armées : ce sont 300 millions de plus qui entrent ainsi dans le périmètre indexé sur l'inflation.

Troisième astuce, l'inéluctable dégénération de la dotation de compensation, qui sert de variable d'ajustement. La dotation générale de décentralisation ne compense plus ce qu'elle était censée compenser. Et que dire du sort remarquable de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, censée compenser toutes les réductions de taxe professionnelle décidées par les gouvernements successifs mais qui ne compense plus rien puisqu'on a décidé d'en faire une variable d'ajustement -à quoi elle ne suffit d'ailleurs plus. Au point qu'il est devenu absurde de parler de compensation.

Autre méthode éprouvée, la recentralisation. Je me réjouis des aménagements apportés au projet initial pour la DSU. Il eût été difficile de la réduire. Mais comme jadis, alors qu'existait au sein de la DGF une dotation touristique, insuffisante pour les communes si bien que le ministère de l'intérieur avait décidé d'en créer une seconde, le Gouvernement, au lieu de réformer la DSU pour améliorer la péréquation, ajoute une DDU qui fonctionne selon des critères qu'il a lui-même fixés. Estimant que la DSU prenait trop largement en compte les ZUF et les ZUS, il crée une nouvelle dotation qu'en plaçant sous la condition d'une signature de convention avec l'État, il transforme en une nouvelle forme de subvention.

Toutes ces roueries aboutissent à réduire le montant de la dotation de l'État, rogne sur l'autonomie financière des collectivités et la péréquation. M. Saugey a prononcé tout à l'heure une phrase forte : pour les communes, la péréquation régresse. Elle est pourtant la seule justification de toutes les dotations. Or, dans cette masse en régression, elle régresse. C'est absurde.

Il faut donc moins de dotations pour plus d'autonomie et, dans les dotations, plus de péréquation. Or, depuis des années, nous n'allons pas dans ce sens. Avez-vous l'intention d'agir dans cette direction ?

J'en viens à la fiscalité locale et aux valeurs locatives.

M. le président.  - Il faudra songer à conclure.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Dans quelques instants. Vous avez déclaré, il y a quelques mois, madame la ministre, que vous lanciez une réflexion sur cette réforme, attendue depuis des décennies. J'habite, à Orléans, le quartier de La Source : les habitants ne comprennent pas pourquoi les bases y sont plus élevées que dans les quartiers résidentiels ou du centre-ville. Il n'y a pas de réponse, sinon que, depuis trop longtemps, on n'a rien fait. Et je dis « on » à dessein.

Le rôle de l'État, monsieur Fourcade, est de dire que plus de justice fiscale est nécessaire. Le rôle du Gouvernement est de mettre fin par la loi à une injustice qui pèse sur les foyers les plus modestes. Une telle inégalité signe l'ardente nécessité de la réforme. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Adrien Gouteyron.  - J'ai beaucoup entendu le mot de péréquation. C'est avec beaucoup de conviction et d'inquiétude que je vais m'exprimer, madame la ministre, sur un sujet dont je ne suis pas un habitué. Le conseil général de Haute-Loire vient, comme les autres, de tenir son débat d'orientation budgétaire. Même si je n'en fais plus partie depuis quelques mois, je continue de suivre ce qui s'y passe. Or, ce qui s'y passe m'inquiète.

La péréquation départementale est organisée autour de deux dotations, la DPU et la DFM, la dotation de fonctionnement minimale. Elles font partie de la DGF mais prennent en compte le potentiel financier des départements dans la détermination des montants versés, visant ainsi un effet péréquateur. La DFM est attribuée aux départements qui ne répondent pas aux critères démographiques pour être éligibles à la DPU et dont le potentiel financier par habitant est inférieur à deux fois la moyenne des départements non urbains. Il résulte de ces critères également très larges que les départements non éligibles à la DPU bénéficient de la DFM. Le nombre de ses bénéficiaires a été élargi il y a quelque temps, avec cette conséquence que les bénéficiaires historiques ont été lésés.

Le comité des finances locales a décidé d'un taux d'évolution identique, à 6,94 %, soit 744 millions pour la DFM et 555 millions d'euros pour la DPU. Je n'ai guère l'habitude d'évoquer les situations particulières, mais je vais ici parler de la Haute-Loire.

En Haute-Loire, la dotation de fonctionnement minimale a progressé de 0,02 point seulement, contre 6,94 points en moyenne nationale. L'effet de péréquation est partout en recul : il serait passé de 50,6 % à 47,7 %, selon une étude récente du comité des finances locales.

L'article 67 resserre le seuil d'éligibilité de la DPU pour la rendre plus efficace, mais la DFM est inchangée. Madame la ministre, il faut prendre en compte la situation des départements ruraux. La Haute-Loire a le deuxième plus faible potentiel fiscal et elle est au 40e rang pour la DGF : comprenne qui pourra !

En Haute-Loire, l'APA coûte 60 euros par habitant, les droits de mutation rapportent 62 euros par habitant. Dans d'autres départements, que je n'identifierai pas, la relation est fort différente : 66 et 292 euros, 32 et 125 euros, 33 et 197 euros, ou encore 44 et 103 euros ; dans un seul département de ma liste, le déséquilibre est tout aussi grave que chez moi : 76 et 52 euros. Il y a donc bien un problème !

La péréquation est un acte de solidarité nationale auquel je crois, qui renforce la solidarité nationale et qui vaut pour les habitants et pour les collectivités locales ! (Applaudissements à droite, au centre et sur les bancs socialistes)

M. Georges Patient.  - Depuis la crise provoquée en Guyane par le coût excessif du carburant, le Gouvernement avance que le taux de la taxe sur les carburants y est trop élevé et qu'il doit être rabaissé au niveau des autres DOM. Le secrétaire d'État à l'outre-mer a jeté en pâture les élus du conseil régional et du conseil général, qu'il a qualifiés d'irresponsables parce qu'ils auraient refusé de prendre leurs responsabilités. Mais quelles responsabilités avez-vous prises, madame le ministre ? Celle consistant à faire pression sur la Sara, société qui détient le monopole de la distribution, pour baisser son prix de 30 centimes ? Ce prix est administré mais vous le jugez vous-même suspect puisque vous dépêchez sur place une « mission vérité des prix ». Vos propos témoignent d'un manque flagrant de respect à l'égard d'élus dont le seul tort est de ne pas être du même bord politique que vous. Mais ils révèlent aussi une méconnaissance de la question des finances locales de Guyane, voire d'une totale indifférence à l'égard de la situation financière de nos collectivités. Pourtant, le chef de l'État, en janvier dernier, soulignait que les collectivités locales devaient jouer pleinement leur rôle dans l'aménagement du territoire et qu'en Guyane, les critères d'adaptation de certaines dotations n'étaient pas suffisants. Ces dotations ne représentent que 20 % des recettes de fonctionnement contre 29,5 % en moyenne métropolitaine. Les recettes fiscales directes sont aussi beaucoup plus faibles, en raison de la situation économique de la Guyane, mais aussi en raison des exonérations particulières dont bénéficient le domaine privé de l'État, qui est propriétaire de 90 % du territoire, et une partie du secteur spatial. La fiscalité indirecte est le seul moyen pour les collectivités de suivre le rythme élevé des dépenses publiques, qui progressent de deux points plus vite que les recettes. Vous vous êtes engagée à nous accorder 10 millions sur les 16 millions du fonds exceptionnel d'investissement pour l'outre-mer : tant mieux pour la Guyane si vous tenez votre parole !

Il faut rééquilibrer les sections de fonctionnement pour redonner des marges d'autofinancement aux collectivités. Or, en leur demandant de diminuer le taux de la taxe sur le carburant, vous aggravez leur situation déjà fragile. Cette taxe sur les carburants leur est indispensable, tout comme l'octroi de mer. II faut donc revoir votre approche des finances des collectivités locales de Guyane. La solution ne saurait passer par des prêts de restructuration : certaines communes ne peuvent emprunter, faute de pouvoir rembourser. La véritable solution passe, comme le laissait entendre le Président de la République, par une révision des mécanismes de garantie, qui se fondent sur des critères peu opérants en Guyane. Il faudrait prendre en compte le revenu moyen par habitant, le nombre d'élèves scolarisés, la longueur de la voirie, le nombre de logements sociaux, la situation démographique, la superficie du territoire commercial, l'enclavement, les particularités géographiques ou encore le nombre de constructions scolaires. Le comité des finances locales, saisi par le Gouvernement, a éludé la question pour souhaiter des critères particuliers à l'outre-mer en général, en se déclarant favorable à une dotation spécifique. Le protocole d'accord de fin de conflit, signé entre le préfet et les responsables des collectivités territoriales de Guyane, prévoit un groupe de travail pour trouver, d'ici juillet prochain, des ressources pérennes adaptées à nos collectivités.

L'article 72-2 de la Constitution dispose que la loi prévoit des mécanismes de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales : la péréquation est un facteur essentiel de la cohésion. En 2006, les Guyanais ont contribué pour 1 713 euros aux dépenses publiques locales, contre 1 232 euros en métropole. Si l'État veut améliorer les finances locales en Guyane, il peut déjà réparer une injustice en supprimant le plafonnement de la dotation à la superficie. Cette dotation devait rapporter 27 millions à la Guyane, mais on a ramené la superficie de la région à 26 480 kilomètres carrés, alors qu'elle est trois fois plus grande ! Nous avons perdu plus de 18 millions !

Ce budget n'améliore pas les finances locales de Guyane, je ne le voterai pas ! (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - État et collectivités territoriales sont confrontés aux mêmes défis. Défi de la mondialisation (M. Pierre-Yves Collombat s'étonne) qui nous impose à tous des adaptations, tant nationales que locales ; défi de la crise financière...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Qui l'a créée ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - ...qui nous confronte à une restriction des liquidités et à une défiance qui supposent la mobilisation de tous ; défi du vieillissement démographique : le poids des dépenses de santé et de retraite devrait croître de plus de trois points de PIB entre 2005 et 2050.

Face à ces défis, il faut regarder loin. Ce projet de loi de finances fait le choix de la lucidité, de la responsabilité, du travail en commun. État et collectivités doivent préparer ensemble l'avenir du pays. Cela ne signifie aucune stigmatisation, madame Mathon-Poinat ! Moi aussi, je suis une élue locale.

Agir ensemble, cela implique une action commune pour maîtriser l'évolution des finances publiques, cela exige de moderniser ensemble la vie publique locale -c'est l'objectif que j'ai retenu pour cette mission. Elle propose un partenariat d'avenir, un partenariat de solidarité, mais aussi de responsabilité et de confiance.

Un partenariat d'avenir, c'est d'abord plus de solidarité. M. Jarlier l'a rappelé, je ne reviendrai donc pas sur l'évolution d'ensemble des concours financiers. Je rappelle simplement qu'ils progresseront de 2 %, soit 276 millions de plus que l'inflation. Dans cette évolution d'ensemble, j'ai choisi de soutenir particulièrement l'effort de solidarité envers les collectivités qui en ont le plus besoin.

Alors que l'inflation prévue -pas par moi !- serait de 1,5 %, j'ai tenu à ce que la DGF reste indexée sur 2 %. Elle progressera de 800 millions d'euros, soit 200 de plus que l'inflation. Les dotations de solidarité sont les premières à en bénéficier. Les aménagements de la dotation forfaitaire des communes augmenteront de 107 millions les dotations de solidarité.

L'indexation de la DGF permettra de prendre en compte le recensement de la population. Je réponds à M. Collombat que l'intercommunalité bénéficie elle aussi directement des effets du recensement, pour 32,4 millions d'euros. Pour que les communes dont la population a baissé d'au moins 10 % ne subissent pas une diminution trop brutale de la dotation forfaitaire, le Gouvernement a soutenu l'amendement proposé par la commission des lois et la commission des finances de l'Assemblée nationale.

J'entends les inquiétudes des maires qui souhaiteraient une prise en compte des recensements complémentaires réalisés après 2006, mais ce qui est donné d'un côté est pris de l'autre et l'on ne peut faire coexister des références différentes pour un même critère, ce serait créer une inégalité entre ces communes, selon la date du recensement. Le comité des finances locales a rappelé que donner un avantage à certaines collectivités se ferait au détriment des dotations de péréquation.

L'effort de solidarité sera plus efficace s'il est mieux ciblé. Le Président de la République a souhaité une réforme ambitieuse de la dotation de solidarité urbaine et j'ai proposé de concentrer les aides sur les communes qui en ont le plus besoin. Des élus dont les dotations baissaient ont considéré qu'ils ne pourraient pas faire un tel effort dès l'année 2009. J'ai entendu leur inquiétude. J'ai donc proposé un dispositif plus progressif, qui a été accepté à l'unanimité par les associations d'élus.

Dès 2009, une première étape sera franchie en faveur des 150 villes les plus en difficulté : elles bénéficieront de l'essentiel de la progression de 70 millions d'euros. Qui parle de baisse de la DSU ? (M. Pierre-Yves Collombat s'exclame) Pour les autres, 2009 sera une année de transition. J'ai déposé un amendement en ce sens ; il a été adopté par l'Assemblée nationale et vous est soumis.

Pour les départements, j'ai proposé de renforcer la solidarité à travers la dotation de péréquation urbaine. Elle est perçue aujourd'hui par les 33 départements urbains, dont 2 départements qui ont un potentiel fiscal important. Je propose d'aider davantage les plus défavorisés. La péréquation pour les départements ruraux n'est pas oubliée, monsieur Gouteyron. Elle bénéficiera des aménagements au sein de la DGF : le comité des finances locales pourra choisir une indexation forte pour la péréquation. La Haute-Loire n'est pas pénalisée par la réforme de 2005 : elle perçoit une dotation de fonctionnement minimale de 43 euros par habitant, contre une moyenne de 28, même si je ne méconnais pas les difficultés des départements ruraux.

Le groupe de travail avec l'association des régions de France n'a pas pu aboutir dans les délais de préparation du projet de loi de finances. Je regrette qu'un consensus n'ait pu voir le jour entre les régions.

Des dispositifs nouveaux seront mis en place pour répondre aux problématiques particulières de certaines communes. Les plus fragiles connaîtront une moindre baisse de leur dotation de compensation de la taxe professionnelle. Une dotation de développement urbain, ou DDU, est créée, pour aider à financer des équipements ou des actions de première importance. Son montant est de 50 millions.

J'ai bien entendu M. Sueur à propos des modalités d'attribution de cette nouvelle dotation : les critères d'attribution devront être discutés entre la préfecture et les élus locaux.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pour la DGF, on ne discute pas !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre  - C'est pour l'essentiel d'une dotation destinée à l'équipement que je parle. Où est la recentralisation ? Et il s'agit de 50 millions.

Monsieur Saugey, je souhaite qu'un partenariat soit établi avec la centaine de communes prioritaires. Elles seront identifiées en fonction de leurs ressources et de leurs charges.

Un fonds d'accompagnement de 5 millions est créé pour les communes qui, du fait des restructurations de défense, perdront une part importante de leur population. Sa durée couvrira la période nécessaire à l'adaptation de leur budget.

Monsieur Patient, vous souhaitez une aide plus soutenue pour les collectivités de Guyane. C'est le sens de la démarche engagée par Yves Jégo et moi-même, au travers du protocole sur le prix du carburant. C'est dans le cadre de ce protocole que nous poursuivrons notre réflexion sur les dotations des collectivités de Guyane. M. Jego a proposé un groupe de travail.

Un partenariat d'avenir passe par plus de responsabilité et de confiance. La responsabilité, c'est d'abord clarifier les compétences. Notre système est devenu complexe et coûteux. Redondances et confusion des compétences sont une source d'inefficacité et d'illisibilité. Le comité présidé par M. Balladur examine diverses voies dans un souci d'ouverture et de pluralisme.

Dès lors que les compétences seront clarifiées, il faudra en effet réajuster les ressources, trouver un système fiscal plus simple, plus lisible, plus responsabilisant qui corresponde mieux aux compétences exercées. C'est ainsi que sera mieux garantie l'autonomie des collectivités territoriales, qui doivent avoir pour l'essentiel la maîtrise de leurs ressources. Dès que la commission Balladur aura rendu ses conclusions, nous y travaillerons. La réforme des valeurs locatives, dont on parle depuis si longtemps...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Quarante ans !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - ...sera examinée dans ce cadre. Un groupe de travail associant les associations d'élus s'est d'ailleurs déjà réuni.

Il n'y a pas de vrai partenariat sans confiance, ni de confiance sans transparence.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Il faudrait que ça change !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Ce qui suppose de mieux associer les collectivités territoriales aux instances de pilotage et de décision. (On approuve à droite) Dans ce domaine, il n'a jamais été autant fait que depuis dix-huit mois...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ce sont des mots !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - ...qu'il s'agisse de la commission nationale des finances publiques ou de la commission consultative d'évaluation des normes chère à M. Lambert.

C'est également dans un souci de concertation, monsieur Chevènement, que j'ai proposé au comité des finances locales de réfléchir au fonctionnement du FCTVA. Il y a toujours intérêt à discuter. Je veux mieux soutenir l'investissement des collectivités locales parce que la politique de la croissance implique leur participation. Le Président de la République a totalement intégré cette vision dans le plan de relance qu'il a annoncé, où elles ont toute leur place. Elles bénéficieront d'un remboursement anticipé et définitif de la part du FCTVA à hauteur de 2,5 milliards d'euros. C'est un engagement fort de l'État, monsieur Chevènement. La réforme de la taxe professionnelle souhaitée par le Président de la République vise, de son côté, à soutenir l'investissement des entreprises, qui en seront exonérées pour les investissements qu'elles réaliseront entre octobre 2008 et le 1er janvier 2010.

Il y a peut-être pour certains une forme de contradiction entre un projet de loi de finances considéré par eux comme restrictif et le plan de relance. Mais l'important, c'est que, dans la crise actuelle, le Gouvernement garantisse 5 milliards de concours aux collectivités territoriales via les banques et la Caisse des dépôts. L'important, c'est que le Gouvernement ait veillé au risque des produits toxiques dans l'endettement des collectivités et à ce qu'elles ne manquent pas de financement du fait des banques. Tout cela fait l'objet d'un suivi permanent, une réunion s'est encore tenue hier. L'important, c'est que le Gouvernement ait mis en oeuvre un plan massif et d'effet immédiat pour favoriser l'investissement.

Le Président de la République et le Gouvernement ont réagi vite et fort de la façon que les Français attendaient. Il est dommage que l'opposition n'ait pas de propositions à faire.

M. Pierre-Yves Collombat.  - On peut en faire, si vous voulez !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je n'en ai entendu aucune.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Augmentez la DGE et nous investirons !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Confiance et transparence sont les fondements du partenariat entre l'État et les collectivités territoriales que j'ai toujours souhaité. Il est le gage d'une action efficace au service des Français. Voilà l'objectif que se donne le Gouvernement, voilà le sens de mon action. (Applaudissements au centre et à droite)

Examen des crédits

M. le président.  - Le Sénat va examiner les crédits de la mission figurant à l'article 35, état B.

Article 35 (État B)

Amendement n°II-196, présenté par le Gouvernement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Cet amendement majore les crédits de la dotation générale de décentralisation à hauteur de 23,6 millions d'euros pour tenir compte des derniers chiffres disponibles sur les transferts de personnel, dont 10,2 millions pour la Réunion au titre du transfert de la voirie nationale.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - C'est un amendement de coordination avec les votes déjà intervenus. Avis favorable.

L'amendement n°II-196 est adopté.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Lors de l'examen de la mission « Administration territoriale de l'État », Mme la ministre nous a présenté un amendement qui répondait à nos voeux. Peut-elle nous confirmer que toutes les dispositions seront prises au sein du programme 119 afin d'abonder la dotation relative aux titres sécurisés ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Cela va de soi.

Les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », modifiés, sont adoptés.

Les crédits du compte spécial « Avances aux collectivités territoriales » sont adoptés.

L'amendement n°II-49 n'est pas soutenu.

Article 67

I.  -  Le onzième alinéa de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En 2009, le complément de garantie dû à chaque commune correspond à son montant de 2008 diminué de 2 %. »

 I bis.  -  L'article L. 2334-9 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 2334-9.  - En 2009, lorsque la population d'une commune définie au deuxième alinéa de l'article L. 2334-2, authentifiée au 1er janvier 2009, est inférieure de 10 % ou plus à celle de 2008, la dotation de base prévue au 1° de l'article L. 2334-7 revenant à cette commune est majorée d'un montant égal à 50 % de la différence entre le montant de la dotation de base qu'elle a perçue en 2008 et le montant de la dotation qu'elle devrait percevoir en 2009. »

II.  - Le quatrième alinéa de l'article L. 2334-13 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En 2009, cette garantie de progression est calculée de telle sorte que le total des attributions revenant aux communes d'outre-mer au titre de la dotation globale de fonctionnement, hors les montants correspondant au complément de garantie prévu au 4° de l'article L. 2334-7, progresse au moins comme l'ensemble des ressources affectées à cette dotation. »

III.  -  La deuxième phrase du cinquième alinéa de l'article L. 3334-3 du même code est ainsi rédigée :

« Ces taux sont au plus égaux, pour la dotation de base et sa garantie, respectivement à 70 % et 50 % du taux de croissance de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement. »

IV.  -  L'article L. 3334-6-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « au double du » sont remplacés par les mots : « à 1,5 fois le » ;

2° Le dixième alinéa est supprimé ;

3° Au douzième alinéa, les mots : « des deux précédents alinéas » sont remplacés par les mots : « du précédent alinéa », et les mots : « ces alinéas » sont remplacés par les mots : « cet alinéa ».

V.  -  Après les mots : « chaque année », la fin de la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 3334-7-1 du même code est ainsi rédigée : « selon un taux fixé par le comité des finances locales au plus égal au taux d'évolution de la dotation globale de fonctionnement mise en répartition. »

VI.  -  La deuxième phrase du dernier alinéa de l'article L. 4332-8 du même code est complétée par les mots : «, après prélèvement de la quote-part consacrée aux régions d'outre-mer ».

