Exécution des décisions de justice (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour réservé appelle la suite de la discussion de la proposition de loi relative à l'exécution des décisions de justice et aux conditions d'exercice de certaines professions réglementées, présentée par M. Laurent Béteille. La discussion générale a été close le 20 janvier dernier, lors de la dernière séance réservée.

Discussion des articles

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme N. Goulet.

Avant le chapitre 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la première phrase de l'article 88 du code de procédure pénale, après les mots : « par ordonnance, », sont insérés les mots : « dans un délai de 30 jours, ».

II. - Après la première phrase de l'article 88 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le non-respect de ce délai entraînera la caducité de la plainte. ».

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement n'a pas toute sa place dans ce texte mais je tenais à attirer votre attention sur les délais lors des dépôts de plainte : le doyen des juges d'instruction n'est en effet pas tenu par un quelconque délai pour fixer une consignation.

Ainsi, une plainte déposée en avril 2007 ne verra une ordonnance de consignation qu'en juillet 2007, une consignation payée le 1er aout, un juge d'instruction désigné le 1er octobre. Que de temps perdu pour un dossier très médiatisé !

Je propose donc que le doyen des juges d'instruction dispose d'un délai de 30 jours maximum pour fixer la consignation qui va permettre d'engager la procédure.

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois.  - Il serait intéressant de fixer un délai maximum pour verser la consignation dans le cadre de la constitution de la partie civile. Cela permettrait de protéger à la fois les personnes éventuellement ciblées par la plainte et de renforcer les droits de la partie civile. Il n'y a en effet rien de pire que d'attendre le bon vouloir du juge pour verser la consignation et entamer l'examen du dossier. Ce sujet mérite donc d'être étudié avec beaucoup d'attention, mais il n'a pas sa place dans cette proposition de loi. Pourquoi ne pas déposer cet amendement lorsque nous examinerons en mars la proposition de loi de l'Assemblée nationale sur la simplification du droit ? Je demande donc le retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Cet amendement n'a aucun lien avec le texte que nous examinons. Pour autant, je rejoins votre rapporteur. Pendant vingt ans, on a réformé par ajustements successifs le code de procédure pénale sans remettre à plat, une bonne fois pour toute, l'ensemble de la procédure pénale. Nous avons enfin la chance de pouvoir refondre le code pénal et le code de procédure pénale : la commission, présidée par l'avocat général Léger, va rendre un pré-rapport sur la réforme de l'instruction fin février et le rapport définitif sur la réforme du code de procédure pénale et du code pénal début juin, ce qui nous permettra de débattre de tous ces sujets. Cet amendement aurait toute sa place lors de la réforme du code de procédure pénale. Retrait.

Mme Nathalie Goulet.  - Je vous fais remarquer que la réforme de la procédure de diffamation a, elle aussi, un lien ténu avec ce texte. Cela dit, je retire mon amendement.

L'amendement n°1 est retiré.

Article premier

Après l'article L. 141-4 du code de la consommation, il est inséré un article L. 141-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 141-5. - Lors du prononcé d'une condamnation, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du professionnel condamné, mettre à sa charge l'intégralité du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement prévu à l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. »

M. le président.  - Amendement n°24 rectifié ter, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Vendasi.

I. Rédiger comme suit cet article :

Le premier alinéa de l'article 32 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve de l'alinéa suivant, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

« Un décret en Conseil d'État fixe les cas et conditions dans lesquels les droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement sont mis partiellement à la charge des créanciers. Dans ces cas, le juge peut, même d'office, pour des raisons tirées de l'équité ou de la situation économique du débiteur, mettre à sa charge tout ou partie de ces droits proportionnels lors du prononcé de la condamnation. »

II. En conséquence, dans l'intitulé du chapitre Ier, supprimer les mots :

en droit de la consommation

M. Jacques Mézard.  - Dans le cadre de l'exécution des décisions de justice, est-il normal que celui qui a gagné soit condamné à assumer en partie les frais de recouvrement ? Cette proposition de loi va dans le bon sens puisqu'elle vise le droit de la consommation : les frais d'huissiers seront désormais à la charge du débiteur dans certains cas. Nous souhaiterions que cette disposition soit étendue à tous les litiges.

Il ne s'agit nullement de remettre en cause ou de réduire le montant des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement des huissiers mais de permettre au magistrat de mettre partiellement ou totalement à la charge du débiteur ces frais. Aujourd'hui, tout créancier qui obtient satisfaction doit payer la quasi-totalité des droits de recouvrement, ce qui n'est pas juste si la partie perdante se révèle être plus solvable que le créancier, comme des établissements bancaires, des sociétés commerciales ou de téléphonie. Il arrive même fréquemment que les créanciers aient des moyens financiers inférieurs à ceux des débiteurs.

Les dispositions en vigueur imposent au juge de statuer sur les dépens, en s'appuyant sur l'article 700 du code de procédure civile ou même sur l'article 475-1 du code de procédure pénale relatif aux frais et honoraires non inclus dans les dépens. Je ne puis penser que les huissiers manifestent une quelconque défiance à l'égard des magistrats, lesquels avec sagesse peuvent mesurer quels sont les créanciers et les débiteurs qui devront assumer la charge de ces droits. Il ne s'agit donc pas ici de réduire les droits de recouvrement mais de laisser à l'appréciation du magistrat le soin de fixer celui qui devra acquitter ces frais. A l'origine, la loi du 8 mars 2001 est revenue sur le décret du 12 décembre 1996 qui avait été annulé par le Conseil d'État à la demande de certains avocats. La situation actuelle n'est pas conforme à l'intention initiale du législateur, ce qui est d'ailleurs fort bien rappelé dans le rapport de M. Zocchetto. En outre, M. Hyest avait posé une question écrite sur le même sujet.

M. le président.  - Sous-amendement n°32 à l'amendement n°24 rectifié ter de M. Mézard, présenté par Mme N. Goulet.

Supprimer la dernière phrase du dernier alinéa du I de l'amendement n° 24 rect ter.

Mme Nathalie Goulet.  - Il convient de limiter l'application de cet article au droit de la consommation. Il est tout à fait aventureux de modifier le droit actuel alors qu'une partie des revenus des huissiers est composé des droits proportionnels. Il ne s'agit nullement de marquer une quelconque défiance à l'égard des magistrats, mais de laisser la part proportionnelle qui revient aux huissiers pour service rendu payée par les créanciers. L'exécution du paiement par les débiteurs rendrait le recouvrement encore plus difficile.

En outre, je n'ai pas fait la même lecture que M. Mézard de la question posée par M. Hyest le 1er mars 2007.

Je souhaite donc en revenir à la rédaction de la commission.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cette proposition de loi permet au juge de mettre à la charge du débiteur tout ou partie des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement, lorsqu'il s'agit du droit de la consommation. Notre collègue Mézard propose d'étendre cette mesure à tous les contentieux civils. Votre commission a estimé que cette idée était intéressante et elle y a donc été favorable. Une fois voté par la commission, cet amendement a provoqué un certain nombre de réactions et nous nous sommes interrogés sur ses conséquences : le débiteur en situation difficile serait encore plus pénalisé. Néanmoins, nous sommes restés favorables à cet amendement.

