Législation funéraire (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la législation funéraire.

Discussion générale

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - Parler de la mort, c'est toucher au plus intime, souvent au plus douloureux. Le texte soumis à notre examen aujourd'hui entend adapter notre législation à une profonde modification de nos rites funéraires : les services funéraires, responsables de l'organisation des obsèques, du transport du corps et de l'accompagnement des familles, occupent désormais une place essentielle et la crémation se substitue progressivement à l'ensevelissement. Je salue l'esprit de consensus et la qualité des échanges entre Parlement et Gouvernement qui ont marqué l'examen de cette proposition de loi dont le Sénat avait pris l'initiative.

Face au développement de la crémation, il fallait préciser le statut juridique des restes mortels car le corps humain, n'en resterait-il que des cendres, doit être respecté. Aussi est-il réaffirmé dans le texte que les urnes cinéraires sont inviolables au même titre que les sépultures et, partant, que leur profanation est un acte choquant et condamnable. Ce souci, compte tenu des récents événements, revêt une importance singulière... Ensuite, parce que la carte des crématoriums ne répondait pas aux besoins, certaines communes et établissements publics de coopération intercommunale devront créer des sites cinéraires dans le respect, toutefois, du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Au-delà, il convient de réaffirmer les principes juridiques et moraux qui fondent le pacte républicain. Parce que respect de la volonté des défunts et liberté des funérailles sont au coeur de notre droit funéraire, il importe d'autoriser les maires à faire procéder à la crémation du corps si le défunt en a clairement exprimé la volonté et de restreindre la procédure de « crémation administrative », selon laquelle le maire peut procéder à la crémation d'un défunt à la suite d'une reprise de sépulture aux seuls cas d'absence d'opposition connue ou attestée du défunt à la crémation. Autre principe fondamental, reconnu par la loi de 1887, le caractère public des cimetières et des sites funéraires, qui est la condition du respect de la pluralité. Ces sites doivent continuer d'être directement gérés par les communes et les EPCI, malgré la tendance contemporaine à la privatisation de la mort. De même, la délégation de la création et de la gestion des sites cinéraires doit demeurer l'exception.

Mieux encadrer les nouvelles pratiques funéraires en réaffirmant nos principes dans une société qui tend à les dissoudre, c'est ainsi que nous concilierons respect des morts et protection des vivants ! (Applaudissements)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois.  - « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »... Cette proposition, qui constitue la traduction législative des travaux que M. Hyest, président de la commission des lois, avait confiés à M. Sueur et moi-même sur la modernisation de la législation funéraire fin août 2006, a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 20 novembre dernier, vingt-neuf mois après qu'elle a connu le même sort au Sénat. Je salue, au reste, l'unanimité qui a entouré l'adoption de ce texte dans les deux chambres et préfère oublier ce long délai qui pourrait apparaître comme un blocage de la navette parlementaire qui serait de mauvais augure quand la dernière révision constitutionnelle entend revaloriser le rôle du Parlement. Quoi qu'il en soit, je me réjouis que ce texte, qui constitue un progrès pour la législation funéraire, soit définitivement adopté ce soir.

J'en viens aux modifications introduites par l'Assemblée nationale. Concernant les conditions d'exercice des opérateurs funéraires, les députés ont supprimé l'article premier créant une commission départementale des opérations funéraires au motif que celle-ci alourdissait la procédure administrative et nuirait à l'objectivité de la décision à cause de la présence de deux représentants des opérateurs funéraires en son sein. Notre objectif initial était d'accroître la vigilance de la préfecture quant au respect de la législation funéraire, notamment au moment de la demande d'habilitation. Compte tenu des engagements du Gouvernement et des progrès constatés, considérons que le but est atteint. A l'article 2, l'Assemblée nationale a restreint le bénéfice de la dispense de formation aux seuls dirigeants des régies, c'est-à-dire aux maires et présidents d'EPCI et précisé quels étaient les métiers concernés par le nouveau diplôme d'opérateur funéraire et ceux qui ne l'étaient pas, tels les porteurs et les fossoyeurs.