VII.  -  Le II de l'article L. 5211-29 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ne peut être inférieure » sont remplacés par les mots : « est au plus égale » ;

2° A la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « au moins » sont supprimés.

VIII.  -  Les deuxième et troisième alinéas du I de l'article L. 5211-30 du même code sont remplacés par six alinéas ainsi rédigés :

« A compter du 1er janvier 2009, la somme affectée à la catégorie des communautés urbaines est répartie de telle sorte que l'attribution revenant à chacune d'entre elles soit égale au produit de sa population par la dotation moyenne par habitant de la catégorie des communautés urbaines, augmenté, le cas échéant, d'une garantie.

« En 2009, cette dotation moyenne est fixée à 60 € par habitant.

« Les communautés urbaines ayant perçu, au titre de cette même catégorie, en 2008, une attribution de la dotation d'intercommunalité bénéficient d'une garantie, lorsque le montant prévu au 1° ci-dessous est supérieur au montant prévu au 2°. Elle est égale en 2009 à la différence entre :

« 1° Le montant de la dotation d'intercommunalité perçue par la communauté urbaine en 2008, indexé selon un taux fixé par le comité des finances locales, qui ne peut excéder le taux d'évolution pour 2009 de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7 ;

« 2° Le produit de sa population au 1er janvier 2009 par le montant moyen mentionné au troisième alinéa du présent I.

« A compter de 2010, le montant de l'attribution totale par habitant due à chaque communauté urbaine évolue chaque année selon un taux fixé par le comité des finances locales dans la limite du taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7. »

IX.  -  Après les mots : « chaque année », la fin de l'avant-dernier alinéa du II de l'article L. 5211-33 du même code est ainsi rédigée : « selon un taux fixé par le comité des finances locales au plus égal au taux d'évolution de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7. »

X.  -  Après le mot : « commune », la fin de l'article L. 5334-17 du même code est ainsi rédigée : « , visée au deuxième alinéa de l'article L. 2334-2, une population égale à la différence de population entre 2008 et 2009, minorée de 20 % en 2009, 40 % en 2010, 60 % en 2011 et 80 % en 2012. Cette majoration est supprimée à compter de 2013. Elle cesse également de s'appliquer, par anticipation, à une commune, dès la première année où sa population, authentifiée par décret, atteint ou dépasse son niveau de 2008. »

M. Philippe Dallier.  - Je remercie Mme la ministre d'avoir évoqué le problème qui se pose aux collectivités qui, après le recensement complémentaire, ont vu leur population augmenter. En 2006, 2007 et 2008, elles ont bénéficié d'un complément de dotation. Mais après l'entrée en vigueur du nouveau mode de calcul de l'Insee, elles vont le perdre. Sont d'abord pénalisées celles qui ont fait ce que l'État leur demandait, c'est-à-dire construire des logements.

Ma commune a construit 900 logements en douze ans, dont 400 sociaux. Elle comptait 3 000 habitants supplémentaires d'après le recensement complémentaire de 2006 et s'est d'un coup trouvée éligible à la DSU et au fonds de solidarité de l'Ile-de-France parce que son potentiel financier était inférieur de 36 % à la moyenne régionale : 900 000 euros ont alors abondé ses ressources. Même chose en 2007 et 2008. Mais en 2009, retour à la case départ ! Aucun amortisseur n'a été prévu pour les collectivités qui ont gagné de la population ; elles seront lourdement pénalisées.

Voilà pourquoi j'ai cosigné l'amendement de M. Jégou. Il serait équitable qu'on prît en compte la population réelle de la commune, celle-ci a construit ou agrandi écoles et crèches pour accueillir les nouveaux habitants, notamment les plus défavorisés d'entre eux. Le bug est manifeste, et aucune période de transition n'a été prévue. Mais il est encore possible de rectifier le tir. Adoptons l'amendement de M. Jégou, et la CMP l'ajustera si nécessaire.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Les paroles de M. Dallier sont frappées au coin du bon sens. Les communes concernées par le recensement complémentaire ont souvent construit des logements sociaux, comme les gouvernements successifs le demandaient.

L'amendement adopté par l'Assemblée nationale en faveur des communes qui perdent de la population tend à leur éviter une rupture, mais quid de celles qui ont financé des équipements et accueilli de nouveaux habitants.

Je suis solidaire de M. Dallier. Dans ma commune, le recensement complémentaire de 2005 a été confirmé en 2007, mais, pour 2009, on me dit de revenir retour à la case 2006 ! Cette iniquité touche des communes pauvres, ne disposant guère de taxe professionnelle, éligibles à la DSU et au FSRIF -car il y a des disparités en Ile-de-France ! M. Dallier est encore plus que moi victime de cet article puisque l'entrée de sa commune dans le dispositif, puis sa sortie compliquent la gestion d'une collectivité confrontée à de graves problèmes sociaux.

Je siège ici depuis quatre ans, après une certaine expérience à l'Assemblée nationale. En homme responsable, je souhaite que l'État réduise son déficit, mais il s'agit ici d'une discussion entre élus. Le président du comité des finances locales, M. Gilles Carrez -un homme au-dessus de tout soupçon en matière de dépenses- pourrait proposer une solution équitable en CMP.

Je demande au Gouvernement de montrer aujourd'hui qu'il est sensible à la situation dramatique d'une commune qui perdrait encore 400 000 à 500 000 euros, s'ajoutant à la disparition en deux ans, avec la crise, de quelque 400 000 euros procurés par la taxe additionnelle aux droits de mutation. Un budget famélique serait donc privé d'un million d'euros ! La DGF de ma commune est déjà inférieure à la moitié de la moyenne de sa strate démographique.

M. Dallier a raison d'évoquer un bug. Nous demandons que la DGF soit maintenue pendant deux ans au niveau de 2007 et 2008. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit aussi)

M. le président.  - Amendement n°II-230, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC-SGP.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'article 67 consacre une rupture dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales. C'est le tribut payé par les élus locaux à la réduction du déficit de l'État.

Nous sommes profondément en désaccord avec cette orientation, qui tourne le dos à la décentralisation. Et quelle contradiction avec ce qu'a dit hier à Douai le Président de la République !

Était-il réellement impossible de supporter des prélèvements sur recettes plus substantiels que prévu pour prolonger le pacte de stabilité afin que les dotations budgétaires progressent selon leur rythme propre ?

Mettre les finances locales sous le joug de l'équilibre budgétaire de l'État placera les élus devant tous les mauvais choix : réduire les effectifs de la fonction publique territoriale, donc porter atteinte au service dont la population a particulièrement besoin lorsque le tissu social se déchire ; externaliser de nombreuses fonctions, au risque de perdre ainsi la qualité propre au service public de proximité ; augmenter les impôts locaux plus que la hausse des prix -et cela au détriment des ménages les plus modestes ; enfin, remettre à plus tard la réalisation d'équipements collectifs.

En réduisant les dotations budgétaires attribuées aux collectivités locales, vous diminuez leur investissement, pourtant indispensable à la vie économique.

L'article 67 condamne par avance toute nouvelle communauté urbaine et met en difficulté de nombreuses structures intercommunales. Le contrat entre l'État et les collectivités territoriales vole en éclats...

En définitive, l'article est à rebours de la demande faite par le Président de la République aux collectivités territoriales de contribuer à une nouvelle dynamique économique.

M. le président.  - Amendement n°II-212 rectifié bis, présenté par MM. Jégou, Badré et Dallier. 

Après le I bis de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Pour les communes de plus de 10 000 habitants, ayant réalisé un recensement complémentaire en 2005 et confirmé en 2007, éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et dont le potentiel financier par habitant est inférieur de 25 % à la moyenne de la strate régionale, la population prise en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement pour les années 2009 et 2010 est celle ayant servi au calcul de la dotation globale de fonctionnement au titre de l'exercice 2008.

« Pour les communes de plus de 10 000 habitants, ayant réalisé un recensement complémentaire en 2006, et pour lesquelles a été constatée une augmentation de la population supérieure à 15 %, éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et dont le potentiel financier par habitant est inférieur de 25 % à la moyenne de la strate régionale, le nombre de logements retenus pour le calcul de la population prise en compte dans le calcul de la dotation globale de fonctionnement pour les années 2009 et 2010 sera celui du répertoire d'immeubles localisés 2008. »

Amendement n°II-213 rectifié bis, présenté par MM. Jégou, Badré et Dallier.

Après le I bis de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après l'article L. 2334-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... Pour les communes de plus de 10 000 habitants, ayant réalisé un recensement complémentaire en 2005 et confirmé en 2007, éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et dont le potentiel financier par habitant est inférieur de 25 % à la moyenne de la strate régionale, la population prise en compte pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement pour les années 2009 et 2010 est celle ayant servi au calcul de la dotation globale de fonctionnement au titre de l'exercice 2008. »

M. Jean-Jacques Jégou.  - Nous les avons déjà défendus.

M. le président.  - Amendement n°II-216 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. Dans le deuxième alinéa (1°) du VII de cet article, supprimer les mots :

au plus

II. Dans les cinquième (1°) et dernier alinéas du VIII et dans le IX de cet article, après le mot :

selon

rédiger comme suit la fin de ces alinéas et de ce paragraphe :

le taux d'évolution prévu au II de l'article L. 5211-29

Amendement n°II-217 rectifié, présenté par M. Collombat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. Dans la première phrase du quatrième alinéa du VIII de cet article, remplacer les mots :

ayant perçu, au titre de cette même catégorie, en 2008, une attribution de la dotation d'intercommunalité

par les mots :

créées avant le 1er janvier 2009

II. Après le sixième alinéa (2°) de ce même paragraphe, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Pour les communautés urbaines créées en 2008, le 1° correspond au produit de leur population à la date de leur création par la dotation moyenne par habitant pour 2008 de la catégorie des communautés urbaines, indexée selon un taux fixé par le Comité des finances locales, compris entre zéro et le taux d'évolution pour 2009 de la dotation forfaitaire prévue à l'article L. 2334-7.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous voterons les deux amendements qui viennent d'être présentés, l'argumentation étant imparable.

L'amendement n°II-216 rectifié précise que la dotation versée aux communautés d'agglomération est indexée sur le taux de l'inflation, non « au plus » sur ce taux.

L'amendement n°II-217 rectifié étend aux intercommunalités créées avant le 1er janvier 2009 la garantie introduite dans cet article.

M. le président.  - Amendement n°II-210 rectifié, présenté par Mme Laborde et M. Daunis.

I. - Dans le troisième alinéa du VIII de cet article, remplacer le montant :

60 euros

par le montant :

85,87 euros

II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... Les pertes de recettes résultant pour l'État de la fixation à 85,87 euros par habitant de la dotation moyenne d'intercommunalité attribuée aux communautés urbaines sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Mme Françoise Laborde.  - Aux termes de l'article 67, la dotation des communautés urbaines sera calculée à partir de 2009 en multipliant la population de chacune par la dotation moyenne, une garantie étant ajoutée dans certains cas. Pour 2009, la référence est fixée à 60 euros par habitant.

Avec l'amendement, de nombreuses communautés urbaines ayant impérativement besoin d'être financièrement soutenues pourraient obtenir une hausse équitable de leur dotation.

Au 1er janvier 2009, plus de 16 millions d'habitants vivront dans les seize communautés urbaines, qui assument toutes les compétences obligatoires mais aussi une action sociale, culturelle et sportive au service d'une population très supérieure à celle que ces communautés regroupent.

Assurant la compétitivité de nos territoires au sein de l'Union européenne, ces structures doivent conserver les moyens de la solidarité.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - La commission est défavorable à la suppression de l'article, qui ferait disparaître toute action péréquatrice.

On ne peut rester insensible à l'argumentation présentée par MM. Dallier et Jégou, car il est légitime de prendre en compte la situation particulière de communes urbaines pauvres dont la population a beaucoup augmenté en raison des investissements réalisés. La commission n'ayant pas examiné leurs amendements, je souhaite connaître l'avis du Gouvernement à propos de cet aménagement d'un cadre de référence unique pour le calcul de DGF.

La commission aussi aimerait que la dotation d'intercommunalité augmente plus fortement, mais, au sein d'une enveloppe globale fermée, cette disposition conduirait à réduire plusieurs dotations, dont la DSR est peut-être la dotation forfaitaire, pour conserver une marge de péréquation. L'avis est donc défavorable à l'amendement n°II-216 rectifié.

Je fais observer à Mme Laborde que la dotation moyenne par habitant s'établit à 85,87 euros pour les communautés urbaines, à 23,74 euros pour les communautés de communes à TPU non bonifiée, à 33,02 euros pour les communautés de communes à TPU bonifiée, à 43 euros pour les communautés d'agglomération.

Cet amendement n'irait pas dans le sens du projet de loi. Avis défavorable.

Sur le n°II-217 rectifié, même avis défavorable que pour l'amendement précédent de M. Collombat.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Avis défavorable au n°II-230, contraire à l'objectif de solidarité de la réforme.

Je comprends la préoccupation des auteurs des nosII-212 rectifié et II-213 rectifié mais c'est en CMP qu'il sera loisible de trouver une solution. Je m'en remets donc à la sagesse du Sénat. (On s'en félicite à droite)

Sur le n°II-216 rectifié, le Gouvernement souhaite poursuivre le rattrapage opéré au profit des communautés de communes depuis 2005. En outre, cet amendement supprime tout pouvoir au comité des finances locales (CFL). Pour ces deux raisons, avis défavorable.

Avis défavorable au n°II-210 : le Gouvernement poursuit l'objectif inverse.

Avis défavorable au n°II-217 rectifié : les députés ont supprimé cette garantie à ces intercommunalités pour conforter la dotation de péréquation.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je remercie la ministre d'avoir laissé ouverte la recherche d'une solution au problème posé par MM. Jégou et Dallier. Il serait injuste de clore cette discussion ce soir par le rejet de leurs amendements. Nos avons besoin d'aller en CMP avec un texte différent de celui des députés. D'autant que M Carrez, président du CFL, fera partie de la CMP. Je suggère donc de retirer le n°II-213 rectifié et d'adopter le n°II-212 rectifié.

L'amendement n°II-213 rectifié est retiré.

L'amendement n°II-230 rectifié n'est pas adopté

L'amendement n°II-212 rectifié est adopté.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Compte tenu des explications du rapporteur, je retire le n°II-217 rectifié mais je maintiens le n°II-216 rectifié car on n'obtient pas une meilleure péréquation en jouant sur les indices.

L'amendement n°II-217 rectifié est retiré.

L'amendement n°II-216 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-210.

L'article 67, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-221, présenté par MM. Patient et Antoinette.

Après l'article 67, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la dernière phrase du 2° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, le mot : « triple » est remplacé par le mot : « quadruple ».

II. - Ce même 2° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le solde est attribué à l'établissement public de coopération intercommunale dont la commune est membre. »

III. - Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

IV. - Les conséquences financières résultant pour l'État du III ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Georges Patient.  - La situation financière des communes guyanaises est critique ; elles sont fragilisées par deux dispositions uniques et iniques : d'une part un prélèvement de 27 millions au profit du conseil général, d'autre part le plafonnement de la dotation superficiaire. S'il est difficile d'agir sur le prélèvement du conseil général, on peut très bien déplafonner cette dotation en la portant à quatre fois le montant perçu au titre de la dotation de base, et affecter le solde de la dotation superficiaire à l'intercommunalité dont la commune bénéficiaire est membre. Cette recette permettrait de mener une politique de péréquation entre les communes de Guyane,

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Cette dotation superficiaire, issue de la réforme de la DGF de 2004, a été plafonnée pour tenir compte de la superficie exceptionnelle de certaines communes guyanaises qui peuvent parfois être aussi grandes qu'un département métropolitain. Ce plafonnement est justifié. Avis défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Le Gouvernement est attentif à la situation des collectivités locales guyanaises et c'est pourquoi il a mis en place un groupe de travail à ce sujet. C'est dans ce cadre qu'il faut aménager les dotations de ces collectivités, pas ici, au détour d'un amendement. Contre l'engagement que ce problème sera traité dans ce groupe de travail, je vous demande de retirer votre amendement. Sinon, rejet.

L'amendement n°II-221 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-222, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 67, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le 5° de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle est également doublée pour les communes insulaires situées dans les surfaces maritimes classées en coeur de parc national. »

II. - Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - Les conséquences financières résultant pour l'État du II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Edmond Hervé.  - La loi d'avril 2006 relative aux parcs nationaux, aux parcs naturels marins et aux parcs naturels régionaux a créé une dotation « coeur de parc naturel » destinée aux communes dont le territoire est pour tout ou partie compris dans un parc national. Or actuellement, les communes insulaires, bien que situées dans un parc naturel national, sont exclues du bénéfice de cette dotation. C'est le cas dans le parc naturel marin d'Iroise, dont certaines communes membres -Ouessant, Sein, Molène- ne peuvent bénéficier de cette ressource au seul motif de leur insularité. Ce parc marin, dont l'objectif est d'intégrer la protection de l'environnement dans la gestion de l'espace maritime, nécessite des investissements importants de la part des communes concernées. D'où cette mesure d'équité.

M. le président.  - Amendement n°II-223, présenté par M. Marc et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 67, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'avant-dernier alinéa du IV de l'article L. 2334-14-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « A compter de 2009, son montant ne peut être inférieur à celui perçu par les communes concernées au titre de l'année 2008. »

II. - Les conséquences financières résultant pour les collectivités territoriales du I sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

III. - Les conséquences financières résultant pour l'État du II sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Edmond Hervé.  - Pour des raisons historiques et en l'absence de cadastre, deux communes insulaires du Finistère ne perçoivent pas d'impôts directs locaux. Pour tenir compte de l'absence de recette fiscale, un amendement a été adopté en 1999 à l'Assemblée nationale, qui prévoit que lorsqu'une commune ne dispose d'aucune ressource au titre des quatre « vieilles », l'attribution lui revenant est égale à douze fois l'attribution nationale moyenne par habitant lorsque ces communes sont membres d'un EPCI à fiscalité propre. Depuis lors, le fonds national de péréquation de la TP a été remplacé par la dotation nationale de péréquation. Or cette ressource ne cesse de diminuer ces dernières années pour les communes dénuées de bases fiscales. Leur dotation a diminué de 9 % entre 2002 et 2008. Cette ressource leur est indispensable pour faire face à leur charge et au handicap de l'insularité. Il est donc nécessaire de sécuriser le montant de leur dotation. Cet amendement propose donc d'instaurer un plancher pour les années à venir : le montant de la dotation ne pourra être inférieur à celui perçu en 2008. Cette mesure n'est pas très coûteuse puisqu'elle concerne une dotation dont le montant est seulement de 63 000 euros. C'est un geste symbolique que vous demandent les îliens au nom du principe d'égalité. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - La commission, qui n'a pas pu se prononcer sur ces amendements, aimerait connaître l'avis du Gouvernement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - La dotation « coeur de parc national » fonctionne comme une enveloppe fermée. L'amendement n°II-222 tend donc à réduire la dotation des autres communes. Compte tenu de leurs caractéristiques démographiques, ces îles sont moins pénalisées par le classement en coeur de parc. Défavorable au n°II-222.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il n'est pas facile d'y vivre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je ne suis pas favorable à l'amendement II-223. En effet, les trois communes reçoivent une dotation de péréquation supérieure à la moyenne nationale. Là encore, il s'agit d'une enveloppe fermée, ne l'oublions pas.

L'amendement n°II-222 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-223.

Article 68

I.  -  Le huitième alinéa de l'article L. 1614-8-1 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La part de la compensation correspondant à la contribution pour l'exploitation des services transférés est calculée hors taxe sur la valeur ajoutée. »

II.  -  La dotation générale de décentralisation des régions inscrite au sein du programme « Concours financiers aux régions » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est minorée, à compter du 1er janvier 2009, de 82 774 323 €.

Mme Marie-France Beaufils.  - Cet article 68 vise à prendre acte du non-assujettissement à la TVA des subventions versées par les régions au titre du transport ferroviaire de voyageurs. La jurisprudence communautaire a évolué, ce qui a modifié la doctrine fiscale nationale. Dès lors que l'assujettissement à la TVA disparaît, la compensation doit être revue. La régularisation devrait intervenir en loi de finances rectificative. En pratique, l'État procéderait aux dégrèvements de TVA en faveur de la SNCF ; celle-ci reverserait le remboursement perçu aux régions ; l'État réduirait à due concurrence la DGD de celles-ci.

Cela n'ira pas sans poser problème à la SNCF. Du reste, il est temps d'envisager des concours plus significatifs aux régions, puisque l'essor du rail est une alternative à la route -notamment en raison d'un coût souvent plus favorable pour les ménages. Mme la Ministre pourrait-elle nous rassurer sur les conditions de remboursement ?

M. le président.  - Amendement n°II-218, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

III. L'article 1-4 de l'ordonnance n°59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'incidence financière des évolutions du régime fiscal applicable aux entreprises de transport et aux conventions conclues entre ces dernières et le Syndicat des transports d'Ile-de-France est compensée intégralement par l'État aux collectivités territoriales intéressées à proportion de leur participation respective au Syndicat des transports d'Ile-de-France. »

IV. La perte de recettes résultant pour l'État du III ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'article 68 tire les conséquences d'une jurisprudence de la Cour de justice des communautés européennes qui précise la notion de « subvention directement liée au prix » au sens de la sixième directive TVA. Sont assujetties à la TVA uniquement les subventions qui constituent la contrepartie totale ou partielle d'une opération de livraison de biens ou de prestation de services et qui sont versées par un tiers au vendeur ou au prestataire.

La direction de la législation fiscale a donc modifié sa position sur la contribution versée à la SNCF par les régions et compensée par l'État. L'assujettissement à la TVA est supprimé. Le Gouvernement entend donc diminuer sa dotation de compensation. Or la loi prévoit que toute disposition législative ou réglementaire ayant une incidence financière sur les charges transférées au titre des TER donne lieu à révision de la dotation de compensation.