C'est pourquoi le sous-amendement n°32 me surprend puisqu'il rigidifie le dispositif. A titre personnel, puisqu'il n'a pas été examiné par la commission, j'y suis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avec ce sous-amendement, nous en reviendrions à la situation actuelle : le créancier devrait verser la totalité des frais pour récupérer sa créance. Or, cette proposition de loi permet aux magistrats d'apprécier la solvabilité des débiteurs.

L'article premier vise à mettre à la charge du professionnel condamné dans le cadre du code de la consommation l'intégralité du droit proportionnel de recouvrement ou d'encaissement.

Cet amendement vise à élargir cette disposition à l'ensemble des contentieux civils en permettant au juge d'apprécier, en fonction de la situation personnelle du débiteur, s'il est équitable que le créancier participe ou non au règlement des droits de recouvrement.

On peut comprendre que la charge ne doive pas peser sur le créancier mais le juge dispose forcément d'éléments sur lui alors qu'il en manque généralement sur le débiteur.

Ne chargeons pas encore plus la dette du débiteur, surtout en cette période de crise ! Défavorable donc à l'amendement et au sous-amendement.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je m'exprime à titre personnel car je n'ai pu assister à la réunion de la commission au cours de laquelle cet amendement a été adopté ; j'étais retenu par le groupe de travail sur la réforme du Règlement.

Je comprends bien cet amendement dans les litiges de consommation, où ce sont des sociétés importantes qui peuvent être condamnées. Mais j'ai longtemps présidé un office HLM et j'ai vu que les débiteurs sont souvent en très grande difficulté financière. Il serait évidemment d'une logique imperturbable de leur demander de payer mais quel sens cela aurait-il ? Quelle connaissance le juge peut-il avoir de chaque situation particulière ?

Personnellement, je ne suis pas prêt à aller jusque-là.

Mme Nathalie Goulet.  - J'ai commencé par ne pas comprendre l'objection du rapporteur, puis je me suis rendu compte que mon sous-amendement était mal rédigé : je voulais viser seulement les conflits de consommation.

Le sous-amendement n°32 est retiré.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - M. Mézard souhaite que les juridictions civiles puissent mettre à la charge de la partie perdante tout ou partie des frais de l'exécution forcée de leur décision. L'adoption d'un tel amendement serait très préjudiciable au débiteur qui, condamné à l'instance, devra supporter la totalité des droits proportionnels aujourd'hui partagée entre les parties. Si cela peut s'admettre dans le cas d'un professionnel dont la situation économique est correcte, il n'en est pas de même des personnes physiques qui ont du mal à payer leurs dettes. Dans une période de crise économique et financière, la situation des débiteurs mérite une attention particulière. Transposer aux particuliers l'intégralité des droits de recouvrement pourrait les placer dans l'impossibilité de payer, ce qui priverait l'huissier de sa rémunération.

Les droits proportionnels de recouvrement et d'encaissement ne sont pas une sanction à la charge de la partie qui a perdu le procès. Il s'agit d'un émolument lié au service d'un recouvrement efficace. En bouleverser la nature mettrait en péril l'équilibre social des procédures civiles d'exécution.

Le groupe UMP votera donc contre l'amendement Mézard.

M. Laurent Béteille.  - Ma proposition de loi limitait cette disposition au droit de la consommation, où le créancier a généralement moins de moyens que le débiteur. Même dans un litige entre deux particuliers, il peut y avoir déséquilibre financier au détriment du débiteur.

Je proposais que les émoluments de l'huissier soient partagés entre le créancier et le débiteur, sachant que le juge pouvait tout mettre à la charge du débiteur. L'amendement propose un dispositif inverse, qui nous ramène à l'article 32 de la loi de 1991. Ce n'est pas très raisonnable dans les circonstances actuelles. Quand vous payez un avocat, votre créance n'est pas encore établie, elle ne le sera qu'après le jugement...

M. Jean Louis Masson.  - Ce n'est quand même pas au créancier de payer au prétexte que le débiteur ne le pourrait pas !

M. Jacques Mézard.  - Ce n'est pas tant le débiteur que l'on veut protéger dans cette affaire que les huissiers, qui tiennent à être payés. Ils savent bien qu'il est plus facile de faire payer le créancier sur l'argent qui lui rentre que le débiteur désargenté.

Le juge ne connaît pas la situation du débiteur ? Allons donc ! Mon expérience de 35 ans m'a appris que le juge peut savoir beaucoup de choses, et déjà si le débiteur bénéficie ou non de l'aide juridictionnelle. Comment doit faire le juge pour prendre une décision sans connaître la situation du débiteur ?

Sans doute nos débats n'auraient-ils pas été les mêmes si nous avions étudié les articles juste après la discussion générale : certaines interventions n'auraient peut-être pas été réalisées cet après-midi... Mais je ne veux pas passer pour celui qui veut à toute force aggraver la situation des débiteurs ! D'ailleurs, ceux qui n'ont pas les moyens ne feront pas l'objet de recouvrement.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°24 rectifié ter est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 310
Nombre de suffrages exprimés 309
Majorité absolue des suffrages exprimés 155
Pour l'adoption 133
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article premier est adopté.

Article 2

La seconde phrase du deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Ils peuvent, commis par justice ou à la requête de particuliers, effectuer des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter. Sauf en matière pénale où elles ont valeur de simples renseignements, ces constatations font foi jusqu'à preuve contraire. »

M. Jean Louis Masson.  - Cet article, qui renforce la portée des actes d'huissiers, peut répondre à l'objectif de simplification de la vie juridique et administrative. Je reste cependant perplexe sur sa portée en matière pénale. Voir un huissier débarquer chez soi est toujours déstabilisant : il ne me paraît pas opportun d'interdire toute observation a posteriori à une personne qui peut fort bien, sur le moment, avoir perdu ses moyens.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Je n'ai aucun compte à régler avec les huissiers...

M. Bernard Piras.  - Ça va venir...

M. Jacques Mézard.  - ... qui ne m'ont jamais saisi, dans tous les sens du terme. L'amendement que je vous propose est simplement protecteur. L'article 2 prévoit que, sauf en matière pénale, les constats d'huissier font foi jusqu'à preuve du contraire, que l'huissier ait été commis par voie de justice ou par un simple particulier : c'est là que le bât blesse, car on ne peut exclure le risque de déséquilibre entre les parties. Imaginez le cas où ce particulier serait une compagnie d'assurance... Tout procès-verbal de constat sert à fortifier une future action en justice. Le citoyen ordinaire peut avoir les plus grandes difficultés à faire tomber par une preuve contraire la preuve établie par quelqu'un qui, sans avoir nécessairement raison, aura peut-être simplement eu les moyens d'être mieux conseillé.