S'agissant des démarches des familles, le Sénat avait prévu, à l'article 6, l'instauration de devis types obligatoires dans les communes d'au moins 10 000 habitants. L'Assemblée nationale a confié à un arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales, plutôt qu'aux conseils municipaux, le soin d'élaborer ces modèles de devis et a laissé au maire, quel que soit le nombre des habitants de sa commune, le soin de définir les modalités de consultation des devis. Les députés ont également inséré deux articles additionnels relatifs aux contrats de prévoyance d'obsèques : le premier prévoit que ces contrats assurent au souscripteur un taux d'intérêt au moins égal au taux légal ; le second, la création d'un fichier national des contrats d'assurance obsèques. Sur ce dernier point, l'enjeu est de taille puisque, selon une étude récente de l'UFC-Que Choisir, près de deux millions de contrats d'assurance obsèques étaient souscrits fin 2007 et l'on ignore le nombre de contrats qui ne sont pas réclamés.

Enfin, le point le plus important : le statut et la destination des cendres. L'Assemblée nationale a adopté sans modification l'article 9 qui énonce une obligation de respect, de dignité et de décence à l'égard des restes des personnes décédées, y compris après une crémation. A l'article 12, les députés ont étendu l'obligation de créer des sites cinéraires aux communes et EPCI de 2 000 habitants, quand le Sénat avait restreint la disposition aux communes et EPCI de 10 000 habitants. L'article 14, relatif à la destination des cendres des personnes décédées et interdisant aussi bien leur partage que leur appropriation privée, a fait l'objet de modifications plus nombreuses consistant à porter de six mois à un an la conservation transitoire de l'urne dans un crématorium, à autoriser le dépôt temporaire de l'urne dans un lieu de culte plutôt qu'au crématorium et à prévoir que les informations relatives à la destination des cendres sont conservées à la mairie de la commune de naissance, et non à la mairie du lieu de décès.

Enfin, l'article 16, relatif au schéma régional de crémation, a été supprimé, l'Assemblée nationale préférant demander, par votre intermédiaire, madame, des enquêtes plus approfondies aux préfets.

S'agissant de la conception et de la gestion des cimetières, l'article 17 permettait au maire, sur délibération du conseil municipal et après avis du conseil d'urbanisme et d'environnement, de prendre toute disposition de nature à assurer la mise en valeur architecturale et paysagère du cimetière ou site cinéraire ; l'Assemblée nationale a limité son pouvoir à la fixation des dimensions maximales des monuments mais en supprimant l'exigence d'une délibération du conseil municipal et d'un avis du conseil d'architecture, d'urbanisme et d'environnement.

L'article 18 permettait au maire de procéder à la crémation des restes exhumés en l'absence d'opposition connue ou attestée du défunt et prévoyait que les restes des personnes ayant manifesté leur opposition à la crémation devaient être distingués au sein de l'ossuaire. L'Assemblée nationale, allant au-delà du souhait du Sénat, a précisé que le maire ne pourrait y faire procéder en cas d'opposition présumée du défunt. Elle a ajouté un article additionnel créant une police spéciale des monuments funéraires menaçant ruine et complété l'article 22 relatif à la ratification de l'ordonnance du 28 juillet 2005 sur les sites cinéraires privés créés avant le 31 juillet 2005 et qui ne s'applique, à ma connaissance, qu'à celui des Arbres de mémoire, près d'Angers.

La législation funéraire demeure perfectible. Le développement des contrats obsèques appelle de nouvelles interventions du législateur pour renforcer les garanties offertes aux souscripteurs et pour assurer la concurrence en maintenant des opérateurs locaux. Il faudra bien en venir au taux réduit de TVA, à condition que cette baisse soit intégralement répercutée vers les familles.

Les conditions de prise en charge de la mort périnatale doivent être améliorées. Certes, des décrets et des arrêtés sont venus remplacer les anciennes circulaires, mais l'on peut se demander, comme l'a fait le Médiateur de la République, si le législateur ne pourrait donner une base juridique à la notion de viabilité.