En outre, les collectivités locales utilisent librement la dotation générale de décentralisation. Aucune disposition légale n'oblige une collectivité à dépenser la totalité de la dotation perçue au titre d'un transfert pour des dépenses dans le domaine transféré. N'oublions jamais le principe d'autonomie ! Enfin, dès lors qu'il s'agit de modifier une dotation liée à la décentralisation, un passage en commission consultative d'évaluation des charges semble indispensable.

Une autre injustice doit être réparée : l'article 68 n'est pas applicable en Ile-de-France. L'ordonnance du 7 janvier 1959 avait créé le Syndicat des transports d'Ile-de-France. Les collectivités de la région versent une contribution au Stif, qui reverse une subvention aux entreprises de transport. Si cette subvention n'est plus assujettie à la TVA, les conséquences doivent en être tirées dans le calcul de la dotation de compensation, comme cela se passe dans les autres régions.

J'ajoute que le non-assujettissement à la TVA entraînerait l'assujettissement de l'entreprise de transport à la taxe sur les salaires, donc une hausse de la subvention du Stif. Cette hausse devra à son tour être prise en compte dans la dotation de compensation versée aux collectivités d'Ile-de-France. Tel est l'objet de cet amendement.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - L'article ne s'applique pas à l'Ile-de-France.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est clair.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial  - Le Stif y est l'unique autorité organisatrice des modes de transport. Son financement est différent de celui des services de transport de voyageurs dans les autres régions. La question est complexe et le Gouvernement a lancé une étude. Nous souhaitons recueillir son avis.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Nous avons besoin d'une expertise plus précise. Retrait ou rejet.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne veux pas renoncer, les conséquences sont trop lourdes en Ile-de-France. Appliquons la jurisprudence Jégou et Dallier, votons l'amendement et peut-être, avant la CMP, pourrons-nous prendre connaissance de l'expertise menée par le Gouvernement ?

L'amendement n°II-218 n'est pas adopté.

L'article 68 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-219, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 68, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le huitième alinéa de l'article L. 1614-8-1 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La part de la compensation correspondant à la contribution pour l'exploitation des services transférés donne lieu à révision pour tenir compte des incidences sur les charges du service ferroviaire régional, de la soumission des entreprises de transport, à la taxe sur les salaires, prévue à l'article 231 du code général des impôts. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État de la compensation aux régions de la hausse de la contribution versée à la Société Nationale des Chemins de fer Français est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit du même sujet. L'article 231 du code général des impôts prévoit que « les sommes payées à titre de rémunération (par les entreprises) sont soumises à une taxe sur les salaires (...) à la charge des personnes ou organismes qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la TVA ». Dés lors que les contributions aux entreprises de transport ne sont plus assujetties à la TVA, ces entreprises deviennent redevables de la taxe sur les salaires. A moins que le ministère des finances décide d'y renoncer ! La charge supplémentaire qui en résulte devra, sinon, être compensée aux régions : la logique est imparable !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Je veux rassurer M. Sueur. Selon la direction du budget, la SNCF n'est pas soumise à la taxe sur les salaires parce qu'il n'est pas possible de distinguer entre ce qui relève du transport régional et ce qui relève du national.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je le confirme. Par conséquent, point n'est besoin de mesure législative. Défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je retire l'amendement en vous précisant que j'en présenterai un de même nature lors de l'examen des articles non rattachés, concernant cette fois de grands établissements culturels, centres dramatiques, scènes nationales, etc. Ils sont en effet dans la même situation : n'acquittant plus la TVA en vertu de décisions européennes, ils deviennent assujettis à la taxe sur les salaires -et cela leur coûte plus cher ! Nous pourrons nous prévaloir des assurances données par Mme le ministre de l'intérieur !

L'amendement n°II-219 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-224, présenté par M. Patriat et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 68, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article L. 4332-5 du code général des collectivités territoriales, les mots : « la pénultième année » sont remplacés (trois fois) par les mots : « l'année précédente ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le comité des finances locales a, au cours de sa réunion de février 2008, décidé de la création d'un groupe de travail sur la péréquation interrégionale dont les conclusions seront bientôt rendues publiques. Il y a déjà consensus sur une mesure de bon sens que cet amendement vise à mettre en place.

Le critère du potentiel fiscal est pris en compte pour l'éligibilité des régions à la DPR mais par référence à la pénultième année. Il serait plus logique que soient retenues les données de l'année précédente, qui reflètent mieux la situation réelle des collectivités concernées.

Cette solution a recueilli un large accord des présidents de conseils généraux.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Proposition intéressante. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Les régions sont les seules collectivités dont la DGF repose sur des données remontant à deux ans. Le Gouvernement est favorable à cet amendement de bon sens.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je remercie Mme la ministre de la part de M. Patriat, qui est à l'origine de cet amendement.

L'amendement n°II-224 est adopté.

L'amendement n°II-103 rectifié n'est pas défendu.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Il nous reste encore neuf amendements à examiner. J'en appelle à la concision de chacun, pour clore ce débat à 20 h30, si le président en est d'accord.

M. le président.  - Sous réserve de concision.

M. Edmond Hervé.  - Un mot sur l'amendement n°II-103, qui n'a pu être défendu. Il est conforme à l'avis du comité des finances locales, dont je souhaite qu'il puisse rendre ses conclusions rapidement.

Article 69

Le IV de l'article 6 de la loi de finances pour 1987 (n° 86-1317 du 30 décembre 1986) est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En 2009, toute diminution de cette dotation par rapport au montant de l'année précédente est modulée de telle sorte que supportent une diminution égale à la moitié de la diminution moyenne de la dotation de compensation, par rapport à 2008, les communes dont le potentiel financier par habitant, calculé conformément aux articles L. 2334-2 et L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales, au titre de l'année précédente, est inférieur à 95 % du potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes du même groupe démographique, au sens de l'article L. 2334-3 du même code, au titre de la même année, et dont la dotation de compensation représente plus de 5 % de la dotation globale de fonctionnement dont elles ont bénéficié l'année précédente. »

M. le président.  - Amendement n°II-231, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-France Beaufils.  - Cet amendement vise à atténuer les effets de la nouvelle réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DTCP). En 1996, les bases avaient été allégées de 16 % pour favoriser la création d'emploi. Le président de la commission des finances, qui avait alors des responsabilités ministérielles, sait qu'il y avait eu alors débat.

Le montant de la DCTP, s'il avait conservé son niveau d'alors, serait de 2,688 milliards. Or en 2001, il n'était déjà plus que de 1,8 milliard. Il sera ramené cette année à 729 millions. Si l'on tient compte de l'évolution des prix à la consommation, ce sont les trois quarts de la dotation qui ont aujourd'hui disparu. Le rapporteur général a raison de dire que cette dotation sert à « fermer l'enveloppe normée »... Un jour, il n'en restera plus rien. De quelle autre dotation s'emparera-t-on pour en faire une variable d'ajustement quand celle-ci aura disparu ?

M. le président.  - Amendement n°II-232, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC-RPG.

I. - Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

à la moitié

par les mots :

au quart

et remplacer le taux :

5 %

par le taux :

10 %

II. - Compléter ce même alinéa par une phrase ainsi rédigée :

En tout état de cause, cette diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle ne devra pas conduire à une diminution globale des dotations d'État (somme de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation de compensation de la taxe professionnelle), auquel cas, la modulation de la diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle sera ajustée de manière à garantir un niveau de dotations au moins égal à celui de l'année précédente.

III. - Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - 1. La perte de recettes résultant pour les collectivités territoriales de la modification de la modulation de la diminution de la dotation de compensation de la taxe professionnelle est compensée à due concurrence par un relèvement de la dotation globale de fonctionnement.

2. La perte de recettes résultant pour l'État du 1 ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts

Mme Marie-France Beaufils.  - Amendement de repli.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Ces deux amendements sont contraires aux positions de la commission. Défavorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - L'article 69 institue une solidarité en faveur des communes les plus défavorisées : défavorable à l'amendement n°II-231. Quant au n°II-232, je ne sais si vous avez réalisé que son adoption ramènerait le nombre des communes bénéficiaires à 37 ! Même avis.

Mme Marie-France Beaufils.  - Les communes qui reçoivent la DCTP connaissent des situations de pauvreté plus lourde qu'on ne croit. Il serait juste de mener une analyse plus fine.

L'amendement n°II-231 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-232.

L'article 69 est adopté.

Article 70

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le quatrième alinéa de l'article L. 2334-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour 2009, et à titre dérogatoire, elle s'établit au minimum à 70 millions d'euros. » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article L. 2334-18-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :

« À titre dérogatoire, cette disposition ne s'applique pas en 2009. » ;

3° L'article L. 2334-18-2 est ainsi modifié :

a) Au début de la dernière phrase du quatrième alinéa, les mots : « Pour les années 2008 et 2009 » sont remplacés par les mots : « En 2008 » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En 2009, les communes éligibles au titre de l'article L. 2334-16 perçoivent une dotation égale à celle perçue en 2008, majorée le cas échéant de l'augmentation prévue à l'article L. 2334-18-4. Pour les communes situées dans la première moitié des communes de la catégorie des communes de 10 000 habitants et plus, classées en fonction de l'indice synthétique de ressources et de charges défini à l'article L. 2334-17, la dotation est égale à celle perçue en 2008, augmentée de 2 % et majorée le cas échéant de l'augmentation prévue à l'article L. 2334-18-4. Les communes qui n'étaient pas éligibles à la dotation en 2008 mais le deviennent en 2009 bénéficient d'une attribution calculée en application du présent article. » ;

4° Après l'article L. 2334-18-3, il est inséré un article L. 2334-18-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 2334-18-4.  - En 2009, l'augmentation de la dotation, après répartition des attributions calculées en application des articles L. 2334-16 à L. 2334-18-2, bénéficie :

« 1° Aux cent cinquante premières communes de 10 000 habitants et plus, classées en fonction de l'indice synthétique de ressources et de charges défini à l'article L. 2334-17 ;

« 2° Aux vingt premières communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants, classées en fonction de l'indice synthétique de ressources et de charges défini à l'article L. 2334-18.

« L'augmentation de la dotation, après répartition des attributions calculées en application des articles L. 2334-16 à L. 2334-18-2, est répartie entre les deux catégories démographiques au prorata de leur population dans le total des communes bénéficiaires.

« La part d'augmentation revenant à chaque commune bénéficiaire est égale au produit de sa population par la valeur de l'indice qui lui est attribué. Ce produit est pondéré par un coefficient variant uniformément de 2 à 1 dans l'ordre croissant du rang de classement des communes qui en bénéficient. » ;

5° Supprimé..........................................................

Mme Marie-France Beaufils.  - Cet article réforme la DSU alors que le groupe de travail du comité des finances locales n'a pas encore présenté ses propositions. Les modifications que vous introduisez sortent plus de 200 communes du dispositif. Sous la pression des élus, vous avez reculé son application d'une année. Pire, vous proposiez initialement de supprimer l'élément logement social de l'indice de référence ! Les élus ne se sont pas mobilisés en vain !

Avant de réformer, il serait bon de prendre en compte les conséquences des modifications projetées et de mieux apprécier les charges pesant sur les communes en fonction de leur situation. Les simulations ont montré qu'aucune de vos propositions ne peut recueillir l'accord des collectivités dès lors que vous leur enlevez les moyens de porter secours aux populations les plus fragiles.

Nous appelons à une DSU à l'efficacité renforcée, prenant en compte les situations singulières.

M. le président.  - Amendement n°II-154 rectifié, présenté par MM. Jean-Claude Gaudin, Gilles, Ferrand et Mme Dumas.

Avant le a) du 3° de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le troisième alinéa est supprimé.

Mme Catherine Dumas.  - L'article 70 réforme la DSU afin « d'en améliorer l'efficacité péréquatrice » et « de concentrer davantage la solidarité nationale en faveur des communes pauvres ayant des pauvres ».

Cependant ce dispositif laisse en l'état une mesure d'écrêtement, profondément injuste pour les communes les plus peuplées. Une commune de plus de 500 000 habitants ne peut voir sa DSU augmenter de plus de 8 euros par habitant.

A Marseille, près de 30 % de la population vit en zone urbaine sensible. Ces nouvelles dispositions entraînent une perte de ressources de plus de 3 millions pour le budget de la ville. Le calcul de la dotation devrait prendre en compte les difficultés communales, indépendamment de leur taille. Cet amendement résout le problème, en supprimant l'écrêtement.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - En 2008, seule la commune de Marseille a été concernée par l'écrêtement, pour 1,43 million, et il n'est pas certain qu'il joue en 2009. L'article 70 vise à concentrer la DSU sur les communes les plus défavorisées. Retrait ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Le compromis auquel nous sommes parvenus a fait l'unanimité des associations d'élus. L'année prochaine sera une année de transition. D'après nos simulations, votre amendement ne concernerait alors aucune ville. Je vous propose de nous en tenir à cet équilibre, nous travaillerons pour affiner le dispositif jusqu'à Pâques. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°II-154 rectifié est retiré.

L'article 70 est adopté.

Article 71

I.  - Le chapitre IV du titre III du livre III de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales est complété par une section 6 ainsi rédigée :

« Section 6

« Dotation de développement urbain

« Art. L. 2334-41.  -  Il est institué une dotation budgétaire intitulée dotation de développement urbain.

« Peuvent bénéficier de cette dotation les communes éligibles à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale prévue à l'article L. 2334-15 qui figurent parmi les cent premières d'un classement de ces communes établi chaque année en fonction de critères tirés notamment de la proportion de population résidant dans des quartiers inclus dans les zones prioritaires de la politique de la ville, du revenu fiscal moyen des habitants de ces quartiers et du potentiel financier.

« Lorsque la compétence en matière de politique de la ville a été transférée par une commune éligible à un établissement public de coopération intercommunale, celui-ci peut bénéficier, sur décision du représentant de l'État dans le département, de la dotation de développement urbain pour le compte de cette commune.

« Les crédits de la dotation de développement urbain sont répartis entre les départements en tenant compte du nombre de communes éligibles dans chaque département et de leur classement selon les critères prévus au deuxième alinéa.

« Pour l'utilisation de ces crédits, le représentant de l'État dans le département conclut une convention avec la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale. Ces crédits sont attribués en vue de la réalisation de projets d'investissement ou d'actions dans le domaine économique et social. La subvention accordée ne doit pas avoir pour effet de faire prendre en charge tout ou partie des dépenses de personnel de la commune. Le représentant de l'État dans le département arrête les attributions de dotations sur la base d'objectifs prioritaires fixés chaque année par le Premier ministre après avis du Conseil national des villes.

« La population à prendre en compte pour l'application du présent article est celle définie à l'article L. 2334-2.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

II.  -  Le montant de la dotation créée par le I est fixé à 50 millions d'euros en 2009.

M. le président.  - Amendement n°II-233, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe CRC-SGP

Supprimer cet article.

Mme Marie-France Beaufils.  - La dotation de développement urbain (DDU) s'élève à 40,7 millions, au lieu des 50 prévus au départ. Le groupe de travail du comité des finances locales n'était pas favorable à la création de cette dotation : mieux vaudrait l'intégrer à la DSU pour investir dans les services qu'attendent les citoyens dans les quartiers.

M. le président.  - Amendement n°II-220, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter la troisième phrase du cinquième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales par les mots :

sauf si ces dépenses de personnel participent de la mise en oeuvre des projets et actions retenus

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous voulons élargir la possibilité d'utiliser la DDU au financement des agents communaux qui travaillent directement sur le projet.

M. le président.  - Amendement n°II-10, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

III. - Les objectifs prioritaires fixés en application de l'article L. 2334-41 du code général des collectivités territoriales sont intégrés dans les contrats d'objectifs et de moyens relevant de la politique de la ville visés à l'article L. 1111-2 du même code.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Nous souhaitons mieux coordonner la contractualisation au titre de la DDU et celle qui existe déjà dans le domaine de la politique de la ville, en particulier les contrats urbains de cohésion sociale (Cucs).

Avis défavorable à l'amendement n°II-233. Que pense le Gouvernement de l'amendement n°II-220 ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°II-233. La DDU n'a pas vocation à financer du personnel communal : avis défavorable à l'amendement n°II-230. Je comprends le souci de mieux coordonner les contractualisations, mais il me semble que la rédaction de l'amendement n°II-10 est perfectible : sagesse.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous l'améliorerons d'ici la CMP !

L'amendement n°II-233 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°II-220.

L'amendement n°II-10 est adopté.

L'article 71, modifié, est adopté.

Article 72

I.  -  Après l'article L. 2335-2 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un article L. 2335-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 2335-2-1.  - Il est institué un fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées.

« La répartition des crédits du fonds tient compte de l'évolution des ressources des communes concernées par le plan de redéploiement territorial des armées. Elle est fixée par arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé du budget.

« Par dérogation aux articles L. 2224-1 et L. 2224-2, les subventions accordées au titre du fonds peuvent être reversées, en tout ou partie, aux services publics communaux à caractère industriel ou commercial afin de compenser les effets sur leur exploitation du redéploiement territorial des armées. »

II.  -  Le montant du fonds créé par le I est fixé à 5 millions d'euros en 2009.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Lorsque l'armée cède des terrains dans le cadre de son redéploiement, nous sommes pour la cession gratuite ou pour le bail emphytéotique, plus avantageux pour les communes et pour l'ensemble de la filière du bâtiment.

L'article 72 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-237, présenté par M. Detcheverry et les membres du groupe UMP.

Après l'article 72, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l'article L. 2334-13, les mots : « et de la dotation de solidarité rurale » sont remplacés par les mots : « , la dotation de solidarité rurale et la dotation nationale de péréquation » ;

2° Après le troisième alinéa de l'article L. 2334-13, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La quote-part destinée aux communes d'outre-mer est calculée en appliquant au montant de la dotation d'aménagement le rapport, majoré de 33 %, existant, d'après le dernier recensement de population, entre la population des communes des départements d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, des circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna et de la collectivité départementale de Mayotte et celle des communes de métropole et des départements d'outre-mer, de la Nouvelle-Calédonie, de la Polynésie française, de la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, des circonscriptions territoriales de Wallis-et-Futuna et de la collectivité départementale de Mayotte. Elle se ventile en deux sous-enveloppes : une quote-part correspondant à l'application du ratio démographique mentionné dans le présent alinéa à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et à la dotation de solidarité rurale, et une quote-part correspondant à l'application de ce ratio démographique à la dotation nationale de péréquation. Elle est répartie dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. »

3° La deuxième phrase du II de l'article L. 2334-14-1 est ainsi rédigée :

« Cette quote-part est calculée en appliquant au montant de la dotation nationale de péréquation le ratio démographique mentionné au quatrième alinéa de l'article L. 2334-13. »

4° Après l'article L. 2571-2, il est inséré un article L. 2571-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 2571-3. - Pour l'application des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 2334-13, la quote-part de la dotation d'aménagement destinée aux communes de Saint-Pierre-et-Miquelon est calculée par application à la dotation d'aménagement du rapport existant, d'après le dernier recensement de population, entre la population des communes de Saint-Pierre-et-Miquelon et la population totale nationale. Le quantum de la population des communes de Saint-Pierre-et-Miquelon, tel qu'il résulte du dernier recensement de population, est majoré de 33 %. Le montant revenant à chaque commune de Saint-Pierre-et-Miquelon, calculé dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État, est ensuite majoré pour la commune de Saint-Pierre de 445 000 euros et pour celle de Miquelon-Langlade de 100 000 euros. Cette majoration s'impute sur le montant de la quote-part, prévue au quatrième alinéa de l'article L. 2334-13, correspondant à application du ration démographique, prévu au même alinéa, à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion et à la dotation de solidarité rurale. »

5 ° Au I de l'article de l'article L. 2573-52, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « cinq », et au III du même article, les mots : « troisième et quatrième » sont remplacés par les mots : « quatrième et cinquième »:

II - Le I de l'article 116 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 est abrogé.

Amendement n°II-243, présenté par M. Detcheverry et les membres du groupe UMP.

Après l'article 72, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa de l'article L. 3334-4, les mots : « et de la dotation de compensation prévue à l'article L. 3334-7-1 » sont remplacés par les mots : « de la dotation de compensation prévue à l'article L. 3334-7-1 et de la quote-part destinée aux départements d'outre-mer, à la collectivité départementale de Mayotte, à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi qu'à la collectivité de Saint-Martin, ».

2° Le quatrième alinéa de l'article  L. 3334-4 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les départements d'outre-mer, la collectivité départementale de Mayotte, la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon et la collectivité de Saint-Martin bénéficient d'une quote-part de la dotation de péréquation, constituée d'une quote-part de la dotation de péréquation urbaine et d'une quote-part de la dotation de fonctionnement minimale.

« A compter de 2009, la quote-part de la dotation de péréquation urbaine versée à chaque département ou collectivité d'outre-mer est au moins égale à celle perçue l'année précédente. De même, la quote-part de la dotation de fonctionnement minimale destinée à chaque département ou collectivité d'outre-mer, qui en remplit les conditions, est au moins égale à celle perçue l'année précédente. »

3° L'article L. 3443-1 est complété par les mots : « , sous réserve des dispositions mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 3334-4 ».

M. André Ferrand.  - Notre collègue M. Detcheverry m'a chargé de présenter ces amendements très techniques, que je me dois de vous exposer en détail.

M. le président.  - Chacun a pu en prendre connaissance sur internet, grâce à Améli.

M. André Ferrand.  - Alors ils sont défendus ! (Approbation)

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je m'étais engagée l'an passé à faire réaliser une étude détaillée sur les dotations à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le premier amendement en tire les conséquences, le second répond à un souci d'équité avec les départements ruraux de métropole. Avis favorable.

Les amendements nosII-237 et II-243 sont adoptés et deviennent des articles additionnels.

M. le président.  - Amendement n°II-18, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances.

Après l'article 72, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans l'article L. 3321-2 du code général des collectivités territoriales, après les mots : « au revenu minimum d'insertion » sont insérés les mots : « , au revenu de solidarité active ».