J'ajoute qu'au cours de ma carrière, j'ai souvent vu deux constats dressés par deux huissiers d'une même étude pour deux parties adverses. Qui arbitrera entre ces deux actes faisant foi ? Le juge, nous dit la commission... J'observe qu'il y a des cas où il ne faut surtout pas qu'il arbitre, d'autres où c'est le contraire...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet article a retenu toute l'attention de la commission. Il fallait en effet tenir compte de la fragilité des personnes qui se trouvent confrontée, chez eux, à un huissier. C'est pourquoi nous avons décidé -et M. Béteille n'y a pas vu d'objection majeure- de supprimer sa dernière phrase, qui interdit toute observation a posteriori. Vous proposez ici de remettre en cause tout l'article : la commission y est défavorable. Il est logique qu'un constat dressé par un officier ministériel ait une plus grande force probante. Les magistrats reconnaissent qu'ils font systématiquement crédit aux constats d'huissiers. Je rappelle cependant qu'ils ne valent que jusqu'à preuve du contraire et que les dispositions prévues par cet article ne s'appliquent pas, monsieur Masson, en matière pénale.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ils n'ont valeur en effet, en ce domaine, que de simple renseignement. Reste qu'en pratique, les constats d'huissier ont force probante, jusqu'à preuve du contraire : il ne s'agit que de reconnaître en droit ce qui existe en fait. Défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je voterai cet amendement essentiel. Le saut qualitatif est immense entre la situation actuelle et ces dispositions nouvelles, qui donnent force probante au constat. Qu'est-ce, par exemple, qu'un constat d'adultère, comme il s'en fait tous les jours ? L'huissier débarque au petit matin, réveille tout le monde et fait des constatations. Vous connaissez tous ces constats : deux brosses à dents dans la salle de bains, matelas incurvé... (Exclamations scandalisées sur plusieurs bancs) L'huissier demande ensuite aux présents ce qu'ils en pensent : bien entendu, ils n'en pensent rien. Ces constatations font foi jusqu'à la preuve contraire : où est-elle ?

M. Charles Gautier.  - Dans le placard ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Michel.  - Une remarque, pour finir. J'observe que nous avons passé plus d'une demi-heure sur le sous-amendement et l'amendement précédents. Qui, au moment de la Conférence des Présidents, l'eût imaginé ? Travaux pratiques pour nos débats à venir sur le « crédit-temps »... (On apprécie à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Ce qui donne force probante au constat, ce n'est pas la qualité d'huissier. Je n'ai rien contre cette profession.

Je ne suis pas rancunière... (Sourires) La force probante du constat tient à ce qu'il est contradictoire et qu'il ne s'agit pas simplement d'une pièce supplémentaire payée par une partie comme un employeur paierait un médecin pour faire contrôler les arrêts maladie. Je soutiens donc l'amendement.

L'amendement n°25 rectifié bis est adopté ; l'article 2 est supprimé.

L'article 3 est adopté.

Article 4

I. - L'article 39 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est ainsi rédigé :

« Art. 39. - Sous réserve des dispositions de l'article 6 de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, les administrations de l'État, des régions, des départements et des communes, les entreprises concédées ou contrôlées par l'État, les régions, les départements et les communes, les établissements ou organismes de toute nature soumis au contrôle de l'autorité administrative doivent communiquer à l'huissier de justice chargé de l'exécution, porteur d'un titre exécutoire, les renseignements qu'ils détiennent permettant de déterminer l'adresse du débiteur, l'identité et l'adresse de son employeur ou de tout tiers débiteur ou dépositaire de sommes liquides ou exigibles, à l'exclusion de tout autre renseignement, sans pouvoir opposer le secret professionnel.

« Les établissements habilités par la loi à tenir des comptes de dépôt doivent indiquer à l'huissier de justice chargé de l'exécution, porteur d'un titre exécutoire, si un ou plusieurs comptes, comptes joints ou fusionnés sont ouverts au nom du débiteur ainsi que le ou les lieux où sont tenus le ou les comptes, à l'exclusion de tout autre renseignement, sans que ces établissements puissent opposer le secret professionnel. »

II. - L'article 7 de la loi n° 73-5 du 2 janvier 1973 relative au paiement direct de la pension alimentaire et l'article 40 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée sont abrogés.

III. - Le troisième alinéa de l'article 51 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 précitée est supprimé.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Simon Sutour.  - Les articles 39 à 41 autorisent les huissiers de justice porteurs d'un titre exécutoire et d'un relevé sincère de recherches infructueuses à solliciter le procureur de la République pour qu'il interroge les administrations et organes publics sur l'adresse du débiteur et l'intitulé des comptes ouverts à son nom, ce qui est cohérent avec l'article 11 de cette loi. Avec la proposition, l'huissier porteur d'un titre exécutoire pourrait s'adresser directement aux tiers. Comme nous craignons des abus, nous voulons maintenir le filtre du procureur de la République.

M. le président.  - Amendement identique n°28, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - J'ai dit dans la discussion générale mon désaccord avec cet article. Le filtre du procureur de la République assure le respect de la vie privée et n'a connu jusqu'à aujourd'hui qu'une exception pour le recouvrement des pensions alimentaires.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - L'objet du texte est d'améliorer l'exécution des décisions de justice, conformément aux recommandations de la Cour européenne des droits de l'homme. Mme Borvo Cohen-Seat a pris l'exemple des pensions alimentaires, qui ne posent aucun problème. En fait, le procureur de la République ne regarde pas les demandes des huissiers, c'est le greffier qui se contente d'y apposer une griffe. Il est légitime de supprimer un filtre fictif et qui n'est prévu que pour certains renseignements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'objet du texte est d'améliorer l'exécution des décisions de justice. Le système qu'il propose a prouvé son efficacité pour les pensions alimentaires. Pour les autres affaires, l'huissier est obligé de saisir le procureur de la République qui donne suite quasi systématiquement. Allégeons les tâches des magistrats et pensons à l'impunité des débiteurs de créanciers modestes agissant pour recouvrer des loyers impayés ou une facture. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je rejoins le rapporteur et la ministre sur la nécessité de faire exécuter les décisions de justice. On a pris l'exemple des pensions alimentaires non versées à des femmes abandonnées mais il s'agit ici de tout le reste et j'aurais aimé savoir si les associations d'élus, et notamment l'AMF et l'Association des maires ruraux, ont été consultées. Les réactions que nous avons entendues, tant en commission que dans les couloirs, ont en effet été totalement hostiles à cette mesure parce que ce sont les maires qui seront exposés aux réactions, parfois violentes, des intéressés. Alors qu'ils peuvent aujourd'hui exciper d'une demande d'un tribunal, même si elle émane du greffier, comment expliqueront-ils qu'ils ont répondu à un huissier ?

C'est un pas supplémentaire vers la privatisation de la justice !

M. Laurent Béteille.  - Permettez au président d'une association de maires de rappeler que le maire agit alors pour appliquer une décision de justice ! Encore une fois, le système marche très bien dans certains domaines : pourquoi ne marcherait-il pas ailleurs ?

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Il s'agit en effet, non de satisfaire au bon plaisir d'un huissier, mais de faire exécuter une décision de justice rendue au nom du peuple français. Ne déformons pas les intentions du texte.

Les amendements identiques n°s2 et 28 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

Les articles 5 à 11 sont successivement adoptés.