Enfin, l'incertitude juridique subsiste sur les carrés confessionnels, d'où l'expatriation de 80 % des corps de personnes de confession musulmane décédées en France, dont un nombre croissant ont la nationalité française. Michel Dreyfus-Schmidt, ce laïque convaincu, soulignait que la tolérance était consubstantielle à la laïcité et qu'il fallait, en conséquence, non s'opposer aux carrés confessionnels mais les favoriser.

Mais à chaque jour suffit sa peine. L'Assemblée nationale a amélioré la rédaction du Sénat et la commission des lois propose d'adopter conforme un texte qui contribuera à assurer la sérénité des vivants dans le respect des morts, ainsi que l'avait souhaité M. Sueur, avec lequel j'ai eu plaisir à travailler. (Applaudissements)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - La proposition de loi correspond à l'évolution des pratiques funéraires depuis plusieurs dizaines d'années : le choix de la crémation est passé de 0,4 % en 1975 à 28 % aujourd'hui. Vouloir adapter notre législation funéraire, créer les conditions d'un choix entre inhumation et crémation, veiller au respect des cendres et assurer l'accès des familles au service public était donc souhaitable. Cette proposition de loi aura attendu deux ans et demi avant de nous revenir et, hasard du calendrier ?, ce délai a permis à des associations de défense des consommateurs d'enquêter sur les pompes funèbres et les contrats d'assurance obsèques. Leur constat est accablant. Celle menée par Que choisir ? dans 80 départements révèle qu'il est impossible de comparer en raison des pratiques abusives et indécelables par des familles endeuillées : dans un cas sur trois, l'opérateur funéraire refuse d'établir un devis conforme à la loi et les devis proposés sont si vagues qu'ils autorisent des écarts allant jusqu'à 1 100 %.

On devine l'impact de telles pratiques sur les familles. La question de la qualification professionnelle des opérateurs et de la formation des agents est donc essentielle : la création d'un diplôme national est un élément positif. Nous saluons l'exemption des seules régies simples, dont les agents seront néanmoins astreints à une formation. L'exemption de tous les dirigeants n'était en effet pas opportune.

S'agissant du coût pour les familles, les enquêtes ont montré l'urgence de devis types car les familles ne sont pas en état de comparer ni de déjouer les pratiques abusives. L'Assemblée nationale a renvoyé leur établissement au ministre de l'intérieur, laissant au maire le soin d'en prévoir les modalités de consultation. Nous nous étions interrogés en première lecture sur l'opportunité de devis types établis au niveau national et notre interrogation demeure sur les moyens d'assurer l'égalité entre tous les citoyens.

L'objectif de réduction du coût des obsèques demeure prioritaire : il a augmenté de 35 % en dix ans pour atteindre 4 000 euros. L'abaissement du taux de TVA demeure d'actualité. Généraliser le taux réduit, qui ne s'applique actuellement qu'au transport du corps, soulagerait les familles en nous ramenant au taux pratiqué par nos voisins européens.

Le rapporteur à l'Assemblée nationale a permis, ce que n'avait pas envisagé M. Sueur, le dépôt temporaire des centres dans un lieu de culte plutôt qu'au crématorium, dont nous rappelons néanmoins qu'il demeure le principe. Nous avons été quelque peu surpris par cette insertion mais, conscients de l'importance de cette proposition de loi pour mieux prendre en compte l'évolution des pratiques, nous la voterons. (Applaudissements)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - L'examen en deuxième lecture de cette proposition de loi est source de satisfaction, non pas parce qu'elle nous rappelle une échéance inéluctable mais en raison du consensus qui a régné à l'Assemblée nationale comme au Sénat durant son élaboration. Le rapport n° 372 établi par MM. Lecerf et Sueur et intitulé Sérénité des vivants et respects des défunts aura finalement préparé une adaptation de la loi à l'évolution des pratiques et dans le respect de convictions religieuses et laïques, éminemment respectables.