II. Dans le IV de l'article L. 3334-16-2 du même code, les mots : « et des primes mentionnées à l'article L. 262-11 du code de l'action sociale et des familles » sont remplacés par les mots : « , des primes mentionnées à l'article L. 262-11 du code de l'action sociale des familles ainsi que des contrats conclus et des prestations de revenu de solidarité active attribuées dans le cadre des expérimentations conduites sur le fondement des articles 142 de la loi n°2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 et 18 à 23 de la loi n°2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat ».

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Nous souhaitons prendre en compte, dans la répartition de la part insertion du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion (FMDI), les expérimentations du revenu de solidarité active (RSA), la réforme des contrats aidés conduite en 2008 et nous souhaitons individualiser, dans les comptes du département, les dépenses relatives au RSA.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je ne saurais conclure cette longue après-midi autrement qu'en donnant un dernier avis favorable... (Sourires)

L'amendement n°II-18 est adopté et devient un article additionnel.

La séance est suspendue à 20 h 25.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 22 h 30.

Médias

M. le président.  - Le Sénat va maintenant examiner les crédits relatifs à la mission « Médias  » et le compte spécial « Avances à l'audiovisuel public », ainsi que les articles 86 à 88.

Rappel au Règlement

M. Jack Ralite.  - Mon rappel au Règlement se fonde sur l'article 36, alinéa 3. Je regrette vivement que le débat sur le budget des médias, alors que l'Assemblée nationale s'occupe du projet de loi sur l'audiovisuel, s'engage à une heure si tardive.

M. le président.  - Je partage votre avis.

M. Jack Ralite.  - Mais venons-en au fait. Le 8 janvier 2008, le Président de la République faisait un coup d'éclat en annonçant la suppression de la publicité sur la télévision publique ; le 25 juin 2008, le Président de la République faisait un coup d'État en se réservant la nomination et la révocation du président de la télévision publique ; le 4 décembre 2008, le Président de la République fait un coup de force en annonçant, par ministre de la culture interposée, sa décision de supprimer par décret la publicité à la télévision publique ! Quelle violente sortie du cadre parlementaire, qui autorise pourtant le recours à l'article 49-3 ; quelle utilisation méprisante de la télévision pour faire avancer son désir d'être souverain éducateur ; quelle non-application de la Constitution, qui prévoit le recours à la loi pour les médias !

Coup après coup, le Président de la République fait cheminer sa volonté farouche de concentrer tous les pouvoirs, quitte à fouler le principe démocratique de leur séparation. C'est du despotisme démocratique ! Comme l'écrivait Tocqueville, ce grand libéral, le Président de la République « se fabrique peu à peu un pouvoir immense et tutélaire, absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Le souverain étend ses bras sur la société tout entière. Il ne brise pas les volontés, il les amollit, les plie et les dirige ; il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint ». Cette global-manipulation arrogante et arbitraire vise à encager les libertés et blesse chaque jour l'une d'entre elles. Le Président de la République, qui veut être le grand éducateur, ne nous trouvera pas obéissants : soyons des mutins éclairés de la République !

M. le président.  - Je vous donne acte de votre rappel au Règlement... qui était loin d'en être un !

Orateurs inscrits

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, en remplacement de M. Claude Belot, rapporteur spécial.  - M. Ralite a exprimé son étonnement mais cette discussion vient ce soir parce qu'en deux semaines de débat, nous avons pris un peu de retard, notamment en raison des interventions des différents groupes. Je souhaite en tout cas que l'examen du budget n'empiète pas trop sur la prochaine discussion de la loi sur la communication audiovisuelle qui viendra sans doute devant le Sénat début 2009. (Mme la ministre de la culture le confirme)

C'est en remplacement de M. Belot, empêché, que je présente les observations de la commission des finances. Les crédits de la politique publique de communication de l'État sont regroupés dans la mission « Médias » qui atteint 1 020 millions et dans le compte spécial « Avances à l'audiovisuel » qui s'élève à 3 milliards.

Je félicite M. Belot qui est à l'initiative du regroupement des crédits de l'audiovisuel extérieur en un seul programme.

Un nouveau programme est destiné à compenser la perte de ressources publicitaires à compter du 5 janvier 2009 à hauteur de 450 millions pour France Télévisions et de 23 millions pour Radio-France. Les conséquences financières de la réforme sont déjà lourdes : les revenus publicitaires de France Télévisions ont déjà baissé de 18,6 % en 2008.

La société holding Audiovisuel extérieur de la France, créée en avril 2008, regroupe France 24, RFI et TV5 Monde afin de développer les synergies. Il est à craindre que l'augmentation de 0,8 % ne permette de répondre ni aux projets de France 24, ni aux besoins de financement de RFI et de TV5 Monde.

Si les aides à la presse demeurent stables, les aides directes diminuent de 1,16 % dans l'attente des conclusions des États généraux de la presse et de leur éventuelle refonte.

Le comte spécial « Avances à l'audiovisuel » progresse de 3,7 % en raison du passage à la télévision numérique. Lancée en 2005, la TNT, qui couvrait 87 % de la population en juillet dernier, doit couvrir 95 % de la population métropolitaine d'ici 2011. Le paysage audiovisuel numérique se structure et compte dix-huit chaînes gratuites dont sept de service public. Jusqu'au 30 novembre 2011, le GIP France Télé numérique bénéficiera d'une part du produit de la redevance. Le financement du passage au numérique donne lieu à débat et nous regrettons que les dotations de 72 millions et de 131 millions, que vous avez annoncées le 26 septembre pour 2010 et 2011, ne soient pas inscrites.

France Télévisions est au coeur d'une triple réforme : disparition programmée de la publicité ; gouvernance ; transformation de l'industrie audiovisuelle. Ses crédits progressent de 2,7 % mais la société a enregistré un déficit de 100 millions et la dotation en capital de 150 millions, si elle a amélioré ses fonds propres, n'a pas eu d'impact sur son compte d'exploitation. Arte France, qui a réalisé des économies, reçoit une dotation en progression de 4 % afin de faire face à de nouveaux défis technologiques. Enfin, l'INA, qui bénéficie d'une hausse de 3,4 % comme en 2008, poursuivra sa mission de sauvegarde et de numérisation.

M. Belot avait souligné l'an dernier le dépassement des dépenses prévues pour la réhabilitation de la Maison de la radio. On évoque un dépassement supplémentaire en 2009 mais la simplification des éléments techniques et la négociation avec les entrepreneurs ont dégagé 70 millions d'économies.

La commission des finances recommande l'adoption de la mission, du compte spécial et des articles rattachés.

M. Michel Thiollière, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - D'emblée, je me félicite, malgré le catastrophisme de certains, que le montant des crédits que l'État consacre aux médias sont plus élevés qu'ils ne l'ont jamais été : les pouvoirs publics sont conscients du défi majeur de la révolution numérique. Les chaînes de télévision devront mettre en place un média global, assurant la continuité des programmes de la télévision à internet, et investir lourdement pour la haute définition.

La mission mobilise 1 milliard de crédits de paiement dont 730 millions pour l'audiovisuel, et le compte d'avances à l'audiovisuel, alimenté par la redevance, atteindra 3 milliards, soit une progression de 3,7 %. Cette augmentation sera possible grâce à l'indexation de la redevance sur l'inflation, comme le recommandait notre commission. Le Gouvernement s'est rangé à cette option avec un peu d'avance puisque cette mesure sera discutée lors du projet de loi sur la communication audiovisuelle, début 2009. France Télévisions verra sa dotation augmenter de 53,3 millions, conformément à son ambitieux contrat d'objectifs et de moyens. Le nouveau programme « Contribution au financement de l'audiovisuel public » est doté de 450 millions pour compenser la perte de ressources publicitaires. La commission sur la nouvelle télévision publique a évalué cette compensation en tenant compte de la disparition totale de la publicité après 20 heures comme de ses effets sur les écrans diffusés plus tôt, de la décrue du marché publicitaire ainsi que de la modification du cadre règlementaire.

Prenant pour base les 800 millions de revenus publicitaires de France Télévisions en 2007, la commission Copé a fixé la compensation de l'État en déduisant de cette somme les 150 millions attendus des parrainages et de la publicité sur les antennes régionales et d'outre-mer ainsi que sur les nouveaux supports, et, d'autre part, 200 millions au titre des revenus publicitaires sur la publicité en journée. Cette dotation diminue très fortement le risque économique couru auparavant par France Télévisions, dont le chiffre d'affaires publicitaire pouvait être très fluctuant. Le budget de l'État permet à France Télévisions de disposer de perspectives financières à la fois solides et sécurisantes, qui lui permettront de soutenir la création à une hauteur suffisante. Il faudra cependant que la loi sur l'audiovisuel public prévoie une clause de revoyure avant la suppression totale de la publicité. Nous veillerons tous ensemble au respect des engagements financiers que l'État a pris avec les organismes de l'audiovisuel public.

La dotation de Radio France augmente de 3,7 % à 559,7 millions. Cela correspond à l'euro près aux engagements pris dans le contrat d'objectifs et de moyens. Radio France pourra ainsi financer le numérique et le multimédia. J'ai eu de bonnes nouvelles sur le coût de la réhabilitation de la Maison de Radio France ; pouvez-vous nous donner des précisions ?

Une dotation additionnelle de 23 millions est destinée à compenser un recentrage de la publicité de Radio France afin de la mettre en conformité avec le cahier des charges.

Arte bénéficie d'une hausse des crédits de 4 %, conforme au contrat d'objectifs et de moyens. Grâce à sa bonne gestion, la chaîne va pouvoir consacrer ces moyens à la diffusion en haute définition et sur la télévision mobile personnelle.

Les crédits de l'Institut national de l'audiovisuel s'accroissent de 3,4 % à 86 millions. Cette hausse des crédits, conforme au contrat d'objectifs et de moyens, financera la numérisation des fonds menacés de dégradation. Elle récompense à juste titre la pertinence de la politique menée par l'INA.

Des inquiétudes apparaissent sur la budgétisation des crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique, qui subventionne les radios associatives de proximité. Ces radios bénéficiaient en 2008 d'une taxe sur les recettes publicitaires des radios et télévisions à hauteur de 25 millions, qui aurait baissé en 2009. L'État a fait un effort budgétaire réel en dotant le nouveau programme « Soutien à l'expression radiophonique » de 26,5 millions en crédits de paiement. La difficulté majeure pour ces radios sera le passage au numérique en raison des coûts de la double diffusion. Une réflexion devra donc être menée sur le soutien à leur apporter. La commission des affaires culturelles sera très attentive aux crédits affectés à ce fonds car les radios associatives de proximité ont un rôle fédérateur très intéressant. Pouvez-vous nous éclairer sur les pistes que suit le ministère afin de soutenir leur passage au numérique ?

La holding Audiovisuel extérieur de la France a été créée le 4 avril 2008 afin de mettre en oeuvre la réforme de l'audiovisuel extérieur en regroupant Radio France Internationale, France 24 et TV5 Monde. Les crédits du programme 115 s'élèvent à 232 millions pour 2009, dont 1 million pour Médi 1, la radio franco-marocaine et ceux du programme 844 à 65,3 millions. L'audiovisuel extérieur serait ainsi doté de 297 millions, contre 296 en 2008. Cette hausse très légère est inférieure à la seule augmentation des crédits prévus pour France 24. La répartition des crédits qui sera opérée par la société de l'audiovisuel extérieur entre les trois chaînes sera donc extrêmement difficile. Il faut imaginer que les économies de structures annoncées permettront de dégager de nouveaux financements. Pouvez-vous nous donner des indications plus précises ?

La commission des affaires culturelles est hostile à l'utilisation de la redevance pour financer le groupement d'intérêt public France Télé Numérique. Le principe est acté pour 2009 mais, pour 2010, il faudra profiter de la création du compte d'affectation « Gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien ».

Conformément à mes préconisations, la commission a donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Dans un contexte particulièrement morose pour la presse écrite payante, le Président de la République a ouvert, le 2 octobre 2008, des états généraux de la presse qui doivent dégager des pistes de réflexion et des propositions de réforme. Dans l'attente de leurs conclusions, annoncées pour la fin du mois, le régime des aides à la presse est globalement reconduit dans ce projet de loi de finances.

Les aides directes à la presse s'élèveront à un peu plus de 173 millions en autorisations d'engagement. Cette diminution est légère mais elle a vocation à s'amplifier avec l'amendement que le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale en deuxième délibération.

Les aides au pluralisme se concentrent sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Mais c'est toute la presse quotidienne payante qui est confrontée à des effets d'éviction publicitaire provoqués par la concurrence exercée par la presse gratuite, internet et la télévision. Favoriser les revenus publicitaires des télévisions commerciales renforcerait cet effet d'éviction publicitaire : la croissance quasi immédiate des recettes publicitaires des deux principales chaînes privées approcherait les 500 millions, soit le double des investissements dans la presse quotidienne nationale sur un an.

L'idée est parfois avancée d'abaisser les seuils de concentration pour permettre aux journaux de consolider leur assise financière. La France se caractérise déjà par une hyper concentration de ses groupes de presse. Des soupçons d'intrusion du pouvoir politique dans la sphère médiatique ont conduit le groupe socialiste à souhaiter la création d'une commission d'enquête.

Les aides à la modernisation du secteur de la presse ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. On continue de privilégier des ajustements par le bas, via le soutien à la cessation d'activité professionnelle, au détriment du soutien aux projets innovants.

Le montant accordé au fonds d'aide au développement des services en ligne des entreprises de presse, de l'ordre de 500 000 euros, est dérisoire au regard des investissements considérables et réguliers que requiert le développement de l'internet de presse. La majorité elle-même a manifesté son mécontentement à l'égard de l'insuffisance et du saupoudrage des aides au développement numérique de la presse, puisqu'un amendement qui se voulait d'appel a été adopté à ce sujet, avant que le Gouvernement revienne dessus en seconde délibération.

En dépit de mes réserves sur le manque d'ambition du programme « Presse » de la mission « Médias », la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable à l'adoption des crédits.

Quel avenir le Gouvernement réserve-t-il au statut de l'Agence France-Presse ? Je crains que soit remise en cause son indépendance rédactionnelle.

Où en est la réflexion sur la portabilité des droits d'auteur des journalistes entre différents supports ? Un avant-projet de loi serait en préparation. La sous-représentation des journalistes fait craindre qu'on ne puisse parvenir à un compromis acceptable. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - La réforme de l'audiovisuel extérieur, lancée sous l'impulsion du Président de la République, s'est traduite par la création de la holding Audiovisuel extérieur de la France qui va regrouper les participations publiques dans les sociétés de l'audiovisuel extérieur, afin d'en améliorer la cohérence, la visibilité et l'efficacité. Avant de porter un jugement définitif sur cette réforme, il convient d'attendre qu'elle ait produit ses effets, d'ici un an par exemple. Dans l'attente de cette évaluation, il convient de donner leur chance aux dirigeants de cette holding pour réussir là où l'État a échoué.

Mais pour cela, il faut des moyens. A l'examen des financements prévus sur les trois ans à venir, j'avoue quelques inquiétudes. La dotation de l'audiovisuel extérieur est à peu près reconduite, à 298 millions d'euros ; somme proche de celle dont disposent ses homologues européens, à rapprocher toutefois de la dotation d'Arte, soit 300 millions... Les besoins sont estimés par les opérateurs à 322 millions -117 pour France 24, 72 pour TV5 Monde et 133 pour RFI- soit une différence de 25 millions. La répartition de la dotation entre eux risque d'être pour les dirigeants de la holding un véritable casse-tête. Je relève surtout que la subvention de l'État passera de 233 millions en 2009 à 218 en 2010 puis à 203 en 2011. Malgré les synergies et mutualisations logiquement attendues, la réforme sera compromise si, dans un contexte très concurrentiel et de développement des nouvelles technologies, les moyens venaient à diminuer trop fortement : je pense au basculement de l'analogique vers le numérique et aux coûts de structure, y compris sociaux, de la réforme elle-même.

Tout en étant consciente des contraintes budgétaires, la commission des affaires étrangères a adopté plusieurs amendements pour garantir un financement plus pérenne de l'audiovisuel extérieur, en augmentant la part de la redevance qui lui est allouée. Sous réserve de leur adoption, elle a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Les crédits de la mission « Médias » sont marqués par la réforme de l'audiovisuel public lancée par le Président de la République et que nous allons examiner prochainement au Sénat... un peu plus tard que prévu, heureusement pour la qualité de nos travaux. Le secteur audiovisuel connaît actuellement des bouleversements majeurs ; il doit évoluer, accompagner la généralisation de la télévision numérique, le développement de la télévision haute définition ou encore le décollage des télévisions locales ; il doit s'adapter à des modes de diffusion, internet, la télévision mobile, qui nécessitent des investissements lourds. Toutes évolutions que la commission des affaires culturelles a toujours souhaité accompagner.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - C'est vrai !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Ce nouveau paysage audiovisuel rend la réforme de l'audiovisuel public indispensable. France Télévisions doit inventer un modèle de développement nouveau, que la commission Copé a appelé le média global. Elle doit se transformer en entreprise unique et poursuivre sa modernisation, source de rationalisations et de synergies multiples. L'audiovisuel public doit pouvoir proposer une offre enrichie et diversifiée, déclinable sur l'ensemble des moyens de diffusion, mettre les contenus au coeur de son activité et recentrer les chaînes sur leur rôle éditorial.

Cela suppose qu'il dispose des moyens nécessaires. C'est là la question principale, au-delà des économies possibles et de la rationalisation des moyens, comme l'ont souligné la commission Copé et le rapport de M. Belot. Pour préserver un service public audiovisuel puissant, garant de la diversité et de l'expression démocratique, il faut lui garantir un financement pérenne et dynamique.

La forte croissance de la mission « Médias » est due à la création d'un programme « Contribution au financement de l'audiovisuel public » qui alloue 473 millions d'euros à France Télévisions et Radio France, somme qui doit permettre de compenser le manque à gagner dû à la suppression progressive de la publicité sur les chaînes publiques à partir du 5 janvier prochain. Ce chiffre correspond à l'estimation de la commission Copé, la perte des ressources publicitaires s'élevant à 650 millions en année pleine. La suppression de la publicité peut paradoxalement être une chance pour les chaînes du service public, parce que France Télévisions échange une recette aléatoire et en perte de vitesse -le marché publicitaire est dépressif et tiré vers les nouveaux médias- contre une recette garantie par l'État ; ensuite parce qu'elle échange une recette qui contraint la programmation contre une recette qui la libère. France Télévisions pourra oser des programmes novateurs et ambitieux, mieux affirmer l'identité des chaînes et leur différence avec les chaînes privées, renforcer ainsi la légitimité du service public : son financement public en sera d'autant plus justifié aux yeux de nos concitoyens. La condition est évidemment que l'État lui garantisse les ressources prévues dans le contrat d'objectifs et de moyens. L'autonomie financière sera une des garanties de l'autonomie du président de France Télévisions.

La mission « Médias » anticipe la réforme de l'audiovisuel public en prévoyant l'indexation de la redevance sur l'inflation, mesure que la commission des affaires culturelles et le groupe centriste réclament depuis des années. Le combat aura été long et difficile mais nous y sommes arrivés. J'ai une pensée pour nos anciens collègues, le président Jacques Valade et M. Louis de Broissia (Applaudissements à droite), qui se sont battus inlassablement pour cette réforme. Il faut faire de la redevance une ressource dynamique et pérenne. Son indexation rapportera 50 millions supplémentaires. Si elle avait suivi l'inflation depuis 2002, elle serait d'environ 128 euros -elle est encore cette année de 116 euros, un niveau très inférieur à ce qu'elle est dans les autres pays européens. A défaut de l'augmenter, il faut mettre fin au plafonnement des remboursements des dégrèvements qui fait financer les exonérations pour motifs sociaux par le budget de l'audiovisuel public. Ce plafonnement est d'ailleurs contraire à l'article 53 de la loi d'août 2000. Il conviendrait aussi, comme je l'ai déjà proposé, d'élargir l'assiette en taxant les nouveaux supports. Pourquoi exonérer les ordinateurs équipés pour la réception de la télévision, qui constituent un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif » tel que défini par l'article 105 du code général des impôts ? L'exonération n'est pas conforme au principe de neutralité technologique. Il faut y mettre fin, comme l'a proposé notre collègue député M. Jean Dionis du Séjour. Bien encadrée, ne visant par exemple que les abonnés au triple play qui ont déclaré ne pas payer la redevance, cette mesure serait juste et équitable.

Il semble anormal, en outre, comme l'a déjà relevé la commission des affaires culturelles, de faire financer l'extinction de la diffusion analogique par la redevance, comme le prévoit l'article 23 du projet de loi de finances. L'accompagnement du passage au numérique doit être financées sur le budget de l'État.

Au-delà, il faudra faire de la pédagogie sur la redevance, auprès des Français comme des parlementaires. Combien de nos concitoyens savent à quoi elle sert et ce qu'elle finance ? Combien peuvent dire combien ils payent ? Elle sera d'autant mieux acceptée s'ils voient la différence entre le service public et les chaînes privées.

Je veux enfin attirer l'attention sur un aspect souvent méconnu. L'audiovisuel est une industrie de création considérable, elle fait travailler des producteurs, des auteurs, des créateurs, des techniciens et des intermittents, de nombreux métiers artistiques. La moitié des films nommés aux Césars 2008 étaient coproduits par France 2 Cinéma et France 3 Cinéma. Nous devrons avoir cela à l'esprit lorsque nous examinerons la réforme de notre audiovisuel public. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jack Ralite.  - Je commencerai par un souvenir personnel. Prenant la parole publiquement pour la dernière fois, André Malraux a déclaré le 12 mai 1976, devant la commission des libertés de l'Assemblée nationale, dont j'étais membre : « La meilleure loi sur la liberté serait peu de choses si elle ne se rendait pas maîtresse du plus puissant instrument de liberté et d'asservissement qui ait été conçu par l'esprit humain. La prochaine alphabétisation sera l'enseignement audiovisuel. Réforme utopique ? C'est ce qu'on a dit de toutes les grandes réformes. L'utopie, c'est l'espoir des autres... Il ne s'agit pas d'une réforme, mais d'une révolution. »

Vous pourrez constater que j'ai adopté cet état d'esprit.