Article 12

Le deuxième alinéa de l'article 1er de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les huissiers de justice peuvent également accomplir les mesures conservatoires après l'ouverture d'une succession, dans les conditions prévues par le code de procédure civile. »

M. Jean-Pierre Michel.  - J'aimerais rappeler que les officiers de justice que sont les huissiers de justice peuvent être en même temps agents d'assurance. Des notaires, eux, exercent aussi des activités purement libérales, d'où des conflits d'intérêt pour ces huissiers qui assurent une maison dans laquelle ils viennent instrumenter. Il faut remettre un peu de clarté et de discipline dans ces professions.

L'article 12 est adopté, ainsi que les articles 13 à 22.

Article 23

Le code civil est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article 348-3, les mots : « devant le greffier en chef du tribunal d'instance du domicile ou de la résidence de la personne qui consent, ou » sont supprimés ;

2° Le dernier alinéa de l'article 345 est complété par deux phrases ainsi rédigées :

« Ce consentement est donné selon les formes prévues au premier alinéa de l'article 348-3. Il peut être rétracté à tout moment jusqu'au prononcé de l'adoption. » ;

3° A l'article 361, après les mots : « des articles 343 à 344 », sont insérés les mots : « du dernier alinéa de l'article 345 ».

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Faisant écho à la recommandation n°37 de la commission Guinchard, l'article 23 décharge les greffiers de la procédure de consentement à l'adoption. Sans doute ces derniers se bornaient-ils à vérifier le consentement certain des personnes sans porter aucune appréciation sur le fond ; sans doute aussi l'acte notarié ne coûtera-t-il que 25,55 euros. Cette déjudiciarisation n'est cependant pas anodine : sur le plan des principes, l'accès au service public de la justice est égal, libre et gratuit ; que la procédure devienne payante est contraire à l'idée qu'on peut se faire de la justice.

Enfin, rien ne garantit que le tarif n'augmente pas à l'avenir.

Cessons de penser que la modernisation du droit implique le transfert des procédures des tribunaux vers les cabinets de notaires !

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Charasse, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Vall et Vendasi.

Supprimer le 1° de cet article.

M. Jacques Mézard.  - Cet amendement a le même objet que le précédent : nous nous opposons à la déjudiciarisation des procédures. Je doute d'ailleurs que les notaires réclament ce surplus d'activité : ils prennent déjà beaucoup de retard dans l'enregistrement des actes qui leur sont confiés, notamment ceux qui concernent les collectivités territoriales.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - La commission avait deux cas à examiner. En ce qui concerne le recueil du consentement à la procréation médicalement assistée, elle n'a pas voulu en conférer au notaire la compétence exclusive, contrairement à ce qui était prévu dans le texte initial, car de nombreux couples souhaitent aller devant le juge. D'ailleurs les conséquences de ce consentement sont irréversibles.

En revanche, la commission a estimé souhaitable de confier au notaire, et non plus aux greffiers en chef des tribunaux d'instance, la charge de recueillir le consentement à l'adoption. La solennité de la procédure était déjà moindre, puisque le greffier n'est pas un magistrat, et son coût est modique : 25,55 euros. La plupart des couples vont d'ailleurs directement chez le notaire. Ce consentement est réversible, puisque le père et la mère ont deux mois pour se rétracter, et que dorénavant le consentement personnel de l'adopté de plus de 13 ans sera requis et pourra être rétracté jusqu'au prononcé de l'adoption.

Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Aujourd'hui le recueil du consentement à l'adoption est une compétence partagée entre le greffe du tribunal d'instance, les services de l'assistance sociale pour l'enfance et les notaires. La proposition de loi tend à décharger les tribunaux de cette tâche ; en revanche, pour les enfants confiés à l'aide sociale, cette dernière continuera à recueillir les consentements. Ce dispositif nous paraît raisonnable : le greffier n'est pas un magistrat, et le notaire est compétent pour authentifier le consentement.

Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je voterai ces amendements : M. Mézard a justement dénoncé la déjudiciarisation des procédures, que j'appellerai plutôt une privatisation du service public de la justice.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Les notaires sont des officiers publics !

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'amendement n°26 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 23 est adopté, ainsi que les articles 24 à 26.

L'amendement n°27 rectifié bis, portant article additionnel après l'article 26, est retiré.

Les articles 27 à 30 sont adoptés.

Article 31

I. - Après le titre XVI du livre troisième du code civil, il est inséré un titre XVII ainsi rédigé :

« Titre XVII

« De la convention de procédure participative

« Art. 2062. - La convention de procédure participative est une convention par laquelle les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend.

« Cette convention est conclue pour une durée déterminée.

« Art. 2063. - La convention de procédure participative est, à peine de nullité, contenue dans un écrit qui précise :

« 1°) son terme ;

« 2°) l'objet du différend ;

« 3°) les pièces et informations nécessaires à la résolution du différend et les modalités de leur échange.

« Art. 2064. - Toute personne, assistée de son avocat, peut conclure une convention de procédure participative sur les droits dont elle a la libre disposition ; en conséquence, les questions relatives à l'état et à la capacité des personnes ne peuvent faire l'objet d'une telle convention.

« Art. 2065. - Tant qu'elle est en cours, la convention de procédure participative rend irrecevable tout recours au juge pour voir trancher le litige. Toutefois, l'inexécution de la convention par l'une des parties autorise la partie qui s'en prévaut à saisir le juge pour qu'il statue sur le litige.

« En cas d'urgence, la convention ne fait pas obstacle à ce que des mesures provisoires ou conservatoires soient demandées par les parties.

« Art. 2066. - Les parties qui, au terme de la procédure participative, parviennent à un accord réglant en tout ou partie leur différend peuvent soumettre cet accord à l'homologation du juge.

« Lorsque, faute de parvenir à un accord au terme de la convention, les parties soumettent leur litige au juge, elles sont dispensées du préalable de conciliation ou de médiation le cas échéant prévu.

« Art. 2067. - La procédure participative est régie par les dispositions du code de procédure civile. »

II. - L'article 2238 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative. » ;

2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« En cas de procédure participative, le délai de prescription recommence à courir à compter du terme de la convention, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois. »

III. - L'article 4 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister une partie dans une procédure participative prévue par le code civil. »

IV. - La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifiée :

1° Le deuxième alinéa de l'article 10 est ainsi rédigé :

« Elle peut être accordée pour tout ou partie de l'instance ainsi qu'en de vue de parvenir, avant l'introduction de l'instance, à une transaction ou à un accord conclu dans le cadre d'une procédure participative. » ;

2° L'article 39 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités de rétribution des auxiliaires de justice prévues par les alinéas précédents en matière de transaction s'appliquent également en cas de procédure participative, dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État. ».

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Simon Sutour.  - La commission a ajouté à la proposition de loi la création d'une procédure participative de négociation assistée par avocat. Actuellement les parties qui souhaitent régler un litige à l'amiable disposent de la conciliation et de la médiation. En cas d'échec, la procédure judiciaire est conduite comme s'il n'y avait eu aucun échange préalable.