Pour m'être penchée sur cette question après avoir été interrogée par de nombreux maires, je mesure l'excellence du travail accompli, avec délicatesse et finesse, avec tact et sensibilité, sur la matière la plus personnelle et la plus intime qui soit. Ce texte est bon, qui vient clarifier les problèmes en s'adaptant à une pratique qui tend à devenir majoritaire. S'il s'adresse à tous nos concitoyens, il est d'abord destiné aux maires, qui auront à l'appliquer. Il est équilibré et respectueux de la volonté des familles tout en veillant à ne pas alourdir inutilement des procédures complexes. La commission départementale des opérations funéraires n'a pas été retenue, monsieur le rapporteur, mais les services du préfet prendront toutes les informations nécessaires. De même les schémas régionaux des crématoriums seront-ils intégrés à des documents plus globaux.

Des précisions sont apportées sur la mise en valeur architecturale et paysagère des cimetières et sites cinéraires et il faut se féliciter que l'article 19 bis permette au maire de faire réparer les sépultures laissées à l'abandon.

D'aucuns ont observé que tous les sujets n'avaient pas été abordés. Ils auraient aimé que l'on parle du taux de TVA ou de la création de carrés confessionnels. Sans doute, mais je crois raisonnable, dans un premier temps, de s'en tenir à un texte consensuel : le cas est assez peu fréquent pour le souligner !

Le RDSE sera unanime à voter ce texte conforme à l'esprit républicain. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce fut un long chemin ! Je me revois en 1992, secrétaire d'État aux collectivités territoriales, défendant ici et à l'Assemblée nationale ce qui allait devenir la loi de janvier 1993, qui a mis fin au monopole des pompes funèbres, monopole faussé cohabitant avec une concurrence biaisée pour le plus grand dommage des familles. Cette loi a été bien appliquée mais elle ne répond pas à certains problèmes nouveaux, et la question du prix des obsèques reste lancinante.

Élu sénateur, j'ai rédigé deux propositions de loi, que je n'ai jamais pu faire inscrire à l'ordre du jour. Je rends donc hommage au président Hyest qui n'a pas voulu laisser à l'abandon ce sujet important et qui a confié à M. Lecerf et à moi-même une mission de réflexion. Avec M. Lecerf, nous avons pu travailler de manière très positive et confiante et préparer le rapport qui a abouti à cette proposition de loi sur laquelle un large accord s'est fait. Ensuite, nous avons attendu... Vingt fois nous sommes intervenus auprès du ministre de l'intérieur, de celui en charge des relations avec le Parlement, de celui en charge des collectivités territoriales, du Premier ministre. Quand une proposition de loi qui concerne toutes les familles est adoptée à l'unanimité par une assemblée, il serait logique de la faire examiner par l'autre dans un délai raisonnable. Il a fallu deux ans et cinq mois !

Je rends hommage au président et au rapporteur de l'Assemblée nationale, avec qui nous avons travaillé dans un bon climat et de manière fructueuse, sans pour autant que s'effacent les différences de nos sensibilités. Il y a là quelque chose de réconfortant qui pourrait donner des idées pour d'autres domaines.

Cela dit, je reviens à mon tour sur quelques points de ce texte, et d'abord la protection des familles. Les devis types sont nécessaires pour améliorer leur transparence et maîtriser les coûts. Ils étaient prévus dans la loi de 1993 mais nous ne les avions pas inscrits noir sur blanc, si bien que Bercy s'y est opposé au nom de je ne sais plus quelle règle. Pourquoi sont-ils nécessaires ? Parce que quand on perd un être cher, on est très affecté et l'on n'a pas le coeur d'aller demander à toutes les entreprises habilitées de la commune des devis qui, de toute manière, seraient rédigés en trente pages avec de tout petits caractères. Il est donc bon que la puissance publique s'en préoccupe en liaison avec les professionnels ; je l'ai fait dans une commune qui m'est chère et cela s'est fort bien passé. Le Conseil national des opérations funéraires est tout indiqué pour élaborer des devis types avec le ministère de l'intérieur. On peut ainsi établir trois ou quatre modèles de devis, auxquels les entreprises se conformeront, quitte à proposer aussi d'autres prestations. Cela peut se faire à l'échelle de toute la France ; les communes ne seront pas chargées de faire ces devis types, mais simplement -c'est l'accord que nous avons passé avec l'Assemblée nationale- de décider des modalités selon lesquelles tous les citoyens pourront avoir accès à ces modèles de devis.