Nous examinons le budget des médias pendant que l'Assemblée nationale discute la loi sur l'audiovisuel public, mais le Gouvernement juge secondaire ce débat, puisqu'il en a inscrit les conséquences en septembre dans le budget de l'État. Ainsi, nous examinons des sommes devant compenser la publicité qu'un décret va rayer de la carte. Le projet budgétaire montre ainsi comment le Gouvernement se représente un processus démocratique, de même que son projet pour les médias : démocratie et espaces publics médiatiques sont l'objet de mauvais coups incessants.

Imperturbable malgré les protestations qui montent de toutes parts, le Gouvernement met en place la mainmise étatique sur les médias et le soutien aux grands groupes privés. L'opposition et les professionnels protestent en quittant la commission Copé ? Le Gouvernement n'en a cure ! Les salariés de France Télévisions, de RFI, de l'AFP font grève et manifestent ? Le Gouvernement reste sourd ! Il ne connaît qu'une feuille de route : étatisme et affairisme à tous les étages.

Qu'il s'agisse de l'audiovisuel public, de l'audiovisuel extérieur ou de la presse, il fragilise le service public au profit de Lagardère, de Bouygues-TF1 ou de Bolloré.

Je dénonce depuis un an la réalité du projet supprimant la publicité sur les chaînes du service public : la culture et la création sont ravalées au rang d'arguments fallacieux pour justifier de nouveaux cadeaux au privé, principalement à TF1. Depuis l'annonce du 8 janvier, France Télévisions est entraînée dans une spirale déficitaire. Les recettes publicitaires accusent déjà un retard supérieur à 200 millions d'euros. Le budget rectificatif de France Télévisions a été corrigé plusieurs fois...

A ce jour, aucun modèle économique alternatif valable de substitution à la publicité n'a été présenté. La majorité persiste dans son refus d'une augmentation même raisonnable de la redevance. Les 450 millions censés compenser la fin des revenus publicitaires sont loin des 800 millions prévus pour 2008 à ce titre dans le budget de l'opérateur. La régie publicitaire annonçant que l'on atteindra au mieux 250 à 260 millions, il manquera au moins 100 millions d'euros. J'ajoute que les programmes de remplacement devraient coûter 70 millions. Où est la prise en compte des besoins d'investissements dans les nouvelles technologies ? Comment faire face à l'effet inflationniste qu'auront les 450 millions de recettes transférées vers les chaînes privées ? Comment couvrir les coûts sociaux de la réforme ? Enfin, les diverses taxes inscrites dans ce texte sont minorées par des amendements, sans parler d'éventuelles condamnations par la Commission européenne.

L'asphyxie financière de l'audiovisuel public touche également l'audiovisuel extérieur. Ainsi, la création, le 4 avril, de la holding Audiovisuel extérieur de la France, regroupant France 24, RFI France et TV5 Monde, aura des conséquences importantes pour l'indépendance et le pluralisme de RFI et de l'INA. L'insuffisance notoire de son financement est inquiétante pour RFI et TV5 : comme l'a souligné M. Belot, les 2 millions et demi d'euros proposés au titre de ce programme pour 2009 sont inférieurs aux 3,2 millions inscrits dans le contrat de subventions entre l'État et France 24.

La loi de finances ne répartit pas ce budget, mais le rapport de forces au sein de la holding est clair : RFI a déjà fermé des antennes, mais il n'y a guère à s'inquiéter pour France 24. Tel est l'audiovisuel extérieur auquel un amendement propose de transférer une part de la redevance, destinée à l'INA ! La stabilité financière de cet institut serait alors compromise par cette disposition qui s'attaque indirectement à notre patrimoine. Un autre amendement attribuerait une partie de la redevance au groupement d'intérêt public France Télé numérique, donc indirectement à des entreprises non publiques : la moitié du capital de France 24 est détenue par TF1. Voilà sans doute pourquoi l'article 23 du projet de loi de finances supprime le mot « public » pour l'intituler « Compte spécial d'avance à l'audiovisuel ». C'est un signe clair du hold-up subi par les fonds publics au profit du privé !

Venons-en à la presse.

Les mauvais coups se multiplient : de nombreux syndicats de journalistes ont quitté les états généraux de la presse pour protester contre leur orientation trop favorable aux industriels ; la dépénalisation de la diffamation transformerait le droit de la presse en conflit entre particuliers ; la privatisation plane sur l'AFP depuis l'inquiétant rapport Giazzi ; les seuils anti-concentration ont été relevés en juillet par la loi de modernisation de l'économie. Tandis que l'on prépare le terrain aux grands groupes de médias, le tiers secteur attend toujours que l'on s'intéresse à lui.

Ce budget reflète cette tectonique des plaques médiatiques ou le secteur public risque l'insularité face à un secteur privé destiné à devenir un continent dangereux pour le pluralisme et la diversité. Non seulement nous ne pouvons le voter, mais nous nous élevons contre le projet dont il est la traduction (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Kammermann.  - (Applaudissements à droite) L'année 2009 sera celle de la réforme des médias souhaitée par le Président de la République. En effet, notre paysage médiatique ne peut rester figé dans un contexte en profonde mutation technique.

Tout d'abord, l'année prochaine sera la première de la nouvelle télévision publique, entreprise unique créée par un texte discuté en ce moment même par les députés. Ensuite, RFI, France 24 et TV5 Monde fonctionneront en commun pour la première fois, au sein de la holding Audiovisuel extérieur de la France, renforçant notre visibilité à l'étranger. Enfin, les états généraux de la presse se tiendront en 2009, après plusieurs années de crise. J'évoquerai ces trois sujets, en mettant un accent particulier sur l'audiovisuel extérieur, qui me tient évidemment à coeur.

Nous examinerons plus tard le projet de loi sur l'audiovisuel public mais je veux souligner combien il est important de libérer la télévision publique de la course à l'audimat.

Une concurrence oppose les chaînes de télévision, mais elle existe aussi entre l'ensemble des chaînes et internet, la TV sur téléphone et la vidéo à la demande, car le consommateur reçoit une offre croissante. Mais la logique commerciale risque d'uniformiser les contenus, voire de les niveler par le bas.

La réforme est une chance pour les téléspectateurs et pour France Télévisions : grâce aux services publics, nos concitoyens bénéficieront d'une ouverture culturelle et intellectuelle ; France Télévisions pourra diffuser des programmes sans chercher à faire du chiffre. Désormais financée exclusivement sur fonds publics, France Télévisions aura une obligation de résultat en matière de création et de diversité. Il faut évidemment lui en donner les moyens.

Les opinions sont partagées quant au mode de financement. La commission Copé a écouté tous les avis, envisagé toutes les solutions. Sans prendre parti, j'estime qu'il était sage de supprimer progressivement la publicité, afin d'évaluer la réforme.

Le Sénat est également sensible à l'autre grand défi de la télévision, qui sera entièrement numérique à partir du 30 novembre 2011. Nous nous réjouissons que vous financiez une campagne nationale d'information et un fonds d'aide en faveur des foyers modestes. Quelles dispositions avez-vous prises pour couvrir l'ensemble du territoire ?

J'en viens à l'audiovisuel extérieur.

L'année 2009 sera décisive pour la holding voulue par le Président de la République, regroupant les participations publiques dans RFI, France 24 et TV5 Monde. Représentant les Français de l'étranger, je me réjouis de cette réforme, car on reprochait depuis longtemps à l'audiovisuel extérieur d'empiler les structures, d'être trop cher et inefficace.

Dans ce cadre, les sociétés ont une double mission : leur influence doit rivaliser avec les grands médias comme CNN ou Al-Jazira ; elles doivent promouvoir la démocratie, la laïcité, les droits de l'homme et la francophonie.

M. Jacques Legendre.  - Très bien !

Mme Christiane Kammermann.  - L'existence d'une holding fera fonctionner RFI, France 24 et TV5 dans un même plan stratégique, tout en respectant la personnalité de chaque chaîne et en nouant des synergies. Ainsi, les remarquables rédactions en arabe de RFI pourront aider France 24 à développer ses émissions dans cette langue.

En 2009, le Gouvernement consacrera 298 millions d'euros à l'audiovisuel extérieur, ce qui m'inspire une réserve : nos rapporteurs ont déjà souligné que l'on retrouve quasiment le niveau de l'année précédente. En outre, la programmation budgétaire triennale réduira le financement de la holding en 2010 et 2011. Certes, des économies devraient être réalisées sur les coûts de fonctionnement, mais je partage l'inquiétude des rapporteurs.

Il serait dommage que la réorganisation des structures souffre d'un défaut de financement. La nouvelle organisation est une première étape, il reste beaucoup à faire : il est notamment nécessaire que RFI assainisse sa situation financière et recentre ses missions. Ses dirigeants ont annoncé leur intention de supprimer les programmes en six langues, faute d'audience, dont l'allemand, tandis que trois autres langues -persan, chinois et russe- n'existeraient plus que sur internet. RFI doit s'adapter à la concurrence ; ne devrait-elle pas identifier des zones cibles de diffusion prioritaire ?

La presse française, particulièrement la presse quotidienne traverse une crise. Depuis vingt ans, la diffusion des douze quotidiens nationaux a diminué de 25 %. La tendance est encore plus accentuée pour la presse locale. Cette évolution est due à plusieurs facteurs : désaffection du lectorat, développement de l'internet et des blogs, diffusion des gratuits, baisse des recettes publicitaires, coûts de production élevés. Le 2 octobre, le Président de la République a lancé les états généraux de la presse écrite, en soulignant qu'il était prêt à revoir les aides publiques et à lutter contre les immobilismes pour sortir ce secteur de la crise. Il est urgent de définir le visage de la presse de demain, pour que la politique de soutien soit efficace.

Pour 2009, les aides à la presse et les dotations de l'Agence France Presse s'élèveront à 279 millions en crédits de paiement, soit le niveau élevé atteint en 2008. C'est positif : il est important que le Gouvernement maintienne son effort car la presse contribue à la vie démocratique. Ce budget est celui d'une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir. Notre groupe lui apportera son soutien. (Applaudissements à droite)

Mme Françoise Laborde.  - C'est aujourd'hui un secteur tout entier qui est en pleine mutation : l'audiovisuel et la presse écrite font face aux bouleversements technologiques du passage au numérique, à la modification des modes de consommation des médias ainsi qu'à une concurrence internationale de plus en plus forte. Nous allons devoir rapidement relever ces défis, pour pérenniser, moderniser et développer nos médias.

Sur le programme relatif à la contribution au financement de l'audiovisuel public, je dois avouer ma stupéfaction. Vous nous demandez d'adopter un budget qui contient une compensation des pertes de ressources publicitaires pour France Télévisions et Radio France alors même que la suppression de la publicité sur les chaînes publiques n'a pas encore été définitivement votée. Qui plus est, elle est largement contestée, y compris au sein même de votre majorité. Quid du respect dû aux travaux du Parlement ? De plus, je m'interroge sur l'opportunité d'une réforme du paysage audiovisuel français d'une telle ampleur au moment où une crise financière d'une rare violence frappe notre pays et inquiète nos concitoyens.

Seuls médias de proximité couvrant l'ensemble du territoire, les radios associatives locales jouent un rôle essentiel dans nos régions. Elles ont un rôle social, fédérateur et remplissent également des missions de formation et d'intégration en employant plus de 2 000 personnes. La mission « Médias » est marquée cette année par la budgétisation des crédits du programme de soutien à l'expression de la radiophonie locale, crédits qui figuraient jusqu'ici au sein d'un compte d'affectation spéciale. Cette budgétisation, à la suite de la disparition de ce compte, se justifie surtout par la nécessité de compléter par des crédits budgétaires le montant de la taxe sur la publicité radio et télévisée, jusque là principale source de financement des radios locales associatives. En effet, à partir de 2009 le produit de cette taxe alimentant le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER) diminuera fortement du fait de l'arrêt progressif de la publicité sur les chaînes du groupe France Télévisions, très important contributeur. Les radios locales auront donc elles aussi à souffrir du projet de loi actuellement en discussion.

Le fonds de soutien est chargé de gérer l'aide publique aux radios associatives locales assurant une mission de communication sociale de proximité. Ses subventions sont attribuées par le ministre chargé de la communication aux radios locales associatives répondant à un cahier des charges précis et dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total. C'est grâce à ces subventions qu'environ 500 radios associatives peuvent encore vivre. C'est pourquoi je me réjouis que l'État joue son rôle en permettant au FSER de maintenir ces aides essentielles à la diversification du tissu radiophonique. C'est essentiel, car les radios devront rapidement prendre en compte les nouveaux besoins liés à la technologie numérique. Nous devrons désormais veiller, nous parlementaires, à ce que les crédits votés chaque année pour le financement de ce fonds soient suffisants.

Madame la ministre, les objectifs de votre budget sont tout à fait louables et l'effort en faveur de cette mission pourra peut-être apaiser certaines craintes en cette période de profonde réforme de l'audiovisuel et d'interrogation sur le devenir de la presse écrite. Je voterai donc ces crédits, attendant avec impatience le débat sur la réforme de l'audiovisuel. (Applaudissements à droite)

M. Serge Lagauche.  - Un amendement du rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères nous propose de retirer à l'Institut national de l'audiovisuel, l'INA, sa part de financement venant de la redevance pour le transférer sur l'audiovisuel extérieur. Il explique ce transfert par « une plus forte incertitude sur le montant de la dotation publique, en particulier dans le contexte budgétaire actuel ». Ce transfert est hors de question ! Le fait que l'INA ne soit pas une société de radio ou de télévision n'est pas un argument recevable pour mettre un terme à son financement par la redevance. Les missions de l'INA sont en effet intrinsèquement de nature audiovisuelle. Il est d'abord chargé de sauvegarder notre patrimoine audiovisuel avec la mission colossale de préserver et numériser, d'ici 2015, plus de 820 000 heures de programmes enregistrés sur des supports analogiques périssables. Il est chargé ensuite d'enrichir ses collections par acquisition, et surtout par captage des programmes de 101 chaînes de télévision et de radio, chiffre qui doit être porté à 120 en 2009, puisque l'INA reçoit le dépôt légal de la radiotélévision. Enfin, il doit valoriser et exploiter ces collections pour les particuliers ou les professionnels : ainsi le site « inamediapro.com » constitue la première source audiovisuelle mondiale. L'Institut assure également une mission de création audiovisuelle, à travers la production de films ou de documentaires conçus à partir de ses archives.

Je comprends l'intention de notre collègue Kergueris qui veut interpeller le Gouvernement sur la pérennité et le niveau de financement de l'audiovisuel extérieur, qui souffre d'un montage juridique et financier alambiqué, mais cela ne peut pas se faire au détriment de l'INA.

Avec le lancement des états généraux de la presse, le Gouvernement a renouvelé le concept de la commission Copé, structure occupationnelle de réflexion à fonds perdus. Là encore, le Président de la République s'étant empressé de donner le « la », une partie des conclusions est connue d'avance, ce qui a incité plusieurs syndicats de journalistes à déclarer forfait : à quoi bon faire de la figuration quand les dés sont pipés, quand les groupes de travail ne sont réunis, en réalité, que pour entériner des réformes déjà décidées et écrites ailleurs ? Car ce qui se profile, c'est bien la remise en cause des droits d'auteur des journalistes, « l'allégement » de la plupart des « contraintes » du statut de journaliste telle que la clause de cession, ou bien encore l'assouplissement des lois anti-concentration : ce sont exactement les principales demandes des patrons de presse !

Notre pays se caractérise déjà par une hyper-concentration de ses groupes de presse, par une intrusion croissante du pouvoir politique dans la sphère médiatique et par le rétablissement d'une subordination entre le pouvoir exécutif et les organes de direction des télévisions publiques C'est ce qui a conduit le groupe socialiste, à l'initiative de notre collègue Sueur, à déposer une proposition de résolution demandant la création d'une commission d'enquête sur les liens existant entre le pouvoir exécutif et les organismes de presse et de la communication audiovisuelle et sur leurs conséquences pour l'indépendance et le pluralisme de la presse et des médias. Face aux dérives institutionnelles, législatives et factuelles, qui se répètent, il devient urgent que la Haute assemblée inscrive cette proposition de résolution à son ordre du jour et approuve la constitution de cette commission d'enquête.

Pour 2009, si le régime global des aides à la presse est reconduit, le montant des aides directes, en diminution de 1,16 %, a été revu à la baisse par l'adoption, en seconde délibération par l'Assemblée nationale, d'un amendement du Gouvernement, minorant davantage les crédits du programme 180. On peut donc s'inquiéter pour les aides au pluralisme, dont le montant devra nécessairement augmenter. Celles-ci se concentrent principalement sur le soutien aux titres à faibles ressources publicitaires. Or, c'est l'ensemble de la presse quotidienne payante qui est confronté à la disparition de la publicité provoquée par la concurrence de la presse gratuite, d'internet et de la télévision. Or, les mesures à venir favorisant les revenus publicitaires des télévisions commerciales, l'augmentation du quantum publicitaire horaire autorisé de six à neuf minutes sur les chaînes privées, le passage de l'« heure glissante » à l'« heure d'horloge » et l'autorisation d'une seconde coupure publicitaire pendant les films provoqueront un report de recettes publicitaires sur les deux principales chaînes privées, TF1 et M6, ajoutant encore à la crise de la presse écrite.

Pour l'heure, le secteur de la presse est suspendu aux futures conclusions de ses états généraux. Malheureusement celles-ci risquent de sonner comme un bis repetita de l'actuelle réforme de l'audiovisuel, dont les grands perdants seront les journalistes et, avec eux, l'information pluraliste et indépendante que tout citoyen est en droit d'attendre en démocratie. (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline.  - Dans un courrier à Mme Albanel, début août 2007, le président de la République écrivait : « L'accès aux oeuvres de l'esprit passant de plus en plus par la médiation audiovisuelle, la culture doit être davantage présente dans les programmes de la télévision. » C'est pourquoi le chef de l'État a organisé l'appauvrissement de l'audiovisuel public et l'enrichissement des groupes privés. Pour faciliter l'accès de tous aux « oeuvres de l'esprit », il a autorisé TF1 et M6 à diffuser des « tunnels » de publicité encore plus longs qu'aujourd'hui et à couper deux fois les programmes, notamment les films, par de la réclame. C'est bon pour l'esprit ! Le débat budgétaire précède la bataille que nous conduirons avec détermination au Sénat, après le combat de nos camarades députés, contre le projet de réforme de l'audiovisuel du président Sarkozy.

Le sous-financement de France Télévisions ne date pas de janvier 2008, mais du retour de la droite au pouvoir, en 2002. Le rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel pour 2008, notre ancien collègue M. de Broissia, constatait que les taux de redevance n'avaient pas été modifiés depuis 2002 et proposait en conséquence, dans deux amendements approuvés unanimement par la commission des affaires culturelles, de les augmenter légèrement -de 116 à 120 euros- et d'indexer pour l'avenir leur progression sur l'indice des prix. Le Gouvernement, hostile à ces propositions, a obtenu gain de cause. La télévision publique aurait pourtant trouvé là des moyens de participer pleinement à la révolution numérique et de satisfaire aux exigences éditoriales des contrats d'objectifs et de moyens.

Parmi ces objectifs, il y a la transformation de France Télévisions en « média global » avec une offre valorisant la spécificité du service public : nous sommes d'accord ! Mais comment le groupe peut-il réaliser cette ambition avec les moyens à sa disposition dans les trois années qui viennent ? La Cour des comptes, en octobre 2007, indiquait à notre commission des finances que la bonne exécution des contrats de France Télévisions, Radio France et Arte supposait une augmentation d'au moins 3,5 % des dotations. Or, depuis janvier dernier, les annonceurs fuient les antennes de France Télévisions et le produit de la redevance sera affecté par la conjoncture économique. Pouvez-vous, madame la ministre, nous confirmer que France Télévisions clôturera 2008 en déficit de 160 millions d'euros alors que l'exercice précédent était à l'équilibre ? Est-il normal que le directeur de l'information de France 3 n'ait plus les moyens d'envoyer, jusqu'à la fin de l'année, des reporters à l'étranger ? Êtes-vous satisfaite de la perspective, pour 2009, d'un déficit d'environ 100 millions d'euros ? La direction de France Télévisions envisage un retour à l'équilibre en 2012 au plus tôt. Que répondez-vous à l'inquiétude des journalistes, techniciens, administratifs, réduits par certains membres de la majorité, tel le député Lefebvre, au rôle de variable d'ajustement budgétaire ? Avez-vous demandé aux Français ce qu'ils pensaient de la suppression du « 19/20 » et de « Soir 3 », suppression inévitable compte tenu du nouveau cahier des charges ?

Le Président de la République aura au moins tenu sa principale promesse électorale : celle d'incarner la « rupture », en l'occurrence la rupture avec une certaine conception de la diversité culturelle et du pluralisme démocratique dans l'audiovisuel. (Applaudissements à gauche)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - RFI est la station la plus en danger de l'audiovisuel extérieur. Certes, elle perd de l'audience ; peut-être ses coûts sont-ils trop élevés. Mais elle est la seule radio française à diffuser une information internationale de qualité. Et l'émotion suscitée en Pologne, en Roumanie ou en Allemagne par les rumeurs de suppression montre que le rayonnement n'est pas si faible.