La commission sur la répartition des contentieux a proposé l'instauration d'une procédure participative, « en raison du rôle actif des parties à la résolution de leur différend, prenant la forme d'une convention par laquelle les parties à un différend s'engagent à oeuvrer conjointement et de bonne foi à sa résolution négociée ». Nous ne sommes pas hostiles par principe à cette réforme, mais nous en contestons la méthode : la nouvelle procédure aurait dû être introduite par le biais d'un projet ou d'une proposition de loi spécifique, afin que nous puissions entendre les parties concernées et réfléchir aux modifications souhaitables.

M. le président.  - Amendement identique n°30, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La création d'une procédure participative de négociation assistée par avocat pose des problèmes de fond et de méthode. La commission Guinchard a suggéré d'introduire en droit français une procédure participative inspirée du droit collaboratif nord-américain ; cette proposition s'inscrivait dans un ensemble cohérent auquel porte atteinte le morcellement du rapport.

Cette disposition, qui n'était pas prévue dans le texte initial de la proposition de loi, a été introduite à la dernière minute lors d'une réunion en commission. On a élaboré à la hâte un dispositif qui ne reprend même pas les suggestions du rapport Guinchard : il n'est pas prévu que l'accord constatant le règlement consensuel du litige puisse être homologué par le juge compétent dans le cadre d'une procédure gracieuse et ainsi doté de la force exécutoire ; en cas d'accord partiel, les parties ne pourront saisir le juge en se contentant de remettre au greffe ce document afin d'homologuer les points d'accord et de faire statuer sur les seuls points restant en désaccord. Enfin le champ social est exclu de cette procédure, qui interdit le recours à la médiation et à la conciliation, et au cours de laquelle les parties devront être représentées par des avocats, ce qui exclut les défenseurs syndicaux.

Cette procédure pose problème par sa nature même : elle sera coûteuse en raison des frais de conseil des avocats. La commission Guinchard soulignait que les parties qui n'aboutiraient pas à une solution négociée n'auraient plus les moyens financiers de se lancer dans une procédure judiciaire. C'est là une des nombreuses critiques que l'on peut adresser à l'encontre de la procédure anglo-saxonne qui ne permet pas aux parties adverses d'exercer leurs droits de justiciables à armes égales.

Il n'est pas sérieux d'introduire une procédure qui bouleverse le règlement amiable des conflits dans de telles conditions. Nous demandons donc la suppression de cet article, afin de nous donner le temps de la réflexion.

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Cet article est le fruit de longues réflexions menées tant par la commission des lois que par les professionnels du droit et la commission Guinchard : nul ne peut dire qu'il est pris au dépourvu. Il s'agit d'un texte consensuel, qui comporte de nombreux garde-fous : la procédure participative sera évidemment facultative, les litiges portant sur l'état et la capacité des personnes en sont exclus, les parties pourront faire homologuer leur accord par un juge, et si elles ne parviennent pas à un accord ou seulement à un accord partiel, la procédure judiciaire sera tout de même allégée puisque l'échange des pièces et des arguments aura déjà eu lieu.

Si vous voulez interdire aux parlementaires de faire des réformes par le biais de propositions de lois ou de travaux en commission, dites-le ! La navette permettra d'améliorer ce texte si nécessaire, encore qu'il ne me semble pas qu'il y ait grand-chose à y ajouter : il résulte d'une mûre réflexion.

Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cette procédure permet d'apaiser les tensions dans certains conflits. Elle est moderne et efficace : mieux expliquées, les décisions sont aussi mieux acceptées. La présence des avocats garantit en outre l'encadrement nécessaire. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Contrairement à ce que vous avancez, monsieur le rapporteur, je serai le dernier à penser que des parlementaires ne peuvent, par une proposition de loi, présenter un texte important. Je l'ai moi-même fait dans une autre enceinte et vos amis me l'ont reproché !

Le texte présenté en commission des lois posait certains problèmes, dont l'inclusion du droit des personnes dans le cadre de la procédure participative. Or il s'agit d'un droit public : comment procéder, sans juge, pour un désaveu ou une recherche de paternité ? Heureusement, le rapporteur a exclu ce domaine du dispositif.

Ensuite, je ne comprends pas pourquoi cette procédure conviendrait aux petits litiges. Pour ces cas, il est déjà possible de recourir à la médiation ou à la conciliation, rendues possibles par la loi-cadre présentée par M. Méhaignerie, et qui ne nécessitent ni tribunal ni avocat.

Enfin, qui pourra rétribuer les avocats chargés de ces dossiers ? Certainement les milieux d'affaires, déjà assistés de professionnels rémunérés par les sociétés. Ainsi, de gros contentieux échapperont à la justice civile. Nous allons vers la privatisation totale de cette dernière, préconisée par les auteurs du rapport Guinchard comme par ceux qui soutiennent ce texte. Nous nous y opposons énergiquement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Quelle curieuse conception de la justice !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Monsieur Michel, vous êtes très habile, mais je ne pense pas que nos collègues se laisseront abuser par vos propos... Toutefois, il est important de préciser que la procédure participative ne s'appliquera pas en matière pénale, mais seulement pour le droit civil.

M. Jean-Pierre Michel.  - Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit !

M. François Zocchetto.  - Certes, le texte a été modifié en commission, mais plutôt pour le compléter. Il n'a jamais été question d'inclure les affaires de filiation dans la procédure participative. Le texte d'origine prévoyait que celle-ci s'applique pour les droits dont la personne a la libre disposition. Nous avons ajouté qu'« en conséquence, les questions relatives à l'état et à la capacité des personnes ne peuvent faire l'objet d'une telle convention ». Il s'agit d'une précision, non d'une transformation de l'idée initiale.

M. Simon Sutour.  - La réponse du rapporteur indique que l'intervention de Jean-Pierre Michel a porté...

Sur la forme, nous sommes partis d'une proposition de loi comportant 26 articles pour arriver, après passage en commission, à plus de 50 articles ! Si certains d'entre eux sont consensuels, des dispositions importantes ont été ainsi introduites concernant la création d'une procédure participative et la fusion des professions d'avocat et de conseil en propriété intellectuelle. Je ne reprendrai pas le terme d'un de nos collègues en commission, qui parlait d'un travail bâclé, mais en tout cas ce n'est pas un travail législatif sérieux.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je ne partage pas cet avis. Le travail effectué en commission des lois, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest, est d'excellente qualité !

Le principal intérêt présenté par cette procédure réside dans la maîtrise du temps et du coût, même en cas d'échec. D'autre part, elle est efficace en ce qu'elle permet de réduire la durée du procès. Ce dernier est décentré pour débuter sous la responsabilité des parties et des avocats, avant la saisine du juge. Les auxiliaires de justice peuvent échanger tous les documents de travail en amont, ce qui réduit le nombre d'interventions en juridiction. C'est un avantage dont ne disposent pas les autres modes de règlement alternatif des conflits.

Ces dispositions constituent une occasion formidable pour une évolution profonde de la profession d'avocat, qui pourra jouer un rôle d'impulsion pour la recherche de solutions amiables. Cela serait tout à fait satisfaisant.