Deuxième point : nous avons proposé, dès la première lecture, de simplifier les formalités administratives payantes, coûteuses, et souvent inutiles. Au lieu d'avoir cinq formalités payantes pour un seul enterrement, on aura un seul contrôle avant la fermeture du cercueil. L'Assemblée nationale a souhaité que le prix soit fixé dans la loi, entre vingt et vingt-cinq euros. On ne pourra donc plus surfacturer des formalités qui n'existeront plus.

Troisième point : je veux rendre hommage aux députés qui ont repris des propositions de l'UFC-Que choisir sur la réévaluation du capital versé par le souscripteur d'un contrat obsèques et sur la création d'un ficher national des contrats obsèques. Nous n'en avons pas fini avec ces contrats : la loi de 2004 n'est pas bien appliquée du fait de la confusion entre eux et les contrats d'assurance vie et du fait de l'existence de formules packagées. Toujours dans l'intérêt des familles, des dispositions visent à restreindre le démarchage en la matière.

Le problème du taux de TVA est toujours devant nous. Je ne comprends pas que le taux le plus élevé soit appliqué à ces dépenses que les familles doivent faire au moment où elles sont le plus éprouvées. Bercy nous dit rituellement que cela coûterait 145 millions ; le prix d'une autre baisse de TVA est sans commune mesure...

Il est positif d'instaurer un diplôme national ; nous avons exclu les régies pour dispenser de formation le pauvre maire-adjoint qui préside un syndicat gérant une chambre mortuaire dans une commune rurale.

En matière d'habilitation, je vous demande, madame la ministre, qu'il y ait plus de rigueur. Aujourd'hui, les habilitations sont délivrées trop facilement ; j'ai signalé, en vain, de graves dysfonctionnements à mon préfet. La profession réclamant tact, décence et compréhension, une telle habilitation ne peut être un acte purement formel. Dès lors qu'il n'y aura pas de commission, je souhaite vivement que vous puissiez faire une circulaire très précise sur ce point.

Je regrette que le schéma régional des crématoriums ait été supprimé ; la question mérite d'être approfondie.

La crémation s'est beaucoup développée ces dernières années : encore marginale en 1993, elle représente désormais un tiers des obsèques. Le Sénat avait voulu faire obligation aux villes de plus de 10 000 habitants de créer un site cinéraire dans leurs cimetières ; l'Assemblée nationale a décidé d'étendre cette obligation aux villes de plus de 2 000 habitants, tout en allongeant le délai : c'est une bonne chose.

Les dispositions relatives à la destination des cendres découlent toutes de l'article 9 : il était essentiel d'inscrire dans la loi que les restes humains doivent être traités avec respect, dignité et décence.

Cette proposition de loi a été bâtie en référence à la loi de 1887, qui a défini la conception républicaine du cimetière communal, public et laïque. Une ordonnance prise par un précédent ministre de l'intérieur avait ouvert la voie à la création de sites cinéraires privés, mais M. Hortefeux a accepté, en première lecture à l'Assemblée nationale, de revenir sur ces dispositions.

Ce texte établit quatre lieux de destination pour les cendres et les urnes. Elles peuvent être soit déposées dans un caveau ou un columbarium, soit dispersées dans un jardin du souvenir ou dans la nature. Si elles sont dispersées dans un jardin du souvenir, l'identité de la personne devra être mentionnée quelque part ; si elles sont dispersées dans la nature, l'opération devra faire l'objet d'une déclaration à la mairie du lieu de naissance. En effet, il importe de conserver une trace des personnes défuntes et d'entretenir leur mémoire.

J'en viens à la question de l'appropriation privée des cendres. Soit dit en passant, je partage la réaction de Mme Mathon-Poinat au sujet de l'article 14. On demande parfois pourquoi les cendres ne peuvent être conservées dans des lieux privés. Il y a plusieurs raisons à cela.

Tout d'abord, je ferai remarquer que l'on ne peut être inhumé dans son jardin.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - A quelques exceptions près !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Certes... mais personne n'a jamais considéré cette interdiction comme une atteinte à la liberté des personnes ! Le deuil est une séparation : c'est ce qui explique l'existence des cimetières.