Nous avions stigmatisé, lors de la création de France 24, cet attelage baroque entre France Télévisions et TF1 : l'État détenait 50 % des parts et finançait l'intégralité du fonctionnement et de l'investissement, TF1 obtenait 50 % pour 17 500 euros. Et sa contribution a surtout consisté à bloquer et retarder la diffusion de la chaîne sur le territoire français pour éviter qu'elle ne concurrence sa filiale LC1. Or combien demande TF1 pour le rachat de ses parts deux ans plus tard ? Pas moins de 90 millions d'euros. On a parlé de victoire lorsqu'il n'a plus été question que de 2 millions d'euros. C'est la méthode des souks : on part de très haut, on baisse beaucoup et le prix final est encore trop cher... Et il y a toujours un cadeau, en l'occurrence 1,6 million d'euros par an sur sept ans, pour la fourniture d'images d'archives et de sport. Soit 11,2 millions d'euros : 750 % de gain en deux ans, un placement de rêve ! Foin des paradis fiscaux, il suffit d'avoir des amis bien choisis et c'est le contribuable qui paye. Nous dénonçons cette opération. (Applaudissements à gauche)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Je veux d'abord insister sur l'ampleur de la réforme menée dans le paysage médiatique : on n'avait pas vu mouvement aussi ambitieux depuis bien longtemps. La réforme de la télévision publique sera examinée par la Haute assemblée début 2009 : elle se traduira par encore plus de service public, encore plus de fictions, de films, de courts métrages et une plus grande place accordée à l'Europe. De nouveaux horaires seront mis en place, avec trois réelles parties de soirée. L'offre sera plus riche, notamment grâce à la suppression partielle de la publicité, entre vingt heures et six heures du matin, compensée par un financement pérenne et dynamique. Je rappelle que la télévision publique est très correctement financée, par rapport aux autres télévisions publiques. Son budget est de 3 milliards d'euros dont 2,3 fournis par la redevance et 450 millions garantis par l'État. La compensation est déjà inscrite en loi de finances afin que nous soyons prêts à la verser dés le début du mois de janvier. Une taxe sur les opérateurs de télécommunication est créée, au taux de 0,9 % du chiffre d'affaires, soit 370 millions d'euros, car le secteur est en forte expansion -du reste, il produit et diffuse de plus en plus de programmes. A cela s'ajoute un prélèvement de 3 % sur les recettes publicitaires des chaînes, avec, compte tenu de la crise, un niveau plancher et un prélèvement supplémentaire sur les surplus, s'il y en a.

Vous avez beaucoup insisté sur le financement de l'audiovisuel extérieur. Comment dégager des synergies ? Grâce à la création de la holding, composée de 100 % du capital de RFI, 100 % du capital de France 24 et 49 % de celui de TV5.

Avec 298,4 millions, dont 65 millions issus de la redevance, les crédits ne sont pas insignifiants. Ils permettront de verser, comme prévu, une subvention de 91,7 millions à France 24, de financer le fonctionnement et le développement du plan stratégique de TV5 Monde, d'amorcer le redressement financier et la modernisation de RFI, dont la stratégie actuelle, forte, va se développer partout, notamment en Afrique et dans les zones où les enjeux stratégiques sont centraux, comme en Russie, où l'objectif est de basculer des ondes courtes vers la FM et internet. Si certaines diffusions en langues rares, comme le serbo-croate, vont en effet fermer, ces fermetures ne remettent pas en cause cette stratégie. Pour les autres medias, cette présence forte de RFI partout dans le monde est une chance. Les synergies permettront ainsi à France 24 de se développer, comme elle le souhaite, dans le monde arabe, où RFI est très présente.

Les diminutions de crédits prévus sur 2010 et 2011 dans le cadre de la programmation annuelle correspondent aux engagements pris pour mettre en place des synergies, sachant que des ajustements financiers restent possibles dans le cadre du prochain contrat d'objectifs et de moyens.

Nous souhaitons que 100 % du capital de France 24 soit détenu par la holding, ce qui suppose la sortie des actionnaires privés. Leur capital avait été valorisé à hauteur de 90 millions, mais nous menons des discussions pour que la sortie se fasse à hauteur de 2 millions, ce qui paraît raisonnable sachant que France 24 est évaluée actuellement entre 18 et 20 millions. Oui, il y aura des achats de programmes pour la diffusion : qu'y a-t-il là de scandaleux ?

Le chantier de Radio France est complexe. Il vise essentiellement à la sécurité, notamment par le désamiantage. Il sera aussi l'occasion de moderniser le bâtiment et de l'insérer dans la ville, en même temps que d'offrir un cadre convenable aux personnels. Des travaux sont prévus par le contrat d'objectifs et de moyens 2006-2009. Après un appel d'offre infructueux en 2007, une nouvelle procédure a été lancée à l'été 2008. Les travaux ont déjà avancé, avec la création du parking souterrain, et devraient s'achever en 2013, ou plus vraisemblablement en 2015. Le coût global du projet, initialement de 241 millions en investissement et de 92 millions en fonctionnement, devra être revu à la hausse. Le coût supplémentaire devrait être de 200 millions.

Vous êtes nombreux à m'avoir interrogée sur l'avenir du Fonds de soutien à l'expression radiophonique. Ses crédits ne transiteront plus par le compte d'affectation spéciale, mais seront directement versés au CNC : cette rebudgétisation les sort des aléas des marchés publicitaires. Ils augmenteront de 6 %, passant de 25 à 26 millions. Pour le soutien au passage au numérique, les candidatures ont afflué au CSA. Un nouveau système est en cours d'élaboration sur la base des travaux menés avec les radios associatives.

La presse vit aussi une période de mutation profonde. Les aides de l'État sont parmi les plus élevées du monde, et le resteront en 2009, avec une dotation de 282,7 millions. Elle permettra d'accompagner les efforts de modernisation et de consolider le soutien à la diffusion et au pluralisme. Malgré ce soutien, la presse est en crise. D'où les états généraux, animés par des personnalités indépendantes chargées de constituer des groupes de travail. Le dialogue, auquel participent les parlementaires, dont Mme Morin-Desailly, est dense. Les contributions donneront lieu à un Livre vert, qui comprendra certainement beaucoup d'éléments interprofessionnels que l'État pourra encadrer mais donnera lieu aussi à des mesures réglementaires, voire législatives, je pense en particulier au sujet très sensible du droit d'auteur.

L'AFP doit moderniser radicalement son dispositif technique, avec un projet de production multimédia qui doit l'aider à conquérir des marchés. L'État l'accompagnera dans cette entreprise. Le premier contrat d'objectifs et de moyens a permis d'apurer une situation financière dégradée.

Avec le contrat d'objectifs et de moyens 2009-2013, l'État s'engage à augmenter ses abonnements d'au moins 1,8 % ; le contrat comprend notamment une aide spécifique à l'investissement avec une dotation en fonds propres de 20 millions. L'AFP s'est engagée à augmenter de 4,75 % par an ses recettes commerciales, en investissant davantage le multimédia et les zones géographiques à forte croissance. Je répète ici que nous n'avons nulle intention de privatiser l'AFP, nous y sommes très attachés.

La redevance n'a pas évolué depuis des années, je le regrette, mais nous devons tenir compte des impératifs du pouvoir d'achat. L'indexation, cependant, fera cesser la diminution de la redevance. Je ne suis pas convaincue par la proposition de taxer les nouveaux supports audiovisuels, comme les ordinateurs. Non seulement parce que ce sont souvent les étudiants qui reçoivent la télévision uniquement par ordinateur, et parce qu'une telle taxe serait très difficile à appliquer.

Le passage au tout numérique va se poursuivre jusqu'en 2011. La ville de Coulommiers va être couverte, Cherbourg suivra. Nous mobilisons des moyens, notamment pour aider les foyers exonérés de redevance qui ne reçoivent que la télévision analogique par voie hertzienne. Le GIP France Télé Numérique est financé pour moitié par la redevance. Les contrats d'objectifs et de moyens seront tenus, il ne s'agit pas de prendre des moyens aux chaînes pour avancer sur le tout numérique. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - J'aimerais débattre plus avant, un autre jour, de l'opération entre TF1 et France 24. En 2006, TF1 et l'État ont doté France 24 à parité, cette année, l'État a ajouté 88,5 millions et pour l'an prochain l'État ajoute encore 117 millions. Devant ces chiffres, nous devons constater que l'État a apporté toutes les ressources. Dès lors, comment une banque peut-elle valoriser à 90 millions une entreprise dont les seules ressources sont des subventions ? Cela n'a pas de sens ! Madame le ministre, ne laissez pas croire qu'une opération publique puisse être aussi déséquilibrée pour les contribuables ! (Approbation à gauche, quelques applaudissements à droite)

M. Serge Lagauche.  - C'est une escroquerie.

M. Jack Ralite.  - Un scandale.

Examen des crédits

Article 35 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-133, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Joseph Kergueris.  - Nous transférons 86 172 400 euros du programme « Institut national de l'audiovisuel », au programme « Contribution au financement de l'audiovisuel extérieur de la France ». Cela confortera le financement de notre audiovisuel extérieur, qui a besoin d'un financement pérenne.

M. le président.  - Amendement n°II-136, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.

M. Joseph Kergueris.  - Amendement de conséquence.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Vous substituez à la redevance une dotation budgétaire : que pense le Gouvernement de ce choix stratégique ?

Mme Christine Albanel, ministre.  - Le législateur a souhaité utiliser la redevance pour d'autres objets que le seul financement des chaînes publiques de radio et de télévision. C'est pourquoi la redevance a financé l'INA dès sa création en 1974, compte tenu des missions de service public confiées au nouvel institut. Je comprends le souci de stabiliser le financement de l'audiovisuel extérieur mais le transfert proposé n'est pas la meilleure solution et la somme ne suffirait pas. Nous allons débattre de ces questions en janvier dans le projet de loi sur l'audiovisuel et la télévision. Avis défavorable.

M. Jacques Legendre.  - J'avoue mon embarras. Cet amendement paraît retirer des moyens à l'INA, auquel nous sommes très attachés. Je crois aussi que TV5, l'un des plus grand succès de la francophonie, est indispensable à l'affirmation de la langue française et de la diversité culturelle. Je comprends aussi le souci d'assurer un financement pérenne à France 24, dont la part française est financée aujourd'hui à 94 % par des subventions et à 6 % par la redevance. Cependant, faut-il remettre en cause les équilibres auxquels nous sommes parvenus ? Je crois que cet amendement est utile pour pointer la nécessité d'un financement pérenne pour notre audiovisuel extérieur, mais qu'il serait hâtif de nous décider ce soir, alors que nous allons en débattre au fond en janvier. (Mme Christiane Kammermann applaudit)

M. Ivan Renar.  - Nous sommes résolument contre cet amendement ! Depuis 1974, l'INA joue un rôle essentiel pour l'audiovisuel public, qui justifie pleinement son financement par la redevance. Financer l'INA par des fonds qui dépendraient du débat politique, ce serait fragiliser l'Institut ! L'opération contredirait également l'usage de la redevance, puisque France 24 associe des chaînes privées.

Cette vocation a déjà été écornée par l'attribution d'une part de la redevance au GIP France Télé numérique. Tout cela résulte de la suppression de la publicité à la télévision publique. La commission Copé avait adopté une semblable proposition avant d'y renoncer. Oui à un financement correct de TV5, mais non à celui-là ! Rien ne justifie que l'INA fasse les frais d'un sous-financement exacerbé par le bouleversement de la télévision publique.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.  - Cet amendement a eu la vertu de faire parler de l'INA et de mettre l'accent sur ce qui préfigure la holding Action extérieure de la France. Car il ne s'agit ni de TV5 ni de France 24, mais bien de doter notre pays du moyen d'une présence forte, d'un outil pour notre langue, notre influence et nos valeurs. Pour réaliser une tâche semée d'embûches, il faut des moyens et une lisibilité dans le temps. Dans le prochain texte, il est clair, par la nomination de son président comme par l'organisation de son conseil d'administration, qu'Audiovisuel extérieur de la France appartient au secteur public, qui est financé par des dotations et par la redevance. Je vais retirer l'amendement mais puisque cette société est soumise à des aléas budgétaires, je voudrais savoir, madame, de quels financements pérennes elle disposera pour répondre à ses besoins.

L'amendement n°II-133 est retiré, ainsi que l'amendement n°II-136.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Je vous remercie d'avoir retiré l'amendement et vous confirme que quand le contrat d'objectif et de moyens vous sera communiqué, vous verrez la pérennité de l'engagement pour Action extérieure de la France.

M. le président.  - Amendement n°II-134, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger comme suit l'intitulé du programme « Audiovisuel extérieur de la France » :

Action audiovisuelle extérieure

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.  - Cet amendement adresse un signal à nos partenaires qui ont parfois le sentiment d'être un peu tenus à l'écart des discussions, même si les faits l'ont récemment démenti.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Avis favorable à cet amendement comme au suivant : M. Belot avait formulé la même proposition l'an dernier.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Audiovisuel extérieur est un nom déposé. Nous ne sommes pas sûrs de ne pas avoir de problèmes. Sagesse.

L'amendement n°II-134 est adopté.

Les crédits de la mission « Médias » sont adoptés.

Article 37 (État D)

M. le président.  - Amendement n°II-135, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger comme suit l'intitulé du programme Contribution au financement d'Audiovisuel Extérieur de la France :

Contribution au financement de l'action audiovisuelle extérieure

L'amendement de coordination n°II-135 est adopté.

Le compte spécial « Avances à l'audiovisuel » est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°II-85, présenté par M. Kergueris, au nom de la commission des affaires étrangères.

Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Président directeur général et le directeur général délégué de la société « Audiovisuel extérieur de la France » rendent compte à intervalles réguliers devant les commissions des finances, des affaires culturelles et des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat des priorités de leur action et de l'exécution des dépenses consacrées à l'audiovisuel extérieur.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.  - L'État est le seul actionnaire d'Audiovisuel extérieur de la France dont le financement est assuré par des dotations figurant au budget. Il est donc normal que le Parlement échange avec ses responsables, et pas seulement par l'intermédiaire de ses représentants au conseil d'administration.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - La commission des finances est favorable à tout ce qui renforce le contrôle du Parlement mais l'amendement anticipe probablement sur la prochaine loi sur l'audiovisuel public : mieux vaut s'en tenir ici à ce qui est strictement budgétaire.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Je suis favorable au principe mais mieux vaut en traiter dans la loi sur l'audiovisuel.

M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.  - Il suffira alors de rajouter la commission des affaires étrangères à la liste des commissions qu'elle prévoit déjà.

L'amendement n°II-85 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-228, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le premier alinéa du I de l'article 39 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le taux : « 8 % » est remplacé par le taux : « 2,5 % ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Médias

M. Ivan Renar.  - Pour parler franchement, cet amendement revient sur une disposition adoptée en catimini durant la torpeur estivale. L'article 37 bis de la loi de modernisation de l'économie avait été très fortement suggéré par M. Lefèbvre, député des Hauts-de-Seine, un département où TF1, M6 et Direct 8 ont leur siège -on comprend l'activisme de ce député. Assouplissant la loi Léotard, cet article relève le seuil d'audience à partir duquel une chaîne ne peut être aux mains d'un seul actionnaire. Il s'agit donc de revenir sur l'une des garanties du pluralisme pour offrir un cadeau aux Bolloré et consorts qui s'étaient pourtant opposés à la mise en place de la télévision numérique mais qui ont changé d'avis quand elle a rencontré le succès. Tout cela fait système avec l'asphyxie financière de la télévision publique par la suppression de la publicité au profit du privé. Le Président de la République veut des groupes audiovisuels puissants, nous voulons un espace médiatique sain, pluraliste et indépendant.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Il y a les amendements qui anticipent sur la loi audiovisuelle et ceux qui reviennent sur la loi de modernisation de l'économie. La commission des finances est défavorable à l'amendement n°II-228, qui reviendrait sur l'article 142, comme il le sera à l'amendement n°II-229, qui reviendrait sur l'article 143.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Défavorable également. Il serait très dommage d'obliger une chaîne à vendre une part de son capital parce qu'elle a du succès !

L'amendement n°II-228 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-229, présenté par M. Ralite et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Après l'article 63, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 143 de la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est abrogé.

II. - En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Médias

M. Jack Ralite.  - On nous dit en substance : « Attendons la grande loi pour statuer » mais en juillet, on n'a pas attendu, on a fait avant. Les cavaliers n'étaient pas des chevaux légers, ils étaient montés sur des percherons ! (Sourires)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Vous nous dites cela, à des élus du Perche !

L'amendement n°II-229 n'est pas adopté.

L'article 86 est adopté, ainsi que les articles 87 et 88.

M. le président.  - Il est une heure moins le quart. La Conférence des Présidents a interdit que l'on engage la discussion du budget d'une mission à une heure pareille. Mais si le président de la commission des finances va contre...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous sommes au dernier soir... Ce serait peut-être une épreuve que de vous demander de venir demain à 10 heures... Le Sénat siège de toute façon à 14 heures... Si nos collègues et Mme la ministre le souhaitent, nous pourrions peut-être déroger à cette règle.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Je souhaite commencer maintenant l'examen de mon budget !

M. le président.  - A une heure aussi déraisonnable, j'invite chacun au strict respect de son temps de parole, après une courte pause.

La séance, suspendue à 0 h 45, reprend à 0 h 50.

M. le président.  - Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Culture » figurant à l'État B.

Culture

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial de la commission des finances.  - La mission « Culture » continue à être partagée en trois programmes : patrimoine, création, transmission du savoir et démocratisation de la culture. Le compte d'affectation spéciale « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » qui leur était associé disparaît.

Au total 2 841 milliards en autorisations d'engagement et 2 782 en crédits de paiement, complétés de 55,8 millions en autorisations d'engagement et 42,19 millions en crédits de paiement, par des fonds de concours, bénéficiant essentiellement aux dépenses d'investissement du programme 175 « Patrimoines ». La mission emploie 29 104 équivalents temps plein travaillé, dont 11 130 pour le ministère, et 17 874 pour les EP qui en constituent depuis toujours la force de frappe essentielle. Les dépenses fiscales affectées à la mission sont de 1,2 milliard, dont 500 millions pour le ministère et un peu moins de 700 pour les grands opérateurs. La principale observation, depuis l'an passé, c'est le profond déséquilibre entre les crédits d'engagement et les crédits de paiement.

Les « bleus » budgétaires contiennent des tableaux présentant le suivi des crédits de paiement associés à la consommation des autorisations d'engagement qui présentent la soutenabilité de la politique publique. En 2008, 6,5 % des crédits de la mission servaient à couvrir des engagements antérieurs à 2008 ; en 2009, ce pourcentage atteint 11 %. Fin 2009, les engagements non couverts s'élèvent à 1 559 millions, à comparer avec les 2 790 millions ouverts au titre de la mission. Cette glissade est particulièrement menaçante pour le programme « Patrimoine » : 22,66 % des crédits ouverts en 2009 serviront à financer des engagements pris avant 2009 ! Le solde des engagements non couverts par des crédits de paiement à la fin de 2009 sera supérieur au montant des crédits ouverts en 2009 : 1 129 millions seront alloués à la politique du patrimoine en 2009 et 1 136 millions d'euros seront dus au 31 décembre 2009 au titre de cette même politique !

La contrainte est moins forte pour les deux autres programmes de la mission. La part des crédits 2009 consacrés aux engagements antérieurs est de 3,28 % pour le programme 131 « Création » et 2,77 % pour le programme 224 « Transmission des savoirs ». Le solde des engagements non couverts à la fin de l'année ne sera donc, si l'on peut dire, que de 30,81 % pour le 131 et 20,7 % pour le 224.

Je m'interroge sur la capacité du ministère à honorer les engagements déjà pris et les coûts éventuels du ralentissement de la couverture des engagements que prévoit ce projet de loi de finances, tant pour l'État que pour ses créanciers, à commencer par les entreprises et les collectivités locales. C'est pourquoi je vous présenterai un amendement de réduction des autorisations d'engagement de moitié pour l'année à venir. Amendement qui vise d'abord à susciter le débat.

Ne faut-il pas aussi prendre en compte les engagements prévus par les contrats État-régions, soit 250 millions supplémentaires, et les besoins d'investissements inéluctables du ministère et de ces opérateurs, à commencer par l'auditorium de la Villette appelé encore « philharmonique de Paris », déclaré prioritaire par le Président de la République.

Compte tenu de la situation budgétaire, et aussi de cette fuite en avant sur les crédits du patrimoine, il conviendrait de ne se lancer dans aucun grand projet culturel. La gestion du passé est à elle seule suffisamment contraignante. L'entretien des monuments historiques a fait l'objet de prévisions extrêmement sombres. Le rapport sur l'état du parc monumental français, prévu par la loi de finances pour 2007, à la suite d'un amendement de votre commission des finances, conclut sur un investissement global de 2 milliards dans les cinq ans à venir. Or les enjeux sont pharaoniques.

La philharmonie de Paris coûterait en investissement 204 millions hors taxe. Les coûts de fonctionnement de l'association porteuse ne sont pas évalués. Il est question d'un partage entre l'État pour 45 %, la ville de Paris pour 45 % et la région pour 10 %. L'État devrait donc payer 91,8 millions mais 139,97 millions, sont inscrits. La part de l'État serait donc portée à 68,6 %, au titre du « financement de la procédure de dialogue compétitif » dans l'hypothèse d'un partenariat public-privé. Les 48 millions supplémentaires correspondraient au « montant de marge de promotion à destination du partenaire ». Montant qui semble fort coûteux pour l'État. Il est prévu, pour le fonctionnement, 5,7 millions en autorisations d'engagement et crédits de paiement, compte tenu d'un financement spécifique à partir du CAS « Gestion du patrimoine ».

J'ai demandé des éclaircissements sur le point de vue de la revue générale des politiques publiques sur ce projet. Mais puisque c'est la volonté du Président de la République, n'insistons pas.

Il faudra aussi compléter le financement du plan de modernisation des écoles d'architecture, soit aujourd'hui 157,93 millions d'euros, dont 35 % proviennent du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Quelles cessions immobilières viennent nourrir ce compte ? Pourra-t-on compter, comme semble l'espérer Mme la ministre, sur l'affectation d'une recette fiscale pérenne ? Les paris en ligne non sportifs ? Mais rien n'est décidé. Un prélèvement sur la Française des jeux ? L'expérience tentée l'an dernier avec le Centre des monuments nationaux avait débouché sur un décevant fond de concours au budget de la Direction de l'architecture et du patrimoine...