M. Jacques Mézard.  - Sur la forme, je ne suis pas trop favorable à la méthode.

Sur le fond je doute que cela concerne vraiment les petits litiges : cette procédure n'aura du succès que si l'aide juridictionnelle est supérieure à celle accordée dans le cadre d'un procès. Cela peut donc varier selon la taille du barreau.

D'autre part, la transaction et la négociation existent déjà, dans le code civil, aux articles 2040 et suivants. Depuis toujours, les avocats préparent des transactions afin d'aboutir à des solutions amiables. Quant aux petits litiges, ils peuvent être tranchés par le juge de proximité, dans le cadre du tribunal d'instance.

Mme Nathalie Goulet.  - Quand il en reste !

M. Jacques Mézard.  - L'audience de conciliation est particulièrement adaptée aux petits litiges, mais elle a été dévoyée faute de temps et de moyens en personnel.

La procédure participative est certes intéressante pour la profession d'avocat, que j'ai souvent représentée, mais elle aboutirait à transférer des dossiers importants du palais de justice à l'extérieur. Cela ne constituerait pas une avancée pour notre droit.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je ne répéterai pas ce que vient de dire excellemment notre collègue. Sans parler de la forme ni de la façon dont ce texte a « enflé », effectivement les procédures de règlement à l'amiable existent déjà. Ce texte nous propose un règlement privé des conflits tel qu'il se pratique aux États-Unis, notamment, quand des montants importants sont en jeu. Il peut convenir lorsque les deux parties sont de force égale, sinon le plus faible perdra. Qu'en serait-il si l'une disposait d'un gros cabinet d'avocats, et l'autre de l'aide juridictionnelle -d'autant que ces procédures peuvent durer ? Ces inégalités sont modérées devant les tribunaux, nous devons faire confiance aux juges pour cela.

On ne peut introduire, au détour d'une proposition de loi, un mode de règlement privé des conflits. Nous nous opposons à un tel abandon du service public et à la privatisation de la justice.

M. Jean-Pierre Michel.  - Cette procédure participative ne vise pas les justiciables concernés par l'aide juridictionnelle, elle portera sur les gros litiges d'affaires ou commerciaux et seuls ceux qui ont assez d'argent pour payer un avocat y auront recours. Mme la garde des sceaux envisage, nous dit-elle, une réforme globale de la procédure pénale. Très bien ! Mais la procédure civile mériterait, elle aussi, une révision globale. En réalité par petites touches vous voulez démanteler le service public de la justice. Vous voulez la privatiser, comme vous le faites de l'éducation nationale ou de l'hôpital ! (Protestations à droite) Je vois que cela vous gêne !

L'amendement n°3, identique au n°30, n'est pas adopté.

L'article 31 est adopté.

Article 32

Le I de l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques est ainsi modifié :

1° A la première phrase du premier alinéa, les mots : « et de conseil juridique » sont remplacés par les mots : «, de conseil juridique et de conseil en propriété industrielle » ;

2° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les personnes inscrites sur la liste des conseils en propriété industrielle prévue à l'article L. 422-1 du code de la propriété intellectuelle, à la date d'entrée en vigueur de la loi n° ... du ..., sont inscrites, avec effet à la date d'inscription sur cette liste, au tableau du barreau établi près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve leur lieu d'exercice professionnel ou leur siège social, avec la mention de spécialisation prévue en matière de propriété intellectuelle par les dispositions prises pour l'application du 10° de l'article 53. » ;

3° Au deuxième alinéa, les mots : « et de conseil juridique » sont remplacés par les mots : «, de conseil juridique et de conseil en propriété industrielle, » ;

4° Au quatrième alinéa, après les mots : « fonctions d'avocat », sont insérés les mots : «, du titre de mandataire agréé en brevet européen ou auprès de l'office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) ».

M. Richard Yung.  - L'article 31 et les suivants traitent de la disparition en rase campagne de la profession de conseil en propriété industrielle, par sa fusion-absorption avec celle d'avocat. Nous nous opposons à l'introduction de ce cavalier -et même de ce régiment de cavalerie !- dans cette proposition de loi. Pour des raisons de forme d'abord : le débat sur la profession d'avocat est loin d'être arrivé à son terme. On nous dit que les deux professions sont d'accord ? Mais le Medef, la CGPME, le Conseil supérieur de la propriété intellectuelle sont contre cette fusion ! Et la commission Darrois, dont fait partie le rapporteur, n'a pas encore déposé ses conclusions. Le Figaro nous apprend qu'elle est hostile à la fusion et prône l'interprofessionalité. Et les plus grands barreaux, ceux de Paris, de Lyon et, je crois, de Marseille y sont opposés !

Sur le fond, cette fusion serait-elle utile à notre politique de recherche et d'innovation ? Les deux métiers sont très différents ! Le conseil en brevets conseille le chef d'entreprise dans la mise au point de son invention et il l'aide à l'intégrer dans sa stratégie commerciale. Il peut le faire parce que c'est un technicien, un ingénieur. Mais l'avocat est un juriste, il ne s'occupe que des procédures et des règles. Nulle part ailleurs ces deux professions ne sont fusionnées. En Allemagne l'interprofessionalité ne connaît pas grand succès et seuls deux ou trois cabinets la pratiquent. Faire disparaître les conseils en propriété industrielle, c'est porter un mauvais coup aux PME dont on répète sans cesse qu'elles sont la clé de la croissance. Nous demandons la suppression des articles 31 et suivants.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Sutour et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Simon Sutour.  - Il résulte du décret du 25 novembre 1991 que la profession d'avocat -50 000 personnes- est incompatible avec celle de conseil en propriété industrielle -680 personnes. Les services d'un tel conseil incluent des consultations juridiques et la rédaction d'actes sous seing privé. On ne peut exercer que l'une ou l'autre des professions et un cabinet ne peut accueillir les deux, alors qu'elles oeuvrent, l'une et l'autre, dans les mêmes domaines. Bien que le métier des conseillers en propriété industrielle soit devenu juridique, il leur est interdit de plaider.

Si nous ne sommes a priori pas opposés à cette fusion, nous souhaitons qu'elle se fasse dans le cadre d'un projet de loi ou d'une proposition de loi afin d'en permettre un examen approfondi. Ces conditions n'étant pas remplies, nous demandons la suppression de cet article et des suivants. La discussion ayant été interrompue il y a trois semaines nous avons été entre-temps assaillis de courriers des uns et des autres, montrant que le consensus est loin d'être acquis.

M. le président.  - Amendement identique n°31, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La commission Darrois n'a pas encore rendu son rapport, des organisations professionnelles ne sont pas d'accord, non plus que les barreaux de Paris et de Lyon, les plus concernés par cette affaire. On est loin du consensus. Le rapporteur, membre de la commission Darrois, aurait pu attendre ses résultats. Quelque chose ne va pas dans les pratiques de la commission...

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le sujet n'est pas nouveau, ces dispositions législatives étaient prévues depuis longtemps et le Gouvernement était même tenté de recourir aux ordonnances après avoir consulté toutes les parties.

M. Simon Sutour.  - Cela aurait été mieux que de nous faire perdre notre temps !

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Non, je préfère en discuter en séance.