En outre, si l'on permettait l'appropriation privée des cendres, un problème se poserait lors de la mort du dépositaire, qui touche au statut même des cendres : celles-ci ne sont pas un bien meuble dont on pourrait hériter. On pourrait décider que l'urne doit rester dans la famille. Mais alors, au bout de plusieurs générations, des champs d'urnes familiaux et privatifs se constitueraient, ce qui serait contraire au principe du cimetière public. Il y a donc une antinomie entre l'appropriation privée des cendres et la conception républicaine du cimetière.

Enfin, il est important que chacun puisse aller se recueillir devant les restes de ceux qui lui furent chers, et faire ainsi son deuil. Si les cendres étaient remises à quelqu'un en particulier, d'autres personnes pourraient, en cas de conflit, se voir priver du droit d'aller se recueillir devant elles. Le cimetière public assure donc une forme d'égalité devant la mort. Je ne nie pas qu'il y ait certains problèmes. Je suis naturellement horrifié par les profanations récurrentes de tombes. Je crois aussi que M. le rapporteur a eu raison d'évoquer la question des carrés confessionnels : il faudra y réfléchir. Mais le cimetière public doit continuer à accueillir tous ceux qui ont vécu leur vie humaine dans la République.

Je vous remercie tous de l'intérêt que vous avez porté à ce texte, qui remplit un vide de notre législation. Nous avons recherché la transparence : les professionnels qui, pour beaucoup, accomplissent un travail de qualité, y ont intérêt. Nous avons aussi voulu garantir à toutes les familles de notre pays l'aide de la puissance publique au moment où elles traversent une épreuve douloureuse. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

M. le président.  - Je rappelle qu'aux termes de l'article 42, alinéa 10 du Règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.

L'article premier est supprimé.

Les articles 2, 3, 5 et 6 sont adoptés.

A l'article 7, l'amendement n°1 rectifié n'est pas défendu.

L'article 7 est adopté, ainsi que les articles 7 bis, 7 ter, 10, 12, 13, 14 et 15.

L'article 16 est supprimé.

Les articles 17, 18, 19 bis, 21 et 22 sont adoptés.

Intervention sur l'ensemble

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je me félicite que sur un sujet aussi délicat, qui touche à l'essence même de l'homme et à sa dignité, les parlementaires aient pu mener un travail en profondeur afin de moderniser notre droit funéraire. Cela fait deux ans que nous préparons cette réforme et, si nous avons souvent l'occasion de nous plaindre de ne pas disposer du temps de la réflexion sur les textes qui se succèdent à l'ordre du jour, nous ne pouvons que nous réjouir que cette proposition de loi mûrement réfléchie soit aujourd'hui près d'être adoptée.

Je remercie M. Sueur, qui a mis son opiniâtreté coutumière au service d'une cause commune.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - En effet !

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je remercie également M. le rapporteur Lecerf. Ce texte écrit à quatre mains nous semble juste, équilibré et de nature à améliorer notre législation funéraire. Il concilie l'indispensable rigueur juridique et le respect des valeurs qui fondent notre société. Le groupe UMP votera donc ce texte, qui sera adopté, je l'espère, avec une belle unanimité. (Applaudissements)

La proposition de loi est adoptée.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - La commission des lois n'est pas coutumière des congratulations, mais je tiens à féliciter M. Sueur, qui était déjà à l'origine de la loi de 1993 sur le monopole. Les pratiques funéraires ont évolué depuis ; on a notamment assisté au développement de la crémation, mais il n'existait jusqu'à présent aucune règle à ce sujet. Afin de garantir le respect des restes humains, il fallait donc légiférer. Les ministres successifs prétendirent qu'un décret suffisait, mais ce ne fut pas notre avis : ces questions doivent être réglées par la loi.

Cet exemple montre que le Parlement peut se saisir d'un sujet et élaborer une réforme ambitieuse. Nous avons d'abord mis en place une mission d'information dotée de deux rapporteurs, l'un de l'opposition, l'autre de la majorité, qui sont devenus respectivement l'auteur et le rapporteur de la proposition de loi. La commission des lois s'est prononcée, et nous avons voté unanimement ce texte.