Des autorisations d'engagement de 103,5 millions sont affectés aux monuments appartenant aux collectivités locales et aux propriétaires privés ; l'important, surtout pour les entreprises spécialisées, qui savent se faire entendre, c'est de donner de la visibilité à moyen terme, ne serait-ce que pour le renouvellement de leurs ouvriers spécialisés, dont certains pourraient être, à la manière japonaise, qualifiés de trésors vivants, c'est-à-dire mortels.

Je me félicite que la commission des finances ait proposé de supprimer le plafonnement à 200 000 euros du montant des déficits et charges imputables sur le revenu global au titre de monuments historiques non ouverts au public. La dépense fiscale vient en effet suppléer une dépense budgétaire défaillante. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.  - Les programmes « Patrimoines » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » représentent respectivement 41 % et 30 % des dotations de la mission « Culture ».

La commission est toujours attentive au patrimoine monumental. Les crédits consacrés à l'entretien et à la restauration des monuments historiques s'établiront à 303 millions d'euros, grâce aux 20 millions d'euros issus de la cession d'immeubles de l'État. Si l'effort doit être salué, la situation reste tendue dans certaines Drac en raison du volume des engagements passés restant à couvrir ; cela conduit à différer le lancement d'opérations nouvelles, avec des conséquences pour les entreprises spécialisées et la conservation des bâtiments. Il faudra réaliser un état des lieux précis région par région pour donner de la visibilité aux acteurs du patrimoine et aux propriétaires. Un rapport récent a montré que 20 % des monuments classés étaient en situation de péril ; 400 millions par an seraient nécessaires, ce qu'avait aussi estimé la mission d'information présidée par M. Philippe Richert et dont j'étais le rapporteur en 2006.

Une ressource complémentaire pérenne est indispensable. Des pistes sont à l'étude, les paris en ligne ou un prélèvement sur la Française des Jeux, mais celle-ci est très convoitée. Il faut rapidement en venir à une décision définitive.

Le mécénat est un autre levier de financement : où en sont les textes règlementaires d'application du dispositif voté par le Sénat dans la loi de finances pour 2007 en faveur des monuments privés ? Nous présenterons des amendements pour supprimer le plafonnement du régime fiscal « monuments historiques » introduit à l'Assemblée nationale, qui est contraire aux engagements pris par le Premier ministre en juin dernier. Ce régime fiscal est un soutien essentiel à l'initiative privée.

S'agissant de l'archéologie préventive, il faut concilier les besoins de la recherche, que nous ne contestons pas, et les impératifs du développement économique. La réforme envisagée doit y parvenir.

Je me réjouis que le projet de budget confirme la réalisation du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée de Marseille, d'autant que cette ville sera capitale européenne de la culture en 2013 et que l'Union pour la Méditerranée a été lancée. Je salue également les actions menées avec la Justice pour renforcer la sécurité des musées et lutter contre le trafic illicite de biens culturels. Je m'interroge, en revanche, sur les suites qui seront données à l'expérimentation de la gratuité des musées ; plusieurs d'entre nous avaient mis en doute, lors du débat de mars dernier, son impact sur la démocratisation des publics. Le bilan de l'opération confirme nos réserves, à l'exception toutefois des mesures ciblées sur les jeunes. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

Un mot enfin de l'éducation artistique. La mission confiée à André Malraux en 1959 de rendre accessibles au plus grand nombre les oeuvres capitales de l'Humanité est plus que jamais d'actualité. Je me réjouis que l'histoire des arts soit enfin introduite dans le primaire ; j'attends avec impatience qu'elle le soit au collège et au lycée.

La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux patrimoines et à la transmission des savoirs. (Applaudissements à droite)

M. Serge Lagauche.  - Je m'attacherai au programme « Création », qui représente 38 % des crédits de la mission, et au secteur du cinéma.

Au sein du programme « Création », 15 millions d'euros de ressources extra budgétaires sont affectées à l'action « Spectacle vivant ». Au regard de la programmation pluriannuelle 2009-2011, il faudra les pérenniser. Je m'interroge en outre sur le nouvel indicateur relatif à « l'optimisation de la procédure de traitement des demandes de subvention » : pourquoi le coût de ce traitement varie-t-il du simple au double selon l'instance qui instruit le dossier ?

Je comprends l'intérêt du projet de Philharmonie de Paris à la Villette, mais je m'inquiète qu'il concentre une part aussi importante des crédits d'investissement, sans parler des frais de fonctionnement à venir. Il ne faudrait pas que les grands projets parisiens creusent le déséquilibre entre la capitale et les régions.

Parmi les objectifs des Entretiens de Valois figure le souhait d'une collaboration régionale et d'une meilleure articulation entre les interventions. C'est essentiel, mais les collectivités territoriales souffrant elles-mêmes de contraintes budgétaires, il paraît difficile qu'elles puissent accentuer leur soutien au spectacle vivant et, plus généralement, aux actions culturelles. L'an dernier, nous avions soutenu l'idée de créer un observatoire du spectacle vivant ; on semble préférer une mise en réseau ; sera-t-elle efficace ? Que pensez-vous de la proposition de certains professionnels de créer un Centre national du spectacle vivant à l'image du CNC ?

Certains progrès ont été réalisés dans la diffusion et la circulation des spectacles, mais l'évolution est trop lente ; même dans le théâtre et le cirque, chaque spectacle n'est représenté en moyenne que 2,7 fois, contre 1,9 toutes disciplines confondues.

Le projet de loi de finances prévoit l'affectation directe au CNC des taxes du compte de soutien aux industries cinématographiques et audiovisuelles ; parallèlement à la suppression du compte d'affectation spéciale, la mission « Cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » disparaît. Fort heureusement, le Parlement reste informé de l'évolution et de l'utilisation des ressources du CNC, mais je regrette qu'aucun projet de loi spécifique au secteur du cinéma ne soit envisagé. Quelles dispositions sont prévues pour soutenir les investissements nécessaires au développement de la projection numérique ?

Nous soutiendrons les mesures tendant à renforcer l'attractivité de notre territoire et y accueillir davantage de tournages. Quelles sont par ailleurs vos orientations de réforme du dispositif de soutien ?

S'agissant de l'emploi culturel, je note que la courbe du nombre d'intermittents allocataires remonte et que le déficit des annexes 8 et 10 est d'environ 1 milliard d'euros.

Je m'interroge enfin sur la proposition de directive européenne visant à allonger la durée de protection des droits des artistes interprètes et exécutants, et de leurs producteurs. Est-il normal de l'aligner sur celle des auteurs ? N'est-ce pas contradictoire avec la volonté de favoriser la diffusion légale des oeuvres ? Ne protège-t-on pas ainsi davantage les enfants et petits-enfants des artistes que ces derniers ? Cette démarche ne vient-elle pas contredire le projet de réserver le droit de suite sur la revente des oeuvres d'art aux seules oeuvres des artistes vivants ? J'ai d'ailleurs quelques doutes sur ce dernier projet.

La commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Création » de la mission « Culture » ainsi qu'aux articles 59 octies et 59 nonies rattachés. (Applaudissements à droite)

Orateurs inscrits

M. Jack Ralite.  - Le 2 décembre, j'étais au Louvre, sous la pyramide de Pei, pour écouter Boulez et l'Orchestre de Paris interpréter L'Oiseau de feu de Stravinski ; il y avait là 3 000 personnes, dont 500 lycéens. Ce fut un moment de bonheur. La veille, aux Amandiers de Nanterre, avec d'autres passionnés de théâtre, j'écoutais Dominique Blanc interpréter le beau texte de Marguerite Duras, La Douleur, sous le regard affectueux et chaleureux de Patrice Chéreau. La voix et les gestes de l'actrice furent un merveilleux cadeau de pensée et de sensibilité. J'aurais pu parler d'autres rendez-vous artistiques, mais je voulais, au travers de ces deux aventures, dire ce que les artistes créent en France aujourd'hui.

Ces créations, je voudrais tant que chacun en soit partenaire, notamment les salariés que le grand patronat tente, trop souvent avec succès, de transformer en boxeurs manchots. Je voudrais que la vitalité de ces actes fasse comprendre le bien-fondé d'une politique de création. Je voudrais tout simplement remercier les artistes.

Parlant ainsi, je participe au mouvement de colère qui explosera un jour, car cinquante ans après la création du ministère de la culture, son budget détricote le travail accompli, avec des artifices dont il faut dire un mot.

Pour 2007, Renaud Donnedieu de Vabres déclarait que les moyens de la culture augmenteraient de 7,8 %. Pour 2008, vous avez annoncé une progression de 3,1 %. Pour ce cinquantième budget, vous affirmez que les crédits de la mission « Culture » progresseront de 2,6 % par rapport à 2008, avec des ressources extrabudgétaires. Pour qui croit à l'imprimé ministériel, les crédits de la création, de la culture et du patrimoine ont donc augmenté de 14 % en trois ans. Hélas, ce n'est pas la vérité : 70 millions d'euros ont été comptés deux fois en 2007, ce qui ramène la hausse à 5,48 %. En 2008, les 70 millions étaient encore là, qui ne pouvaient y être, l'augmentation étant donc réduite à 0,5 %. Les 2,6 % annoncés pour 2009 sont exacts, mais la progression triennale est ramenée à 8,7 % pour une inflation de 6,6 %, soit une hausse moyenne en volume annuelle de 0,7 %. Au surplus, Bercy et l'Élysée veulent geler 5 % des crédits d'équipement.

Enfin, nous votons aujourd'hui un budget triennal encadré jusqu'à fin 2011, avec 17 millions d'euros supplémentaires en 2010, soit 0,6 % et 18 autres millions en 2011, soit encore 0,64 %. L'inflation annuelle sera sans doute supérieure.

Vous présentez un budget opaque, souvent tricheur, ce que je ne trouve guère cultivé.

Dans le détail, l'action culturelle autour du cinéma souffre toujours de maltraitance malgré le CNC, le patrimoine en appelle aux collectivités territoriales, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), qui manque de tout, est envoyé à Reims pour... compenser la fermeture d'une caserne !

En trois ans, 415 suppressions d'emplois sont prévues, qui fragiliseront les femmes et les hommes, chaînons essentiels de la politique culturelle. Si chaque emploi supprimé économise 40 000 euros, on aboutit à 17 millions, soit 0,7 % de crédits qui n'atteignent pas 1 % du budget de l'État. Et la RGPP déstabilise le ministère pour de telles queues de cerise !

Vous avez organisé les entretiens de Valois, dont la conclusion tarde. Le 24 novembre, les organisations de théâtres publics et privés ont dit leur vif désaccord, au Théâtre du Rond-point.

Vous avez la responsabilité de la presse, mais M. Sarkozy organise des états généraux où les journalistes sont mal considérés, tandis que M. Lagardère propose que les kiosquiers puissent choisir les titres pour leurs clients, grâce à une modulation des prix de vente, dans la limite de 5 %.

Vous avez la responsabilité des médias, à qui M. Sarkozy impose l'étatisme et l'affairisme. La commission Copé s'est volatilisée, les salariés de France Télévisions ont fait grève trois fois en juin et septembre, deux lieux parisiens de spectacles ont été remplis par des contestataires de la réforme.

Après avoir autonomisé les universités, Mme Pécresse a proposé au conseil des ministres que 20 % des crédits attribués, au lieu de 3 %, soient fondés sur la professionnalisation.

Le CNRS est malmené. Vous avez noté la vigoureuse réponse des chercheurs.

M. Darcos mine le système scolaire et n'accorde que des confettis pour l'éducation artistique. Enseignants et parents ont largement manifesté le 20 novembre et ce n'est pas fini.

Un texte fondateur est devenu la feuille de route des pouvoirs publics, sans le moindre débat : c'est le rapport Jouyet-Lévy de décembre 2006, L'économie de l'immatériel, la croissance de demain, écrit par huit inspecteurs des finances, onze dirigeants d'entreprise et... un artiste ! Ce rapport a une importance équivalente à celui consacré en 1978 par MM. Nora et Minc à l'informatisation de la société. Aujourd'hui, libéraliser la culture, la recherche, la création et l'enseignement n'est que le prétexte d'une mutation socio-économique. Le rapport propose de transformer les universités et les musées en les identifiant à des marques, au nom du rayonnement de la France ! Les droits d'auteur sont remis en chantier pour l'économie de l'immatériel, notion élastique et floue inspirée d'un modèle publicitaire.

La connaissance et la culture jouent un grand rôle dans la société, mais les transformer en simples actifs comptables a une dimension idéologique au service d'un projet normatif de société. Le chercheur Pierre Musso écrit que parce que la culture est, selon Gaston Bachelard, « une accession à l'émergence », l'économie de l'immatériel étendue aux affaires de l'esprit peut conduire au « saut dans le vide » pressenti par Yves Klein, l'artiste visionnaire de l'immatériel.

Le rapport Jouyet-Lévy a inspiré l'injonction que le Président de la République a faite le 1er août 2007 en inscrivant dans votre lettre de mission qu'il fallait revoir l'inaliénabilité du patrimoine muséal. Jacques Rigaud, fondateur de la première grande démarche française de mécénat, vous a remis un rapport d'opposition où il a écrit : « Force est de constater que l'on a à faire à une approche réductrice parce que strictement commerciale », avant de constater qu'on « ne saurait conclure que le plus sûr moyen de valoriser le patrimoine de la Nation soit de le vendre ». Malgré les efforts du Gouvernement, la première tentative d'appliquer le rapport Jouyet-Lévy a donc échoué.

J'ai participé à la rencontre européenne que vous avez organisée début octobre sur les nouvelles frontières de l'économie de la culture, et au Forum d'Avignon, organisé en novembre par votre prédécesseur au Palais des papes.

Au cours de la première, l'ancien secrétaire d'État à la culture des Pays-Bas a fait une déclaration manichéenne : « il faut savoir si l'on choisit le libéralisme ou le protectionnisme, si l'on choisit l'art pur ou l'art appliqué ». Dans la seconde rencontre, vous-même et le Premier ministre avez parlé à une grande assemblée des industries culturelles d'Europe et d'Amérique. Certains disent : « industries créatives ». La presse a dénommé cette réunion le « Davos de la culture ». Méfiez-vous ! Le monde tremble aujourd'hui des vérités éternelles auto-endommagées énoncées à Davos !

De ces deux réunions, j'ai conclu que le Président de la République et chaque ministre appellent les grands groupes culturels et médiatiques à prendre en charge la politique culturelle, avec la déréglementation que cela suppose.

« L'homme symbolise comme il respire », dit Pierre Legendre. Il respire déjà de plus en plus mal et l'on voudrait le comprimer pour réduire enfin son aptitude à la symbolisation ? Nous ne l'accepterons pas !

Marguerite Duras, dont La douleur m'a ébloui au Théâtre des amandiers, a évoqué dans un autre ouvrage « le hurlement intérieur du refus ».Boulez, mon bonheur des rendez-vous du Louvre, a prononcé au Collège de France cette phrase simple et décisive : « L'histoire n'est pas ce qu'on subit, elle est ce qu'on agit ! » (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde.  - L'année 2009 sera celle d'un grand rendez-vous avec la culture, avec la réforme de l'audiovisuel public, actuellement discutée à l'Assemblée nationale. Mais ce débat ne doit pas monopoliser notre attention : vous présentez aujourd'hui un budget en légère progression, ce dont je me réjouis car il est indispensable de faciliter l'accès de tous à la formation, aux activités artistiques et culturelles, de garantir le développement d'une culture indépendante face a une industrie concentrée entre quelques opérateurs privés. C'est le prix à payer pour que nos concitoyens restent acteurs de la société de demain.

La hausse de votre budget nous rassurerait pleinement si elle ne reposait sur des calculs étonnants.

Veiller à la bonne gestion de vos crédits est louable, mais la culture ne se résume pas à des coûts. En outre, je ne suis pas seule à douter de vos chiffres, présentés sans prendre en compte l'inflation et organisés selon une logique de rentabilité. Gonflés par des opérations exceptionnelles, comme la vente de la marque du Louvre à Abou-Dhabi pour 400 millions d'euros encaissables en trois ans, ils sont parfois artificiellement abondés par des opérations immobilières masquant une absence de financement structurel et un endettement inquiétant.

Mon premier sujet de préoccupation concerne les autorisations d'engagement. Comment pouvez-vous présenter une hausse, alors que les arriérés de paiement des directions régionales des affaires culturelles atteignent 450 millions d'euros ? En comptabilité d'entreprise, on parlerait de faillite.

Le programme 224, consacré au projet annuel de performance culture 2009, inclut le partenariat du ministère avec l'éducation populaire. Or, toute référence à la charte pluriannuelle signée en 1990 avec les onze fédérations d'éducation populaire a disparu. Pouvez-vous confirmer qu'elle sera pérennisée ? Ces associations sont des partenaires de confiance pour les collectivités territoriales.

Je serai particulièrement à attentive au soutien que vous apporterez au livre numérique, aux librairies indépendantes, aux médiathèques de proximité, bref à la démocratisation de la lecture. Tous les efforts en ce sens doivent être encouragés !

Pour ma part, en tant qu'élue locale responsable de la gestion d'une médiathèque, d'une salle de cinéma et d'une salle de spectacle municipales, j'agis au quotidien pour diffuser la culture de proximité dans sa diversité. Le spectacle vivant devrait être davantage valorisé car il fait vivre nos territoires et nos cultures régionales. II connaît un succès croissant et donne corps à notre identité culturelle. Les crédits de paiement que vous y consacrez sont insuffisants au regard des coûts incompressibles, essentiellement de personnel. Et c'est pourquoi je soutiens la proposition de notre rapporteur pour avis, Serge Lagauche, de pérenniser les ressources extrabudgétaires de 15 millions issues de cessions immobilières.

Le programme « Transmission des savoirs » : j'espère que l'introduction de l'histoire de l'art au primaire et au collège ne se fera pas au détriment de l'initiation aux pratiques artistiques mais sera accompagnée d'une pédagogie vivante, faite de sorties au concert, au spectacle et au musée.

J'insiste aussi sur la nécessité de rétablir l'équilibre des dépenses entre une capitale budgétivore et des territoires sous-dotés.

Les Entretiens de Valois, dont nous ignorons encore les conclusions, auraient dû donner des orientations budgétaires déterminant notre vote. Mais nous aurons tout le temps nécessaire pour les étudier avant le budget 2010. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet, madame le ministre, ainsi que sur le devenir du statut des intermittents du spectacle et sur la reconnaissance des bénévoles qui font vivre notre patrimoine culturel ?

Chaque euro consacré à la culture est un euro bien employé et c'est pourquoi tous les membres du RDSE n'auront de cesse de vous demander des efforts budgétaires supplémentaires.

M. Serge Lagauche.  - L'année 2009, cinquantième anniversaire de la création du ministère de la culture, sera une année charnière pour les acteurs culturels de notre pays. La réforme de l'audiovisuel public, la nouvelle législation sur la protection des droits d'auteur sur le net, les conclusions des états généraux de la presse ou encore celles des Entretiens de Valois, tout cela modifiera le rapport de nos concitoyens avec le monde de la culture et de la création.

De ce foisonnement de réformes nous attendions un budget offensif et volontaire d'accompagnement. Il n'en est rien. L'augmentation de 2,6 % des crédits de la mission doit cependant être relativisée. Cette augmentation est tout d'abord celle des crédits de paiement qui incluent 35 millions de ressources extrabudgétaires issus de cessions d'immeubles appartenant à l'État et qui ne sont pas des recettes pérennes. Hors ressources extrabudgétaires et hors dépenses incompressibles de personnel, ladite augmentation tombe à 0,2 %.

En outre, cette prétendue hausse ne concerne pas les autorisations d'engagement qui chutent de 2,7 % si l'on déduit les dépenses de personnel et les ressources extrabudgétaires. Les capacités de dépense de votre ministère seront donc inférieures à ce qu'elles étaient l'an passé, alors que dans le même temps, la révision générale des politiques publiques vous impose un gel de 5 % des crédits.

Dans ces conditions, on comprend mieux, madame la ministre, le désarroi que vous avez exprimé à l'Assemblée nationale : « Quand je me considère, je me désole, quand je me compare, je me console ! ».Nous ne sommes nullement consolés quelle que soit la situation de vos homologues européens.

Au programme « Patrimoine », secteur sinistré depuis six ans, les crédits destinés aux monuments historiques seront de 4 millions inférieurs à ceux de 2008 et l'endettement des Drac atteindra 600 millions, soit deux ans de crédits budgétaires. Le programme « Création » est présenté en progression de 2,8 % mais, là encore, il faut relativiser cet effet d'optique puisque hors ressources extrabudgétaires, la progression tombe à 0,6 %. Les industries culturelles progressent certes de 24 %, mais uniquement en raison des 6,7 millions inscrits pour la création de l'Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet). Les crédits affectés aux arts plastiques stagnent et ceux alloués au livre et à la lecture chutent de 2,2 %.

La hausse affichée de 2,4 % des crédits du spectacle vivant n'est une fois de plus que le fait des 15 millions issus de cessions d'immeubles. Vous faites de nouveau appel à des ressources extrabudgétaires qui, certes, avec 5 millions affectés aux Drac, rétablissent partiellement l'équilibre entre les crédits centraux et déconcentrés, mais qui ne sont pas renouvelables. Or, les documents budgétaires indiquent explicitement que, s'agissant des recettes extrabudgétaires, « ces dotations viennent en substitution des crédits budgétaires habituellement alloués ». En d'autres termes, l'augmentation de 15 millions sera effective en 2009, mais elle fragilise le mode de financement régulier du spectacle vivant en introduisant une ressource ponctuelle et non pérenne. Or, les acteurs du spectacle vivant ont particulièrement besoin de lisibilité quant aux subventions qui leur sont attribuées.