Je préfère cela à une ordonnance que l'on nous présenterait pour ratification. Cette fusion est demandée par les deux professions. Le Conseil national des barreaux s'est exprimé clairement en sa faveur, la Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle également -et depuis longtemps. Il ne subsiste en France que 600 conseils en propriété industrielle et, alors que le nombre de brevets et de marques déposés en Grande-Bretagne ou en Allemagne augmente, chez nous, la propriété industrielle est en voie de disparition ! Il y a urgence.

Je comprends bien qu'un ou deux ou quelques cabinets seront contraints de se réorganiser. Ils ont multiplié les interventions, j'ai moi aussi reçu de volumineux courriers, émanant d'une association d'avocats mais non signés -je ne sais toujours pas de quel cabinet ils proviennent.

Nous tenons à inscrire de façon détaillée ces dispositions dans la loi -la navette sera l'occasion de modifications si nécessaire. Les entreprises pourront toujours être représentées par leurs propres salariés ; les avocats et anciens conseils en propriété industrielle auront une mention de spécialisation et seront représentés comme tels au sein des barreaux.

Je fais partie de la commission Darrois mais je n'ai pas autorité pour parler en son nom. Mais je précise que les éventuelles modifications de la procédure d'instruction, qui ne sont pas sans incidence sur la profession d'avocat, encore moins sur l'aide juridictionnelle, ont conduit la commission Darrois à demander un mois supplémentaire pour parfaire ses réflexions. Elle sera cependant très favorable à la fusion -je ne vous livre pas un scoop !

C'est qu'il y a urgence. Et je suis très surpris de ces débats, car la mesure me paraissait consensuelle. Je ne sous-estime pas l'obligation d'adaptation dans laquelle seront placés quelques cabinets. Mais ce sont de très gros cabinets et les transformations en leur sein ne toucheront que quelques praticiens. Si cette mesure de fusion avait été prise par ordonnance, vous auriez été en droit de protester. Dans le cadre d'une proposition de loi, je ne le comprends pas. Défavorable.

M. Simon Sutour.  - On entend dans cet hémicycle des choses singulières ! La commission reconnaît que certains sujets importants auraient justifié des projets ou propositions de loi spécifiques. Mais vous nous dites qu'il faut opérer la fusion des deux professions dans ce texte parce que le Gouvernement allait le faire par ordonnance. C'est spécieux ! Le rapporteur, du reste, n'est pas très à l'aise quant à la manière dont nous travaillons ; il avoue que la rédaction n'est pas parfaite, que l'accord n'est pas général : mais ce n'est pas grave, parce que nous sommes en première lecture...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je partage totalement les propos de votre rapporteur. Défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - S'il existe un lieu pour le débat, c'est bien ici ! Je souligne que la mesure a été présentée une première fois sous forme d'ordonnance. Nous avions alors estimé que la concertation n'avait pas été suffisante...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est vrai.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - ... et nous voulions savoir ce que les professionnels en pensaient. Aujourd'hui, nous savons que certaines associations y sont hostiles et j'ai reçu des appels téléphoniques de personnes que j'apprécie beaucoup. Mais nous ne défendons pas tel ou tel cabinet, nous faisons la loi pour tous. C'est l'avenir des brevets qui se joue ici. S'opposer à la fusion, voilà sûrement le meilleur moyen d'aggraver la situation actuelle, peu brillante.

M. Richard Yung.  - L'industrie est contre !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Mais non !

M. Simon Sutour.  - Mais si ! Les patrons et industriels le disent !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Quand vous écoutez le Medef, et plus encore l'Afep, je suis ravi !

M. Simon Sutour.  - Je n'ai pas parlé du Medef.

M. Richard Yung.  - Monsieur le président de la commission, c'est vous qui devriez défendre le Medef.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je défends l'intérêt général et l'initiative parlementaire ! Le rapporteur a reçu le soutien de la majorité de la commission et je ne vois pas au nom de quoi nous ne serions pas autorisés à légiférer sur cette question.

Dans ma vie déjà longue de parlementaire, j'ai eu l'occasion d'assister à la fusion des professions d'avocats et de conseils juridiques. Les problèmes étaient autrement sérieux et pourtant, le Parlement a contraint les uns et les autres à se moderniser. Au cas présent, les organisations représentatives approuvent la réforme et il faut contraindre les quelques récalcitrants à s'adapter, car la propriété industrielle en France est en péril.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Je suis Sénateur de Paris et les cabinets qui m'ont saisi sont beaucoup plus nombreux que « un ou deux » ! Le rapporteur écrit aussi que le rapprochement est approuvé « par une très large majorité » des membres de la profession. Il aurait dû être un peu plus précis. Paris compte 19 700 avocats, je m'intéresse donc au problème. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, s'indigne) C'est un peu plus que les 67 avocats de Laval, monsieur le rapporteur, ou les 118 avocats de Melun, monsieur le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Comment pouvez-vous dire des choses pareilles ? C'est une honte ! Je représente l'ensemble de la Nation !

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Quoi qu'il en soit, sur les 657 conseils en propriété industrielle, 52 % seulement ont approuvé la fusion, nous sommes loin d'une « très large majorité ». La réforme touche essentiellement Paris, Lyon et Marseille. Le Conseil de l'ordre à Paris, qui regroupe la moitié environ des avocats français, vous a saisi. Son président, qui est également vice-président du Conseil national des barreaux, vous a indiqué que le Conseil de Paris acceptait l'idée d'une grande profession du droit, comprenant, outre les avocats, les avoués, les notaires, les administrateurs judiciaires, voire les conseils en propriété industrielle. Il n'a jamais dit qu'il souhaitait une profession d'avocat-conseil en propriété industrielle ! La représentation nationale doit être correctement informée : je suis membre de la majorité et j'aurais aimé avoir ces éléments, j'ai dû les chercher par moi-même, ils ne se trouvent pas dans le rapport.

La commission Darrois n'a pas achevé ses travaux. Si j'étais M. Darrois, je donnerais ma démission ! Enfin, je veux attirer votre attention sur le fait que les avocats de Paris, du fait de leurs spécialisations, reçoivent de plein fouet la crise.

Cela va se traduire par des faillites de cabinets et des dégraissages extraordinaires. Et, en plus, vous voulez leur imposer cette fusion ! Je voterai donc cette proposition de loi mais pas cet article car il est trop tôt pour mettre cette réforme en oeuvre. Attendons les conclusions de la commission Darrois. (Mme Bariza Khiari applaudit)

M. François Zocchetto, rapporteur.  - Le Conseil national des barreaux s'est prononcé à une majorité de 75 % en faveur de cette réforme.

M. Simon Sutour.  - Nous voterons ces amendements, non pas que nous soyons opposés a priori à cette réforme, mais parce qu'on nous demande de mal travailler. La proposition de loi de notre collègue Béteille comprenait 26 articles. La commission en a ajouté 24 autres, dont la convention participative, ce qui n'est pas rien. Maintenant, on nous propose cette fusion en disant que la commission y a travaillé depuis de nombreuses années. Il n'empêche que la commission Darrois n'a pas rendu ses conclusions, alors qu'elle aurait pu le faire, car le Président de la République lui a demandé de se pencher sur d'autres sujets.