Avec, toutefois, une réserve : théoriquement, la révision constitutionnelle accroît l'initiative parlementaire, encore faut-il que les deux assemblées coopèrent. La nôtre adopte très volontiers les propositions de loi élaborées par les députés. La réciproque doit être vraie. L'Assemblée nationale a quelque peu tardé à inscrire à son ordre du jour la proposition dont nous avons discuté ce soir.

Autre exemple de coopération : la réforme des prescriptions, sujet fort complexe, qui a donné lieu à la création d'une mission d'information qui a débouché sur une proposition de loi votée par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale. Cette méthode aboutit souvent à un vote conforme en deuxième lecture.

Bien sûr, les textes de loi resteront pour l'essentiel d'origine gouvernementale, mais le Parlement peut également produire des dispositions législatives portant sur des questions de société.

Je me réjouis que le Sénat ait proposé un texte de cette importance. (Applaudissements)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Au nom du Gouvernement, je me félicite de la qualité, de la hauteur de vue et de l'équilibre qui ont marqué vos interventions, toutes inspirées par la volonté de travailler en commun en vue d'une solution équilibrée.

Certes, un certain délai s'est écoulé depuis le premier débat, car l'élection présidentielle et les élections législatives ont suscité l'examen de textes jugés prioritaires. L'essentiel, c'est la remarquable concertation organisée entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Sur tous les bancs, les orateurs considèrent ce travail comme un modèle ; j'en déduis que la révision constitutionnelle est unanimement appréciée au Sénat. (Rires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ne parlons pas de la loi organique, qui a suscité d'intenses discussions en commission ce matin : nous l'examinerons demain en séance publique.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Il reste que le travail parlementaire ne règle pas tout : il faudra des textes d'application, notamment une circulaire adressée aux préfets, explicitant les contrôles qu'ils devront diligenter.

En outre, la TVA suppose un accord européen.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce que nous proposons existe dans d'autres États membres !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Oui, mais nous avons quand même besoin d'un accord.

Enfin, certains sujets n'ont pu être traités parce que nous n'étions pas tout à fait prêts. Je pense notamment aux carrés confessionnels. Il me paraît souhaitable de respecter la volonté des défunts et de leur famille. J'espère qu'en travaillant dans le même esprit, il sera possible d'aboutir dans un prochain texte. (Applaudissements à droite et au centre)

Prochaine séance demain, jeudi 11 décembre 2008, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 35.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 11 décembre 2008

Séance publique

A NEUF HEURES TRENTE

1. Discussion du projet de loi (n°106, 2008-2009) relatif à la commission prévue à l'article 25 de la Constitution et à l'élection des députés et du projet de loi organique (n°105, 2008-2009) portant application de l'article 25 de la Constitution, adoptés par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

Rapport (n°120, 2008-2009) de M. Patrice Gélard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.

A 15 HEURES ET LE SOIR

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

3. Suite de l'ordre du jour du matin.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation d'un accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces (n° 122, 2008-2009) ;

- M. Xavier Pintat un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (CSG) (n°90, 2008-2009) et le projet de loi autorisant l'approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Véga et Soyouz au Centre spatial guyanais (n°89, 2008-2009) ;

- Mme Catherine Tasca un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement (n°464, 2007-2008) ; le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au co-développement (n°465, 2007-2008) ; le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant (n°68, 2008-2009) et le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne (n°69, 2008-2009) ;

- M. Jean-Louis Carrère un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou (n° 35, 2008-2009) ;

- M. René Beaumont un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe (n°36, 2008-2009) ;

- MM. Christian Cointat et Bernard Frimat un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale à la suite d'une mission d'information effectuée en Polynésie française du 21 avril au 2 mai 2008 ;

- MM. Jean-Patrick Courtois et Charles Gautier un rapport d'information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale par le groupe de travail sur la vidéosurveillance ;

- M. André Dulait un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Tadjikistan, d'autre part (n° 37, 2008-2009).