Il s'agit de soutenir un réseau de près de 1 000 lieux de création, de production ou de diffusion situés sur l'ensemble du territoire et destinés aux théâtres, aux arts du cirque, de la rue, à la musique à la danse, aux centres culturels pluridisciplinaires. Pour la plupart d'entre eux, toute création est un risque, artistique certes, mais également financier. Pour le théâtre et le cirque par exemple, mais c'est valable pour l'ensemble des représentations en public, chaque spectacle fait en moyenne l'objet de moins de deux représentations. Nous serons attentifs à ce que ce très faible taux de représentation ne soit pas utilisé comme un prétexte pour limiter les subventions attribuées par les services centraux ou déconcentrés de votre ministère. On ne calcule pas l'efficience -terme barbare en matière culturelle- d'un spectacle en fonction du succès qu'il rencontre auprès du public. C'est pourtant ce que sous-entend l'obligation de résultat mentionnée dans la lettre de mission que vous a remise le Président de la République à votre entrée en fonction. Ce dernier estime en effet que la démocratisation culturelle, c'est avant tout « veiller à ce que les aides publiques à la création favorisent une offre répondant aux attentes du public ». Cette obligation de résultat est un non-sens en matière culturelle.

On ne fabrique pas un spectacle en fonction de ce que l'on estime devoir remporter un vif succès auprès du public. Ou alors on catégorise les goûts artistiques et culturels présupposés du public selon son âge, son origine sociale et on finit par ne subventionner que des lieux et des troupes qui proposent un type bien défini de spectacles. En d'autres termes, on formate et on assèche la création originale.

C'est si vrai que cette obligation de résultat ainsi formulée a déclenché les foudres de l'ensemble des professionnels qui vous ont demandé la mise en place l'an passé d'un « Grenelle de la Culture », rebaptisé en « Entretiens de Valois ». Pouvez-vous, nous dire s'il en sortira des propositions concrètes pour augmenter de manière significative le nombre de représentations en public de chaque spectacle ? La circulation des oeuvres doit notamment être encouragée entre les théâtres publics et les théâtres privés. Il en va de la démocratisation de la culture. Or, tout amalgame entre démocratisation et uniformisation serait mal venu. Les professionnels du spectacle vivant sont inquiets et craignent que leurs revendications ne soient pas prises en compte dans les conclusions des Entretiens de Valois. C'est ce qu'ils ont exprimé le 24 novembre au Théâtre du Rond-point. Les employeurs du spectacle vivant, public et privé, associés à l'Union fédérale d'intervention des structures culturelles voyaient en effet dans les Entretiens de Valois l'opportunité de préparer avec votre ministère une loi d'orientation et de programmation pour le spectacle vivant. Une telle loi est le meilleur moyen de repenser les liens existants entre les structures publiques et privées et de mutualiser entre elles la diffusion des spectacles afin d'en augmenter le nombre de représentations. Or il semble que cet objectif ne fasse plus parti des priorités de votre ministère.

C'est d'autant plus inquiétant qu'une telle loi pourrait également être l'occasion de clarifier les responsabilités respectives de l'État et des collectivités territoriales en matière de financement culturel. Une meilleure articulation des interventions entre l'État, les Drac et les collectivités était d'ailleurs un des quatre grands objectifs que s'étaient fixés les groupes de travail des Entretiens de Valois. Les collectivités souffrent elles-mêmes de contraintes budgétaires ; il ne serait pas raisonnable d'alourdir leurs charges alors qu'elles assument déjà plus des deux tiers des interventions publiques en matière culturelle.

Par ailleurs, le gel de 5 % des crédits de votre ministère au titre de la RGPP fait peser sur les programmateurs publics et privés un risque de récession sur la chaîne création-production-diffusion et par conséquent sur l'emploi dans le spectacle vivant. Il faudra donc prendre en compte ces éléments lors de la future renégociation des annexes 8 et 10 de la convention Unedic sur l'indemnisation du chômage des intermittents du spectacle. Nous y serons attentifs sur ce point. Vous l'avez compris, madame la ministre, nous attendons les conclusions des Entretiens de Valois.

Face à la faiblesse de votre budget pour le spectacle vivant qui ne tient que par des ressources extrabudgétaires ponctuelles, nous attendons une réforme capable de redonner du souffle à la création artistique et permettant de convaincre les plus hautes instances gouvernementales de l'intérêt pour notre pays d'un grand plan de relance culturelle publique, car, pour l'heure, vos moyens sont si faibles que la politique publique culturelle risque de disparaître. Nous sommes d'autant plus inquiets que la loi de programmation des finances publiques pour 2009-2011 prévoit, pour le programme « Création », hors ressources extrabudgétaires, une baisse de 3 % des moyens d'interventions de votre ministère : il y a là un choix politique clair auquel nous ne pouvons souscrire. C'est pourquoi le groupe socialiste ne votera pas les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Dans le contexte budgétaire contraint que connaît notre pays, l'augmentation de plus de 2 % des crédits de la mission « Culture » témoigne d'un réel effort. Ce budget se caractérise par une stabilité des crédits, garantie pour les années 2010 et 2011. II devrait permettre, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, de dégager des marges de manoeuvre suffisantes pour faire face aux besoins, à condition de pérenniser les ressources extrabudgétaires indispensables.

S'agissant du programme « Patrimoines », les crédits alloués aux monuments historiques sont consolidés à leur niveau de 2008. Cette stabilisation s'inscrit dans une perspective pluriannuelle et c'est une excellente chose quand on sait que les fluctuations budgétaires ont des conséquences désastreuses sur l'état des monuments. Je rejoins ici notre rapporteur spécial, Yann Gaillard, pour qui il faut estimer le caractère d'urgence des travaux d'entretien ou de restauration prévus afin de mieux orienter les crédits. La dégradation d'un monument entraîne des travaux de réparation souvent bien plus coûteux que des travaux d'entretien.

Cependant, je m'inquiète de la diminution de 18 % des autorisations d'engagement qui risque de se traduire, faute de crédits déconcentrés, par des reports ou des arrêts de chantiers en région où les Drac ont déjà un niveau de dettes élevés. A cela viennent s'ajouter deux inquiétudes liées à la remise en cause de dispositifs fiscaux indispensables à l'entretien des monuments historiques. La réforme du dispositif de la loi Malraux en faveur des secteurs sauvegardés et le plafonnement décidé par l'Assemblée nationale de l'avantage fiscal dont bénéficient les propriétaires de monuments historiques, inscrits ou classés, sont deux mesures particulièrement malvenues. D'abord, parce que les crédits budgétaires restent, malgré les efforts réalisés, insuffisants par rapport aux besoins du secteur. Nous sommes encore loin des 400 millions annuels, jugés nécessaires par notre mission sénatoriale sur le patrimoine architectural. Ensuite parce que plusieurs rapports ont rappelé le mauvais état du patrimoine monumental. C'est pourquoi, je soutiendrai les amendements de notre rapporteur Philippe Nachbar qui proposent de supprimer les plafonnements ainsi institués. J'ai moi-même, avec ma collègue Jacqueline Gourault, déposé un amendement de suppression de l'article 42 bis, car l'entretien de monuments historiques, même non ouverts au public, concourt à l'intérêt collectif. Je salue la priorité accordée aux monuments n'appartenant pas à l'État, ceux des collectivités locales et des propriétaires privés. Enfin, j'approuve le projet d'affecter, à compter de 2010, aux monuments historiques une partie des recettes issues des paris en ligne non sportifs ou une fraction des produits de la Française des jeux.

C'était une recommandation de la mission sénatoriale qui y voyait une bonne solution pour trouver les 350 à 400 millions d'euros de ressources pérennes.

Concernant le spectacle vivant, la construction de la Philharmonie de Paris absorbe une large part des crédits, au détriment de la province. Les crédits, globalement, stagnent. Ne fragilisons pas le spectacle vivant alors que les autres actions progressent. Le groupe d'études sénatorial souhaiterait en savoir plus sur les crédits des arts de la rue et du cirque.

Plusieurs réformes sont en cours dans le cadre de la RGPP et des entretiens de Valois, lieu de redéfinition des modalités d'intervention de l'État à l'égard du spectacle vivant. Nous attendons les conclusions de ces discussions avec impatience. Les professionnels craignent que la RGPP conduise à tendre encore plus la situation d'établissements déjà confrontés à une augmentation de leurs coûts de fonctionnement. La généralisation des contrats de performance pose la question de la reconduction automatique des aides. Autre problème, les établissements ne sont pas habitués à répondre à une obligation de résultat. Les professionnels redoutent aussi que les aides aillent prioritairement aux oeuvres répondant aux « attentes du public » ; il faut les rassurer et leur expliquer l'utilité des contrats d'objectifs et de moyens. La mesure de performance des structures artistiques passe bien sûr par des critères qualitatifs, définis en concertation.

Les entretiens de Valois ont aussi pour but de redéfinir les interventions de l'État en concertation avec les collectivités locales au profit du spectacle vivant. Notre groupe demande depuis longtemps une loi d'orientation du spectacle vivant pour clarifier les rôles. Je me félicite de la réactivation du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel. L'État comprend qu'il ne peut plus être ordonnateur mais partenaire à part entière.

La modernisation doit se traduire sur le terrain par un nouveau fonctionnement des Drac afin de montrer que l'État a décidé de rester présent sur le territoire : il ne saurait en effet se désengager et faire financer les structures de spectacle par les collectivités. Les enjeux culturels et artistiques ne doivent pas être absents de la réforme des collectivités locales qui s'annonce.

Les crédits de la mission « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont sanctuarisés, en tout cas pour ceux qui touchent la décentralisation des enseignements artistiques. J'espère que nous aboutirons sur la question de la formation et de la sensibilisation des jeunes. En revanche, l'action en faveur de l'accès à la culture n'est pas bien dotée : baisse des crédits pour les handicapés, les associations de lutte contre l'exclusion, les associations d'éducation populaire, etc. Nous sommes inquiets.

Un effort est fait pour l'éducation artistique et culturelle à l'école. Mais quelle suite sera donnée aux recommandations d'Éric Gross ? Le Président de la République vous a demandé, ainsi qu'à votre collègue de l'éducation nationale, de travailler sur la démocratisation culturelle. Bientôt, les professeurs bénéficieront de la gratuité dans les musées ; l'histoire de l'art sera enseignée à l'école primaire et au collège. Qu'en est-il des autres mesures annoncées ? Le rapport Gross évoquait la formation des enseignants, le contact des jeunes avec les oeuvres et les artistes, le partenariat avec les collectivités locales... Où en est ce plan commun ? Il semble que le ministère de l'éducation nationale rechigne à dégager les moyens ! Le travail interministériel, sur des sujets comme celui-ci, est pourtant essentiel.

Dans une conjoncture contrainte, les crédits de la mission « Culture » augmentent de plus de 2 %. Nous apprécions cet effort et nous voterons ce budget. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Yves Dauge.  - Nous traînons année après année, en ce qui concerne le patrimoine, un besoin de financement de 400 millions d'euros, alors que les crédits se situent autour de 300 millions. Il y a aussi le problème des Drac. Le patrimoine peut-il entrer dans le plan de relance ? Les discussions sont sans doute encore ouvertes, mais l'opportunité est trop belle ! Et l'efficacité pourrait être immédiate. Des ressources complémentaires permettant d'atteindre ce seuil de 400 millions en régime de croisière seraient très bienvenues pour les entreprises, les collectivités. S'agissant des monuments historiques, le Gouvernement est ouvert à la discussion. Que faut-il entendre par « hors plafond » : hors plafond travaux ou hors plafond global ?

Sur les secteurs sauvegardés, je souligne la contradiction qui existe entre le soutien à l'économie et une série de mesures qui tombent mal et risquent de casser la dynamique du patrimoine. Justice fiscale ? Ne nous accusez pas de défendre un avantage fiscal taillé pour quelques privilégiés... Madame la ministre, je suis, dans cette affaire, de votre côté !

Nombre de sénateurs siégeant à la commission des affaires culturelles et ailleurs souhaitent la relance d'une grande politique du patrimoine -et le moins de contraintes possible !

Mme Christine Albanel, ministre.  - Ce budget, en progression de 2,8 %, marque un effort important en ces temps de tension budgétaire. D'autant que s'y ajoutent des ressources extrabudgétaires substantielles, 20 millions pour le patrimoine, ce qui permet d'atteindre 305 millions hors fonds de concours. Nous explorons également la piste des jeux. Les premiers résultats sont encourageants.

Nous nous sommes efforcés que le patrimoine soit pris en compte dans le plan de relance. Sur les 4 milliards d'euros d'investissements supplémentaires, 100 millions nous seront alloués, qui permettront de lancer plus de cent opérations de restauration et d'accélérer les grands projets culturels, y compris en régions.

S'y ajoutent les aides fiscales. Dans le débat sur les niches, le Gouvernement n'a pas souhaité modifier le dispositif relatif aux monuments historiques. Sur le dispositif Malraux, nous réfléchissons dans trois directions : le périmètre des charges imputables, le taux de réduction et la mise en place d'un mécanisme de report des excédents. Pour les monuments historiques non ouverts au public, sujet qui suscite des discussions nourries, je me félicite du dépôt des amendements de vos deux commissions et espère que la CMP parviendra à un consensus. Les avantages fiscaux pour les propriétaires privés ne sont pas, à mon sens, des niches fiscales, mais signent au contraire un engagement du bénéficiaire.

M. Jacques Legendre.  - Très bien !

Mme Christine Albanel, ministre.  - Le mécénat doit pouvoir mobiliser des financements privés. Le dispositif de l'article 10 de la loi de finances pour 2007 est incitatif. La publication des textes d'application est récente. Il semble que la ressource escomptée permet de compléter le financement des opérations allant de 60 000 à 1 million d'euros. Reste que le dispositif est pénalisé par l'exclusion des monuments fournissant à leur propriétaire des recettes commerciales supérieures à 60 000 euros par an.

La tension sur le patrimoine existe, mais nous menons une politique raisonnable. Le budget 2009 prend en compte l'objectif de réduction du volume des restes à payer. Nous avons calculé au plus juste le montant des autorisations d'engagement, qui passent de 1,106 milliard en 2008 à 899 millions en 2009. Aller au-delà serait renouer avec une politique de « stop and go » préjudiciable aux opérations. Le fait que les crédits de paiement s'égalent aux autorisations d'engagement est une bonne chose. Ils augmentent pour les engagements antérieurs, notamment en faveur des musées territoriaux et la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État.

Un mot sur le Philharmonique, qui a suscité des interrogations. Il n'entraîne pas de risque d'éviction des investissements en région, j'en veux pour preuve les inaugurations récentes du théâtre de Poitiers, du grand auditorium de Provence et bientôt de celui de Bordeaux. Le contrat de plan État-régions 2010 sera l'occasion d'engager des opérations structurantes pour les territoires.

Pour la maîtrise d'ouvrage, le schéma de financement retenu est celui du partenariat public-privé, qui permet de différer les charges financières de la construction et responsabilise l'opérateur privé, en termes de délais et de qualité de la construction d'un bâtiment dont la charge de l'entretien lui reviendra. Deux options sont envisageables, soit un partenariat public-privé classique, soit un schéma alternatif, où l'on distingue le financement de l'exploitation, la maîtrise d'ouvrage étant conservée par la structure de préfiguration. Le choix est à l'étude et se fera dans un cadre concerté.

Pour la salle Pleyel, la possibilité est envisagée que la Cité de la musique se porte propriétaire, en faisant jouer une clause d'option d'achat prévue par le bail. Elle suppose un emprunt, dont le remboursement serait couvert par les loyers.

S'agissant de l'Inrap, l'objectif est d'améliorer les délais d'intervention et de développer une offre concurrentielle. La capacité des équipes sur le terrain a été renforcée, grâce à une augmentation des effectifs. Le nombre de prescription de fouille, que nous nous efforçons de maîtriser, a été stabilisé. Pour faire face à des opérations exceptionnelles comme le Canal Seine-Nord-Europe, nous étudions la possibilité de créer un nouveau contrat, dont la durée serait corrélée à celle de l'opération. Nous nous efforçons également d'augmenter le nombre des opérateurs en délivrant de nouveaux agréments.

L'expérience de la gratuité a augmenté la fréquentation dans des lieux jusqu'alors peu fréquentés, sans changer profondément la structure des publics. Nous nous orientons vers la gratuité totale jusqu'à 25 ans. Elle devrait également être accordée aux enseignants, mais financée par le ministère de l'éducation nationale, à hauteur de 12 millions.

J'en viens à l'éducation artistique. L'enseignement de l'histoire de l'art est davantage de la responsabilité de l'éducation nationale. Une épreuve spécifique a été créée au brevet et une option histoire de l'art au lycée. Nous sommes mobilisés pour donner vie à ce plan éducation artistique ; nous souhaitons devenir un vrai centre de ressources humaines et numériques. L'expérience d'Européana a montré que la France n'était pas en reste puisqu'elle a fourni 52 % des ressources. Nous travaillons aussi à la création d'un grand portail de la ressource gratuite pour l'éducation artistique et culturelle.

Sur le programme création, l'existence de ressources extrabudgétaires, dont nous souhaitons la pérennisation, explique la diminution des crédits du spectacle vivant. Nous réfléchissons à la création d'un fonds d'aide à la création et à la diffusion.

M. Lagauche m'a interrogé sur l'optimisation de la procédure de traitement des demandes de subvention. C'est un problème d'indicateur, que nous travaillons à fiabiliser.

Les entretiens de la rue de Valois n'ont pas pour vocation d'accroître les efforts des collectivités locales pour le spectacle vivant mais de renforcer le partenariat, la diffusion des oeuvres, l'emploi. Nous travaillons actuellement sur l'hypothèse d'une instance régionale de concertation, pour élaborer la carte du spectacle vivant. Nous élaborons également une méthode d'évaluation, avec des outils statistiques.

Je ne crois pas utile de créer un centre national du spectacle, sur le modèle du CNC. Les métiers du cinéma et du spectacle vivant sont différents. En revanche, je crois utile de relancer les Commissions régionales des professions du spectacle (Coreps).

Sur le cinéma numérique, nous avons installé des groupes de travail pour la modernisation des salles.

Le nombre d'intermittents s'est stabilisé, autour de 100 000 : nous avons enrayé la forte croissance, sans qu'il y ait d'exclusions massives, comme certains le craignaient. Cependant, le déficit se creuse. Les indemnisations ont augmenté, davantage pour les techniciens que pour les artistes.

L'an prochain, les annexes 8 et 10 seront renégociées. Je n'ai pas le sentiment qu'elles soient mises en question ; l'Unedic est sensible aux efforts sur les conventions collectives, passées de 45 à 8, toutes signées sauf une.

Nous avons lancé une réflexion sur le théâtre amateur ; il ne paraît pas utile de légiférer mais plutôt de procéder par une charte pour prendre en compte les spécificités de cette activité.

Les aides au livre doublent. Nous mettons en place les librairies références, avec l'aide du CNL. Quant aux arts plastiques, leurs autorisations d'engagement progressent de 8 %.

Les arts du cirque bénéficient de 12 millions, un effort particulier est consenti sur la formation, avec notamment un parcours pédagogique associant les trois grandes écoles du cirque. Nous favorisons également l'itinérance du cirque.

Voilà pour le tour d'horizon de ce budget ! (Applaudissements à droite et au centre)

Examen des crédits

Article 35 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-131, présenté par le Gouvernement.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Nous majorons de 6 217 000 euros des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Nous tirons ainsi les conséquences du rattachement de la direction du développement des médias (DDM) au ministère de la culture et de la communication.

L'amendement n°II-131, accepté par la commission est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-11, présenté par M. Gaillard, au nom de la commission des finances.

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial.  - Nous réduisons de moitié les autorisations d'engagement, soit une diminution de 1,136 milliard. C'est un amendement d'appel de pure rhétorique, un prêt-à-retirer si Mme le ministre me le demande... (Sourires)

Mme Christine Albanel, ministre.  - Effectivement !

L'amendement n°II-11 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-194, présenté par le Gouvernement.

Mme Christine Albanel, ministre. - En conséquence de la décentralisation de l'Inventaire général et des monuments historiques, nous annulons 1 023 767 euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement sur le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Cette annulation correspond aux rémunérations des agents ayant opté pour un transfert de la fonction publique d'État vers la fonction publique territoriale.

L'amendement n°II-194, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°II-384, présenté par le Gouvernement.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Ce transfert correspond à la prise en charge par le musée d'Orsay et le Centre national des arts plastiques, de la rémunération de leurs dirigeants.

L'amendement n°II-384, accepté par la commission, est adopté.

Les crédits de la mission « Culture » sont adoptés.

Article additionnel avant l'article 59

M. le président.  - Amendement n°II-189, présenté par MM. Gaillard, Legendre et Richert.

Avant l'article 59 octies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 524-7 du code du patrimoine est ainsi modifié :

1° Au dernier alinéa du I,  le taux : « 0,3 % » est remplacé par le taux : « 0,6 % » ;

2° Au premier alinéa du II, le montant : « 0,32 euro » est remplacé par le montant : « 0,6 euro ».

M. Yann Gaillard, rapporteur spécial.  - Les problèmes rencontrés par l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) expliquent qu'un amendement identique provienne des deux côtés de cet hémicycle. Madame le ministre, merci d'avoir présidé le comité de recherche archéologique. Nous augmentons la redevance, sans conséquence pour les prélèvements obligatoires.

M. le président.  - Amendement identique n°II-241, présenté par M. Dauge et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Yves Dauge.  - Il est défendu.

L'amendement n°II-189, identique à l'amendement n°II-241, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

L'article 59 octies est adopté.

L'article 59 nonies est adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, samedi 6 décembre 2008, à 14 heures.

La séance est levée à 2 h 30.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du Samedi 6 décembre 2008

Séance publique

A QUATORZE HEURES

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n°98, 2008-2009).

Rapport (n°99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Examen des missions :

- Sport, jeunesse et vie associative (+ articles 77, 78 et 78 bis)

M. Michel Sergent, rapporteur spécial (rapport n°99, annexe n°30)

MM. Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach, rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles (avis n°100, tome VIII)

- Économie

Compte spécial : gestion et valorisation des ressources tirées de l'utilisation du spectre hertzien

MM. André Ferrand et François Rebsamen, rapporteurs spéciaux (rapport n° 99, annexe n° 11)

MM. Pierre Hérisson, Gérard Cornu et Mme Odette Terrade, rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques (avis n° 101, tome II)