Notre collègue Pozzo di Borgo, qui n'est pas suspect...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Suspect de quoi ?

M. Simon Sutour.  - Suspect de rien, si ce n'est de faire son travail de parlementaire ! Or il nous a démontré qu'il n'y avait pas de consensus, comme M. le rapporteur a voulu nous le faire croire.

Nous demandons simplement de pouvoir faire correctement notre travail de parlementaires, en prenant le temps de bien réfléchir et de procéder à des auditions pour rédiger un texte sérieux.

Le Sénat gagnerait à accepter notre proposition, ce qui nous permettrait de travailler en toute sérénité. Notre rapporteur nous dit que ce n'est pas grave si le texte qu'il nous propose d'adopter n'est pas parfait, car la navette permettra de l'améliorer. Nous ne pouvons accepter cela.

M. Laurent Béteille.  - A plusieurs reprises, il a été rappelé, comme si c'était une tare, qu'on était passé de 26 à 50 articles. Je m'en réjouis car ces ajouts sont utiles. Certes, certains cabinets et certaines associations ont peur du changement, mais pour avoir reçu les représentants de ces deux professions, je puis vous affirmer qu'une forte majorité veut la fusion. C'est d'ailleurs le sens de l'histoire. Une telle évolution est d'ailleurs extrêmement importante si nous voulons défendre la place de notre droit en matière de propriété intellectuelle et industrielle par rapport aux droits et juridictions étrangers.

A la demande de la commission, les amendements identiques s4 et 31 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Le résultat du vote étant incertain, un pointage est nécessaire.

La séance, suspendue à 17 h 20, reprend à 17 h 45.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 309
Nombre de suffrages exprimés 307
Majorité absolue des suffrages exprimés 154
Pour l'adoption 153
Contre 154

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Simon Sutour.  - Vous avez eu chaud !

A la demande de la commission, l'article 32 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 340
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 199
Contre 141

Le Sénat a adopté. (Exclamations ironiques à gauche)

Les amendements de coordination n°s5 à 23 sont successivement retirés et les articles 33 à 50 successivement adoptés

Vote sur l'ensemble

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Cette proposition de loi contribue à rénover le fonctionnement du service public de la justice. Elle facilite la procédure, améliore l'exécution des décisions de justice, renforce les moyens des juridictions et des auxiliaires de justice. A l'initiative du rapporteur, M. Zocchetto, que je félicite au nom du groupe UMP, le Sénat a adopté deux réformes ambitieuses, celle de la procédure participative de négociation assistée par un avocat, qui doit éviter que ne soient portés en justice bien des différends, et celle qui organise la fusion de la profession d'avocat et de celle de conseil en propriété intellectuelle, qui renforcera la compétitivité de notre industrie, dynamisera sa recherche et créera en son sein une véritable culture de la propriété intellectuelle.

Ce texte franchit une nouvelle étape vers une justice plus moderne et plus proche des justiciables. La commission des lois a démontré sa volonté et sa capacité à améliorer l'efficacité de notre justice. Le groupe UMP adoptera ses conclusions sur la proposition de loi de M. Béteille, dont je salue l'initiative. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

M. Simon Sutour.  - Au terme d'un long débat, le malaise subsiste. La proposition de loi de M. Béteille, en doublant de volume, a changé de nature, puisqu'y ont été introduites des dispositions relatives à la procédure de participation, et à la fusion de la profession d'avocat et de celle de conseil en propriété intellectuelle, qui auraient dû faire l'objet de textes distincts.

Le rapporteur nous dit que tout cela n'est pas grave, puisque ces dispositions sont consensuelles et que les adopter ici permet de gagner du temps. Il ajoute, argument suprême, que le Gouvernement aurait légiféré par ordonnance. Mais en quoi est-il préférable que le Parlement légifère, si c'est sans changer une virgule ? Il nous dit que la profession est acquise à ces dispositions, que la commission Darrois allait au reste proposer. Je relève qu'on légifère avant même qu'elle ne l'ait fait... Que le texte reste approximatif ne pose pas non plus de problème puisque la navette pourra le parfaire ? Voter dans ces conditions un texte d'initiative parlementaire ne donne guère à notre travail une image de sérieux. M. Pozzo di Borgo l'a longuement démontré, ce texte est loin d'être parfaitement ficelé. Nous n'avons pas tranché sur le fond des deux dispositions qui y ont été introduites. Nous aurions souhaité, pour notre part, que l'on retravaille ces articles. Nous voterons donc, à regret, contre cette proposition de loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous avions dit d'emblée que nous voterions contre ce texte, pour des raisons de fond. La façon dont a été introduite la procédure participative ; le fait que l'on anticipe sur les conclusions de rapports non encore aboutis : autant de façons de faire préoccupantes, comme l'est la manière dont vous avez imposé, à l'arraché, la fusion des deux professions.

Que notre assemblée reste partagée est bien signe de malaise, que les raisons en soient de forme ou de fond. La majorité, c'est certes la moitié plus un, mais l'obtenir comme vous l'avez fait pose problème. Nous confirmons donc notre vote contre.

M. Richard Yung.  - Le débat et les votes ont montré que cette question de la fusion n'est pas si simple. C'est un mauvais coup pour les PME, auxquelles la profession de conseil en brevets est essentielle.

La mécanique mise en route va aboutir à la disparition de la partie ingénieur. Après cinq années d'études d'ingénieur, il faudrait aller deux ans à Strasbourg, puis suivre une spécialisation en droit de trois ou quatre ans, soit une dizaine d'années d'études. Mieux vaut devenir chirurgien orthopédiste ou radiologue. On n'aura finalement que des juristes et cela s'opèrera au détriment de l'innovation française, qui perdra des positions en Europe.

M. Laurent Béteille.  - Je remercie le Sénat, le rapporteur et le président de la commission des lois qui ont examiné et enrichi ma proposition de loi en validant sa démarche pour l'essentiel des articles. S'agissant de l'exécution des décisions de justice, je rappelle qu'elle fait partie d'un procès équitable, ainsi que l'a souligné la Cour européenne des droits de l'homme. Renforcer les procédures d'exécution améliore le dispositif.

Je regrette la méprise sur l'article 2, que le rapporteur avait fortement amélioré. Il était utile de préciser que les constats d'huissier font foi jusqu'à preuve du contraire et j'espère que nous aurons l'occasion d'y revenir. Nous avons fait oeuvre utile.

M. Jacques Mézard.  - En fonction de l'évolution des débats, la majorité de mon groupe ne votera pas ce texte. Sans revenir sur ce que j'ai dit sur plusieurs articles, je soulignerai simplement que nous nous opposons à ce processus de déjudiciarisation. Nous n'avons pas de position tranchée sur la profession de conseil en propriété industrielle, mais nous aurions préféré que le débat se poursuive. Enfin, je n'ai pas reçu de réponse satisfaisante aux réserves que j'ai émises sur la procédure participative.

A la demande de la commission, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 186
Contre 153

Le Sénat a adopté.